MA E I N R A G L G Z A H C I R E AT N R E K R É D É R F U E H K E D L O R A C Y M É R N A E J Y R D N A H C I M R E K I P JACQU A E J E D S E L L I G E R R E N N E GN D A M T E N A Z R E S Y E I L A H A N A N N A M A R O M GJ L E R E I P U G ES R E E U Q C A E N I P H C

T Association Française C I G G R B A O V C E E H C I MAI des directeurs O H C S D I C I N I R V E E R R G A A S

G de la photographie G I E T D H C T N E N A G E I V I L O G G D R A U Cinématographique O M A LLO N R O H T D N A R U L A C S A P U S È N S R E E J L S P M A G Y C A N G A V L L E C E U Q C GA J N A K C I N N A C I T G L TA N A H O B R E I AT R A B G G Z C I W G G R E R JACQUE D R A D O G R E I T E T A M E R U A L O H U L A R E I T U A G E N I O T N A INTEN G E T S A C U D I L I H P G R G A L N I A G a G E H C I M 1 H T G N E B C I R E K G H AT C G T N S E P P U E I F F I L I U T Î O N S L A V MARTINEAU G G R G G H G e U A R I U L U A J E B D R A O D L U A L N VA A O L R E G E G D N A L L I A R É L U H 31 0 2 ju il l r U A I O P D R A N R P M M E F E M A B É E N I T E R F F P K C I R AT T E I E M G G E R MA I L L GI E W R R E I Y R R WU E E L A E I D É L R E S I N E D T O R le L E U N A G N R A H C T N L I S ZT R A W H C S B F I H C G D U A G P L E D G G ET C I D É N É G NA C N A L B FRANÇOIS G A H C I R P M U D G ED U A L C TE T N A C LE H C I M A W R E RI O N E L G et RE I D I D NA M F U O R RE I T E HT O R SA R G C I R E HC E DR N X ttre ho ANT rs s ér j ui l e ie … t 2 01 3 Sommaire hors série juillet 2013

4 Choisir son camp 24 Une peau de chagrin Olivier Ducastel et Jacques Martineau, réalisateurs Catherine Schwartz , chef monteuse 5 Et maintenant… 26 Pour une réforme des financements du cinéma français Gilles Porte, directeur de la photographie, AFC, Benoît Ameil , réalisateur, SRF réalisateur SRF, ACID 28 Ici et ailleurs 6 Jour J – 1 , directrice de la photographie, AFC Claude Garnier, directrice de la photographie, AFC 29 Pourquoi faisons-nous ce métier ? 7 Lettre à Christophe François de Morant , chef opérateur du son, ASFI Eric Guichard, directeur de la photographie, AFC 30 Choqué ! 8 Faire le même film Rémy Chevrin, directeur de la photographie, AFC Erwan Kerzanet , chef opérateur du son 31 Convention nationale 9 Fracture Pierre Schoeller , réalisateur, SRF Yannick Kergoat, chef monteur 32 Le fond de l'air est gris 10 Une défaite de la pensée ! Pascal Lagriffoul , directeur de la photographie, AFC Jean-Pierre Thorn, réalisateur, SRF 33 Un mot juste 11 Réponse à Jean-Pierre Thorn Michel Abramowicz , directeur de la photographie, AFC Laurent Cantet, réalisateur, SRF 34 Lettre à un(e) jeune technicien(ne) 12 Cinéma : jusqu’ici tout va bien Bénédicte Kermadec, scripte, LSA , réalisateur, ARP 35 Le Titanic sans orchestre 14 Les Animaux malades de la peste Pierre-William Glenn, directeur de la photographie, AFC Guillaume Schiffman, directeur de la photographie, AFC réalisateur, ARP 14 La précarité est la norme 36 La règle du jeu Entretien avec Alain Guiraudie, réalisateur, SRF , directeur de la photographie, AFC 16 Le cinéma le plus cher du monde 37 Mutation d'une industrie Entretien avec Eric Heumann , producteur Didier Dekeyser , directeur du Pôle Cinéma, 18 Que s'est-il passé à l'assemblée générale de la SRF le 15 Laboratoire Digimage juin 2013 ? 38 De la Convention collective Chantal Richard et Jean-Jacques Jauffret , réalisateurs, SRF Michel Ferry, réalisateur, ARP 19 " Le milieu n’est plus un pont mais une faille " 39 Comme une fleur Agnès Godard , directrice de la photographie, AFC Jacques Maillot, réalisateur, SRF 20 E-mail aux adhérents de la SRF 39 La petite souris, si ! Emmanuel Gras , réalisateur, SRF, ACID Matthieu Poirot-Delpech, directeur de la photographie, AFC 22 Soyons réalistes, exigeons l’impossible… 40 Synthèse et réflexions autour du rapport d’étape Arnaud Roth, chef décorateur , ADC Valérie Champetier, économiste 23 Vive le cinéma ! 42 Tentative d’état des lieux, au 3 juillet 2013 Jean-Jacques Bouhon, directeur de la photographie, AFC Frédéric Sauvagnac , directeur de production, ADP 43 Douloureuse gestation d’une Convention collective

Rédacteur en chef : Gilles Porte Comité de rédaction : Michel Abramowicz, Rémy Chevrin, Jean-Noël Ferragut, Eric Guichard, Matthieu Poirot-Delpech et Philippe Van Leeuw Maquette et mise en page : Isabelle Scala Les images de ce hors série sont des photogrammes issus de films auxquels ont collaboré les auteurs des textes publiés. Ingmar Bergman et sur le tournage de De la vie des marionnettes

Le 1 er juillet 2013, après dix années de négociations, l'arrêté d'extension de la Convention collective de la production cinématographique a été signé. Les déchirements qui ont précédé cette signature ont mis à mal des solidarités que nous pensions indéfectibles. Dans une volonté d'apaisement et pour rétablir le dialogue, nous avons décidé de donner la parole à des citoyens de cinéma soucieux d'engagement et de sincérité. Nous espérons que ces contributions ouvriront des pistes de réflexion pour les nécessaires réformes d'un système unique au monde.

3 / juillet 2013 hors série AFC Choisir son camp Olivier Ducastel et Jacques Martineau, réalisateurs

e cinéma français nous semble soudain bien déchiré. Nous ne nous reconnaissons ni dans les querelles entre réalisateurs, ni dans les bagarres à couteaux tirés entre techniciens et réalisateurs. Et nous n'avons guère envie d'envenimer encore le débat. Malgré tout, dans ce qui ressemble maintenant à une guerre, il faut choisir son camp. En eLffet, s'il est vrai que, dans un premier temps, les enjeux de la Convention collective ne nous ont pas semblé très clairs et que nous avions préféré nous abstenir de prendre Je suis pour que tous les films position, cette indécision “vivent, tout en sachant ne nous paraît maintenant pertinemment que la belle diversité plus tenable. D'un côté donc, les L'Arbre et la forêt de Olivier Ducastel et Jacques Martineau du cinéma français, les agents, les tenants de la Convention producteurs, les distributeurs, les collective, pour la plupart des techniciens, mais aussi des réalisateurs qui, pour certains, ont participé pendant de exploitants, y puisent allègrement nombreuses années aux négociations et à la rédaction de cette pour leurs intérêts propres mais je Convention. n'accepte pas que cette diversité soit De l'autre, les opposants, majoritairement des réalisateurs et des producteurs. Ce second camp, où se retrouvent bien des payée uniquement par les techniciens gens que nous estimons, devrait nous être le plus naturel car il et les industries techniques. cherche de bonne foi à défendre le cinéma que nous aimons qui Oui à la diversité mais que tous y est aussi celui que nous faisons. Et, à y regarder de plus près, on peut se dire qu'entre les deux contribuent et transparence absolue camps, une fois mises de côté les invectives, la fracture tient des budgets. sans doute plus à une différence de tactique politique, qu'à une Après ça, nous continuerons à divergence d'objectif. Nous pourrions donc nous en tenir à une prudente neutralité. négocier . Cependant, devant les événements de ces derniers jours, nous préférons clairement affirmer notre soutien à la Convention Caroline Champetier, directrice de la collective nationale des productions cinématographiques. C'est photograph”ie, AFC, 20 juin 2013 notre façon de dire notre sincère attachement aux techniciens sans lesquels certains de nos films ne se seraient pas tournés. Bien sûr, nous entendons les opposants nous dire que, si cette Convention avait existé à l'époque, nous n'aurions pas pu faire ces films. Nous préférons penser, avec un optimisme revendiqué, que nous les aurions faits dans des conditions moins précaires et que la Convention pourra être à l'avenir une arme efficace pour lutter contre la pression exercée sur les salaires, ceux des techniciens comme les nôtres, et obtenir un financement plus équitablement réparti du cinéma français, en particulier pour les jeunes réalisateurs qui méritent bien qu'on leur offre les moyens de réussir leur premier film. Sans doute certains parviennent-ils à accepter les conditions de travail dégradées de leurs équipes de tournage sans états d'âme particuliers, pensant que l'art mérite bien quelques sacrifices. Pour notre part, nous nous souvenons que nous n'avons jamais pris de gaîté de cœur la décision de poursuivre la production d'un film quand il nous a fallu rogner sur les salaires et qu'il nous est arrivé de nous demander sincèrement si nous ne devrions pas jeter l'éponge. Ce sont toujours nos collaborateurs techniciens qui nous ont convaincus du contraire. La Convention n'affectera en rien nos rapports de confiance et d'amitié. I

AFC hors série juillet 2013 / 4 Et maintenant… Gilles Porte, directeur de la photographie, AFC , réalisateur, SRF , ACID

ourquoi, à la dernière cérémonie des César, fallait- il que ce soit Kevin Costner qui rende hommage «à tous les chauffeurs et techniciens qui se lèvent tôt pour assurer le confort des autres » tandis que d’autres ne facilitaient pas la prise de paroles d’in - génieurs du son plus expérimentés à poser des micros ? Pourquoi le générique d’un film français était-il absent lors Pde la projection de la dernière Palme d’or ? Pourquoi, lors d’une assemblée générale récente, certains réalisateurs français ont applaudi l’un des leurs à la fin d’un monologue qui stigmatisait les ouvriers et les techniciens alors qu’un silence eût été plus opportun ? Pourquoi opposer d’une façon manichéenne des gens qui signent des films à d’autres qui y participent sous prétexte que ces derniers souhaitent voir l’existence d’une conven - tion collective émerger au sein de leurs profession s?

1er juillet 2013... Signature de l’arrêté d’extension de la convention collective... Quand la mer monte de Gilles Porte et Yolande Moreau

ET MAINTENANT... Pas de points d'interrogations à la fin de ces deux mots mais des points de suspension même si beaucoup de questions sur le financement d'un certain cinéma demeurent... Un cinéma que nous savons " fragile "... Un cinéma que quelques-uns caractérisent " de festivals " ou " d'art et d'es - sai "... Un cinéma qui ne correspond pas aux diktats d'un marché... Mais un cinéma que notre gouvernement met en avant lorsqu'il s'agit de défendre la " pluralité et la diversité " afin d'obtenir gain de cause pour exclure l'exception culturelle de négociations commerciales avec les Etats-Unis... Que les responsables politiques n'oublient pas d'incarner concrètement leurs engagements afin que scénaristes, réa - lisateurs, producteurs, comédiens, techniciens, distribu - teurs et tous ceux qui font le cinéma continuent de voir per - durer une exception qui restera toujours à réinventer... Et que réalisateurs et directeurs de la photographie ne cessent de rechercher ensemble un cadre afin de permet - tre à d'autres images et d'autres sons de faire naître des émotions... I

J’ai toujours eu du mal à accepter qu'un producteur préfère négocier avec une trentaine de techniciens une baisse de salaire de 10“%, plutôt qu'une réduction de 5% du cachet des deux acteurs principaux... En revanche, il ne faut pas que la situation s'envenime entre les réalisateurs et les techniciens, nous avons besoin les uns des autres et je trouve qu'en lisant de trop nombreux commentaires, sans recul, le climat devient insupportable. Il y a toujours des films très difficiles à faire et un grand nombre de techniciens sont tout autant investis et passionnés que les réalisateurs dans la réussite des tournages. Une Convention doit exister et des dérogations bien cadrées aussi ! Laurent Dailland, directeur de la photographie, AFC, 11 juin 2013 ”

5 / juillet 2013 hors série AFC Jour J – 1 Claude Garnier, directrice de la photographie, AFC Demain la Convention collective sera étendue ou pas…Et dans ma tête ça tourne à toute vitesse

esuismembredel’AFC,del’inter Les techniciens ont soutenu les films et association et du syndicat le leursproducteursenacceptantqueleurs SPIACCGTetdanscesinstances, salaires deviennent la variable d’ajuste - danscesregroupements,laques - ment, mais pas seulement, ils ont aussi tion de la Convention collective engagé leur imagination, leurs compé - delaproductioncinématographiqueré - tencesafindeproposerdessolutionsori - sonnefort.Jerevoistoutescesdernières ginalesàlarigueurdesbudgets,pourser - aJnnéespendantlesquelles,petitàpetit, vir au mieux le projet du réalisateur. Je les techniciens se sont convaincus de la saisbienpourleschefsopérateursdont nécessité d’une Convention collective. je fais partie, quelle énergie nous avons Je revois tous les échanges, les e-mails, mis à trouver des solutions ingénieuses les coups de téléphone, à l’intérieur des pour contourner les obstacles et res - associations, entre associations, entre pecterlepluspossibleleprojetartistique lesassociationsetlessyndicats,entreles des auteurs. Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout, syndicats. Onpeutsedemanderquelsauraientété image Claude Garnier Et bientôt l’accalmie entre les deux syn - ces films (de la diversité) si les chefs op’, dicats,SNPTCTetSPIACCGT.Ouf!Onva les chefs déco, les monteurs, bref toute enfin pouvoir travailler ensemble. l’équipe, de la prépa aux finitions, ne Sanselle,unlongchemindevideconven - Jerevoisletravailimmense,pendantsept s’était pas investie autant, pour rendre tionnel, avec comme seule base le droit ans, pour réfléchir et mettre au point possible ce qui au départ ne tenait pas du travail, s’ouvrirait devant nous, pour cette Convention , la plongée dans les dansl’enveloppedufinancementdufilm. le grand plaisir de tous ceux qui en réa - textes,sidifficilesàcernermaisqu’ilfaut Je revois la pétition des cinéastes réali - lité ne veulent aucune Convention col - biendécoderpouravancer.Jerevoisles sateursopposésàlaConvention etjeme lective, quoi qu’ils en disent. grandes discussions au syndicat et dans revoisdevantmonordinateurentrainde Récemment, on m’a proposé plusieurs les associations sur l’annexe III, le sys - compulser la liste des signataires, sidé - projets de films dont je sens bien qu’ils tèmedérogatoirepour20%desfilmspen - rée d’y trouver tant de gens que je res - seront " de la diversité " (euphémisme dantcinqans…Cetteconcessiontrèsim - pectais et, bien sûr, beaucoup avec les - qui veut dire pas assez financés). portante,faitedansladouleur,qu’ilfallait quels j’avais travaillé. J’avoue que l’idée de recommencer à expliquer, défendre, pour donner une Je revois le putsch à la SRF et l’aveugle - me battre en prépa, sur tous les front s: chance à la Convention d’être signée. ment incroyable de certains cinéastes, la composition d’équipe, le matériel, le Cen’étaitpasfaciledeseconvaincresoi- poussant leur adhésion à l’idéologie li - plan de travail, etc., en sentant, petit à même, de convaincre beaucoup d’amis bérale jusqu’àappelerde leursvœux un petit, le réalisateur épuisé par trop de techniciensd’acceptercecadeaufaitaux fonctionnement du cinéma débarrassé compromis et de pressions, abandon - producteurs. de toutes règles sociales. ner une partie de son projet artistique Mais nous voulions que les films vivent Etaufinal,jerevoislacommissionmixte pour faire le film à tout prix avec une et en même temps avoir cinq ans pour paritaireoùjesuisalléevendredidernier, équipe de plus en plus mal payée à la - poser radicalement la question du fi - dans la délégation du SPIAC CGT et ce quelle on fait avaler des couleuvres de nancementdesfilms,mêmelesfilmsfra - jour-là,l’absenceimmensedessyndicats plus en plus énormes, m’a semblé un giles.Pourtant,contrairementàcequ’on de producteurs non signataires (APC, peu décourageante, tant cette pratique avait pensé, espéré, ça n’a pas suffi. UPF, SPI), nous laissant seuls pour faire devient courante. Un seul syndicat de producteurs (l’API) avancer les choses. Maishier,j’ailuunscénarioqu’onm’avait a signé cette Convention avec les syndi - Cettesituationm’arappelélestournages envoyéetj’aiététellementtouchée,en - cats de salariés, le 19 janvier 2012. etcettehabitudepriseparbeaucoupde thousiasmée que j’ai senti le joli moteur Les autres syndicats de producteurs s’y producteurs de ne chercher aucune so - dudésirrecommenceràronronnerdans sont opposés avec une violence in - lution à la dérégulation du cinéma, aux mon ventre. croyable. salaires sans cesse en baisse, aux temps Alors oui, j’attends l’extension de la Jerevoisledémarraged’unecampagne detournagetoujoursplusréduitsetàleur Convention collective avec impatience de presse hargneuse et mensongère faiblesse face aux distributeurs. etj’attendsdesétatsgénérauxducinéma contre les techniciens, l’adhésion d’une Ces producteurs ont pour pratique de pourposerentretouslespartenaires(sa - partied’entrelesproducteursauMEDEF, s’appuyeràfondsurlapassiondestech - lariés,producteurs,CNC,l’Etat)lesbases touslessignesguerriersd’uneluttesans niciens pour leur métier, comme le mo - d’uneredistributionjustedufinancement merci. teurquipermettraitàcesystèmeinjuste qui permette à la diversité de vivre dans Apartirdelà,chaquetechnicien,chaque et régressif de perdurer éternellement. le cinéma français. technicienne,avécudanssoncœur,dans Et vendredi de 9 h 30 du matin à 19 h, j’ai Mais j’attends aussi le temps de panser sestripes,latristesse,l’amertume,laco - ressentilamêmechose,ànousvoirtous, les plaies entre les réalisateurs et leurs lère de se voir traîner dans la boue par lessyndicatsdesalariésetl’API,àlaCMP, équipes. ceuxetcellesqu’ilsavaienttellementac - nouscreuserlacervellepourêtreleplus Cen’estpeut-êtrepaspourtoutdesuite, compagnés, épaulés pendant les dix ou précis, le plus intelligent possible pour mais l’avenir du cinéma ne se fera pas I quinze dernières années, pour que les laisser une chance à cette Convention sans ça. films se fassent. collective. 30 juin 2013

AFC hors série juillet 2013 / 6 Lettre à Christophe* Eric Guichard, directeur de la photographie, AFC

Cher Christophe, J'ai longtemps hésité à t'écrire cette lettre. Et puis des amis proches, certains techniciens de tes films m'ont posé cette questio n: « Comment se passe ta relation avec Christophe depuis son engagement contre la Convention collective »? Christophe, tu es respecté pour tes engagements forts, celui des travailleurs immigrés, des sans- papiers, de la révolution syrienne , de toutes les révolutions , du statut des intermittents, de ton travail avec Pascal Thomas autour de la défense du cinéma. Et voilà que tu t'engages comme toi seul sais le faire, à fond contre ce projet d'extension. Nous nous parlons, nous échangeons mais je sens bien ton côté arc-bouté, celui qui fait la force de tes engagements et de tes films. Nous divergeons quant à l'analyse des enjeux de cette Convention collective. Je t'ai dit mon indignation de voir tant de noms signer ce texte " Sauvons le cinéma " où nous apparaissons comme des fossoyeurs et je doute du bien-fondé des propositions du Collectif. Je ne peux pas être d'accord pour que les réalisateurs fixent quels doivent être nos salaires sur un film. C'est le rôle des partenaires sociaux représentatifs, puis de la production mais surtout le tarif syndical n'est qu'un minimum et peut-être qu’au bout de vingt ans de travail et d'expérience, j’ai droit à un peu mieux. Je ne peux pas non plus être d'accord avec l'interprétation que vous faites quant à la constitution des équipes avec cette CC. Oui, nous pourrons faire des films à 1, 2, ou 3, à 5, à 10. Je ne peux pas davantage être d'accord quand on dit que les producteurs de l'API ne sont pas des producteurs. Qu'un jeune producteur produise 1 seul film par an est à mes yeux aussi indispensable et important que le sont Gaumont ou Pathé. Je ne suis pas d'accord avec M. Hadas-Lebel qui annonce que son étude montre une augmentation des coûts avec la CC en oubliant dans ses calculs que finalement la somme nécessaire pour que tous les films français soient faits en appliquant le tarif minimum syndical est de 25 M €, entérinant ainsi une énième fois le fait que les salariés resteront une variable d'ajustement. C'est ta force de conviction qui s'applique par ailleurs à ton travail que j'apprécie le plus, mais cette CC nous divisera-t-ell e ? Je sens tant de forces souterraines qui se réjouissent des dissensions entre techniciens et metteurs en scène. Ces forces qui ont toujours cherché à diviser les équipes pour mieux asseoir leur pouvoir sur les réalisateurs, ces forces qui aujourd'hui se taisent et attendent patiemment la dégradation de nos relations. Je souhaite que nos divergences ne nous fassent pas perdre notre complicité rencontrée derrière une caméra. Sache que je me battrai toujours à tes côtés pour que le financement des films soit approprié, que l'on oblige les diffuseurs à faire la part belle aux films d'auteurs, que le compte de soutien soit rééquilibré et protège les films de la Dans la tourmente de Christophe Ruggia, image Eric Guichard diversité et que nous nous engagions à l'AFC pour que les films soient vus dans les salles et pas en catimini. Christophe, j'espère que rien ne viendra barrer la route de notre collaboration car j’ai lutté avec entrain pour cela, pour tes films, tes projets, tes questionnements, tes recherches et aucune CC ne pourra nous empêcher de faire tes films, vos films. * Christophe Ruggia, Et, quoi qu'il arrive, sache que mon amitié pour toi est et restera indéfectible pour l'avenir. réalisateur, membre de la SRF Ton directeur de la photo, ton ami,

7 / juillet 2013 hors série AFC Fairelemêmefilm Erwan Kerzanet , chef opérateur du son écemment,j’ai participé à uneassemblée La première est éthique : on ne peut pas demander à La fémis sur le son direct, l’un des ingé - à l’ensemble du corps collectif, qui continue d’œu - nieurs du son présents qui parlait de son vrer dans une forme née de l’antique industrie, de travail a expliqué combien il était impor - jouer le rôle d’auteur et de producteur, d’endosser tant pour lui de bien se rappeler, au - des responsabilités s’ils ne le veulent pas ou s’ils ne jourd’hui, les raisons premières pour lesquelles il s’en sentent pas capables. Chaquefemme et chaque avait choisi de faire du cinéma. En y réfléchissant homme sont censés connaître leur seuil de compé - Rmoi-même, parmi les différentes raisons qui m’ont tence (et d’incompétence). Si quelques-uns peu - poussé vers le cinéma, la plus forte, c’est celle du vent se permettre de toucher les dividendes d’un collectif, c’est-à-dire l’idée de faire " ensemble " un travail auterme dedeuxansd’attente, il est clairque objet autonome, unesortede précipité alchimique. ce n’est pas le cas de tout le monde ; pour fonction - Tout le monde met son expérience au service d’un ner comme ça, il faudrait que le cinéma soit entiè - processus dont leprécipité nese découvre quebien rement fabriqué par des gensaisés,ce quin’est pas plus tard, sur l’écran, lorsque tout est fini. C’est sur le cas. Peut-on appliquer une Convention applica - l’attente et l’espoir d’une apparition miraculeuse, ble à tous qui aille en ce sens ? d’année en année, que se forme ma foi de techni - cien, comme beaucoupd’autres. C’est aussi surcette attente que se forme le malentendu de nos condi - tions de travail. Un technicien est là pour un travail donné en un temps donné, parfois son esprit et sa foi sont ailleurs, il n’a pas tous les éléments en tête ni enmains pour savoir quelfilm il fait. Il est toujours dans une certaine attente.

Il n’en demeure qu’auteuret producteur ne fontja - mais le " même film " que les techniciens qui les ac - compagnent. "Fairelemêmefilm "est uneformule, elle caractérise cette attente et cet espoir d’efflo - rescence miraculeuse mais c’est davantage une asymptote, une ligne de fuite. Un employeur em - ploie, un employé est engagé par son employeur pour effectuer une tâche particulière au sein d’un ensemble plus vaste, le tout au service d’un geste cinématographique nécessaire à un auteur. Tout employé a besoin d’uncadredetravailextérieur dé - Holy Motors de Leos Carax, son Erwan Kerzanet fini, en l’occurrence le projet d'un auteur, le script et les contraintes budgétaires. Il netravaille quera - La secondeestlogique.A supposer qu’ilssoientd’ac - rement pour lui-même, sinon il devient auteur. S’il cord, onnepeutdemander àdes techniciens d’être finance lui-mêmeson travail, il devientproducteur. auteur et producteur sans leur accorder les droits spécifiquesdecesfonctionset responsabilités,sans Le climat tendu de ces derniers temps m’a rappelé leur permettre d’accéder aux intérêts et aux contre - le ton de la politique gouvernementale de ces dix parties des uns et des autres. dernières années. Le jeu malsain qui mène à la divi - sion du corps collectif est toujours une manœuvre, Une différence essentielle sépare le technicien de avouéeou non.Le cinéma évolue,lasociétéévolu e: ses employeurs (producteuret auteur)dans lerap - la disparition de l’industrie est un élément très im - port qu'ils entretiennent avec un film : cette diffé - portant desmutations encours, ledéplacement de rence est inscrite dans le temps. L’auteur et le pro - savoir-faire empiriques vers des modèles écono - ducteur –efflorescenceréussieou non –vivent avec miques plus théoriques et davantage calqués surle le film, avant, pendant et après safabrication.Pour monde de la financeest une autre dimension. Le pro - l’équipetechnique,une foisle film fini et les derniers blème le plus concret est celui du manque de tré - salaires perçus, à quelques rares exceptions, c’est sorerie. une affaire terminée.

Comment continuer dans ce climat à faire des films Dans ce contexte, le contrat de participation a tou - ensemble et dans la logique du collectif ? On de - jours été une vaste blague. Si le travail doit rester le mande de plus en plus aux techniciens d’être enpar - fruit du collectif et que lesdépenseset lesgainsdoi - ticipationetlesmodalités detravail reposent deplus vent être mutualisés, c’est toute la logique partici - en plus sur un investissement affectif, dans l’ac - pative qui est à repenser. Il ne s’agit pas de mutua - compagnementdesauteurs. Il apparaît évident que liser seulement les efforts. Si l’ensemble des deux limites s’imposent à nos consciences de tech - participants d’un film doit être capable d’attendre niciens, d’auteurs et/ou de producteurs. pour toucher les bénéfices de son investissement,

AFC hors série juillet 2013 / 8 Fracture Yannick Kergoat, chef monteur etdepermettreà unfilm qui manquedetrésorerie l y a quelque chose d’exemplaire dans la de se faire,c’estque letechnicien joue lerôle d’une manière dont la question de l’application de banque. Les banques– celles quiavancentl’argent la Convention collective nous a divisés. duCNCfonctionnentcomme ça– réclament des in - Je crois qu’il faut partir de là. Cette division térêts. Cette ponctionde budget est systématique et finalement admise par tout le monde comme n’a pas reproduit l’opposition de deux camps partie du processus. Pourquoi considère-t-on que dont les intérêts objectivement divergents sont à l’effort consenti par un employé pour permettre la fois le sujet et l’objet même de toutes au filmdesefaire sans trésorerie n’estpas un prê t? Inégociations sociales. Cette fracture est passée au Substituer le participatif au salaire ne peut fonc - milieu de nous. Là où nous étions objectivement tionner que s’il est également admis que l’effort proches, potentiellement solidaires. consenti par le salarié est un prêt qui, en soi, doit Cette division, comme beaucoup je crois, je l’ai être rémunéré. Soit en mutualisant les gains sous aussi vécue en moi-même, tiraillé par des amitiés forme de droits d’auteur, soit en les répartissant qui tout d’un coup s’affirmaient inconciliables. sousformedeparts producteur. Danslesdeuxcas, Pour moi, surmonter cette division consiste à un organisme externe et indépendant doit gérer admettre qu’aucun droit social, qui réglemente et les contrats et les versements. protège, ne peut jamais, quel que soit le contexte, Sur le plan pratique, faire un film est un processus être une régression. techniquemais comme toutbien culturel,il implique Surmonter cette division oblige à comprendre les corps et les esprits du monde vivant, il vit lui- comment des producteurs, pour défendre le même avecsapetite partd’anarchie. Lecinémase cinéma qu’ils aimaient et que nous aimons faire, fait avecuncadrebudgétaire,souventtrès étudié, n’ont pas, eux, d’autres choix, depuis maintenant très " serré ", un plan de travail qui va du plus rési - des années, que de demander des efforts de plus duel au strict nécessaire, mais un flou incalculable en plus importants aux techniciens qu’ils s’installe dans ces schémas rationnels, c’est celui emploient. du doute, de l’incertitude, de l’invention, de l’af - Il faut donc accepter le principe de cette fectif. La part d’invention de chacun dans un pro - Convention collective, patiemment négociée, et cessus collectif ne doit pas être quantifiée à zéro. "L'imprévu " estune valeur en hausse parcequ'elle faire porter l’effort de compromis sur la question inclut la résolution de problèmes à moindre frais, des clauses dérogatoires et de leurs modalités grâce à l'invention de ceux qui vont trouver la so - d’application. C’est la responsabilité de ceux qui lutionle moment venu,endehors dutemps detra - ont en charge de pouvoir encore négocier cet vail planifié. aspect du texte. Surmonter cette division est vital. Car c’est unis, et Pour ne pastuerle climatde confiance que réclame seulement unis, que nous aurons une chance de le travail en collectif, pour ne pas briser l’enthou - gagner la vraie bataille qui s’annonce pour la siasme nécessaire à l’accompagnement d’un au - survie du cinéma tel que nous l’aimons. Une lutte teur, il faut réinstaller la possibilité de travailleravec qui va nous obliger, à court terme, à repenser et à un temps pratique et pas uniquement théorique reconstruire beaucoup de l’économie de nos ou financier. En tant que technicien je manque en permanence du temps nécessaire pour faire les métiers en réaffirmant solidairement ce que nous choses et me trouve systématiquement sur le pla - sommes et ce que nous voulons être. Une lutte contre une logique très puissante dont l’une des teau dans l’impossibilité de réaliser les éléments I imaginés en préparation (sons seuls, ambiances, armes les plus efficaces est de nous diviser. etc.). Un film nécessite un temps de fabrication. Perdredutemps, perdrede l’argent, fontpartie du monde de la culture et de la recherche. Parce que les salaires doiventêtre payés " tout de suite ", c'est la masse salariale qui se retrouve stigmatisée. Ré - duire le salaire de ceux qui fabriquent ces films ne peut être la solutionsi elle n’est pas en même temps accompagnéed’unerefonte dela modalitémême de fabrication de ces films : leur écriture, leur fi - nancement. Les normes réclamées par les chaînes font surgir des scénarios qui, dans le champ de la "diversité culturelle ", finissent par tous se res - sembler et je ne crois pas à l'impossibilité de faire Indigènes de Rachid Bouchared, montage Yannick Kergoat desfilms,niàlastupiditédu spectateur,jecroisqu'il est possible de faire différent, moins cher, respec - tueux des employés et rentable. C'est là aussi une I affaire d'invention.

9 / juillet 2013 hors série AFC Une défaite de la pensée ! Jean-Pierre Thorn, réalisateur, SRF

J’ai la tristesse de vous dire que j’ai bien lu dans votre texte "Pour sortir de l’impasse " les Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaud, propositions de différents niveaux d’application des image Nathalie Durand Conventions collectives cinéma selon les paliers de financements des films (de 1 à 6). J’avoue être Parce que chaque stupéfait d’une telle régression néolibérale de la jour nous sommes pensée ! c“onfrontés à une loi du marché de plus en plus omme si le niveau des mi - Je réclame, oui, des minima sociaux nima sociaux devait être AUSSI pourles films àmoinsd’UNmil - vorace conditionné par le niveau lion d’euro s: " A TRAVAIL EGAL, SA - Parce que nous faisons d’inscription d’un film dans LAIREEGAL! ". Toutema viejemesuis notre métier avec le marché ! C’est ahuris - battu pour défendre ce principe : à san t!!! Alors comme ça, les cinéastes l’usine comme dans le cinéma ! passion " du milieu " (comme ils aiment se Puis-je savoir ce qui différencie la na - Parce que nous sommes nCommer) qui font des films qualifiés ture de notre travail de celle des là pour accompagner les par le système d’ "Art et Essai por - Klapisch, Jaoui, Guédiguian, Ferran, teur s"(terme sinistrecorrespondant Ruggia,Corsiniet Cie ? Sauf qu’eux ne réalisatrices et les de faità"un pieddans les multiplexes, mettent peut-être pas cinq années réalisateurs un pied dans les salles AFCA E") au - entre deux films (voire dix à monter raient SEULS la chance de bénéficier leurs financements !) et qu’ils perçoi - Parce que nous avons le des minima sociaux conventionnels vent des droits d’auteursjustifiés pour souci de faire au mieux (voire à moins 2 0%)?! lepassagedeleursfilmsà la télévision Parce que l'art naît de la Jesignaleau passagequecen’est pas nationale (ce dont, la plupart du seulementd’une ConventionAPIdont temps,nousne pouvons bénéficier vu contrainte il s’agit mais d’une Convention signée lerejet desgrands diffuseurs après un Parce qu'il n'y a pas de par l’API et sept syndicats de techni - échec commercial en salles !). petit film ciens, réalisateurs et ouvriers (sauf le Mais vous, en bas de l’échelle du" mar - MEDEF et la CFDT dont on connaît la ché ", vous qui luttez pour survivre Parce que nous sommes trahison durant la lutte des intermit - économiquement (à moins d’avoirde des gens responsables tents !) tandis queles cinéastes "dela l’héritage personnel ou des " papas Parce qu'il y a longtemps marg e" (qui font des films à moins mamans qui banquent ! ") : comment d’UN million d’euros !) seraient tout comprendrequevous alliez mêlervos que nous ne sommes bonnement renvoyés au "régime gé - voix àcelles des Missonnieret Cie (qui plus des privilégiés néral" (le SMIC et 35 heures) ?! produisent les Astérix surfinancés du J’hallucine effectivement ! cinémafrançais )?!Je comprendspar - Parce que nous sommes Quel mépris pour les petits films " li - faitement que ces producteurs-là de plus en plus de bres " qui sortent des clous du sys - veuillentempêcher toute convention travailleurs précaires tème,qui ont unediffusion étranglée collective pour défendre leurs profit s! par le système de domination des (Et tiens, c’est curieux : je n’ai jamais Parce que… Parce que... grands circuits d’exploitation et des vu apparaître le mot " PROFI T" dans Nous avons besoin d'une télés !!! Vous avez doncoubliéGodard lalittérature alambiquée pour "sortir Convention collective qui et sa réflexion sur le lien indéfectible de l’impasse " ?! Un hasard ?!). Mais entre la marge et le centre car « c’est vous ?! Quel est votre intérêt ? ramène de la justice la marge qui tient la pag e» ?! Franchement, les ami(e)s, je ne vous sociale dans la jungle de Moi qui espérais ENFINune CONVEN - comprends plus : vous êtes surex - la production. TION COLLECTIVE CINEMA pour ré - ploités par vosproducteurs quine ces - sister à mes producteurs, négocier sent de nous demanderdes sacrifices avec eux dans un meilleur rapport de incroyables (à moins 50 % parfois !) Nathalie Durand, d”irectrice de la force en quantifiant ce que je mettrai pour arriverà fairevos films carrément photographie, AFC, en participation pour arriver à faire " à compte d’auteu r", vous n’arrêtez 2 juillet 2013 mes films : avec, DE CE FAIT, un mini - pas de râler contre eux qui ne vous mum de retour sur les recettes ulté - donnent pas les moyens de les faire rieures(aulieu des cacahuètesque les comme vous les rêvez… Et là, quand producteurs nous octroient : les 0,5 % ENFIN, grâce à l’action collective des ou 2 % des RNPP dont on ne voit JA - syndicatsouvriers ettechniciens,des MAIS la couleur !). pétitions des décorateurs (5 000

AFC hors série juillet 2013 / 10 signatures),desassociationsde chefs tion, distributionetexploitation),im - minima sociaux quand toute la société opérateurs, des monteuses asso - poser des quotas de diversité aux autour, sinistrée par la crise, essaye ciées... nous AVONS ENFIN (POUR LA chaînes deservicepublic, imposerune au contraire d’en arrache r! PREMIERE FOIS DEPUIS 20 ANS) une transparence des retoursde recettes Votre position est pitoyable : je vous reconnaissanceconventionnelledela (par exempleen créant un organisme leredisentoutesincérité. Et nemere - fonction de réalisateur et un salaire au CNC chargé de vérifier lescomptes prochez pas d’enrager! Oui J’ENRAGE minimum, vous vous tirez une balle pour la participation des techniciens de voir une telle cécité politique, un dans le pied en vous laissant manipu - et réalisateurs...), etc. telle position objective de soutien à lercomme quoi vous nepourriezplus Bref se battre ENFIN ENSEMBLE l’APC/MÉDEF quand il faudrait au faire vos films ! contre nos vrais ennemis qui tuent la contraire créer l’unité de TOUS (ou - Mais est-ce que vous avez constaté création et ladiversité, au lieudevous vriers, techniciens, réalisateurs, pro - moins de courts métrages après le associer à cette cabale honteuse qui ducteurs indépendants) pour trans - conflit des intermittents quand il y a nous divise durablementet discrédite former ce système pourri eunécessité, pourles productions, de gravement l’image des réalisateurs prétendument " vertueux " (dixit payer lessalaires des techniciens ?!Et, auprès des techniciens (nos collabo - notre ministre de la Culture ?!). si vous voulez continuer à faire des rateurs artistiques, ne l’oubliez J’enrage et je ne me gênerai pas de I films " A COMPTE D’AUTEUR " (« de jamai s!). Vous aurezbellemineensuite le dir e! guérilla »comme certainsd’entre vous d’aller leur demander de " faire (en - Paris, le 7 juin 2013 leformulent !),qui pourra vous enem - core) des efforts " sur vos prochains pêcher ? film s ! Vous allez voircomment ils vont Ça continuera comme avant… vous envoyer balader ! Parcontrecequivachangerc’est que Franchement je trouve la position de les producteurs vont désormais être ce " putsch " (qui s’autoproclame la obligés, pour sauver leurs peaux, de " Voix des Réalisateurs ") TOTALE - lutter à nos côtés contre le sous- MENT IRRESPONSABLE : à tous points financement de la création : imposer de vue ! Incompréhensible aussi pour des règles de régulations publiques le grand public qui ne comprend plus pour l’accès à TOUS les soutiens sé - comment des élites, dites " de lectifs ET automatiques (en produc - gauch e ", se battent contre des

On n'est pas des marques de vélo de Jean-Pierre Thorn Réponse à Jean-Pierre Thorn Laurent Cantet, réalisateur, SRF

ette lettre n'avait à l'origine d'autre destinataire que Jean-Pierre et d'autres fonctions que de lui expliquer, à lui, une position qu'il jugeait trop paradoxale pour pouvoir l'admettre. Elle n'avait pas vocation à devenir une lettre ouverte. Jean-Pierre a jugé intéressant de la soumettre à votre lecture. La violence du débat actuel, où chaque prise de position peut se retourner contre son auteur, impose la plus grande rigueur. Une rigueur que n'a peut-être pas cette lettre qui a été écrite comme un mot qu'on adresse à un ami, trop vite sans doute, en sautant des étapes du raisonnement parfois... j'en revendique pourtant chaque mot, et surtout le ton. J'ai donc accepté le principe de sa publication et malgré son manque de précision sur certains points, j'espère qu'il sera clair pour vous tCous que ce que j'y expose présuppose un attachement total à l'idée d'une Convention collective, mais adaptée à la spécificité de notre activité, et le sentiment que ce qui peut nous diviser actuellement relève plus d'une question de timing que d'un désaccord de fond. (L.C.)

JeanPierre, Tout ça appelle une réponse de ma part. D'abord pour t'assu - Nenousvoilonspasla face.Depuislongtemps,lesfilms sepau - rer que cettedécision, jene l'aipas priseà la légère (ce quirisque périsent(l'argumentde l'enrichissement des producteurssur d'aggraver mon cas à tesyeuxje lecrains!),qu'ellea même été ledos des films nemesembletenir laroute quepour quelques- très dureàprendrepourtoutes les raisonsque tuexposes très uns d'entre eux, peut-être surtout d'ailleurs parmi les signa - biendans talettre. Etpuisunjour,j'ensuisvenuàmettre(pour taires de la Convention). Et il est clair qu'en dessous d'un cer - un temps) ma conscience à rude épreuve en pensant qu'il y tain seuil, ces films ne se feront plus. Ça m'embêterait de faire avait péril enla demeure, quetelle quelle, et sans remise à plat partie de ceux qui tournent parce que j'ai eu la chancede faire des mécanismesde financementdesfilms,nous allionsàladis - mes premiers films il y a longtemps, d'avoir " fait ma place " et paritionde toutunpande cinémaquiest celuique nousaimons. de n'avoir rien fait pour me battre et aider les autres à avoir Jen'arrivepasàcroireàl'idéetrèsséduisantedelaConvention cette même chance. Alors oui, je me suis résolu à me salir les comme " levier " d'un grand chamboulement. Je pense juste mains, à endosser le mauvais rôle. Et j'ai trouvé dans le travail que les " puissants " fonttoutpourfaire disparaîtreles plusfra - du " groupe de 10 " une façon de le faire avec précaution me giles et qu'à travers cette Convention, ils avaient trouvé l'arme semble-t-il. Aveclesouci del'intérêt collectif, (jesais quetu n'y parfaite : puissante et inattaquable par nous, puisque étant crois pas). Mais jenevais pas teredireceque j'ai dit l'autrejou r: "de gauch e", nous n'allions pas pouvoir aller contre l'intérêt tu connais aussi bien que moi les dangers de la délocalisation des techniciens. à laquellenousnoussoumettronstous,je lecrains,plutôt que >>>

11 / juillet 2013 hors série AFC Jusqu’ici tout va bien Michel Hazanavicius, réalisateur, ARP Le Monde, 5-6 mai 2013

A propos du cinéma, ces derniers mois ont résonné des discussions chaotiques sur l’indécence de certains salaires, sur les errements de quelques productions pharaoniques, ainsi que sur la vacuité d’un

Entre les murs de Laurent Cantet cinéma français autant subventionné que déconnecté de la réalité. >>> de nous taire en ne faisantplus nos films.Tu saisaussicombien, pour tout le monde, un tournage fauché est fatigant et le de - es chroniqueurs s’en sont donné à cœur joie et ces viendraencore plusquand,pourfaire entrer dansl'enveloppe, discussionsontprisbeaucoupdeplacedanslesjour - il faudra encore couper des heures, des jours de tournage. Là, naux,lesradios,lesbistrots,etsansdouteparfoisau l'amélioration des conditions de travail, onen reparlera. Alors coindufeudansquelquedatcharusse.Sitoutn’était oui,je pense m'être engagépourl'intérêt collectif,et paspour pas toujours de la plus grande pertinence, cela ne celui des seuls techniciens bien installés (comme moi, j'en doit pas pour autant nous amener à nous tromper de com - conviens). Encoreunefois, si j'avais pu croireà l'effetdelevier, batetnousmasquerlacriseprofondequeconnaîtlecinéma j'aurais pris une position proche de la tienne, crois-moi. Sans Lfrançais. doute n'avons-nous pas la même culture syndicale, toi et moi, Pourtant, sur le papier, tout va bien. Avec plus de 200 films mais tonintransigeance m'impressionnebeaucoup, elle pour - françaisparanetplusde200millionsd’entréesen2012,leci - raitmême me sembler exemplaire. Pourtant, faceàl'urgence... néma a atteint des résultats jamais égalés depuis les années Ce qui m'a décidé à m'associer au " groupe des 10 ", c'est sur - 1960. Quelques films hexagonaux s’exportent à nouveau et tout l'impression que le travail qu'ils avaient fourni méritait certains sont dignement reconnus internationalement. qu'on y regarde à deux fois. Que la complexité de la situation Cette singularité du cinéma français s’explique moins par la avait donné lieu à une réflexion que je n'arrive pas à penser supérioritédesestalentsqueparlasubtilitédesonmodede égoïste, etquel'objet quienest sorti, avec tous les garde-fous financement. Nos voisins européens nous l’envient depuis qu'il prendsoin d'ébaucher,mesemble êtregarant d'uneges - bienlongtemps.Ilreposesurunprincipesimple:ceuxquidif - tion de la crise plus juste que toutes celles qui ont été propo - fusentlesfilmsdoiventparticiperàleurfinancementenamont séesjusque là.De plus,surtoutmême,ce textemesemblenous de la fabrication. Ce qui permet de réguler, et donc de diver - engager, nous les réalisateurs, vis-à-vis de ceux avec qui nous sifier, la production et donne la possibilité à des films diffé - faisons nos films. Plutôt que de baisser les bras et continuer à rents de se faire, dans des économies variées. gérerune peaude chagrin(ça,onsaittrès bienfaire, et depuis longtemps, et onsauraencorefairedes progrès, j'en suis aussi Traditionnellement, le cinéma français – bien structuré – a malheureusement convaincu !) nous allions devoirallerau char - toujours défendu ce modèle économique. En l’adaptant, en bon pour améliorer le financement de nos films, et éviter que l’améliorant, il a réussi, crise après crise, à préserver la diver - seuls les "gros "puissent continuerà exister,faits par destech - sitéetlarichessedesfilms.C’estdanscetespritqu’ilnousre - niciens qui vivront mieux, certes, mais en laissant sur le côté vient aujourd’hui la responsabilité de dénoncer une dérive tous ceux qui galèrent aujourd'hui et disparaîtront demain, de ce système si vertueux qui est train de se gangrener. tous ceux qui veulent faire ce boulot et n'y trouveront jamais Car à force de dire que tout va bien, on ressemble de plus en de place. J'ai l'impression que cette décision se défend et je plusàce typequisaute dudouzième étage,et qu’onentend n'arrive pasàmereconnaître dans le rôledulibéralisteforcené direàchaqueétage:«Jusqu’icitoutvabien.Jusqu’icitoutva qu'on m'accuse d'être.Lelibéralismen'estpeut-être paslà où bien. Jusqu’ici tout va bien. » on le croit. Il avance masqué peut-être. Eneffet,aujourd’hui,notresystèmedefinancementconnaît Dernière chose que je voulais aborder avec toi, c'est la notion une " bulle " inflationniste particulièrement dangereuse en de " putsch ". Où est le putsch quand, à la suite d'une réunion périodedecriseéconomique.Cetteinflationestnotamment à laquelle a assisté une bonne centaine de réalisateurs, ceux- dueàunnon-partagedesrecettes.Lefaitquelesgensquifa - ci,convaincus,décident de venir voter pour essayer de mettre briquentlesfilms–réalisateurs,auteurs,acteurs,techniciens en œuvre ce qui les a convaincus. Je ne leur ferai pas l'insulte et producteurs dans certains cas – ne soient plus intéressés de les penser si facilement manipulables. Le nombre de parti - financièrement au succès des films, provoque des compor - cipants aux deux réunions me semble d'ailleurs donner la tements qui pervertissent le système. mesure de l'urgence du moment. Je veux voir, dans notre élection,la manifestationd'un engagementquej'espère nous Tous préfèrent gagner de l’argent en amont de la sortie, sur serons tous attentifs à respecter, dans le cadre d'une alter - le financement et la fabrication même du film, puisque l’es - nance qui, même si elle est massive (trop?) n'enest pas moins poir d’en gagner dans la phase d’exploitation est quasi nul démocratique,j'espèreque tu en conviendras.Tu yvois un coup dans l’immense majorité des cas. Le jeu, pour certaines pro - de force, mais un vieux militant comme toi en a vu d'autres, et ductions, devient d’une part de gonfler les devis pour récu - connaîtlesrèglesdu jeu,j'ensuissûr. J'espère donc seulement pérerlemaximumd’argentpendantlefinancement,d’autre que l'estime dont tu veux bien me témoigner dans ta lettre et partdedépenserleminimumdecetargentpendantlafabri - qui est largement réciproque, sois-en sûr, nous permettra de cation–entraînantainsilesous-paiementdestechniciens,la confronter des idées et de, pourquoi pas, nous retrouver. délocalisation,lafabricationaurabais,etc.–,etenfindepro - I En toute amitié, réciproque donc. duireunmaximumdefilms,quellequesoitlaqualitédesscé - nariosencours...Laqualitédesfilmsenfaitsouventlesfrais.

AFC hors série juillet 2013 / 12 Noussommesdansuneindustrieoùlesuccèspublicn’étantplus Il est nécessaire de préserver notre service public de l’audiovi - une condition pour gagner de l’argent, on n’hésite pas à sacri - suel,garantirsesressources,pourlelaisserentrerdansl’èrenu - fier certains films, créant ainsi une bulle qui est en train d’enfler mérique.FranceTélévisionsnepeutpasêtreautantsacrifiéesur et qui ne devrait pas tarder à exploser. Jusqu’ici tout va bien. l’auteldelacrise,auregarddesonrôleuniquedanslavitalitédu Maiscettetendanceinflationnisten’estpasnotreseulsouci.Les cinéma français. Il faut aussi ouvrir la réflexion sur la chronolo - obligationsdeschaînesdetélévisionvis-à-visdelacréation,sans gie des médias, ce système de périodes d’exclusivité de diffu - doute obsolètes, ont été avec le temps détournées et ne ré - sion pour chacun des financiers du cinéma. Nous devrions ré - pondent plus à l’objectif recherché. La prise de risque a laissé fléchiràyintégrersereinementlesnouveauxacteursdelavidéo place au préfinancement assuré et encadré. àlademande.Entoutétatdecause,pouvoiryréfléchirsanspren - dre le risque d’être jugés comme pyromanes ou apprentis sor - Paradoxalement,danslemêmetemps,cesmêmeschaîneshis - ciers.Ilfautenfinseremettred’urgenceautourdelatablepour toriquesconnaissentuneconcurrencedeplusenplusdureavec aborder le sujet si dérangeant de la remontée des recettes. la multiplicité des canaux de diffusion, bien qu’elles soient les seules à porter le fardeau des obligations. On assiste donc, de - Il est temps d’imposer l’idée que nous aurions tous intérêt à ce puis ces dernières années, à une concentration de plus en plus que les ayants droit soient intéressés sur la recette brute. Par - importantedesfinancements,créantuneradicalisationdumar - tager équitablement la recette, c’est le seul moyen de rétablir ché, et par là même participant à l’inflation des budgets. la confiance, et ainsi de refaire baisser le coût des films. Il faut L’esprit de mutualisation qui a toujours prévalu disparaît ainsi évidemment que nous soyons, nous, fabricants, intéressés au progressivement,entraînantdanssonmouvementlesfilmsap - succèsdenosfilms.Nousauronsd’autantplusintérêtàenfaire pelés"dumilieu",ceux-làmêmefaits debons,etpourmoinschers’ilspeu - dans des économies plus légères. vent rapporter de l’argent. C’est le Cette disparition, c’est celle du ci - seul moyen de ré-oxygéner le sec - ment de notre diversité, du terreau teur, il est grand temps de s’en ren - danslequels’esttoujoursréinventé dre compte. notre cinéma. Danslemêmetemps,noussommes Au niveau européen, il faut enfin pour l’instant incapables de repen - réinventer une forme de régulation ser le lien de la création avec les qui corresponde à l’ère écono - chaînes historiques, et tétanisés à mique et technologique que nous l’idéed’imaginerunrapportavecles vivons. Et surtout l’imposer aux au - nouveaux entrants que sont les dif - torités bruxelloises. Le mot " ré - fuseurs d’Internet. Jusqu’ici tout va gulation " est devenu une forme bien. d’obscénité depuis que Google, Plus durs sont les rapports avec la Apple et Amazon ont décidé en - Commission européenne. A l’heure The Artist de Michel Hazanavicius semble de le rayer du dictionnaire oùleprésidentBarroson’apaspeur international et qu’ils le pronon - de demander à faire entrer la culture dans le champ des négo - cent avec un léger accent luxembourgeois. Réhabilitons-le. ciations des accords commerciaux entre les Etats-Unis et l’Eu - QueBruxellesréfléchisseenfinàunefiscalitédecesacteursvo - rope, bafouant ainsi ce qui est l’essence même de l’exception races qui s’épanouissent entre autres sur le lit de notre culture. culturelle–lasouverainetédesEtatsenmatièredepolitiquecul - Qu’elle favorise enfin ceux qui sont à l’origine des œuvres, les turelle –, la France n’arrive pas à imposer à Bruxelles l’amende - créateurs. Que l’Europe décide enfin de protéger sa culture et ment d’un texte de loi français, pourtant notifié en 2007, qui qu’elle comprenne que celle-ci, en plus d’être une industrie qui oblige les fournisseurs d’accès Internet (FAI) à participer finan - emploie huit millions de personnes en Europe, a une influence cièrement à la création, en leur qualité de diffuseurs. L’hyper positivesurbonnombred’autresindustries,delagastronomie bienveillancefiscale,dontbénéficientlesgéantsdunumérique, au tourisme, en passant par la mode, le design, l’urbanisme ou n’engage pas en la matière à un optimisme démesuré. encore la presse. Bientôt, arriveront les conclusions de la mis - sion Lescure. Nous en attendons tous beaucoup. Elles devront Lechantierquinousattendrisqued’êtrecostaud.C’estlaraison poserlesjalonsdesnouvellesrèglesnécessairespourentourer pour laquelle nousavons besoinplusque jamaisd’uneautorité lemondedelacréation.Maiscerapportn’auraaucunsenssises politiquefortequinousaccompagnepournousaideràfranchir conclusions ne sont pas portées avec le plus grand courage et plusieurs étapes. Il faut, dans un premier temps, que nous – les laplusgrandeconvictionfaceàuneEuropesceptiquedesonci - acteursdusecteur–réglionstousensemblecettesituationkaf - néma et indifférente à sa culture. kaïenneautourdelaConventioncollectiveducinéma.Ilfautbien sûr cadrer la profession et protéger les techniciens, et dans le IlestdoncvitalqueleprésidentdelaRépubliqueainsiquelegou - même temps imaginer un système dérogatoire viable pour les vernement continuent à affirmer avec force notre vision si l’on films ayant des difficultés à se financer. C’est le premier pas qui veut éviter que notre cinéma s’effondre comme quelques-uns nous permettra de nous remettre en marche. desescousinseuropéens.Quellesquesoientlescrisesquenotre Mais il faut surtout trouver d’urgence un moyen pour que tous gouvernementtraverse,qu’ilnerajoutepasdelafaiblesseàl’ad - les films soient plus intelligemment financés, et l’argent mieux versité. Au contraire. La complexité de la période lui impose de réparti. Il faut sans doute renégocier avec les chaînes de télé - préserver cette culture qui nous donne un peu d’espoir. vision et repenser ce contrat moral de la création avec les dif - Lecinémaestunartamicalquinousrendheureux,nousfaitrire, fuseurs. Accepter de se dire qu’Internet c’est de la télévision, nous émeut, nous divertit, mais nous rend aussi conscients, et et que la télévision c’est de l’Internet, et tirer les conséquences nous rappelle que nous avons un destin commun. Ce n’est pas de ces nouvelles définitions, notamment pour le financement le cas de toutes les industries. Le gouvernement se doit de ne de nos œuvres. Faire ce travail sémantique de redéfinir les ac - pasl’oublier.Al’intérieurdenosfrontièresennousaidantànous teurs du Net par leurs fonctions. Un fournisseur d’accès est réformer, mais aussi à l’extérieur, en nous aidant à sauver les aussi un diffuseur, une plateforme de vidéo en ligne est aussi principes qui font que nous sommes toujours debout. I une chaîne, et que sont les tablettes, sinon des écrans qui ne Jusqu’ici. disent pas leur nom ?

13 / juillet 2013 hors série AFC Les Animaux malades de la peste La précarité est la norme Guillaume Schiffman, Alain Guiraudie, réalisateur, SRF directeur de la photographie, AFC Je ne sais pas bien écrire Alors que la Convention collective mais je sais encore du cinéma devrait entrer en vigueur lire…Surtout de belles ce lundi, Alain Guiraudie, le fables. Le texte est un peu réalisateur de L'Inconnu du lac , tronqué, mais le sens in - prend la défense de ce texte décrié. changé. Télérama, 1er juillet 2013 Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar, image Guillaume Schiffman erait-ce une bonne chose que la Convention Un mal qui répand la terreur, […] collective étendue entre en vigueur dès Faisait aux animaux la guerre. aujourd'hui ? […] Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Alain Guiraudie : Oui. Il nous faut une régulation col - Que le plus coupable de nous lective. Les négociations individuelles, de gré à gré, çSa suffit. Or, la Convention collectivesignéepar l'API Se sacrifie aux traits du céleste courroux, est la seulequi existe endroit. Letextealternatif pro - Peut-être il obtiendra la guérison commune. posé par les producteurs indépendants n'a aucune L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents valeur.Pasplusque les propositionsfaites parlaSRF. On fait de pareils dévouements : Ilne suffit pas de se réunirentre copains et de rédiger Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence un texte pour qu'il ait force de loi. Et puis soyons sé - L'état de notre conscience. rieux : la SRF propose une Convention collective à ti - Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons roirs, sous conditions. J'ai dévoré force moutons. Il faudrait indexer les revenus minimums des techni - Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense : ciens aux budgets des films. Et tant pis pour le prin - Même il m'est arrivé quelquefois de manger cipe du" àtravail égal, salaire égal ". Tantqu'ony est, Le Berger. pourquoi pas unSmic spécifiqueaux boîtes demoins Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense de cinquante employés ? Faut-il comprendre que les Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : films en dessous de 4 millions d'euros ne se font Car on doit souhaiter selon toute justice qu'avec de la passion? C'est à se demandersi ce petit Que le plus coupable périsse. monde adhère au principe même d'une Convention - Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ; collective… Personnellement, j'estime qu'il est intéressant de Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; réaffirmer tout haut l'idée qu'un film coûte de l'ar - […] Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir. gent en salaires. Pour faire du cinéma, il ne suffit pas On n'osa trop approfondir d'avoir une caméra,desidéesou de l'enthousiasm e: Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances, sans le travail des techniciens, rien ne se ferait. Les moins pardonnables offenses. Arrêtons aussid'associer systématiquementcinéma Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, de la diversité et films pauvres. Cela induit l'idée que Au dire de chacun, étaient de petits saints. l'audace artistique est consubstantielle aux petits L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance budgets. Je commence à en avoir marre qu'on me Qu'en un pré de moines passant, dise que mes films sont importants tout en me don - La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense nant des miettes pour les réaliser. Si vraiment on es - Quelque diable aussi me poussant, time qu'ils ont leur place en salles, alors que le CNC Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. s'en donne les moyens ! Quel cinéma veut-on défen - Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. dre dans ce pays ? Va-t-on laisser la loi du marché l'in - A ces mots on cria haro sur le baudet. féoder ou décider qu'on met la main à la poche pour Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue défendre les œuvres qui méritent d'exister ? Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ne craignez-vous pas que la Convention collective Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. signée en janvier 2012 accélère les délocalisations ? Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Ce risque existe. Mais la façon dont les uns et les au - Manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable ! tres le brandissent me rappelle l'histoire des ouvriers Rien que la mort n'était capable de Continental. Il y a cinq ans, on leur a dit qu'ils de - D'expier son forfait : on le lui fit bien voir. vaient renoncer aux 35 heures sous peine de voir les Selon que vous serez puissant ou misérable, sites français fermés. Cinq ans plus tard, ces mêmes Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. sitesontferméboutique.Danslecinéma,lesdélocali - Jean de La Fontaine, Recueil II, livre VII sationssontdéjàuneréalité.Aujourd'hui,onpeuttrès bien prendre l'argent du CNC et le dépenser ailleurs.

AFC hors série juillet 2013 / 14 Là encore, pour que les choses changent, il faut peut- êtreenpasserpardesmesuresréellementcoercitives.

Faut-il, comme le demandent notamment les repré - sentantsdela SRF,remettreàplat toutle systèmede financement du cinéma français ? Absolument.Ilfaut rendre leCNCà sa mission initial e: la régulation. C'est à lui de rééquilibrer le marché et de réorienter les moyens vers les films plus difficiles, moins mainstream. Le rééquilibrage ne viendra pas deGaumont, dePathé ou deMK2…Pour l'heure, l'ar - gent du CNC repart beaucoup vers les structures et les films les mieux dotés. Pourquoiunfilm français ne pourrait-il pas se faire avec plus de 6 0% d'argent pu - L'Inconnu du lac d'Alain Guiraudie blic ? Pourquoi, le CNC ne monte-t-il pas au créneau là-dessus ? La commission européenne a bon dos… Certains craignent que, pour le même tarif, les pro - On ne peut pas rester dans le statu quo actuel. ducteursprivilégientlestechniciensconfirmésaudé - triment de la jeune génération… Quels seront les premiers effets de cette Convention Si les producteurs travaillaient avec les techniciens collective ? débutants parcequ'ils étaient moins chers, j'aimerais Honnêtement, je n'ensais rien. Mais si vousaviez de - être aucourant. Généralement, surtout dans le cinéma mandé àunpetitartisande 1936àquoiressemblerait d'auteur, le réalisateur décide avec qui il veut tra - sa vie avec les congés payés, il vous aurait probable - vailler. C'est ridicule, les quatre ou cinq grands chefs mentfaitlamêmeréponse.Je pense que, àl'époque, opérateurs qu'on a en France ne vont pas pouvoir beaucoupde voix ontdûs'élever pourdénoncer cette faire tous les films. Pareil pour les stars du montage. mesure qui risquait de couler les petits patrons… Le salaire ne doit plus être la variable d'ajustement. De la même manière, quand, en 2003, le bénévolat Pour le reste, au moment de se lancer dans la fabri - sur les courts métrages est devenu illégal, on a en - cation d'un film, les choix à faire restent les mêmes : tendu des cris d'orfraie. Dix ans plus tard, il me sem - miser sur un casting cher et prestigieux ou pas, ré - ble que les courts métrages existent toujours. Si la duire ou pas le temps de tournage, etc. Convention est étendue aujourd'hui, certains films nepourrontsansdoutepas sefaire. Mais sur tousles A-t-onsacrifiélajusticesocialeàladiversitéducinéma ? autres, les travailleurs seront payés correctement. Oui, comme si l'art autorisait tous les passe-droits, comme s'il était au-dessus du droit du travail. L'in - Et tant pis pour les films qui ne pourront pas se fair e? dustrie du cinéma est même peu à peu devenue un Mais chaqueannée,desfilms nesefont pas fauted'ar - laboratoire du libéralisme. Où le CDD et la précarité gent! Pourquoiles gensse réveillent-ils maintenan t? sont la norme. Quand j'étais technicien, je passais Moi-même, il y a deux ans, j'ai renoncé à un projet. mon temps à pointer au chômage. Cela m'arriveaussi régulièrement dereporteruntour - nage. Cegenredemésaventures fait partie dema vie Quel impact la discorde de ces derniers mois aura-t- de cinéaste depuis vingt ans. Mais les réalisateurs et elle à long terme sur le cinéma français ? producteurs du cinémadu milieu ignoraient peut-être Je suis incapable de me prononcer là-dessus. Les cli - cette réalité jusqu'à ce que l'idée de payer les gens vages se sontaffirmés. Maisquantàsavoircomment correctementles fasse paniquer. Avecla Convention cette affaire va se terminer, je suis comme tout le I collective, il y aura peut-être moins de films produits monde. J'attends. chaque année en France. Mais vous les voyez, vous, les deux cent soixante-sept films annuels dans les ProposrecueillisparMathildeBlottièrepourTélérama salles ?Defait, aujourd'hui, seuls quelquestitres mo - nopolisent les écrans.

Auriez-vouspuréaliser L'Inconnudu lac danslecadre de cette Convention ? Le rapport du médiateur est tronqué. Il Oui, car nous nous y serions pris autrement. La pro - constate, la belle affaire, qu'en payant les salariés duction aurait dû se bouger le cul pour trouver plus “ d'argent.Lequela d'ailleursététrouvé,auprèsd'Arte, normalement les films coûteront plus chers. Rien a posteriori, c'est-à-dire unefois le film monté. Il n'était sur les salaires producteurs. Rien sur les salaires des doncpassiintrouvable quecela.Pourpouvoirpayer les gens au tarif, il ne manquait que 100 à 200 000 acteurs. Rien sur le financement des films. Rien sur euros àL'Inconnudulac ,commeàtous ces filmsà1 mil - l'opacité de la remontée des recettes. Etc. Pour lion qui sont devenus la caution des cinéastes du mi - l'instant, ce rapport n'a été l'objet d'aucun lieu pour refuserla Convention collective. Admettons même que cela représente chaque année 30millions commentaire. Nous devons nous y coller . d'euros : s'ily avaitunevraievolontépolitique, ce se - rait facile de les trouver au CNC, qui brasse 150 mil - Matthieu Poirot-Delpech, ” lions d'euros par an. directeur de la photographie, AFC, 20 juin 2013

15 / juillet 2013 hors série AFC La France fait le cinéma le plus cher du monde Entretien avec Eric Heumann , producteur Il a produit Indochine , L’Eternité et un jour ou In the Mood for Love . Gagné un Oscar, une Palme d’or et des César. Parfois perdu beaucoup mais s’est toujours relevé. Aujourd’hui, le producteur Eric Heumann a des choses à dire sur la façon dont se fabrique le cinéma en France. Un système " à la Shadock " qui tourne à vide. (T.L.) tes-vous d'accord avec les ré - centes déclarations de Vincent Maraval concernant les rému - nérationsdisproportionnéesdes acteurs et des producteurs ? EricHeumann :Ilaraisonquandilditque les acteurs ou d’autres sont trop payés cEomptetenudurésultatdufilm.Etsadé - claration a cristallisé un malaise. S’il y a eu autant de réactions dans le milieu, c’est qu’il y a le pressentiment pour les unsetlesautresqu’uncycleestentrain de se terminer. Les dix ou quinze der - nières années ont été marquées par la prise de pouvoir progressive de la fi - nanciarisation. C’est-à-dire qu’au lieu d’être des entreprises artisanales à risque dans un milieu assez étroit, les La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier, producteur Eric Heumann films sont devenus des entreprises de plusenplusfinancières,danslesquelles tisseurs ont envie d’être, dans lequel il surlesdeuxtableaux:onn’anifilmscréa - beaucoupd’intermédiairesviventsurla vayavoirlesgroupes,çaaétéàlamode tifsnifilmsrentables.Alorsjenevoispas fabrication du film, et non plus sur son pendant dix ans. Aujourd’hui, il y a un comment on peut dire : « On va faire un résultat. Et ce système, qui est auto-ali - mouvementgénéraldelasociétéquien cinéma qui soit totalement à perte et menté et inflationniste, est en train de aunpeumarre.Lecinématelqu’ilesten qu’on va financer coûte que coûte… » s’effondrer. Voilà. cemomentnecorrespondplusàlanou - velle donne de la morale d’aujourd’hui. Le"cinémacher"toucheaussilespetits Il s’effondre comment ? films. EH : Les films, fabriqués à des budgets EH:Lestempsdedéveloppementetde oscillant entre 4 et 25 millions d’euros, financementsonttrèslongs.Onperden nourrissent les gens qui les fabriquent, ... Aujourd’hui, spontanéité... C’est tout le problème. mais sont des entreprises perdantes à L’importantpourlesystèmeaujourd’hui, terme. On fait, en France, le cinéma le il n’y a plus de rêve, c’estquetoutlemondepuisseenvivre. plus cher du monde. Le système, ver - Iln’yaplusdecréativité.Vouspassezde tueux au départ, est devenu vicieux au - chacun veut juste en comitéencomité,vousempilezlesdos - jourd’hui : les films coûtent trop cher. siers, vous empilez les partenaires qui, Grâce aux aides publiques, aux avan - être ... chacun, prennent leur commission au tages fiscaux, aux obligations des passage.Lefilmestbanalisé,chacunva chaînes,onpeutarriveràzérosurunfilm Est-cequec’estimportantqu’unfilmsoit chercher à justifier son investissement. quin’estabsolumentpasrentablesurle rentable ? Il y a bien un théâtre public et Al’arrivée,lesauteursn’ontpluslapos - marché. Et, ainsi, tout peut durer, un théâtre privé. Pourquoi ne serait-ce sibilitédes’exprimeretlesproducteurs comme chez les Shadocks. On peut pas la même chose pour le cinéma ? se transforment en espèces de super- continuer à pomper du pétrole même EH : Il faut quand même qu’il y ait une comptablesàlasoldedecomitésquine quandiln’yenapas.Leproblème,c’est profitabilité générale du cinéma. Bien connaissentrienaucinéma,quionttous que cela produit de moins en moins de sûr, le cinéma, dans sa partie créative, la même formation. Ils ont fait HEC et films originaux dont le cinéma a pour - n’a jamais été complètement rentable, veulenttransformerlesfilmsenproduits, tant besoin pour se ressourcer. Le sys - c’est son côté " haute couture ". Dans y compris le cinéma d’auteur. Voilà : le tèmemeurtdeça.Vingt-quatrefilmsqui lesannées1970,lespremiersfilmsdeCi - film doit aller à Cannes, avoir un certain sortenttouteslessemaines,quisontde mino, et de toute cette nouvelle vague type de presse qui lui permette d’avoir plus en plus identiques les uns aux au - américaine à la rentabilité improbable, seshuitsallesàParis,etc.Moi,j’aiconnu tres,avectoujourslesmêmesaccroches ont permis à Hollywood de ne pas som - lecinémailyavingtans,unvrai"cinéma marketing.Ilfautremettredudésordre brer,deserégénéreretdeproposerde d’auteur".Lesfilmsétaientfaitsparcinq dansl’ordre.Lefilmcommercialquicar - nouveaux blockbusters commerciaux. personneset,autour,ilyavaituneving - tonne et autour duquel tous les inves - Aujourd’hui, en France, on perd un peu taine de techniciens. On avait le temps

AFC hors série juillet 2013 / 16 On parle de nos relations avec les réalisateurs. Certains parlent de blessures p“rofondes, de rancœur, d'injustice... D'autres pensent que beaucoup de réalisateurs ont signé la pétition par ignorance et aussi par allégeance... pour faire partie de la famille . Claude Garnier, directrice de la photog”raphie, AFC, 23 juin 2013 d’imagineretderêver.Aujourd’hui,iln’y faitdespetitsfilmsquionteudessuccès délation réciproque, parce que juste - a plus de rêve. Il n’y a plus de culture du dans le monde entier. Ce n’est pas l’ins - ment,cequevousavezmisaupostede risque.Onfaitdelacorridavirtuelle,iln’y titutionquiadonnéplusd’argentàFran - commandement,c’estl’argent.L’argent, apasdetaureau,pasd’arène.C’esttrès çoisTruffaut.C’estlaqualitédesesfilms leprofit,lemarché.Or,iln’yapasdemar - raredeparlerdecinémaaujourd’hui.On etsapersonnalitéexceptionnellequilui chéducinéma.Ilyalemarchédelavidéo, parle juste affaires. ont apporté de l’argent. Avant de de - lemarchédelatélévision.Lecinéma,en - manderdesconditionsexceptionnelles core une fois, c’est de la haute couture. Est-cesivraiqueça,quelesauteursn’ont deproduction,demandonsàdesartistes Onpeutessayerdelatransformerendu plus la place de s’exprimer ? d’avoirdesqualitésexceptionnelles.Je prêt-à-porter, Hollywood y est arrivé. EH : Oui, parce qu’ils sont formatés. Ils vousassurequesiunTruffautarriveau - MaislaFrance,non.Legrandcinémapo - ont envie de faire des choses qui fonc - jourd’hui, on lui donnera les moyens. pulairefrançaistientuniquementsurdes tionnentpourlesfestivalsoupourlemar - personnalités. Le talent de Louis de ché.Chacunveutenêtre.Onestrevenu Vraiment ? Funès, d’Yves Montand ou de Gérard danslesannées1950.Çaneveutpasdire EH:Vousverrezqu’àunmomentdonné, Oury… Un acteur peut être payé très qu’iln’yapasdetalent,çaveutdireque ilyauracinqousixréalisateursdegrand cher,unmetteurenscènepeutêtrepayé les gens s’autocensurent. talent.Etvousallezvoirl’anciensystème très cher, un chef opérateur peut être se figer… C’est parce qu’il y a eu Pedro payétrèscher,maiss’ilsontungrandta - Comment empêche-t-on cela ? Almodóvar que le cinéma espagnol a lent.Aujourd’huitoutlemondeestpayé EH:Ahbah,çavas’empêchertoutseul! changé.Iln’yapasaujourd’huicettefolie cher, tout le monde au même niveau… C’est une espèce de grosse pelote qui que vous aviez avec les premiers films Non. s’estfaiteenfonctionde210ou220mil - de la Nouvelle Vague. Je parlais l’autre lionsd’entréesensallesparanetquiar - jouravecWongKar-wai,ilmedisait:«La Pourvous,toutlemondeneparticipepas rose tout le monde. Si tout à coup vous beautéestdevenue,danslecinémad’au - au film pleinement ? faites 170 millions d’entrées, tout jourd’hui,unefemmeàabattre.»C’est- EH:Jevaisvousdonnerunexemple.Ily s’écroule. à-dire que les gens ne cherchent plus la a vingt ans, quand je produisais un film, beauté au cinéma, ils cherchent le film touslessoirsonregardaitlesrushesavec Et ces fameux " films du milieu " ? qui va les électriser. On est dans la cul - lestechniciens.Etlesacteursappelaient EH : C’est quoi le cinéma du milieu ? Je ture pop. Le système est un peu anes - poursavoircommentilsétaient,etc.Au - n’ai jamais su. thésié esthétiquement. jourd’hui, les rushes sont vus par le di - recteurdeproductiondanssachambre Entre 4 et 7 millions d’euros… Le salaire des techniciens est en train d’hôtelpourdesquestionsd’assurances, EH:Çaneveutriendire.Onnedéfinitpas d’êtrerenégociéviauneConventioncol - vaguementparlechefopérateurquand ducinémapardel’argent.Lecinémadu lective.Certainsproducteurssontfurieux il a le temps et qu’il est consciencieux, milieu, il ne faut pas le faire. Au-dessus et parlent de coup terrible porté au ci - peut-êtreparlemetteurenscène,mais de4millionsd’euros,lesystèmedevient néma français… pas toujours. troplourd.Lesfilmsd’auteuraujourd’hui EH:Lestechniciensfrançaisnesont,me devraientcoûterentre800000et2mil - semble-t-il, pas si mal payés, ils ont un Mais pourquoi ? I lionsd’euros.C’estcefameuxbudgetde système qui les protège. Mais quid des EH:Parcequelefilmn’estplusl’objet . libertédanslequelonpeutprendredes petitsfilms?Commentlesfera-t-onavec risques… uneConventioncollectiveaussicontrai - Propos recueillis par Thierry Lounas gnante ? Le problème, c’est qu’il y a des Entretien paru dans So Film #10 En limitant les salaires ? abus et du coup chacun aimerait avoir EH : Exactement, sans salaire produc - naturellement sa part du gâteau. Vous teur,sansfraisgénéraux.Onspéculesim - avezlestechniciensquiconsidèrentque plementsurlefilm,onnesesertpasdans lesproducteursprennenttropd’argent, la caisse avant. lesproducteursquiconsidèrentqueles metteurs en scène prennent trop d’ar - Pourtant, pas mal de gens, Pascale Fer - gent,lesacteursquidisentqu’onfaitles ran en tête, cherchent à faire des " films films sur leurs nomsavec les télés, vous dumilieu",encitantTruffautouDemy... avez les bailleurs de fonds qui disent : EH : Le problème, c’est que pour faire «Ce sont tous des voleurs, pourquoi Truffaut et pour faire Demy, il faut être donne-t-on cet argen t? » Vous entrez Truffaut et il faut être Demy. Truffaut a dans le mauvais système français de la

17 / juillet 2013 hors série AFC Que s'est-il passé à l'assemblée générale de la SRF le 15 juin 2013 ? Chantal Richard , réalisatrice, SRF et Jean-Jacques Jauffret , réalisateur, SRF

Comme toutes les associations, la SRF, maison de tous les cinéastes, se réunit chaque année pour faire le bilan, débattre de son projet et élire sur celui-ci un nouveau Conseil d’Administration. ette fois-ci, unique dans notre G Lutter contre les menaces que la diffu - Nous nelepensons pas. Et denombreux souvenir,le bilann’afait l’objet sionnumérique fait peser surles films les adhérents,en panachantpar leursvotes d’aucun commentaire. Des ac - plus fragiles les différentspointsde vue, ont euxaussi tions d’envergureavaient pour - G Exiger latransparence descomptes,de refusé cette idéeétrange :un conseild’ad - tant étémenées, tellel’Assem - l’écriture à la distribution des films ministration souhaitant représenterla di - blée des Cinéastes née à la Quinzaine versité, mais dans l’homogénéité depoint G cette année, rêve enfin réalisé d’un or - Donner un cadre conventionnel au tra - de vue ! gCanismevivant qui ferait circuler à travers vail (et oui, làaussi il semble y avoiraccord sur le principe) Les méthodes, comme dans le vieux le monde lesparoles,expériencesetcom - débat sur la forme et le fond, trahissent bats des cinéastes. Non, les rêves et les Il estvrai néanmoinsquede gravesdiffé - toujours des visions du monde, même si projets n’étaient pas à l’ordre du jour de rents opposent les cinéastes sur la stra - elles ne s’énoncent pas. Mais il est vrai cetteAG. Seulelaquestionde l’extension tégie à suivre pour qu’existe enfin un que ce n’est pas dans l’air du temps de de la Convention collective a été débat - cadre conventionnel au travail des tech - prendreletemps d’yréfléchir.L’entresoi, tue et a déterminé les votes (votes at - niciens et des réalisateurs. les corporatismes, l’expression par mé - tendus dans une impatience non dissi - dias interposés de pensées réductrices, mulée mais qui ducoupnedissimulait pas la peurcomme argument, le mépris de la Maispour autant celavalait-illecoup d e: non plus l’objectif premier de certains, vie associative, la prime à la notoriété… gagner les élections). G Dénier l’engagement du conseil d’ad - sont devenus le lotde notre vie politique, ministration sortant en n’ayant aucun sociale et culturelle. Pourtant tout le monde semble s’accor - débat sur le travail accompli ? der, du moins dans les déclarations de G Faire une liste électorale bloquée, Nous sommes nombreux à espérer que principe, et la main (gauche de préfé - connue avant même que les discussions les cinéastes n’en deviennent pas le mi - rence) sur le cœur, sur le fait qu’il faille ne s’engagent et que les autres candida - roir. Et continuent à n’avoir comme mo - repenser un système à bout de souffle : tures soient annoncées ? teur intime de leurs combats que la dé - fense de la beauté qui s’accommode si G G Remettre à plat la répartition des ri - Faire adhérer à la dernière minute, mal de la seule rentabilité. Ce qui rend chesses gérée par le CNC même si les statuts le permettent, de d’autant plus urgent de s’attaquer aux I G Revoirles modes de financementqui as - nombreux nouveaux adhérents peu au dossiers cités ci-dessus. phyxient les films fait de la vie et des actions de la SRF ? G G Poser clairement la question du risque Et poursuivrecetespritde fermetureen et celle de la financiarisation du cinéma cooptant au premier conseil d’adminis - tration des réalisateurs qui partagent le G Retrouver à l’auteur et au réalisateur mêmepoint devuequel’équipedéjà élue une place centrale dans le processus de (y compris certains qui avaient été refu - création des films sés par l’élection) ?

Romane Bohringer - Lili et le baobab de Chantal Richard Après le Sud de Jean-Jacques Jauffret

AFC hors série juillet 2013 / 18 " Le milieu n’est plus un pont mais une faille " Agnès Godard , directrice de la photographie, AFC

’est le titre du rapport de Pendant ce temps, je lisais les synthèse du Club des 13 informations qui me parvenaient daté de février 2008. décrivant l’opposé pour un très Prémonitoire ? Ce titre grand nombre : le cloisonnement, reflète la réalité pour ne pas dire l’adversité. d’aujourd’hui… Comment cela est-il possible ? Il n’était pas censé signifier cela, J’ai recherché un passage du livre Ctout a glissé… de Ingmar Bergman, Images , que j’avais en mémoire : Où est le milieu ? Entre metteurs en « Sven est Sven. Si parfois il arrive scène et techniciens et que mon activité de cinéaste me producteurs. manque, c’est uniquement la Qu’est le milieu ? Un film. collaboration de Sven qui me Aujourd’hui tout est cloisonné. manque ». Aucun pont. Il n’a pas employé un mot qui Carlos d'Olivier Assayas, image Denis Lenoir Je ne comprends plus rien. désigne une fonction et des chiffres Ne sommes-nous pas supposés dans des colonnes, " le chef op’ ", il travailler ensemble ? a employé son nom, celui de la Après tout, ne sommes- Tous ? personne qui a travaillé, réfléchi nous pas, nous les chefs Les techniciens qui participent à la avec lui, pas contre lui. “ fabrication des films. Et si c’était là qu’était le premier fil opérateurs, ceux qui Lorsque des informations me sont à tirer ? veulent toujours avec le parvenues de France, j’étais à Le travail en commun. l’Université de Berkeley, invitée à Parce que c’est comme ça, la plus d'acharnement participer à un programme intitulé fabrication d’un film, beaucoup de trouver les solutions Behind the Scenes : présentation du personnes y participent et s’y pratiques qui nous métier de directeur photo, engagent. projections de films, débat à l’issue Ça s’appelle une équipe. permettent, des projections. Cela n’aiderait-il pas à réunir ces quand nos réalisateurs Le public est venu et revenu chaque îlots clos, à n’en créer qu’un seul, demandent la lune, soir, montrant un intérêt, exempt de ce goût d’offense que participant et jouant le jeu de l’on peut deviner parfois à de la filmer pour eux . regarder les films à travers le l’évocation d’un travail en commun. Denis Lenoir, prisme de ce métier. Les N’est-ce pas le plus important à impressions décrites, les transmettre à ceux qui vont arrive r? directeur de la photographie”, AFC, remarques, les questions S’enrichir à mettre en commun et ASC, 26 juin 2013 traduisaient la compréhension, non s’appauvrir à s’affronter. l’attrait de la collaboration. Cela me semblerait plus constructif C’est cet aspect qui a été le plus pour contourner l’application de «la apprécié, le plus développé, le plus loi de l’emmerdement maximu m», fouillé, à la recherche d’un implacable, pour citer Raoul I enrichissement. Coutard dans Le Petit soldat .

Les Salauds de Claire Denis, image Agnès Godard

19 / juillet 2013 hors série AFC E-mail aux adhérents de la SRF Emmanuel Gras , réalisateur, SRF, ACID 17 juin 2013

e me permets d'envoyer cet e- mail aux adhérents de la SRF, en mon nom propre, suite à ce que j'ai vu et entendu à l'AG de la SRF. Je suis Emmanuel Gras, j'ai réalisé des courts métrages et un long métrage dJocumentaire,Bovines ,etjefaispartie du CA de l'ACID qui défend la distribu - tion des films les plus fragiles écono - miquement en salles. Comme beaucoup d'autres je pense, je suis arrivé à l'AG dans le doute, sans trop savoir quoi penser de la Conven - tion collective. Jusque-là, je n'avais eu quedesdiscussionsséparées,soitavec des défenseurs de la Convention, soit avec ceux qui y étaient opposés et je Bovines d'Emmanuel Gras pensais à juste titre que j'avais besoin d'entendrelesargumentsseconfron - Enentendantla"nouvellegénératio n" Cesontcesfilms,"hors-marché",que ter pour me faire ma propre opinion. du cinéma se plaindre que la Conven - j'ai envie de défendre en priorité. Je ne me suis pas exprimé au cours de tioncollectivelesempêchaitdetrouver Lanécessitéderespecterunminimum l'AG,j'auraissûrementdûauregardde leur place, je ne me suis pas reconnu. syndicalpourlestechniciensobligerait ce que je ressens aujourd'hui. Comment peut-on se dire que l'avenir àtrouverdessolutionsauproblèmede Car, si je cherchais un éclaircissement, du cinéma est dans le fait de faire tra - fondquiestleursous-financement.Un je peux vous dire qu'il a eu lieu. J'ai vaillerdesgenssous-payésetdel'être aide spécifique pour ceux-là pourrait compris que, quelle que soit la forme soi-même d'ailleurs ? être exigée. que l'on y donne, de la défense de la Aussil'idée de coopératives,ou Scop, liberté créatrice au respect d'un " réa - J'aitournémonfilmquiaprisdeuxans a été lancée samedi sans que la pro - lisme économique ", la logique qui demavie,avecunbudgetridiculepour position soit entendue ou comprise. sous-tend l'opposition à la Conven - unlongmétrage.Maiscequim'enrage, Sansrentrer danslesdétails,il s'agirait tion collective est très simple : le sa - cen'estpaslefaitdenepaspouvoirre - de mettre une partie du salaire sous laire des techniciens est un obstacle faire un film dans ces conditions, c'est forme de participation mais dans un à l’existence des films. d'être condamné à tenter de réaliser fond mutualisé. Cettelogique,quipeutfacilementaller desfilmssansavoirlesbudgetsquime Voilà une idée enthousiasmante qui jusqu'à dire que l'on ne peut pas faire permettraient d'en vivre et de faire donne bien plus envie que celle de se certains films si les gens sont simple - vivre ceux qui travaillent avec moi. débrouiller avec des bidonnages de ment payés (ce n'est pas une vue de On va évidemment m'opposer le fait fiches de salaires pour passer l'espritpuisquel'onentrouvedenom - que des films, réalisés par une équipe l'agrément. breux exemples et que le monde du soudée qui accepte des conditions de J'en profite pour contredire une idée court métrage avait annoncé la fin de travail exceptionnelles, doivent pou - quiacirculé:laConventionn'obligeen ceformatlorsqueleCNCavaitdurciles voircontinuerd'exister.Jeleurréponds rien à prendre une équipe complète, règles pour que les techniciens soient que ces films n'ont déjà pas le droit onpeuttrèsbienfaireunfilmaveccinq payés), est en soit une logique qui fait d'existerdanslessalles.Cen'estpasla personnes mais en les payant comme peser sur les salariés le poids de l'exis - Convention collective qui y change chefs de poste s'ils effectuent un tra - tence ou non d'un projet. quelquechosemaisl'agrémentduCNC. vaildechefdeposte.J'aidumalàtrou - Jenevoispasenquoielleestdifférente Une situation exceptionnelle, et qui ver ça choquant. decelledeschefsd'entreprisequime - doit le rester si l’on ne veut pas que le nacent leurs employés de délocaliser cinémasoitunartfaitpardesgensdont Jecomprendsparfaitementlapeurdes s'ilsn’acceptentpasdesbaissesdesa - lemoyendesubsistanceestailleurs,ne jeunes réalisateurs dont je fais partie laires.Ceciàladifférencequelesfilms, peut pas empêcher un modèle viable et qui accèdent très difficilement aux et surtout les plus petits, sont large - pour l'ensemble d'exister. financements, mais la logique anti- mentsoutenusparl'argentpublic(sans convention est une logique de survi e: rentrer dans le fonctionnement de la Je partage cependant l'inquiétude de commentfairepourtenirlecoupdans TSA).Celaveutdirequelesréalisateurs celles et ceux qui font des films qui ne unesituationmerdiquecontrelaquelle qui reçoivent de l'argent du CNC trou - rentrentpasdanslescadres,desfilms on ne peut rien faire. vent étonnant que cet argent soit uti - qui n'intéresseront jamais les télés et Etcettemanièredepenser,au-delàdu lisé pour payer de vrais salaires aux dont les distributeurs ne peuvent fait qu'elle est d'un défaitisme dépri - techniciens qui travaillent. compter sur le potentiel commercial. mant, a la fâcheuse tendance à faire

AFC hors série juillet 2013 / 20 oubliercequidevraitnousconstitue r: peux pas m'imaginer que ce soit une des valeurs. situation que je dois accepter. Or mes valeurs m'interdisent absolu - Parcontre me battre pourque les films ment de refuser à d'autres le droit de dits " fragiles " aient une véritable ex - gagner leur vie dignement. Il m'a fallu position etpuissent donc générer des toutunprocessuspourlecomprendre recettes, là oui, etc'est le combat que donc je ne juge personne. nous menons à l'ACID. Ce combat est On va maintenant m'opposer le fait bien plus essentiel et important que Ainsi, par un tour de passe- que l'idée n'est pas de ne pas payer les celui de s'opposer à une Convention passe intellectuel, le droit du gens décemment mais d'adapter les collective. “ salairesen fonction dubudget.J'aidis - J'aiégalemententendudesgenss'hor - travail devenait un obstacle à la cuté et vérifié cette question des pa - rifier à l'idée d'une commission char - création artistique et un outil liers etils'avère qu'ilssont totalement gée de régler le cas des films pendant pour le grand capital. Ce inapplicables dans le cadre d'une lapériodedetransition.Maisnouspas - Convention collective.On ne peutpas sonsnotretempsàêtrejugés,àpasser discours, porté par des figures fixer dans une Convention collective des commissions qui ont droit de vie de l’engagement (Pascale des différences de salaires suivant les ou de mort sur notre projet. C'est dur, Ferran dont on se souvient de financements. parfois rageant, mais je ne vois pas en Or, s'il n'y a pas de Convention collec - quoi celle-ci serait pire que les autres. la belle défense des tive, tout ce qu'il reste, c'est le droit Enfin, comment mener une lutte tous intermittents, Laurent Cantet du travail et surtout la loi du marché. ensemble si la première prise de po - et ses Ressources humaines , Dans une situation de crise, on sait très sition des réalisateurs est de s'oppo - bien que ceux qui trinquent, ce sont ser à une Convention qui défend les Agnès Jaoui, Pierre les salariés. techniciens ? Salvadori…), avait de quoi Et bien je ne défendrai jamais la loi du marché contre une réglementation Si la Convention n'est pas appliquée séduire. « Si l’on applique cette protégeant les salariés. souslapressiondesréalisateurs,nous convention, les jeunes De plus, j'ai été extrêmement choqué resterons dans une situation de statu techniciens ne pourront plus par le mépris affiché vis-à-vis des per - quo où chacun ira défendre son petit sonnes et même du processus de né - intérêt dans son coin. démarrer leur carrière », par gociation qui a abouti à la Convention . Je sais que tous les techniciens ne exemple. […] Il leur a fallu sept ans pour se mettre sont pas " à fond " derrière la Conven - d'accord et il s'agit là du seul proces - tion , qu'elle n'est pas parfaite, mais sus réellement démocratique pour ar - d'une part elle peut encore être amé - river à une entente entre salariés et nagée et évoluer, et d'autre part les patronat. techniciens ressentent la même chose Cela n'est que ma vision des choses que les réalisateurs : la peur. Celle de mais j'ai vu hier se révéler une lo - ne pas être embauchés, celle de ne gique libérale qui s'insinue partout pas pouvoir faire ses heures sans dé - sans se dire. clarer plus de jours travaillés à un taux Jecroisquecelaestenpartiedûàlapo - moindre, celle que n'existe plus que sitionparnatureambivalenteduréali - des films cossus où ils ne trouveront sateur:ilestàlafoistechniciensalarié pas leur place... (cela n'a pas été débattu samedi mais Cette peur est celle qui nous fait tous Ogres Niais de Bernard Blancan laConvention esttoutdemêmelepre - accepter de travailler dans des condi - miertexteoùonluireconnaîtunsalaire tions inacceptables et c'est cela qu'il Pendant le débat, très digne, minimum, ce qui est loin d'être négli - faut changer. du fond j’entendais les geable)etilesttoutletempsmisdans une position de producteur puisqu'il Alors,pourquoi j'aiécrittoutcela:pour sarcasmes des deux camps. doit se préoccuper des problèmes de dire cequejepense, ce quifaittoujours Ceux des assaillants étaient faisabilité financière de son film. du bien etremplit lesboîtesmailsmais, bien plus nombreux. L’image Aujourd'hui je ne peux pas imaginer aussi, pour demander au nouveau CA me battre contre les droits des tech - debien vouloir prendreletempsdere - globale qui naissait de ce débat niciens mais par contre j'ai extrême - discuter avec desgens quine sontpas était celle d’un combat d’une ment envie de me battre avec eux et d'accord avec eux avant d'annoncer aussi avec les producteurs pour une publiquement la position de la SRF. garde jeune, branchée et meilleure répartitiondes financements Cela aurait étépossiblenaturellement médiatisée contre des afin de faire des films et d'en vivre (je dans un CA mixte mais le choix a vo - dinosaures has been d’une pourraisdire« enfin en vivre »).Lesso - lontairement été fait d'exclure tous lutions existent : l’obligation deFrance ceux qui défendaient la Convention gauche vieillissante et enterrée Télévisions à passer des films de la di - (en présentant non pas6,7ou8 noms depuis longtemps. versité, l'augmentation du montant mais 12, de manière à remplirtout l'es - de l'avance sur recettes... pace). Je pense que beaucoup de vo - Bernard Blancan, acteur, réalisateur, Faire des films sous-financés avec des tants ont fait des listes panachées en 17 juin 2013 ” genssous-payéspourêtreensuitedé - espérant ce dialogue et j'espère que gagé au bout d'une semaine ou de ce besoin sera respecté. I quelques jours des salles, non je ne A bon entendeur, salut.

21 / juillet 2013 hors série AFC Soyons réalistes, exigeons l’impossible... Arnaud Roth, chef décorateur, ADC Ernesto " Ché " Guevara L’extension de la Convention collective, dite API, a engendré un nombre incroyable d’articles, d’interviews, d’analyses et de points de vue, majoritairement opposés à ce texte. Nous, techniciens, avons été caricaturés, dénigrés et stigmatisés. ommenoustous,j’aiétéblesséparcesac - la certitude que notre combat était juste et collec - cusations.Commeuneimmensemajorité tif.CetteConventioncollective,commetouttexte d’entrenous,j’aiparticipéàdesfilmsd’au - de compromis, n’est parfaite pour personne. teurs.Commeuneimmensemajoritéd’en - Elleimposedessacrifices.Auxtechniciens,comme trenous,j’aichoisi,plusieursfois,d’investir aux producteurs. mon temps, mon énergie et ma sensibilité au ser - Nousallonstousdevoirdécouvrirunenouvelleor - vice d’un film auquel je croyais, tout en acceptant ganisation,modifiernoshabitudesetadapternos dCesconditionssalarialesparfoisinférieuresauSMIC. pratiques. Comme une majorité d’entre nous il m’arrive régu - MaiscetteConventioncollectivearriveauplusmau - lièrement de sacrifier ma vie de famille, en travail - vais moment pour les productions et elle a, finale - lantunenuit,undimanche,enété,àl’étranger;quel ment, cristallisé leurs angoisses. que soit le salaire qui m’était proposé, j’ai raté des Car notre système de financement traverse une fêtesd’école,desfêtesdefamille,desenterrements, grave crise. desmariages,desdînersentreamis,dessoiréesavec Et d’aucuns ont voulu faire croire que les salaires ma femme, des vacances avec mes enfants. des techniciens étaient la cause, ou la solution, à On ne pratiquepas nos métiers sans passion, sans leurs problèmes de financement. accepter de nombreux sacrifices. Mais ce sont deux sujets de nature et d’échelle to - talement différentes. J’aime mon métier, j’aime notre monde cinémato - D’un côté la Convention collective, de l’autre l’ina - graphique, j’aime les gens qui le fabriquent. déquation du système de financement actuel. J’aime voir le cinéma des autres. L’objetd’uneConventioncollectiveestd’organiser J’aimesavoirquequelquesfilmsontchangémavie. les conditions de travail au sein d’un secteur pro - J’aime découvrir un beau scénario, j’aime les dis - fessionnel, de définir les droits et devoirs des em - cussions sur un devis, j’aime " commencer " avec ployeurs et des salariés. mon équipe… J’aime voir une patine parfaite, du En aucun cas de résoudre les problèmes de finan - bois bien travaillé, un camion bien chargé. cement dudit secteur professionnel. J’aime voir les comédiens à l’œuvre, j’aime appar - Acetitre,nosamisréalisateursdevraientseréjouir tenir à une équipe de tournage, j’aime regarder le quecetteConventioncollectivereconnaisse,enfin, combo. leur poste et que leurs collaborateurs soient dés - Je suis ému quand un réalisateur me dit qu’il aime ormais protégés. le décor que nous venons de lui livrer. Je suis ému quand je vois mon équipe donner vie à Nous avons une Convention collective étendue ! mes idées, à mes risques, à mes certitudes. Elle sera effective au 1 er octobre prochain. Je suis ému quand l’équipe de plateau travaille en Si pour nous, décorateurs, trois points essentiels harmonie, quand l’orchestre emporte et accom - restent à régler (suppression du poste d’ensem - pagne le travail des virtuoses. blier-décorateur, création du poste de ripeur, Etparfoisjepleurequandjedécouvrelefilmmonté, mêmes heures d’équivalence pour tous les techni - la beauté d’une lumière, l’habileté du montage, le ciens), il n’en reste pas moins qu’elle est actée. souvenir de la fabrication d’un décor…

Alors oui, parce que j’aime mon métier, malgré les sacrificesqu’ilimpose,parcequejeveuxcontinuer à l’exercer, au mieux, entouré de mes équipes, de cestalentsquimesontnécessaires,jevoulaiscette Convention collective. Pas par passion, non, par nécessité. Il nous fallait une Convention collective et celle-ci s’estrapidementavéréeêtrelamoinsdangereuse, pour nous, techniciens. Et si, investi sur ce sujet, j’ai pu être blessé par tous lesamalgames,lescaricaturesetlesabsurditéscol - portés sur nos professions, j’ai aussi été porté par Americano de Mathieu Demy, chef décorateur Arnaud Roth

AFC hors série juillet 2013 / 22 De gros nuages s'amoncellent au-dessus de nos têtes. Les loups ont de plus grandes dents “et les moutons sont toujours aussi bêtes. Ce n'est pas le moment de mollir. Les lendemains ne chanteront pas avant longtemps. La grande Braderie va s'ouvrir. […] Soutenons ceux qui sont actuellement à nos côtés. Continuons le combat. Pour que les jeunes générations ne se fassent pas bouffer tout cru. Sans cela, ce sera le naufrage. Richard Andry, directeur de la photographie, AFC, 24 juin 2013 ”

Sinon heureux, je suis soulagé qu’elle ait été fina - lement étendue et je voudrais remercier les syndi - Vive le cinéma ! catsdesalariéspourleurténacitéetleministèredu Travail pour sa résistance aux pressions, fortes, Jean-Jacques Bouhon, directeur de la photographie, AFC diverses et répétées. Et je me réjouis que nos associations profession - nelles, soucieuses de ne pas alimenter les polé - 'aiététrèstouchéd'entendreledésarroidequelquesétudiants miques stériles, aient œuvré à la connaissance et à des départements dits " instrumentaux " d ela fémis. la défense de tous nos métiers. Tout à coup, le rêve qu'ils faisaient, pour certains depuis long - temps, de faire partie de la " grande famille du cinéma " se Maisjecroisqu’ilesttempsdeconcentrernoséner - confrontait à la dure réalité des intérêts particuliers et com - giessurlesujetfondamentalquinousgangrène:le merciaux et des egos singulièrement sur-développés de certains. système de financement. J Lesystèmedefinancementducinémafrançaisest obsolète.

L’offre(definancement)ennettediminutionneré - pond plus à la demande, en forte expansion. Leschiffresn’ontplusdesens…700millionsd’euros defondsauCNC,270filmsfrançaisproduitsen2012 (soit plus de 5 sorties par semaine), 5000 sociétés de productions enregistrées en Ile-de-France… S'ilavaitdenombreusesvertusàsacréation,notre système de financement génère aujourd’hui bien plus d’effets pervers que d’effets positifs.

Après la violence des mois écoulés, je crois aussi Lune froide de Patrick Bouchitey, image Jean-Jacques Bouhon qu’il est temps de nous rassembler. Nousdevonssortirdesoppositionsartificiellesqui nous ont été imposées uniquement par stratégie La chute est rude quand on s'aperçoit que, pour certains, les techni - politicienne. ciens ne sont qu'une pâte malléable au gré des financements trouvés ounon. Dans lespropos entendus oulus cesderniersjours, il n'ajamais Producteurs, réalisateurs, techniciens, nous été questionde l'apportartistique de ces "technicien s", nide leurdé - sommes le cinéma français. vouement, mais seulement du fait que les payer correctement, et sui - Nous le fabriquons ensemble, au quotidien. vant des règles, mettait en péril la création et en faisait, par consé - quent, quasiment des ennemis ! Avec vous je discute devis, plans, couleurs, atmo - Pas trace, non plus, d'une vraie réflexion politique et économique sur sphères, ambiances, sens, ambitions. le fait que l'industrie cinématographique n'échappe pas aux condi - Nous rions ensemble, nous déjeunons ensemble. tions politiques et économiques danslesquelles nous vivons.Parexem - Nous travaillons ensemble et parfois nous nous ple, si nos dirigeants avaient créé une Europe sociale en même temps fâchons. qu'économique, peut-être n'y aurait-il pas tant de délocalisations… Mais nous créons ensemble… des mots du scéna - Je sais, je suis un incurable utopiste, le libéralisme ambiant ne sup - rio, nous fabriquons les images et sons du film. porterait pas une telle réforme qui l'empêcherait de mener les peu - Nousdevonsabsolumentnousréunir,renouernos plespar leboutdu nez etdu portefeuille.Pasvraiment,non plus,ou si liens, retrouver et partager notre confiance, pour peu, d'allusion au manque de transparence des budgets des films. Je avancer et fabriquer ensemble, le cinéma français pense que nous serions très étonnés de voir comment circule réelle - du XXI° siècle, avec cette nouvelle Convention ment l'argent dans notre monde cinématographique. collectiveetenabordantdefront,lesdifficultésde Pour ma part, je ne pourrai jamais me considérer comme une variable financement et les délocalisations massives que économique dans un budget. Je suis cinéaste et ma passion sera tou - nous subissons. jours de faire des films au service d'une idée, d'un créateur. I I Soyons réalistes, exigeons l’impossible… Vive le cinéma !

23 / juillet 2013 hors série AFC Une peau de chagrin Catherine Schwartz, chef monteuse

ans ce climat délétère qui règne autour de l'extension de la Convention collective à la production cinématographique, je ne peux m'empêcher de revisiter mes trente années passées dans les salles de montage et ressentir une profonde aDmertume, voire un certain écœurement qui pourrait me laisser sans voix mais continuant à aimer mon métier, je choisis d'écrire ces quelques lignes. Comme d'autres, j'ai travaillé sur des films mal financés, non payée ou si peu, je l'ai fait par choix personnel, avec le désir d'accompagner un réalisateur complice dans la fabrication de son film, mais cela ne reflétait en aucun cas la valeur intrinsèque de ce qu'est le travail de montage. Cela restait le désir de faire un don de soi, et au bout de l'aventure reconnaissance et fidélité. Je continuerai d'ailleurs avec un immense plaisir Au bonheur des ogres de Nicolas Bary, image Patrick Duroux ce type de collaboration, bien sûr dans un contexte de totale transparence. Mais à côté de ça, force est de constater On participe à ces méthodes de travail qu'au cours de ces années les amputations quasi clandestines. en tout genre se sont multipliées, le temps P“ar exemple, pourquoi faire venir des de montage habituellement considéré comme le temps de la réflexion s'est réduit opérateurs sur des repérages (pas toujours si comme une peau de chagrin. techniques) alors que ce même opérateur Garder un assistant pendant la durée du montage devient le parcours du combattant, n’aurait qu’à regarder des images envoyées la liste est encore longue mais tout y est par e-mail, donc deviner la configuration des décrit dans les e-mails anonymes des lieux, les orientations, les dimensions (même monteurs qui circulent, comme autant de témoignages de leurs conditions de travail si pour cela il faut renvoyer des dizaines de devenues de plus en plus précaires. messages afin d’espérer recevoir un schéma C'est parce que j'ai eu la chance d'être avec quelques mesures) ? l'assistante pendant de très nombreuses années d'une monteuse qui nous a quittés Cette maladie de réduction des coûts (coûts depuis peu, qui m'a transmis cet amour pour apparents) permet de retarder des voyages son métier, son dévouement aux réalisateurs (réduire des frais d’hôtel) mais a pour avec lesquels elle collaborait, qu’à mon tour je n'aimerais pas laisser aux monteurs en incidence de ne plus assez partager autour devenir, cette étape fondamentale dans la d’une table, dans un lieu de repérages. Dans fabrication d'un film qu'est le montage, une I zone de non droit... la pratique cette méthode coûte souvent beaucoup plus d’euros que prévus à la production (la même décision prise en amont est toujours moins onéreuse que dans l’urgence ?) car, à l'issue d'une rencontre avec un gaffer, un machiniste, une superbe idée apparaît, comme parfois hors sujet et, en fait, règle une grande partie de nos interrogations .

Après lui de Gaël Morel, Patrick Duroux, directeur de la photographie, AFC, montage Catherine Schwartz 30 juin 2013 ”

AFC hors série juillet 2013 / 24 C'est ainsi que certains producteurs découvrent qu'un gouvernement de gauche est, “curieusement, favorable aux salariés et aux conventions collectives... Je suis tout à fait contre un cinéma à deux vitesses. La seule base est que les minimums syndicaux, comme je le répète, ne doivent pas être transgressés légalement. L’intéressement demande une transparence des comptes qui ne saurait exister sans un CNC ayant réellement le pouvoir exécutif de faire appliquer la loi et de sanctionner. Ce qui n'est malheureusement pas le cas. La menace de faire de notre métier une zone de non droit est réelle. Elle l'est depuis longtemps, le secteur était protégé par des syndicats efficaces et des cartes professionnelles et des producteurs qui respectaient et les syndicats et la réglementation. Nous sommes dans la période libérale du '' chacun pour soi et moi d'abord '', de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits et le SPI, avec ses méthodes et ses putschs, en est l'incarnation évidente dans notre profession. Que ces gens soient heureux de nous voir nous écharper avec la '' nouvelle '' SRF, heureux de diviser pour régner, est une chose évidente. A qui profite de faire des films qui ne rétribuent pas leurs salariés, qui ne rétribuent pas les industries techniques française s? La réponse est aisée : aux personnes qui vivent d'argent public, avec des alibis artistiques et sans autres obligations que de truquer leurs comptes. Et quand ces gens-là deviennent riches, ils font des théories sur leur pratique délictueuse et... décentralisatrice, puisque ça coûte trop cher en France. Pierre-William Glenn, directeur de la photograp”hie, AFC, réalisateur, ARP, 20 juin 2013

Je pense que le chaos, dans “lequel nous semblons être, n'est qu'apparent, qu'il y a au fond tout un attirail de règles et de précautions qui sont à l'œuvre, mais qu'elles ont été perverties, bon gré mal gré, et que l'assainissement de la situation passe avant tout par le respect des uns et des autres. C'est

Le Jour où Dieu est parti en voyage de Philippe Van Leeuw peut-être un combat d'arrière-garde mais c'est ce que je crois. Quand j'ai fait mon film, j'ai subi énormément de perversions et si j'ai réussi malgré tout, c'est parce qu'aux moments clés, mon chef op', mon ingé-son et ma monteuse sont montés en première ligne pour me défendre, pour défendre mon film. Sans eux, je n'aurais peut-être pas eu le courage de tenir, pas tenir tête, seulement tenir. Et pourtant finalement, je peux quand même aussi rendre hommage à mon producteur parce que, même s’il a perdu confiance en mon entreprise à un moment du tournage, le film tel qu'il est, existe grâce à lui aussi. Philippe Van Leeuw, directeur de la photograp”hie, AFC, réalisateur, SRF, 20 juin 2013

25 / juillet 2013 hors série AFC Pour une réforme des financements du cinéma français Benoît Ameil , réalisateur, SRF, membre de la Commission Nationale aux Médias du PS

Nécessaire pour l'éco-système cinématographique Préalable à accord pour l'extension d'une Convention collective dans l'industrie du cinéma.

Réforme des obligations des chaînes TV sés, les fonds privés investis dans la production G Clause de diversité pour France Télévisions. cinématographiquepourraientêtrereportéssur G Plafonnement par film du montant pris en d'autrespostesdedépensesousurd'autresfilms. compte pour le respect de l'obligation d'inves - Dans les deux cas de figure, les transferts finan - tissement dans le cinéma : 1 M€ pour les chaînes cierspermettraientdemieuxrémunérerlespres - gratuites et 3M€ pour les chaînes payantes. tationsdestechniciens,lesindustriestechniques Avantage : renforcement du financement des etlestravauxd'écriture(R&D).Ladeuxièmeop - films les moins bien financés. tionest,d'unepartcertainementcellequiestpré - férable,carlaré-allocationdesfondsestfaitepar Réforme des aides au cinéma du CNC le privé, et d'autre part la plus probable car il est (soutiens automatiques et sélectifs) vraissemblablequelesproducteursnerenoncent G Assumer le faitque lescréditsdu CNCsont des pas à la capacité de mobiliser les fonds du CNC. fonds publics et opérer une évaluation des poli - tiques publiques menées par le CNC. Mêmesicetaspectdureportfinancierdevaitêtre G A ce titre, demander publication par le CNC, moindre par rapport au plafonnement des obli - chaque année, d'un tableau comparatif regrou - gationsdeschaînesTV,d'autresavantagesstruc - pant, film par film, le montant ventilé des hauts turels découleront de cette réforme. salaires, leur somme, le budget du film et les mon - G Eviter la déconnection des hauts salaires avec tants ventilés de toutes les aides publiques. le succès des films. Avantage : cette transparence s'inscrit dans G Légitimation du salaire des acteurs : l'enrichis - une mise à dispositiondes données publiques de sement personnel des acteurs est possible en manièreouverte.L'évaluation des politiques pu - cas de succès ; et n'étant jamais déconnecté du bliques est donc possible par tous, surtout par succès, ne pénalisant pas la production du film, les parlementaires et les associations profes - et n'étant jamais plus basé sur des aides pu - sionnelles, quelle que soit la couleurdu pouvoir. bliques, il n'est plus remis en cause, ni par la G Mise en place d'un critère hauts salaires : la branche réformiste de la profession, ni par la somme des salaires des talents - les acteurs no - presse libérale et économique. tamment-ne peutpasêtresupérieure à100%du G Le couple scénario-mise en scène est replacé montant d'une aide du CNC. Eventuellement, au centre du choix opéré par les comédiens et descendre le seuil à 80 ou 75 %. Cette règle est leur agents,poussant ainsilaproduction versun aussipossibleavec lesaidesrégionales.Le nom - accroissement de sa qualité. En baissant ainsi le bre de films sur lesquels cette situation existe, niveau des rémunérations fixes, et si celles-ci etlescréditspublicscorrespondants, ne sontpas s'établissent dans unefourchetteplus resserrée, connus.D'où la nécessaire transparence.Un cour - elles seront moins déterminantes pour les co - rier a été adressé en ce sens le 23 mars 2013 à la médiens. Cela fait mécaniquement monter le Cour des Comptes. poids du scénario. L'atout est maintenu jusque Corollaire : dans le cas d'un comédien qui souhaite maximi - Bascule des hauts salaires en majeure partie sur ser sesrevenus :ildevrafaire un filmqui marche. une rémunération variable, basée sur un pour - Un film commercial à gros budget et bien distri - centage des recettes brutes. bué n'estpasune garantie.Un bon scénario non Avantage : plus,maislesdeux élémentssontà nouveau des Renforcementdufinancementdesfilmslesmoins facteurs équivalents. bien financés. G Lesproducteurs indépendants peuvent ànou - Deux scénarios sont possibles. veauavoiraccès aux comédiensconnuscarleur A) Les producteurs maintiennent les salaire sera plus accessible, ce qui permettra un hautssalaireset leCNC pourra réallouercessub - meilleur financement et une meilleure exposi - ventions sur les films en ayant manifestement tion des films. besoin Attribuer l'ensemble de l'aide du CNC au pro - B) Si, en revanche, les hauts salaires en - fitdu producteur délégué pour luipermettre de gagés pour la réalisation de ces films sont bais - mieux investir en R&D en échange d'un pour -

AFC hors série juillet 2013 / 26 Le vrai problème ce n'est pas la Convention collective, mais le rétablissement de financements p“lus adaptés au cinéma français d'aujourd'hui, c'est-à-dire d'une meilleure répartition des flux centage minimum du compte de soutien en investissement en R&D. Avec éventuellement financiers et une meilleure attribution des aides du un plafonnement en valeur + périmètre à défi - CNC. Sachant que pour moi, en fait, la Convention nir (premier film exclu). collective fait partie intégrante d'une réforme globale à mener, et qu’une réforme des Réflexion à mener avant la fin du mandat et le plusrapidementpossiblesurlesremontésdere - financements doit être concomitante à l'extension cettes, notamment : de cette Convention collective, notamment G Cartes cinéma illimitées, impactant principa - concernant les obligations des chaînes TV et lement les zones à forte densité de population l'attribution des soutiens du CNC (fonds publics) à et donc les zones où sont projetés en majorité les films de la diversité. des films surfinancés. Sur ce dernier point, je suis G Faireremonter auCNC le nombre d'entrées par d'avis qu'un nouveau critère d'attribution des type d'abonnement de manière à pouvoir fonds du CNC oblige les producteurs à renoncer à constater l'impactdes cartesillimitées sur lafré - leur soutien en cas de rémunération excessive des quentation: unabonné illimité va-t-ilréellement voir plus de films de la diversité qu'un abonné talents et du producteur ou, ce qui est plus non illimité ou qu'un spectateur lambda ? plausible, à changer leur comportement sur ce G Danslesprocéduresd'agrément, inclurelafour - point, en faisant, par exemple, basculer l'essentiel niture annuelle du nombre d'abonnés allant 1 de la rémunération des acteurs en particpation sur fois au cinéma par mois, 2 fois par mois, 3 fois par mois, 4, fois par mois, 5 fois par mois, 6 fois recettes bruts, pour tous les films. par mois, etc., afin de vérifier si les cartes illimi - Benoît Ameil, réalisateur, SRF tées ne sont pas un moyen, pour les réseaux de 15 juin 2013, lors de l'AG de la SRF ” cinéma,de rendre captifau détriment de lapro - duction. G Taxation desrecettesde confiseriesetdesfrais publicitaires au profit du CNC avec reversement aux distributeurs indépendants ?

Lien entre le court et le long métrage Faireévoluerles logiciels debilletteriepour qu'ils puissent inclure les courts métrages pour met - treen valeur la fréquentation du court.Profiter de l'évolution d'Ymagis. Prendre éventuelle - ment en charge le travail de développement pour la miseà jour sur lesfondsdu CN C;lesfonds d'aides àladistributionpourl'avant-programme sont généralement peu mobilisés. Une réaffec - tation temporairepourla mise à jourest proba - blement possible. La transparence, et la réforme qui est son corollaire, est indispensable pour que les partenaires sociaux s'accordent surConvention collective (CC). Si les salaires de la CC API sont trop élevés pour être effectivement respectés La Dinde marinée de Benoît Ameil par le SPI, les syndicats signataires de la CC API ne l'admettront qu’après la mise en œuvre de ces réformes et des mesures de transparence I inhérentes.

27 / juillet 2013 hors série AFC Ici et ailleurs Caroline Champetier , directrice de la photographie, AFC

e qui blesse profondément danslasituation actuelle, Un phénomène nouveau s’est fait jour, celui du coup gagnant c’est l’éclatement du corps social spécifique du ci - comme si le cinéma devenait la Française des Jeux. L’idée de néma, comme si cette époque assez inventive des l’œuvre, donc celle du cinéaste/artiste qui revient à l’ouvrage années 1980/90, qui a vu l’émergence d’un nouveau tous les trois ou quatre ans, n’a plus intéressé grand monde, cinémad’auteuràla suite de la Nouvelle Vague,n'était nousavionsété tropgâtés parcette vaguenouvelle et ses pre - en faitqu'un vaste malentenduet avaitabouti,àpartir des an - miershéritiers… Toutlemondes’est mis à écrireoufaireécrire nées2000,à une période ou cetteinventivitédecontenu etde unscénario, àréaliseraumoins unfilm (le film warholien)et le fCabrication était utilisée cyniquement par desforcesobscures premier film est devenu la première communion ou la bar- et contradictoires. mitsva des plus jeunes.

Nous avons tous en tête pour l’avoir vue et revue la photo de Pendantcetemps-là,en Argentine,au Mexique,en Thaïlande, JLG poussant RaoulCoutard, Caméflexenmain, sur une chaise en Israël, en Roumanie, des films extraordinaires voyaient le roulante à l’époque d’ Aboutdesouffle (on refuse absolument jour avec des budgets 10 à 100 fois inférieurs à ceux pratiqués d’y voirunsigne prémonitoire). C’est une des images qui signe en France, grâceà uneadaptabilité queseullecinéma provoque le mieux l’évidence, la vitalité, l’inventivité du couple réalisa - et parce que ces pays avaient furieusement besoin du cinéma teur/opérateur. Ces ci - pour faire le point, se néastes révolution - comprendre et avan - naires ont déclaré ne cer. Ces films ne sont vouloiravoir qu’unseul parfois pas montrés interlocuteur à l’image, dans les territoires qui ce pli a été pris dans un lesnourrissent,ilstour - cinéma quise fabriquait nent dansdesfestivals, tout à fait différem - tels des enfants sur un ment etavec beaucoup manège, ils ont plus de moyens, au quelques écrans en grand dam de techni - France, parfois ce sont ciens qui revendi - des succès. Il nous ar - quaient, sans doute à rive d’être ébahis par juste titre, l’existence leur force cinémato - d’équipes plus lourdes. graphique, politique, Rappelant cela, on se par les acteurs qu’ils demande forcémentde Soigne ta droite de Jean-Luc Godard, image Caroline Champetier découvrent.Lesqueues quel côté on se serait s’allongent devant les trouvé, histoire d’âge, de trajectoire, d’appartenance à une cinémas, les distributeurs et les exploitants se réjouissent de tendance, de choix artistique, économique aussi. la perspicacité du public… Il n’en reste pas moins qu’à cette époque les cinémas, les réa - Toujours pendant ce temps-là, les studios américains ont dé - lisateurs, les techniciens, les modes de productions coexis - cidé d’économiser 20 milliards de dollars en basculant de la taient et surtout les films existaient sur lesécrans, ils n’étaient projection argentique à la projection numérique, comme un pasmorts-nés avant qued’être tournés, ilyavaitune espérance château de cartes ; la production des images du monde entier absolue dans le système mutualiste que l’Etat français avait en été bouleversée et le secteur des laboratoires argentique mis en place pour le cinéma au sortir de la guerre. anéanti… Beaucoup denos collaborateurs historiquesontété Il y eut, en 1948, des manifestations massives pour la défense mis au chômage avec une brutalité sidérante. Nous avons dû du cinémafrançais (contrel’importationmassive de films étran - apprendre à utiliser de nouveaux outils, les prestataires sont gers…)où défilaient ensemble,desréalisateurs reconnus,des devenus nos profs en plus d’être parfois les médecins de nos ouvriers syndiqués,des producteurs etdes acteurs,ouides ac - images, leProRes nous a fusilléleregard, leRawa fait rage, les teurs.* capteurs à filtres de Bayer ont gagné la bataille, Sony rafle la Cettecoexistenceétaitenquelquesortel’exception(sansdoute mise, adieu Penelope… protectionniste)ducinémafrançaisenEuropeetdanslemonde. Commentsefait-ilqu’une cinquantaine d’annéesaprès,cette Et pendant que tout cela mettait sens dessus dessous l’éco - exception soit devenue ce champ de mines (antipersonnel) nomie du cinéma mondial et peut-être plus que l'économie, qui fait s’affronter aujourd’hui des réalisateurs à d’autres réa - en France, deux syndicats de techniciens, enfin réconciliés, et lisateurs et à des techniciens, des producteurs à d’autres pro - quatresyndicatsdeproducteursjouant aux chaisesmusicales ducteursetsurtoutauxtechniciens,destechniciensà desréa - négociaient, au rythme de la tortue, une Convention sociale. lisateurs et à des producteurs, bref le chaos. IL fautque cette Convention, dont l’annonced’extensionaura Comme n’importe quel territoire paradisiaque, cette coexis - provoquétantdemalentendusetd’alertes,soitaussi lesigne tence a été prise d’assaut et pillée, souvent avec inconscience, de notre détermination politique à défendre l’exception I parceuxquienbénéficiaient,touslesréalisateursontvouluêtre culturelle. desauteurs,touslesauteursontvoulufairedessuccès,tousles producteurs ont voulu être à l’origine de succès, tous les distri - buteurs et les exploitants n’ont plus voulu que des succès. * Histoire de la production cinématographique française Dit comme cela, ça paraît absurde, mais c’est absurde… par Alain Tyr et Francis Gendron / Label vidéo - Ciné plus

AFC hors série juillet 2013 / 28 Pourquoi faisons-nous ce métier ? François de Morant , chef opérateur du son, ASFI

’est tout simplement un métier que Car à quoi sert une Convention collective j’aime parce que je me sens comme un étendue ? contrebassiste d’un orchestre. G A une amélioration et/ou finalisation des J’exécute une œuvre d’un opéra et je stipulations du Code de travail en matière de suis content d’être l’interprète conditions de travail ainsi que des garanties exécutant qui exprime son talent sous la sociales des salariés. direction du chef d’orchestre (le réalisateur). Ce G A une organisation de certaines dCernier en est très souvent le compositeur. réglementations spécifiques relatives aux Moi, ce qui me plaît, c’est de faire partie d’un secteurs où les dispositions du Code du travail orchestre (une équipe) et de travailler avec tous demeurent vagues. ses membres (du producteur au stagiaire). Mais G A fixer des dispositions plus favorables que il s’agit d’un opéra un peu particulier. La celles stipulées par le droit commun. particularité de l’exécution de cet opéra est que nous avons tous une trame musicale, mais que Alors, soyons adultes, acceptons les règles que la partition va s’écrire pendant l’exécution de nous adapterons si nécessaire dans l’intérêt de l’œuvre. Ce sont tous les intervenants à sa toutes les parties. Déjà faire un film n’est qu’un construction/réalisation qui en donneront la tissu de contraintes. Truffaut disait : « Je ne fais couleur (pas mal pour du son !) pas des films, je sauve des films », et il n’y avait Alors, est-ce que mon salaire va mettre en péril pas de Convention collective étendue ! (Il le fait de monter ce type d’opéra ? (N’oublions arrachait lui aussi des pages de son scénario.) pas que je suis un des modestes contrebassistes de Prenons la convention collective étendue qui l’orchestre.) régit le parcours du soleil, elle est Est-ce qu’une Convention collective, qui cadrera malheureusement immuable et non négociable, le fait de pouvoir vivre de mon métier sans me il finira toujours par se coucher puis se lever. battre à chaque fois, empêchera de monter Prenons la Convention collective étendue de la l’œuvre du chef d’orchestre compositeur ? biologie humaine, elle l’oblige à respirer, voir N’oublions pas qu’une Convention collective même dormir ou manger et je ne parle pas du étendue permet, au-delà de poser un cadre reste. Même si ce n’est pas gratuit. juridique sur les conditions de travail de chaque exécutant, de mettre les producteurs sur un Enfin c’est dingue, ça empêche la diversité ! A pied d’égalité. ce que l’on dit, cela empêcherait la fabrication Ce sont des règles et les règles, c’est marrant, d’un certain nombre de films… Je suggère une on n’aime pas ça ! pétition pour interdire au soleil de bouger et C’est curieux si l’on observe pourquoi on n’aime aux techniciens de manger, dormir et respirer. pas ça, c’est toujours pour être moins-disant par Je cite : « Quelle que soit la légitimité du point rapport à la règle et jamais le contraire ! Tout ça de vue de l’auteur, son œuvre ne peut justifier noyé dans des propos d’atteinte à la créativité des conditions d’emploi aléatoires, dépréciées, et liberté d’expression, voire même d’atteinte à avec comme seule règle la loi du plus fort. la diversité ! Opposer la création aux équipes c’est aussi réduire les collaborateurs artistiques uniquement à une variable économique. Si tel devait être le cas, alors rien ne justifie ce " Far West " social. Bien au contraire, si le cinéma adopte les travers des autres secteurs économiques, alors il doit être régulé au même titre que les autres. » Nous voulons donc tous, manger, respirer, dormir, aimer de nos métiers. Nous voulons une Convention collective étendue que l’on peaufinera tous ensemble avec le temps, parce que nous sommes un métier d’équipe. Ce sera la garantie qui nous permettra enfin de nous consacrer (tous ensemble) à notre I créativité.

Les Petits princes de Vianney Lebasque, son François de Morant

29 / juillet 2013 hors série AFC Choqué ! Rémy Chevrin, directeur de la photographie, AFC 20 juin 2013

Convention collective : un mot qui semblerait devenir tabou presque grossier dans l'industrie cinématographique. Mais de quoi parlons-nous ?

e droitessentieldutravail,commedes droits Alors oui, nous devons mettre en place une CC respec - de l'homme, comme l'ensemble des droits tant chacun dans l'exercice de son travail. que l'on peut attendre dans une société bien Je reconnais que cette CC a mis du temps à se mettre en éduquée.Je viens d'une familleoù ilaététou - place et qu'elle est complexe à déchiffrer mais elle a le jours question de l'humain, de ses droits, de mérite d'avoir rassemblé des années de travail et de son droit au respect et à l'écoute. connaissancedela fabricationdes films sans renierletra - Et j'aime l'idée d'être le prolongement de mon éduca - vail de quiconque et c'est de cela dont il est question. tDion, de ce que j'ai appris et pense avoir retenu, non Cettezonedenon droit que d'aucuns aimeraientvoir per - comme une leçon de morale mais comme une leçon durer est inacceptable. Et tant qu'un cadre légal ne sera d'écoute de tolérance et d'humanité... et là, depuis pas mis enplace, il sera impossiblederétablir uneéquité quelques temps, il n'est plus question que d'intérêt per - desfinancementsdesfilmsetla répartition sinébuleuse sonnel, de pouvoir et d'ego. De dictature de la pensée. de ses financements. Et je suis CHOQUE. Cette Convention collective est perfectible sur certains Choqué que les institutions qui régissent le droit du tra - points mais elle a l'avantage d'exister pour plus de jus - vail dansnotrepays puissent êtrebafouéespar quelques tice dans notre profession. Pour les films et pour les réa - putschistes. lisateurs comme pour les techniciens : une fois mise en Choqué que l'on mefassela morale sur lesengagements place, naturellement, les vrais questions sur le finance - que je devrais tenir pour exercer mon métier avec pas - ment, les RNPP (recettes nettes part producteur) , la ré - sion. gulation seront débattues et solutionnées car nos mé - Choqué que l'on nous donne des leçons d'attitude etd'en - tiersseront exercés dansun cadre légal.J'y tiensd'autant gagementquand nousy laissonsnotresantéetnotrevie plusque depuisvingtans,le cinéma que jedéfendsetqui de famille. m'anime est celui qui est si mal financé. Et que je veux Choqué que l'onpuisse traiter les techniciens et ouvriers qu'il existe avec plus de force et qu'il soit reconnuencore du cinémafrançaiscomme lesfossoyeurs du cinémaalors plus comme la vitrine de ma passion. que nous sommes les plus forts soutiens d'un cinéma Alors partageons tous cette passionavecéquilibre : c'est sous financé depuis tant et tant d'années, soutien par de cela dont il est question... notre engagement, notre passion, nos efforts perma - nents techniques et humains, notre implication univer - « La culture est faite de tout ce qui permet à chaque sellement reconnu, nos méthodes enviés de raisonne - homme d'éprouver et de manifester sa solidarité avec ment et d'esprit artistique. les autres hommes de tous les temps et de tous les lieux. Choqué que l'ontire àvue sur une profession qui,année Et celaaudelà de toutes les opinions, de toutesles confes - après année,doit se battrepour quel'on reconnaisse son sions, de toutes les philosophies. En un mot au delà de implication, son savoir-faire, sa qualité de transmission toutes les différences. La nonculture, c'est l'indifférence envers les nouvelles générations. et l'égoïsme. » Choqué par lepeu dereconnaissance sur notredémarche Sachons bien se placer et éviter les égoïsmes de I artistique et créatrice, bienplusengagée que parla tech - certains... nique qui n'est bien évidemment pas notre unique mo - teur. Choqué que l'on tente de ramener notre travail à de la technique pure alors que tout notre travail tend vers le ressenti, l'organique, le charnel, l'émotion, le JUSTE. Choqué quel'on considère mon travail commeun métier banalisé où je devrais payer pour exercer mon hobby et remercier que l'on me fasse travailler. Choqué d'un déséquilibre de plus en plus marqué dans les budgets des films. Choqué que l'on neparle pasREELLEMENT desbudgets de fabrication " over " et " under the line ". Enfin choqué par tant de haine déversée par certains sur ceux qui accompagnent la fabrication des films avec passion. Grand départ de Nicolas Mercier, image Rémy Chevrin

AFC hors série juillet 2013 / 30 Convention nationale 21 septembre 1792 - 26 octobre 1795 Pierre Schoeller , réalisateur, SRF

n cetemps,on débattait aussi d’uneConvention,plus pré - cisément, on y débattait. Cette Convention nationale comptait 749députés élus ausuffragedirect, pourla pre - mière fois dans l’histoire de ce pays, la distinction entre citoyen actif et passif ayant été supprimée. La Convention siégera du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795. Trois années pendant lesquelles fut abolie la royauté, proclamée lEa République une et indivisible, élaborée et votée une nouvelle constitution, une deuxième pourlaFrance. LaConstitutionde 1793. Elle ne fut effective que quelques mois. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer quelques articles :

Art. 23 La garantie sociale consiste dans l’action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droit s; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

Art. 29 Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.

Art. 34 Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Art. 35 (et dernier) Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Napoléon d'Abel Gance. Photogramme choisi par Pierre Schoeller Par ailleurs, et sans cesser de “rechercher un possible Voilà ce qui s’est dit, ce qui s’est pensé, ce qui s’est décidé d’un compromis, n'est-il pas temps de commun accord en juin 1793. se poser la question de Onlesent,on sel’avoueplus ou moinsaujourd’hui,cetteConven - l'engagement syndical (oui je sais, tion collective nous oblige à repenser nos pratiques. À redéfinir notre rapport à l’économique. Pourquoi la discussion est-elle si cette idée même, pour de violente ? Si dramatisée par quelques-uns ? Pourquoi cette amère multiples raisons, révulse impressiond’un débatconfisqué ?D’uneécoutefermée par lesar - beaucoup d'entre nous), je veux guments de la peur ? Comment se fait-il que la transparence des coûtsde productionsoitun animalimaginairedonttoutle monde dire n'est-il pas temps de nous parle mais que personne n’a rencontré ? Qu’est devenue la belle (ré)inscrire tous au syndicat, à intelligence de nos collaborations mutuelles ? travers une campagne active, en Faut-il qu’un cinéaste redevienne un paria ? Ou un tyran, fragile, emmenant avec nous les autres suspendu à un numerus clausus, ou coincé par un plafond budgé - associations (monteurs, son, taire ? C’est cela l’alternative ? Je m’y refuse. Et j’en parle avec Denis, et j’en parle avec Laurence, déco, etc.) et en étendant cette avec Julien, avec Aurélie (qui n’est pas ministre), avec Jean-Pierre, campagne d'inscription à tous les avec Bénédicte, avec Jacques, avec Pascale, avec Alain, avec Caroline, j’en parle, et si on inventait un outil, un rapport de force " below the line " que nous pour limiter les hauts salaires des comédiens, et réinjecter le connaissons. différentiel là où ça manque, là où ça souffre. Une idée parmi I Denis Lenoir, directeur d’autres. de la photograph”ie, AFC, ASC, 20 juin 2013

31 / juillet 2013 hors série AFC Le fond de l'air est gris Pascal Lagriffoul , directeur de la photographie, AFC La Convention collective, qui sert de référence à l'organisation de notre travail, est menacée. Des négociations entre les représentants de nos professions sont en cours, certains réalisateurs se sont exprimés contre cette Convention, des producteurs demandent à la renégocier, les pouvoirs publics vont devoir arbitrer... Chacun va devoir s'exprimer, donner son sentiment, voici le mien.

epuis quelques temps déjà les conditions de tournage sesont tendues(négociationdessa - laires, durée et conditions de tournage, etc.) surlesfilmsde moyen etpetitbudget,nousas - sistons à l'écartèlement de notre système. Je ne parle pas ici des règles de l'intermittence qui se sont, elles aussi, durcies et dont la renégociation est à venir... JDe veux vous signaler deux films sur lesquels j'ai travaillé récemment. Un film sur lequel la Convention a été appli - quéeetun autre où nous, techniciens, acteurs, réalisateur, avons consenti des efforts importants (sur les salaires, la durée du tournage, etc.). Le premier étaitfinancé norma - lement, lesecondfait partie desfilms dits fragiles, quel'on appelait il n'y a pas si longtemps films d'auteur, dont le budget est (trop) réduit. Le Temps de l'aventure de Jérôme Bonnell, image Pascal Lagriffoul Ceci vous indique ma situation professionnelle. Je fais, comme de nombreux chefs opérateurs, des films diffi - budget du film sous le nez, que leurs envies ont été pas - ciles, sur lesquels je ne suis pas payé au niveau du salaire sées à la moulinette et qu'ils voient cette masse salariale de référence fixé par la Convention. Si je m'engage sur qui prend quasiment la place qui reste.... la seule solution ces films, c'est parce que je veux qu'ils existent, il en va semble êtredediminuer cettesommepour faire lefilmou du renouvellement du cinéma, il en va de la trajectoire et pour sepréserver un espacedelibertéou d'improvisation. du compagnonnage que j'ai avec des réalisateurs, il en Cela devient si difficile de faire un film que je peux conce - va de mon envie de liberté et d'expression artistique. Je voirune forme d'amertume, de frustrationet d'inquiétude peux accepter les conditions d'un film difficile et sous-fi - pour lesannéesàvenir. Je ressens àchaque foisque cette nancé si je fais aussi un film payé normalement. Si demain " transparence " réelle ou partielle est une fausse bonne on réduit les salaires de référence, il sera pour moi plus idée.La négociation dessalairesest en balance avec l'élan difficile de le faire. artistique du film et nous nous retrouvons dans une si - Selon moi, sur les films dits fragiles, il faut continuer à tuation difficile vis-à-vis du réalisateur. pouvoir comparer les propositions des productions aux Il est impensable de casser la séparation entre le rapport salaires et aux conditions de tournage définis dans la artistique au réalisateur et le rapport à celui qui est notre Convention collective et il faut, bien sûr, limiter ou inter - employeur, le producteur. L'application, ou la référence dire cette décote pour les petits salaires. à la Convention collective, me permet de m'investir sans Il me semble que le problème doit être envisagé dans sa réserve dans le film et de renforcer l'idylle du couple na - globalité, dans sa complexité. Je n'ai pas la prétention turel que doit former le chef opérateur et le réalisateu r! de saisir tous les éléments de l'économie du cinéma, je A l'inverse, en cas de conflit, de tournage difficile ou ora - me réfère à mon expérience. Je constate que les films geux, l'application de la dite Convention protège tout le d'auteurs ne sont plus ni financés, ni distribués. Je vois monde, limitant les abus et les dérapages. aussi que les films à gros budget sont toujours à gros bud - Il ne faut pas engager le conflit avec les réalisateurs, nous get, toujours plus gros peut-être et de plus en plus mas - avons tous et tout à y perdre. sivement distribués. Dressons un tableau objectif du fi - Je frémis à l'idée que le dernier bastion à abattre pour nancement des films. continuer le rêve, le dépassement, le déraisonnable, in - Ce que je veux vous dire, c'est qu'il n'est pas acceptable dispensables dans le cinéma, puisse être pour certains de mettre en balance le salaire des techniciens et la fai - notre Convention collective ! sabilité des films avant de se poser d'autres questions Si nous acceptons une convention au rabais, sans s'at - essentielles. taquer aux problèmes du financement et de la diffusion Je vois que les réalisateurs sont sur le terrain du désir de des films, je suis convaincu qu'il faudra se reposer les faire des films. Nous sommes, nous chefs opérateurs, char - mêmes questions dans deux, trois ans. Se feront alors gés d'accompagner ce désir, de le transformer en travail. des films plus difficiles encore, où l'on pratiquera de nou - Sur les films que l'on veut défendre dans ce débat, on veaux moins vingt, trente ou cinquante. Il sera toujours constate depuis quelques années que ce désir, qui est la possible de contourner les règles. source, conduit nombre de réalisateurs à accepter des Alorsque fera-t-on? Appliquera-t-onune nouvelle recette conditions detravail (écriture, préparation, tournage, post qui n'aura pas marché ou se posera-t-on enfin les bonnes production) et de salaire précaires. Quand on leur met le questions ?

AFC hors série juillet 2013 / 32 L'argent des salaires, le travail de l'équipe, sont aussi la valeur d'un film. Quelle valeur nous accorderions-nous si nous acceptions de rendre définitive cette descente ? Je ne crois pas non plus que ce soit le meilleur cadeau à faire aux jeunes techniciens qui aspirent à prendre leur place dans ce métier. Ils seront croqués au mieux à ce nou - Un mot juste veau tarif ou se verront proposer un tarif encore plus bas que celui qui sera devenu la norme. Je dis cela car c'est un argument qui a été évoqué pour justifier une renégocia - Michel Abramowicz, tion à la baisse de la convention. directeur de la photographie, AFC Dernier point, c'est pour moi difficile à accepter, mais symptomatique, de voir que dans notre métier on pose ce principe qui montre partout sa nocivité : réduisons les ébayérisation... Codex... 2K... 4K... 8K... salaires des gens qui travaillent pour adapter la produc - Protosite... CMOS... Color Management tion. De ce point de vue, nous sommes comme les autres System... LUT ... Natif... Resizing... Bit... salariés de ce pays. Regardons ce que ceux qui ont ac - LTO... Cassette Data... Data Management... cepté ce marché sont devenus. Le cinéma est forcément Workflow... Log C... dans la société. Moi je veux que nos métiers puissent être une référence sociale plutôt que d'épouser le sinistre mou - vement du libéralisme économique. D L'économie du cinéma est une économie sous tutelle pu - blique, tout le monde a salué la sauvegarde de l'excep - tion culturelle, cela doit permettre de développer la créa - tion, la production ET de maintenir les conditions de travail et de salaires. Faisons les états généraux du cinéma, regardons où va l'argent public et privé, soyons collectifs dans les débats, les décisions et les négociations à venir comme nous le sommes sur le plateau. Il faut parler des films que l'on veut faire, des méthodes de travail, de nos envies artistiques et techniques, des moyens de tournage et de diffusion que le numérique a changés, allons au bout de cette mu - Capitaines d’avril de Maria de Meideros, image Michel Abramowicz tation. Sûrement faudra-t-il changer des choses. Je pense par exemple que la journée de travail à la française, avec ses horaires à la carte, est souvent inadaptée sur beau - J’ai été ravi de quitter ces expressions numériques pour coup de films. Je crois aussi que les chefs opérateurs doi - partager d’autres interrogations et d’autres réflexions et vent être plus associés à la préparation, surtout, para - les replacer au centre de débats, comme les doxalement, sur les films les moins financés, pour trouver photogrammes qui représentent les films pour lesquels les solutions de tournage les plus économes. Soutenons on s’engage, et les hommes et les femmes qui les " petits films " à la diffusion pour qu'ils rencontrent s’expriment dans le hors série de La lettre. Souhaitons leur public. Demandons-nous comment faire de " gros qu'il ne soit qu’un début, en espérant que cela ne soit pas «juste un mot mais plutôt un mot juste » afin de films " ambitieux sur le plan artistique. Imaginons des fi - I lières pour soutenir les jeunes réalisateurs, techniciens, mieux travailler ensemble... acteurs, producteurs... 5 juillet 2013 Je ne suis pas capable de définir ce chantier intégrale - ment, chacun doit y aller de son idée mais j'espère avoir été plein d'espérance malgré mon dépit récent de nous voir si mal engagés ! Ma certitude est que le combat contre les réalisateurs est I la pire des voies à emprunter.

33 / juillet 2013 hors série AFC Lettreàun(e)jeunetechnicien(ne) Bénédicte Kermadec, scripte, LSA Paris, le 28 juin 2013

’entre dans la bataille qui fait teaux par les anciens, généreux dans la rage, sans bannière et sans ar - transmission de l’expérience et des sa - mure autre que la joie qui voir-faire etsoucieuxde laréalitésociale. m’anime depuis toujours à par - J’aiapprisen mêmetempsl’infini champ ticiper à la fabrication des films, du langage cinématographique et l’ab - à la placequiest la miennedans l’équipe solue nécessité du champ social. de tournage : celle de scripte. Alors je tiens à mon tour à te dire que le J’y entre, dépassant la retenue habi - cinéma, cette industrie de la création, tuelle qu’il convient de garder, à tort ou ne peut se passer de ce double impéra - à raison, pour ne pas risquer d’être " tif : l’industrie du rêve ne peut se per - rayée des listes " sur un prochain vertir en mystifiant les rapports de dé - contrat. J’ose prendre la parole car je pendance de ses travailleurs salariés. pense àtoi, jeunetechnicien(ne), quidé - Elle y perdrait son âme, sa force, sa L'Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller, couvre brutalement la violence de la beauté. Oui, tu mérites d’être re - scripte Bénédicte Kermadec "grande famille ", ou qui constate avec connu(e) dans tes responsabilités pro - effroi, au fil de tes premières expé - fessionnelles. Nombreux sont les créateur(trice)s, riences professionnelles, que ton futur auteur(e)s, quinecreusent pas detran - se perd dans les ténèbres du doute et chées mais élaborent au contraire les des interrogations multiples. ... Le système nous ponts nécessaires à notre avenir com - A toi à qui on voudrait faire porter la mun, forcément collectif. mort du cinéma français, la disparition veuttristesetilnousfaut Denombreux"plansdetravail"nousat - des " films de la diversité " (sic). arriver à être joyeux tendent. Nous saurons les mettre en A toique l'on rend déjà coupableetà qui œuvre, avec détermination, sans peur l'on demande déjàde pallierlesdifficul - pour y résister ... etsansreproche,pourélaborerensem - tés financières des films sous-financés. Gilles Deleuze blelesjustessolutions,dansl'extension A toi à qui on voudrait faire croire que des droits sociaux et sans exclusion. ton travail n’en est pas un, mais plutôt Ainsi, et pas autrement, se poursuivra la déjà longue histoire du cinéma et de une participation à un événement su - I périeur qui te détacherait du continent sa fabrique. du monde social, du monde du labeur, Oui, tu peux échapper à la malédiction ett’emmènerait sur l’île paradisiaqueet du jeune technicien sans salaire et sans PS : En réponse aux allégations vierge de la création. droits en échange du seul " prestige " concernant de prétendus salaires Entendons-nous bien. La confusion est que lui donnerait sa participation pro - exorbitants, Les Scriptes Associés ont telle que tu pourrais perdre le nord, ne fessionnelle. mené une étude sur la réalité de leurs sachant plus à quels patrons te vouer : Oui, tu peux espérer"grandir "sans être revenus. Menée en interne, elle a permis producteur(trice)s qui jouent leur rôle mis" en concurrence économique" avec de récolter des données sur 4 ans entre et face à qui tu dois imposer le respect l’éternel vivier de " nouveaux jeunes " 2008 et 2011. L’échantillon, de 34 deta jeunemais hautequalification, ou taillables et corvéables à merci. membres sur un total de 70, confié à un réalisateurs(trice)s, capitaines de nos Oui, tupeux échapperàl’engrenagedes statisticien, a paru suffisamment navires qui dépendent pourtant du tra - pratiques illégales proposées avec représentatif pour donner lieu à une vail collectif de leur équipage. Car ces " distraction ". analyse. Les chiffres qui s’en dégagent embarcations, frêles esquifs oucolosses Cela s’appelle le code du travail, cela s’appuient sur des salaires versés à la navires, en eau douce ou en flots dé - s’appelle une Convention collective semaine. A l’échelle hebdomadaire ces montés, nécessitent, à moins d’un na - étendue, cela s’appelle un état de droit salaires peuvent paraître importants, vigateur solitaire, des coéquipiers à qui nesaurait confondrel'exception cul - mais répartis sur l’année ils sont loin toute épreuve. turelle avec une exception antisociale. d’être excessifs, compte tenu de la Et tu le sais puisque tu as choisi cette Ancienne," installée " dans laprécarité, nature discontinue de l’emploi et des voie, incertaine en météo, imprévisible je tiens à dénoncer la violence de cer - responsabilités propres à nos métiers. en ces escales, mais te trouves prêt(e) tains propos à notre égard, la brutalité Ainsi ces chiffres font apparaître, pour ce à en braver tous les dangers. des assauts, la défaite de la pensée dia - poste de cadre (diplôme de La fémis N’exagérons rien, nousne sommespas lectique face aux vrais enjeux. BAC+5), un salaire mensuel médian* de des guerrier(e)s et j’en abandonne la Au nom de l’art, je t’assure d’un autre 1500 euros. posture. discours du sensible, qui te fait place, Nous ne sommes que des hommes et qui assumeet dépasseles contradictions *Salairemédian : salairetel quelamoitié des femmes aux métiers exigeants et érigées aujourd’hui en barrières, et qui des salariés considérés gagne moins et nous n’avons pas ànousexcuser de vou - reconnaît qu'un film, grand ou petit, se l'autre moitié gagne plus. loir en vivre. construit avec tous ceux qui travaillent http://www.lesscriptesassocies.org/sites/ Lorsque j’ai démarré ma vie profes - au " comment fair e" et au "pourquoi default/files/Analyse%20statistique%20des%20 sionnelle, j’ai été accueillie sur les pla - faire ", jour après jour. revenus%20des%20scriptes.pdf

AFC hors série juillet 2013 / 34 Le Titanic sans orchestre Pierre-William Glenn, directeur de la photographie, AFC, réalisateur, ARP

ije suismembrede l’ARP, c’est parce que je nesuispas tions de haine ordinaire et de mépris proférées à l’encontre membre de la SRF : j’ai produit mes films, donné des des techniciens, des habilleurs, des maquilleuses, des électri - garanties bancaires, payéles dettes quandil y enavait ciens et des machinistes qui, c’est de notoriété publique, sont et… A écouter les plaidoyers déchirants sur les films tous riches et nantis. Et qui demandent en plus une Conven - qui n’auraient pas pu se faire si… J’ai enfin compris tion collectiveuniqueetlerespect du codedu travail ? Comme ma profonde bêtise : si je ne m’étais pas tenu à payer des sa - s’il était nécessaired’assurerleurs qualifications etleursavoir- laires légaux à mes salariés, j’au - faire qui ont toujours fait la ré - rSais fait deséconomies… Et mes putation ducinémafrançaisdans films, petits, moyens et gros au - le monde ? raient coûté moins cher… La Comme Didier Diaz le disait ré - belle affaire que de découvrir cemment aux dernières ren - qu’un filmcoûte moinscher sion contres de la CST : « Je dissuade ne rétribuepasles gens quiytra - les producteurs qui viennent vaillent !!! me voir en me disant : " Je n’ai Finalement, je suis très content, pas d’argent " de faire du ci - fier d’être à l’ARP parce que néma ». commePierreSchoeller,comme A moins de faire des films tout BernardCampan, j’aurais démis - seul, sans rétribution aucune, sionné après la triste manipula - pour "l’ar t"… Et c’est évidem - tion qui vient de se produire à la ment possible avec le " numé - dernière AG de la SRF : 215 vo - La Nuit américaine de François Truffaut, image Pierre-William Glenn rique".Pour moi ettantd’autres tants dont160" nouveaux " dans qui ont toujours trouvé leur bon - les deux jours qui précèdent cette AG... heurdans la créationcinématographique, grâce à untravail de J’espère simplement que ces mœurs d’un autre âge, que ce collaborationet dans l’exaltationdupartage des expériences, manquededécenceet dedignité nese produira pas chez nous. cette possibilité revient à mourirdans les "eaux froides ducal - Je soutiens, sans réserve, l’équipe actuelle, le bilan de Michel cul égoïste " et… sans public… I Hazanavicius et espère ne pas avoir à entendre ici les déclara - Le Titanic sans orchestre…

Les producteurs qui ne veulent pas payer abusent du désir de l'autre. Un film est un lieu “de désir puisque nous sommes tous en train de créer. Le salaire est notre meilleur rempart pour nous protéger du désir de l'autre. Nous faisons le film d'un réalisateur pour qu'il s'exprime au mieux, pour lui permettre de rendre accessible au public sa vision, nous sommes dans son désir de film et le producteur devient propriétaire de ce film. L'Anglaise et le Duc d'Eric Rohmer, Image Diane Baratier Mais nous, à la fin du tournage, il ne nous reste plus que notre paie en contrepartie de tous les dons et sacrifices consentis pour le film, c'est-à-dire pour eux. Voilà des lieux communs dont nous sommes tous conscients. Diane Baratier, directrice de la photographie, AFC, 23 juin 2013 ”

35 / juillet 2013 hors série AFC La règle du jeu Eric Gautier, directeur de la photographie, AFC

e dois dire que je suis assez atterré par la tournure des évènements, et de l'opposition réalisateurs- techniciens qui sedessine.Il enresteradorsetdéjà des traces indélébiles. Je ne comprends pas cette guerre fratricide,nos intérêts sont lesmêmes.J’ai toujours fait des films pour les réalisateurs. Je pense que la question qu’il faut se poser est : qu’est-ce qJu’être producteur aujourd’hui?Est-ceque produirec’est faire le tour humiliant des " guichet s" (avance, subven - tions,aides, télévisions, prix…), et revenirforcémentdéçu, voire bredouille ? Alors, ces producteurs, ils font croire qu'ils pourront tourner un film de 6 millions d'€ avec seu - lement 2, à condition de soumettre les techniciens, ou de prendre n'importe qui acceptant leurs conditions. Il y a vraiment du mépris pour nous. Ils partent sous-financés etne veulentpasprendre de risques.Il fautdire aussique ledésengagement deschaînespubliquesetde Canal+ pour Après mai d'Olivier Assayas, image Eric Gautier lesfilmsintéressantsestdésastreux.N’ya-t-ilpas d’autres alternatives à inventer ? Vers le privé (comme aux Etats- Pourtant, nous sommeshabitués à fairedes concessions, Unis, ou en art )? C’est la clef du débat sur nos salaires. àêtresouples, àtravaillerauforfait sans tenircompte des Il y a un mot qui a quitté notre vocabulaire ces dernières heures de nuit ou de préparation… Mais pas en dessous années : c’est le mot ARTISANAT. Notremétierconsisteà d’un minimum garanti. se battre contre les normes techniques, créer, expéri - Pour le moment, les producteurs se servent de nos divi - menter. Détourner lesoutils,lesréglages standard… Ap - sions (techniciens-réalisateurs) pourmieux régner,enin - porter un regarddifférent,original, personnel.Rendreles sufflant un vent de panique et de menaces à ces réalisa - films plus riches sur l’écran qu’ils ne le sont dans leur bud - teurs, qui se retournent, pour beaucoup, contre nous, get. Il nous faut respecter des plans de travail de plus en comme si on les empêchait d’être libres, alors que c’est plus serrés sur lesquels nous acceptons denous engager. tout le contraire. L’industrie prend le pas, l’argent va de plus en plus vers Et d'autre part, je me sens très mal à l'aise envers les des produits standardisés, et il est de plus en plus difficile syndicats, qui ne s'intéressent pas au cinéma, mais à leurs deproduireun cinéma exigeant. Et pour ces films "dumi - propres combats politiciens. Je hais les dogmes, et j'ai lieu ", pas suffisamment financés, nous devons souvent très peur de leur rigidité. Il faut pouvoir laisser les déplacer des montagnes pour les rendre viables et pré - débutants faire leurs premiers pas (quand j’ai tourné mon server leur ambition. Est-ce que les producteurs savent premier film, La Vie des morts de Despleschin, je n’étais cela ? Même les réalisateurs les plus amis ne s’en rendent pas payé, mais quelle compensation personnelle j’y ai pas toujours compte. trouvé, et quel apprentissage !), faire des films norma - Les producteurs ont changé, ils sont plutôt devenus des lement payés (minimum syndical) avec peu de techni - financiers,sansvrai désir decinéma ni ambition artistique ciens si cela sert le projet... (heureusement il y a encore quelques rares exceptions). Il faut impérativement une règle du jeu qui doit être res - Ils nes’intéressent pas à la fabrication desfilms, et nesont pectée,etquinousrespecte.Et quisoitle pointde départ préoccupésqueparlaréductiondes coûts. Ils neconnais - de toutenégociation,comme cela existaitjusqu’ici.Donc I sent pas notremétier. Ils nous trouvent donctropchers… une convention sociale .

Mon expérience de trois longs métrages et quelques publicités aux USA m’a permis de constater avec plaisir à quel point le chef opérateur est considéré et respecté. Cela ne veut pas d“ire que les autres n’ont pas droit à donner leur avis, mais au moins ont connait le travail de recherche et d’expérimentation de notre métier, et on nous laisse le temps et on attend que l’on parle en premier. Je n’ai travaillé que sur des films dits " indépendants " (je sais bien qu’ils ne le sont pas vraiment), l’équivalent de notre cinéma d’auteur. Ce qui est frappant, c’est qu’en terme de salaire (puisque la reconnaissance passe par là avant tout), si le budget est minuscule, on est très peu payé, si le budget est moyen, on est correctement payé, et s’il est élevé, on est très bien payé. Le salaire est proposé dès l’offre d’engagement, et est toujours honnête (ce qui n’empêche pas les négociations). En France, systématiquement, on nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour nous payer, et ce quel que soit le budget. Avec l’arrière-pensée que le meilleur chef opérateur sera le moins cher…. Eric Gautier, directeur de la photographie, AFC, 8 mai 2010 ” AFC hors série juillet 2013 / 36 Mutation d'une industrie Didier Dekeyser , directeur du Pôle Cinéma, Laboratoire Digimage

n n’ose plus parler de laboratoires depuis la fer - meture brutalede L.T.C.Quelledénomination gé - nérique peut-on utilise r? Peut-être industries de postproduction? Pastrès poétique! Noussommes àlacroiséededifférentsfacteursqui,enunlapsde temps très court, modifient considérablement nos activités.

OLe premier facteur , on ne va pas s’étendre dessus, c’est l’avè - La Sentinelle d'Arnaud Desplechin, étalonneur Didier Dekeyser (laboratoires LTC) nement de la captation et de la distribution numérique. Merci le CNC, pour son aide précieuse… Bref, sans perdre de part de marché, 40 % de chiffre d’affaires tériels étant fortement bradés (le nombre de DCP s’appelant en moins. "easyDCP "au marchédu festival deCannes !).Sans parler des initiatives individuelles sur les rushes (assistants monteurs in - Le second facteur , objetde toutes les discussions,c’estlabaisse tégrant la conversion en DNx36…). du montant des budgets qui implique : G l’arrivée de coproductions étrangères. Souvent plus proches Le dernier facteur c’est la récession violente du marché de la du placement financier que de David O.Selznick, impliquant série TV et de la publicité qui a poussé les acteurs de ces sec - une consommation locale, plus ou moins importante suivant teurs à se rabattre, sur le long métrage. lesschémas.Nous imposant soit demonterdesstructuressur Une baisse des prix importante, moins de prestations par film place,soitd’organiseretsuivre lestravauxhors nos murs,pour et moins de films normalement financés intégralement post - récupérer une partie des prestations. produits sur le territoire national. G l’achat, par de gros groupes nationaux ou filiales françaises Cequiposeunproblème.Pourbienfaire,nousdevonsrecevoir demajors, detous les mandats, distribution, vidéo, vente à l’in - des rushes 24h/24, salarier un directeur technique et sa R&D ternationale…,imposant desconditionsextrêmementbasses, pour mettre en place le " workflow " des nouvelles caméras, ou imposant leur propre structure intégrée. avoir des salles de projection pour vérifier les DCP, salarier des G un nombre d’interlocuteurs financiers – directeurs de produc - étalonneursd’expérience,laformation,delaphotochimiepour tion, producteurs, directeurs de postproduction – sur un film, quelquesfilmsen35,lesshootsetlesreportsoptiques…Cequi multiplié. Les prix les moins chers étant, de fait, généralisés. Et a forcément un coût impactant les prestations. nous ne savons pas toujours précisément la nature des travaux Nous muons lentement vers des sociétés de services, ce qui à effectuer. est positif, la fabrication pure disparaissant avec la photochi - mie. Il faut simplement que chacun, à sonéchelle, en fonction Le troisième facteur ,c’estl’arrivée de nouveauxconcurrents, de l’ambition de son film, évalue l’enjeu artistique et sécuri - souvent hors FICAM, employant un ou deux salariés en CDI taire, au moment de choisir son, ou ses laboratoires. L’enjeu I dans le meilleur des cas. Ne couvrant pas l’intégralité des tra - financier étant suffisamment dominant. vaux nécessaires àla fabricationd’unfilm, mais pratiquant des prix extrêmement bas sur quelques prestations. Certains ma - Montrouge, le 1 er juillet 2013

Toutes les manigances autour de cette Convention nous montrent bien le peu d'intérêt que “représente une œuvre cinématographique aujourd'hui. Nous pourrions être fiers de notre savoir-faire, de nos auteurs, artistes, ouvriers et techniciens, mais on va finir par se sentir coupable de travailler honnêtement payé. […]

Le prochain projet, je dois expliquer à mon équipe que le film est menacé parce qu'il y a un meurtre et Le Grand méchant loup de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine, image Laurent Dailland un viol et surtout que ce n'est pas une pantalonnad e!!! Alors les financiers hésitent. Bref tu as raison, on est dans la merde, mais battons-nous encore pour le cinéma et contre les marges. Autrefois le grand capital faisait du mécénat, aujourd'hui il veut juste faire de l'argent. Pfuuuu !!! Laurent Dail”land, directeur de la photographie, AFC, 11 avril 2013 37 / juillet 2013 hors série AFC De la Convention collective Michel Ferry, réalisateur, ARP

l me semble qu'il faut d'abord remettre les choses en perspective : il est normal et indispensable que la pro - fession soit dotée d'une Convention collective, comme tous les autres métiers. Mais elle doit prendre en compte la diversité des pratiques. Desannées1950jusqu'aux années1990,la Convention collec - tIive s'appliquait, les minima syndicaux étant des minima. Un premier film à un poste était payé au minimum, le second ou troisièmeà10 % au-dessusetainside suitejusqu'à 30 % dans cer - tains cas.Vers le milieu des années 1990 avec,entre autres, l'ar - rivée du numérique et la possibilité de faire des films sans l'as - sise d'un minimum financement, les conditions se sont Petty Crimes - Aller simple pour Manhattan de Michel Ferry dégradéesetsur les dernières années leminimum syndical est les ajustements à faire aux films pour que, encore une fois, les devenu le maximum syndical pour beaucoup et le SMIC une techniciens etouvriersnesoient pas lesvariables d'ajustement pratique, sinon courante, de moins en moins rare. Bref, l'ex - del'absencedes financements attendus. Mais les productions ception est devenue la règle. Pas étonnant, dès lors, que la si - surfinancées ont aussi leur responsabilité en ponctionnant, tuation se soit tendue. voire monopolisant, l'argent des obligations des divers finan - Et l'une des questions (pas le problème) que pose la Conven - ciers pour n'en laisser que trop peu pour les autres films. tion collective est celle du financement de certains films : ce En l'état,la Convention collective,tellequ'elleseprésente,est n'est pas tant combien on paye les gens qui est un problème, une première étape quine sera constructive quesi,d'une part mais de combien d'argent on dispose pour le faire. les demandes sur les dérogations sont entendues et prises en De même qu'il n'est pas normal que les salaires soient la va - compte et quelques passages clarifiés, comme nous sommes riable d'ajustement, il est indispensable de préserver le dyna - nombreux à le demander et, d'autre part si la question du fi - misme et la diversité de création du cinéma français. Malheu - nancement des films de ladiversité estprise en compte.Sur la reusement, des abus ont eu lieu et les plus vertueux ont le question de la dérogation, il me semble que celle-ci doit s'ap - sentiment maintenant defaire les frais dela dérivedecertains. puyersur les financements des films plutôt queleurs budgets. Dans ce contexte, nous avons tous une responsabilité, pro - Enfin,la notion denumerusclaususrestepour nous,cinéastes, ducteurs, réalisateurs, acteurs et techniciens ; lesproducteurs unehérésiequ'il sembleaussi possibledecorrigerà traversces et les réalisateurs, en ce sens où nous ne pouvons pas essayer derniers points évoqués. de faire le même film avec la moitié des moyens de ceux qui Mais neperdons pas devue,encoreunefois, quel'essentiel du ont d'abord été envisagés pour faire le film. Bref, c'est aussi problème résidedans lefinancement des films et profitons de I aux réalisateurs d'envisager, en harmonie avec leurs projets, cette occasion pour y remédier.

Je pense qu'il faut réfléchir différemment, “voire inversement, c’est-à-dire où trouver ce qui manque pour produire ces mêmes films avec la nouvelle Convention... Et c'est cette réflexion que doivent faire les producteurs pour proposer de nouvelles formes de financements, sans se tourner vers nous, techniciens. Grisgris de Mahamat-Saleh Haroun, image Antoine Héberlé On croit entendre les ténors de la macroéconomie mondiale nous expliquer comment revenir aux équilibres, comment relancer la machine face à la crise. C'est-à-dire comment maintenir un système qui a fait la preuve de ses dysfonctionnements alors qu’il nous faut réinventer. Antoine Héberlé, directeur de la photographie, AFC, 18 juin 2013 ” AFC hors série juillet 2013 / 38 Comme une fleur Jacques Maillot, réalisateur, SRF

onc, en fait, on arrive comme des fleurs en ayant réfléchi un petit peu pendant quinze jours, en ayant rédigé un truc, et on le propose à des gens qui ont négocié pendant sept ans. Donc rien que pour ça, on va se faire retoquer. Parce que, si moi j’étais membre d’un syndicat de techniciens, je serais fou furieux quoi, je serais fou furieux parce que, on balaie mDon travail de sept ans, et on vient dire à tous les autres ce qu'il faut faire parce qu’on s'est autoproclamé spécialiste sous le prétexte qu'on a fait deux ou trois films et qu'on a un petit nom... C’est hyper paternaliste, et c’est pour ça que c’est un truc patronal que vous le vouliez ou non, même si vous ne vous définissez pas comme des patrons… (...) La petite souris, si ! Matthieu Poirot-Delpech, directeur de la photographie, AFC 28 juin 2013

rôles d’époques que celles où l’on préfère contester le droit des autres plutôt que de défendre les siens propres, comme si l’on y voyait une relation de cause à effet… En 1980, dans Mon oncle d’Amérique , Alain Resnais filmait deux petites souris blanches enfermées La Mer à boire de Jacques Maillot dDans une cage de métal. Un courant électrique Ensuite, votre texte il a un énorme défaut, c’est qu’il fait traversant la cage venait soudainement meurtrir une photographie de la situation actuelle en disant : les pattes des cobayes. Cette douleur aveugle, « On va la pérenniser ». Or la situation actuelle n’est pas sans ennemi visible, les projetait l’une sur l’autre satisfaisante. Vous entérinez le fait qu’il y a un cinéma à pour s’entre-tuer, par instinct. Belle illustration de plusieurs vitesses, alors que la SRF s’est toujours battue la théorie du bouc émissaire. contre cet état de fait. Sans avoir tout le temps du succès, Il faut espérer que notre cerveau, dit supérieur, forcément, mais en rappelant toujours qu’un film égale un sache un jour distinguer la perversité des autre, qu’un réalisateur égale un autre. Et donc, vous, en mécanismes qui nous traumatisent plutôt que de pérennisant cette répartition des salaires suivant les films, chercher autour de nous la catégorie humaine qui et en les fixant définitivement, en fait, vous, vous faites une pourrait endosser cette responsabilité. photo de la situation présente et vous conduisez à la Vous ne voyez pas le rapport ? I reproduire, ce qui est très dangereux parce que la situation La petite souris, si ! présente est très insatisfaisante. Voilà donc ça, c’est les deux choses principales qui, à mon avis, sont des obstacles à une résolution des problèmes dans ce que vous proposez. Et ensuite, comme le combat n’est pas mené à l'endroit juste, on laisse de côté les combats qu’il faudrait mener. Et je pense qu’il y avait une occasion politique unique avec cette Convention collective, c’était de dire : « Cette Convention collective elle a été votée normalement, elle doit s’appliquer ». Et donc il fallait obliger Filippetti, qui est une ministre socialiste, à dire : « Vous voulez respecter la justice sociale, ne le faites pas au détriment de la diversité, et donc, acceptez de remettre sur la table les vrais problèmes du cinéma et du cinéma indépendant qui sont : l'inflation du nombre de copies pour Hors les murs de David Lambert, image Matthieu Poirot-Delpech les gros films, la répartition inéquitable du fonds de soutien, la non-transparence des recettes des films et l'absence de I clause de diversité pour les chaînes de télé. 15 juin 2013, lors de AG de la SRF

39 / juillet 2013 hors série AFC Synthèseetréflexionsautourdurapportd’étapedumédiateurdelanégociation collective dans la production cinématographique Valérie Champetier, économiste

a Convention collective du 19 janvier 2012 a été étendue dès ce mois de juillet mais son entrée en vigueur est différée au 1 er octobre pour laisser le temps aux organisations syndicales et patronales de revoir les modalités d’application de lL’annexe de l’accord relative aux films dits " à économie fragile ". Cette décision est-elle en accord avec les enseignements et la conclusion du rapport d'étape de Raphaël Hadas-Lebel, publiés le 13 juin dernier ? Pas forcément. Pourtant ce rapport, publié à la première personne, apporte des résultats et des enseignements très intéressants pour le futur de cette Convention collective. Nous en faisons ici une synthèse et posons quelques questions à la fin. (V.Ch.)

I H LA SYNTHÈSE DU RAPPORT LE CONTEXTE La1 ère Convention collective des techniciensetouvriers ducinéma Convention Collective Texte date de 1950. Sans être transformée, elle a connu plusieurs re - texte du 19 janvier 2012 du 23 janvier 2013 maniements au fil des années. En 2005, poussés par le gouverne - Hausse masse salariale de 70 Hausse masse salariale ment, les partenaires sociaux s’engagent à signer une nouvelle Films < 1M€ à 80% et hausse budget du de 40% et hausse budget Convention . Dès le début, ce sont les salaires et le temps de tra - film de 20 à 25% du film de 14% vail dans les filmsdits" à économie fragile " quiposent problème. Films de 1 à 2,5M€/décote des Un premier médiateur, M. Gosset-Grainville étudie la question et Stabilité masse salariale et salaires inférieure ou égale budget propose un intéressement salarial. Refusé. La reprise des négo - 20%/avec la dérogation Baisse masse salariale ciations conduit à lasignatured’uneConvention signéepar un syn - de 18 à 35% et baisse budget dicat de producteurs, l’API, et 5 organisations syndicales, le 19jan - Films de 1 à 2,5M€/décote des Hausse masse salariale de 25 de 6 à 17% (forfaitisation) vier 2012. Ce texte est rejeté par plusieurs organisations de salaires inférieure ou égale à à 40% et hausse budget du producteurset unsyndicat (laCFDT) quiontsignéunautreprojet 20%/hors dérogation film de 8 à 13% de Convention collective le 22 janvier 2013. Films de 1 à 2,5M€/décote des Hausse masse salariale et Hausse masse salariale et Vu la tension qui régnait dans la profession, une mission de mé - salaires supérieure 20% budget du film hausse budget du film diation a été donnée à Raphaël Haddas-Lebel, en avril 2013, as - Films de 2,5 à 4 M€/décote des Hausse masse salariale Baisse masse salariale de 8% sortie de deux conditions : conduire à la couverture de l’ensem - salaires inférieure de 20% et hausse budget du et baisse budget de 2,5% ou égale à 10% film de 7% (forfaitisation) ble de la production cinéma par la convention du 19 janvier 2012 Hausse masse salariale de 5,5 et réexaminer le cas des films dits fragiles. Films de 4 à 6M€/grille à 12% et hausse budget de 2,4 Hausse masse salariale de 10% salariale appliquée mais pas Lapremière phase de cette mission portaitsurlaréalisationd’une à 4% (majoration des heures et hausse budget de 2% majoration heure de nuit, etc. étude d’impact. Quelles sont les conséquences des deux projets de nuit) de convention sur les films dits « à économie fragile » ? Quels en - seignements et propositions peut-on en tirer ? Pour cela, 8 films Source : Rapport d’étape du médiateur R. Haddas-Lebel du 13 juin 2013 d’initiative française ayant reçu l’agrément entre 2007 et 2012 (< 1 M€, de1 à 2,5 M€, de2,5 à 4M€, de4à 6 M€) ont étéétudiés par un collège de directeurs de production. Les grilles de salaires et LES ENSEIGNEMENTS réglementations de travail des deux conventions ont été appli - -Lasituationdesfilmsaubudgetinférieurà1M€esttotalementsin - quées aux films. gulière. Il n’y a pas de mode d’organisation type de ces tournages. La situation de ces films devrait être étudiée spécifiquement. LES RÉSULTATS - L’équilibre économique des films de 2,5 à 4 M€ est très fragile et Pour la Convention collective du 19 janvier 2012 , il y a majoration proche des films de 1 à 2,5 M€. La question du seuil de la déroga - de la masse salariale sur tous les niveaux de films étudiés sauf les tion dans la convention du 19 janvier 2012 semble se poser. films de 1à2,5 M€avec dérogationpourlesquels la masse salariale -Le dispositif dérogatoiredela convention du 19 janvier2012 joue et le budget restent stables. son rôle d’amortisseur à quelques réserves près. Le problème Pour letexte du 23 janvier 2013 : haussede la massesalariale etdu vient des conditions d’éligibilité et d’application decerégime dé - budgetpour lesfilms lesmoinschers(inférieursà 1 M€) etlesfilms rogatoire. Si on prend en compte tous les points à satisfaire pour les plus chers (de 4 à 6 M€), baisse pour les films " du milieu " (de être éligibles, seuls 26 des 84 films au budget inférieur à 4 M€, en 1 à 4 M€). Sur cette baisse, c’est principalement la forfaitisation 2009, auraient pubénéficier de cerégime, soit31%.La questiondu qui permet la réduction de la masse salariale. numerus clausus (établissement d’un nombremaximumdefilms Les accords de gré à gré sur les films (décote salariale, forfaitisa - par an ayant droit à la dérogation) et des conditions d’applica - tion,nonmajorationdesheuresdenuitet/ouheuressupplémen - tionde la dérogation(favoritisme mécanique pour les demandes taires, etc.) se pratiquent sur un grand nombre de films. La " réa - déposées au 1 er semestre) se pose. litéactuelle"estdoncéloignéedestextesdelaconventioncollective - L’impact d’augmentation du coût du film vient de la régularisa - du19janvier2012.Ainsi,l’impactdecetteconventionserad’autant tion desconditions d’emploi parrapport aux pratiques actuelles plus " lourd " que les conditions réelles en sont éloignées. et non pas de la mise en place de meilleures conditions sociales.

AFC hors série juillet 2013 / 40 - Certaines dispositions de la Convention collective du 19 janvier On peutregretter que seulement 8 films aient été étudiés. Le rap - 2012 jouent plus que d’autres : port d’étape conclu que « la production cinéma est bien une in - Alahausse:la prime detransport(pour lesfilmstournés dustrie de prototype, chaque projetétudié est différent (…). Mais en région parisienne à moins d’une heure de Paris, la prime seule cependant,leposte"Personnel"représenteun poidsà peu près renchérit la masse salariale de 6 à 8%). Le renchérissement du sa - constant,de 20 à22%, dans lesfilmssupérieurs à1M€. En revanche laire du réalisateur conduit aussi à une forte augmentation. dans les films inférieurs à 1M€, la fourchette est très ouverte, il A la baisse : la forfaitisation des postes de cadres (direc - peut représenter de 10à50%du budget du film. Sur unpanel aussi teur de prod’, chef op’, chef déco, etc.) est une grande source restreint, il peut sembler évident que chaque tournage soit diffé - d’économie. Jusqu’à 50% sur 4 à 6 postes. rent, ce sont les similitudes qui sont dures à trouver. En fait, on Il devrait y avoir des effets induits qui sont, à ce stade, constate, et le rapport le dit, que les films à très petit budget (in - difficilement mesurables. Par exemple l’augmentation du travail férieur à 1M€)sont dans uneéconomietotalement différente des administratif ou, en raison des contraintes horaires, le double - autres, mais dans les autres niveaux de films, la structure budgé - ment des équipes d’ouvriers. taire est assez proche. Ainsi, en matière d’organisation des dé - penses, on n’est pas dans une économie de prototype. - L’analyse des 8 films, ainsi que celle des deux textes proposés, metenévidence l’absence d’undispositifquiprendraitencompte Sur le fait de ne prendre que des directeurs de production pour les différents moments d’une carrière. fairece travail,on peut également direqu’ilexiste dessociétésde conseil et des économistes qui connaissent bien, voire très bien, LA SUITE DU PROCESSUS le secteur ducinémaet l’économie d’un tournage.Dans les études Le médiateur donne lasuite de safeuillede route. Il s’agitde faire d’évaluation, d’impact, etc. il y a des normes, des méthodologies émerger les mesures susceptibles d’être négociées entre parte - reconnues. Le secteur du cinéma pourrait gagner à ne pas tra - naires sociaux et d’ouvrir des discussions avec les parties en pré - vailler qu’" entre soi ". sence sur les conditions d’application de la convention du 19 jan - vier 201 2: numerus clausus, périmètre et seuil de la dérogation, Ilapparaît que les conditionsactuelles desalaires et de travail, sur constitution etfonctionnement de lacommissionparitaire,ques - les films qui se négocient de gré à gré depuis au moins 2005, sont tion dela transparencepour salaires différés et participation, durée extrêmement éloignées du texteconventionnelde1950,decelui du régime dérogatoire. Enfin, il considère nécessaire d’intégrer de laConvention collectivedu 19 janvier2012 et du texte du 12 jan - aux discussions sur la convention, les questions relatives à l’envi - vier2013.Ces conditionsde travailactuelles sont-elles honteuses ronnement del’ensembledelaproduction cinéma : ladélocalisa - ou sont-elles réalistes ? Entre les deux ? Il pourrait être pertinent tion des films, le sous-financement, etc. de voir ce qu’il se passe dans d’autres secteurs et dans d’autres pays. II D QUELQUES RÉFLEXIONS Ce rapportest vraiment très intéressantet pleind’enseignements Pourquoi ne prendre en compte, dans cette analyse d’impact, utiles pour sortir de l’impasse. Nous posons plusieurs questions que le poste " Personnel ", c’est-à-dire des postes techniques. et surtout nous faisons des suggestions d’études qu’il serait On peut se demander si pour les films à partir 2,5 M€, il ne pertinent de faire dans ce laps de temps, avant le 1 er octobre. conviendrait pas aussi de parler des droits artistiques, du salaire et des prestations des acteurs et de la marge du producteur, De combien de films parle-t-on ? Quel est le poids de ces films « à etc. ? Donc de remettre l’analyse d’impact de ces textes conven - économie fragile » dans le cinéma français ? Faible ? Non, plutôt tionnels dans l’ensemble de l’économie d’un film. Il semble assez une majoritéetde manièrestabledepuisdesannées.En effet,les évident que, sur les films à partir de 2,5 M€, la marge du pro - films de moins de 4 M€ représentent en moyenne, depuis 10 ans, ducteur entre en jeu. Il pourrait être pertinent de faire une étude 58% des films produits chaque année (source statistiques CNC). d’impact plus globale pour que la transparence soit plus forte Les filmsde moinsde 5 M€représentent62%. C’estdire que, même et donc de faire varier aussi des hausses ou baisses sur les au - quand le nombre de films était plus faible (par exemple en 2002, tres postes : " droits artistique s", " interprétation " et surtout 163 films d’initiative française), lenombredefilms dits fragiles était des postes un peu " fourre-tou t" tels que " Assurance/divers " I tout aussi important. ainsi que le pourcentage des " Frais généraux ".

Nombre de films 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Moyenne Plus de 10 M€ 14 18 24 22 24 28 35 25 28 28 33 25 De 7 à 10 M€ 12 12 9 17 21 21 25 21 24 24 22 19 De 5 à 7 M€ 31 20 33 21 12 20 11 18 30 26 22 22 De 4 à 5 M€ 9 17 16 7 7 9 17 9 16 12 3 11 De 2 à 4 M€ 35 38 32 46 37 43 41 45 47 41 46 41 De 1 à 2 M€ 21 37 33 33 35 29 23 36 18 29 25 29 Moins de 1 M€ 41 41 20 41 28 35 44 28 40 47 58 38 Total 163 183 167 187 164 185 196 182 203 207 209 186

Poids des films de moins de 4 M€ 60% 63% 51% 64% 61% 58% 55% 60% 52% 57% 62% 58% Poids des films de moins de 5 M€ 65% 73% 60% 68% 65% 63% 64% 65% 60% 62% 63% 64% Source : Statistiques CNC

Valérie Champetier a créé et dirige la société d’études et de conseil dédiée au secteur des industries culturellesThinkandAct

41 / juillet 2013 hors série AFC Tentative d’état des lieux, au 3 juillet 2013 Frédéric Sauvagnac , directeur de production, ADP vec une prise d’effet au - Le dispositif des heures d’équivalence ne 1er octobre2013,nos métiers du change pas la limite hebdomadaire, temps Cinéma auront donc une detravailrémunéréetheuresd’équivalence Convention collective. Quelle mélangées, qui ne devra pas dépasser 48 qu’ait été l’âpreté des discus - heures,etpeut-êtreplustard60heures.En sions, iln’y a ni vaincu ni vainqueur.Notre outre, les heures de travail effectif, au-delà métier doit retrouver l’harmonieetla sé - de l’enveloppe fixée à 45 ou 47 heures, se - rAénité qui lui ont fait défaut ces derniers rontdesheuressupplémentairesmajorées. mois et semaines. G Maind’œuvre ettechniciens sontmain - Cette nouvelle Convention va fixer des tenant réunis en une seule convention. Le Passé d'Asghar Farhadi, règles communes, dont certaines dé - G Pour chaque membre de l’équipe tech - direction de production Frédéric Sauvagnac coulent du droit du travail existant. Cer - nique il sera établi par la Production un taines vont modifier l’organisation des décompte déterminant les durées res - difficultés de financement de certains tournagesquenousconnaissonsdepuis pectives des heures de travail effectif, des films, représente une perte pour la col - des années. pauses repas et heures de transports lectivit é; pas seulement pour les indus - GTemps de travail : c’est l’ensemble du éventuelles. Ce décompte sera remis au tries techniques, les techniciens et les co - temps de présence sur les lieux du tour - salarié le lundi suivant chaque semaine médiens du cinéma. De même, il faudra nage qui va être pris en compte. Dans la de travail. trouver un modèle de financement des limite quotidienne de 13 heures, incluant films qui reflète l’évolution de l’ensem - Il est important que chacun lise le texte préparation,tournage,rangement,trans - ble de l’exploitation et de la diffusion. de cette nouvelle Convention quientrera portéventuel,repasetpause,letempsde en validité le 1 er octobre 2013. Durant les La France est un pays de cinéma. Sa po - travailetlesheuressupplémentairess’ap - pulationaimelecinéma.Pourceuxquiai - précieront,commeactuellement,àlase - trois prochains mois, les partenaires so - ciaux pourront encore négocier des as - ment les chiffres et comparer la France à maine.Celasignifiequel’ondevraentenir l’Allemagne, ses 65 millions d’habitants compte pour les plans de travail. Si on le pects del’annexe IIIdu titre II, consacrée à certainescatégoriesde filmsayantdes assurent,chaqueannée,auxalentoursde souhaite,onpourraaussimodulerlesjour - 200millionsd’entrées,quand82millions néesdetournage,laissantplusdetemps difficultés à réunir un financement suffi - sant et qui, sous réservedecritères d’éli - d’Allemandsdonnentunefréquentation à la préparation certains jours et davan - de moins de 130 millions. Dans le même tageauxprisesdevuesd’autresjours.Le gibilité, pourront dérogeraux salaires mi - nimade laConvention . Il conviendraaussi temps, tous ceux qui travaillent sur les repos minimum entre deux journées de films aiment leur métier, se passionnent, travail sera désormais de 11 heures. de définir les modalités d’application et defonctionnement decette annexe. Cer - la plupart du temps, pour les films qu’ils G La limite européenne du temps de tra - tains, enfin, attendent une aide particu - font.Personnenetravailledanslecinéma vail est de48heurespar semaine. Comme lière pour ces films. par obligation, même si cela leur coûte par le passé, il est et sera possible de de - parfois cher, qu’ils soient Producteurs, mander à l’Inspection du Travail des au - Cestroismoisseront utilesaussipouror - Réalisateurs, Auteurs, Acteurs, Techni - torisations de dépassement de cette li - ganiserles plans detravail etles devis des ciens ou membres des Industries tech - mite. Les expériences actuelles montrent films enprojet, enfonction decettenou - niques.Alorscontinuonsdetravailleren - que la demande doit être motivée et en - velle Convention. semble, car c’est ensemble que nous trouverons les solutions qui permettent cadrée (à une partie de l’équipe ou du Enfin, les partenaires sociaux sont par - I tournage), mais qu’un refus est loind’être venus à un accord sur le Titre III de la aux films d’exister et d’être vus. systématique. En outre, on peut espérer Convention, consacré auxArtistes inter - que l’existence de la Convention collec - prètes et aux Acteurs de complément. tive rende plus facile ces dérogations. Son texte va être mis à la signature par Peut-être mêmeune évolution prochaine les partenaires sociaux au cours du mois Cette Convention peut être de la réglementation permettra d’aller, de juillet.Pour qu’ilpuisse faire partiede par une démarche simple, jusqu’aux 60 la Convention, le Titre III doit être validé “le début de nouvelles heures décrites dansla nouvelle conven - parle Bureau duTravail, comme l’ontdéjà pratiques mais il faut les tion. Cela est à suivre. été les Titres I et II qui viennent d’être mettre en place, être vigilant G Les heures d’équivalence permettent, étendus et soumis à la Sous-commission en tournage, de ne pas rémunérer de 1 à des Conventions et Accordsdanslaquelle et avoir plus que jamais des 4 heures, selon les postes, sur une enve - siègentlesreprésentantsdesgrandesor - bases communes sur ce qu'est loppe de 45 à 47 heures de présence par ganisations ou confédérations syndicales notre métier de cinéaste . semaine de 5 jours. Cette disposition d’employeurs et de salariés. existedans d’autres métiers (comme cer - Ce qui se met en place ne doit pas faire Caroline Champetier, tains secteurs de la vente) dont la spéci - oublierl’ensembledes problèmes liésaux directrice de la photographie, AF”C, ficité empêche un travail en continu. Il délocalisations économiques des tour - 24 juin 2013 faut préciser que : nages et à la refonte nécessaire des - Un décret du gouvernement sera néces - sources de financement des films. Une sairepourquelesheures d’équivalencepuis - délocalisation, même si elle est actuelle - sentêtreappliquées,d’icile1 er octobre2013. ment encore un moyen de pallier les

AFC hors série juillet 2013 / 42 Douloureuse gestation d’une convention collective

Rappelons tout d’abord que la notion de Convention Collective naît en France en 1919. Remarquons ensuite que 97% des secteurs d’activité possèdent une Convention collective étendue (i.e. rendue obligatoire par décret ministériel) et que le Cinéma n'en faisait pas partie.

1950- Signaturedela premièreConvention collectivedans 22 janvier 2013 - L’APC, le SPI, l’UPF et l’AFPF proposent, le cinéma, modifiée en 1960, et àdiverses reprises jusqu’en aveclaCFDTetFO, untexte alternatifàlaConventiondéjà 1993 signée.Cetexte,« non recevabledu point devuejuridique » (Michel Sapin), crée la confusion 1981 -Le SNTR-CGT demande l’extension de laConvention collective, début de négociations souvent interrompues, 28 janvier -Passage encommissiond’extension au minis - notamment par l’absence des syndicats de producteurs tère du Travail:l’APCayant adhéré au MEDEF etàlaCGPME, les deux syndicats patronaux s’opposent à l'extension, 2003 - Réforme du régime d’assurance chômage des in - obligeant à un second passage termittents du spectacle 26 février 2013 -Auditiond’Aurélie Filippetti(ministre de 2004 - Le ministre de la Culture annonce, avec le ministre la Culture) et de Michel Sapin (ministre du Travail) à l’As - du Travail,l’obligation pour touslessecteursdu spectacle semblée nationale. Il s annoncent conjointement la déci - de se doter de Conventions collectives (négociations en - sion d’étendre la Convention collective à partir du 1 er juil - cadrées par le ministère du Travail, en commission mixte let 2013 paritaire - CMP) 14mars2013- Cettedécision est confirmée par un courrier 2004-Reprise de négociations dansle cinéma,ponctuées des deux ministres adressé aux membres de la Commis - d’appels à la grève (SNTPCT + CGT), notamment en 2007 sion paritaire de la branche de la production cinémato - suite àlapropositiondessyndicatsde producteursde bais - graphique. Selonce courrier,unarrêté d’extensiondevra ser les salaires historiques de 16 à 40 % être pris le 11 avril 2013 Juillet 2007 - Accord de sortie de grève , API, APC et UPF 22mars 2013- Une pétition, initiée par le SPI et relayée par reconnaissent les barèmes de salaires en vigueur et tous, le magazine Télérama, réclame la suspension de l’exten - y compris le SPI, acceptent la tenue d’Etats Généraux du sion annoncée. Elle recueillera 1 600 signatures Cinéma pour résoudre les problèmes de financement. Ils n’auront jamais lieu 28 mars 2013 - Suite aux diverses réactions défavorables à l’extension dela Convention collective,AurélieFilippetti Septembre2009 - Dénonciation parl’APC , seule signataire, et Michel Sapinnomment Raphaël Hadas-Lebel médiateur de la Convention historique qui court encore légalement afin de trouver un accord 15 mois 11 avril 2013 - Pas d’arrêté d’extension malgré l’engage - Printemps 2010 -Nominationd’unmédiateur (M.Gosset- ment pris dans le courrier du 14 mars par les ministres de Grainville), entre producteurs et syndicats, qui propose la Culture et du Travail une grille de rémunérations variable reprise par l’APC et refusée par les syndicats. 24avril 2013- Uncollectif de cinéastes lanceunAppelpour sortir de l’impasse dans Libération Septembre 2010 - L’API metsur latable aunomde tousles producteurs, unenouvelleproposition deConvention plus 2 juin 2013- Cemêmecollectif decinéastes publie unesérie favorable que celle présentée jusqu’alors par l’APC. Né - de propositions pour préserver les films de la " diversité " gociation sur cette base, mais refusée par les autres pro - 13 juin 2013 - Remise du rapport d’étape par le médiateur, ducteurs que l’API jusqu’en décembre 2011. Au cours de aussitôt récusépar lessyndicatsquimettenten douteson la négociation, un salaire minimum pour le réalisateur est impartialité acté, négocié parle SFR-CGT,à la suite d'unepétition com - mune de la SRF soutenue par l’inter-association 15 juin 2013 - 160 nouveaux réalisateurs adhèrent à la SRF le jour de son Assemblée Générale. Le conseil d’adminis - 19 janvier2012 -Aprèssixannées denégociations ,trois or - tration, qui avait pris position en faveur de l’extension de ganisationssyndicales,laCGT(SNTR,SGTIF,SFR),leSNTPCT la Convention collective est mis en minorité et remplacé et l’API, signent un texte de Convention collective de la par les membres du collectif de cinéastes production cinématographique,rejointesensuitepar FO. A la demande des signataires, elle devra être soumise à 1er juillet 2013- Extensionde la Convention collective avec l’extensionduministèredu Travail, conformément à la loi. date d'effet au 1 er octobre 2013, les partenaires sociaux étant invités à négocier les modalités d'application del'an - Janvier 2013 – La pétition " A chacun son métier " , initiée I nexe III d'ici là. par l’Association des Décorateurs de Cinéma (ADC), re - cueille 4 800 signatures en faveur de l’extension Les documents évoqués dans cette chronologie sont consultables à l'adresse : http://www.afcinema.com/Douloureuse-gestation-d-une-Convention-collective.html

43 / juillet 2013 hors série AFC v A v A c e c e l l e e o s t u o s u i t e i n e n R T N A R T u d u d S N A C P A S C PA A M A M T • R T • AP Y A P E AP Y A P G PA S N A R G PA S N A t e t e E ed ed • • a L a L P I R P O R P P I R P O R P é f m é f • • m M I M O I S L U I S L U T , s i R T s i I S N A R S O R K K , U L PA S N A S O R t e t e N O N a l l L PA a • I • I r a p A M i t r a p M X U O R EG A B A L O C S O R X EG i t B A L O C S • i c • p i c K K o i t a p TR • TR ANSV • 5 56 n o i t a 6 ANS 00 NEC 0 N 0 n EC VI DEO L L d • e d • IG H ID EO IG H e • • V R R a l a l TI N TI N Z V NE XTSH OT Z NE C • C • G TS G TS O L C I C L XTSH OT S T S T I N I • C O ph N I N • I AT C F w F C

KE As - De c E T N om I AT ot C AFC 8, rue Francœur - 75018 Paris France - Tél. : 01 42 64 41 41 - Fax : 01 42 64 42 52 w A C KE in res ten Les L R É M A R E T Y wa . ogr s e re ém mand

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