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Paris, Musée 26 janvier - 18 avril 1988

Ministère de la Culture et de la Communication Editions de la Réunion des musées nationaux Paris 1988 Cette exposition a été organisée par la Réunion des musées nationaux et le Musée Picasso.

Elle a bénéficié du soutien d'==^=~ =

L'exposition sera présentée également à Barcelone, , du 10 mai au 14 juillet 1988.

Couverture : Les Demoiselles d'Avignon, 1907 (détail), New York, The Museum of , acquis grâce au legs Lillie P. Bliss, 1939. e The Museum of Modern Art, New York, 1988.

ISBN 2-7118-2.160-9 (édition complète) ISBN 2-7118-2.176-5 (volume 1) @ Spadem, Paris, 1988. e Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1988. Commissaire Hélène Seckel conservateur au Musée Picasso 1 Citée dans le livre de François Chapon, Mystère et splendeurs de Jacques Doucet, Paris, J.-C. Lattès, 1984, p. 278. Ceci à propos du manuscrit de Charmes que possédait Jacques Doucet, dont il demande à Valéry quelques lignes propres à jeter sur cette oeuvre « des clartés authentiques ». 2 Christian Zervos, « Conversation avec Picasso », Cahiers d'art, tiré à part du vol. X, n° 7-10, 1936, p. 42. 3 Archives du MoMA, Alfred Barr Papers. 4 Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. « Le goût que nous avons pour les choses de l'esprit s'accompagne presque néces- sairement d'une curiosité passionnée des circonstances de leur formation. Plus nous chérissons quelque créature de l'art, plus nous désirons d'en connaître les ori- gines, les prémisses, et le berceau qui, malheureusement, n'est pas toujours un bocage du Paradis Terrestre ». Paul Valéry à Jacques Doucet, lettre du 6 juillet 19221.

«Je voudrais arriver à ce qu'on ne voie jamais comment mon tableau a été fait. Qu'est-ce que cela peut faire? [...] Ceux qui cherchent à expliquer un tableau font la plupart du temps fausse route ». Picasso à Christian Zervos, 19352.

«A dire vrai, il est plus difficile de décou- vrir la vérité sur l'œuvre de jeunesse de Picasso que sur l'œuvre de Manet, Poussin ou Velazquez». Alfred H. Barr, Jr., à Christian Zervos, lettre du 17 juillet 19453.

« C'est trop bête de laisser tout partir. Au contraire il y avait deux ou trois choses un peu scandaleuses [...]. Je les ai achetées dans deux ans j'aurai eu raison. Un grand Picasso, les Demoiselles d'Avignon, un grand Matisse un bocal de poissons rou- ges et de Seurat l'esquisse du Cirque. Avec cela je suis paré et je peux attendre ils ne les auront pas en Amérique». Jacques Doucet à André Suarès, lettre du 9 mars 19244.

SOMMAIRE DU VOLUME 1

INTRODUCTION Hélène Seckel XII

CATALOGUE Hélène Seckel 1

CARNETS Brigitte Leal 101

IMAGES RÉVÉLÉES Charles de Couëssin Thierry Borel 309 «Tableau champ de manœuvres» (André Salmon L'OCCASION D'UNE EXPOSITION 1912), «cratère toujours incandescent d'où est sorti le feu de l'art présent» (le même 1920), «peinture Le catalogue de l'œuvre de Picasso, établi par Chris- monumentale, inachevée, qui est à l'origine du tian Zervos, avait révélé petit à petit, au cours de sa cubisme» (Daniel-Henry Kahnweiler 1920), «l'évé- parution, une masse impressionnante d'images rela- nement capital du début du XXème siècle [...] un tives aux Demoiselles. L'inventaire de la succession symbole pur [...] une projection intense de [l']idéal de Picasso en a mis au jour bien d'autres, inédites, et moderne [...] une image sacrée» (André Breton la dation qui y a fait suite, fondatrice du Musée 1924), «tableau capital de l'œuvre de Picasso» Picasso, devait faire entrer dans les collections publi- (Cahiers d'art 1932), «le chef-d'œuvre de la période ques françaises sept études peintes, cinq carnets nègre [...], le premier tableau cubiste [...], un tableau (représentant à eux seuls plus de trois cent cin- de transition, un laboratoire ou mieux, un champ quante dessins dont un bon nombre - pas tous, car de bataille où essais et tentatives livrent combat» Picasso y poursuit plusieurs recherches à la fois - se (Alfred Barr 1939), « le progrès le plus sensible qu'ait rapportent aux Demoiselles) et une vingtaine d'étu- fait la peinture depuis fort longtemps [...], le point des sur papier qui concernent le grand tableau. de départ d'une résolution de renouveler l'art» (Christian Zervos 1942), «une révolution» (Anto- La richesse de la collection du musée - de façon nina Vallentin 1957), «le début d'une nouvelle ère générale - devait avoir une conséquence décisive : dans l'histoire de l'art [...], l'une des réalisations lorsqu'eut lieu en 1980, au Museum of Modern Art les plus remarquables de l'expressionnisme du de New York, l'impressionnante rétrospective de XXème siècle» (John Golding 1958), «œuvre d'art l'œuvre de Picasso, ce fut avec le concours du Musée grandiose, tournant décisif de l'histoire de la pein- Picasso de Paris, dont les collections, encore 'en ture occidentale» (Edward Fry 1966), «le lexique, réserve' dans l'attente de leur installation à l'Hôtel d'une valeur inestimable, des origines du cubisme» Salé, apportèrent une considérable contribution au (Douglas Cooper 1970). On le voit, les formules nom- projet. Pour sa part, le Museu Picasso de Barcelone breuses - nous n'en avons retenu que quelques-unes devait prêter les grandes oeuvres de jeunesse du -, percutantes comme le sont les gros titres de la peintre. A cette occasion, un accord fut conclu entre presse à sensation, ne manquent pas pour signifier la le Museum of Modern Art, 'propriétaire' des Demoi- singularité des Demoiselles d'A vignon dans l'art du selles, la Direction des musées de France et la muni- XXème siècle. Aussi peut-on s'étonner qu'à l'excep- cipalité de Barcelone, au terme duquel il fut décidé tion du petit livre de Günter Bandmann paru en qu'en réciprocité Les Demoiselles d'Avignon feraient 1965, aucun ouvrage monographique n'ait jamais été un ultime voyage transatlantique pour être montrées consacré au seul tableau. L'occasion d'une telle au Musée Picasso de Paris et à celui de Barcelone. publication est aujourd'hui fournie par l'exposition des Demoiselles d'Avignon au Musée Picasso à Paris, Ainsi, trente ans après qu'elles ont quitté définitive- quatre-vingts ans, à peu de choses près, après qu'el- ment la France, malgré le souci de les voir entrer « au les ont été engendrées - travail douloureux - par un Louvre» que semble bien avoir eu celui qui les jeune homme de vingt-cinq ans, dans un petit atelier acheta à Picasso en 1924, le couturier Jacques misérable, au Bateau-Lavoir à Montmartre. Doucet, Les Demoiselles reviennent à Paris. On ne les.y a guère vues publiquement: le temps d'une brève exposition en juillet 1916, en pleine guerre, au Salon d'Antin, en 1953 lors de l'exposition du Cubisme (1907-1914) organisée par Jean Cassou, en 1960 lors de celle des Sources du XXème siècle sous la comme de l'ordre, ou soumis au bon vouloir de direction du même et à l'occasion de l'Hommage à Picasso à donner à reproduire ou non ses oeuvres ? en 1966, vaste rétrospective dont Jean Un bon nombre d'images, et non des moindres pour Leymarie fut l'artisan. la compréhension des Demoiselles, ne se trouvèrent révélées qu'en 1973 lors de la parution du tome DES IMAGES À FOISON XXVI de ce catalogue, «après soixante-cinq ans de négligence ou de perversité» de la part du peintre, L'exposition rassemble la plus grande partie des étu- constate Leo Steinberg. Nous avons eu la chance de des pour Les Demoiselles - pour la composition d'en- pouvoir examiner tous les carnets relatifs aux semble ou pour chacun des personnages - qui vont Demoiselles, que Brigitte Leal a ici soigneusement ainsi, quelques semaines durant, retrouver le voisi- décrits, grâce à quoi nous proposons la juste succes- nage, familier au temps du Bateau-Lavoir, de la sion des images, du moins telle que ces carnets, dans grande toile. Sans doute y a-t-il quelque chose d'arti- leur état actuel, permettent d'en juger car, pour plus ficiel à isoler Les Demoiselles et les études qui y pré- d'un, nous avons retrouvé des feuillets arrachés et parent du travail en partie simultané pour d'autres dispersés, dont l'insertion à leur place originelle projets, notamment pour le Nu à la draperie, comme n'est pas toujours évidente. C'est dans les carnets on le voit très nettement dans les carnets de dessins, indéniablement que réside le dévoilement de bien dans lesquels, d'ailleurs, nous n'avons pas sélec- des mystères, la solution de bien des interrogations tionné l'iconographie strictement relative aux concernant le grand tableau ; à les feuilleter, on per- Demoiselles afin de leur garder, dans leur profusion, çoit la complexité du travail du peintre ; joints aux toute leur vitalité. études peintes ils apportent - par leur nombre, sans égal semble-t-il dans l'œuvre de Picasso - la preuve Les carnets sont précieux pour l'approche de que l'élaboration du tableau fut longue, et qu'il faut l'œuvre, c'est là vraiment que se livre, sans dissimu- définitivement rejeter l'idée que ce fut dans la transe lation, la matière vivace de la création. Ceux qui et la célérité qu'il a été peint, particulièrement en ce nous importent ici le sont plus encore dans leur qui concerne les deux femmes de droite dans la variété, par leur côté intime, par ce que leur matéria- grande toile. Les carnets nous servent de guide pour lité même nous permet de savoir du Picasso de 1907 : tâcher d'établir la chronologie de l'exécution des petits calepins qu'il avait recouverts de jolis tissus, Demoiselles et permettent, entre autres, de situer cahiers d'écolier, carnets de croquis, préservés, pro- désormais après elles les études pour un sujet géné- tégés - comme les objets familiers que l'on aime - ralement nommé Marins en bordée, jusqu'ici consi- par le peintre jusqu'à sa mort. déré unanimement comme préalable au grand tableau. A l'exception de deux d'entre eux, qui se sont trou- Des images révélées par les soins de Charles de vés mis en feuilles, sur les neuf qui sont exposés ici, Couëssin et Thierry Borel, au Laboratoire de on ne verra jamais des autres que deux pages se fai- recherche des musées de France, terminent le pre- sant face. De quoi désespérer. Aussi était-il impéra- mier volume du catalogue qui rassemble l'iconogra- tif de reproduire in extenso au catalogue les quinze phie des Demoiselles. carnets - soit près de sept cents images - qui sont le creuset d'où sont sorties Les Demoiselles. Sans doute LES ÉCRITS Zervos en avait-il publié un grand nombre dans son catalogue de l'œuvre de Picasso. Fut-il insoucieux, La fortune critique des Demoiselles, témoignages dans cette entreprise titanesque, de l'exhaustivité anciens et études savantes, est fort abondante: il rétablissant la suite probable de l'exécution des car- 1 convenait donc d'en faire la synthèse et de l'enrichir, Il ne faudra pas en accompagnant ici le recensement des images d'un nets. Tâche pour laquelle le recommandait l'établis- perdre de vue, à la sement de ses catalogues de l'œuvre peint, Picasso lecture de ce texte, appareil scientifique propre à faire état de leur por- la date précoce de tée et de leurs significations, et en brassant la plupart 1900-1906 et Le Cubisme de Picasso. Une heureuse sa publication et le intuition lui avait fait reconstituer un carnet perdu, à fait que l'auteur ne des questions dont il a été débattu : la genèse du disposait pas alors tableau, la chronologie de son exécution, ses sources partir des images et de bien vagues indications de toute («carnet de dessins» et des dimensions) qu'en l'iconographie qu'on (et en particulier rappeler la question des influences connaît aujourd'hui. conjuguées ou contradictoires de la sculpture ibéri- donne Zervos, que la perspicacité et l'attention Ses propositions n'en ont que plus de prix. que pré-chrétienne et de l'art qu'on nommait nègre généreuse de qui le détient a permis de retrouver, de D'autres études au début de ce siècle), sa situation en regard de l'art consulter et de reproduire dans sa totalité et dans fondamentales sont l'ordre de ses pages. Découverte s'il en fut ! accessibles en moderne (première oeuvre cubiste, chef-d'œuvre de français : celle, l'expressionnisme), les diverses interprétations pionnière en 1939, d'Alfred Barr, dont qu'on peut en donner, son histoire, l'accueil que lui L'histoire des Demoiselles, de leur création en 1907 on trouvera des ont réservé les contemporains. jusqu'à leur entrée au Museum of Modern Art extraits au terme de la chronologie dans en 1939, comporte encore bien des interrogations : ce catalogue, et la En proue des études sur le tableau, dans toute sa autour de recherches déjà menées par d'autres2 - sur première synthèse la présence du tableau à l'exposition du Salon d'An- proposée par John dimension historique, on trouvera le texte de Leo Golding, en 1958, Steinberg paru en 1972, «The Philosophical Brothel », tin en 1916, son acquisition par Jacques Doucet en qu'il a reprise dans 1924 et le fait que, contrairement à ce qui a générale- son livre, , qui inaugurait alors une nouvelle recherche sur l'in- en 1959, lequel a été terprétation du tableau, dont son auteur a volontiers ment été dit, il ne figurait pas à l'exposition de 1937, publié en traduction française en 1962. accepté qu'il fût - enfin - publié en français, accom- Les Maîtres de l'art indépendant, au moment même Reste à traduire, pagné d'un post-scriptum de 1987 inédit1. où Mme Doucet le vendait à la Galerie Seligmann de impérativement, l'article de Sweeney Suit le vaste travail de William Rubin sur la genèse New York - nous avons tenté, Judith Cousins et moi- sur les sources du tableau, qui vient compléter les recherches déter- même, d'assurer un peu la chronologie de cette his- ibériques paru en 1941. Ceci pour minantes qu'il a déjà faites sur Les Demoiselles toire, à partir de documents d'archives essentielle- les études anciennes. d'Avignon, notamment celles consignées dans un ment, dont un bon nombre sont inédits,,mais aussi Nombreuses sont celles, non article publié en 1983, «From Narrative to "Iconic" de témoignages anciens. accessibles en in Picasso : The Buried Allegory in Bread and Fruit- Ce sont ces témoignages anciens, si fréquemment français, parues ces quinze dernières dish on a Table and the Role of Les Demoiselles invoqués par les uns et les autres, mais aussi les pro- années. d'Avignon» et en 1984 dans le catalogue de l'exposi- pos de Picasso qu'on a pu recueillir sur Les Demoisel- 2 tion "Primitivism in 20th Century Art", tout récem- les qui servent bien souvent d'étai aux études, que Voir l'introduction de ment paru en traduction française. Après avoir rappelé j'ai rassemblés, avec ce que leurs imprécisions voire la chronologie, leurs contradictions ont à la fois d'exaspérant et de p. 548-550 du les premiers écrits sur le tableau et fait la synthèse de présent catalogue. la critique savante, il apporte des confirmations aux stimulant, dans une anthologie. interprétations déjà proposées mais aussi nombre de nouvelles pistes concernant les significations du Et pourtant, au terme de tout ceci, de ce trop volumi- tableau, et enfin la synthèse, par l'image, du chemi- neux catalogue, force est de constater qu'on n'en nement de Picasso dans la réalisation de son oeuvre, finit pas avec Les Demoiselles d'Avignon. On ne sau- à travers chacun des personnages et les études de rait affirmer, comme le faisait Dor de la Souchère en l'ensemble de la composition. 1960, que « l'histoire du tableau a été faite et bien Aux images des carnets répond l'analyse qu'en pro- faite». La présente publication relance autant de pose Pierre Daix, qui s'est efforcé de retrouver ainsi questions qu'elle en règle. Sans doute trouvera-t-on le fil chronologique de la genèse des Demoiselles en ici la synthèse des éléments iconographiques, docu- mentaires et critiques dont on dispose à ce jour (sans LES ARTISANS DE L'EXPOSITION prétendre à l'exhaustivité dont chacun sait qu'elle DES DEMOISELLES D'AVIGNON est une vaine tentation), mais, fort heureusement d'ailleurs, la recherche reste ouverte. Il n'en Dominique Bozo, lorsqu'il était chargé de la préfigu- demeure pas moins qu'on peut s'étonner de la diffi- ration du Musée Picasso, avait imaginé de profiter de culté qu'il y a à acquérir des certitudes pour une his- la venue des Demoiselles à Paris, et de la très remar- toire qui, après tout, ne nous ramène que quatre- quable richesse de la collection du musée pour faire vingts ans en arrière et à laquelle la critique savante a autour d'elles une exposition qui rassemblerait la commencé à s'intéresser il y a une cinquantaine plupart des études qui en ont accompagné la genèse, d'années déjà, alors que les protagonistes étaient et pour publier, à cette occasion, un catalogue qui encore bien vivants, Picasso, mais aussi André ferait le point sur l'état de la recherche sur le sujet, Salmon, Daniel-Henry Kahnweiler, Derain, Matisse, compte tenu de la modification radicale qu'appor- Braque, desquels, on le verra dans l'anthologie tait à la connaissance des Demoiselles l'accès pos- notamment, on n'a pas toujours pu obtenir de répon- sible aux oeuvres de la succession du peintre, ces ses satisfaisantes aux questions posées. « Picasso de Picasso » si jalousement préservés. C'est dans cet esprit qu'il proposa à William Rubin, direc- Au fond, et même après la publication du présent teur du département de peinture et sculpture au catalogue, Les Demoiselles gardent leur secret. Museum of Modern Art, et à Pierre Daix d'apporter leur contribution au catalogue. Je fus pour ma part chargée d'organiser l'exposition, et proposai à Brigitte Leal, conservateur au Musée Picasso, responsable du cabinet des dessins, de prendre en charge l'étude des carnets préparatoires aux Demoiselles et à Judith Cousins, conservateur au Museum of Modern Art, de travailler avec moi à l'histoire du tableau (je tiens à dire que, bien au-delà du travail que nous signons ici ensemble, Judith Cousins a été pour moi tout au long de ce projet une indéfectible compagne «de cordée»). Laurence Berthon, documentaliste au Musée Picasso, et Per Jonas Storsve ont largement contribué aux recher- ches pour le catalogue, notamment pour la bibliogra- phie (aidés, le temps de leur bref passage au musée, par Marie-Hélène Breuil et Isabelle Delage-Lidolft). Enfin, pour compléter l'équipe qui pendant à peine plus d'une année a travaillé à la préparation de cette exposition, je nommerai Raymond Josué Seckel, conservateur à la Bibliothèque nationale, qui par mille et une recherches est venu apporter trouvail- les, vérifications et précisions au travail de chacun. Mais sans aucun doute, ceux qui, au premier chef, ont fait cette exposition, sans lesquels rien n'eût été possible, ce sont les collectionneurs et les institu- Paris, Bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure tions qui détenaient les œuvres (et aussi des docu- des Beaux-Arts. ments), dont la compréhension généreuse voire l'en- Paris, Centre national d'art et de culture Georges thousiasme ont permis la réalisation de ce projet, Pompidou, Musée national d'art moderne, Collec- auxquels va toute ma gratitude. tions et Documentation. Paris, Musée du Louvre, Département des peintures Nommons, pour les collections privées : et Bibliothèque centrale des musées nationaux. M. et Mme Sidney E. Cohn. Paris, Musée d'Orsay. Le regretté Victor W. Ganz et Mme Ganz. Paris, Musée du Petit Palais. Mme Gojard. Paris, Musée Picasso. Mme Catherine Hutin. Paris, Musée de l'Homme, Laboratoire d'ethnologie M. et Mme . du Museum national d'histoire naturelle. M. et Mme Rafael Lopez Sanchez. Saint-Germain-en-Laye, Musée des antiquités M. Bernard Ruiz Picasso. nationales. Collection Douglas Cooper (Churchglade Ltd). Collection Ludwig, Aix-la-Chapelle. Grande-Bretagne : Collection , galerie Jan Krugier, Norwich, University of East Anglia, The Robert and Genève. Lisa Sainsbury Collection. Fondation David H. Cogan, Etats-Unis. The Alex Hillman Family Foundation. Suisse : Galeria Theo, Madrid. Bâle, Ôffentliche Kunstsammlung, Kunstmuseum et Auxquels il faut adjoindre les collectionneurs qui Kupferstichkabinett. ont préféré garder l'anonymat. Tchécoslovaquie : Nos remerciements s'adressent également aux Prague, NarodnÍ Galerie. responsables des collections publiques suivantes : URSS: Etats-Unis d'Amérique : Leningrad, Musée de l'Ermitage. Baltimore, The Baltimore Museum of Art. Cleveland, The Cleveland Museum of Art. Mentionnons aussi les institutions et les particuliers New Haven, Yale University Art Gallery. détenant des fonds d'archives, dont le concours nous New York, The Metropolitan Museum of Art, Euro- a été précieux: pean Paintings Department. New York, The Museum of Modern Art, Painting Etats-Unis d'Amérique: and Sculpture Department et Drawings Depart- Berkeley, University of California, The Bancroft ment. Library. Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art. Cambridge (Mass.), Radcliffe College, The Arthur and Elizabeth Schlesinger Library on the History of France : Women in America. Nanterre, Bibliothèque de documentation interna- New Haven, The Yale University, The Beinecke tionale contemporaine. Rare Book and Manuscript Library, Collection of Paris, Bibliothèque d'art et d'archéologie, Fondation American Literature. Jacques Doucet. New York, The Museum of Modern Art Library and Archives. rébarbatif de l'organisation administrative de l'expo- Washington (D.C.), Smithsonian Institution, The sition, d'Isabelle Crevier qui m'a aidée à en assurer la Archives of American Art. présentation et de Ruedi et Catherine Baur qui ont conçu et réalisé la maquette du catalogue. France : Paris, Archives Kahnweiler-Leiris. Et dire toute ma gratitude à ceux qui m'ont apporté, Paris, Archives René-Jean. chacun à sa manière, un soutien actif de quoi dépen- Paris, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. dait le succès de notre entreprise : Paris, Bibliothèque nationale, Département des manuscrits. Daniel Abadie, Béatrice Abbo, Rémi Ader, Paris, Musée du Louvre, Archives des musées natio- Dawn Ades, William Agee, Maurice Agulhon, naux. Albert Albano, Jean d'Albis, Fabien Alencar, M. et Mme James W. Alsdorf, Catherine Amidon- Et surtout je suis redevable aux héritiers de Picasso Kayoun, Troels Andersen, Mme Angladon-Dubru- de m'avoir autorisée à parcourir les Archives jeaud, Pierre Apraxine, Marie Eugenia Ascarrunz, Picasso: que Maya Ruiz Picasso, Claude Picasso, Pierre Assouline, Brigitte Baer, Katharine Baetjer, Lopez, Marina Ruiz Picasso et Monique Baillon, Véronique Balu, Jean-Paul Bernard Ruiz Picasso en soient remerciés. Barbier, Pierre Barousse, Mme Alfred H. Barr, Jr., Felix Baumann, Paula Baxter, Françoise Beck, Il convient enfin de remercier tous ceux - ils sont Wolfgang Becker, Catherine Belfort, Mary Bell, nombreux - dont nous avons sollicité le concours Joëlle Bellec-Martini, François Bellet, Michèle lors de cette exposition. Bellot, Heinz Berggruen, Claude Bernés, Kornelia von Berswordt-Wallrabe, Carlo Bertelli, François Je tiens à dire d'abord ma vive reconnaissance à Bertolero, Suzanne Bertouille, Marie-Laure Bes- Pierre Barazer, président directeur général d'IBM- nard-Bernadac, Ernst Beyeler, Manuel Blasco Alar- France, et à Micislas Orlowski, directeur des pro- côn, Milton Blay, Maria Bohusz, Béatrice de Boisse- grammes institutionnels d'IBM-France, dont le son, Marguerite Bonnet, Gilbert Boublil, Nicole généreux soutien a grandement favorisé la réalisa- Bouché, Gilbert Boudar, Jeanne Bouniort, Edgar tion de cette manifestation. Peters Bowron, Gilberte Brassai, Emily Braun, Elisa Breton, J. Brunclik, Margo Bruynoghe, Robert Je voudrais saluer la collaboration efficace, dans T. Buck, Edward Burns, Thérèse Burollet, Françoise mon entourage professionnel, de Pierre Georgel, Cachin, Gilbert Cahen, Isabelle Cahn, Pierre conservateur en chef du Musée Picasso, qui n'a cessé Caizergues, Tracy Campbell, Yveline Cantarel- de m'encourager dans ce projet, d'Irène Bizot, admi- Besson, Frances Carey, André Cariou, Mikki nistrateur délégué de la Réunion des musées natio- Carpenter, Jacques Caumont, Luigi Cavallo, naux, qui a accepté de voir ce travail - et notamment Bernard Ceysson, François Chapon, Josette ce catalogue - prendre des proportions absolument Chardans, Jean-Pierre Chauvet, Cyanne T. imprévues au départ, d'Yves Beigbeder, chef du Ser- Chutkow, Janine Cirincione, Jean Civatte, Alain vice de l'action culturelle qui, avec le Musée Picasso Clairet, Thierry Claude, Jana Claverie, Elaine et la Réunion des musées nationaux, a pris en charge Cobos, Ester Coen, Marshall Cogan, Mme Ralph F. le financement du film réalisé par Noël Simsolo pour Colin, Ute Collinet, Denise Colomb, Bernadette accompagner cette manifestation, de Claire Filhos- Contensou, Alain Corbin, Patrick Coulin, Henry- Petit et Catherine Chagneau qui ont suivi le dossier Claude Cousseau, Serge Dahan, Véronique Dauge, Isabelle Delaby, Marie-Françoise Delval, Stuart Paule Mazouet, Liliane Meffre, George Melly, Jean- Dennenberg, Mario Denti, Diane Deriaz, Jean-Paul Yves Mock, Jean-Pierre Mohen, Bernadette Molitor, Desroches, Jean Devoisins, Perrine de Wilde, Henri Ghislain Mollet-Viéville, Martine Monnehay, Dion, Nancy Doll, Courtney Donnell, Jeanne Druy, Philippe de Montebello, Jean Musy, John M. Nash, Alexander Dückers, Ann Dumas, Muguette Francine N'Diaye, Mary Gardner Neill, Françoise Dumont, Janis Ekdahl, John Elderfield, David Ellis- Neveu, Monique Nonne, Christiane Nova, Mme Jones, Albert Elsen, Louis Estrada, Maurizio Walter Pach, Alain Pacouret, Alexandra Parigoris, Fagiolo dell'Arco, Everett Fahy, Jacques Faujour, Catherine et Michel Paris, Jean-Louis Paudrat, Sarah Faunce, Richard Field, Jane Fluegel, Yves de Daniel Pearl, Antony Penrose, Ann Percy, Paulette Fontbrune, Susan Frankenbach, Antoinette Frey, Perec, Ursula Perucchi-Petri, Marielle Pic, Bernard Edward F. Fry, Peter Galassi, Tora Garde, Jean- Piens, Christine Piot, Boris Piotrovsky, Colin Poiret, Claude Garetta, Denise Gazier, Christian Geelhaar, Sylvie Poujade, Lionel Prejger, Ruth Priever, Estelle et Olivier Germain-Thomas, Derek Gillman, Christoph Pudelko, Theodore Reff, John Rewald, Françoise Gilot, Ludovic Ginguay de Beaugendre, Antoinette Rézé, Eloise Ricciardelli, Brenda Colette Giraudon, Jacqueline et Jacques Gojard, Richardson, John Richardson, Michèle Richet, John Golding, Didier Gompel, Elvira Gonzalez, Mario Richter, Howard Risatti, Kevin Robbins, George Goodyear, Lennart Gottlieb, Jennifer Warren M. Robbins, Francine Robinson, Livia Robles Gough-Cooper, Basil Goulandris, Elibieta Grabska- Itturino, Jean-François Rodriguez, Sylvia Roger, Wallis, Monique Grémy, Jean Guiart, Elise Haas, Rona Roob, Wendy Rose, Angela Rosengart, Jean- Jenny Hammond, Bonnie Hardwick, Anne d'Har- Marie Rouart, Olivier Rouart, William Rubin, Daniel noncourt, Linda D. Henderson, Hélène Henry, Mme Rudeau, Eleanore Saidenberg, Léo André Salmon, Alex Hillman, Anthony Hirschel, Reinhold Hohl, Christa Sammons, Yves Sangiovanni, Julie Saul, Michael Holroyd, Lisa Holst, Michel Hoog, Jean- Sheila Schwartz, Arturo Schwarz, Ladislas Segy, Louis Houdebine, Françoise Hours, Etienne-Alain Mme Germain Seligmann, Gina Severini-Fran- Hubert, Joseph Hue, Audrey Isselbacher, Annie china, Monique Sevin, Elizabeth Shenton, Valeria Jacques, Maurice Jardot, David Jenkins, Stanley Soffici-Giaccai, Susan Sollims, Anne W. Sowell, K. Jernow, Martine Jolibois, le regretté Riccardo Werner Spies, Mary Ann Stevens, Marie Stock, John Jucker, Leon Katz, Michel Kempf, Beatrice Kernan, Szarkowski, Patty Tang, Philippe Taquet, Darcy Tell, Patricia M. King, Billy Klüver, Suzanne Koppelman, Judith Throm, Christian Tomasini, Richard Tooke, Sylvie et Daniel Kornman, Dorothy M. Kosinski, JirÍ Hélène Toussaint, Marc Tramini, Pierrette Turlais, Kotalik, Gilbert Krill, Michel Laclotte, RolfLaess0e, Evan H. Turner, Daniel Valet, Catherine Valette, Gérald Lafond, Claire Lagarde, Evelyn et Leonard Raymonde Van der Klip, la regrettée Dolly Van Don- Lauder, Claude Laugier, Claude Laurens, Quentin gen, Huguette Van Geluwe, Catherine Vare, Serge Laurens, Serge Leduc, Jacqueline Legendre, Arnold Vidal, Nicole Villa, Brigitte Vincens, le regretté L. Lehman, Louise Leiris, Suzanne Lemas, Helen Samuel L. Wagstaff, William S. Walker, Jeanine Lento, Brunhilde Lerbs, Bernadette Letellier, Orde Warnod, Joy S. Weber, Kadidja Wedekind, François Levinson, Jean Leymarie, Jacques Ligot, Bernard Wehrlin, Patricia C. Willis, Beverly Wolf, Isabelle Lirman, Nancy C. Little, Sylvia Lorant-Colle, Wolf, Janet Yapp, Grethe Zahle, Judith Zilczer, Kendra Lutkins, William McCarty-Cooper, Garnett Gustav Zumsteg McCoy, Suzanne McCullagh, Marilyn McCully, William McNaugh, Sylvie Maignan, Margaret et à tous ceux, tardivement sollicités, que les délais Mallory, Jean-Marc Mandosio, Irène Martin, Julie d'impression du catalogue ne nous ont plus permis Martin, Madeleine Maupetit, Violette de Mazia, de nommer ici. MODE D'EMPLOI Il est aussi, dans ces notices et généralement dans tout cet ouvrage, fait référence aux catalogues de Iconographie : l'œuvre peint et dessiné, sculpté ou gravé : Le premier volume du catalogue rassemble l'icono- Z. graphie propre aux Demoiselles d'Avignon - aug- Christian Zervos, Pablo Picasso, Paris, Editions mentée de quelques-unes des œuvres d'importance «Cahiers d'art», 33 volumes parus entre 1932 et 1978. pour notre propos qui les précèdent en 1906 - recen- D.-B. sée à travers les peintures, dessins, carnets de dessins Pierre Daix, Georges Boudaille, Picasso 1900-1906, et estampes. Nous avons ici tâché de reproduire en catalogue raisonné de l'œuvre peint, Neuchâtel, Ides couleurs tout ce qui l'est, à l'exception, malheureu- et Calendes, 1966. sement, des œuvres pour lesquelles nous n'avons D.-R. pas eu la possibilité technique de le faire. Pierre Daix, Joan Rosselet, Le Cubisme de Picasso, Le second volume qui regroupe les études critiques catalogue raisonné de l'œuvre peint 1907-1916, renvoie largement au premier, même s'il en reprend Neuchâtel, Ides et Calendes, 1979. certaines images, et se trouve augmenté de toute une S. iconographie annexe. Là, de propos délibéré, les Werner Spies, Picasso, das plastische Werk (catalo- œuvres sont reproduites en noir et blanc. gue des sculptures en collaboration avec Christine Sauf mention contraire, elles sont de Picasso. Piot), Stuttgart, Verlag Gerd Hatje, 1983. G. Abréviations : Bernhard Geiser, Picasso peintre-graveur, 2 volumes, Dans les notices techniques des œuvres et le descrip- Berne, chez l'auteur, 1933, Kornfeld et Klipstein, tif des carnets, on trouve les abréviations suivantes : 1968. S. : signé B. D. : daté Georges Bloch, Pablo Picasso, catalogue de l'œuvre h. : en haut gravé et lithographié, 4 volumes, Berne, Kornfeld et b. : en bas Klipstein, 1968-1979. d. : à droite g. : à gauche Dans les textes, cat. suivi d'un numéro renvoie aux m. : au milieu numéros des œuvres dans le présent catalogue ; les Inscr. : inscription carnets ne portent pas de numéro de catalogue, on R : recto trouvera mentionné le cas échéant qu'ils figurent V : verso dans l'exposition. En revanche, ils portent un Les dimensions sont données en centimètres (cm), la numéro qui leur a été attribué afin de les situer chro- hauteur (H.) précède la largeur (L.) ; la profondeur, nologiquement les uns par rapport aux autres ; lors- lorsqu'elle est précisée, vient en troisième position. qu'il est fait référence aux feuillets des carnets, ils sont désignés par leur numéro dans la foliotation, On trouvera, le cas échéant, mention du numéro précédé de celui du carnet (par ex. Carnet 1, 3R). d'inventaire des œuvres de la collection du Musée ill. suivi d'un numéro renvoie aux illustrations dans Picasso précédé des initiales M.P., ou des numéros les textes (avec une nouvelle numérotation pour de la succession Picasso qui nous intéressent parce chaque texte). qu'ils signalent des oeuvres que Picasso avait conser- Les initiales J.C. désignent Judith Cousins, vées sa vie durant (ce qui est aussi le cas de toutes les H.S. Hélène Seckel. œuvres du Musée Picasso exposées ici).

CATALOGUE CATALOGUE où la plupart d'entre elles sont Sont présentés dans l'exposition, On ne trouvera pas ici - moins citées et étudiées ici dans outre des peintures et dessins que par principe que parce que le les textes de Leo Steinberg, l'on va voir (à l'exception de ceux temps a fait défaut - un William Rubin et Pierre Daix2. où une mention contraire le catalogue à proprement parler, précise), les carnets n° 1, 2, 3, 4, où chaque œuvre est Nous avons plutôt cherché à 5, 6, 8, 9,13 qu'on trouvera accompagnée d'une notice constituer un livre d'images décrits et reproduits intégralement destinée à renseigner le visiteur propre à rappeler dans le présent catalogue: p. 104 sur son histoire', les expositions • le rassemblement éphémère sqq. pour le n° 1, p. 120 sqq. pour auxquelles elle a figuré, d'oeuvres tel qu'une exposition le n° 2, p. 144 sqq. pour le n° 3, la bibliographie à travers aura permis de le voir. Le nombre p. 168 sqq. pour le n° 4, p. 182 laquelle on la retrouve citée, des œuvres présentées sqq. pour le n° 5, p. 186 sqq. pour reproduite ou pas, en couleurs a été augmenté de quelques-unes le n° 6, p. 228 sqq. pour le n° 8, ou en noir et blanc. que pour diverses raisons nous p. 248 sqq. pour le n° 9, p. 280 Ces informations apparaissent n'avons pas exposées sqq. pour le n° 13 partiellement, ailleurs dans cet (et ceci est alors clairement ouvrage : l'histoire des indiqué), afin que fût livrée dans Demoiselles dans une chronologie son ensemble, comme en une où l'on verra les événements, exposition idéale, l'iconographie grands ou anodins, de leur 'vie', relative aux Demoiselles, du moins et là aussi deux expositions, telle que nous croyons pouvoir celle de 1916 au Salon d'Antin la cerner dans l'œuvre peint. où elles sont pour la première fois Car, en ce qui concerne exposées au public et nommées les dessins, outre ceux présentés officiellement Les Demoiselles ici, on en verra reproduits en d'Avignon et celle de 1937, regard des carnets, comme un chez Seligmann à New York, apport iconographique à l'occasion de laquelle complémentaire, chaque fois ! se décidera leur entrée qu'ils y trouvent des homologues. au Museum of Modern Art. Les carnets, dans le nombre La bibliographie est celle, considérable des images qu'ils générale, des Demoiselles. proposent, nous ont servi On ne trouvera pas non plus de guide, et bien des oeuvres d'analyse poussée des oeuvres exposées sont ici en miroir exposées prises une à une, des dessins qui s'y multiplient dans la mesure ou inlassablement s'y répètent. 1 et de Kahnweiler mondiale. Il y a tout deux œuvres Nous avons lui-même, qui dit lieu de penser du printemps 1909, cependant jugé utile à plusieurs reprises que ce qui figure l'achat des études de mentionner avoir acheté des à la fois dans pour Les Demoiselles quelquefois études pour les albums date, au plus tôt, les premières Les Demoiselles. photographiques de cette période-là, collections, On peut en trouver et dans le carnet noir si toutefois il convient de marchands la trace a été acquis par lui. d'admettre que ou d'amateurs, dans les albums C'est le cas l'inscription auxquelles certaines de photographies pour cinq peintures sur le carnet noir œuvres ont qu'il avait constitués, que nous considérons se faisait au fur appartenu, lorsque conservés comme des études et à mesure des les collectionneurs à la Galerie Louise pour Les Demoiselles. achats. Je remercie se trouvent être, Leiris, où chaque Pour chacune nous Maurice Jardot d'une manière photographie avons mentionné pour toutes ou d'une autre, partie (d'oeuvres peintes, le n° de photo (A.P.K. les informations prenante à l'exclusion n°) et la référence qu'il m'a données dans l'histoire des des dessins dans le carnet noir à ce sujet. Demoiselles d'Avignon. qui n'ont pas été (c.n. n°, p.). Il s'agit photographiés) porte Il se trouve que ces 2 de Leo et Gertrude un numéro. cinq œuvres figurent Les datations sont Stein, qui ont acheté Tous les tableaux à la suite, sur une celles que propose des études photographiés ne même page (p. 14) Pierre Daix, sauf pour pour le tableau sont cependant pas aux n'l 269, 275-278 la Femme nue en pied ou des oeuvres passés par les mains (en début de carnet (cat. 62), qu'à cause contemporaines, de Kahnweiler. Mais donc, qui comporte de sa présence dans d'André Lefèvre, on trouve, 1800 numéros). le Carnet 9 nous de Sergueï à certaines pages Elles ont plaçons en 1907, Chtchoukine, des albums vraisemblablement et que Daix, à cause de Vincenc Kramâr, photographiques, été achetées en bloc. d'un dessin de Vollard, dont mention d'un numéro Comme la page 14 du Carnet 16, choisit Kahnweiler a dit et d'une page s'ouvre par les de placer en 1908. pourtant qu'il d'un carnet noir qui nos 262 Le cuir n'aimait recense les achats à rasoir (Z. Il', 135) pas ce que Picasso de Kahnweiler avant et 263 Les oignons faisait en 1907, la Première Guerre (D.-R. 228), CHOSES VUES par provocation, deux petites têtes sculptées ibériques qu'il Nous avons volontiers accueilli remit à Picasso, sans qu'on sache le titre hugolien que nous soufflait si le peintre en connaissait un ami, qui nous permet la provenance. C'est l'époque une certaine réserve là où celui aussi où les artistes commencent de 'Sources' ou d"lnfluences' eût à s'intéresser aux arts primitifs. fait preuve dans ce domaine La légende raconte d'un engagement qui n'est pas l'émerveillement de Picasso vraiment le nôtre. Mais il valait devant un masque Fang que la peine de tenter Vlaminck venait de donner une confrontation réelle à Derain. Et on date actuellement avec des oeuvres si fréquemment du début de l'été 1907 une visite mises en regard des Demoiselles que Picasso fit au Musée par la reproduction (toutes d'ethnographie du Trocadéro, ne sont d'ailleurs où l'on sait maintenant quels pas conviées ici, parmi celles objets il a eu quelque chance généralement invoquées) d'y voir, par exemple un haut pour juger sur pièces de reliquaire du Gabon, entré de la pertinence éventuelle en 1884 dans les collections de certains rapprochements. du Trocadéro, et un masque Nous n'avons ici rien inventé, tout chevelu à la face bariolée ceci a déjà été proposé, étudié, d'une île du Pacifique, acquis en débattu par d'autres. 1894. Qu'a donc vu Picasso ? Des êtres nus dans le décor de rocailles qui semblent des draperies de la grande Vision de Saint Jean du Greco que le peintre espagnol Zuloaga, ami de Picasso, avait, après 1905, dans son atelier parisien. Les femmes lascives et recluses dans l'espace clos du Bain turc d'Ingres, sorties de la collection qui les tenait à l'abri des regards, pour être présentées au Salon d'automne de 1905. Celles, dans un espace naturel non moins resserré, des de Cézanne, dont Matisse possédait depuis 1899 un petit tableau avec trois femmes, et dont Derain avait au mur de son atelier la reproduction d'un tableau où l'on en voit cinq (on le sait par une photographie prise par Gelett Burgess en 1908; mais Cat. 1 l'avait-il en 1907?). Au Salon Domenikos d'automne de 1906, on pouvait Theotokopoulos, voir, dans la rétrospective dit le Greco : Gauguin, une étrange femme La vision en céramique, Oviri, figée dans de Saint Jean un inconfortable accroupissement. (Le cinquième sceau Et au Salon des Indépendants de l'Apocalypse) de 1907, au moment où Picasso 1608-1614. s'apprête à travailler aux Huile sur toile. Demoiselles, s'il ne les a déjà 225 x 193 cm. entreprises, Matisse exposait son New York, Nu bleu et Derain The Metropolitan de grandes Baigneuses. Museum of Art, C'est à peu près au même Rogers Fund, 1956, moment qu'un certain Géry Pieret ancienne collection dérobait au Louvre, Zuloaga.

Cat. 3 Paul Cézanne : Trois baigneuses. 1879-1882. Huile sur toile. 52 x 54,5 cm. Paris, Musée du Petit Palais, don , 1936. Cat. 4 Paul Cézanne : Cinq baigneuses. 1885-1887. Huile sur toile. 65,5 x 65,5 cm. Bâle, Ôffentliche Kunstsammlung Basel, Kunstmuseum. Page de droite Cat. 2 Jean-Auguste- Dominique Ingres : Le bain turc. 1859-1863. Huile sur toile. Diamètre : 108 cm. Paris, Musée du Louvre.

Cat. 5 Oviri.Paul Gauguin : 1894. Grès cérame. 75 x 19 x 27 cm. Paris, Musée d'Orsay. Cat. 6 Baltimore, Henri Matisse : The Baltimore Nu bleu, souvenir Museum of Art, de Biskra. collection Cone 1907. (Dr Claribel Cone Huile sur toile. et Mlle Etta Cone, 92,1 x 140,4 cm. Baltimore, Maryland). Cat. 7 André Derain : Baigneuses. 1907. Huile sur toile. 132 x 195 cm. New York, The Museum of Modern Art, William S. Paley and Abby Aldrich Rockefeller Funds, 1980. Cat. 8 Tête d'homme. Sculpture Ibérique Cerro de los Santos. Vème-Illème s. avant J.-C. Calcaire. 46 x 27 x 17 cm. Saint-Germain- en-Laye, Muséenationales. des antiquités Cat. 9 Masque. Cat. 10 Fang, Gabon. Haut de reliquaire. Bois peint. Ondoumbo, Gabon. 42 x 28,5 x 14,7 cm. Fin XIXème s. Paris, Centre Bois et laiton. Georges Pompidou, 45 x 18 x 5 cm. Musée national d'art Paris, moderne, legs de Musée de l'Homme, Mme André Derain, Laboratoire 1982, anciennes d'Ethnologie collections du Museum national Maurice de Vlaminck d'histoire naturelle, puis André Derain. acquis en 1884. Cat. 11 Masque. Aoba, Vanuatu. Etoffe naturelle et fibres. 85 x 23 x 25 cm. Paris, Musée de l'Homme, Laboratoire d'Ethnologie du Museum national d'histoire naturelle, don du Dr Joli et, 1894. PRODROMES Il ne s'agit pas encore du travail sur Les Demoiselles à proprement parler, mais d'images qui nous amènent jusqu'au seuil des études pour la composition du tableau. Depuis l'été 1906 on voit dans l'œuvre de Picasso des signes qu'on a perçus, après coup, comme avant-coureurs des Demoiselles, et ce d'autant plus que les carnets de dessins montrent à quel'point le travail sur certaines de ces oeuvres est étroitement imbriqué dans celui qui peu à peu se précise dans la perspective de la réalisation du grand tableau (voir les Carnets 1 et 2). Ainsi, des nus, hommes et femmes mêlés, dans des scènes d'un prosaïsme simple où l'érotisme est patent : deux femmes nues près d'un jeune garçon accroupi qui peut-être les désire ITrois nus, cat. 12) ou le colosse nonchalant au crâne rasé qui regarde quatre femmes nues identiques (la même semble quatre fois répétée) qu'on a dit être dans un harem (Le harem, cat. 13). Ou au contraire le hiératisme, désincarné malgré l'omniprésence de la chair, de scènes dont la signification ne se dévoile pas vraiment: un grand nu assis, austère, aux jambes croisées (cat. 14); deux nus conversant, l'un assis, l'autre debout, devant des rideaux (cat. 15); deux femmes monumentales, figées au seuil d'un lieu que dissimule la tenture que l'une d'elles tient de la main (cat. 19); et, souvent, les mêmes, groupées dans des scènes de conversation, rassemblement qui n'est pas de hasard, mais dont la raison échappe (cat. 18 et 21). Cat. 12 Trois nus. Eté 1906. Gouache sur papier. 63 x 48,3 cm. S.b.g. : « Picasso ». Inscr. : «decoracion/ en las paredes/ de paisajes flores y frutas [h.g.]. Un cuarto pintado color de/rosa unas cortinas blancas/un sofa de aquellos de paja que/hay en mana encima almo- hadones/morados mesa dei marmol encima/unas copas y un/espejito [h.d.]. quizâ unos/trajes de/gasa [m.]. tiene en/la mano/ un cigarillo [b.]. El tiene un porron/ en la mano/un plato de frutas aqui [b.] ». New York, The Alex Hillman Family Foundation Z. 1, 340; D.-B. XV, 18. Cet ouvrage a été achevé d'imprimer en janvier 1988 sur les presses de l'imprimerie Fot à Vaulx-en-Velin. D'après les maquettes de l'atelier BBV, Baur. Le texte a été composé en Times et Futura par Sepco à Lyon. Les illustrations ont été gravées en simili et quadrichromie par France-Photogravure à Lyon. Le papier a été fabriqué par Job. Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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