La Pente Longitudinale De La Terrasse Principale De La Meuse Revisitée De Seilles À Huy (Belgique)
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BSGLg, 61, 2013, 69-80 LA PENTE LONGITUDINALE DE LA TERRASSE PRINCIPALE DE LA MEUSE REVISITÉE DE SEILLES À HUY (BELGIQUE) Etienne JUVIGNÉ, Kevin DI MODICA, Geoffrey HOUBRECHTS et Stéphane PIRSON Résumé Des relevés altimétriques géoréférencés ont été appliqués à des contacts cailloutis/substratum de lambeaux de la terrasse principale T4 de la Meuse entre Namur et Liège, à Seilles/Andenne et à Wanze/Huy. Il en résulte que la pente longitudinale du tronçon étudié est identique à celle de la plaine alluviale actuelle, tandis que des travaux antérieurs basés sur l’interprétation de cartes topographiques y voient une contre-pente et impliquent donc inutilement une déformation tectonique pendant le Quaternaire dans le secteur étudié. Mots-clefs Belgique, Andenne, Huy, Meuse, terrasse principale, tectonique, Quaternaire. Abstract Longitudinal slope of the main terrace of the Meuse (T4) was revisited between Namur and Liège (Belgium). Georeferenced altitude measurements were done on contact gravel/bedrock of the main terrace T4 of the Meuse river at Seilles-Andenne and Wanze-Huy. This shows that the longitudinal slope along the investigated section is identical to that of the present flood plain, while previous works based on interpretation of topographic maps conclude to a reversed slope wrongfully involving tectonic movements during the Quaternary along the investigated section. Keywords Belgium, Andenne, Huy, Meuse, main terrace, tectonic, Quaternary. I. INTRODUCTION cours du Quaternaire, évoqués de longue date par des auteurs comme Fourmarier (1905), Stainier (1926), L’évolution du cours de la Meuse a fait l’objet de Mouchamps (1927, 1933) et récemment par Demoulin nombreuses études en France, en Belgique et aux (1995), Demoulin et Hallot (2009) et Demoulin et al. Pays-Bas. Un travail d’avant-garde a été réalisé par (2012). Briquet (1907) sur les terrasses à l’aval de Liège : cotation systématique des bases de lambeaux, distinction de couvertures loessiques vs limons de II. LES DONNÉES DE LA LITTÉRATURE crues ; traces d’érosion par ravinement ; paléosols ; stratigraphie glaciaire de Penck et Brückner (1901), Nous avons sélectionné ci-après les seules données de paléontologie,…). Plusieurs auteurs qui suivirent ne la littérature utiles à la compréhension de la révision du tirèrent pas profit de cet exemple méthodologique. profil de la terrasse principale T4 entre Seilles et Huy ; La synthèse la plus récente est celle de Pissart et al. elles sont rapportées sur la figure 2. Le cours de la Meuse (1997) à laquelle nous renvoyons le lecteur intéressé dans la région de Huy a interpellé plusieurs auteurs dès qui y trouvera une liste bibliographique exhaustive le début du 20e siècle. Si Lohest (1899-1900) propose sur le sujet. La présente recherche est limitée à l’étude une explication de l’origine de la vallée de la Meuse du tronçon de la terrasse principale T4 depuis Seilles/ entre Namur et Liège, c’est Fourmarier (1905, 1924) Andenne jusqu’à Wanze/Huy (Figure 1). Il s’agit d’un qui décrit pour la première fois « une ligne de terrasses secteur où des auteurs ont conclu que cette terrasse bien marquées, dont l’altitude est de 120 à 130 m ». n’était plus en pente normale vers l’aval, et en ont, Dans ce travail, le méandre recoupé de Wanze- Antheit- de ce fait, imaginé sa déformation après son abandon Statte est déjà identifié, et le replat du mamelon central par la Meuse (Fourmarier, 1924 ; Mouchamps, 1927, de Leumont (aujourd’hui Petit Wanze) en fait partie. 1933 ; Clairbois, 1957, 1959 ; Pissart, 1974 ; Pissart et al., 1997). Ces déformations s’inscrivent dans le cadre de mouvements du sol de la Belgique au 70 Etienne Juvigné, Kevin Di Modica, Geoffrey Houbrechts et Stéphane Pirson Figure 1. Localisation de la région étudiée et localités citées dans le texte. En trait interrompu noir, le méandre recoupé de Leumont/Petit Wanze. Figure 2. Lambeaux de la terrasse principale de Seilles à Huy d’après Mouchamps (1927) et Clairbois (1957). Ils sont mis en évidence par le coloriage de la tranche d’altitude 110-125 m, et ils portent, en blanc, les numéros que leur a attribués Clairbois (1957). Le trait noir continu correspond aux limites que nous donnons à la terrasse. Une partie du lambeau de Nahelet échappe au coloriage automatique en raison de l’épaisseur de sa couverture de loess (voir plus loin). Cette région est localisée sur la figure 1. Légende : nombres en blanc sur les replats = numérotation dans le travail original de Clairbois ; Cb 000 = estimation de l’altitude du contact cailloutis/socle d’un replat selon Clairbois (1957) ; Dw.000 = altitude géoréférencée selon Dewez (1997) ; St.000, lecture d’altitude sur une coupe de Stainier (1926). La pente longitudinale de la terrasse principale de la Meuse revisitée de Seilles à Huy (Belgique) 71 Fourmarier (1924) identifie de nombreux restes de sont présentés. En général, l’épaisseur des cailloutis et la terrasse principale de la Meuse depuis Visé vers des terrains postérieurs qui les recouvrent proviennent l’amont où « on la suit jusqu’au-delà de Givet et, chose d’estimations arbitraires, et dans tous les cas, remarquable, la base des cailloutis qui la couvrent est les altitudes proposées sont le résultat de l’interprétation partout vers la cote 120 m. » L’auteur en déduit qu’une de cartes topographiques au 1/10.000. La démarche déformation tectonique a conduit à l’horizontalité de du raccord démarre d’un vaste lambeau de la terrasse cette terrasse après son fonctionnement en qualité de principale (T4) situé à l’ouest de Wanze (Nahelet) plaine alluviale. dont la base est estimée à 115-116 m au cimetière de Wanze et à Statte. Clairbois poursuit tout d’abord Stainier (1926) identifie « …une magnifique terrasse vers l’amont en acceptant la succession de lambeaux continue avec un puissant cailloutis ardennais… décrits par Mouchamps (op.cit), et en faisant référence de Seilles à Statte ». Il signale également « …une à la base d’un lambeau estimée à 112 m à Seilles ; terrasse… qui mesure plus de 10 kilomètres carrés il s’agit ici du lambeau qui, plus tard, allait être mis en sur les territoires de Bas-Oha, Wanze, Moha, Statte et affleurement par la carrière Carmeuse (voir plus loin). Antheit. Par places, le cailloutis, comme au puits de la L’auteur conclut ainsi rapidement à une contre-pente de râperie de Moha, atteint jusqu’à 13,50 m de puissance » la terrasse principale. Cette conclusion est alors étendue (Figure 2). Pour comprendre la discussion qui va progressivement sur l’ensemble du cours de Namur suivre, il est fondamental de s’attarder quelque peu à Liège, non seulement à la terrasse principale, mais sur cette donnée. La description lithostratigraphique aussi à l’ensemble des moyennes et hautes terrasses. du puits faite par Stainier, et conservée au Service Les profils de celles-ci sont rectilignes, mais montants géologique, fait état dans l’ordre présenté par l’auteur : de Namur à Liège. Le travail conclut donc à un 1) de 0 à 4 m, limon (q3m) ; 2) de 4 m à 17,55 m, neuf basculement vers l’Ouest du tronçon de Namur à Liège couches de cailloux dont la nature change de l’une à au cours du Quaternaire. Par ailleurs, en citant les l’autre avec des galets mosans, des fragments de silex, données de Stainier (op. cit.), elle écrit : « … à la coupe des fragments schisteux et de phtanite (q2m) ; 3) sous réalisée lors du creusement, à 132 m d’altitude, d’un 17,55 m, des terrains du Houiller (H2). Par ailleurs, puits à la râperie de Moha et rapportée par M. Stainier, l’auteur décrit également le méandre recoupé de le dépôt atteindrait 13,50 mètres. En tenant compte du Leumont, et il signale, sans le décrire, un sondage recouvrement limoneux, nous arrivons à fixer la base (Stainier, 1926, figure page 278) réalisé sur le replat rocheuse vers 117-118 m. » Dès lors, l’auteur hésite à de la butte centrale à 120 m d’altitude ; par mesure sur distinguer deux niveaux de la terrasse principale, puis un agrandissement de la coupe, l’épaisseur du cailloutis abandonne cette idée. est de 5 m, ce qui place la base à 115 m. Pissart (1974) réinterprète les observations de terrain Mouchamps (1927, 1933) raccorde des lambeaux de Clairbois, et les intègre dans un modèle de raccord de terrasses de la Sambre et de la Meuse en utilisant de terrasses de la Meuse depuis Pagny-sur-Meuse essentiellement l’altitude de surfaces topographiques jusqu’au Limbourg néerlandais. Dans le tronçon de replats caillouteux, et elle accepte des dénivelées revisité ici, il dédouble la terrasse principale. Il conclut pluri-décamétriques pour un même lambeau. De Namur entre autres à une déformation anticlinale qui s’amorce à Huy, elle conclut à l’horizontalité de la terrasse à l’aval de Namur, et atteint le Limbourg, en donnant, principale au niveau de 120 m, ce qui implique un de Namur à Engis, une contre-pente aux terrasses basculement vers l’ouest de la paléo-plaine alluviale hautes et moyennes, dont T4. correspondante. A l’aval de Huy, la pente augmente progressivement pour devenir pratiquement égale à Gosset (1977) produit le travail le mieux documenté en celle de la plaine alluviale actuelle de Chockier à Liège, matière de terrasses fluviales. Il est basé essentiellement puis plus forte à l’aval ; en cela, elle s’écarte donc du sur environ 200 forages faisant état de recoupement de profil proposé par Fourmarier (voir plus haut). Le long cailloutis dans des terrasses fluviales (plaine alluviale du tronçon revisité ici, l’auteur décrit une succession exclue) entre Hermalle-sous-Huy et Lanaye/Visé. continue de lambeaux de terrasse sur le versant gauche Concernant la terrasse principale, l’auteur conclut de Seilles à Huy.