Bavh Octobre
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LES FRANÇAIS AU SERVICE DE GIA-LONG XII — LEUR CORRESPONDANCE par L. CADIÈRE des Missions-Etrangères de Paris. Un historien très averti des choses d’Annam,M. Ch. Maybon, a bien voulu dire que les Documents relatifs à l’époque de Gia-Long renfermaient des pièces d’une grande valeur pour l’histoire indochi- noise (1).Lorsque je publiai ces documents, dans le Bulletin de l’Ecole Française d’Extrême-Orient (2), je ne me faisais pas illusion sur les défauts du recueil : c’était un travail incomplet. « J’ai eu l’occasion, disai-je, de parcourirun grand nombre de documents. Malgré mon vif désir de glaner tout ce qui était intéressant au point de vue de l’histoire civile de l’Indochine ancienne, j’ai été obligé de me borner. ; j’ai recherché ce qui concernait l’époque de Gia- Long, et, là aussi,le temps qui m’était fixé m’a obligé de faire un choix. » Pressé par les circonstances, ici j’avais été forcé de faire des coupures et de laisser de côté des passages d’un grand intérêt, mais dont la transcription m’aurait pris trop de temps ; là, j’avais écarté des documents entiers ;ailleurs, j’avais négligé de parcourir des recueils qui pouvaient pourtant renfermer des lettres rentrant (1) Histoire moderne du pays d’Annam, par Ch. B. Maybon, Introduc- tion, p. VI. O (2)Tome XII, 1912, N 7, pp1-82 – - 360 - dans mon sujet. Bref, conscient des lacunes que présentait le recueil que j’avais réuni, j’écrivis au R.P. Launay, archiviste et historien du Séminaire des Missions-Etrangères, et le priai de vouloir bien me faire copier quelques documents dont j’avais pris la cote. Il me répondit, avec sa bonté habituelle, en dépassant mes désirs et en m’envoyant presque toute la correspondance des Français au service de Gia-Long que contiennent les Archives du Séminaire de la Rue du Bac. Qu’il veuille bien recevoir ici l’expression de ma reconnaissance et de celle des Amis du Vieux Hué. Je dis presque toute, la correspondance. Il manque, en effet, certains petits billets des frères Dayot que j’avais notés, simples mémoires d’envois de fonds, ou listes d’expédition de marchandises, règlements de comptes, qui n’ont peut-être pas, pris en eux-mêmes et séparément,une grande importance, mais qui, dans l’ensemble, permettent de se rendre compte quelque peu d’une façon générale des opérations auxquelles se livrèrent les deux frères, après qu’ils eurent quitté le service de Gia-Long. Je ne pense pas que l’on trouve plus tard, dans les Archives du Séminaire des Missions-Etrangères,d’autres documents vraiment importants, émanant des officiers qui vinrent en Cochinchine à la suite de l’Evêque d’Adran :le R. P. Launay connaît trop bien son domaine pour avoir laissé échapper quelque chose qui méritât d’être noté. Mais M. A. Salles a mentionné à plusieurs reprises, dans le Bul- letin des Amis du Vieux Hué (1), et a donné même la reproduction (2) de lettres qui sont, à l’heure actuelle, en la possession de familles Chaigneau, Dayot, Lefèvrede Réhaine, etc. Notre Association, qui s’est fait un devoir de rechercher et de faire connaître tous les (1) B. A. V. H., 1922, p. 327, No 24o : « une lettre autographe de Jean- Marie Dayot,datée de Calcutta, 25 Février 1796, adressée à Stanislas Lefebvre, neveu de Mgr. Pigneau. .(Archives du Commandant Lefebvre de Béhaine) » ; - p. 329, NO 400,une lettre autographe de Laurent Estiennet Barisy, à Stanislas Lefebvre, de Tranquebar, le 25 Janvier 1799. (Archives du Commandant Lefebvre de Béhaine) » ; No 410, « lettre autographe de Victor Olivier à Stanislas Lefebvre, écrite de Macao, le 29 Octobre 1795... (Archives Lefebvre de Béhaine) » ; - p. 330, N 49o, « quatre lettres autogra- o o phes de J.-B Chaigneau (Archives G. de Chaigneau) » ; N 5O , « trois lettres autographes deVictor Olivier (Archives Lefebvre de Béhaine) » ; N O 510, « deux lettres autographes de Jean-Marie Dayot (Archives Ch. Dayot) » ; No 52 0. « un lot de lettres autographes de Généreux Félix Dayot (Archives Ch. Dayot) ». (2) B. A. V. H.,1922, p. 328, No 360; id.,1923. Planches XVII, XVII bis, « une longue lettre autographe de J. B. Chaigneau à son frère aîné, du 19 Octobre 1821...(Archives G. de Chaigneau) ». - 361 - souvenirs relatifs aux premiers Français qui jouèrent en Annam un rôle politique, serait heureuse de publier dans son Bulletin,si on voulait bien les lui confier, ces documents, qui viendraient compléter le recueil que je donne aujourd’hui (1). C'est précisément pour essayerd’amorcer ce recueil complet de toutes les pièces qui existent encore, à l’heure actuelle, de la correspondance des Français au service de Gia-Long, que je crois devoir reproduire ici un certain nombre de lettres, toujours tirées des Archives des Missions-Etrangères, que j’avais données intégrale- ment dans les Documents relatifs à l’époque de Gia-Long, et d’autres lettres dont je n’avais donné que des extraits. Nous avons donc présentement, 31 Documents en tout, à savoir : 12 lettres complètement inédites, (2) ; 2 lettres presque inédites, parce que données très incomplètement dans les Documents relatifs à l’époque de Gia-Long (3) ; 9 lettres incomplètement données dans cette même publication (4) ; 8 lettres déjà données intégralement (5). Evidemment, l’intérêt va en diminuant à mesure que nous atteignons le dernier lot, dont la présence ne se justifie, je le répète, que pour rendre le plus complet possible ce recueil des lettres émanant des Français au service de Gia-Long. On remarquera le nom de deux « officiers du Roy de la Cochinchine à Saigon »,que l’on ne connaissait pas encore, « MM. Lewet et Roland », et les Européens relativement nombreux qui, à cette époque, résidaient ou voyageaient en Extrême-Orient, pour leur commerce. Les lettres d’Olivier de Puymanel, comme plusieurs autres, nous font voir que nos compatriotes,tout en rendant service à Gia-Long, de diverses façons, soignaient aussi leurs intérêts particuliers et faisaient du commerce ;et elles nous montrent le caractère de leur auteur, dont M. Le Labousse écrivait, le 22 Juin 1795 : « C’est un bon enfant, et qui a un bon fond de religion, mais il est un peu chaud, et jeune homme » (6). La lettre de Despiau nous renseigne d’une façon plus précise sur la tentative qui fut faite par Minh-Mang pour introduire la vaccine (1) Je signale, pour être complet, la supplique de Despiau que j’ai publiée dans le B. A. V. H., 1925, pp. 183-185. (2) Lettres I,II, III, IV, V, IX, XII, XV, XVII, XXI, XXVII, XXIX. (3) Lettres VIII, XI. (4) Lettres X, XVI, XVIII, XIX, XX, XXV, XXVI, XXVII, XXXI. (5) Lettres VI, VII, XIII, XIV, XXII, XXIII, XXIV, XXX. (6) Documents époque Gia-Long, p. 35. - 362 - à Hué (Lettre XXI). Et ce que nous dit Barisy au sujet de son malheureux compagnon confirme ce que nous savions déjà sur la vie d’expédients que mena toujours Despiau (Lettte XII). Mais celui dont le caractère se fixe d’une façon définitive, c’est Barisy. Sa vie fut un roman.Non seulement il eut des aventures extraordinaires et courut des dangers réels, mais, dans son imagina- tion, le moindre événement prenait des proportions fantastiques, et il nous raconte ce qui lui arriva, avec une exagération de sentiments et d’expression qui provoque le sourire ; il nous le raconte même avec une orthographe qui accroît cette première impression. C’est pour cela que j’ai respecté scrupuleusement cette orthographe, et même la ponctua- tion, qui ne suit aucune règle, et la débauche des majuscules, qui, non seulement, usurpent indûment la première place dans beaucoup, de mots, mais qui se glissent même dans l’intérieur des syllabes. Beaucoup me reprocheront cette manière de faire, surtout quand ils sauront que la copie qui m’a été envoyée n’a pas été collationnée sérieusement avec l’original, et peut, par conséquent, contenir beaucoup d’erreurs. Mais j’aurais voulu aller plus loin, et mettre sous les yeux du lecteur une page de l’écriture de Barisy, de cette écriture tourmentée et large à la fois, pénible à lire, et remplie de volutes qui s’envolent de longs traits qui finissent une ligne. Il me semble que ces petits détails font aussi connaître le caractère d’un homme. Dans le cas présent,ilS s’harmonisent avec le style, avec les sentiments exprimés, avec l’exubérance, la passion que respirent toutes les lettres, avec les événements extraordinaires ou présentés comme tels qui nous sont racontés.Barisy fut, tout le prouve, un exalté. Un homme qui employait une pareille orthographe, ne pouvait avoir qu’une vie compliquée et exceptionnelle, et il ne pouvait nous raconter sa vie qu’avec fougue et emportement (1). L’orthographe est, ici, un vrai document que j’ai cru devoir joindre au dossier, parce que celui qui fera un jour l'histoire de Barisy devra en tenir compte (2). (1) Il semble que Barisy ait légué à sa fille, Hélène, quidevint la femme de J. B. Chaigneau en secondes noces,un peu de cette originalité qui le caractérise. Cf. A Salles :J. B. Chaigneau et sa famille, B. A. V. H 1923, PP. 94-95 : « . une vieille tante Chaigneau (Hélène Barisy) dont les habitudes exotiques avaient fait un sujet de curiosité . » (2) Les copies des lettres publiées ici, sont de diverses mains : ici, on a respecté l’orthographe de l’original d’une façon à peu près scrupuleuse : là, il est évident que l’on a fait un certain effort pour rendre exactement l’ori- ginal;ailleurs, on a délibérément restitué l’orthographe moderne.