1944-45 Allemagne NACHTJÄGER Les « Vampir » du Reich ! La et ses dispositifs de combat nocturne Par Yann Mahé L’auteur tient à adresser ses plus sincères remerciements à Petr Pechar, sans qui cet article n’aurait pu voir le jour.

Note : le lecteur voudra bien nous pardonner quelques lacunes iconographiques mineures tant il est, encore aujourd’hui, extrêmement difficile de se procurer des clichés corrects sur ce type de dispositifs et, surtout, sur les unités allemandes les ayant utilisés ! Nous vous réservons néanmoins quelques « scoops visuels », à l’instar de ces rarissimes clichés de tenues Leibermuster présentés dans nos colonnes ! 1 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

La Seconde Guerre mondiale, conflit qui a vu les différentes nations belligérantes accomplir des progrès remarquables dans le domaine de la technologie militaire, reste surtout associée à la bombe atomique, aux avions à réaction, aux fusées balistiques ou aux radars. Ces innovations concernent principalement la troisième dimension. Mais l’on oublie bien souvent que des avancées tout aussi spectaculaires ont vu le jour au sein de diverses armées de terre. C’est ainsi que plusieurs puissances se sont intéressées à la technologie infrarouge, seul le III. Reich ayant sérieusement étudié la possibilité de munir ses chars de moyens de détection autorisant le combat de nuit. Dans ce domaine, au fil des mois, les ingénieurs et penseurs militaires allemands vont mettre au point un système d’armes complet et ultramoderne. Et, de fait, les Panzer parviendront à remporter des succès locaux prometteurs contre les Alliés durant les derniers mois de la guerre. Comme bien souvent, l’aversion des hauts responsables de la pour les nouvelles technologies et les incessants raids aériens anglo-américains sur les usines allemandes n’ont permis que l’introduction tardive et à une échelle négligeable de ces équipements précurseurs de ceux des armées d’aujourd’hui.

Afin de comprendre les subtilités de la déboucher sur l’élaboration de sys- du WaPrüf 8, est chargé de la mise en t Gros plan sur le technologie liée au combat nocturne tèmes de vision susceptibles de faci- œuvre de ce projet. Il est assisté dans projecteur de 60cm durant la Seconde Guerre mondiale, liter les opérations de nuit. C’est le cette tâche par des ingénieurs de AEG, d’un semi-chenillé de détection infrarouge il convient tout d’abord d’expliquer cas en particulier de AEG (Allgemeine du Reichspostforschungsanstalt (Institut Sd.Kfz. 251/20 Ausf. ce qu’est exactement l’infrarouge. Elektrizitäts-Gesellschaft) qui met au de recherche de la Poste) et de la firme D Infrarotscheinwerfer Depuis 1863 et les travaux du physi- point, en 1934, un tube cathodique Zeiss, déjà mondialement connue pour « Uhu ». Le cylindre cien écossais James Clerk Maxwell, baptisé « Braunsche Röhre », un la qualité de ses optiques. visible sous le projecteur est le télémètre BG 1251 l’on sait que la lumière est une onde, appareil de conversion permettant de En 1939, après trois ans de travaux, Beobachtungs Gerät plus précisément une onde électro- transformer une lueur infrarouge en l’équipe livre une version militarisée 1251. À partir de juin magnétique, c’est-à-dire possédant lueur visible par l’homme. L’avancée du convertisseur d’image infrarouge 1944, comme ce fut déjà une composante électrique et magné- est décisive et coïncide peu ou prou qui est adaptée sur un canon anti- le cas en Tunisie puis en Sicile et en Italie en tique. On parle alors de spectre élec- avec l’arrivée de l’Oberst Guderian char 3,7cm Pak 35/36. Le système 1942-43, l’activité aérienne tromagnétique, lui-même subdivisé en au Kommando der Panzertruppen, le consiste en un projecteur (Infrarot- de la Royal Air Force longueurs d’ondes, autrement dit, en commandement des troupes blindées. Scheinwerfer) émettant un faisceau et de l’US Air Force va fortement entraver les couleurs. Or, l’œil humain ne discerne L’officier est alors en train d’ériger en infrarouge monté au-dessus du bou- mouvements des Panzer qu’une toute petite partie de ce spectre doctrine militaire les enseignements clier de la pièce, le convertisseur et de leurs colonnes de électromagnétique (équivalente à peu qu’il a tirés de ses quinze années d’ex- d’image (Bildwandler ou Biwa) étant ravitaillement, les obligeant près aux couleurs de l’arc-en-ciel). périence au contact des formations manipulé par le tireur du Pak. bien souvent à rouler de nuit. C’est pour cette L’infrarouge est une des ondes de ce motorisées de la Reichswehr, et met Comment cet appareil fonctionne-t-il ? raison qu’a été développé dernier, située juste après le rouge qui inlassablement l’accent sur la néces- Il est important de le préciser car tous le Sd.Kfz 251/20 : afin est la dernière couleur de la lumière sité de pouvoir livrer des combats les dispositifs de vision nocturne éla- d’accompagner le Panzer visible quand on se déplace dans le nocturnes, ce afin de ne pas avoir à borés par le Reich durant la guerre vont V Panther au combat, puis les Panzer-Grenadiere. sens croissant des longueurs d’onde ralentir les opérations du « » fonctionner de la même manière. Au Sauf mention contraire, toutes du spectre. La principale propriété de à la tombée de la nuit. cours de leurs recherches, les techni- photos : Bovington Tank Museum l’infrarouge, invisible à l’œil nu, est Cela arrive à point nommé car l’invention ciens allemands ont constaté que la de véhiculer la chaleur. On parle alors de AEG ne tarde pas à susciter l’intérêt de lumière infrarouge se reflétait de façon de rayonnement thermique. De fait, la nouvelle Wehrmacht. En effet, à partir quasi-similaire à la lueur du jour et que le rayonnement émis par des objets de 1936, le WaPrüf 8 (Département des ses faisceaux pouvaient être convertis à température ambiante, comme le optiques et équipements d’observation) en lumière perceptible. Pour permettre corps humain ou un véhicule ayant du Heereswaffenamt, l’office de l’Ar- aux canonniers de percevoir cette lueur, son moteur en route ou coupé depuis mement de la Heer, travaille en colla- deux instruments sont utilisés : un pro- peu de temps, est observable par l’in- boration avec AEG pour développer un jecteur muni d’un filtre émettant une termédiaire de capteurs infrarouges système de vision infrarouge permettant lumière infrarouge relié à un convertis- qui connaissent leurs premières appli- de conduire, d’observer et d’acquérir seur d’image capable de transformer cations militaires dans les années 30. des cibles de nuit. Le Dr.-Ing. Gaertner, cette lueur infrarouge en lumière visible.

t Fin des années 1930, LES SOUBRESAUTS DE L’INFRAROUGE les servants d’un canon DANS LA WEHRMACHT Pak 35/36 de 3,7cm s’entraînent au combat Durant l’entre-deux-guerres, du fait antichar de nuit, dans la de la réduction drastique des effec- neige. Sous l’impulsion d’officiers énergiques, la tifs imposée à la Reichswehr par le Reichswehr est rapidement « Diktat » de Versailles, son comman- devenue une armée dant en chef, le Generaloberst Hans von capable de combattre en conditions nocturnes, les Seeckt, décide de forger une Armée milieux militaro-industriels surentraînée et apte à combattre dans allemands s’efforçant n’importe quelles conditions. Ainsi, de mettre au point des aucun aspect des opérations tactiques équipements adaptés à ce type d’engagement. La n’est négligé par les instructeurs de firme AEG est la première la Reichswehr, le combat nocturne à élaborer un système étant systématiquement enseigné à la de visée infrarouge qui troupe. Aussi, dès le début des années sera expérimenté sur... le Pak 35/36 de 3,7cm. 1930, plusieurs firmes allemandes Archives Caraktère entament-elles des recherches devant Coll. Kadari

2 u Au cours de la guerre En outre, les campagnes victorieuses deux unités de la de la Wehrmacht de 1939 à 1941 Panzerwaffe s’intéressent tout particulièrement et la maîtrise aérienne acquise par la au développement des dans le ciel d’Europe ren- équipements de vision dent les viseurs nocturnes totalement nocturne, la Panzer- inutiles aux yeux de l’état-major alle- Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel » et la mand, si bien que les recherches de 1./Panzer-Versuchs-und la Heer sur les systèmes infrarouges Ersatz-Abteilung 300 connaissent bien peu d’avancées dans (Funklenk). L’on voit ici la les mois qui suivent. voiture d’état-major Tatra Typ 97 de la seconde Au contraire, les autres puissances lancée sur la piste d’essai se lancent à cette époque dans la du terrain d’Eisenach. conception de tels matériels. Ainsi, les Droits Réservés Soviétiques expérimentent, en 1940, sur des chars BT, leur système de conduite infrarouge « Dudka » éclairant à 50 mètres. En France, à la veille de l’inva- sion allemande, des travaux portent sur des projecteurs de détection infrarouge La lumière infrarouge invisible à l’œil nu être engagés de nuit, mais se révèle devant équiper la ligne « Maginot » afin est projetée par l’Infrarot-Scheinwerfer, très encombrant et, de plus, est sujet de repérer les approches ennemies, le puis elle se réfléchit sur la cible et s’en à de fréquentes pannes techniques. fort alsacien de Schoenenbourg devant retourne au viseur Bildwandler renfer- En outre, le faisceau produit par son être équipé dans ce but. Mais l’Armis- mant le tube cathodique « Braunsche projecteur est limité, bien inférieur aux tice de juin 1940 ne permettra pas au Röhre » qui convertit alors l’image 300 mètres de portée efficace du Pak projet d’aboutir. Quant aux Britanniques, infrarouge en une image visible par le 35/36, ce qui, en conditions réelles ils concevront, en 1943, le dispo- pointeur. Ce convertisseur nécessite de combat, exposerait dangereuse- sitif infrarouge « Tabby » testé sur les une puissance de 17 000 volts pour ment la pièce et ses servants aux tirs Jeeps. Néanmoins, en Allemagne, la fonctionner, cette énergie étant fournie adverses. C’est le Heereswaffenamt Luftwaffe a pris de l’avance sur tout le par un transformateur haute tension HS qui supervise les essais, puis le sys- monde. Dès l’été 1940, la Nachtjagd 5F, celui-ci pouvant alimenter plusieurs tème est présenté à l’Oberkommando (chasse de nuit) a équipé ses bimo- convertisseurs sur un même engin. der Wehrmacht qui le juge peu facile à teurs Dornier Do 17Z-10 et quelques Cet équipement infrarouge permet mettre en œuvre et déplore sa portée Do 215B-5 du système « Spanner », à ses utilisateurs de repérer l’ennemi insuffisante. Par conséquent, l’OKW un projecteur infrarouge placé dans le dans la nuit sans être vus. La taille et la impose de nouvelles spécifications nez de l’appareil et couplé à un récep- capacité de l’Infrarot-Scheinwerfer et stipulant que tout dispositif de visée teur monté sur le pare-brise. Pâtissant du Biwa dépendent alors des besoins. nocturne couplé à une pièce « doit d’une portée insuffisante et se laissant Les performances affichées par le pro- atteindre la même probabilité de coup facilement brouiller par les nuages de totype testé sur le Pak 35/36 sont au but que le [même] canon tirant en chaleur flottant au-dessus des villes, mitigées : il fonctionne, prouvant par plein jour. » Une requête illusoire pour le « Spanner » ne donne toutefois pas là que des véhicules ennemis peuvent une innovation aussi sophistiquée... entière satisfaction.

u Cette BMW 326, appartenant probablement à la Panzer- Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel », est munie d’un système de conduite infrarouge. Bizarrement, le volant et le siège du conducteur sont à droite : s’agit-il d’une automobile réquisitionnée mais destinée à l’origine à l’exportation dans un pays du Commonwealth ? Notez que la vitre du conducteur doit être relevée pour permettre l’utilisation de l’appareil. 3 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

Panzerjäger II für 7,5cm PaK 40/2 « Marder II » (Sd.Kfz. 131) 1/35e Mit ZG. 1221 Infrarot-Nachtsichgerät

© Hubert Cance / Batailles & Blindés 2009

4 Il faut attendre le début de l’année 1942 combats en Afrique du Nord, en Italie et trois spécifications majeures : le dispositif pour qu’un système infrarouge plus perfor- sur le Front de l’Est ont démontré que les devra être en mesure d’acquérir des cibles, mant soit présenté à la Heer. Sous l’égide « Jabos » et Sturmovik peuvent désormais il devra autoriser au chef de char une vision du WaPrüf 8, les sociétés AEG et Zeiss ont enrayer une offensive majeure des Panzer- sur 360° depuis son tourelleau, et enfin il effectivement mis au point le viseur Zielgerät Divisionen. Dès lors, il devient évident que devra lui permettre de donner au pilote ses ZG 1221, qui est monté sur un canon anti- les déplacements des Panzer ne peuvent instructions pour guider l’engin. char 7,5cm Pak 40 avec, placé au centre du plus s’opérer que de nuit, les colonnes Les recherches de Gaertner et son équipe bouclier, un projecteur de 36cm. La portée blindées étant trop exposées de jour. d’ingénieurs aboutissent, en 1944, à la mise de l’ensemble est de 400 mètres, ce qui Aussi, le Generaloberst Guderian, nommé au point d’un système de vision nocturne est très satisfaisant. À tel point d’ailleurs, Generalinspekteur der Panzertruppen en dérivé du FG 1253. L’appareil consiste en qu’à l’automne, un appareillage similaire est février 1943, conseille-t-il de livrer des com- un projecteur de 20cm et un convertisseur disposé, à titre expérimental, sur la supers- bats de nuit autant que faire se peut, afin de Biwa FG 1250 monté à droite de celui-ci. tructure du 7,5cm Pak 40 d’un Sd.Kfz. 131 ne pas avoir à subir les foudres des pilotes L’Infrarot-Scheinwerfer de 20cm a une puis- Marder II, le pilote étant muni d’un Fahrgerät ennemis. En mai, il insiste pour que l’entraî- sance de 200 watts, le convertisseur d’image FG 1253 installé dans le compartiment de nement des unités cuirassées soit davantage ayant une longueur focale de 90 mm et dis- conduite. Produit par AEG, Leitz et Zeiss, le axé sur les opérations nocturnes : environ posant d’un champ de vision de 30°. Baptisé FG 1253 dispose d’un Bildwandler de focale 33% des exercices doivent être effectués de « Sperber » ou « épervier », l’engin sera par 90 mm et d’un champ de vision de 30° por- nuit et 25% des munitions livrées aux unités la suite aussi désigné « Lösung A » (Solution tant à 400 mètres. Couplée à un projecteur sont attribuées dans ce but. Puis, Guderian A) car une variante verra le jour durant les infrarouge de 20cm et de 200 watts placé préconise, fin 1943, la mise en service de derniers mois du conflit, version sur laquelle sur le garde-boue du Panzerjäger, cette matériels de vision nocturne efficaces et, à nous reviendrons. lunette est montée à gauche de la fente de la suite des essais fructueux sur le Marder II, Construit par les sociétés AEG et Leitz, vision du pilote. Celui-ci l’utilise à la manière demande qu’un tel système soit développé l’ensemble prend place sur le tourelleau d’un périscope latéral. Les premiers essais pour le char Panther, le meilleur engin aligné du Bordführer : le phare infrarouge et sa effectués sur le Marder II, à la mi-1943, par la Panzerwaffe. lunette réceptrice sont montés sur un pied, s’avèrent concluants, tant et si bien que le lui-même fixé sur une tablette orientée à FG 1253, associé à un Infrarot-Scheinwerfer ET LA LUMIÈRE FUT… POUR LE PANTHER ! midi à l’intérieur de la coupole, en lieu et de 30cm, commence à être monté à bord place du support de la MG-34 antiaérienne. de camions. Puis, à partir de 1944, c’est au Les travaux devant aboutir à la concep- Un dispositif soudé sur l’arceau intérieur tour d’un certain nombre de canons 7,5cm tion du système de vision nocturne pour de l’ouverture permet au chef de char de Pak 40 de recevoir un système d’acquisition le Panther sont logiquement confiés au faire librement pivoter le système sur 360° de cible infrarouge composé d’un projecteur Ministerialrat Dr.-Ing. Gaertner. Ce type de autour du tourelleau. Le « Sperber » doit de 30cm et d’un ZG 1221. matériel coûtant particulièrement cher en être démonté de jour car, au vu de l’urgence Cela ne pouvait pas mieux tomber pour les terme de ressources industrielles, il n’est de la situation, un appareil intégré dans le Allemands. À cette époque, en effet, la supré- prévu d’en doter que le Bordführer du compartiment de combat n’a pu être déve- matie aérienne alliée ne cesse de croître. Les Panzer V. Le cahier des charges impose loppé. Un coffre blindé, soudé en lieu et

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t Un Panzer V Ausf. G Panther teste son dispositif de vision nocturne infrarouge « Sperber », probablement à la Panzertruppenschule de Fallingbostel, à l’automne 1944. Le n° 726 inscrit à la craie au bas du glacis avant indique qu’il s’agit du Panther n° 124726 sorti des chaînes de Daimler-Benz, le 13 septembre 1944, ce qui prouve que son système « Sperber » n’a pas été monté en usine. Les Panther équipés de la sorte sont surnommés Nachtkampfpanther (Panther de combat de nuit). Au cours d’un engagement, le « Sperber » peut illuminer une cible jusqu’à 400 mètres de distance ! Droits réservés

place du casier de rangement situé Tandis que le Panzer avance, à droite du compartiment moteur du le Bordführer scrute le ter- Panther, contient les équipements rain avec son système auxiliaires nécessaires au FG 1250. infrarouge à la recherche Le « Sperber » fonctionne grâce à de sa cible. Lorsqu’un une batterie de 12 volts qui alimente char adverse est repéré, il un transformateur portant le courant transmet aussitôt ses ins- à 17 000 volts pour le Biwa. La pile tructions au Richtschütze ne fonctionnant que quatre heures, ou tireur : via l’Intercom, elle est elle-même alimentée par un voire des petites tapes générateur électrique GG 400 de 400 de la main ou du pied watts. Ces deux derniers appareils sur l’épaule, il lui indique reposent sur un support fixé dans la de quel côté orienter la partie arrière droite du compartiment tourelle du Panther. Sa de combat du Panzer V, aux dépens tablette pointée à midi et la du râtelier vertical de trois obus de cible acquise dans le viseur 7,5cm, d’une section du plancher et FG 1250, le chef de char évalue la dis- Enfin, dernier souci, et non des moin- p et page de gauche, du capot de l’amortisseur arrière. En tance séparant son Panzer de l’engin dres, comme tout appareil issu de la Le système de vision infrarouge « Sperber », ici opération, le Bordführer se sert de son ennemi et, lorsqu’il est sûr de celle- technologie de pointe, le « Sperber » monté sur le tourelleau du équipement infrarouge « Sperber » ci, transmet les hausses en site et en est fragile, le tube cathodique du chef de char du Panther, pour guider son pilote qui ne peut guère azimut au Richtschütze. Ce dernier Biwa, en particulier, étant sujet à de se compose d’un Infrarot- voir au-delà de 100 mètres de nuit. répète les coordonnées afin de signifier fréquents dommages mécaniques. Si Scheinwerfer de 20cm et d’une lunette Biwa Ce dernier conduit donc à l’aveugle, qu’il les a bien comprises, les affiche l’on ajoute à cela le fait que l’utilisation FG 1250. La première en écoutant les ordres fournis par son et fait feu dès que le Bordführer lui en du système expose dangereusement photographie met en chef de char qui lui désigne la route à donne l’ordre. Pour limiter la détection le Bordführer en dehors de sa tourelle évidence la manette suivre et les obstacles à éviter. Afin au moment du tir, le Panther utilise des lors des combats, disposition com- dont se sert le chef de bord pour faire pivoter de ne pas voir défiler trop rapidement obus spéciaux réduisant la lueur des pensée par la protection relative que le système en élévation, les objets lors des déplacements ni départs des coups. lui offre la pénombre en le dissimulant ainsi que la bandelette d’entraver son appréciation des dis- Malgré toute l’avancée technolo- des tireurs ennemis, le « Sperber » métallique reliée verticalement à la hausse tances et, par conséquent pour lui per- gique qu’il symbolise, le système cumule les inconvénients. du Biwa, un dispositif mettre de donner des ordres clairs au « Sperber » présente un nombre Les tous premiers essais sont menés destiné au Richtschütze. pilote, le grossissement de la lunette important de faiblesses. En premier à la fin de 1943 sur des Panther L’un des défauts majeurs FG 1250, manipulée par le Bordführer, lieu, la portée réduite de l’Infrarot- acheminés pour l’occasion à la du « Sperber » est de contraindre le Bordführer à est limité à x 1,2. Ce type de Scheinwerfer de 20cm, seulement Panzertruppenschule de Fallingbostel, laisser sa trappe ouverte, manœuvre requiert évidemment un 400 mètres de nuit et par temps clair, près de Hanovre. Ces évaluations ce qui expose l’équipage entraînement assidu, ce qui sera loin ne permet pas de tirer pleinement se traduisent par des exercices de aux éclats d’obus pleuvant d’être le cas en des temps de plus profit des performances de l’excel- conduite et d’acquisition de cibles qui sur le champ de bataille. Sur la seconde, l’on en plus difficiles pour la Wehrmacht. lent KwK 42/L70 de 7,5cm. En outre, s’avèrent suffisamment concluants aperçoit les cales L’emploi du « Sperber » en conditions force est de constater que ce dispo- pour que l’Oberkommando des rembourrées permettant de conduite évoqué, comment l’équi- sitif nécessite une obscurité quasi- Heeres ordonne le montage du au Bordführer d’apposer page du Panther opère-t-il en cas de totale et qu’il ne fonctionne qu’en de « Sperber » sur un petit nombre son menton et son front pour viser au rencontre avec l’ennemi ? bonnes conditions météorologiques. de Panther, à partir d’août 1944. travers du FG 1250. 6 En effet, la première directive en ce de production de MNH atteignant 80 La logique voudrait qu’il s’agisse de sens intervient le 7 août, lorsque Panzer V « Sperber ». Cependant, le la Führer-Grenadier- ou de la l’un des constructeurs du char, la 18 novembre, l’Oberkommando des Panzer-Division « Clausewitz » qui ont Maschinenfabrik-Niedersachsen- Heeres exige, pour des raisons mal aligné, chose certaine, à la fois des Hannover (MNH), reçoit l’ordre de pro- établies, que les FG 1250 ne soient Jagdpanther et des Sd.Kfz. 251/20 céder à l’installation de l’équipement posés sur aucun des Panther Ausf. G « Uhu ». Enfin, les blindés étudiés par de vision nocturne 20cm Infrarot- construits par MNH au cours du mois, les ingénieurs allemands à la toute fin de Scheinwerfer/FG 1250 à la cadence ce même ordre maintenant tout de la guerre, mais qui resteront à l’état de suivante : sur 50 engins en septembre, même l’équipement de 30 machines prototypes ou de croquis, étaient tous 70 en octobre, 80 en novembre et 100 avec des systèmes de vision noc- conçus pour intégrer des accessoires en décembre 1944. Ce même jour, la turne pour décembre. Pour l’heure, les permettant le montage des systèmes société se voit livrer un exemplaire chars prêts à recevoir ou ayant reçu de visée infrarouge : c’est le cas du du FG 1250 devant être posé sur le le « Sperber » sont donc précipitam- Panther Ausf. F mais aussi des engins Panther Ausf. G numéro de châssis ment re-modifiés en engins conven- de la série « Entwicklung », c’est-à- 128520. Estimant les délais trop justes tionnels. Le 13 décembre, MNH se dire le Jagdpanzer E-10 (successeur pour le mois suivant, le directoire de voit confirmer l’ordre de monter 30 FG du Jagdpanzer 38(t)), le Jagdpanzer E- MNH suggère aussitôt d’équiper de la 1250 sur des Panther dans le mois. 25 (successeur des Panzer III et IV), le sorte 120 Panther Ausf. G en octobre, Quelques semaines plus tard, l’Obe- Panzer E-50 (successeur des Panther au lieu des 50 prévus en septembre, rkommando des Heeres prend une et ), le Panzer E-75 (successeur et 70 autres en octobre. Mais cette décision importante : à compter du des Tiger II et Jagdtiger) et le Panzer E- proposition est rejetée par l’Oberkom- 15 janvier 1945, tous les Panther 100 (équivalent du Panzer VIII Maus). mando des Heeres le lendemain, 8 Ausf. G sortant des chaînes de MNH août, en raison de l’aggravation de la devront être dotés de FG 1250. Le ACCOMPAGNER situation militaire. Berlin exige même nombre total d’engins produits jus- LES NACHTKAMPFPANTHER de la firme hanovrienne qu’elle monte qu’à la capitulation du Reich reste le FG 1250 sur les 50 derniers Panzer inconnu, d’autant que le montage de La portée efficace des petits projecteurs V Ausf. G assemblés en septembre. tels équipements a peut-être aussi infrarouges montés sur les Panther n’ex- Confrontée à l’impatience de l’état- été réalisé par des ateliers régimen- cédant pas 400 mètres, les Allemands major de la Heer, MNH prévoit d’ins- taires, sur le terrain. Chaque Panther développent en 1944 le véhicule semi- taller l’exemplaire du FG 1250 livré Ausf. G muni d’un « Sperber » est chenillé de projection infrarouge Sd.Kfz. sur le Panther Ausf. G n° 128495 identifiable grâce à la lettre « F » sui- 251/20 Ausf. D Infrarotscheinwerfer mais, le 4 septembre, du fait du retard vant le numéro de châssis de l’engin. « Uhu » ou « Hibou ». En effet, q L’un des de livraison de ce char, il est décidé Par ailleurs, nombre d’entre eux ont conscients que les performances du Panther Ausf. D, véhicule-école (gazogène) de monter le viseur infrarouge sur été équipés à partir d’octobre 1944 système « Sperber » ne permettent comme l’indique la le n° 128557. Ce qui est fait dès des Flammenvernichter, des cache- pas d’exploiter pleinement les formida- pancarte sur le glacis le lendemain. Puis, le 5 octobre, le flammes enserrant les pots d’échap- bles capacités du canon KwK 42/L70 avant, de la 1. Kompanie constructeur reconnaît que seulement pement, afin de réduire la lueur émise de 7,5cm du Panzer V, les Allemands de la Panzer-Versuchs- und Ersatz-Abteilung 300 20 Panther dotés de « Sperber » ont par ces derniers la nuit et d’éviter ainsi lancent le programme « Uhu », censé (Funklenk). Sur la trappe été produits en septembre en raison de qu’ils soient repérés. À noter que des procurer une détection infrarouge à de vision du pilote est problèmes de délai. De fait, les 30 chars sources indiquent qu’une unité non plus longue portée aux Panther équipés soudé un support censé restants devront sortir des chaînes identifiée de Jagdpanther aurait aussi pour le combat de nuit. accueillir une lunette de vision nocturne. en octobre. Ce mois-ci, une partie perçu des équipements infrarouges Tout commence en février 1944, Droits Réservés du retard est rattrapée, la cadence similaires à ceux des Panther Ausf. G. lorsque six transports de troupes Sd.Kfz. 251 sont requis pour le pro- gramme « Uhu », puis dix autres en mars et encore dix autres en mai. Cependant, aucun de ces vingt-six véhicules n’est livré durant cette période. Ce n’est finalement qu’en octobre 1944 que dix Sd.Kfz. 251 sont envoyés dans une usine de la firme Wumag pour l’installation du dispositif « Uhu ». Quelques semaines plus tard, le 15 novembre, une directive spécifie les équipements devant être attribués à l’engin : un projecteur infrarouge de 60cm couplé à un viseur BG 1251, un projecteur infrarouge de 20cm associé à une lunette FG 1252 pour le conduc- teur, une mitrailleuse MG-42 et un pistolet-mitrailleur MP-40 pour l’équi- page. Cette nouvelle version du mitt- lerer Schützenpanzerwagen reçoit la désignation officielle Sd.Kfz. 251/20. Sa principale caractéristique est d’être équipée d’un projecteur infrarouge beaucoup plus volumineux que ceux jusqu’à présent montés sur le Panther ou les canons Pak, en l’occurrence un dispositif de 60cm de diamètre et d’une puissance de 6 kilowatts.

7 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

1/48e Panzerkampfwagen V Panther (Sd.Kfz. 171) Mit Infrarot-Nachtsichgerät

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8 Ce phare n’est en fait rien de moins quatre hommes. Ces derniers commu- 35 engins par mois entre janvier et mai qu’un projecteur de défense antiaé- niquent entre eux par l’intermédiaire 1945. La production débute comme rienne à arc de carbone auquel l’on d’un Intercom Bordsprechanlage. prévu, la Wumag-Waggonfabrik de a rajouté un filtre infrarouge. Il est Grâce au BG 1251 et aux instru- Görlitz rapportant que des 200 Sd.Kfz. couplé à un BG 1251 (Beobachtungs ments de visée plus sensibles qu’il 251 sortis de ses chaînes en janvier Gerät 1251), un télémètre à coïnci- embarque, notamment un bolomètre 1945, 15 sont des Sd.Kfz. 251/20. dence d’un grossissement x 10 et de (capteur d’infrarouge lointain, capable Bâtis uniquement sur des châssis de focale 400 mm permettant l’observa- de détecter de très faibles variations Sd.Kfz. 251 Ausf. D, seuls 61 exem- tion nocturne par temps clair jusqu’à de température), le Sd.Kfz. 251/20 plaires du « Uhu » sont construits et 1 500 mètres. Construit par AEG peut illuminer et repérer des objec- livrés à des unités combattantes au et Leitz, le BG 1251 a un champ de tifs ennemis jusqu’à 1 500 mètres de Sonderlehrgang der Panzertruppen de vision réduit à 4,5°. L’ensemble du distance. Du point de vue théorique, Fallingbostel avant la fin de la guerre. système « Uhu » – le projecteur, son le nouveau semi-chenillé est destiné Le projecteur de 6 kilowatts du générateur et le siège de l’opérateur à opérer comme véhicule d’observa- Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » étant jugé – est fixé sur une plate-forme rotative tion et de commandement au profit trop consommateur en énergie, l’on à 360° arrimée au plancher du blindé, d’un Zug de cinq Panther. Lorsqu’une pense un moment le substituer à dans le compartiment de combat. Le cible est repérée et « éclairée » par le deux autres engins de 60cm mais projecteur dépasse logiquement du système infrarouge « Uhu » dans un de seulement 500 watts, des phares blindage de l’habitacle mais il peut rayon de 1 500 mètres, le Bordführer alimentés à hauteur de 28 volts éclai- être rabattu et recouvert d’une bâche du Sd.Kfz. 251/20 désigne la posi- rant à une distance équivalente. Ces lorsqu’il n’est pas utilisé, en particu- tion des chars ennemis aux Panzer deux projecteurs auraient également lier lors des déplacements pour éviter au moyen de la radio FuG 5 de bord. été inclinables à 90° pour le trans- toute détérioration. Conformément à Le contact radio établi, il dirige les port. Par ailleurs, un successeur au une directive de l’Inspektorat 6 de l’All- Panther « Sperber » vers la forma- Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D « Uhu » q Le semi-chenillé gemeines Heeresamt (Département tion blindée adverse. Le faisceau du est rapidement envisagé, puisqu’au Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » est un engin d’observation général de l’Armée de terre) datée du projecteur de 60cm du « Uhu » per- cours d’une réunion du comité de tra- et de commandement 8 août 1944, le Sd.Kfz. 251/20 est mettant aux chefs de char de dis- vail sur les équipements infrarouges, nocturne destiné à opérer équipé d’une radio FuG 8 et d’une FuG cerner leurs cibles à 800 mètres à présidée par le Generalinspekteur au profit des Panther 5 dotée d’une antenne de 2 mètres. travers leurs FG 1250, au lieu des der Panzertruppen le « Sperber ». De part et d’autre de l’engin, Quant au Fahrer ou pilote, celui-ci 400 mètres normalement permis par 18 janvier 1945, il est décidé de monter sur le blindage incliné conduit le semi-chenillé grâce à une celui-ci, les cinq Nachtkampfpanther le projecteur de 60cm et son viseur latéral du compartiment lunette FG 1252 à grossissement (Panther de combat de nuit) n’ont BG 1251 à bord du Bergepanzer 38(t), de combat, est soudé de seulement x 1,2, ce pour ne pas alors plus qu’à réduire les blindés alliés l’ensemble étant désigné « Uhu II ». un marche-pied devant faciliter le maniement déformer le terrain et ainsi gêner l’ap- à l’état d’épaves. Enfin, des plans sont tracés en février et la maintenance du préciation des distances. Directement En août 1944, 600 semi-chenillés de dans l’intention de poser un système projecteur de 60cm. Ce extrapolé du FG 1250, le FG 1252 est projection infrarouge Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » sur un châssis à huit roues. véhicule est l’un des produit par AEG, Leitz, Zeiss et le Rei « Uhu » sont commandés, le plan de Cependant, en raison de la capitula- quinze produits par la firme er Wumag, en janvier 1945. chspostforschungsanstalt. L’équipage fabrication du 1 octobre prévoyant la tion du III. Reich, aucun de ces projets Bundesarchiv-Bildarchiv du Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » est de construction par la firme Wumag de ne verra le jour.

9 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

Sd.Kfz. 251/20 Ausf.D «Uhu» Mit Infrarot-Nachtsichgerät 1/35e

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10 LIVRAISON DES MATÉRIELS BLINDÉS INFRAROUGES AUX UNITÉS DE LA PANZERWAFFE

Division Unité Matériels blindés infrarouges Notes

27 Panther « Sperber » Les équipements infrarouges sont 3. Panzer-Division I./Panzer-Regiment 6 17/11/1944 au 04/12/1944 retirés avant le transfert au front. 10 Panther « Sperber » 3./Panzer-Regiment 6 07/03/1945 6. Panzer-Division 32 Panther « Sperber » Les équipements infrarouges sont I./Panzer-Regiment 11 11/11/1944 au 02/12/1944 retirés avant le transfert au front.

17. Panzer-Division Ordre de doter une compagnie I./Panzer-Regiment 39 - de 10 Panther « Sperber ». Jamais concrétisé.

19. Panzer-Division Ordre de dotation émis le 13/03/1945 : - 10 Panther « Sperber » 4./Panzer-Regiment 27 - - 3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » Jamais concrétisé.

24. Panzer-Division 10 Panther « Sperber » Les équipements infrarouges sont 3./Panzer-Regiment 24 01/1945 retirés avant le transfert au front.

26. Panzer-Division Ordre de dotation émis le 13/03/1945 : - 10 Panther « Sperber » 3./Panzer-Regiment 26 - - 3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » Jamais concrétisé. Panther « Sperber »* Les équipements infrarouges sont retirés 130. Panzer-Lehr-Division I./Panzer-Lehr-Regiment 130 29/07/1944 avant le transfert au front début septembre. 4 Panther « Sperber » I./Panzer-Lehr-Regiment 130 09/12/1944 10 Panther « Sperber » Rattachée à la 1./Panzer-Lehr-Regiment 130 23/03/1945 25. Panzer-Grenadier-Division Panzer-Division « Müncheberg » 10 Panther « Sperber » La Panzer-Grenadier-Kompanie (gep.) 2./Panzer-Regiment 29 3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » équipée de Sd.Kfz. 251« Uhu » et 2./Panzer-Grenadier-Regiment 25 Sd.Kfz. 251/1 « Falke »* « Falke » est tactiquement rattachée à 05/04/1945 la 2./Panzer-Regiment 29.

6 Panther « Sperber » Perçus début avril 1945, lors de la Panzer-Division « Clausewitz » gemischte Panzer-Regiment 106 04/1945 constitution de la division.

Führer-Grenadier-Division 10 Panther « Sperber » Ordre de dotation en équipements 1./Panzer-Regiment 101 3 Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » infrarouges émis le 12/02/1945 02/1945 ou 03/1945

Panzer-Grenadier-Division Ordre de dotation en équipements « Brandenburg » 4./Panzer-Regiment - infrarouges émis le 23/03/1945. « Brandenburg » Jamais concrétisé.

Panzer-Grenadier-Division « Kurmark » 4./Panzer-Regiment Absorbe la 4./Panzer-Regiment - « Brandenburg » « Brandenburg »

Panzer-Kompanie z.b.V. 10 Panther « Sperber » « Dreyer » 04/1945 Ces deux compagnies opèrent « Ritter » Panzer-Grenadier-Kompanie 14 Sd.Kfz. 251 tactiquement ensemble (gep.) « Uelzen » « Uhu » et « Falke » Panzer-Versuchs-und Ersatz- 1. Kompanie 4 Panther Ausf. D infrarouges Matériel infrarouge expérimental Abteilung 300 (Funklenk)

5. SS-Panzer-Division « Wiking » Panther « Sperber »* SS-Panzer-Regiment 5 03/1945

D’après Kamen Nevenkin, Fire brigades: the Panzer-Divisions 1943-1945, J.J. Fedorowicz Publishing, 2008 * nombre inconnu 11 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

Par ailleurs, pour accompagner et Sturmgewehr MP-44 « Vampir », des ARMER LE PANZER-GRENADIER assurer la protection rapprochée des fusils d’assaut modernes adaptés au POUR LE COMBAT NOCTURNE Panther « Sperber » et des Sd.Kfz. combat de nuit grâce à l’adjonction 251/20 « Uhu » lors des combats noc- d’une lunette de visée Zielgerät 1229. Comme nous l’avons vu, les Sd.Kfz. turnes, l’on procède à la conversion d’un Seul un faible nombre de Sd.Kfz. 251/1 251/1 Ausf. D « Falke » sont destinés certain nombre de transports de troupes Ausf. D aurait été modifié en « Falke ». à transporter un groupe de combat de semi-chenillés Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D. Enfin, les Allemands semblent s’être cinq à six Panzer-Grenadiere pourvus Cette version est baptisée « Falke » penchés sur l’étude de moyens de de Sturmgewehr MP-44, un fusil ou « Faucon ». Cette variante du mitt- communication spécifiques aux unités d’assaut censé remplacer à terme le lerer Schützenpanzerwagen reçoit de combat nocturne censés leur éviter pistolet-mitrailleur MP-40 et qui s’est deux ensembles projecteurs de 20cm/ de recourir à la radio, instrument sus- affirmé comme l’une des armes les Biwa similaires à ceux du Panther : un ceptible de favoriser la découverte plus louées par le Landser. FG 1250 monté au-dessus de la cabine prématurée par l’ennemi des mouve- La genèse du MP-43, ancêtre direct sur la MG-42 du mitrailleur de bord et ments des Panzer et Sd.Kfz. 251 par du MP-44, remonte à 1942, lorsque un FG 1252 pour la conduite, placé l’interception de leurs transmissions. la Heer éprouve la nécessité d’équiper devant la fente de vision du pilote. Le Ainsi, des ingénieurs auraient-ils mis le fantassin allemand d’un fusil auto- FG 1250 installé sur la MG-42, au détri- au point, en 1943, le système Puma matique. Devant le manque de fia- ment du bouclier de l’arme, est dévolu 200 autorisant les communications bilité du fusil semi-automatique au Bordführer qui s’en sert naturelle- vocales de nuit par l’émission d’ondes Gewehr 41, il est envisagé de mettre ment pour la visée de la mitrailleuse infrarouges, ce à plus de 10 kilomètres au point une arme tirant une munition – possible à 400 mètres de nuit grâce de distance. Bien peu d’informations moins contraignante que la 7,92mm à cet accessoire – mais également pour sont disponibles sur cet appareil, mais Mauser. La cartouche 7,92x33mm la surveillance du terrain environnant. l’émetteur se présenterait sous la forme Kurz, version raccourcie de la précé- Comme pour le Sd.Kfz. 251/20, le FG d’un projecteur de 200 watts et d’un dente, est donc choisie, la construc- 1252 doit faciliter la conduite de nuit miroir réfléchissant les rayons infra- tion du fusil automatique devant et permettre, en théorie, de rouler à rouges. Quant au récepteur, il s’agirait utiliser cette munition étant confiée 50 km/h. Pour ce faire, le bloc de vision d’un miroir réfléchissant de 30cm à aux firmes Walther et Haenel. Or, les du pilote doit être relevé, le déficit de photocellules branché à un amplifica- prototypes de la Maschinenkarabiner protection étant compensé par un petit teur. Un prototype aurait été terminé 1942, dénommés MKb 42(H) pour panneau blindé soudé à gauche du FG et testé au combat en 1945 dans le celui de Haenel et MKb 42(W) pour 1252. Pour faire face aux aléas du climat, secteur de Wennebostel pour relayer celui de Walther, se heurtent rapide- ce viseur est muni d’une vitre chauf- les communications entre des Panther ment à l’hostilité de Hitler qui ne veut fante accélérant le dégivrage et d’un « Sperber », Sd.Kfz. 251 « Falke » et plus entendre parler de développement essuie-glace contrôlé depuis l’intérieur « Uhu », mais la prudence la plus élé- de nouveaux fusils depuis l’échec du du véhicule. Le FG 1252 étant couplé à mentaire s’impose quant à ces affirma- Fallschirmgewehr FG-42. Comme bien son projecteur de 20cm, l’ensemble du tions. Par ailleurs, un développement souvent, les études se poursuivent système infrarouge peut être retiré en ultérieur de ce système aurait vu le jour discrètement, le MKb 42(H) amélioré cas de besoin par le pilote. Le Sd.Kfz. sous la forme du Puma 2 000 d’une par Hugo Schmeisser étant désigné 251/1 Ausf. D « Falke » transporte de portée de quatre kilomètres, dont un MP-43 (Maschinepistole 1943) pour cinq à six Panzer-Grenadiere armés de seul prototype aurait été construit. contourner l’interdiction du Führer.

t Un Versuchs mittlerer Schützenpanzerwagen Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », engin de démonstration, photographié à l’hiver 1945. L’on constate ici que les marche-pieds latéraux sont plus grands, puisqu’ils longent la totalité du compartiment de combat. La structure surplombant les blocs de vision du Fahrer est une plaque de blindage rabattable, destinée à accroître la protection de l’équipage contre les tirs frontaux d’armes légères, un aménagement qui ne sera pas retenu sur les Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D de série. Bundesarchiv-Bildarchiv

12 u Gros plan sur le fusil » donne entière satisfaction. Le dispositif de vision Generaloberst Guderian en réclame déjà nocturne du Fahrer du Versuchs Sd.Kfz. 251/20 pour ses Panzertruppen. À son tour, le « Uhu » : la lunette FG Generalfeldmarschall Kesselring, l’un 1252 côtoie le projecteur des officiers de confiance de Hitler, en infrarouge de 20cm. demande pour ses armées en Italie. En Le pilote du Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke » définitive, voilà le MP-44 plébiscité par jouit du même équipement. les généraux allemands. Le lecteur aura observé Il est vrai que le MP-44 est une arme que le blindage remarquable qui présente une allure rabattable précédemment évoqué est ici relevé. incontestablement moderne et en Bundesarchiv-Bildarchiv avance sur son temps. Sa silhouette et ses mécanismes devaient d’ailleurs, un peu plus tard, « inspirer » un jeune sergent-chef du 8e corps mécanisé soviétique devenu ingénieur armurier de l’Armée rouge, un certain Mikhaïl Kalachnikov. En fait, le MP-44 est le premier fusil d’assaut de l’Histoire et demeure incontestablement la meilleure Les progrès sont tels que plusieurs combat. Les rapports remis par les 1., arme individuelle de la Seconde Guerre armes sont livrées à des unités sur 15., 35., et 45. Infanterie-Divisionen mondiale. Mesurant 94 cm et pesant q Ce Sd.Kfz. 251 est un le front de l’Est dès la fin de l’année abondent dans le même sens : le MP- 5,22 kg (contre 3,92 kg pour le Mauser engin bien énigmatique : son marquage d’usine 1943, notamment à la 93. Infanterie- 44 est extrêmement fiable et procure 98k, ce poids excessif étant la principale le désigne comme un Division et à la 1. Skijäger-Brigade. aux Landser une remarquable puis- faiblesse du MP-44, de même que sa Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », Informé de la poursuite des travaux sance de feu. Quelques semaines plus crosse en bois trop fragile), le MP-44 est or il est dépourvu du d’Haenel au début de 1944, le Führer tard, le Reichskanzler découvre le sub- doté d’un chargeur courbe de 30 cartou- projecteur de 60cm (bien qu’équipé des marche- est toujours aussi peu convaincu par le terfuge. Lors d’une conférence sur la ches 7,92x33mm Kurz. Il dispose d’un pieds latéraux) mais est fusil à l’étude. Rebaptisant l’arme MP- situation de l’Ostfront réunissant les sélecteur de tir au-dessus de la poignée, armé d’une MG-42 munie 44 en avril, il autorise toutefois la pour- généraux Wicking, Löwrick et Brock, autorisant le tir au coup par coup (pour d’un FG 1250, comme le suite des développements mais seule- Hitler demande à ces derniers ce dont les engagements à longue distance) et Sd.Kfz. 251/1 « Falke ». En effet, le montage ment pour évaluation, ignorant qu’elle ils auraient besoin dans l’immédiat, en rafales (pour le combat rapproché). de la MG-42 à bord du est déjà aux mains de centaines de ce à quoi l’un d’entre eux répond : Sa cadence de tir de 500 coups/ Sd.Kfz. 251/20 semble loin Landser ! Au printemps 1944, l’Obe- « davantage de ces nouveaux fusils. » minute et sa puissance d’arrêt phéno- d’avoir été systématique, rkommando der Wehrmacht fait cir- Surpris, le dictateur interroge l’as- ménale qui couche immanquablement contrairement à ce que préconisait la directive culer un questionnaire afin de s’enquérir semblée : « Quel nouveau fusil ? » l’ennemi visé à 300 mètres sont très du 15 novembre 1944. de la tenue de l’arme en conditions de Renseignements pris, le « nouveau appréciées des soldats allemands.

13 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

1/35e Sd.Kfz. 251/1 Ausf.D «Falke» Mit Infrarot-Nachtsichtgerät

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14 u Page de droite : Sa précision peut être accrue par l’équipement de la Heer et comman- batteries et autres composants du Trois vues de l’intérieur le montage d’une lunette de visée dant de l’Armée de l’Intérieur), datée du système « Vampir » sont contenus d’un semi-chenillé de transport de troupes Zielfernrohr ZF 4. Outre ces perfor- 6 mai 1943, stipule qu’un Bildwandler dans un ensemble porté sur le dos Sd.Kfz. 251/1 « Falke » mances exceptionnelles, le MP-44 est en cours de développement pour le du soldat grâce aux deux bretelles mettant particulièrement présente l’avantage d’être particuliè- MP-43. Mais, d’après l’interrogatoire de suspension du harnais Traggestell en évidence le système rement économique puisqu’il coûte du Dr. Gaertner, en juin 1945, c’est 39 : un boîtier rectangulaire en bois de visée infrarouge de la mitrailleuse 66 Reichsmarks contre 70 pour le en octobre 1944 que le programme emportant la batterie de 30 volts du MG-42 du bord. Mauser 98k. Enfin, enthousiasmé par Bildwandler-Zielgerät « Vampir » est projecteur et un étui de masque à gaz 1 Le compartiment de le fusil, le Führer ordonne en juillet que véritablement lancé. Celui-ci doit (Gasmaskenbüchse) modifié conte- conduite avec, à gauche, le MP-44 soit produit en masse, puis répondre au besoin de procurer une nant un second accumulateur servant le siège du pilote (l’on aperçoit la lunette il le rebaptise Sturmgewehr 44 (fusil infanterie d’accompagnement aux à alimenter le Biwa ZG 1229, d’où sort FG 1252 à travers sa d’assaut modèle 1944). Sous l’impul- Nachtkampfpanther « Sperber ». Par un fil reliant celui-ci aux batteries. Ces fente de vision) et à sion du Reichsminister Albert Speer, conséquent, environ un millier de fusils dernières ont une autonomie de 3 à 5 droite celui du radio. l’industrie allemande va construire d’assaut StG-44 sont équipés d’un rail heures. Tous ces équipements, pesant 2 La mitrailleuse MG-42 de bord pourvue d’un presque 45 000 StG-44 par mois, soudé par points sur le côté droit du tout de même 13,5 kg, sont emportés projecteur de 20cm et de décembre 1944 à avril 1945. Au boîtier de culasse, à l’usine Haenel de en lieu et place du paquetage dorsal d’un viseur FG 1250. total, pas moins de 425 977 fusils Suhl. Ce montage permet normalement habituel du Landser. 3 Sur la paroi blindée située à droite du radio est d’assaut MP-43 et StG-44 seront d’y placer la lunette Zielfernrohr ZF 4, Le « Vampir » porte à environ 100 fixée la batterie du système produits. Dans un premier temps, ce sauf qu’il s’agit ici d’accueillir le sys- mètres, l’image perçue par la lunette infrarouge de la MG-42. sont les unités d’élite de la Heer (2. tème de visée infrarouge actif Zielgerät ZG 1229 étant décrite comme d’une Panzer-Division, Panzer-Grenadier- ou ZG 1229 « Vampir » développé à grande luminosité et présentant un Division « Großdeutschland », etc.) et la fin de l’année 1944 au détriment bon contraste. Un homme debout peut des Waffen-SS (SS-Panzer-Divisionen des projets « Habicht » et « Mücke », être discerné à une distance de 73 « Leibstandarte SS », respectivement présentés par AEG et mètres, surtout lorsqu’il se déplace, « Das Reich », « Totenkopf », le Reichspostforschungsanstalt. Ce son mouvement produisant une traînée « Wiking » et « Hitlerjugend ») qui nouveau dispositif d’acquisition n’est luminescente. L’immense avantage q Gros plan sur notre Sd.Kfz. 251/20 en sont dotées. Puis, à partir de rien moins qu’une sorte de « Sperber » procuré par le StG-44 « Vampir » est « hybride », avec son décembre 1944, les Volks-Grenadier- miniaturisé pour le StG-44. Pesant de permettre à son utilisateur de viser inscription d’usine. L’on Divisionen en reçoivent pour défendre 2,25 kg, le « Vampir » se compose sans être vu, mais la portée réduite voit parfaitement le petit les frontières du Reich. En avril 1945, de deux éléments montés sur le rail de son système infrarouge limite son panneau blindé en forme « d’aileron de requin » les volontaires français rescapés de la précité : une lunette de visée Biwa emploi aux compartiments de combat soudé pour compenser 33. Freiwilligen-Grenadier-Division der ZG 1229 sensible aux infrarouges, les plus courts, comme les engage- le déficit de protection SS « Charlemagne » perçoivent des comprenant une lampe diode Typ 128 ments en zone urbaine. Ce, d’autant du Fahrer, obligé d’ouvrir son bloc de vision pour StG-44 pour la défense de Berlin. de focale 750 mm et d’un champ de que le poids de 2,25 kg du système utiliser son FG 1252. La C’est à la mi-1943 que les Allemands vision de 2°, elle-même surmontée « Vampir », ajouté aux 5,22 kg du lunette FG 1250 couplée prennent conscience de la nécessité d’un projecteur infrarouge de 10cm StG-44, ne devait pas faciliter la visée à la mitrailleuse MG-42 de munir leurs fantassins de sys- (ou 12,5cm selon d’autres sources) et du Grenadiere dans l’obscurité. autorise à son servant une visée jusqu’à 400 tèmes de visée infrarouge. En effet, d’une puissance de 36 watts. Ce der- Mis au point dans les tous der- mètres. Rappelons que la une lettre de l’Organisationsabteilung nier, composé d’une lampe tungstène niers mois de la guerre, le dispo- MG-42 est une mitrailleuse des Generalstab des Heeres (sec- éclairant à travers un filtre laissant seu- sitif Bildwandler-Zielgerät ZG 1229 d’un calibre de 7,92mm tion organisation de l’état-major de la lement passer le rayonnement infra- « Vampir » ne sera produit qu’en tout et que sa cadence de tir, phénoménale, s’élève à Heer) au Chef der Heeresrüstung und rouge, émet une lumière qui est captée petit nombre par les firmes Leitz, AEG 1 200 coups/minute ! Befehlshaber des Ersatzheeres (chef de par la lunette réceptrice ZG 1229. Les et le Reichspostforschungsanstalt.

15 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

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16 u Quelques semaines Un document daté du 14 décembre après la guerre, un soldat 1944 du Chef der Heeresrüstung britannique « teste » un exemplaire capturé du und Befehlshaber des Ersatzheeres Sturmgewehr StG-44 répertoriant les projets en dévelop- « Vampir ». Du moins, pement, indique que 200 « Vampir » il l’épaule seulement viennent d’entrer en production, ces pour le photographe car l’arme est dépourvue de appareils étant destinés aux missions chargeur et le capuchon spéciales, probablement celles rele- de protection du viseur vant des SS-Jagdverbände du SS- infrarouge ZG 1229 est Sturmbannführer Otto Skorzeny. Cette en place. Le système « Vampir » porte à une même note mentionne une requête du distance de 100 mètres. Generalinspekteur der Panzertruppen Imperial War Museum pour la construction d’un autre lot de 300 systèmes « Vampir » mais comportant des modifications non précisées. Toujours est-il que 310 exemplaires de ce dispositif de vision nocturne sont sortis des chaînes alle- mandes, leur distribution ayant débuté à partir de février 1945 au sein de UN CAMOUFLAGE RÉVOLUTIONNAIRE : prendre de court tout le monde, mais certaines unités de la Wehrmacht, la la situation militaire catastrophique du Panzer-Division « Müncheberg » étant LE LEIBERMUSTER ! Reich en 1945 ne permettra pas la dif- la seule formation dont on soit sûr Simultanément au développement fusion à une large échelle de ces effets aujourd’hui qu’elle en ait fait usage au du système de visée infrarouge ZG de camouflage. En outre, l’effon- combat. En tout cas, des vétérans de 1229 « Vampir », mais sans qu’aucun drement de la Wehrmacht a eu pour l’Ostfront en 1945, interviewés par document n’atteste de lien direct, conséquence de disperser les infor- l’historien militaire polonais Waldemar l’Oberkommando der Wehrmacht se mations disponibles quant aux études Trojca, rapportent avoir vu des snipers penche sur les éventuelles contre- germaniques sur les camouflages anti- opérer de nuit avec des « torches non mesures dont pourraient être équipés infrarouges. Tant et si bien que la plu- lumineuses particulières couplées à les « Nachtjäger ». Il est vrai que les part des connaissances actuelles sur d’énormes optiques de visée » mon- États-Unis ont une certaine avance les recherches allemandes proviennent tées sur leurs fusils. Les Grenadiere sur le plan opérationnel, puisque l’US du rapport du Lieutenant Francis R. ayant utilisé ces équipements auraient Army dispose, depuis 1943, de la Richardson, du Quartermaster Corps été surnommés « Nachtjäger » ou lunette infrarouge Sniperscope M3 de l’US Army, un document intitulé « chasseurs de la nuit ». En opération, montée sur les carabines M1 des GI’s « Camouflage fabrics both plain and ils sont supposés être transportés par sur le front du Pacifique pour contrer printed for military use by the Waffen- des Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke », les infiltrations nocturnes des troupes SS and German Army » et publié le à condition toutefois que leur unité en japonaises dans les lignes américaines. 20 juillet 1945. Les observations de ait reçus, chose peu évidente compte Alors, dans l’éventualité où les Alliés l’officier américain se basent sur deux tenu des faibles dotations en maté- viendraient à déployer des systèmes mois d’interrogatoires réalisés immé- riels des Panzer-Divisionen Typ 1945. analogues au « Vampir » en Europe, les diatement après-guerre auprès de À noter, pour finir, que le ZG 1229 Allemands orientent leurs recherches spécialistes de l’industrie textile alle- aurait été testé à titre expérimental vers la conception de camouflages mande comme Franz Lewisch, colo- sur le fusil semi-automatique Walther spécifiques protégeant les Landser riste, et des directeurs d’entreprises G43, ainsi que sur les mitrailleuses de la détection infrarouge. Dans ce tels Messieurs Piepenburg, Engelmann MG-34 et MG-42. domaine, les ingénieurs allemands vont et Fohrmann de la Württembergische Kattun Manufaktur de Heidenheim et q Sturmgewehr 44 mit Nachtvisiers ZG 1229 « Vampir » de la Neue Augsburger Kattunfabrik © M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009 d’Augsbourg. C’est cette étude qui a mis au jour l’existence de l’innovant camouflage Leibermuster. Les principales avancées dans le domaine des camouflages anti-infra- rouges sont le fait d’un centre de recherche des Waffen-SS, dépendant du Beschaffungsamt-SS (départe- ment des approvisionnements) du SS- Hauptamt du SS-Obergruppenführer Gottlob Berger et installé au Bekleidungswerk der Waffen-SS de Munich. Les travaux y sont dirigés par le Professor Johann Georg Otto Schick, déjà à l’origine des premiers camouflages des blouses de combat des Waffen-SS, lui-même assisté des SS-Hauptsturmführer Lechler, Krug et Fischer. Cette petite équipe travaille en étroite collaboration avec les entreprises textiles du Reich, comme les sociétés industrielles chimiques IG Farben et Hoechst.

17 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke » 2. Kompanie, Panzer-Grenadier-Regiment 25 (rattachée à la) 2. Kompanie, I. Abteilung, Panzer-Regiment 29 Panzer-Division « Müncheberg » Secteur de Berlin, Allemagne, avril 1945

Sd.Kfz. 251/20 Ausf. D Infrarotscheinwerfer « Uhu » 1. Kompanie, Panzer-Regiment 101 Führer-Grenadier-Division Allemagne, mars 1945

© M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009 18 Au cours de leurs recherches, les L’équipe de Schick effectue dans hydron GX, s’avère particulièrement chimistes allemands découvrent que le un premier temps des essais sur des efficace et accroît le camouflage aussi noir de carbone est « infrarouge résis- toiles de tente bariolées Splittermuster bien de jour que de nuit. En définitif, tant », c’est-à-dire qu’il apparaît rouge M31 agrémentées de tâches noires de le Leibermuster donne entière satis- à la lueur infrarouge. Autrement dit, il carbone, puis les ingénieurs SS perfec- faction : il est efficace aussi bien en brouille la détection infrarouge. Cette tionnent les motifs des dessins pour zone urbaine, en terrain rocailleux, en découverte pourrait avoir été faite améliorer le camouflage de base. montagne enneigée qu’en forêt, les par un dénommé Hellmut Leiber, tra- Ce camouflage prend bientôt la désigna- experts évaluant dans leurs études vaillant en collaboration avec la firme tion officielle de Buntfarbenaufdruck à 15% l’amélioration au camouflage Schlieper & Baum, mais son apparte- 45, mais il est plus connu sous le nom ordinaire que le tissu procure. nance à l’équipe de Schick n’est pas Leibermuster, c’est-à-dire « modèle Jugé extrêmement fiable et novateur avérée. Ce qui est sûr, en revanche, Leiber », du nom de son inventeur pré- par rapport aux camouflages jus- c’est que Leiber a déposé deux bre- sumé. Son développement a pris en qu’alors développés pour les troupes vets, le 4 mai 1942 et le 11 mars 1944 compte l’insuffisance des propriétés allemandes, le modèle définitif du (respectivement numérotés 909667 et « subreptices » des camouflages exis- Buntfarbenaufdruck 45 est choisi pour 897689), dont l’un donne précisément tants, en particulier le Water de la Heer remplacer, à terme, tous les types le pourcentage de carbone à utiliser visible à l’œil nu à courte distance. de camouflages utilisés au sein des sur le camouflage. Il semble en effet D’où la variété de couleurs utilisées diverses unités de la Wehrmacht (y que ce soit Hellmut Leiber qui ait eu pour le Leibermuster, pas moins de compris Luftwaffe et Kriegsmarine) et le premier l’idée d’imbiber des tissus six différentes : vert foncé, vert clair, des Waffen-SS. Il devait ainsi devenir de coton avec des mélanges de 2% rouille, brun, blanc et, le plus impor- le premier camouflage équipant l’en- à 4% d’un produit à base de noir de tant, le noir disposé en fines et larges semble des forces armées allemandes. carbone et d’un composant appelé par « larmes ». Le noir, le vert et la rouille Cependant, les ateliers d’impression les Allemands « Sulphur ». La série de se confondent dans des traînées qui ne reçoivent pas la moindre informa- tests photographiques qui suit donne donnent l’impression de « couler » le tion sur le nouveau camouflage avant alors des résultats surprenants : les long du vêtement. Ce sont également le 15 janvier 1945. Le Leibermuster clichés pris avec des objectifs ordi- les tons les plus importants. En effet, est donc imprimé, semble-t-il, à naires puis ceux saisis avec des filtres hormis le noir de carbone possédant partir de la fin du mois de janvier sur p Le rarissime camouflage infrarouges sont comparés et mon- les propriétés évoquées plus haut, le diverses pièces d’uniformes : vestes Buntfarbenaufdruck 45 trent alors des différences notables, rouge « rouille », outre l’intérêt de se de combat à quatre poches M44, pan- Leibermuster restera les tenues bariolées de noir de car- fondre avec les couleurs automnales talons M44, vestes courtes à deux certainement le plus abouti de la Seconde Guerre bone prenant, au travers du filtre infra- ou celle des briques des maisons en poches M45, parkas d’hiver réversi- mondiale. Constitué de rouge, une teinte rougeâtre identique plein jour, présente également l’avan- bles matelassées (Wintertarnanzug), six couleurs (vert foncé, à celle de la chlorophylle des plantes tage de ne pas réfléchir la lueur infra- etc. Toutefois, l’invasion du Reich par vert clair, rouge rouille, environnantes (la chlorophylle est for- rouge la nuit. Quant au vert foncé, les Alliés et les bombardements anglo- brun, noir et blanc), il inspirera de nombreux tement réfléchissante dans le proche il a été intégré sur les conseils de la américains sur les usines allemandes camouflages de la Guerre infrarouge). Les Allemands viennent firme IG Farben qui avait effectué empêchent régulièrement la livraison froide, notamment le tout simplement de trouver un moyen l’inventaire de ses cuves de colo- du tissu aux fabricants d’uniformes. célèbre ERDL Woodland interdisant aux nouveaux dispositifs rants à la recherche d’un mélange Par conséquent, la distribution en Pattern de l’US Army. Apparu en 1945 et destiné de détection infrarouge de déceler les « infrarouge résistant ». D’après la grand nombre de ces effets camouflés à devenir le camouflage Landser dissimulés dans la nature. société, ce vert foncé, désigné Olive à la Wehrmacht et aux Waffen-SS est standard de la Wehrmacht et des Waffen-SS, le Leibermuster ne sera en fait distribué qu’aux 19. et 20. Waffen- Grenadier-Divisionen der SS et à la 101. Jäger- Division de la Heer.

u Fuyant le front polonais, ces soldats de la 101. Jäger-Division viennent de se rendre à des partisans tchèques à Hronow. Le Jäger de dos est vêtu d’une superbe tenue intégrale Leibermuster dont on discerne parfaitement les « larmes » de noir de carbone, des motifs brouillant la détection infrarouge. Coll. Pechar 19 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

t Mains levées, ces hommes de la 101. Jäger- Division se constituent prisonniers auprès des partisans et policiers tchèques de Hronow afin d’échapper à l’Armée rouge. Le Jäger du premier plan à gauche est pourvu d’une vareuse et d’un pantalon camouflés Buntfarbenaufdruck 45. Notez que la reddition des Allemands se fait dans le calme, contrairement à certaines autres localités tchèques où, au même moment, des centaines de prisonniers de la Wehrmacht sont lynchés par une population ivre de vengeance, écrasée et humiliée qu’elle aura été durant six années par les Reichsprotektor Reinhard Heydrich puis Ernst Kaltenbrunner. Coll. Pechar

q Ces soldats de la impossible, et seules quelques unités Heer dédié est choisi pour centraliser discret pour des entraînements secrets 101. Jäger-Division, dont l’un porte un pantalon en recevront. Certains éléments ten- les expérimentations des engins éla- impliquant des véhicules munis d’équi- Leibermuster, et des dent à indiquer que des tenues ont borés et affiner la doctrine d’emploi des pements dits « spéciaux ». Aussi, dans civils (probablement des été livrées à partir de février à la 19. systèmes « Sperber » et consorts : la l’enceinte de la Panzertruppenschule collaborateurs) attendent Waffen-Grenadier-Division der SS Panzertruppenschule de Fallingbostel. de Bergen-Fallingbostel dirigée par leur sort dans le centre- ville. Au second plan, « Latvia » (lettische Nr. 2) qui combat En août 1943, les bombardements le Generalleutnant Westhoven, un stationne un Jagdpanzer dans la poche de Courlande, ainsi qu’à aériens alliés perturbant les entraî- nouvel état-major secret est-il mis sur 38(t). Le Panzerjäger est des formations engagées sur le front nements des Panzerschützen qui pied, la Panzer-Lehrversuch-Kompanie surmonté de nombreux de l’Oder en prévision de la bataille de y sont formés, l’état-major de la « Fallingbostel » (compagnie d’en- enfants pour qui les affres de la guerre sont enfin Berlin. Ainsi, comme la Panzer-Division Panzertruppenschule I de Wünsdorf traînement et d’essai Fallingbostel). terminés. Ces Jäger ne le « Müncheberg » et la Kampfgruppe s’installe à Fallingbostel, au nord de Cet élément de la Panzerwaffe savent pas encore mais les « Ritter » ont perçu des engins de Hanovre, sur ordre de l’Oberkom- consiste en une compagnie d’état- maquisards tchèques vont combat de nuit Sd.Kfz. 251, il serait mando des Heeres. Cette décision est major, une compagnie de Panther, les livrer à l’Armée rouge à laquelle ils essayaient logique que leurs Grenadiere aient également motivée par la nécessité de une compagnie de Tiger I et deux pourtant d’échapper... reçu des tenues Leibermuster, surtout disposer d’un terrain d’exercices plus compagnies de Panzer-Grenadiere. Coll. Pechar pour défendre la capitale du Reich. L’historien Rolf Michaelis affirme, pour sa part, que des pièces d’uniformes Leibermuster ont été distribuées aux 101. Jäger-Division et 20. Waffen- Grenadier-Division der SS « Estland » (estnische Nr. 1). Or, ses présomptions se sont confirmées depuis peu car un collectionneur tchèque a récemment acquis une série de photographies montrant des soldats de la 101. Jäger- Division se rendant à des partisans et des policiers tchèques à Hronow, au nord-est de la Bohème près de la fron- tière polonaise, au moment de l’arrivée de l’Armée rouge, début mai 1945. Parmi ces Jäger, plusieurs portent la tenue Leibermuster. LA MYSTÉRIEUSE PANZERTRUPPENSCHULE DE FALLINGBOSTEL

Tandis que les développements des divers matériels de combat nocturne sui- vent leur cours en Allemagne de 1943 à 1945, un centre d’entraînement de la

20 douteux. En dépit de ces affirmations gros- sières, les tests n’en demeurent pas moins prometteurs. Malheureusement, au prin- temps 1944, les hautes sphères de la Heer manifestent clairement une certaine opposi- tion aux systèmes de combat infrarouges, un général de l’Oberkommando des Heeres allant même jusqu’à s’exclamer, à la présen- tation de ces matériels : « nous n’avons pas besoin de choses comme cela, nos soldats gagneront la guerre chevaleresquement ! » Par conséquent, le millier de systèmes de visée Infrarot-Scheinwerfer/FG 1250 pro- duits de juin 1943 à février 1944 et livrés à la Heer, ainsi que ceux en cours de construc- tion, sont remisés dans une mine de sel des montagnes du Harz. Certains sont bien uti- lisés à Fallingbostel mais ils ne servent qu’à l’entraînement expérimental. Or, au cours d’une démonstration effectuée devant le Generaloberst Guderian, le Bordführer d’un Panther équipé d’un « Sperber » ne parvient pas à faire fonctionner correctement son dis- positif infrarouge durant l’exercice pratiqué. Autant d’éléments qui portent gravement préjudice au développement des systèmes nocturnes de la Heer. Les choses changent à partir du débarque- ment en Normandie, en juin 1944, lorsque les « Jabos » anglo-américains commencent à tailler en pièces les Panzer-Divisionen par d’incessants raids aériens diurnes. Dès lors, les seuls mouvements possibles pour les blindés allemands s’opèrent de nuit et, de fait, des équipements nocturnes sont urgemment Chacune de ces compagnies a pour tâche ments de combat nocturne qu’il y manipule. requis pour les Panzer. En septembre 1944, le d’assurer l’entraînement de troupes à l’utilisa- Comme nous l’avons vu plus haut, les Generalinspekteur der Panzertruppen Guderian tion des équipements infrarouges et de recher- premières expérimentations sur le ter- introduit des programmes d’entraînement de cher les meilleurs moyens d’attaquer l’ennemi rain effectuées par les personnels de la nuit spécifiques pour les unités de Panzer et en pleine nuit, de façon à profiter de l’absence Panzertruppenschule de Fallingbostel sont réa- de Panzer-Grenadiere. Son idée ? Axer la for- de l’aviation alliée. Tout est mis en œuvre lisées avec des Panzer V Panther « Sperber » mation des équipages et fantassins motorisés pour conserver le maximum de discrétion à la fin de l’année 1943. L’auteur d’un article aux combats par faible visibilité afin que les autour de l’unité, puisque chaque soldat par- paru en mars 1957 dans le magazine « Der Panzer-Divisionen puissent lancer de vastes ticipant à ces manœuvres est tenu de signer deutsche Soldat » a prétendu qu’un équipage contre-offensives blindées nocturnes sans que un document officiel dans lequel il s’engage bien entraîné pouvait engager des cibles à l’aviation alliée ne puisse intervenir. à ne pas divulguer l’existence du centre de 2 500 mètres de distance et que deux coups Durant la seconde moitié de 1944, la Panzer- Fallingbostel et à ne pas parler des équipe- sur trois atteignaient leur but, ce qui paraît Lehrversuch-Kompanie « Fallingbostel » multiplie les expérimentations. C’est ainsi que ses personnels soudent une structure composée de trois plaques métalliques assemblées en « U » sur la plage arrière de trois Panther, des garde-corps devant per- mettre à chacun le transport de trois Panzer- Grenadiere armés de StG-44 censés pro- téger les blindés. Les exercices sur le terrain ne semblent pas avoir été concluants, échec qui aurait pu directement conduire à la mise au point du Sd.Kfz. 251/1 Ausf. D « Falke ». L’unité procède aussi, à titre expérimental, à la modification de divers engins afin de leur permettre d’embarquer des systèmes infrarouges : Panzer IV, Panzer VI Tiger, Jagdpanther, Hetzer, Sd.Kfz. 164 Nashorn, Sd.Kfz. 234 Puma... Elle tente également d’améliorer le « Sperber » qui a l’extrême désavantage de n’offrir une vision de nuit qu’au Bordführer du Panther. Ces travaux vont aboutir à la mise au point d’un système ingénieux qui va se généraliser sur tous les Panzer V « Lösung A ». Il s’agit en fait d’un dispositif de hausse relié au viseur FG 1250

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qui facilite la tâche du Richtschütze des Panzer V Ausf. D et Ausf. A début posant de deux orifices, binoculaire t Page de gauche, ou tireur. Celui-ci, préposé au manie- de production tout juste sortis d’usine oblige, une improvisation ingénieuse en haut : Par petits groupes, les éléments ment de la commande en élévation du après des réparations sont livrés à est trouvée : la TZF12 est remplacée de la 101. Jäger-Division canon KwK 42/L70 en tourelle mais la Panzer-Lehrversuch-Kompanie et par deux monoculaires, la gauche pénètrent dans les rues de rendu « aveugle » par l’absence de modifiés par les mécaniciens de l’unité. utilisée le jour pour la visée, la droite Hronow, où les drapeaux système de vision nocturne propre, Ces deux modèles se distinguent en étant employée la nuit car disposant tchécoslovaques ont refait leur réapparition devait jusqu’à présent se fier aux don- effet par la trappe de vision rétrac- du Biwa fixé à la sortie de son embra- aux fenêtres des nées de pointage en site transmises table du pilote sur le glacis avant, au sure de mantelet. Cette disposition est maisons après six ans par son Bordführer. L’innovation est niveau de laquelle il est plus aisé de contestée par Waldemar Trojca qui d’interdiction, pour se la suivante : l’on installe une bande disposer un système projecteur/viseur prétend, certainement à raison, que rendre aux résistants locaux. Ce cliché est sans d’acier reliée mécaniquement à la infrarouge. C’est ainsi qu’un support les équipements infrarouges sont trop conteste extraordinaire hausse du FG 1250 du chef de char, sur lequel prend place un convertis- sensibles à la poussière et aux rayons car il montre pas moins cette bandelette actionnant un curseur seur d’image Biwa, peut-être un FG du soleil pour ne pas être démontés de d’une douzaine de Jäger qui indique précisément au tireur les 1254 (produit par AEG, Leitz, Zeiss jour ou, tout du moins, être recouverts vêtus d’effets camouflés Leibermuster sur la mouvements verticaux du Biwa manié et le Reichspostforschungsanstalt), d’un manchon qui dissimulerait imman- quarantaine d’hommes qui par le Bordführer. Ceci lui permet donc est soudé sur le glacis avant juste quablement l’une des deux optiques composent ce groupe ! de connaître l’élévation exacte du FG sous le bloc de vision du pilote, avec de la TZF12. Or, ceci ne peut être fait, L’homme marchant au centre du premier rang a 1250 « verrouillé » sur la cible. Fort à droite un projecteur infrarouge de la lunette gauche servant à l’acquisi- même cousu au-dessus de ces informations, le Richtschütze 30cm. Lorsque le Fahrer utilise son tion de la cible et la droite au calcul de la poche droite de sa aligne son pointage en site en compa- FG 1254, il ouvre son bloc de vision et de sa distance. Reste que le matériel vareuse un Hoheitszeichen rant les données du curseur et celles fait glisser la vitre blindée pour suivre infrarouge peut être rapidement retiré réglementaire, l’aigle national de la Heer. du canon. Cette bande métallique, pas- la route à travers ladite lunette. En ce de jour : il faut moins d’une minute Coll. Pechar sant par un trou foré à travers le toit de qui concerne le poste du Richtschütze, pour enlever les deux vis et débran- la tourelle du Panther, à la base de la les Panther Ausf. D et Ausf. A début cher les deux câbles des systèmes du t Page de gauche, coupole du chef de char, est protégée de production disposent d’un viseur Richtschütze et du Fahrer. De son côté, en bas : Sous les yeux d’un partisan tchèque, ce par un blindage soudé sur le toit. télescopique binoculaire TZF12, les le Bordführer reçoit un dispositif iden- camion transportant des Mieux, à la fin de la guerre, tirant versions ultérieures ayant un viseur tique à la « Lösung A », quoique amé- Jäger s’est arrêté dans profit du nombre important de Biwa monoculaire TZF12a. Le pointage du lioré, avec un projecteur de 30cm au une rue de Hronow. L’un stockés à Fallingbostel, les hommes canon de 7,5cm au moyen de ces lieu de 20cm (portant à 600 mètres au des hommes assis sur le pare-choc est affublé d’un de la Panzer-Lehrversuch-Kompanie optiques se fait donc au travers d’un lieu de 400 mètres pour le précédent), pantalon Leibermuster. élaborent la « Lösung B » (Solution B) ou deux, c’est selon, orifices de visée qui plus est couplé à une mitrailleuse Le panneau fixé sur la qui doit permettre de remédier à l’ab- conçus dans le mantelet blindé de pro- MG-34 à la manière du Sd.Kfz. ridelle du véhicule indique qu’il a été réquisitionné sence de système de vision nocturne tection de la pièce. La « Lösung B » 251/1 « Falke ». En définitive, avec à la compagnie des pour le tireur et le pilote du Panther. consiste au montage d’un Infrarot- la « Lösung B », ce sont désormais transports urbains de Comme les Panzer V Ausf. A début Scheinwerfer de 30cm à gauche des trois des cinq membres d’équipage Bad Charlottenbrunn, de production et Ausf. G ne dispo- trous, ce projecteur et le Biwa dévolus du Panther qui sont munis de viseurs nom allemand de la ville polonaise de Walbrzych. sent que d’un épiscope rotatif pour le au tireur reposant sur un support nocturnes. Bien que relativement L’insigne en métal aux trois pilote, ce qui y compliquerait la pose soudé sur le mantelet, juste sous les peu de choses soient connues de la feuilles de chêne (Jäger d’un ensemble aussi encombrant que orifices de télémétrie. Les versions de « Lösung B », les tests à Fallingbostel Abzeichen) agrafé sur la le couple Infrarot-Scheinwerfer/Biwa, début de production du Panther dis- auraient été encourageants. casquette de l’Allemand accoudé sur le toit du camion ainsi que les cannes de randonnée des hommes du cliché précédent désignent sans conteste les soldats de cette sensationnelle série comme des Jäger. Coll. Pechar

t Un alignement de deux Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », probablement photographiés à Fallingbostel au printemps 1945. L’engin du premier plan est celui des pages précédentes. Quant au second, juste derrière, son projecteur de 60cm est rabattu à 90° et recouvert d’une bâche, configuration adoptée lors des déplacements pour éviter d’endommager l’Infrarot Scheinwerfer.

22 u Ce Sd.Kfz. 251/1 « Falke » a été capturé par les Britanniques comme le prouvent les inscriptions à la craie sur la plaque de blindage du moteur. L’on aperçoit sur celle-ci et entre les deux blocs de vision du compartiment de conduite, les supports destinés aux équipements infrarouges. Immédiatement après la guerre, les Alliés et les Soviétiques vont tout mettre en œuvre pour s’accaparer la technologie de pointe allemande. Coll. Anderson

Pendant tout ce temps, au gré des exer- de combat, composées d’un Zug de de près aux équipements de conduite cices pratiqués, la Panzer-Lehrversuch- cinq Nachtkampfpanther « Sperber », infrarouge, la Panzer-Versuchs-und Kompanie « Fallingbostel » érige la doc- d’un Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » et d’un Ersatz-Abteilung 300 (Funklenk) trine et les tactiques des véhicules de ou plusieurs Sd.Kfz. 251/1 « Falke », du Major Weicke. Encasernée à combat infrarouge de la Panzerwaffe. sont baptisées Kampfgruppen Eisenach, cette formation est initia- Les manœuvres démontrent aux offi- « Sperber » par l’état-major de lement spécialisée dans les engins ciers instructeurs que la formation tac- la Panzer-Lehrversuch-Kompanie de démolition ; sa 1. Kompanie, aux tique idéale s’articule autour d’un Zug « Fallingbostel ». Avec davantage de ordres de l’Oberleutnant Fischer, de cinq Panther « Sperber » au profit temps, un Puma 200 aurait intégré procède à toute une palette de tests duquel opère un semi-chenillé de pro- chaque Kampfgruppe « Sperber » impliquant des véhicules prototypes jection infrarouge Sd.Kfz. 251/20 pour relayer les communications entre de déminage, comme par exemple un « Uhu ». Ce dernier se tient à l’avant les différents engins la composant. Borgward IV guidé par radio depuis et fait office de véhicule d’observation Les exercices sur le terrain sont pro- un avion. Or, sans que l’on sache et de commandement. Lorsqu’une metteurs et, bientôt, des unités de la trop pour quel motif, la 1./Panzer- unité blindée ennemie est repérée et Panzerwaffe viennent s’entraîner à Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 prise dans le faisceau du projecteur l’utilisation des systèmes infrarouges, (Funklenk) dispose d’une voiture infrarouge de 60cm du « Uhu », c’est- la première étant le 3. Schwadron de la d’état-major Pkw. Tatra Typ 97 à-dire dans un rayon de 1 500 mètres, I./Panzer-Regiment 24 à l’été 1944 (ce munie d’un modèle expérimental de son chef de bord transmet par radio bataillon conserve la tradition d’unité système de conduite infrarouge com- la position des cibles aux Panther. de cavalerie de la 24. Panzer-Division, posé d’un projecteur et d’un conver- Une fois la liaison radio établie avec d’où l’utilisation de la désignation de tisseur d’image Biwa. Les tests les Bordführer, il dirige les Panzer vers Schwadron à la place de Kompanie). menés au printemps 1943, sous les chars adverses. Dès lors, bénéfi- De nombreuses autres suivront. Si l’en- l’égide du Leutnant Haas, permettent ciant de l’illumination des objectifs traînement est rigoureux et se focalise d’évaluer le dispositif et de l’améliorer par le Sd.Kfz. 251/20 jusqu’à 800 bien évidemment sur la familiarisation dans le but d’aboutir à un système de mètres de distance, ceux-ci n’ont des Panzerschützen avec les équipe- conduite infrarouge vraiment fiable. plus qu’à détruire les blindés alliés ments infrarouges et la coopération Puis, en juillet 1943, le bataillon se voit « éclairés » par le projecteur « Uhu », avec les autres véhicules composant affecter trois Panther Ausf. D servant ce avec encore plus de précision une la Kampfgruppe « Sperber », l’appren- de véhicules-écoles. Les recherches fois qu’ils seront entrés dans le champ tissage des tactiques de combat spéci- de Haas allant dans le même sens de leurs « Sperber », à 400 mètres fiques aux opérations nocturnes et le que celles de la Panzer-Lehrversuch- de distance, ou de leurs systèmes recours à certaines astuces, comme Kompanie « Fallingbostel », il est « Lösung B », à 600 mètres de dis- l’utilisation de fusées éclairantes décidé de modifier la trappe de vision tance. Plus en arrière, se tiennent des pour illuminer les chars adverses, du pilote de l’un des Panther pour y semi-chenillés Sd.Kfz. 251/1 « Falke » sont inculqués par les instructeurs de permettre l’installation d’un système transportant chacun un groupe de Fallingbostel. Les forces alliées s’ap- de vision infrarouge devant lui faci- combat de 6 Panzer-Grenadiere armés prochant, il semble avec le temps liter la conduite de nuit. Un Panzer de fusils d’assaut StG-44 « Vampir ». que seule l’instruction aux systèmes V est converti dans ce but, un sup- Profitant eux aussi du spectre émis infrarouges ait été dispensée aux équi- port vertical censé accueillir le dis- par le projecteur du « Uhu », ces pages, ce au détriment de l’apprentis- positif semblant avoir été soudé sur hommes sont chargés d’accompagner sage des notions tactiques. le volet blindé du bloc de vision du et de défendre à courte distance les Parallèlement aux activités de la pilote. Avec le temps, ce sont quatre Panzer et le Sd.Kfz. 251/20 en éli- Panzer-Lehrversuch-Kompanie Panther Ausf. D qui seront modifiés minant les fantassins ennemis « illu- « Fallingbostel », une autre unité de la sorte avant de gagner le front minés » par le 60cm. Ces formations expérimentale allemande s’intéresse hongrois, début 1945.

23 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

LES « NACHTJÄGER » la I./Panzer-Regiment 11 de la bles, les Panzer V se font toujours ENTRENT EN ACTION 6. Panzer-Division reçoit du Heeres- moins nombreux et ne sont en outre Zeugamt 32 Panther « Sperber » entre plus suffisamment approvisionnés en Le 26 juin 1944, le Generaloberst le 11 novembre et le 2 décembre. Le 4 essence pour permettre les grandes Guderian annonce dans un mémo- de ce mois, sa 4. Kompanie est subor- offensives de nuit initialement envi- randum que la I./Panzer-Lehr- donnée à la Panzer-Brigade 150, récem- sagées par Guderian. Il est évi- Regiment 130 sera la première ment formée en prévision de l’opération dent, dans ces conditions, que des unité à recevoir des équipements « Wacht am Rhein ». Il semble en effet Kampfgruppen « Sperber » ne pour- infrarouges. Relevant, comme son que Hitler ait envisagé d’engager le ront être constituées qu’au gré des nom l’indique, de la Panzer-Lehr- 3./Panzer-Regiment 24 et la 4./Panzer- circonstances et être employées que Division qui combat durement en Regiment 11 lors de la contre-offensive pour des contre-attaques localisées. Normandie, ce bataillon blindé est des Ardennes, mais les deux unités Pourtant, l’école de Fallingbostel alors toujours en cours de constitu- ne semblent pas avoir pris part aux poursuit inlassablement la formation tion en Allemagne, la division d’élite combats. Un vétéran du SS-Panzer- des équipages qu’elle accueille : des ayant absorbé en remplacement la Regiment 1 de la 1. SS-Panzer-Division SS-Panzerschützen censés rejoindre I./Panzer-Regiment 6. La I./Panzer- « Leibstandarte SS Adolf Hitler » pré- les 1. et 12. SS-Panzer-Divisionen Lehr-Regiment 130 touche ses appa- tend pourtant que quelques Panther en Hongrie, des tankistes de la reils de vision nocturne le 29 juillet équipés de viseurs nocturnes ont com- Panzer-Abteilung « Müncheberg » puis, début septembre, elle rejoint battu dans les Ardennes, une affirma- de la Panzer-Division du même de toute urgence le front de l’Ouest tion qui paraît douteuse. nom et des hommes d’équipage de pour former la Panzer-Brigade 113, Préservés lors de la bataille des Jagdpanther de la Panzer-Division mais sans emporter ses « Sperber ». Ardennes, les matériels infrarouges de « Clausewitz » sont parmi les En fait, la première unité à s’entraîner la Panzerwaffe vont être en revanche derniers à fouler les bancs de la au maniement des systèmes infra- nettement plus utilisés en 1945, à Panzertruppenschule. C’est d’ailleurs rouges est le 3. Schwadron de la mesure que les troupes alliées arrivent à Fallingbostel mais également au I./Panzer-Regiment 24 qui gagne, à la fin aux frontières du Reich. La production Truppenübunsplatz de Bergen et à de l’été 1944, la Truppenübunsplatz de en série des systèmes « Sperber » par la Schießschule der Panzertruppen Bergen, près de Fallingbostel. De sep- la firme Leitz-Wetzlar atteint en effet de Putlos que les véhicules blindés tembre à octobre, ses équipages sont environ 100 unités par mois durant de combat nocturne sont rassem- formés à l’utilisation des « Sperber » les derniers mois de la guerre mais, blés à leur sortie d’usine avant leur lors de manœuvres nocturnes, puis, malgré 800 à 1 000 engins disponi- transfert aux unités sélectionnées. en décembre, c’est l’ensemble de la I./Panzer-Regiment 24 (bataillon dépen- Panzerkampfwagen V Mit Infrarot-Nachtsichgerät dant en théorie de la 24. Panzer-Division Panther (Sd.Kfz. 171) Ausf. G « Sperber » mais temporairement rattaché à la 116. 3. Schwadron , I. Abteilung, Panzer-Regiment 24 Panzer-Division) qui se rend à Bergen Panzertruppenschule de Fallingbostel où il doit recevoir des Panther équipés Allemagne, octobre 1944 de dispositifs infrarouges « Lösung A », matériels qui ne seront finalement pas © M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009 livrés. Entre-temps, le 27 septembre, la I./Panzer-Regiment 6 a reçu l’ordre de partir pour la Panzertruppenschule de Fallingbostel pour s’y reconstituer. La Panzer-Brigade 113 ayant été écrasée en Lorraine, elle y est rejointe dès le début du mois d’octobre par la I./Panzer- Lehr-Regiment 130. Les deux bataillons blindés suivent alors sur place un entraî- nement aux équipements de combat nocturne (la I./Panzer-Regiment 6 effec- tuant des manœuvres conjointes avec des Panther « Sperber » et des Sd.Kfz. 251 « Uhu »), puis se voient attribuer leurs propres Panther dotés de viseurs infrarouges : le Heeres-Zeugamt, dépôt de la Heer, en affecte vingt-sept à la I./Panzer-Regiment 6, du 17 novembre au 4 décembre, et en expédie quatre autres à la I./Panzer-Lehr-Regiment 130 le 9 décembre. Toutes deux ral- lieront la Hongrie quelques jours plus tard : la première après avoir démonté les « Sperber » de ses Panther, alors que la seconde sera rattachée à la 8. Panzer-Division qui combat à l’ouest de Budapest, sans que l’on sache si elle a dû laisser ses équipe- ments nocturnes derrière elle. De son côté, repliée à la Truppenübunsplatz de Grafenwöhr pour reconstitution le 29 août,

24 EMPLOI THÉORIQUE D’UNE KAMPFGRUPPE « SPERBER »

Un semi-chenillé Sd.Kfz. 251/20 « Uhu », véhicule d’observation Guidés par radio par le Zugführer, les deux Bordführer dirigent leurs et de commandement d’une Kampfgruppe « Sperber » (constituée Nachtkampfpanther vers les Sherman et les Half-Tracks américains, p d’un Zug de deux Panther « Sperber » et un Sd.Kfz. 251/1 « Falke » q le Sd.Kfz. 251/1 « Falke » s’occupant pour sa part de la Jeep ouvrant transportant l’infanterie d’accompagnement), repère dans l’obscurité la colonne blindée ennemie. Compte tenu des bruits des moteurs des une colonne blindée américaine à l’arrêt, sur le bord d’une route, grâce Panzer, la surprise ne joue plus mais les Allemands ont l’avantage à son projecteur infrarouge de 60cm « éclairant » à 1 500 mètres. Le de mettre en œuvre leurs équipements de combat nocturne qui leur 1 Zugführer transmet aussitôt par radio la position des véhicules ennemis 2 permettent de voir l’adversaire sans être vus ! aux Panther.

25 Nachtjäger, les « Vampir » du Reich !

Tandis que les six Panzer-Grenadiere armés de fusils d’assaut StG-44 Les deux Sherman ont été détruits par les Nachtkampfpanther, alors « Vampir » se déploient en protection rapprochée des Panther et du Sd.Kfz. que la Jeep a été incendiée par la MG-42 de bord du Sd.Kfz. 251/1 p 251/20 « Uhu », les Panzer V, qui ont acquis en visuel les blindés américains q « Falke ». Profitant eux aussi du spectre émis par le projecteur du à 800 mètres grâce au faisceau du « Uhu », engagent les Sherman qui « Uhu » et progressant sous la couverture des MG-42 des SPW, les constituent la principale menace adverse. Parvenus à distance suffisante, soit Panzer-Grenadiere investissent le périmètre ennemi et éliminent les 400 mètres (600 mètres pour les « Lösung B »), les Bordführer des Panther GI’s « éclairés » par le 60cm et le ZG 1229 de leur « Vampir ». Cibles 3 « Sperber » assurent leur visée grâce à leur FG 1250 de tourelleau. À cette 4 prioritaires : les binômes de bazookas cherchant à tirer sur les blindés portée, les KwK 42/L70 de 7,5cm ne laisseront aucune chance aux Sherman. des assaillants.

26 Panzerkampfwagen V Mit Infrarot-Nachtsichgerät Panther (Sd.Kfz. 171) Ausf. G « Sperber » 2. Kompanie, I. Abteilung, Panzer-Regiment 29 Panzer-Division « Müncheberg » Secteur de Berlin, Allemagne, avril 1945

© M. Filipiuk / Batailles & Blindés, 2009

Ainsi, le 7 mars 1945, six Sd.Kfz. 251/20 devaient être systématiquement sabotés en sieurs Panzer-Divisionen et Panzer-Grenadier- sont acheminés par train à Putlos et neuf cas d’abandon des Panther : « Tous les dis- Divisionen commencent à intégrer des autres également par voie ferrée à Bergen. Le positifs infrarouges étaient arrimés à des gre- embryons de Kampfgruppen « Sperber ». 16, quatre autres Panther « Sperber » sont nades à manche. Une ficelle reliait le cordon Ainsi, le 7 mars, la 3./Panzer-Regiment 6 affectés à Fallingbostel pour l’instruction des détonant dépassant du manche dévissé [des de la 3. Panzer-Division se voit attribuer dix Panzertruppen. Seulement, compte tenu des grenades] au système du Bordführer. Lorsqu’il Panther infrarouges. Six jours plus tard, coupes sombres opérées par les Alliés dans quittait le Panzer hors de combat, le dernier il est prévu de doter les 19. et 26. Panzer- les rangs des Panzer-Divisionen, les Panther homme d’équipage à sortir devait dégoupiller Divisionen de dix Panzer V « Sperber » et « Sperber », Sd.Kfz. 251 « Uhu », Sd.Kfz. la grenade en tirant la ficelle. » Reste que, trois Sd.Kfz. 251/20 « Uhu » à hauteur d’une 251 « Falke » et autres « Nachtjäger » d’après Thomas Anderson et Kamen Nevenkin, compagnie par Panzer-Regiment (respective- n’auront qu’un impact limité sur le champ les équipements de vision nocturne des 14 ment les 4./Panzer-Regiment 27 et 3./Panzer- de bataille et seront bien incapables de ren- (ou 17 selon Anderson) Panther « Sperber » Regiment 26). Le jour même, le personnel de verser le cours des évènements. du 3. Schwadron de la I./Panzer-Regiment la 3./Panzer-Regiment 26 quitte l’Italie pour Dans un premier temps, c’est sur le front 24 auraient inexplicablement été démontés à Wünsdorf, afin de réceptionner ses véhicules de l’Est que ces matériels sont utilisés à Fallingbostel avant le départ du bataillon pour de combat infrarouge, l’unité devant être plus large échelle. L’irrésistible progres- la Hongrie, le 12 janvier. Pourrait-il alors s’agir opérationnelle le 20 mars. Cependant, ces sion de l’Armée rouge sur toute l’étendue des Panzer V de la I./Panzer-Regiment 6 ? Ce hommes ne rejoindront jamais leur division du front oblige en effet les Allemands à qui est plus certain en revanche, c’est que la puisque, le 19 avril, ils seront transférés à la « racler les fonds de tiroir » pour com- Panzer-Versuchs-und Ersatz-Abteilung 300 Panzer-Division « Müncheberg ». Le 23 mars, bler les pertes toujours plus lourdes (Funklenk) met sur pied, au début de 1945, c’est au tour des I./Panzer-Lehr-Regiment enregistrées par les Panzer face aux le Versuchszug « Leutnant Haas » (peloton 130, I./Panzer-Regiment « Brandenburg » de T-34/85 et autres JS-2. C’est ainsi que la expérimental « Leutnant Haas ») formé de la Panzer-Grenadier-Division « Brandenburg » Panzertruppenschule de Fallingbostel dépêche quatre Panther Ausf. D équipés de systèmes et Kampfgruppe « Dreyer » (4./Panzer- au front son Panzerjäger Sd.Kfz. 164 Nashorn, infrarouges : les chars du Leutnant Haas, de Regiment 11) d’être désignées pour recevoir dont les équipements infrarouges (probable- l’Unteroffizier Cibis, du Feldwebel Boll et du une telle dotation. L’avant-veille, la 1./Panzer- ment un projecteur de 30cm similaire à celui Feldwebel Deichfuß. Ce peloton est lui aussi Lehr-Regiment 130 a reçu l’ordre de quitter du Marder II associé à un viseur ZG 1221) envoyé en Hongrie, dans la région du lac la Panzertruppenschule de Wünsdorf pour la ont été préalablement démontés, l’engin Balaton. Grâce à ses équipements spéciaux, ville de Müncheberg, située à l’est de Berlin, combattant en janvier 1945 à Katowice, en le Versuchszug « Leutnant Haas » parvient où elle doit se placer sous le commandement Silésie, au sein de la schwere Panzerjäger- à détruire plusieurs chars ennemis de nuit tactique de la 25. Panzer-Grenadier-Division. Abteilung 88. Davantage au sud, les efforts et suscite une véritable psychose dans les C’est là qu’elle perçoit du Heeres-Zeugamt de la Wehrmacht sont tout entier tournés vers rangs soviétiques lors de ses opérations noc- ses dix Panther « Sperber », le 23 mars. la tentative de dégagement de la garnison de turnes. Il semblerait également qu’un Panther Par ailleurs, un document daté du 1er avril Budapest encerclée par les Soviétiques depuis « Sperber » ait été envoyé à Stuhlweißenburg 1945 précise que plusieurs compagnies doi- le 29 décembre 1944. D’après l’auteur bul- (l’actuelle Székesfehérvár, au sud-ouest de vent suivre, dès le surlendemain, des entraî- gare Kamen Nevenkin, le baptême du feu Budapest) où il aurait été utilisé au combat nements aux systèmes infrarouges, ce dans des matériels infrarouges allemands se serait avec un certain succès par la 5. SS-Panzer- l’attente de recevoir des Panther « Sperber » déroulé lors de l’opération « Konrad », lancée Division « Wiking ». Tandis que ces unités de et/ou des Sd.Kfz. 251 « Uhu » : la 1./Panzer- en janvier 1945 par le IV. SS-Panzer-Korps Panzer affluent dans la région de Budapest, Regiment 29 et la 2./Panzer-Grenadier- pour reprendre la capitale magyare, une hypo- la I./Panzer-Lehr-Regiment 130 fait le chemin Regiment 25 ( Panzer-Division « Müncheberg ») thèse tout à fait plausible puisque la I./Panzer- inverse. Ayant subi de lourdes pertes face à à la Panzertruppenschule de Wünsdorf, les 3./ Regiment 24, qui vient d’arriver en toute hâte l’Armée rouge, la formation est rapatriée, le 5 Panzer-Regiment 26, 4./Panzer-Regiment 11, à Györ, et la 3. Panzer-Division participent à janvier 1945, à Grafenwöhr afin d’être recons- 4./Panzer-Regiment 27 et 4./Panzer-Regiment cette opération près du lac Balaton. Il semble tituée et de rejoindre – enfin – laPanzer-Lehr- « Brandenburg » à Fallingbostel. En outre, une en tout cas que des mesures drastiques aient Division, consigne lui étant donnée de laisser compagnie de la I./Panzer-Regiment 39 de la été adoptées afin d’empêcher que ces maté- sur place ses Panther. Nul ne sait ce qu’il est 17. Panzer-Division se rend à Fallingbostel riels ultrasensibles ne tombent aux mains de advenu de ses quatre Panzer V « Sperber »... pour être directement équipée de Panzer V l’ennemi. D’après Erwin Bernhardt, ancien De manière tout à fait paradoxale, à compter infrarouges. En réalité, de ces sept compa- Panzerwart (mécanicien) de la I./Panzer- de mars 1945, alors même qu’une tour- gnies, seules celles de la « Müncheberg » sont Regiment 24, les équipements « Sperber » mente irrésistible emporte l’Allemagne, plu- pourvues en blindés de combat nocturne, de

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même que la 4./Panzer-Regiment 11, qui des StuGe, action qui sera à l’ori- affectée à la I./Panzer-Regiment 29 Bibliographie : reçoit dix Panther du Heeres-Zeugamt le gine de la remise de la Ritterkreuz de la « Müncheberg » dont elle forme Thomas ANDERSON, 8 avril. Les autres ne toucheront jamais à l’Hauptmann Walle, au Leutnant la 2. Kompanie. Parallèlement, une Panther, Concord les matériels promis. Pire, l’urgence Anding et à l’Obergefreiter Stützle, Panzer-Grenadier-Kompanie (gep.) Publications, 1996. de la situation oblige à disperser les appartenant tous trois à la Panzerjäger- constituée à partir de la 2./Panzer- Michael D. BEAVER, Panzerschützen formés dans des unités Abteilung « Großdeutschland » de Grenadier-Regiment 25 (prélevée sur Camouflage uniforms of the combattantes : le 19 avril, ceux de la la « Clausewitz ». Reste que les la 12. Panzer-Division) et commandée Waffen-SS, a photographic 3./Panzer-Regiment 26 sont affectés à Britanniques ne reconnaissent la perte par le Hauptmann Steuer est adjointe reference, Schiffer Publishing, 1995. la Panzer-Division « Müncheberg », les que de deux Churchill, deux M10 au bataillon blindé dans le but d’opérer hommes de la 4./Panzer-Regiment 27 Achilles et de nombreux véhicules Jean-François de concert avec la Panzer-Kompanie BORSARELLO, rejoignent leur 19. Panzer-Division et (dont 22 Bren Carriers, 10 Half-Tracks « Rasim ». Cette compagnie de Panzer- Les Tenues camouflées le personnel de la 4./Panzer-Regiment et 31 autres engins). Difficile avec un Grenadiere comporte trois Sd.Kfz. pendant la Deuxième Guerre « Brandenburg » est incorporé à la bilan aussi contradictoire d’évaluer 251/20 « Uhu » et des Sd.Kfz. 251/1 mondiale, Gazette des Uniformes, Panzer-Grenadier-Division « Kurmark ». objectivement l’efficacité des Panther « Falke », ses hommes étant armés de Hors-série n° 1, 1992. Sur le front de l’Ouest, la première uti- équipés d’infrarouges. StG-44 « Vampir ». Cette composante Loïc CHARPENTIER, lisation opérationnelle d’équipements Dans les jours qui suivent, la Panzer- de la Panzer-Division « Müncheberg » Les Semi-chenillés infrarouges se déroule le 26 mars Division « Clausewitz » livre des com- combattra avec acharnement dans la Mittlererpanzerkraftwagen 1945, durant un engagement nocturne bats retardateurs dans la région de capitale allemande mais succombera Sd.Kfz. 251, Centurytracks, opposant la 1./Panzer-Regiment 101 Wolfsburg, tentant de se frayer un sans que les détails de ses opérations n° 2, Editions du Barbotin, 2007. de la Führer-Grenadier-Division, consti- chemin au sud des montagnes du Harz. nocturnes ne soient connus. Enfin, le tuée de dix Panther équipés de lunettes Dans la nuit du 21 avril, c’est au tour 19 avril, la 4./Panzer-Regiment 11 et Bruce CULVER et Uwe FEIST, Schützenpanzer, FG 1250 et de trois Sd.Kfz. 251/20 de la 5th US Armored Division de faire la Panzer-Grenadier-Kompanie (gep.) Ryton Publications, 2006. (reçus conformément à une directive du l’objet d’une contre-attaque de la divi- « Uelzen » (alignant 14 Sd.Kfz. 251 Hans-Dieter HANDRICH, Generalinspeckteur der Panzertruppen, sion allemande à Fallersleben. Unrein infrarouges) reçoivent l’ordre de quitter Sturmgewehr ! From datée du 12 février 1945), à des unités ordonne alors une reconnaissance la Panzertruppenschule de Wünsdorf firepower to striking britanniques. Le Major Woellwarth et préalable : « Notre reconnaissance pour rejoindre la 7. Panzer-Division dans power, Collector Grade Publications, 2004. le Hauptmann Rietz rapportent que les rapporta que le pont sur le canal de la le secteur de Neusterlitz. Cependant, les équipements infrarouges ont parfaite- Weser-Elbe, au nord de Fallersleben, ordres sont modifiés en cours de route Thomas L. JENTZ, Panzerkampfwagen V ment fonctionné durant le combat. était occupé par l’ennemi, et que le et, le 22 avril, les deux compagnies sont « Panther » Ausfuehrung Quelques jours plus tard, le 4 avril, est bruit des chars pouvait être entendu à rattachées à la Kampfgruppe « Ritter G, Panzer Tracts, No. 5-3, formée dans le secteur de Lauenburg, Fallersleben. Nous renouvelâmes notre », qui comprend la Panzer-Kompanie Darlington Productions, sur l’Elbe, l’éphémère Panzer-Division reconnaissance. Aux abords de 2h00, z.b.V. « Dreyer », elle-même dotée de 2004. « Clausewitz » levée à partir d’unités notre avance parvint à 3 kilomètres dix Panther « Sperber », pour assurer la Thomas L. JENTZ, hétéroclites. La division blindée, au nord du pont. » La contre-attaque Panzerbeobachtungswagen, défense de Zossen. Sd.Kfz. 253 to Pz.Beob. placée sous le commandement du de la « Clausewitz » a pour objectif Wg. Panther, Panzer Tracts, Generalleutnant Martin Unrein, compte de reprendre aux GI’s le pont sur le CONCLUSION No. 11-1, Darlington peu de Panzer (seulement 25 !), mais canal Weser-Elbe et met en œuvre les Productions, 2003. parmi ceux-ci figurent, semble-t-il, dix derniers Panzer de la division. Vers À peine le Reich effondré que les vain- Thomas L. JENTZ, deux Züge de trois Panther « Lösung 2h00, précédés par une Sd.Kfz. 234/1 queurs occidentaux et soviétiques, Germany’s , the quest for combat A » et « Lösung B » chacun. Le moins ouvrant la voie, les dix chars allemands bien que rarement – mais durement supremacy, que l’on puisse dire, c’est que Unrein va s’élancent vers la position antichar quand ce fut le cas – confrontés Schiffer Publishing, 1995. utiliser ces derniers à merveille. Dans américaine composée de pièces M2 aux matériels infrarouges alignés par Marcus JAUGITZ, la nuit du 14 au 15 avril, l’une de ses de 76 mm battant les approches du la Panzerwaffe, vont minutieuse- Funklenkpanzer, Kampfgruppen intégrant des Panther pont. Alertés par les bruits de moteurs, ment étudier les véhicules allemands the history of German Army infrarouges lance une contre-attaque les Américains tirent aussitôt des obus dotés de systèmes de combat noc- remote- and radio-controlled armor units, à Stadensen, localité occupée par la éclairants pour illuminer la zone. Le turne tombés entre leurs mains et J.J. Fedorowicz Publishing, 46th Brigade de la 15th (Scottish) Panther de tête est rapidement touché tout mettre en œuvre pour récupérer 2001. Infantry Division. Dans un rapport par un obus de 76 mm et échoue dans le savoir-faire technologique germa- Rolf MICHAELIS, Die écrit pour le compte des Américains un fossé, ce qui oblige les Allemands nique. Il est vrai que les Allemands ont Waffen-SS uniformen en février 1947, Unrein narre l’enga- à suspendre leur assaut. C’est alors réussi à mettre au point non une série und abzeichen, Michaelis Verlag, 2001. gement : « Dans la nuit du 14 avril, que deux Panther « Sperber » se met- de matériels blindés infrarouges, mais une Panzerkampfgruppe, commandée tent à couvert et entrent en action. Au un véritable système d’armes complet Kamen NEVENKIN, Fire bri- gades: the Panzer-Divisions par un Hauptmann (environ 20 Panzer, bout de quelques minutes, ils repèrent apte à leur assurer de nuit la supério- 1943-1945, 10 canons d’assaut, 70-80 véhicules les canons antichars ennemis et tirent rité tactique sur le champ de bataille. J.J. Fedorowicz Publishing, de reconnaissance) fut assemblée à une vingtaine d’obus. Leur position Confrontée dès le départ à l’hostilité 2008. l’est d’Uelzen, Osterholz et Bollensen anéantie, les canonniers et les GI’s qui de la caste conservatrice des offi- Walter SEIFERT, dans l’objectif de lancer une attaque les couvraient cèdent à la panique et ciers supérieurs de la Wehrmacht, Der Mittlere vers Stadensen, au-dessous d’Hol- s’enfuient. Les Panther poussent alors cette technologie a ultérieurement Schützenpanzerwagen (Sd. Kfz.251), Waffen-Arsenal, lenstedt. Vers 3h00, ces éléments leur avantage et détruisent plusieurs pâti des campagnes de bombarde- n° 32. établirent le contact avec l’ennemi à camions et véhicules américains. ments effectuées par l’US Air Force Waldemar TROJCA, Nettelkamp. Le gros de l’engagement Pendant ce temps, sur le front de et la Royal Air Force sur les usines Pz.Kpfw. V Panther, vol. 2, dura jusqu’à l’aube. Les troupes de l’Oder, des unités de circonstance de du Reich. Autant d’éléments qui ont Tank Power, n° 2, 1999. l’Armée britannique, qui se reposaient la Panzerwaffe perçoivent des équi- retardé la mise en service des Panther Waldemar TROJCA dans le village, furent étrillées, et pements infrarouges en prévision « Sperber », Sd.Kfz. 251 « Uhu » et et Marcus JAUGITZ, environ 40 chars et véhicules blindés de la défense de Berlin. Ainsi, le 16 « Falke », des engins remarquables Demolition tanks at war, Trojca, 2007. furent mis hors de combat. » Parmi mars 1945, il est décidé de créer une s’il en est, mais dont la conception ces engins, les Allemands revendi- Kampfgruppe « Sperber » au sein de incarne à elle seule un terrible constat Alain VERWICHT, Les Panther de la I./24., quent la destruction de 22 chars, dont la Panzer-Division « Müncheberg ». d’échec : l’Allemagne, incapable de Arnheim, septembre- un peloton entier de chars Comet des De fait, le 5 avril, une Kompanie de reprendre l’initiative de jour dans le octobre 1944, Coldstreams qui aurait été incendié dix Panther équipés de FG 1250 aux ciel d’Europe, n’était depuis bien long- Panzer Voran, n° 37, 2007. par des Panther « Lösung B » et ordres de l’Oberleutnant Rasim est temps plus maîtresse de son destin. 

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