En couverture : aquarelle de Rose-Marie Vetter

@ Editions Coprur, 1995 34, rue du Wacken - 67000 Tous droits réservés, textes et illustrations ISBN 2-84208-000-9 Montage et mise en page : Atelier graphique des Editions Coprur Imprimé à Mulhouse par L'Alsace Imprimés Dépôt légal septembre 1995 À LA LISIÈRE DE LA FORÊT

SCHIRRHEIN SCHIRRHOFFEN

EDITIONS COPRUR

LE MOT DU MAIRE DE SCHIRRHEIN Dès l'âge du bronze, des peuplades s'établissent dans notre région. Sur le site Kirchlach-Fischerhuebel, nous trouvons encore aujourd'hui des tumuli qui témoignent de cette époque. Enclavé entre des bourgades plus importantes, telles que , , et , Schirrhein, devenu indépendant à partir de la Révolution française, s'est forgé son histoire propre que ce livre du centenaire du Crédit Mutuel retrace. Cette histoire est liée à la forêt de Haguenau toute prochesont sédentarisés où travaillaient aux abords des bûcherons, de la falaise premiers du Ried. habitants qui se C'est grâce aux récits de quelques personnages illustres de la commune, tels que l'écrivain Edouard Halter, qui a vécu au siècle dernier, et le directeur d'école Léon Siegel, qui a vécu au début de ce siècle, que nous possédons certains fragments de notre passé. Afin de compléter notre histoire, quelques personnes bénévoles ont effectué, pendant de longs mois, de minutieuses recherches dans les archives de la paroisse, de la commune, du ministère de la Défense, du département ou de la région. Les évolutions successives au cours des siècles ont modifié les comportements, les traditions et la manière de vivre. Chaque vil- lage a cependant forgé sa personnalité et sa propre histoire. Une cité se construit et existe grâce à sa communauté. C'est là que le passé qui nous a faits, rejoint le présent que nous vivons. Je suis convaincu que les habitants de l'actuel Schirrhein sont heureux d'y vivre et c'est pour moi la plus grande des satisfactions. Je voudrais exprimer ma vive gratitude au Crédit Mutuel qui, grâce à son soutien financier, permet la publication de cet ouvra- ge. Félicitations et remerciements vont également aux nombreux bénévoles et tout particulièrement à notre curé Joseph Grimm. Ce livre permet de mieux connaître l'histoire du village, son environnement, son caractère particulier, ses beautés et ses attraits. Aussi, je souhaite à tous les lecteurs une agréable lecture. René Bitz maire de Schirrhein mai 1994 LE MOT DU MAIRE DE SCHIRRHOFFEN Un anniversaire n'est pas toujours l'occasion de réjouissances : c'est une année de plus et aussi quelques rides en plus. Mais heu- reusement il en va tout autrement pour la Caisse du Crédit Mutuel de Schirrhein-Schirrhoffen qui fête son centenaire. Chaque année qui passe est une preuve de sa vigueur et de sa jeunesse. C'est un événement que nous devons fêter dignement avec tous ceux qui ont contribué à sa réussite. Honneur aux pionniers fondateurs qui, dès 1896, ont pris l'ini- tiative de lancer le mouvement mutualiste dans nos deux vil- lages, et qui ont su apporter une réponse concrète à bien des détresses des classes laborieuses de l'époque. Les défis à relever ont été nombreux et, depuis lors, notre Caisse de Crédit Mutuel a traversé des périodes tourmentées. Il a fallu tout le courage des fondateurs, des administrateurs d'hier et d'aujourd'hui pour résoudre les problèmes d'adaptation à l'évolution extraordinaire que le monde a subie depuis 100 ans. Aujourd'hui, nous ne pouvons que nous réjouir de la vitalité de notre alerte centenaire, et cet anniversaire constitue pour moi l'occasion de lui souhaiter encore un bel avenir. Albert Schmitter maire de Schirrhoffenmai 1994 LE MOT DU PRÉSIDENT La Caisse de Crédit Mutuel de Schirrhein-Schirrhoffen fête, en cette année 1996, son siècle d'existence. Bien des manifestations ou événements marqueront cet anniversaire, mais la parution de ce livre sur l'histoire de nos deux villages en constituera, sans nul doute, le point fort. Le temps, qui sommeillait, se réveille. Jadis, naguère, autre- fois, il y a bien longtemps... Racines, traditions, mémoire, souve- nirs... Joie, respect, fierté, peine, mélancolie, émotion. Sous nos yeux, nos pères, des êtres chers, des amis, des lieux magiques reprennent vie... Pour toujours. Témoignage indélébile. Que soient chaleureusement remerciés tous ceux et celles qui ont contribué à la naissance de cet album. Qu'un hommage tout particulier soit rendu à ses pères, l'abbé Joseph Grimm, curé de notre paroisse, amateur passionné d'histoire, et Joseph Ehrhard, ancien vice-président de la Fédération du Crédit Mutuel, voisin et ami de Schirrhein-Schirrhoffen. Que cet ouvrage, enfin, soit un témoignage de reconnaissance envers tous ces hommes qui ont fait naître, vivre et prospérer notre Caisse. Qu'il soit aussi le témoin de la dimension sociale et de l'enracinement profond du Crédit Mutuel dans la vie de nos villages. Nous sommes persuadés qu'il saura trouver une place privilégiée dans nos bibliothèques familiales. Nous sommes non moins certains aussi, qu'il sera accueilli avec émotion par nos compatriotes, partis sous d'autres cieux et qui gardent la nostal- gie d'un clocher, d'un coin de forêt, d'une maison natale. Joseph Schitter président de la Caisse de Crédit Mutuel de Schirrhein-Schirrhoffen AVANT-PROPOS Retracer l'histoire d'une localité est une tâche difficile et pas- sionnante. Difficile, car, au début de notre entreprise, nous n'avions guère d'éléments à notre disposition, mais aussi parce que l'on aborde toutes les époques et tous les problèmes : la topo- nymie, la démographie, l'histoire générale et locale, les institu- tions communales, la vie religieuse, scolaire et associative. Jusqu'à présent peu de choses ont été écrites à propos de l'his- toire de Schirrhein-Schirrhoffen. Signalons tout de même le livre d'Alexandre Weill "Ma jeunesse", publié en 1870, qui nous infor- me sur la communauté juive de Schirrhoffen au siècle dernier ; l'étude très approfondie réalisée par l'ancien maire de Haguenau André Traband sur "Les paysans et ouvriers-paysans dans la région de Haguenau" (1953-1954), ainsi que l'ouvrage d'Edouard Halter "Aus meiner Heimat", écrit en 1911. Peu à peu, en assemblant les différents éléments issus des archives départementales du Bas-Rhin, des archives municipales de Haguenau, des archives paroissiales et municipales, mais aussi des revues et livres traitant de l'histoire locale, l'histoire de nos deux communes est apparue comme une histoire vivante. Ecrire l'histoire locale est aussi une tâche passionnante, car nous découvrons la vie et l'histoire de ceux qui nous ont précé- dés. N'est-ce pas étonnant de constater que le site de Schirrhein était déjà occupé par des humains au néolithique, c'est-à-dire 1800 ans avant Jésus-Christ ? N'est-ce pas émouvant de se remé- morer tout ce que notre population a souffert au cours des nom- breuses guerres qui ont ravagé la région ? Connaître nos racines, c'est nous sentir reliés à nos aïeux. Passionnant également pour celui qui lira cette histoire, car il y trouvera le lieu de son enfance, les noms de sa famille, des voisins, des personnes qu'il a connues ou dont il a entendu parler. Connaître l'histoire des anciens nous donne un sentiment de légi- time fierté et une plus grande confiance en nous-mêmes. Connaî- tre nos racines nous aidera aussi à mieux construire l'avenir. Je souhaite que nous puissions rester fidèles au passé riche de nos deux communes et transmettre à ceux qui nous suivent les valeurs auxquelles nous sommes tant attachés. Joseph Grimm L'HISTOIRE DE NOS DEUX COMMUNES itués à la lisière est de la forêt de Haguenau, sur la route départementale n° 37, qui relie Bischwiller à s Soufflenheim, Schirrhein et Schirrhoffen forment un ensemble coquet et paisible, au passé riche et mouve- menté. A première vue, ces deux villages ne semblent former qu'une seule et même localité. On passe de l'une à l'autre sans même s'en apercevoir. En réalité, ce sont deux communes bien cunedistinctes, son maire ayant et cha- son QUELQUES administration. Il est REPÈRES vrai que l'histoire de ces communes est si étroitement liée qu'il est difficile de les séparer. Aujourd'hui, ces deux villages ont toujours en commun l'église, le cimetière, l'école et bien d'autres activités. Jusqu'à la Révolution française, ils étaient rattachés à la ville impériale de Haguenau. Ce n'est qu'en 1790 qu'ils deviendront indépendants. De l'histoire de ces communes se dégagent deux idées- forces. La première, c'est que depuis toujours la popula- tion de ces localités a dû lutter âprement pour son exis- tence, à cause de la pauvreté du sol, du morcellement du ban — qui n'a jamais permis une culture intensive — et de la menace de surpopulation. L'exploitation du sol ne suffisait plus à nourrir toutes les bouches et poussa même de nombreux habitants à émigrer. La population était souvent appelée à défendre ses droits contre la toute puissante ville de Haguenau dont elle dépendait, et tout particulièrement ses droits d'usage dans la forêt. En effet, les villageois jouissaient du droit de ramassage du bois mort et des feuilles mortes, du droit de glandée et du droit de pâturage dans la forêt. Ces droits étaient sacrés pour la population et com- pensaient un peu la pauvreté du sol. Or, la ville de Haguenau essayait sans cesse de limiter et de réduire ces droits. Nos deux communes durent se défendre. C'est ainsi qu'au siècle dernier, Schirrhein et — une com- mune voisine — engagèrent un procès contre Haguenau. Ce pro- cès dura plus de 50 ans et fut perdu par les deux communes. La deuxième idée-force qui se dégage de cette histoire, c'est le courage de la population. Elle n'a jamais baissé les bras et a tou- Vue aérienne de Schirrhein-Schirrhoffen prise à 10 000 mètres de haut en 1975. Vous y reconnaissez la forme longitudinale des villages, les routes, la ligne du chemin de fer, la disposition du ban et les chemins forestiers (collection de la mairie de Schirrhein). jours su faire face aux défis qui lui étaient lancés. Les chapitres consacrés à l'émigration et à la reconstruction après la Deuxième Guerre mondiale en témoignent. Ces deux idées-forces — lutter pour survivre et faire face à toutes les menaces — illustrent fort bien le sobriquet attribué aux Schirrheinois, à savoir Harzknüppe, qui signifie "nœud de bois résineux". En effet, le Schirrheinois est un homme solide, coura- geux, travailleur et ne fléchit pas facilement. Ce sobriquet traduit aussi les liens étroits qui unissaient la population à la forêt indivi- se de Haguenau où de nombreux Schirrheinois exerçaient le métier de bûcheron. Ils sont également surnommés Waldnickel. LE CADRE GÉOGRAPHIQUE La proximité de la forêt confère à Schirrhein et à Schirrhoffen leur aspect particulier. En effet, ils s'étirent le long d'une artère principale sur près de deux kilomètres et demi, et avaient jadis l'aspect de village-rue. Ce type de village est fréquent en bordure de forêt. Mentionnons également Fortsheim, Eschbach et Wal- bourg. Ces villages récents sont nés à la suite de défrichements successifs de la forêt. Ce qui caractérise également Schirrhein et Schirrhoffen est leur excentricité par rapport à leur finage. Alors que la plupart des villages alsaciens sont situés à peu près au centre de leur ban, Schirrhein et Schirrhoffen sont situés à l'extrême limite ouest de leur terroir. Ils sont pris en sandwich entre la forêt de Haguenau et la zone humide du Fallgraben. Pierre Maine Lombard, un offi- cier de l'armée française, cantonné dans le région en 1940, décrit Schirrhein de la manière suivante : Un village bizarre, filiforme, allongé sur deux kilomètres et demi, en lisière immédiate du bois de Haguenau. On croirait qu'en une seule vague, d'un même élan, les mai- sons se sont ruées, un beau jour, à Yescalade de la falaise contre laquelle viennent mourir les prairies du Ried et que la forêt leur a mis un infran- chissable barrage. Elles ont réussi à s'incruster sur l'extrême bord du plateau, mais sans pouvoir s'y enfoncer plus en avant. Elles se sont alors cramponnées farouchement aux rocailles brûlées par le soleil, sur un seul rang, prêtes à basculer sur la voie ferrée de Haguenau- , à la moindre poussée des sapinières. Jadis les maisons étaient toutes construites d'un seul côté de l'artère principale, l'autre étant occupé par le massif forestier, d'où le dicton qu'à Schirrhein were d'Eierkiieche numme off einere Sitt gebacke. Aujourd'hui ce vieux dicton ne se vérifie plus, car depuis la Deuxième Guerre mondiale beaucoup de nouvelles maisons ont été construites de l'autre côté de la rue Principale. Schirrhein compte aujourd'hui 1 852 habitants et Schirrhoffen 516. La plupart d'entre eux sont des ouvriers. Cette population laborieuse vivait pauvrement jusqu'à la Deuxième Guerre mon- diale. A Haguenau et à Bischwiller, on se moquait d'elle en disant que ganz Schirrhein kommt Hopfe zopfe, d'r Maire samt'm Adjue, un hiitt der Pfarrer Schiie, kiim er aü dazüe. A l'origine, la culture du sol et le travail dans la forêt étaient les ressources essentielles de cette population laborieuse. Bien que le sol du terroir soit plus ou moins pauvre, les Schirrheinois ont toujours essayé d'en extraire le maximum. Au début du XVIIIe siècle, la culture du chanvre y occupait une place impor- tante. Mais à partir de 1850, l'utilisation de plus en plus fréquen- te de coton supplanta la culture du chanvre. On cultiva alors du houblon, qui connut une extension rapide. A la fin du XIXe siècle, Schirrhein figurait parmi les communes houblonnières les plus importantes de l'arrondissement. C'est ainsi qu'en 1850, le villa- ge comptait 350 000 pieds de houblon et on en récoltait 2 800 quintaux. Aujourd'hui cette culture a complètement disparu du ban de Schirrhein. Après la Deuxième Guerre mondiale se développa la culture des asperges sur le plateau sablonneux de la Hart. Elles étaient réputées pour leur qualité et représentaient, pour certaines familles, un revenu d'appoint. Jadis la forêt occupait de nombreuses personnes. En 1800, Schirrhein et Schirrhoffen comptaient 280 bûcherons, c'est-à-dire Vue de Schirrhein au début du siècle, prise à partir du Ried. Au pied du talus se trouve la partie la plus ancienne du village. On y voit aussi des rames de houblon. un tiers de la population active. Ces deux villages fournissaient ainsi le contingent forestier le plus important de la région. C'était un travail régulier, qui apportait au bûcheron des avantages en nature. Avec la mécanisation, le nombre de bûcherons a forte- ment diminué. A présent, les deux villages sont des villages dits dortoirs. En effet, la population active quitte le village de bonne heure pour aller travailler dans l'industrie à Bischwiller, à Haguenau, à Strasbourg, à Soufflenheim, à Hœrdt ou ailleurs. Mais une forte proportion de la population active, soit 30 %, se rend en Allemagne. Deux routes desservent les deux villages. Celle qui relie Bischwiller à Soufflenheim et celle qui part de Schirrhoffen pour rejoindre la route industrielle près de . Jadis, nos deux villages étaient desservis par une voie ferrée reliant Haguenau à Rœschwoog. Cette voie fut fermée à la circulation après la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd'hui, l'ancienne gare est occupée par Geoffroy Schott. Ce dernier a construit un atelier de menuiserie et un bloc d'habitation à côté du bâtiment principal. Les bans de Schirrhein et de Schirrhoffen sont traversés par le Fallgraben, une rivière qui a sa source dans le ban d'Oberhoffen, au lieu dit "La Miss". Des ruisselets comme le Herzluekgraben, l'Altmattengraben et le Boschgraben déversent leurs eaux dans le Fallgraben, qui coule en direction de Soufflenheim, pour se jeter près de dans l'Eberbach, un affluent de la Sauer. La partie la plus haute de Schirrhein, la rue du Sommet, est située à 140 mètres au-dessus du niveau de la mer, alors que la partie la plus basse, appelée le Bosch, est située à une altitude de 121,7 mètres. Sinistrés à 75 % pendant la Deuxième Guerre mondiale, les deux villages ont été reconstruits avec soin, puis agrandis, ce qui etleur bien confère entretenu. aujourd'hui un aspect pittoresque, propre, agréable LE CADRE GÉOLOGIQUE La Basse-Alsace, limitée à l'est par le Rhin, est formée dans sa partie orientale d'une zone de marais qui, durant la préhistoire, s'étendait largement de part et d'autre du fleuve. La période humide, apparue à la fin de l'âge du bronze, n'avait fait qu'agrandir cette zone marécageuse, appelée le Ried. Parallèlement au Rhin, les lambeaux d'une basse terrasse, dominant d'une vingtaine de mètres le Ried, correspondent au remblaiement de la dernière glaciation. Les rivières, qui pren- nent leur source dans les Vosges, ont édifié à leur entrée en plaine des cônes alluviaux qui se rattachent à la basse terrasse. Ces cônes alluviaux sont constitués de sables et de graviers très per- méables et peu fertiles. La forêt de Haguenau est située sur les cônes alluviaux de la , de l'Eberbach et de la Sauer. C'est sur le rebord du cône alluvial de la Moder que furent construits Schirrhein et Schirrhoffen. Le ban de Schirrhein, d'une superficie d'environ 654 hectares, comprend deux parties : la partie basse appelée le Ried et la partie haute, défrichée au XVIIIe siècle, appe- lée la Hart. Le Ried est une vaste étendue plane qui était inondée périodi- quement par le Rhin avant sa correction au XIX" siècle. Ses flots écumants atteignaient parfois le pied de la terrasse. Ces inonda- tions étaient fréquentes et dangereuses. Les paysans de jadis contaient à ce sujet maintes histoires tragiques. Aujourd'hui, les crues du Rhin provoquent parfois l'engorgement des affluents qui déposent les sables sur les régions qu'ils traversent. En général, les sols du Ried sont siliceux et humides, mais tourbeux dans les zones où les eaux s'écoulent difficilement, et particulièrement dans le terrain appelé Bosch. Autrefois, des prés occupaient une bonne partie du Ried. Aujourd'hui, il est presque totalement cultivé. Des jardins ont été aménagés dans les terrains tourbeux, peu éloignés du village. Les seuls sols fer- tiles se situent dans les parcelles du Lichtenberg et de la Schweinau. La Hart, la partie haute du ban de Schirrhein, a été défrichée dès le XVIIIe siècle. Elle domine le Ried à une altitude de 10 à Ferme typique de Schirrhein-Schirrhoffen avant les destructions dues aux opérations militaires de 1944-1945, c'est-à-dire une habitation modeste et un bâtiment d'exploitation qui sert à la fois de grange, fenil, étable et écurie. 15 mètres. Le sol y est constitué des alluvions de la Moder. Il est très léger et se dessèche rapidement. Le sous-sol est constitué par une couche d'argile verdâtre qui traverse toute la forêt. Cette couche imperméable se trouve à une profondeur moyenne de 1 à 1,50 mètre. Cette argile, extraite en certains endroits de la forêt, fournit la matière première à des poteries et tuileries des villages avoisinants. Jadis Schirrhoffen avait aussi sa tuilerie. La faible pente du terrain, les nombreux cours d'eau et la pré- sence de cette couche d'argile en sous-sol font que toute la forêt de Haguenau est une région humide, parfois même marécageu- se, exception faite toutefois de la Hart. D'ailleurs, le nom d'une bonne douzaine de parties de la forêt comporte le suffixe signifi- catif "lach", c'est-à-dire flaque d'eau ou mare. C'est ainsi qu'on trouve des noms comme Kirchlach, Blümelslach, Harzlach, Stallach, Erzlach... Cette présence d'eaux plus ou moins stag- nantes explique peut-être pourquoi la forêt de Haguenau a été moins peuplée que d'autres régions et est ainsi restée un des massifs forestiers les plus importants de . Cet excès d'humidité, souvent signalé dans les textes anciens, a été sensi- blement diminué grâce aux travaux de drainage réalisés au cours des siècles derniers. chirrhein et Schirrhoffen sont d'origine assez récente, mais leur site était occupé par des s humains depuis les temps les plus reculés. Les nombreux tumuli situes dans le secteur de la Kirchlach et du Schirrheinerweg, ainsi que les instruments de tra- vail, les haches, les épées et les poteries enfouis dans le sol et mis à jour par des fouilles récentes, sont les témoins les plus an- DURANT deciens notre de l'occupationsol. Ces dé- LA PRÉHISTOIRE mettentcouvertes de nous recons- per- tituer, en partie du moins, la vie de nos ancêtres lointains. Mais qu'appelons-nous préhistoire ? C'est l'époque qui précède l'histoire et l'apparition des premiers écrits. Les historiens divisent la préhistoire en plusieurs périodes. Nous n'en retenons ici que celles qui nous concernent plus spécialement. Au NÉOLITHIQUE A l'origine, il y avait la forêt. Le massif forestier de Haguenau, tel que nous le connaissons aujourd'hui, n'est que le vestige de l'ancienne forêt vierge qui recouvrait toute la plaine d'Alsace. A l'époque du néolithique — 5000 à 1800 avant Jésus-Christ —, cette forêt était infranchissable et inhabitée. Vers la fin du néoli- thique, seules quelques régions sur le pourtour de la forêt étaient habitées. Les haches en pierre polie trouvées dans la forêt en sont la preuve. Le musée de Haguenau abrite six de ces haches. Elles ont toujours été découvertes dans le voisinage plus ou moins proche d'anciennes habitations, mais ne nous renseignent pas sur la densité de ces populations. Ces hommes du néolithique avaient choisi le site de Schirrhein car, situé sur le bord de la terrasse, il les mettait à l'abri des inon- dations du Rhin. Il leur permettait de cultiver la terre, de prati- quer l'élevage et de profiter de la forêt pour le bois de construc- tion et de chauffage. A L'AGE DU BRONZE A l'âge du bronze — 1800 à 750 avant Jésus-Christ —, les témoins de l'occupation du site deviennent plus nombreux et aussi plus variés. Ces témoins, les nombreux tumuli ou tertres funéraires, sont situés dans la forêt de Haguenau, et plus particu- lièrement dans les secteurs de la Kirchlach et du Schirrhein- erweg, ancien chemin reliant Schirrhein à Soufflenheim. Ces tumuli sont constitués par de petits monticules d'un mètre de haut et de six à dix mètres de diamètre. Aucun indice apparent ne signale les habitats disparus sous la terre et la végétation. C'est leur taille qui permet de les repérer facilement. La plus importante nécropole funéraire de la forêt de Hague- nau se trouve au lieu dit Kirchlach. Elle renfermait au moins 120 tumuli, disséminés sur les parcelles n° 1,2,4,5 et 6 de la forêt. Les quelque 80 tumuli de la parcelle n° 1 ont disparu sous les nouvelles constructions du nouveau lotissement du Stade. La place du Tumulus en rappelle encore le souvenir. Une autre nécropole importante se trouve dans le canton du Schirrheinerweg. Des deux côtés de cet ancien chemin se trouve un ensemble de 17 tumuli, dont Il s'élèvent sur la parcelle n° 9 et six sur la parcelle n° 7. Les habitations étaient nombreuses et for- maient déjà un vrai village. Les premières fouilles des tumuli avaient été réalisées par Maximilien Ring au XIXe siècle. Il fouilla plusieurs tumuli, dont deux datent de l'âge du bronze. Entre 1871 et 1900, Xavier Nessel, alors maire de Haguenau et soucieux de notre patrimoine, fit ouvrir systématiquement tous les tumuli de la forêt et les inven- toria. Il en dénombra 594, dont la plupart remontent à l'âge du bronze. Il creusait des tranchées qui se croisaient au centre du tertre. La terre était soigneusement tamisée, afin qu'aucun tesson ou fragment d'objet ne puisse échapper à son attention. Les objets fragiles et de grande dimension étaient retirés avec le bloc de terre qui les enveloppait au moyen d'une plaque de tôle. En 1957, suite aux agrandissements de Schirrhein, une partie de la nécropole de la Kirchlach fut menacée. C'est à cette occa- sion que E. Dillmann fouilla deux tumuli accolés. L'un recouvrait une sépulture du bronze final — 2000 avant Jésus-Christ — et contenait les restes d'un squelette de femme. L'autre, également une sépulture féminine, date du Hallstatt — vers 500 avant Jésus- Christ. Ces tumuli renfermaient des vases, des épingles de bron- ze, des bracelets et deux fibules. Une nouvelle extension du village entraîna en 1961 de nou- velles fouilles, conduites, cette fois-ci, par H. Zumstein et le pro- fesseur J.-J. Hatt. En 1969, une autre bande de terrain fut déboisée et, en 1970, trois autres tumuli furent fouillés par André Theve- nin. En 1976, la commune de Schirrhein fut autorisée à agrandir le lotissement grâce à un échange de terrain avec Haguenau. Ainsi, une surface de 6,83 hectares était prélevée sur la forêt entraînant la destruction d'environ 25 tumuli. Une campagne de fouilles, financée par le Fonds d'intervention d'archéologie de sauvetage, débuta en mai 1977 et termina en novembre 1978. La coutume d'élever des tertres funéraires fut introduite dans notre région à la fin de l'âge du néolithique. Elle fut importée par des immigrants venus d'Allemagne du Nord et de l'Est, qui fran- chirent le Rhin près de et remontèrent le cours de la Sauer et de ses affluents pour occuper les clairières de la forêt. Ils vinrent se mêler aux indigènes. Au début de l'âge du bronze, c'étaient des sépultures indivi- duelles. Vers le milieu de l'âge du bronze, les tertres individuels étaient réservés aux hommes et aux femmes riches. Les enfants et les gens pauvres ou de condition moyenne étaient enterrés dans des tertres collectifs. A cette époque, on pratiquait aussi l'inciné- ration. Celle-ci était réservée essentiellement aux femmes et aux enfants. Les cendres n'étaient pas enfermées dans des urnes, mais déposées dans la terre. Les hommes, par contre, n'étaient pas incinérés, mais enterrés dans un tombeau. A la fin de l'âge du bronze l'inhumation sous tumulus fut rem- placée, pendant un certain temps, par la crémation et la sépulture à plein sol. Ce fut sans doute un nouvel élément ethnique qui détermina ce changement dans les coutumes funéraires. Mais dès que l'influence étrangère se fit moins sentir, la population indigène revint à ses anciennes coutumes. La coutume du tertre funéraire réapparut à la fin du Hallstatt — 750 à 480 avant Jésus-Christ — et s'est maintenue jusqu'au début de la Tène — 480 à 50 avant Jésus-Christ. Ensuite, à l'époque gauloise, les tumuli furent définitivement abandonnés et remplacés par des tombes plates. Les ancêtres lointains étaient des gens paisibles, des agricul- teurs et surtout des éleveurs de bétail. Ils envoyaient leurs porcs à la glandée dans la forêt, et le bétail sur les vastes prairies qui s'étendaient entre la limite orientale de la forêt et le Rhin. Ces populations avaient une vie religieuse très développée. Leurs rites funéraires et leur piété envers les morts en témoignent. Dans leurs cimetières voisinent paisiblement des morts enterrés selon des rites différents. Il ne semble pas y avoir eu d'esclaves, de chefs tout-puissants et tyranniques. Les sépultures ne déno- tent pas d'inégalité sociale et sont modestes. Tous les individus étaient enterrés avec les mêmes soins. Les femmes étaient esti- mées et honorées. Elles portaient des blouses à manches courtes et des jupes courtes. Lors des jours de fête, elles s'ornaient de bra- celets, colliers, anneaux de jambes, bagues, aiguilles... D'ailleurs, il semble bien que les sépultures des femmes étaient les plus riches. Celles des hommes contenaient des épées ou poignards, et presque toujours une hache. Cette dernière semble avoir servi d'insigne aux hommes. On ne la trouve jamais dans les tombes des femmes. Les enfants étaient aussi enterrés avec beaucoup de soins. Ils portaient à peu près les mêmes types de parures que les adultes. A L'AGE DU FER La découverte et le travail du fer, vers 750 avant Jésus-Christ, changent profondément la vie de cette population. Des maîtres de forge travaillant le fer prennent de l'importance et ébranlent la société. Les armes et les instruments de travail se perfectionnent grâce à l'usage du fer. Tandis que la population antérieure s'adonnait davantage à l'élevage, ces nouveaux venus prati- quaient avant tout l'agriculture. Ils habitaient de préférence à la lisière de la forêt, sur la terrasse qui domine le Ried, surtout du côté de Schirrhein, Soufflenheim et Kœnigsbruck. A cette époque, les tertres funéraires prennent des dimensions plus grandes. Alors que les tertres de l'âge du bronze mesurent en moyenne six à dix mètres, ceux de l'âge du fer ont 15 ou 25 mètres. La hauteur varie entre 0,80 et 2 mètres. Ces tombes contiennent des objets en fer, des fibules, des bracelets, des torques, des épingles, des épées et des plaques de ceinture, mais aussi des poteries. Ces dernières sont moins ornées que celles de l'âge du bronze. De nombreuses tombes, datant de la fin du Hallstatt — 750 à 450 avant Jésus-Christ —, ont été découvertes près de Schirrhein. Une sépulture d'enfant, trouvée au Schirrheinerweg, a fourni une torque, un hochet en terre cuite, un oiseau, un bracelet, une perle et deux fibules à tête d'oiseau. Au Kirchlach, dans le tumulus n° 102, on a trouvé une épée à bouterolle ajourée. Le fourreau est muni d'un anneau pour être attaché à la ceinture, un exemplaire unique. La partie supérieure de ce tumulus a livré une épée et son fourreau, tous deux ployés. C'est au cours du premier siècle que s'est généralisée la mode de l'incinération à épées ployées. L'étude des objets trouvés dans les tombes de cette époque révèle une double évolution de cette société. Celle-ci devint, d'une part, plus guerrière : les haches sont remplacées par des épées. D'autre part, elle semble plus structurée : la hiérarchie sociale semble s'affirmer davantage. A l'âge du bronze, les tombes d'individus riches ou pauvres renfermaient à peu près le rencesmême genres'observent. d'objets, alors qu'à l'âge du fer d'importantes diffé- Les modules de fer trouvés dans l'Eisenbàchel attestent que le fer était travaillé à Schirrhein. Un autre indice le confirme égale- ment. Lorsqu'en 1927, le directeur du musée de Haguenau, Georges Gromer, aidé par les ouvriers municipaux, entreprit des fouilles sur la route romaine du Schirrheinerweg, il constata que le corps de route, fortement tassé, très dur et large de six mètres, était formé d'une couche de gravier de 40 centimètres, mélangé à des scories ferrugineuses. Or la présence de ces scories suppose l'existence de fonderies de fer dans le voisinage de la route. D'ailleurs un des cantons de la forêt, situé un peu plus au nord de l'endroit où ces scories ont été découvertes, se nomme encore aujourd'hui "Erzlach". LA PÉRIODE ROMAINE Au 1er siècle avant Jésus-Christ, des hordes germaniques — les Suèves, les Rauraques, les Triboques — et d'autres encore enva- hirent l'Alsace. Heureusement, elles ne firent que passer. Elles se dirigèrent vers le sud de l'Alsace où, en 58 avant Jésus-Christ, elles furent défaites par le général romain Jules César. Celui-ci occupa notre province et installa les Triboques autour de et de la forêt de Haguenau. Brumath devint alors la capitale du pays des Triboques, c'est-à-dire le centre administra- tif de la région. A Seltz s'établit une base militaire importante, d'où partaient les légions romaines pour conquérir le pays d'outre-Rhin. Ces deux centres n'étaient pas seulement peuplés par des militaires, mais aussi par des fonctionnaires et des com- merçants, qui s'occupaient du ravitaillement de la population et de la troupe. A partir de ce moment-là, l'Alsace fut placée sous protectorat romain. Les légions fortifièrent le Rhin. Elles construisirent le fort de Drusenheim. Mais devant la pression constante des peuples d'outre-Rhin, elles occupèrent une partie de l'Allemagne et créè- rent ainsi ce qu'on appelait le "limes", c'est-à-dire une protection avancée de l'empire. Les Romains construisirent des voies de communication à tra- vers le pays. C'est ainsi qu'une voie romaine importante traver- sait l'Alsace du sud au nord. Elle allait de Bâle à Strasbourg, puis continuait jusqu'à Brumath, Seltz, et s'étendait jusqu'à Mayence. Ces voies permettaient aux légions romaines de se déplacer et facilitaient les échanges commerciaux rapides entre les centres importants. Pour construire ces voies, les Romains utilisaient généralement les chemins existants, tout en essayant de les améliorer et de leur donner un tracé rectiligne. C'est ainsi que l'ancienne route celtique, reliant Brumath à Seltz via et Schirrhoffen, devint une route romaine straté- gique importante. Les Romains avaient, en outre, l'habitude de construire le long de leurs routes, à intervalles réguliers, des stations, appe- lées "mansiones" où les soldats et les colonisateurs pouvaient Carte schématique des voies romaines autour de Schirrhein-Schirrhoffen d'après M. A. Burg. s'arrêter, se désaltérer, manger et dormir. Ces "mansiones" com- portaient une hôtellerie, des écuries et des ateliers de réparation. Il semble bien que près de Schirrhoffen, des deux côtés de l'Eisenbâchel, se trouvait une de ces stations romaines. Cette sta- tion était située à mi-chemin entre Brumath et Seltz, c'est-à-dire à 17 kilomètres de l'une et l'autre ville. Cela correspondait à une journée de trajet pour les convois à chevaux et pour les soldats chargés de leurs bagages militaires. Il y a plus de 100 ans, les fouilles entreprises par Xavier Nessel ont permis de mettre à jour une ancienne "mansio" romaine. Dans une de ses confé- rences, Xavier Nessel disait que d'importantes fondations datant de l'époque romaine étaient encore bien conservées au début du siècle der- nier, du moins dans la parcelle n° 10, vers Schirrhein, à l'emplacement plus connu sous le nom de "Alte Keller" ou ancienne cave. Des per- sonnes âgées m'ont raconté que, enfants, elles allaient souvent jouer sous les voûtes de cette cave, que plus tard, les murs se sont peu à peu écroulés et que les pierres furent portées à Schirrhein. J'ai pu constater personnellement le plan de cette grande construction, toute en lon- gueur, ayant servi probablement d'auberge sur un relais de la voie romaine, reliant Brumath à Seltz. Lorsque ces fondations furent peu à despeu ritesdémolies, funéraires on mit de àl jourépoque. une De tombe l'autre d'enfant côté de avecl'actuelle différents route, objets dans la parcelle n° 8, j'ai découvert les fondations de deux pièces rondes de trois mètres de diamètre, qui étaient, soit des tours, soit des salles de bain. Xavier Nessel affirme également avoir découvert des outils et des monnaies romaines dans le canton du Stcinfeld appelé aussi Steinacker. En face de la forêt se trouvent "die alten Walle", construction.monticules élevés qui renferment des pans de murailles et des débris de Il semblerait qu'au temps des Romains, un carrefour routier important se trouvait près de cette "mansio". Plusieurs routes prenaient là leur départ, notamment en direction de Schwab- willer, , Hatten, Drusenheim et Strasbourg. Xavier Nessel écrit à ce sujet qu'il semble que Schirrhoffen ait été un impor- tant pont de jonction sur la route du commerce et la circulation entre Brumath et Lauterbourg. Dans les parcelles n' 12 et 30 se trouve un réseau de voies encore bien conservé, se dirigeant vers Schwabwiller. Un autre reste de voie est bien visible dans la parcelle M° 27. Elle prend la direction de Hatten. Un peu plus loin et partant de Schirrhoffen se trouve un ancien chemin de communication reliant le village au Rhin. Il ne faudrait pas oublier de mentionner une autre voie très importante pour comprendre l'histoire de la forêt : c'est le chemin reliant Ober- betschdorf et Schirrhoffen, qui se confond avec l'actuelle route toujours en circulation. Elle fut mentionnée pour la première fois en 995 dans l'acte de donation par lequel l'impératrice Adelheid céda un dixième d'une grande partie de la forêt à l'abbaye de Seltz. Vers 350 après Jésus-Christ, les Alamans envahissent notre pays. Les armées romaines tentent d'abord de résister à la pres- sion des envahisseurs. Pour les gens du pays ce sont des années d'insécurité, de pillages et d'incendies, de massacre et de grande tationsmisère. romainesA partir de est ce désertée. moment-là, La domination une grande romaine partie des touche implan- à sa fin. Vers 405, le général Stilicon retire ses légions du Rhin pour pro- téger l'Italie. Les Huns, puis de nouveau les Alamans, envahis- sent le pays et s'installent dans notre région. L'empire romain s'effondre avec une rapidité surprenante. On ne sait rien sur le déclin et la disparition du site romain près de Schirrhoffen. A-t-il été détruit par le feu ou simplement abandonné après les invasions ? Les fouilles, menées par Xavier Nessel, révèlent une couche de cendres sur les débris datant de l'époque romaine. Il semblerait donc que cette station fut détrui- te par le feu. Après le passage des Huns et des Alamans, la station romaine près de Schirrhoffen tomba dans l'oubli. La forêt et les brous- sailles prirent le dessus. Les hordes barbares, qui suivirent, igno- raient sans doute ce site. Elles abandonnèrent même l'ancienne voie romaine. Le site restera inhabité très longtemps. Il n'y avait culture.que quelques huttes et les habitants vivaient d'élevage et de la aul Piemont, un des grands spécialistes actuel de toponymie, dérive le nom de Schirrhein du mot p latin "scara" qui signifie garnison de surveillance contrôlant le service postal et assurant la sécurité de la route. Or, il semblerait que près de Schirrhein, il y avait autrefois une garnison romaine ayant pour mission de protéger la route menant au Rhin. Toujours d'après Paul Piemont, une confu- sion entre le "m" et le "n" aurait donné le LES ORIGINES nom Schirrhein au DE SCHIRRHEIN lieu de Schirrheim. Mais cette hypothèse semble peu probable car plus de dix siècles séparent la période de présence des Romains de l'origine du village. Il est invraisem- blable que les premiers colons venus peupler le Ried se soient souvenus de l'existence d'une garnison romaine en ce lieu. Une explication beaucoup plus simple et, sans doute aussi la plus plausible, est celle d'Edouard Halter. Selon lui, l'étymologie du nom remonterait aux Celtes. Elle aurait une double racine. La première est sceir, qui signifie place ou hangar à sécher le foin. Prononcer Scir ou Chir, elle se traduit en allemand moderne par Scheune, c'est-à-dire grange. La deuxième est Rein, en allemand Rain, qui signifie versant couvert de prairies. Or, au pied de ce Rain, sur lequel s'élève le village actuel, les seigneurs ecclésiastiques de Haguenau, anciens pro- priétaires du Ried, avaient établi leurs hangars à foin. Schirrhein signifierait donc "versant des granges". Ce nom illustre à la fois l'origine du village et sa situation le long du talus qui termine le cône de déjection de la Moder, raccordé à la basse terrasse rhéna- ne. Cependant aucun document officiel ne confirme cette hypo- thèse et les linguistes en avancent d'autres. Ainsi, Heinrich Menges et Bruno Stehle, dans "Deutsches Wôrterbuch fur Elsasser", dérivent le nom "Schirrhein" de Scheer qui signifie, d'après le dictionnaire ancien alsacien-français de Himly, "pré à faucher". Mais Scheer peut aussi s'orthographier Schàr ou Schâre. Selon Friedrich Kluge, dans "Etymologisches Wôrterbuch der deutschen Sprache" de 1934, ces mots désignent la côte abrupte, le promontoire, la falaise. Ainsi Schierried désignerait l'emplace- ment où "la côte rejoint le Ried" ou "la falaise au bord du Ried". Schirrhein qualifierait "un talus en pente raide". D'ailleurs une expression locale semble confirmer cette origi- ne. En effet, on désignait par Scharbruck chacun des ponts aména- gés autrefois sur la rue Principale. Sous ces ponts en maçonnerie des ruisseaux coulaient de la forêt en direction du Ried pour se jeter dans la Fallgraben. Les nombreux documents consultés nous ont livré au moins une vingtaine d'orthographes différentes du nom de Schirrhein. Elle oscille entre la forme originelle Schürrieth et sa forme actuel- le Schirrhein. Voici les différentes orthographes de Schirrhein découvertes dans des documents des archives municipales de Haguenau ou des archives départementales du Bas-Rhin : - Rieth, en 1257 (charte signée par Richard, roi des Romains). - Schürrieth, en 1313, 1334 et 1568. - Schierieth, en 1313. - Schirriet, en 1521 (charte signée par Charles Quint). - Schürain, en 1601. - Schürrein, en 1631. - Schierriedt, en 1636. - Scheureut, en 1656. - Schierrieth, en 1686. - Schirein, en 1711. - Schierem, en 1753. - Giraine, en 1756. - Schirème, en 1769. - Schirrith, en 1789. - Schirein et Schirain, en 1790. - Schirreit, en 1791. - Schirrein, en 1795. - Schierheim, 1796. - Schirrhein, en 1870. Le nom de notre village s'est formé en trois étapes successives : d'abord Rieth, puis Schürrieth et enfin Schirrhein. Mais com- ment faut-il écrire Schirrhein ? Faut-il écrire Schirrhein, comme nous le faisons aujourd'hui, ou faut-il écrire Schirrein, comme on l'a fait longtemps ou faut-il encore écrire tout simplement Schirrain ? C'est le 8 juillet 1894 que le conseil municipal souleva la question pour la première fois. Le rapport mentionne que l'on a dû choisir entre Schirrhein et Schirrain. Le conseil décida fina- lement de conserver la forme "Schirrhein" puisque cette ortho- graphe figurait sur le cachet municipal et était déjà usitée en 1870. En 1920, Edouard Halter demanda au conseil municipal de rectifier l'orthographe de Schirrhein. Selon lui, la lettre "h" aurait été introduite au siècle dernier par un scribe mal informé. Il s'agi- rait donc d'écrire Schirrein, comme on le faisait en 1795. Quoi qu'il en soit, laissons les choses comme elles sont aujourd'hui. Inutile de provoquer une "guerre de religion" pour une simple lettre de trop. Ecrivons Schirrhein avec un "h", sans nous poser trop de questions. LA NAISSANCE DU VILLAGE Après le départ des Romains, le site de Schirrhein est peu à peu abandonné et retourne à l'état sauvage. Terre ingrate et peu ferti- le, le lieu n'intéressait personne. Durant des siècles, le Rieth resta une région de marais, de forêts et de broussailles. Pour com- prendre la naissance du village actuel, il faut se référer à l'histoire de la forêt de Haguenau. C'est là que se trouvent ses véritables racines. A l'origine, cette forêt s'étendait bien au-delà de ses limites actuelles. Un diplôme de 994, concédant un droit de perception de la dîme dans la forêt à l'abbaye de Seltz fondée en 991 par la prin- cesse Gerberge; nous révèle les limites de la Forêt-Sainte. A cette époque la Forêt-Sainte était délimitée au nord par la Sure — la Sauer —, au sud par la Matera — la Moder —, à l'ouest par le Marbach — une petite rivière près d'Uberach —, et à l'est par les Eligolesphat — un sentier qui avait le tracé de l'actuelle route qui mène de Kaltenhouse à Soufflenheim passant par Schirrhein et Schirrhoffen. Au Xe siècle, le terroir de l'actuel Schirrhein était enclavé dans la Forêt-Sainte et dépendait du point de vue juridique et ecclé- siastique de la cour de Schweighouse. Au XIIe siècle, Frédéric le Borgne fit reconstruire sur une île de la Moder un château dont il fit sa résidence personnelle. C'est lui le véritable fondateur de la ville de Haguenau. Très vite de nom- breux colons s'établirent autour de ce château. Ils défrichèrent une partie de la forêt et peu à peu un marché très florissant se développa au pied du château. Par ailleurs, il chercha tout natu- rellement à soustraire la nouvelle cité à la gênante dépendance de l'église de Schweighouse. Il y réussit grâce au concours bien- veillant de l'empereur Conrad III, son frère. En 1143 commença la construction de l'église Saint-Georges de Haguenau. Avec la permission de l'évêque de Strasbourg, l'empereur détacha Haguenau de la cour royale de Schweig- house et éleva la nouvelle église au rang d'église mère. Par la charte de 1143, l'église Saint-Georges devenait une église autono- me. Son territoire englobait également le terroir de Schirrhein- Schirrhoffen. Aussi l'église Saint-Georges avait-elle le droit d'y percevoir la dîme. C'est Frédéric Barberousse (1152-1190), fils de Frédéric le Borgne, qui déclencha le véritable essor économique de Hague- nau. Désireux de faire de son château préféré de Haguenau, le centre politique de son empire, il accorda à la ville, par la charte signée à Rome le 17 juillet 1164, de nombreux privilèges et exemptions. Pour attirer des paysans défricheurs, il accorda aux habitants du bourg un certain nombre de droits d'usage dans la forêt, notamment le droit d'y couper le bois de construction et de chauffage dont ils auraient besoin, le tout sous réserve que personne ne mette la main sur un chêne ou un hêtre, si ce n'est pour construire. Chacun peut librement envoyer paître dans la forêt ses porcs et autres animaux, à l'exception des moutons et ceci à condition d'engager un pâtre pour surveiller les bêtes. Il n'était donc nullement nécessaire d'habiter la ville pour jouir de ces droits et privilèges. Ceux qui étaient établis autour du marais — la Moder — ou autour de l'hôpital Saint-Nicolas de Haguenau — en jouissaient également. Le texte ne parle pas expressément du Rieth, qui à cette époque n'était pas encore habité, mais il y est contenu tacitement. Et c'est sur ce texte, que se baseront plus tard les édiles de Schirrhein lors des litiges avec Haguenau au sujet du droit d'usage de la forêt. LE RIETH Schirrhein est mentionné sous la dénomination de Rieth pour la première fois dans l'histoire, le 20 mai 1257, dans une charte signée à par Richard de Cornouailles, roi des Romains (le roi des Romains était le prince élu à la tête de l'Empire, mais qui n'avait pas encore le titre d'empereur parce que son prédécesseur était encore en vie). Cette charte confirme Haguenau dans ses droits sur le Rieth : le roi des Romains, Richard, étant à Wissembourg, confirme les droits et les privilèges de la ville, accordés à elle par les empereurs, ses prédéces- seurs, à savoir les droits sur la forêt et sur le marais, appelé Rieth — palus quod vulgariter Rieth nuncupatur. Ce qu'on appelle ici Rieth, plus tard Schürrieth ou en allemand das GestOck, est un district sur la rive gauche de la Moder, compo- sé de broussailles et de forêts, successivement défrichées et converties en prairies. Ces terres humides étaient régulièrement inondées par le Rhin, d'où le nom de marais. Ce district était tra- versé par un grand fossé, appelé Fallgraben, dans lequel se déchargeaient les eaux du marais. A cette époque, ce district Schirrheinn'était pas et encore Schirrhoffen. habité et désignait le terroir de l'actuel Défriché, le Rieth se composait de prés, qui étaient répartis entre les patriciens et les bourgeois de Haguenau. Ils étaient fau- chés à leurs frais et à leur profit, puis, après la fenaison, ils étaient abandonnés à toute la population comme vaine pâture. Ces lots revenaient naturellement chaque année aux mêmes familles. Ils en prirent les noms et les conservèrent encore longtemps après l'extinction de leurs possesseurs. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore certains lieux-dits du ban de Schirrhein portent les noms de Kaltesch ou Lichtenberg. LE SCHÜRRIETH C'est en 1313 qu'apparut une nouvelle appellation "Schür- rieth". Après la mort de Henri VII de Luxembourg (1308-1313), le grand bailliage de l'Alsace resta inoccupé pendant longtemps et c'est Haguenau qui avait la charge provisoire d'administrer la forêt qui, rappelons-le, était un domaine impérial. Le 27 octobre 1313, le chargé d'affaires Jean de Lichtenberg délivra une lettre bienréversale collectif à Haguenau, de la ville. mentionnant que le Schürrieth reste un Pourquoi ce changement de dénomination ? Jusqu'à présent le Rieth était un bien collectif de la ville, divisé en de nombreuses parcelles, plus ou moins grandes, affermées chaque année à des familles de la ville. Celles-ci avaient fait construire au pied de la terrasse des granges ou des hangars à sécher le foin. Peu à peu, les familles qui travaillaient ces prés construisirent leurs huttes à côté de ces granges. Il semblerait que le Rieth com- mença à se peupler à cette époque. Ces colons venaient probable- ment d'autres pays. C'est le magistrat qui accordait ou refusait aux étrangers la permission de se fixer en ville. Les premiers colons du Schürrieth étaient probablement des réfugiés venus d'outre-Rhin. Le magistrat leur accordait aide, protection et des droits d'usage de la forêt, mais il ne leur donnait aucun droit de propriété sur les terrains qu'ils occupaient. A cette époque, l'Œuvre Saint-Georges de Haguenau perce- vait la dîme dans le Rieth. Le principe de la dîme est très ancien. On offrait à Dieu la dixième partie du produit de la terre. Fondée en 1143, l'Œuvre Saint-Georges avait reçu, comme premier fonds de dotation, des dîmes qu'elle pouvait prélever sur certaines terres. C'est ainsi qu'elle avait le droit de lever la dîme sur les foins à Schirrhein et à Kaltenhouse. Un texte de 1434 dit que jede Mannsmatte oder Acker in dem schürrieth gibt jedes jahr drei Pfennig für den Zehenden dem Sankt Georgswerk zu Hagenau. Notons que l'expression Mannsmatte désigne originellement une surface de pré pouvant être fauchée par un homme en une journée. Une Mansmatte avait à peu près la surface de 42 ares. Le mardi de la Sainte-Lucie en 1347, le chef de l'empire confir- ma une fois de plus les droits de la ville de Haguenau sur la forêt et le Schürrieth. Le texte, signé par Charles IV de Luxembourg, dit qu'il maintient la ville dans ses libertés, ses droits et privi- lèges. Il lui confirme, en outre, la possession des cantons dans la forêt nommés Stocky et Schierrieth. La ville de Haguenau faisait souvent appel à l'empereur pour qu'il la confirme dans ses droits sur le Rieth, car certains fiefs étaient attribués à des seigneurs ou nobles de la ville, qui prétendaient ne dépendre que du bailli, c'est-à-dire du château impérial. Comme ils refusaient de payer leurs redevances à la ville, le magistrat devait souvent faire appel à l'empereur pour qu'il atteste et confirme par lettres officielles les droits de la ville. Le 4 mai 1521, l'empereur Charles Quint confirme les droits de Haguenau sur la Schürrieth au Reichstag de Worms. Par ce diplô- me, l'empereur reconnaît que, depuis fort longtemps, ses prédé- cesseurs avaient conféré à Haguenau la possession de la sei- gneurie du Rieth. Il rend hommage aux services agréables et utiles que la ville lui avait rendus. Il renouvelle et confirme aussi les privilèges, concessions, us et anciennes observances du Schùrrieth. Il statue qu'à l'avenir et à perpétuité Haguenau pos- sède le Schürrieth avec ses pâturages et tous les droits seigneu- riaux : le droit d'y donner des ordres et des interdictions, d'user et de jouir de ces biens. Ceux qui y habitent devaient être soumis aux ordres du magistrat de la ville et le servir comme le font les bourgeois de la ville. L'empereur invite le préfet, les prévôts, les receveurs de la ville et les baillis à faire respecter ce droit et à le défendre s'il le faut. Celui qui ne respectera pas ce droit tombera en disgrâce devant lui et sera obligé de payer, sans remise, dix marcs or autant de fois qu'il conviendra. La moitié de cette somme ira à la chambre impériale, l'autre moitié à la caisse de Haguenau. Pour la première fois, un texte mentionne officiellement que le Schürrieth était habité. Il met fin à toutes les contestations. Voici le diplôme de l'empereur Charles Quint : Nous, Charles Quint, par la grâce de Dieu, élu empereur romain, toujours Auguste, roi de Germanie, d'Espagne, des deux Siciles, de Jérusalem, de Hongrie, Dalmatie et Croatie, archiduc d'Autriche, duc de Bourgogne et comte de Habsbourg, Flandre et Tyrol, reconnaissons publiquement par les pré- sentes lettres, que les nobles âmes et féaux de nous et de l'empire, les conseils et conseillers de notre chambre de la ville impériale de Haguenau nous ont fait exposer par leur honorable députation du sénat, qu'il y a de longues années que nos prédécesseurs dans l'empire, les empereurs romains et rois leur ont entre autres gracieusement confé- ré par lettres la possession et la seigneurie du Rieth et les broussailles, appelé aujourd'hui le schürrieth, situé en dessous de la ville de Haguenau, avec les pâturages et le droit d'y donner des ordres et défenses, qu'ils en ont joui, usé et profité sans trouble jusqu'à nos temps comme de leur ban ; ainsi que nous avons été suffisamment instruit par eux et d'une manière digne de foi ; qu'ensuite ils nous ont humblement imploré et prié de leur renouveler et confirmer gracieusement lesdits grâces, privilèges, us, anciennes observances, ayant égard à ces humbles demandes et insistance, ainsi qu'aux services agréables, fidèles et utiles rendus avec zèle par ceux de Haguenau à nous et à nos prédécesseurs dans l'empire et qu'ils pourront encore nous rendre à l'avenir, nous leur avons conséquemment, comme empereur romain, après mûre réflexion, . bon conseil et bien instruit, gracieusement renouvelé et confirmé les autres privilèges, concessions, us et anciennes observances du Schiirrieth ainsi qu'en vertu des présentes lettres et par la plénitude de notre puissance impériale et royale nous les privilégions, renouvelons et confirmons sciemment. Nous statuons et voulons qu'à l'avenir et à perpétuité, lesdits consuls, sénat, bourgeois et communauté de Haguenau, ainsi que leurs successeurs possèdent le Schürrieth, avec les pâturages et tous les droits seigneuriaux ainsi que celui d'y donner des ordres et défenses ; qu'ils usent et jouissent et qu'aussi ceux qui sont établis dans le Schurrieth et autour, leur soient obéissants et soumis à leurs ordres et doivent les ser- vir de la même manière que les bourgeois et faire comme ils ont fait depuis et jusqu'à présent, sans empêchement de qui que ce soit. Nous ordonnons ensuite de cela à notre préfet, à notre prévôt, à notre receveur de Haguenau, à tous nos baillis et impériaux et fidèles et à tous

Diplôme reconnaissant les droits de la ville de Haguenau sur le Schurrieth délivré par Charles Quint au Reichstag de Worms, le 4 mai 1521. en général, quels que soient leur dignité et leur état, de ne pas empêcher ni entraver les susdits consuls, sénat et communauté de Haguenau, non plus que leurs successeurs dans lesdits renouvellements, confirmations, privilèges et grâces, qu'ils ne permettent non plus à personne de ce faire, mais de les maintenir et de les protéger et défendre en notre nom et celui de l'empire, autant que chacun voudra éviter notre disgrâce et celle de l'empire avec l'amende de dix marcs d'or que chacun sera obligé de payer sans remise autant de fois qu'il conviendra et dont la moitié à notre chambre impériale et moitié aux susdits de Haguenau. En foi de quoi nous avons donné ces lettres scellées de notre sceau impérial dans notre ville impériale de Worms le 4e jour du mois de mai derial l'année et des autres1521 aprèsle sixième. la naissance du Christ, le 2e de notre règne impé- Ad mandatum Domini Imperatoris Proprium Albertus. L'ADMINISTRATION DU VILLAGE À LA FIN DU MOYEN AGE Schirrhein, comme nous l'avons vu, était une annexe de Haguenau, Le magistrat de la ville faisait office de seigneur et juge du village. Les habitants du village étaient ses subordonnés et devaient lui jurer obéissance. Le magistrat de Haguenau confiait l'administration du village à un Heimburger, qui était élu par les habitants du lieu. Celui-ci administrait le village, y assurait la police, percevait les amendes et surveillait le ban communal. Il tenait les comptes de recettes et de dépenses, les faisait vérifier et approuver chaque année par le magistrat de la ville. Il était secondé dans son travail d'adminis- trateur par les jurés, die Geschworenen, également élus. Les habitants du village faisaient des corvées au profit des habitants de la ville, alors que la ville n'a jamais contribué aux dépenses du village. Celle-ci ne participait pas non plus aux dépenses patrimoniales. Haguenau percevait également différentes redevances de Schirrhein pour la protection qu'elle lui accordait. C'est ainsi qu'elle percevait l'impôt appelé Marzahl ou droit sur le foyer. Ce droit était perçu auprès de tous les individus, bourgeois ou non. A partir du moment où un individu habitait sur le territoire de sa juridiction, il était redevable. A cette époque, Schirrhein et Schirrhoffen se composaient de huttes et de granges construites au bas du talus qui borde le mas- sif forestier. Les deux villages étaient reliés par deux chemins, l'un situé au bas du talus, appelé "Mont des Vaches", et l'autre situé sur le talus, appelé "Mont des Chevaux". a fin du Moyen Age et le début du XVIe siècle furent pour notre région une période de prospéri- L té et de paix. Aucune guerre ne ravageait le pays. La vie économique était en pleine transformation. Les échanges commerciaux se développaient. Le peuple vivait relativement bien. En 1525 éclata la guerre des Paysans, qui fit des ravages à , , et dans le Sundgau, mais ne tou- Aux XVIE Aucha milieuguère notre du XVIe région. siè- ET XVIIE SIÈCLES cle, la Réforme protes- tante se développa en Alsace, mais ne toucha pas nos deux villages. Alors que les grands seigneurs voisins, les Lichtenberg et les Fleckenstein, se rallièrent à la Réforme, Haguenau resta catholique. Ses deux annexes, Schirrhein et Schirrhoffen, fidèles au vieux principe en vigueur à cette époque, "tel prince, telle religion", le restèrent aussi. Par contre, le village voisin d'Oberhoffen, qui dépendait des Lichtenberg, devint entièrement protestant. LA GUERRE DE TRENTE ANS La paix qui marquait la fin du Moyen Age fut rompue par la guerre de Trente Ans en 1618. A l'origine, ce conflit était une guerre de religion qui opposait, dans le Saint Empire, les princes luthériens aux catholiques conduits par l'empereur. La maison d'Autriche resta fidèle à l'Eglise catholique, alors que les princes et la plupart des villes libres, sauf Haguenau, s'étaient ralliés à la Réforme. Très vite ce conflit dégénéra en conflit européen, où entrèrent en scène successivement la Suède, l'Espagne et la France. L'Alsace connut à son tour les affres de la guerre. Elle fut même au cœur de ce conflit européen. De novembre 1621 à juillet 1622, les troupes luthériennes d'Ernest von Mansfeld envahirent l'Alsace du Nord. Elles pri- rent Lauterbourg et occupèrent Haguenau en décembre 1621. Ernest von Mansfeld y établit son quartier général. A partir de là, ses troupes firent des raids meurtriers dans les villages avoisi- nants. Elles pillèrent et brûlèrent tout sur leur passage. Les villa- ilsgeois construisirent apeurés s'enfuirent des huttes. et se réfugièrent sur les îles du Rhin où Cette carte établie par Specklin en 1576 mentionne Schirrhein sous le nom "schirem". Le village est entièrement entouré de forêts. A Oberhoffen, par exemple, l'église et le presbytère furent pillés et brûlés. Il ne restait plus personne dans le village. Cette année-là, les prés ne furent pas fauchés. Bischwiller et Herrlis- heim furent pillés à leur tour le 6 février 1622. Il semblerait que Schirrhein et Schirrhoffen étaient mieux pro- tégés grâce aux Niedheimer, qui avaient leur résidence à Schirrhoffen. Comme tous les grands propriétaires, ils cher- chaient à défendre et à préserver leurs biens et droits, et ils en avaient les moyens. Après 1636, Haguenau contesta à Jean- Philippe Niedheimer son droit sur le hameau de Schirrhein. Celui-ci se défendit en affirmant que damals gab es nicht einen Menschen, der für das Schierrieth nur 20 Gulden gegeben hiitte und damals war ein Gulden so hoch geschàtzt, als jetzt la. Ubrigens zodre das Dorflein, wie andere, in dieser Zeit verbrannt, zvas ich durch grofte Unkosten und gute Recommandation bei grofien Herren und Leuten verhiitet habe. Par la suite, les hordes de Mansfeld furent repoussées par les troupes catholiques. Hélas, celles-ci pillèrent à leur tour tout ce que les premières avaient épargné. Au printemps 1632, les hordes suédoises du général Horn pas- sèrent le Rhin. Elles s'étaient ralliées aux princes protestants et avaient parcouru en vainqueurs toute l'Allemagne du Nord. En 1633, ces hordes suédoises ravagèrent toute la province et com- mirent les pires cruautés dont le peuple se souvint pendant des siècles. Des villages entiers disparurent. Ils réquisitionnèrent presque tout le bétail de Schirrhein et Schirrhoffen. Le général Horn repartit avec ses troupes en 1634, mais l'empe- reur, puis le roi de France et finalement le prince Bernard de Saxe- Weimar se disputèrent le pays pendant des années, provoquant famine, peste, exactions et souffrances. Les années 1635 à 1639 furent particulièrement meurtrières. Les combats et la présence de soldats empêchèrent le déroulement normal des travaux dans les champs. Les Alsaciens devinrent des gens misérables. Le 12 décembre 1636, après l'intervention française, Haguenau eut de telles difficultés financières qu'elle dut vendre le hameau du Schierriedt avec tous ses droits et ses dépendances pour 350 florins à Jean-Philippe Niedheimer, maître du Schirrhof. Le contrat de vente, signé le 12 décembre 1636, était conçu en ces termes : Après avoir pris en considération, que les très onéreuses charges de guerre actuelles ont épuisé et diminué, non seulement les revenus et la fortune de la ville, mais ceux de chaque bourgeois et qu'il y a plus de possibilité de lever sur les bourgeois la moindre chose pour faire face aux dépenses les plus urgentes, qu'en conséquence il devenait inévitable de réfléchir à des moyens extraordinaires — si nous ne vou- lons nous exposer à une ruine totale et générale — et nous y résoudre à défaut d'autres... nous avons convenablement prié et sollicité par réso- lution unanime, le très noble et juste Jean-Philippe Niedheimer de Wasenbourg, notre collègue et ancien Stettmeister, de nous porter assis- tance dans cette détresse, que nous lui avons aussi fait proposer la vente ci-après, et qu'après longue négociation, faite en conséquence, nous avons loyalement vendu et donné à acquérir à notre dit collègue Jean- Philippe Niedheimer, le petit village avec tous ses droits et dépendances, connu sous le nom de Schierriedt. Sur quoi nous avons transmis nos droits dans le Schierriedt, avec toutes les appartenances, droits et dépendances, haute justice, seigneurie et juridiction territoriale, ainsi que la domination de la même manière que nous en avons joui un temps immémorial et que nous jouissons encore. Il a été dit et convenu expres- sément qu'en cas de revente de la part de l'acquéreur, de ses descendants et ayants droit, l'honorable sénat et la ville devront avoir dans tous les cas le droit de préemption. Cet acte de vente fut contesté par la suite. Après la guerre de Trente Ans, le magistrat réclama la résiliation du contrat. Vers la fin de l'année 1684, le conseil souverain d'Alsace annula le contrat et restitua à Haguenau les terres et la seigneurie du Schierriedt, contre le remboursement du prix de vente. La reprise officielle du Schierriedt par Haguenau eut lieu le 8 janvier 1685. Ce jour-là, le substitut du roi, le prêteur, le Stett- meister, le magistrat et ses conseillers, deux greffiers et deux maré- chaux, se rendirent au Schierriedt. Ils rassemblèrent les habitants du Schierriedt à l'hôtellerie "Le Lyon d'Or", qui servait de maison où l'on rendait justice — il n'y avait pas encore de mairie à cette époque —, leur donnèrent lecture de la décision du conseil souve- rain. Ils demandèrent également à tous les habitants de la localité de lever la main et de jurer de reconnaître à l'avenir les prêteurs, Stettmeister et magistrats de la ville de Haguenau, de leur délivrer les droits seigneuriaux, de faire les corvées auxquelles ils sont tenus envers leur seigneur, de se comporter en tout comme des sujets et des vassaux, sont obligés de le faire envers leur seigneur particulier et de leur porter le respect dû en cette qualité. Tous signèrent le document. Haguenau récupéra ainsi le Schierriedt. Celui-ci restera propriété de la ville jusqu'à la Révolution française. Les traités de Westphalie mirent fin à la guerre de Trente Ans en 1648. Une partie de l'Alsace devint française, mais était rava- gée et dépeuplée. Plus d'un tiers de la population avait disparu. L'administration française allait devoir réaliser un énorme tra- vail de réorganisation. UNE PÉRIODE DE REDRESSEMENT Pour reconstruire le pays et pour favoriser le repeuplement, Louis XIV demanda, en 1662, aux anciens propriétaires de châ- teaux, de manoirs, de maisons sinistrées voire abandonnées et de terres en friches, de faire valoir leur droit de propriété dans un délai de trois mois devant une commission royale spécialement créée à cet effet. Passé ce délai, les biens immobiliers non récla- més seraient mis à la disposition de tiers, autochtones ou immi- grants, professant religion romaine. Ce n'est qu'en 1686 que fut réalisé le remembrement du ban de Schirrhein-Schirrhoffen. Le 27 mars de cette année-là, le conseil souverain d'Alsace désigna le Stettmeister Bartholomé Frantzen comme commissaire pour le renouvellement du ban. Celui-ci convoqua tous les propriétaires à la maison communale pour le 26 juillet. Il leur demanda de se munir de leurs titres originaux ou des copies collationnées, afin que chacun puisse faire valoir ses droits et entrer en possession de ses biens. Le rapport dressé par le commissaire Frantzen nous donne tout un état détaillé des mai- sons, jardins, terres cultivables et prairies du ban Schierriedt. Le ban se composait alors de 41 maisons, dont deux appartenaient aux Niedheimer. Le Schirrhof comprenait neuf maisons, toutes reconstruites. Il semblerait qu'elles aient été détruites pendant la guerre de Trente Ans. Une grande partie des terres de Schierriedt appartenaient au maître du Schirrhof ou à des personnes étran- gères au village. Voici comment elles se répartissaient : - Les Niedheimer : 319 fauchées. - L'Œuvre Saint-Georges de Haguenau : 105 fauchées. - Le baron de Türckheim : 98 fauchées. - Le baron de Flaxlanden : 34 fauchées. - Le seigneur de Wickersheim : 26 fauchées. - Les Cordeliers de Haguenau : 21 fauchées. - Les Prémontrés : 4 fauchées. - Le chapitre de Saverne : 16 fauchées. - Les Chartreux de Molsheim : 6 fauchées. - La paroisse Saint-Nicolas de Schirrhein : 16 fauchées. Les autres terres appartenaient à des particuliers du Schier- riedt. Ainsi 53 % des terres étaient la propriété de gens étrangers au village. Cette situation changera avec la Révolution française. Pour favoriser le repeuplement du pays, Louis XIV fit appel à des étrangers. Il encourageait l'immigration en accordant aux colons des terres de défrichement, des exemptions fiscales pen- dant six ans et du bois de construction. C'est ainsi que s'établi- rent à Schirrhein et à Schirrhoffen des colons venus de Suisse, du Pays de Bade et de la Bavière. Aujourd'hui encore, certains noms de famille témoignent de l'origine de ces immigrés, tels les Appenzeller et les Schiffli venus de Suisse ou les Heisserer, Dorffer, Schmitter et Gentner venus d'Allemagne du Sud. UN PROCÈS DE SORCELLERIE À SCHIRRHEIN Aux XVIe et XVIIe siècles eurent lieu à Haguenau, comme dans beaucoup d'autres régions, des procès de sorcellerie. La croyance aux maléfices et à la sorcellerie était très répandue et la guerre de Trente Ans l'accentua. Ces procès étaient présidés par le magistrat de la ville. La plu- part du temps, ils se terminaient par la mort violente des accusés. Les Jésuites accompagnaient les condamnés au supplice. En 1616, huit femmes furent brûlées vives. Trois autres et un garçon subirent la même peine en 1618. Dix ans plus tard, Adam Harthausen, nommé "le Noir", fut traduit devant le juge pour sorcellerie, avec sa femme et son fils âgé de 14 ans. Il se donna la mort dans sa cellule. En 1630, un habitant de Schirrhein, Hanz Lentz, fut accusé de sorcellerie. Voici son histoire : les jours de la fête des Rois, cet homme avait invité à sa table une bande de joyeux compères. On mangeait bien et le vin coulait à flots. Quelques-uns burent à la même coupe que Hanz Lentz. Peu après ils se sentirent mal. Une jeune fille du village, qui avait bu à cette même coupe, tomba Autrefois Schirrhein avait les mêmes armoiries que Mulhouse : une roue de moulin. L'origine de cette roue remonte probablement aux colons venus de Suisse ou d'Allemagne du Sud, qui, après la guerre de Trente Ans, repeuplèrent notre région. C'est, sans doute, en souvenir de leur pays d'origine où il y avait beaucoup d'eau et de moulins, qu'ils ont choisi cet emblème. Mais pour éviter toute confusion avec les armoiries de Mulhouse, les autorités compétentes ont préféré, après 1945, conférer à Schirrhein comme emblème la hache et la demi- rose, autre souvenir historique. malade et mourut trois jours plus tard. Cette mort était sans doute provoquée par l'oxydation de la coupe en étain mal net- toyée, mais on accusa Hanz Lentz de sorcellerie. Il fut traduit devant le tribunal de Haguenau. Ses compères, qui devaient se présenter devant le tribunal comme témoins, n'y parurent pas. Deux médecins experts de Strasbourg examinèrent la coupe fata- le. Pour faire parler le prévenu, on le soumit aux tortures habi- tuelles. Finalement il avoua son forfait. Mais que vaut un tel aveu ? Aujourd'hui on sait très bien que sous l'effet de la torture on peut extorquer n'importe quel aveu. L'accusé essaya de se sui- cider dans sa cellule, mais n'y parvint pas. Entre-temps, deux autres villageois l'accusèrent d'avoir fait mourir par maléfices deux de leurs chevaux. Le procès eut lieu le 16 février 1630. Le verdict fut sévère : décapitation après pendaison. Aujourd'hui encore on reste perplexe devant de tels faits. On ne peut que déplorer et avoir le même sentiment devant les pas- sions qui les ont provoqués. Cependant n'oublions pas que de nos jours de nombreux pays ont encore recours à la torture. Ce qui n'est pas conforme à la charte des droits de l'homme. ême si le XVIIIe siècle est marqué par les guerres de Succession d'Espagne et d'Au- M. triche, notre région connaît une période de tranquillité et de paix. On commence à défricher la forêt, on construit de nouvelles maisons, la population aug- mente et la vie au village s'écoule paisiblement. Le villa- ge comptait 15 foyers en 1630/30 en 1693,364 habitants en 1720, 560 en 1763 et 640 en 1793. Cette tran- Au quillité cache cepen- dant un mal profond. XVIIIE SIÈCLE Ensouffre réalité, d'une le fiscalitépeuple de plus en plus lourde. Les impôts et les charges pèsent surtout sur les pauvres, essentiellement des ruraux. Les paysans sont épuisés. Une fois leurs récoltes vendues et les impôts payés, il ne leur reste plus que de faibles moyens pour survivre jusqu'à la prochaine récolte. Cette situation entraîne un grand mécontentement, qui sera l'une des causes de la Révolution française. LA GUERRE DE SUCCESSION D'ESPAGNE Cette guerre, qui dura de 1701 à 1714, trouve son origine dans la succession au trône d'Espagne. Le roi d'Espagne Charles II avait nommé comme successeur le petit-fils de Louis XIV, le duc Philippe d'Anjou. Le roi de France accepta volontiers cette suc- cession qui allait dans le sens de ses intérêts. Mais les puissances européennes n'y consentirent point et déclarèrent la guerre à l'Espagne et à la France. Une fois de plus l'Alsace du Nord allait être mise à forte contribution. Le 15 octobre 1702, le lieutenant général de Friesen, saxon d'origine et gouverneur de Landau, s'empara de Lauterbourg et de Wissembourg. Il assiégea Fort-Louis et lança ses troupes en direction de Haguenau. Ses exigences étaient très lourdes pour la ville et les villages avoisinants : réquisitions d'hommes et d'atte- lages, fournitures de grains, de farine, de fourrage et de bois. Il somma le magistrat de la ville de mettre 25 terrassiers et un chariot avec quatre chevaux à sa disposition, pour démanteler la place qu'il commandait. Le magistrat décida que le chariot et l'attelage seraient fournis par Schirrhein. Les ouvriers provien- draient successivement des tribus, des manants et des Juifs. Le 19 février 1703, le général de Friesen réclama 12 000 livres à Haguenau pour ses quartiers d'hiver, dont 1 000 livres devaient être versées immédiatement. Fortement embarrassé par cette exi- gence, le magistrat convoqua la bourgeoisie de la ville. Il fallut choisir entre avancer ces fonds par hypothèque ou répartir cette somme sur la base des fortunes individuelles. Finalement, la bourgeoisie préféra ce dernier mode de recouvrement et taxa Schirrhein de 400 florins. Les sacrifices imposés aux 35 villages du grand bailliage de Haguenau étaient énormes. De 1705 à 1712, il dut fournir 29 908 li- vres en espèces et 205 512 livres en nature (bétail, grain, vin, four- rage... ), soit un total de 235 420 livres. L'armée impériale, puis les armées françaises imposèrent à la ville des charges dépassant rapidement les limites de ses possibilités financières. En 1706, le maréchal de Villars, commandant les troupes fran- çaises, contre-attaqua, reprit Haguenau et délivra Fort-Louis. Les troupes françaises construisirent alors des écluses sur la Moder pour inonder les lieux et ainsi améliorer le système défensif du Ried. En 1706, plus de 4 000 paysans de la région étaient employés à la construction de ces lignes de défense de la Moder et de Haguenau. Ces écluses eurent des conséquences catastrophiques pour les habitants de Schirrhein : les vieilles maisons construites en bas du talus furent inondées et les habitants durent chercher refuge dans la forêt. C'est alors qu'on commença à défricher la forêt le long du plateau. On y construisit des maisons et on cultiva les champs gagnés sur la forêt. Bien sûr, l'Etat voyait ces défrichements illicites d'un mauvais œil. Le 1er décembre 1714, un édit du grand maître de la forêt mit en demeure les maires des deux communes de récolter au profit dula forêt. roi les fruits des terrains qu'ils avaient défrichés au "Rin" de En 1716, la maîtrise des eaux et forêts condamna ces gens à démolir leurs maisons et à rendre à l'Etat les terres illégalement acquises. L'administration cherchait à reprendre au plus vite ces terresl'Etat. empruntées. Un litige opposa alors les deux communes à Mais finalement le bon sens triompha. Vu que les barrages aménagés en 1714 rendaient les anciennes maisons au bas du talus inhabitables, le conseil d'Etat décida, le Il juillet 1716, de laisser les terres défrichées entre les mains de leurs nouveaux possesseurs, à condition de verser chaque année aux caisses de l'Etat une redevance de six sous par arpent. LA GUERRE DE SUCCESSION D'AUTRICHE Le 20 octobre 1740, l'empereur Charles VI meurt. Sa succession s'avère très difficile. Est-ce sa fille Marie-Thérèse qui montera sur le trône ou le prince héritier de Bavière Charles-Albert ? La France, qui soutenait la candidature du prince héritier de Bavière, sera entraînée dans un nouveau conflit européen. Ce conflit opposa la Prusse, la Bavière, la Saxe, l'Espagne et la France à l'Autriche. Cette coalition anti-autrichienne remporta d'abord d'importants succès : la conquête de la Silésie par la Prusse et la conquête de la Haute-Autriche et de la Bohême avec Prague par les Français et les Bavarois. En 1742, Marie-Thérèse, la prétendante au trône, mit cette coa- lition dans une situation difficile en obtenant le concours des Hongrois et des Anglais. C'est alors que l'armée française fut obligée de se retirer d'Allemagne du Sud. Le 2 juillet 1744, l'armée autrichienne, forte de 60 000 hommes, sous le commandement du prince Charles de Lorraine, beau- frère de Marie-Thérèse, franchit le Rhin et envahit l'Alsace du Nord. Elle s'empara de Lauterbourg et de Wissembourg, puis se dirigea vers Haguenau. Parmi ces envahisseurs autrichiens se trouvait le fameux corps franc des Pandours, commandé par Franz Trenck. Ces Pandours, appelés aussi "les manteaux rouges" — Rotmân tel —, étaient des mercenaires hongrois, pillards et brutaux, servant dans l'armée autrichienne. Ils allaient malmener les campagnes alsaciennes pendant quelques mois. Le prince Charles établit son quartier général à Haguenau. Ses troupes s'emparèrent de Saverne et pillèrent tout le Kochersberg. Pendant six semaines les Autri- chiens séjournèrent dans la région et commirent des exactions invraisemblables. J. Crede, pseudonyme de l'abbé Julien Schiess et vicaire à Soufflenheim à partir de 1903, note dans son opuscule "Aus dem Pandurenliirm" que les récits que l'on rapportait les soirs d'hiver dans les chaumières auprès du feu sur le comportement des Pandours, ces barbares d'une rare cruauté, n'étaient en rien exagérés. Rien que la façon de s'habiller de ces guerriers suffisait à créer la panique et l'épouvante parmi les populations : leur couvre-chef oriental, leurs longs manteaux flottant au vent, leurs fourrures et cuirs si étranges, leurs hautes bottes, leur ceinturon où pendaient, menaçantes, les armes nombreuses et diverses, leur sabre énorme ! Comme leur exté- rieur sinistre et effrayant correspondait bien à leur comportement ! S'élançant sur leurs chevaux à moitié sauvages, ils tuaient avec un plai- sir évident et cruel tout ce qui leur tombait sous la main. De même ils incendièrent ce qu'ils venaient de piller. Ils mutilaient leurs pauvres victimes, détachant l'un après l'autre les membres de leur corps, ou en tuant d'une façon atroce et inimaginable. Il arrivait qu'ils éventraient leurs victimes et qu'ils leur mettaient des chats vivants dans le ventre. Sous les yeux horrifiés des mères anéanties par la souffrance, ils étran- glaient leurs enfants et écrasaient de leurs bottes la tête des nouveau- nés. Aussi les paysans fuyaient et se cachaient dans les caves et les granges dès que leur parvenaient le bruit du galop de leurs chevaux sau- vages et le cliquetis de leurs armes, ou qu'ils apercevaient leurs man- teaux écarlates flotter au vent. Bien souvent hélas, les pauvres fugitifs étaient rattrapés par les bourreaux impitoyables, abattus et brûlés dans leurs cachettes. La cruauté des Pandours égalait celle des Suédois qui, un siècle plutôt, sévissaient dans notre région, lors de la guerre de Trente Ans. Aussi, Suédois et Pandours sont-ils également haïs par les habitants de notre contrée. D'où aussi les appellations "Suédois sau- vages" et "Pandours sauvages" qui sont restées. En août 1744, les troupes françaises du maréchal de Noailles chassèrent les troupes autrichiennes de Saverne, libérèrent le Kochersberg, avancèrent vers le Rhin, et occupèrent Bischwiller. Le dimanche, 23 août 1744, vers 16 heures, le chevalier de Belle Isle, frère du maréchal, avança avec ses troupes vers Schirrhein. Il traversa le village en longeant le chemin creux et avança sur la route vers Soufflenheim. Soudain, en pleine forêt, il se heurta aux avant-postes des Autrichiens. Un violent combat eut lieu. Les Autrichiens perdirent 2 000 hommes et abandonnèrent Soufflen- heim. Le monticule, où étaient installés les avant-postes autri- chiens, porte aujourd'hui encore le nom de Pandurenkopf. Lorsque le maréchal de Noailles apprit le succès remporté par son frère à Soufflenheim, il avança avec ses troupes par Drusen- heim vers Rœschwoog. Les Autrichiens brûlèrent et abandonnè- rent le village d'. Durant la nuit, les Français se heurtè- rent, près de Rœschwoog, à une violente résistance de la part des Autrichiens. Un combat très confus s'engagea. De nombreux cavaliers furent désarçonnés. Finalement les Français rétablirent l'ordre, les Autrichiens laissant sur le champ de bataille près de 1 200 morts. Le 26 août, les Français arrivèrent aux portes de Fort-Louis. En hâte les Autrichiens levèrent le siège et se retirè- rent par et Seltz au-delà du Rhin, démolissant derrière eux le pont du Rhin. Mais Louis XV n'attacha pas grande impor- tance à cette reconquête. J. Crede note que les officiers français firent eux aussi l'expérience de la déception, expérience à laquelle ils s'attendaient le moins, puis- qu'elle leur venait de leur propre roi. Le dessein de gagner des lauriers pour la couronne royale les encourageait à combattre sans craindre la mort. Aussi se donnèrent-ils à fond dans l'accomplissement de leur devoir, beaucoup d'autres étant sérieusement blessés. Ils étaient persua- dés que la nouvelle de cette glorieuse victoire réjouirait le roi convales- cent qui, lui, venait de vaincre la maladie. Hélas ! Il n'en fut rien, le roi SCHIRRHEIN ET SCHIRRHOFFEN, DEUX VILLAGES DE L'ALSACE DU NORD SITUÉS À LA LISIÈRE DE LA SAINTE-FORÊT DE HAGUENAU, CONTENT LEUR HISTOIRE. DES TERTRES FUNÉRAIRES TÉMOIGNENT D'UNE OCCUPATION HUMAINE TRÈS ANCIENNE ET FONT DE CES SITES UNE MINE ARCHÉOLOGIQUE SANS PAREILLE. PLUS TARD, L'IMMENSE SILVE REGORGEAIT DE TRÉSORS POUR LES SCHIRRHEINOIS, QUI Y JOUISSAIENT DE NOMBREUX DROITS ET PRIVILÈGES. PARALLÈLEMENT SE DÉVELOPPA À SCHIRRHOFFEN L'UNE DES PLUS IMPORTANTES COMMUNAUTÉS RURALES JUIVES DU BAS-RHIN. DEUX DESTINS DIFFÉRENTS ET POURTANT SI LIÉS.

Prix : 280 francs ISBN 2-84208-000-9

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