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SOMMAIRE

ÉDITOS 2

JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL Films, carte blanche et Nuit 9

WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR Films et carte blanche 27

RESTAURATIONS ET INCUNABLES 39

LE CINEMASCOPE 69

INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE 82

HOMMAGE À VALENTIN VAALA 92

MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND 100

FILMS NOIRS BRITANNIQUES 108

RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS 114

PARTENAIRES ET REMERCIEMENTS 125

1 ÉDITOS AUDREY AZOULAY MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

Bernardo Bertolucci l’affirmait, « la meilleure école de cinéma au monde se trouve à Paris, elle s’appelle la Cinémathèque ». Préserver la mémoire du cinéma, c’est bien sûr préserver le matériel de projec- tion, les caméras, les outils techniques qui font l’histoire du cinéma, - et je salue à cet égard la magnifique exposition « De Méliès à la 3D : La Machine Cinéma » qui s’est tenue à la Cinémathèque - mais c’est aussi préserver des monuments de sentiments.

Patrimoine culturel à la fois matériel et immatériel, La Cinémathèque française s’attache à faire vivre le cinéma en le partageant avec le plus grand nombre. Ainsi, Toute la mémoire du monde fait redécouvrir la mémoire du cinéma avec les outils d’aujourd’hui et entreprend cette année un voyage dans les pays imaginaires de et Wes Anderson.

Je veux saluer à cette occasion le remarquable travail mené tout au long de l’année par nos différentes institutions, par le CNC et les Archives françaises du film, par les cinémathèques, mais aussi les industries techniques, et les ayants-droit de catalogue et de trésors historiques, pour la préservation et la diffusion de notre mémoire cinématographique, par tous les moyens offerts par le numérique et les nouveaux médias. Les outils numériques de restauration offrent d’énormes possibilités, et le CNC s’est engagé dans un programme de numérisation et de restauration de son patrimoine cinémato- graphique inédit en Europe. C’est en le rendant présent partout, en salles comme sur tous les supports, que l’on permet à la mémoire du cinéma, aux œuvres du passé, de dialoguer avec l’époque.

Dans le cadre de cette nouvelle édition, la Cinémathèque offre une programmation passionnante, témoignage de la qualité et de la créativité des équipes de cette belle institution, emmenée par son président Costa-Gavras et son directeur Frédéric Bonnaud.

2 ÉDITOS FRÉDÉRIQUE BREDIN PRÉSIDENTE DU CNC

La mémoire du cinéma est possible parce que d’autres avant nous ont réfléchi à la façon de faire connaître la création, le savoir, la culture de leur époque. Avec un souci réitéré tout au long de l’his- toire de La Cinémathèque française : au-delà du travail de conser- vation, et d’enrichissement des collections, veiller à transmettre l’amour du cinéma de génération en génération.

Toute la mémoire du monde, c’est une vision populaire, exigeante et généreuse du cinéma, qui offre un panorama des plus belles restaurations récemment réalisées à travers le monde. C’est aussi une manifestation essentielle à l’heure où les innovations tech- nologiques ont favorisé la diffusion des films anciens, en salles et sur d’autres supports, et fait naître de nouvelles pratiques et exi- gences cinéphiliques.

Ces dernières appellent de nouvelles réponses : non seulement mettre à disposition toutes les œuvres sur les plateformes d’offre légale, mais aussi aller à la recherche de nouveaux publics, attirer les jeunes, pour que se transmettent la connaissance et l’amour du cinéma. Favoriser le lien entre les œuvres qui fondent notre mémoire et les cinéphiles de demain est un objectif majeur du CNC, porté par ses multiples dispositifs d’éducation à l’image. Nous avons commencé à relancer les ciné-clubs, dans les collèges et les lycées, avec des jeunes du service civique, car bientôt, ceux qui sont nés dans un monde dématérialisé, auront la charge de la mémoire du cinéma. Je remercie chaleureusement l’équipe organisatrice de Toute la mémoire du monde, La Cinémathèque française, son président Costa- Gavras et son directeur Frédéric Bonnaud et souhaite un public nombreux à cette belle manifestation.

Excellentes projections !

3 ÉDITOS PHILIPPE VAYSSETTES CLAUDE ZAOUATI PRÉSIDENT PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE NEUFLIZE OBC DE LA FONDATION GAN POUR LE CINÉMA

« Grand mécène » de La Cinémathèque française, Neuflize OBC apporte La Fondation Gan pour le Cinéma, l’un des principaux partenaires une nouvelle fois sa contribution au festival Toute la mémoire du privés du cinéma français, est une des deux fondations du Groupe monde. Cette association prend en 2017 encore plus de sens car, Groupama. La Fondation est liée depuis l’origine à la marque Gan en l’année des célébrations du 350ème anniversaire de la banque, (une des trois marques du Groupe), qui accompagne tous ceux qui elle illustre parfaitement sa volonté de conjuguer transmission et entreprennent ! innovation, patrimoine hérité et avancées technologiques, mémoire et avenir. Doyenne des banques privées françaises, Neuflize OBC En 2017, cela fait 30 ans que la Fondation s’engage auprès des entre- s’attache aujourd’hui, plus que jamais, à faire vivre au présent les preneurs du cinéma et nombreux sont les jeunes talents qui ont pu forces et les valeurs sur lesquelles elle a bâti sa réputation et conquis émerger grâce à son soutien. Aide à la Création et Aide à la Diffusion une position de référence. des œuvres, sont les missions prioritaires de la Fondation, qui est fière d’avoir été dernièrement, pour leur premier film, aux côtés de Elle s’appuie pour cela sur une forte culture d’entreprise, dont Houda Benyamina (Divines), Michael Dudok de Wit (La Tortue rouge) l’esprit d’entreprendre hérité des pères fondateurs, associé à une et Claude Barras (Ma vie de courgette). formidable capacité d’adaptation et d’anticipation lui ont permis de se réinventer et ainsi, traverser trois siècles d’histoire. Depuis 2015, la Fondation Gan, Grand mécène de La Cinémathèque française, est fière et heureuse de s’associer aux expositions et évè- nements de ce haut lieu de la culture cinématographique. Être parte- naire du festival Toute la mémoire du monde conforte l’ambition de la Fondation d’accompagner dans le temps les formes les plus variées du cinéma et de les faire partager au plus grand nombre.

4 ÉDITOS DIDIER LUPFER DIRECTEUR DU CINÉMA DU GROUPE CANAL+ ET PRÉSIDENT DE STUDIOCANAL

Organisé par La Cinémathèque française avec VIVENDI/CANAL+, grand mécène, le festival Toute la mémoire du monde est né d’une volonté partagée de célébrer le patrimoine cinématographique.

Acteur majeur du cinéma français et international, CANAL+ est fier de s’associer à ce rendez-vous. Les chaînes du Groupe diffusent régulièrement des chefs-d’œuvre du 7e art mondial, offrant ainsi des « lieux d’exposition » télévisuels à des films mythiques. Devenu en 2016 le partenaire média du festival, CINE+CLASSIC est enga- gée dans la défense et la promotion du cinéma de référence, consa- crant sur son antenne des soirées dédiées à des réalisateurs cultes. L’invité d’honneur du festival est Wes Anderson. Sa carte blanche à la Cinémathèque sera confortée par une soirée dédiée, sur CINE+CLUB : retrouvez, avec Fantastic Mr. Fox et À bord du Darjeeling Limited, ses personnages hauts en couleur. CINE+FAMIZ consacre à Joe Dante, parrain 2017 du festival, une belle soirée .

Deux relais télévisuels pour cette édition plurielle et intense de Toute la mémoire du monde, que la Cinémathèque organise avec bonheur depuis cinq ans.

5 ÉDITOS CHARLES S. COHEN PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL (CEO) J’ai le plaisir d’accompagner La Cinémathèque française depuis long- COHEN MEDIA GROUP temps et j’ai été très heureuse de poursuivre mon engagement auprès de cette précieuse institution en rejoignant, dès sa création, les « Amis Cohen Media Group a été fondé en 2008 pour produire et distribuer de La Cinémathèque française ». des films indépendants en Amérique du Nord. Aujourd’hui, Cohen Media Group est le plus grand distributeur de films français aux Après les si beaux moments que nous ont offerts les évènements États-Unis. Son label, Cohen Film Collection, a pour mission la res- Scorsese, l’exposition en 2015 et Gus Van Sant en 2016, je me réjouis tauration et la diffusion dans le monde entier des grands classiques de renouveler cette collaboration pour une année définitivement pla- hollywoodiens et étrangers. La Collection possède plus de 800 films, cée sous le signe de la jeunesse. de Douglas Fairbanks et Buster Keaton jusqu’au Merchant Ivory Car au-delà des membres de L’Autre Ciné-Club, que je soutiens depuis Productions, label iconique connu surtout pour Retour à Howards sa naissance en 2012, tous les enfants et tous ceux qui n’ont jamais End et Maurice. Outre plusieurs films et séries télévisées en déve- voulu être grands sont conviés à La Cinémathèque française en ce loppement et production, le groupe a récemment racheté l’histo- mois de mars 2017. rique et vénéré Quad Cinema, situé en plein cœur de Greenwich Pour la 5ème édition du festival Toute la mémoire du monde, qui met- Village, à New York. Entièrement rénové, le Quad offre aux amou- tra à l’honneur les réalisateurs Joe Dante et Wes Anderson, et pour reux du cinéma quatre écrans d’une qualité de projection et d’un l’exposition « Mômes et Cie », à partir du 29 mars ! confort incomparables.

Je suis très fier de notre partenariat avec La Cinémathèque fran- çaise et son festival Toute la mémoire du monde.

6 ÉDITOS JEAN-NOËL TRONC THIERRY SCHINDELÉ PRÉSIDENT DU FONDS CULTUREL FRANCO-AMÉRICAIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’HIVENTY DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE Hiventy, acteur majeur des industries techniques audiovisuelles, partage de nombreuses valeurs avec la Cinémathèque : l’amour du Deux pays, une passion. cinéma, la volonté de faire revivre les œuvres du patrimoine ciné- Créé en 1996, le Fonds Culturel Franco-Américain (FCFA) est une col- matographique avec un attachement tout particulier à la pellicule, laboration unique entre la Directors Guild of America (DGA), la Motion support intrinsèquement lié au cinéma et à son histoire. Picture Association (MPA), la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (SACEM) et la Writers Guild of America West Le groupe propose une offre complète de solutions haut de gamme (WGAW). Il est financé par les ressources de la copie privée. dans tous les domaines de l’audiovisuel et du cinéma : post-produc- Sa mission est un échange culturel fort entre la et les États-Unis, tion image et son, restauration, sous-titrage, doublage et distribution autour d’une passion commune pour la création cinématographique dans tous les formats. Le savoir-faire des équipes d’Hiventy répond et télévisuelle.Il restaure des films aux côtés de La Cinémathèque aux exigences de qualité de la clientèle. française présidée par Costa-Gravras, président d’honneur du FCFA Le laboratoire à Joinville-le-Pont, installé sur le site historique des et de la Film Foundation présidée par Martin Scorsese. Pour la usines Pathé, s’attache à maintenir un savoir-faire photochimique cinquième année, le Fonds est partenaire de Toute la mémoire du centenaire et à faire co-exister le cinéma argentique et numérique. monde. Il est important de transmettre, de présenter des œuvres aux nouvelles générations et ainsi d’accéder à l’histoire du cinéma, qui Hiventy est fier de s’engager auprès de La Cinémathèque française, est aussi souvent associée à l’Histoire avec un grand « H ». qui organise chaque année ce festival qui magnifie le cinéma d’hier Sans le passé, nous ne pouvons comprendre le présent. et d’aujourd’hui. 2017 pérennise notre collaboration avec La Cinémathèque française, c’est plus de 20 films restaurés !

Bon festival !

7 ÉDITOS COSTA-GAVRAS PRÉSIDENT DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE FRÉDÉRIC BONNAUD DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

Pour sa cinquième édition, Toute la mémoire du monde a l’immense plaisir d’accueillir deux grands cinéastes américains : Joe Dante et Wes Anderson. L’un et l’autre présenteront leurs propres films et feront partager au public leur cinéphilie, aussi joyeuse qu’experte, loin des sentiers battus. Nous sommes très fiers de les recevoir à La Cinémathèque française, à l’occasion de notre Festival interna- tional du film restauré.

Comme chaque année, Toute la mémoire du monde offrira les écrans de la Cinémathèque à nos confrères et amis du monde entier, conviés à présenter leurs plus belles restaurations et parfois des films qu’on croyait perdus à jamais. C’est ainsi que Match de prestidigitation, de Georges Méliès, a été retrouvé à Prague. Tandis que l’un de nos nouveaux partenaires, la COHEN FILM COLLECTION, désormais « Ami de La Cinémathèque française », montrera Le Lys brisé, de Griffith, avec Gabriel Thibaudeau à la direction de l’Octuor de France. Et c’est le Faust de Murnau qui clôturera les festivités, le 5 mars, avec un ciné-concert de Jacco Gardner, en collaboration avec RED BULL STUDIOS PARIS.

À ces événements prestigieux s’ajouteront des hommages et des rétrospectives, classiques à redé- couvrir sous leur meilleur jour ou raretés absolues : une poignée de chefs-d’œuvre en CinemaScope à La Filmothèque du Quartier latin, les films du Finlandais Valentin Vaala au Christine 21 ou ceux de la Triangle Film Corporation (1915-1919, et les plus grands cinéastes de leur temps) à la Fondation Jérôme Seydoux- Pathé. Sans oublier la restauration de la version européenne de Zombie (Dawn of The Dead) de George Romero (Dario Argento au montage, Nicolas Winding Refn à la restauration) ou l’oc- casion unique de reconsidérer enfin, dans des conditions optimales, l’unique film réalisé par , La Vengeance aux deux visages.

Ce festin cinématographique sera également repris en régions par de nombreuses salles du réseau de l’AFCAE et de l’ADRC. Il n’aurait pu voir le jour sans le concours du Ministère de la Culture et de la Communication, du CNC, de nos fidèles partenaires du festival, le FONDS CULTUREL FRANCO AMERICAIN et KODAK, d’AGNES B, « Amie de La Cinémathèque française », de nos « Grands Mécènes », la Banque NEUFLIZE OBC, la Fondation GAN pour le Cinéma et VIVENDI, qui soutiennent notre manifestation depuis ses débuts, ainsi que de nouveaux venus, GAUMONT, COHEN MEDIA GROUP et HIVENTY. Qu’ils en soient tous remerciés.

8 ÉDITOS JOE DANTE Parrain du Festival CRÉATURES INFERNALES

(films de prison de femmes tournés aux Philippines, courses de voitures, slasher) avec une intrigue plongeant une jeune aspirante-comédienne dans l’enfer des productions cheap. Collages divers et images affriolantes de figu- rantes dénudées se côtoient au cœur d’un carnaval déluré. Paul Bartel incarne un cinéaste avouant, comme projet artistique, ne pas vouloir faire de films sur la condition humaine mais sur des nichons et des culs (« tits and ass »). Une époque où sexe et érotisme semblaient des jeux d’enfants. Dante, comme il le déclarera, est lui-même l’auteur du gag qui conclut la première séquence : une parachutiste s’écrase lamentablement Venu de la série B et Le cinéma de Joe Dante représente de d’exploitation fauchées, parrain de toute au sol, laissant un trou de la forme d’un des productions Roger façon exemplaire un monde de l’enfance une génération de réalisateurs à qui il corps, authentique vision de dessin Corman, Joe Dante dénué de toute illusion, une enfance aura mis le pied à l’étrier en leur appre- animé qui indique déjà, à la fois une a incarné une muta- travaillée par une rage hilare et par nant à se débrouiller, avec des moyens des influences du cinéaste tout autant tion du cinéma améri- toutes sortes de mauvaises pulsions, ridicules et des mythologies dérisoires, que sa conception du cinéma. cain à partir des années sans doute typique d’un moment de à boucler un film en un temps record. Toujours tourné pour Corman, Piranhas, 1980. Épouvante et l’Amérique durant lequel une forme Le jeune homme de Morriston, en 1978, reprend les ficelles du film- créatures imaginaires, de pop culture cinématographique New Jersey, a donc débuté sa car- catastrophe écologique, réalisant une mondes enfantins et se mêlait à un désenchantement des rière à Hollywood comme monteur bande de terreur féroce et réjouissante, contes cauchemardes- temps. Un moment où tout autant de bandes annonces chez Corman. marquée par les révoltes de la contre- ques, humour et frayeur l’innocence classique que la promesse Hollywood Boulevard, son premier long culture tout autant que par une mau- caractérisent une fil- d’un renouveau se dissolvaient pro- métrage, coréalisé par Allan Arkush vaise jubilation. Hurlements, récit de mographie dont les gressivement dans la brutalité d’une en 1976, apparaît, avec le recul et loups garous questionnant le rôle des grands titres (Gremlins, Histoire sans pitié. un brin de mauvaise foi, comme un médias (future constante de l’œuvre Explorers, Small Soldiers) véritable programme. Mise en abîme du cinéaste) et les utopies de la décen- témoignent aussi d’un À l’école de la série B rigolarde et sexy de la production du nie précédente, paiera son tribut au regard politique caus- Ça commence avec Roger Corman, prince du cinéma grindhouse, le film cinéma d’épouvante qui constitue, à tique sur l’Amérique évidemment, l’avisé et roublard pro- recycle stock-shots maison où s’entre- ce moment-là une des dimensions les contemporaine. ducteur de films de série B, de bandes mêlent les différentes spécialités locales plus audacieuses d’un cinéma américain

10 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL une sequel qui va s’en prendre à un capi- talisme moderne s’appuyant sur un usage post-humain de la technique, les bestioles de dessin animé (Daffy JOE DANTE Duck et Bugs Bunny) vont se mêler aux 1946 personnages réels (Les Looney Tunes Naissance le 28 novembre à passent à l’action en 2003), les jouets Morristown, New Jersey. 1974-1976 vont prendre vie pour dénuder l’ima- Il débute comme monteur ginaire guerrier de la société (Small chez New World Pictures, la Soldiers en 1998), les soldats morts société de Roger Corman. Il de la guerre en Irak, devenus zombies, réalise Hollywood Boulevard vont revenir pour participer aux élec- (1976) avec Allan Arkush. tions (Vote ou crève en 2005). Certes, 1978 on pourrait se dire qu’une telle volonté Piranhas rencontre un gros d’inscrire l’irréalité « cartoonesque » ou succès au box-office. cinéphilique dans la réalité même ne 1981-1984 progressivement atteint par un reflux L’imaginaire enfantin devient un des serait qu’une manière habile et fina- Il quitte New World Pictures. idéologique et moral qui va contraindre éléments les plus importants d’une lement peu dangereuse de s’attaquer Il réalise Hurlements (1981). Dante à ruser pour ses prochains films. œuvre qui, par ailleurs, n’hésite pas à aux maux contemporains. Ce serait Gremlins (1984), tourné pour Gremlins, produit par la Warner en 1984, affronter une réalité prosaïque voire la Warner, est son plus gros ne pas comprendre que l’irréalité, ou est un conte de Noël pervers, à la fois tragique. Dans ce recours analytique succès public. plutôt ce qui semblait ne relever que conforme aux exigences du genre et permanent à divers références cultu- 1990 du fantasme enfantin ou du cauche- en même temps doucement subversif, relles, il n’est ainsi pas étonnant que Il donne une suite à mar puéril, a depuis longtemps conta- Gremlins, Gremlins 2 : la dévoilant progressivement un besoin le cartoon constitue l’élément majeur miné le monde authentique. La force nouvelle génération. vital et enfantin de destruction. C’est du cinéma de l’auteur de Gremlins. du cinéma de Joe Dante ne consiste 1997 un succès commercial. Certes, le dessin animé fait, depuis les pas à enchanter une réalité sinistre Il réalise une satire années 1980, partie d’une des influences par le recours aux mythologies (posi- politique : The Second Civil Un réel devenu irréel majeures, avec d’autres généalogies War pour HBO. tives ou négatives) de l’enfance. Elle Le cinéma de Joe Dante sera désormais exogènes, du cinéma hollywoodien 2009 consiste plutôt dans une manière de caractérisé par le recours permanent notamment à grand spectacle. Mais The Hole remporte le Prix 3D montrer comment l’irréel fait désor- à une mémoire qui serait celle d’une dans les films de Dante, la plasticité au Festival de Venise. mais partie du monde réel, un monde culture populaire emmagasinée depuis invincible des corps, l’apesanteur, le entièrement « médiatisé ». Après tout, toujours et maintenant exhibée comme saccage orgiaque forment un univers un milliardaire grossier et grimaçant, un instrument critique, à la fois esthé- presque abstrait, au sein duquel se met aux cheveux oranges, produit de la télé- tique et politique. Explorers, en 1985, en place une vision très caustique de réalité, parvenant au pouvoir suprême montre des enfants confrontés à des l’Amérique contemporaine. L’enfance aux États-Unis, ce pourrait-être le extraterrestres qui n’ont comme vision comme critique radicale. scénario d’un film de Joe Dante. de la terre que celle proposée par les Les créatures imaginaires cohabitent émissions télévisées, métaphore du désormais avec les êtres réels. Les Jean-François Rauger monde vu par les films de Joe Dante. Gremlins vont revenir, en 1990, pour

11 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL THE MOVIE ORGY Samedi 4 mars à partir de 23h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

RÉALISATION : Joe Dante, Jon Davison

SCÉNARIO : UNE ORGIE Joe Dante États-Unis, 1968, DE CINÉMA couleur / noir et blanc, NUIT PRÉSENTÉE numérique, 270 min PAR JOE DANTE

Pour fêter la présence de Joe Dante, un programme spécial sera présenté durant toute la nuit.

Il sera composé des deux premiers longs métrages réalisés par Joe Dante Montage effréné de bandes-annonces, qui font se croiser L’Attaque de la femme et produits par Roger Corman, le roi de publicités et extraits de films, The Movie de 50 pieds, séries B, Z, publicités la série B. Hollywood Boulevard est un Orgy fit à la fin des années 1960 la joie des années 1950, cours d’éducation hommage réjouissant au cinéma d’ex- des étudiants américains, pour qui le sexuelle, extraits d’Abbott et Costello ploitation des années 1970, à sa liberté film était projeté sur les campus lors et clips de prévention antiatomique. et à son énergie. Piranhas injecte dans de séances semi-clandestines. Tout en juxtapositions loufoques, c’est le film-catastrophe animalier une dose Le montage présenté est la dernière surtout un film qui invite à la flânerie insolite de satire politique. version de ce projet dantesque, réduit hilare et au marabout-bout-de-ficelle à une durée de 4h30, numérisé à par- cinéphile. Joe Dante : « Vous pouvez La pièce de résistance de cette nuit tir de la copie originale en 16 mm. quitter la salle, sortir acheter du pop- exceptionnelle sera The Movie Orgy : Dans les années 1920, Man Ray et corn ou une bière, revenir dix minutes un montage effectué par Joe Dante lui- André Breton papillonnaient au hasard plus tard, un peu plus gai. L’essentiel, même associant des images venues de des cinémas, quittaient un film en son c’est de vivre cette expérience folle en toutes origines pour composer un col- milieu pour s’engouffrer dans la salle public, et en salle. » L’invitation est lage ébouriffant d’extraits de films de voisine et prendre une séance en cours. rare, presque unique : le film n’a été série B, de cartoons, de pubs, de docu- Trait d’union assumé entre cet héri- projeté que deux fois en Europe ces mentaires industriels. Un condensé tage surréaliste et le VJing moderne, vingt dernières années. brut de décoffrage de la pop culture The Movie Orgy est un OVNI au titre cinématographique en 4h30. programmatique, une expérience Xavier Jamet dingue, 4h30 de collages dadaïstes Pop-corn à volonté, bien sûr !

12 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL HOLLYWOOD BOULEVARD Samedi 4 mars à partir de 23h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

Ce n’est pas la moindre des sur- RÉALISATION : prises que réserve Hollywood Joe Dante et Allan Boulevard : le saisissement Arkush devant ces premiers bricolages, SCÉNARIO : qui disent tout autant l’humi- Patrick Hobby lité du cinéaste en devenir que PRODUCTEUR : l’exaltation quasi-enfantine New World Pictures des premières fois. On pensait PHOTOGRAPHIE : regarder une simple sexy comé- Jamie Anderson die potache, et on découvre entre deux fous rires émus les INTERPRÈTES : Mary Woronov, Paul prémices d’une œuvre. Car tout Bartel, George Wagner, Joe Dante est déjà là, caché Jonathan Kaplan, Tara dans les collures de son premier Strohmeier film : l’impétuosité burlesque États-Unis, 1976, couleur, des productions maison mais 35 mm, 83 min La belle et ingénue Copie 35 mm issue des sont une fausse bonne idée ? aussi l’érudition cinéphage, les Candy Wednesday collections de Sally Cruikshank Au moins un. Joe Dante... amitiés (Hollywood Boulevard et Jon Davison à l’Academy Nous sommes en 1977. est la première collaboration débarque à Hollywood Film Archive. pour y tenter sa chance. Modeste monteur de bandes d’une longue série avec son annonces pour les studios New acteur fétiche, Dick Miller), D’abord embauchée « Miracle Films. Si c’est un bon World Pictures, Dante convainc les œillades affectueuses à la comme cascadeuse, elle film, c’est un Miracle. » son patron, Roger Corman, de série B et cette verve féroce qui, devient rapidement une Carton d’ouverture des têtes d’affiche des lui confier une caméra pour déjà, dessinent les contours studios Miracle Pictures. Il y a quelque chose de joyeux réaliser son premier film. Tout d’un univers. Il faut donc dans les débuts de Joe Dante en précisant qu’il souhaite- revoir ces premiers pas à Nuit présentée par Joe derrière une caméra, une forme rait si possible se lancer avec l’aune de l’œuvre qui sui- Dante. de bravade rigolarde et bien- le plus petit budget de l’his- vra, mais aussi des projets veillante dont le réalisateur toire du studio. Le débutant à venir de Joe Dante. Cette de Gremlins ne se départira hérite de 60.000$, de stock- année 2017 marquera son jamais vraiment par la suite. shots et de chutes de pellicules, retour aux affaires, avec un Combien de cinéastes ont-ils rogatons de celluloïd abandon- biopic de... Roger Corman. Le inauguré leur carrière avec un nés par les autres réalisateurs cinéma de Dante, et ce n’est pari absurde, de ces gageures de l’écurie Corman, sur les- pas la moindre de ses qualités, qu’on se lance, tête-brûlée, en quels Dante va imprimer ses est aussi affaire de fidélités. sachant pertinemment qu’elles premiers délires loufoques. Xavier Jamet

13 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL PIRANHAS PIRANHA Samedi 4 mars à partir de 23h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

des Looney Tunes passent à l’action. Mais RÉALISATION : Piranhas, d’un appétit insatiable, se gave Joe Dante aussi d’autres références que de celle du SCÉNARIO : seul Spielberg, aussi bien Orson Welles John Sayles, d’après que Jacques Tourneur, Jack Arnold ou une histoire de Richard Mario Bava en passant par Les Oiseaux. Robinson et John Du plan du poisson dans la poêle en Sayles guise de déjeuner du héros à toutes les PRODUCTION : séquences où les piranhas passent à table Piranha Productions, en boulottant sans distinction hommes New World Pictures et femmes, grands et petits, c’est comme PHOTOGRAPHIE : dans le film de Hitchcock tout un ordre Jamie Anderson « naturel » et la chaîne alimentaire habi- INTERPRÈTES : tuelle qui s’inversent brutalement. Dans Bradford Dillman, son déchaînement, le film procède à une Heather Menzies, Kevin autre inversion, toute darwinienne, qui McCarthy, Keenan ne relève pas cette fois du combat entre Wynn, Dick Miller espèces différentes (lutte interspécifique) États-Unis, 1978, mais entre individus de la même espèce couleur, 35 mm, 93 min (lutte intra-spécifique) : le carnage final et la vision de ces corps de vacanciers Des piranhas génétiquement modi- Deuxième long métrage de fiction de Joe gisant sur les bords du plan d’eau, morts, fiés sont déversés par erreur dans une Dante produit par le boulimique Roger blessés, mutilés, font « sous-venir » sous rivière américaine très fréquentée. Corman, Piranhas ne se résume pour- ces images celles des expéditions puni- tant pas à un avatar des Dents de la mer. tives des soldats américains qui ensan- Nuit présentée par Joe Dante D’abord parce que le film se prépare à glantèrent les rizières vietnamiennes nourrir les siens, le piranha apparais- – le film imagine ouvertement qu’à l’ori- Dans l’énorme sillage de son succès, le sant rétrospectivement comme l’ancêtre gine des militaires ont fait muter ces requin mâle de est vite quasi préhistorique du Gremlin dans sa poissons mangeurs d’homme pour en devenu femelle, soit la matrice de beau- version mouillée. De même, le surgisse- faire des machines de guerre contre la coup de petits films, et très vite parmi ses ment dans le laboratoire du savant fou guérilla. Piranhas, trois ans après la fin plus notables rejetons cette ribambelle d’une bestiole hybride inconnue des zoo- de ce conflit meurtrier, c’est un retour de poissons carnivores qui, eux-mêmes, logues (sauf de Ray Harryhausen), filmée à l’envoyeur, et un retour qui vient de auront une descendance (de Piranha 2 de en stop motion, annonce le croisement l’intérieur. James Cameron à Piranha 3D et même de prises de vues réelles et d’animation 3DD…). Bernard Benoliel HURLEMENTS THE HOWLING Jeudi 2 mars à 16h15 – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

fin du tournage à son assistant Rob Bottin RÉALISATION pour travailler sur Le Loup-garou de Londres Joe Dante de John Landis, est impressionnant. À tel point que Michael Jackson viendra le SCÉNARIO John Sayles et Terence chercher plus tard pour le clip de Thriller. H. Winkless, d’après Le plaisir ne s’arrête pas là : Joe Dante truffe un roman de Gary son film de clins d’œil gourmands. C’est le Brandner producteur et mentor Roger Corman qui fait de la figuration, c’est une télévision qui PRODUCTION diffuseLe Loup et les Trois petits cochons, ou Embassy Pictures, International Film encore les personnages qui portent pour Investors, Wescom la plupart le nom de réalisateurs de films Productions du genre. Terminées, les histoires de pleine lune et de PHOTOGRAPHIE malédiction : Dante dépoussière joyeuse- John Hora ment le mythe. Les lycanthropes évoluent INTERPRÈTES désormais en troupeau, se transformant Dee Wallace, Patrick à volonté et en plein jour. Ils ne subissent Macnee, John plus, ils contrôlent leurs pouvoirs, leur Carradine, John Sayles, « don ». « On n’apprivoise pas ce qui est Roger Corman né sauvage » affirme le vieux cowboy joué par John Carradine. Hurlements interroge États-Unis, 1981, couleur, 35 mm, 90 min la part animale en chacun de nous, et Joe Une journaliste découvre l’existence malicieux, avant d’opérer un saut alerte Dante filme la meute comme une méta- d’une communauté qui dissimule un vers le fantastique. phore à peine déguisée des sectes, pour repaire de loups garous. La vraie saveur de Hurlements, c’est de mon- mieux égratigner une société tribale en trer pour la première fois à l’écran, aussi proie à la violence émergeante des phé- Séance présentée par Joe Dante. frontalement, des transformations spec- nomènes de bandes. Le sarcasme s’étend taculaires de loups garous. Dante utilise aussi au monde des médias, écornés pour Mai 1980. Juste après le succès de habilement la pénombre comme il le fait Piranhas, Joe Dante tourne Hurlements. leur voyeurisme dans un espiègle exercice souvent, et les plans serrés sur les mâchoires, de mise en abyme : nous y sommes. Le Dans les premières minutes du film, por- les mains ou les oreilles, bénéficient d’effets tées par la musique de Pino Donaggio, loup-garou est sous les projecteurs, devant spéciaux remarquables. Malgré un budget les caméras avides, et le monde doit savoir. le spectateur s’égare dans les dédales plus que modeste, c’est « du jamais vu », d’une enquête à suspense. Derrière la et cela fonctionne parfaitement. Le travail Hélène Lacolomberie caméra, Dante s’amuse comme un enfant de maquillage de Rick Baker, qui confie la

15 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL GREMLINS Jeudi 2 mars à 14h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

Noël cruel germe dans l’esprit vicieux RÉALISATION : du jeune scénariste Chris Columbus et Joe Dante trouve une oreille attentive auprès du SCÉNARIO : cador Spielberg, alors à la tête d’Amblin Chris Columbus Entertainment – firme culte des années PRODUCTION : 1980. Édulcoré de quelques meurtres Warner Bros., Amblin et décapitations, le projet est confié au Entertainment brillant Joe Dante, formé à la série B PHOTOGRAPHIE : chez Roger Corman. Avec le soutien John Hora de la Warner, le cinéaste jouit pour la première fois d’un terrain de jeu à la INTERPRÈTES : Zach Galligan, Phoebe hauteur de ses ambitions et conserve Cates, Hoyt Axton, son autorité créatrice – un alliage rare Polly Holliday, Judge dans la filmographie du Maître qui se Reinhold, Dick Miller reproduira toutefois avec Gremlins 2 États-Unis, 1984, pour lequel il aura carte blanche. Ses couleur, DCP, 104 min Gremlins saccagent une middle town avec une hargne manifeste ; saturant plans et cadres jusqu’à faire dérailler la mécanique du film lui-même et le genre bien rodé de la comédie familiale (l’invention du PG 13, film interdit aux Un adolescent fait l’acquisition chez engendre les bestioles les plus cinéma- moins de 13 ans, n’est pas étrangère à sa un vieux Chinois d’une étrange tiques de l’histoire de la comédie d’hor- distribution). Références cinéphiles et créature qui peut engendrer les reur américaine : électriques, parodiques, écrans dans l’écran dressent le constat terrifiants Gremlins. burlesques – boostées par un comble de ludique et critique d’un état de crise de techniques eighties : des synthétiseurs la culture et des représentations yankees. Numérisation Warner Bros. endiablés de Jerry Goldsmith aux iné- À sa sortie à l’été 1984, l’opus de Dante, narrables marionnettes de Chris Walas quatrième au box-office, devient un véri- Le protéger des lumières vives, le tenir (mêlant animatronic, ballons de bau- table phénomène. Les Gremlins crèvent éloigné de l’eau, ne jamais le nourrir druche ou liquides visqueux). l’écran et dynamitent le cinéma : « Gizmo après minuit… Le Mogwai ne doit pas « J’ai une histoire à raconter. Je sais, tout caca ! ». être exposé (par photosensibilité), révélé le monde a une histoire. Mais personne (par le bain), ni faire l’expérience d’une n’en a une comme celle-ci ». La tirade de Élodie Tamayo séance de minuit (pop-corn et film Bis à l’inventeur raté qui ouvre le film évoque la clé). La transgression de ces interdits bien sa genèse. L’idée de ce conte de

16 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL L’AVENTURE INTÉRIEURE Mercredi 1er mars à 20h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

gigantesque, pour accéder à RÉALISATION son tour à l’âge adulte. Toute Joe Dante cette aventure des proportions SCÉNARIO produit l’une des figurations Jeffrey Boam et Chip les plus justes du cinéma de Proser, d’après une Joe Dante : du savant de histoire de Chip Proser laboratoire un peu ébouriffé PRODUCTEUR au joli minois de Meg Ryan, Warner Bros., Guber- de la drôle de tête de Martin Peters, Amblin Short au sourire de « pervers Entertainment et polymorphe » de Quaid, ses PHOTOGRAPHIE personnages de « grandes per- Andrew Laszlo sonnes » ont toujours encore INTERPRÈTES l’air d’enfants, à deux doigts Dennis Quaid, Martin de leur enfance. Ainsi les deux Short, Meg Ryan, Kevin méchants du film, ayant été à McCarthy, Fiona Lewis leur tour miniaturisés, doivent États-Unis, 1987, Le lieutenant Pendleton, Deux en un, un peu comme dans une physique. Le mou- monter sur les épaules l’un de couleur, DCP, pilote émérite et « tête si Hyde se retrouvait coincé vement reste la meilleure des l’autre pour faire à eux deux un 115 min brûlée », participe à une dans le corps de Jekyll ou plu- ordonnances, mieux vaut cou- seul grand corps et atteindre le expérience scientifique tôt Dean Martin dans celui de rir que s’allonger, et entre les combiné d’une cabine télépho- de miniaturisation du Jerry Lewis. D’autant qu’ici, deux s’asseoir sur le divan du nique – sans doute le cinéaste corps humain. Mais à tour de vis comique supplé- pauvre – le fauteuil de cinéma – s’est-il souvenu de Brats (Les la suite d’une grande mentaire et irrésistible, le et profiter du spectacle. À la fin Bons Petits Diables) avec Laurel confusion il se retrouve corps qui sert d’hôte à l’ex- même, l’hypocondriaque guéri et Hardy en tournant son film. injecté, au lieu de voya- périence s’avère celui d’un aura découvert que « l’autre » Un adulte « normal » dans un

OUVERTURE DU FESTIVAL OUVERTURE ger comme prévu dans hypocondriaque apparemment qui se trouve en soi n’a jamais film de Dante a toujours l’air un lapin, dans un autre incurable (Martin Short). Il en été que lui-même. L’accident d’un gosse (« brat ») qu’une homme. Comment éta- résulte un effet burlesque mul- supposément catastrophique expérience aurait démesuré- blir un contact et com- tiplié par deux tout le long du va se révéler la meilleure des ment et monstrueusement ment en sortir ? film, une action redoublée elle thérapies, et « Short » deve- agrandi ; c’est nous aussi, en aussi et synchrone entre dehors nir grand. Tandis que son train de regarder L’Aventure Séance présentée par et dedans, et une idée propre alter ego, joué par un Dennis intérieure. Joe Dante. aux vertus supposées de l’es- Quaid déchaîné, va se faire tout pace américain : tout problème petit, plus petit même qu’un Bernard Benoliel psychique trouve sa solution embryon qui paraîtra alors

17 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL GREMLINS 2 : LA NOUVELLE GÉNÉRATION GREMLINS 2 : THE NEW BATCH Dimanche 5 mars à 14h– La Cinémathèque française, salle Georges Franju

prennent d’assaut la « Clamp Tower », RÉALISATION immense building new-yorkais bourré Joe Dante de technologies absurdes, création méga- lomane du milliardaire Daniel Clamp, SCÉNARIO Chris Columbus et parodie évidente de Ted Turner et d’un Charles S. Haas certain Donald Trump, alors magnat de l’immobilier. L’enthousiasme enfantin et PRODUCTEUR la jouissance destructrice des Gremlins Warner Bros. et Amblin permettent à Dante de donner libre cours Entertainment à son mauvais esprit et à son goût pour les PHOTOGRAPHIE citations cinéphiliques (et la pop culture John Hora américaine du XXème siècle) dont il par- sème le film sans relâche. Son influence INTERPRÈTES principale reste les cartoons produits par Zach Galligan, Phoebe Warner Bros. ou MGM, et Dante rend Cates, John Glover, dès le générique un hommage à l’un de Robert Prosky, Robert Picardo, Christopher ses maîtres, Chuck Jones. Lee, Haviland Morris Les créatures sont beaucoup plus nom- breuses et caractérisées par des comporte- États-Unis, 1990, ments humains que dans le premier épisode. couleur, 35 mm, En quelques années, les effets spéciaux ont 106 min fait des progrès considérables et permettent Ramenés à la vie, les Gremlins sort alors du tournage de The Burbs, à Dante de donner à chaque Gremlin une sèment le chaos dans une tour qui reçoit un accueil public et critique expressivité et une personnalité uniques ultra-moderne. catastrophique. et extravagantes. L’un d’eux (qui deviendra Épaulé par le scénariste et journaliste de fait le leader) est même doté de parole et Séance présentée par Joe Dante. Charlie Haas, très au fait des problé- parodie de façon hilarante un philosophe matiques urbaines et en particulier des snob à l’accent britannique auquel Tony Gremlins (1984) fut un énorme succès immeubles « intelligents » en vogue dans Randall prête sa voix. commercial qui propulsa Joe Dante les années 1980 (puisque l’intégralité de La liberté du film, son humour sauvage et parmi les réalisateurs les plus côtés l’action de Gremlins 2 se déroule au sein la violence de sa charge politique déroute- d’Hollywood. Après quatre ans d’insis- de l’un d’eux), Dante imagine une satire ront le public et l’empêcheront de rencon- tance, la Warner parvient à convaincre du capitalisme et du monde des médias trer l’immense succès du premier volet. le metteur en scène de réaliser une suite, d’une inventivité folle et débridée, bien avec la promesse d’une liberté totale plus irrévérencieuse que le premier opus. Caroline Maleville et d’un budget bien supérieur. Dante Les affreuses petites bêtes reptiliennes

18 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL PANIQUE SUR FLORIDA BEACH MATINEE Jeudi 2 mars à 21h – La Filmothèque du Quartier latin

carburants favoris, Joe Dante RÉALISATION lui rend un hommage jubila- Joe Dante toire via un film dans le film, le SCÉNARIO savoureux Mant!, parodie des Charles S. Haas, d’après films de mutations atomiques une histoire de Charles (Des monstres attaquent la ville). S. Haas et Jerico Et avec le personnage du réa- PRODUCTEUR lisateur Lawrence Woolsey, , c’est au « cinéaste forain » Renfield Productions, William Castle que Dante Falcon Productions rend hommage. PHOTOGRAPHIE Inventeur de pseudo-procédés John Hora techniques loufoques comme INTERPRÈTES le Percepto, l’Emergo ou l’Illu- John Goodman, Cathy sion-O qui tenaient davantage Moriarty, Simon Fenton, de l’accroche publicitaire que Omri Katz, Lisa Jakub, de l’avancée technologique, Kellie Martin William Castle, idole de John États-Unis, 1992, Waters ou Robert Zemeckis, couleur, DCP, est l’incarnation même d’une 97 min certaine idée d’un cinéma indépendant et populaire à En 1962, en pleine crise Après le succès commercial une réalité quotidienne dont la roublardise assumée avec des missiles cubains, relatif de Gremlins 2 et un pas- la fantasmatique reste para- l’assentiment d’un public com- un metteur en scène de sage par la télévision pour la doxalement intacte pendant plice. C’est aussi à cette forme série B organise à Key série Eerie, Indiana dont il réa- toute la décennie. On fait de candeur que le film rend West l’avant-première lise cinq épisodes et sur laquelle semblant de croire que le hommage, à une Amérique de son dernier film de il œuvre en tant que creative « duck and cover » (« baisse la apparement innocente, une science-fiction. consultant, Joe Dante réalise tête et protège-toi ») martelé époque dorée dont la crise en 1993 Panique sur Florida aux enfants pourrait suffire des missiles de Cuba, durant Séance présentée par Beach, recréation fantasmée à les sauver et les effets pos- laquelle se déroule le film, son- Joe Dante. de son enfance, de sa cinéphi- sibles de la bombe nourrissent nait les derniers instants. lie et d’une certaine Amérique toutes les paranoïas. Ayant perdue, celle des années 1950. grandi avec le cinéma popu- Olivier Gonord En cette époque de guerre laire des années 1950 dont la froide, la menace atomique est peur de l’atome était l’un des

19 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL THE SECOND CIVIL WAR MASTER CLASS Samedi 4 mars à 14h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois JOE DANTE PAR JOE DANTE Animée par Jean-François Rauger peur de l’Autre (ces orphelins À l’issue de la projection de pakistanais que devraient The Second Civil War, Joe accueillir une Amérique à Dante revient sur ses films l’idéal bienveillant et altruiste) et sur sa carrière. déclenche la crise politique ; « Ce qui était autrefois l’information n’est plus elle est l’occasion pour Dante désormais qu’un défilé de dresser un tableau contrasté d’atrocités, et de motifs du melting-pot américain. pour que les gens aient En 1997, Internet en était à peur de sortir de chez eux. ses balbutiements, les réseaux Je m’étonne qu’on n’en sociaux n’existaient pas encore soit pas encore à mettre de la musique sur des mais News Net (dans le film) reportages. La confusion est un décalque à peine voilé entre information et de CNN qui s’affirmait déjà spectacle est si totale que comme chaîne d’information toute différence a presque continue. Joe Dante orchestre disparu. » (Entretien avec les liens intimes entre la poli- Bill Krohn en 1999). Plus d’informations tique et le spectacle médiatique p.115 permanent. Cinéaste farceur, visionnaire et contestataire, travaillant sans cesse la mau- RÉALISATION : vaise conscience américaine, il Joe Dante réalise un film pris dans une SCÉNARIO : À l’annonce de l’arrivée L’histoire se passe, nous dit un son lâcher prise permanent, urgence d’idées et de répliques Martyn Burke de réfugiés du Pakistan, carton au début du film, « à un Jim Farley, le gouverneur de justes et souvent hilarantes. PRODUCTEUR : le gouverneur de l’Idaho moment quelconque dans un l’Idaho par qui la deuxième Baltimore Pictures, ferme les frontières avenir proche », mais toutes les guerre civile arrive, est une Bernard Payen HBO Pictures de l’État, provoquant conditions sont apparemment forme de Trump avant l’heure. la colère du président réunies pour qu’elle se déroule Produit par HBO, The Second PHOTOGRAPHIE : Mac Ahlberg américain. dès demain. Tourné en 1997, Civil War s’inscrit dans la le film prend une toute autre thématique de la dualité et INTERPRÈTES : Séance suivie de la Master résonance à l’heure de l’élec- de l’altérité, défendue dans Beau Bridges, Elizabeth Peña, Joanna Cassidy, Class « Joe Dante par Joe tion de Donald Trump comme la plupart des films de Joe Dante ». James Coburn, Kevin président des États-Unis. Dante : l’ennemi à l’extérieur Dunn, Phil Hartman Avec son slogan « L’Amérique ou à l’intérieur de soi, la para- États-Unis, 1997, telle qu’elle devrait être » et noïa et ses effets pervers. La couleur, 35 mm, 97 min

20 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE THEM! Vendredi 3 mars à 16h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

assistions à un défilé de RÉALISATION mutations nucléaires méta- Gordon Douglas CARTE phoriques provoquées par la SCÉNARIO BLANCHE radioactivité, à commencer Ted Sherdeman, Russell JOE DANTE par la meilleure d’entre elles : S. Hughes Des monstres attaquent la ville. PRODUCTEUR Ce modèle de référence pour Warner Bros. LE CINÉASTE tous les lézards, scorpions et A CHOISI SIX FILMS PHOTOGRAPHIE autres monstres de Gila déme- AMÉRICAINS Sidney Hickox surés qui suivront, est aussi DES ANNÉES 1950 bien conçu que pouvait l’être INTERPRÈTES QUI L’ONT James Whitmore, un film de studio, en dépit du INFLUENCÉ ET Edmund Gwenn, Joan fait que le directeur du studio, INSPIRÉ. Weldon, James Arness, Jack Warner, désapprouva le Onslow Stevens projet et coupa le budget pour États-Unis, 1954, noir et le priver du traitement prévu blanc, DCP, 94 min en couleurs et 3-D. Le réali- sateur sous contrat, Gordon GORDON DOUGLAS Douglas, excelle et le film a (1907- 1993) belle allure du point de vue C’est l’un des réalisateurs artistique et technique. Cet les plus précoces de sa enfant de sept ans que j’étais génération. Il débute comme acteur dans les années 1920 a eu des cauchemars pendant

CARTE BLANCHE CARTE avant d’asseoir sa réputation des années après avoir vu Des en tournant la suite des monstres attaquent la ville, mais fameux films Capitaine Blood On découvre des fourmis Pour cette carte blanche, il pour un enfant, en revanche je cela ne m’a pas empêché de et Robin des bois : les nouvelles géantes dans le désert m’a été demandé de limiter ne suis pas si sûr que ça ait été chercher tous les films d’épou- aventures du capitaine Blood et du Nouveau-Mexique. mes choix aux années 1950, un très bon moment pour un vante que je pouvais trouver à The Rogues of Sherwood Forest sortis en 1950. Il réalise trois Des créatures d’autant c’est pourquoi il n’apparaît pas adulte. C’était l’âge de la terreur partir de cet instant. Il sem- de films d’autres décennies, atomique, assimilée dans nos westerns à la suite, Fort Dobbs plus menaçantes que blerait que cela m’ait réussi. (1958), Yellowstone (1959) et leur reine et toute sa présumant qu’en théorie les petites têtes à d’interminables Gold of the Seven Saints (1961) colonie se dirigent vers années situées entre quatre et exercices de défense civile et Joe Dante, avec Clint Walker. Il excelle . quatorze ans seraient les plus à la propagande anti-commu- novembre 2016 dans la science-fiction avec formatrices. C’était en tous les niste. Et sur l’écran, tout au Des monstres attaquent la ville cas une merveilleuse décennie long des années 1950, nous qui remporte un vif succès.

21 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL LA NUIT DU CHASSEUR THE NIGHT OF THE HUNTER Vendredi 3 mars à 22h – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION : Charles Laughton

SCÉNARIO : James Agee, d’après un roman de David Grubb

PRODUCTEUR : Paul Gregory Productions

PHOTOGRAPHIE : Stanley Cortez

INTERPRÈTES : Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Peter Graves, Billy Chapin États-Unis, 1954, noir et blanc, DCP, 93 min

CHARLES LAUGHTON (1899-1962) Acteur anglais, formé à l’Académie royale d’art Après un court séjour en J’ai vu ce film de manière impro- styles allant de l’expression- de la névrose née de la Grande dramatique, jouant à Londres puis à Broadway, il débute à prison, Harry Powell, un bable, à une soi-disant séance nisme allemand au natura- Dépression, telle qu’incarnée Hollywood à la fin des années prédicateur dévoyé, part de cinéma pour les enfants, lisme de Griffith, parachevée (dans ce qui sera la meilleure 1920. Il se fait rapidement à la recherche du magot lorsque j’avais neuf ans. Son par le casting emblématique de performance de sa carrière) par remarquer et ne cesse plus de que son ex-partenaire intensité m’a sidéré de manière la muse de ce cinéaste, Lillian Robert Mitchum en « prédica- tourner jusqu’au début des années 1960. Quelques titres

CARTE BLANCHE CARTE de cellule a caché. Il se inattendue, comme jamais un Gish. Les talents combinés de teur serial killer ». Poétique, cau- rapproche de la veuve film ne l’avait fait. C’est en par- Laughton, du directeur de la chemardesque et inoubliable, de sa longue filmographie : Le Signe de la croix (Cecil B. de celui-ci et de ses deux tie un conte de fées, en par- photographie Stanley Cortez c’est un bijou unique de cinéma. DeMille, 1932), Si j’avais un enfants. tie un film d’horreur. Le fait et du scénariste James Agee Jacques Rivette l’avait qualifié million (Ernst Lubitsch, 1932), que Charles Laughton n’ait (dont la trop longue adaptation « d’aérolithe le plus sidérant Les Révoltés du Bounty (Frank Séance présentée par jamais réalisé d’autre film est du roman noir de David Grubb de l’histoire du cinéma. » Lloyd, 1935), Vivre libre (Jean Céline Ruivo une tragédie pour le monde a été grandement réécrite par Renoir, 1943), Témoin à charge du cinéma. Ici, il s’est servi le cinéaste) ont créé une évoca- (Billy Wider, 1957), Tempête à Joe Dante, Washington (Otto Preminger, d’une étonnante gamme de tion particulièrement onirique Novembre 2016 1962)… Il a réalisé un film et un seul : La Nuit du chasseur. 22 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL L’INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES THE INVASION OF THE BODY SNATCHERS Dimanche 5 mars à 16h – Christine 21

été remplacés par des clones RÉALISATION extraterrestres qui ont poussé Don Siegel dans des cosses. Ce thème de SCÉNARIO la perte d’identité apparaît fré- Daniel Mainwaring, quemment dans les années d’après un roman de 1950 et il n’est pas limité à la Jack Finney science-fiction, mais s’aligne PRODUCTEUR sur une dépendance gran- Walter Wanger Pictures dissante typique de la guerre PHOTOGRAPHIE froide vis-à-vis de la psychiatrie Ellsworth Fredericks et de la peur de l’apocalypse. INTERPRÈTES L’approche pragmatique de Kevin McCarthy, Dana Don Siegel intensifie le sus- Wynter, King Donovan, pense. Kevin McCarthy, un Carolyn Jones, Larry ami cher qui a travaillé avec Gates moi sur plusieurs projets, a États-Unis, 1955, noir et toujours été perplexe à l’idée blanc, DCP, 80 min qu’il était destiné, malgré une extraordinaire carrière d’acteur allant de Tchekhov DON SIEGEL (1912-1991) à Vonnegut, à ce que le meil- Il commence une carrière de leur souvenir que l’on garde monteur et travaille, entre de lui soit celui des dix-neuf autres, sur Casablanca (1942) Dans une petite ville de Numérisation réalisée par diverses imitations au fil des jours qu’il a passés en 1955 à de Michael Curtiz. Son premier Technicolor pour United Californie, le médecin années). Exceptionnellement court métrage, Hitler Lives International Pictures. courir dans tous les sens au local constate le com- pour un film de science-fic- studio d’Allied Artists pour (1945), est un documentaire de propagande et son premier long portement étrange des tion, il dérive sur le terrain du combattre les extraterrestres. Chaque génération, semble- métrage, The Verdict (1946), un habitants, paraissant film noir dans le traitement soudain dénués d’émo- t-il, possède son propre et dans l’approche. Lorsque film noir. Suivent, entre autres, Joe Dante, Les Révoltés de la cellule 11 CARTE BLANCHE CARTE tions. Peu à peu, il com- remake de cette adaptation les habitants d’une petite ville du roman-feuilleton de Jack Novembre 2016 (1954), L’Ennemi public (1957), prend qu’une invasion de Californie commencent À bout portant (The Killers, extraterrestre est en Finney, dont les thèmes à s’inquiéter que leurs proches 1964). Sa rencontre avec Clint cours. ont suffisamment fait écho aient subtilement « changé », Eastwood est décisive ; entre pour supporter une recons- ils doivent faire face à l’in- 1968 et 1979, il tourne cinq titution en 1978, 1993 et concevable… Ils n’ont pas films avec lui dont L’Inspecteur en 2007 (sans compter les Harry, Les Proies et L’Évadé simplement changé, ils ont d’Alcatraz.

23 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL ARTISTES ET MODÈLES ARTISTS AND MODELS Vendredi 3 mars à 21h30 – Christine 21

RÉALISATION Frank Tashlin

SCÉNARIO Herbert Baker, Hal Kanter, Don McGuire, Frank Tashlin, d’après une pièce de Michael Davidson et Norman Lessing

PRODUCTEUR Wallis-Hazen

PHOTOGRAPHIE Daniel L. Fapp

INTERPRÈTES D. Martin, J. Lewis, S. MacLaine, D. Malone, E. Gabor, A. Ekberg États-Unis, 1955, couleur, DCP, 109 min

FRANK TASHLIN (1913-1972) Il débute pour Paul Terry et évolue dans plusieurs studios Rick, un dessinateur Numérisation de la Paramount. neuf ans accro aux séances de Shirley MacLaine est hilarante d’animation. À partir de la fin sans emploi, et Eugene, cinéma du samedi après-midi. dans son second film (passer des années 1930 et pendant son colocataire fou de En tant qu’enfant obsédé Les gags visuels absurdes de d’Hitchcock à Tashlin, en voici les années 1940, il travaille comic books, végètent par les bandes dessinées et Tashlin et l’exagération inci- une étonnante trajectoire de au département scénario de fan féroce de Dean Martin et Walt Disney et à l’animation dans leur appartement sive de la pop culture améri- carrière !) en inspiratrice de chez Warner Bros. Puis, il

CARTE BLANCHE CARTE new-yorkais. La chance Jerry Lewis, cet éblouissant caine ont, de toute évidence, The Bat Lady, personnage de écrit pour le cinéma burlesque semble leur sourire déploiement de Technicolor de eu une impression durable sur bande-dessinée favori de Jerry. (notamment pour les Marx lorsque leur voisine, l’ancien animateur de « Looney ma vision du monde. Parmi Brothers, Bob Hope) et réalise dont Rick est amoureux, Tunes » devenu réalisateur, les séries de Martin et Lewis, Joe Dante, plusieurs comédies : La Blonde se fait virer de son poste. Frank Tashlin (la première ce film-là se rapproche le plus Novembre 2016 et moi (1956) ou Un vrai cinglé de ses nombreuses collabora- de cinéma (1956), avec le duo du style du magazine MAD, Jerry Lewis et Dean Martin, tions avec Lewis), était fait sur même si le suivant, Un vrai cin- des films inspirés par un esprit mesure pour moi, ce gamin de glé de cinéma, est comparable. « cartoon ». Il est aussi l’auteur d’une série de livres illustrés 24 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL pour enfants. L’HOMME QUI RÉTRÉCIT THE INCREDIBLE SHRINKING MAN Jeudi 2 mars à 19h – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION Jack Arnold

SCÉNARIO Richard Matheson, d’après son propre roman

PRODUCTEUR Universal International Pictures

PHOTOGRAPHIE Ellis W. Carter

INTERPRÈTES Randy Stuart, Grant Williams, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey États-Unis, 1956, noir et blanc, DCP, 81 min

JACK ARNOLD (1916–1992) Il débute en tant qu’acteur à Contaminé par une J’ai eu le privilège de connaître Movie, a adapté son propre de ses revers et triomphes est Broadway avant d’intégrer l’US brume étrange, Scott Jack Arnold à la fin de sa vie roman dans lequel un type le nôtre. Mais l’aspect le plus Army pour laquelle il tourne une vingtaine de documentaires. Carey remarque que son et j’ai toujours aspiré à être ce commence mystérieusement marquant du film est la fin « Il réalise des films de science- corps rétrécit. Il ne cesse qu’il a été, un réalisateur actif à rapetisser jusqu’à ce qu’il malheureuse », à la fois inat- fiction comme Le Météore de la de rapetisser jusqu’au capable de gérer une variété atteigne l’infini. Oui, il s’agit tendue et profonde – la plupart nuit (1953), L’Étrange Créature du lac noir (1955), tournés en CARTE BLANCHE CARTE jour où, toujours plus de genres. Je ne pense pas que encore de radiation ! (Une des films de studio résolvaient minuscule et pourchassé Jack contesterait mon choix chose que ces films nous le problème du héros à la fin, 3D, L’Homme qui rétrécit (1956), par le chat de la mai- pour ce film comme étant celui apprenaient était de montrer mais pas celui-ci. C’est très mais aussi des westerns (en particulier Une balle signée X, son, il tombe à la cave, qui se rapprocherait le plus du un sain scepticisme à propos probablement le meilleur film 1959) ou La Souris qui rugissait invisible aux yeux des chef-d’œuvre. Bien que réalisé de la puissance nucléaire.) La de science-fiction des années (1959), autre grand succès dans autres. avec un budget serré, comme nette précision technique avec 1950, mais aussi un des meil- lequel Peter Sellers interprète un film des films de science-fic- laquelle Arnold aborde cette leurs films que j’ai jamais vus. trois rôles. Jack Arnold a Séance suivie d’une tion rentables pour Universal, il matière est très efficace. Nous également travaillé pour la discussion avec Joe Dante. est sublime. Richard Matheson, y croyons vraiment et nous Joe Dante, télévision (Science-Fiction Theatre et les séries Perry Mason avec qui j’ai eu le plaisir de tra- compatissons aux malheurs de Novembre 2016 ou Peter Gunn). vailler sur Twilight Zone: the l’homme qui rétrécit, et chacun

25 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL LE GRAND CHANTAGE SWEET SMELL OF SUCCESS Dimanche 5 mars à 14h – Christine 21

RÉALISATION Alexander Mackendrick

SCÉNARIO Clifford Odets, Ernest Lehman, d’après un roman d’Ernest Lehman

PRODUCTEUR Norma-Curtleigh Productions

PHOTOGRAPHIE James Wong Howe

INTERPRÈTES Burt Lancaster, , Susan Harrison, Martin Milner, Sam Levene, Barbara Nichols, Jeff Donnell États-Unis, 1957, noir et blanc, DCP, 96 min

À New York, un agent Je suis suffisamment vieux Clifford Odets (qui a trans- prodigieusement serrée de ALEXANDER MACKENDRICK (1912-1993) de presse sans scru- pour me souvenir que Broad- formé l’adaptation origi- la mégalomanie et du refou- way ressemblait vraiment à nale par Ernest Lehman de lement sexuel. Un des films Après avoir étudié à la pules, Sidney Falco, Glasgow School of Art, il sert d’informateur ce que l’on voit là, à travers sa propre histoire, et était américains les plus incisifs de s’installe à Londres et travaille à J. J. Hunsecker, le la photographie pénétrante constamment présent sur le la période. La distribution est dans la publicité. Il réalise tout-puissant édito- de James Wong Howe, mise tournage réécrivant quotidien- parfaite. plusieurs films, entre les CARTE BLANCHE CARTE rialiste d’un journal à au service de l’un des portraits nement le scénario) résonnent années 1940 et 1950, pour les studios Ealing : Whisky à sensations, qu’il hait et les plus scabreux jamais filmés encore soixante ans plus tard. Joe Dante, de la vie médiatique de New Alexander Mackendrick, l’an- novembre 2016 gogo ! (1949), Mandy (1952) jalouse à la fois. Celui-ci ou L’Homme au complet blanc le charge de briser York. Le personnage machia- cien réalisateur de comédies (1951), par exemple. Le Grand l’idylle nouée entre sa vélique de Burt Lancaster est des studios Ealing, peut sem- Chantage (1957) ouvre sa sœur, Susan, et un musi- une combinaison de l’expert bler un choix insolite pour ce carrière américaine. Il réalisera cien de jazz. en potins Walter Winchell et film mais, bien qu’intimidé d’autres films remarquables du chroniqueur/star de télévi- par le producteur/star Burt dont Sammy Going South sion Ed Sullivan, et les mémo- Lancaster, il s’est montré à (1963) ou Un cyclone à la Jamaïque (1965), avant de se rables dialogues cyniques de la hauteur avec une étude consacrer à l’enseignement du cinéma. 26 JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL WES ANDERSON 27 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR BIENVENUE MR. FOX !

Les films de Wes Anderson sont uniques dans le pas empreint de nostalgie, bien au WES ANDERSON cinéma américain d’aujourd’hui, mais témoignent contraire il nourrit au présent les (1969) images de ses films. Né le 1er mai 1969 à Houston, aussi d’un monde intérieur aussi logique que secret. Texas, Wes Anderson est un Héritier de Lubitsch, dont il partage la mélan- L’intérêt de Wes Anderson pour les réalisateur autodidacte. Il signe films des autres ne s’est jamais tari son premier long métrage, colie « Mitteleuropa », ses films inventent un Bottle Rocket, en 1996, et depuis que j’ai fait sa connaissance. rencontre un premier succès monde parallèle qui brasse toutes les époques, Grâce au dialogue constant que j’ai pu critique et public avec Rushmore une dystopie de cinéma absolument inimitable. avoir avec lui depuis toutes ces années, en 1998. Nommé à l’Oscar j’ai appris à donner une seconde chance du meilleur scénario en 2001 à des films et des cinéastes que j’avais pour La Famille Tennenbaum, Wes Anderson aime l’Europe, la France, jugé de manière un peu expéditive il passe par l’animation avec mais par-dessus tout, Paris, et ses rues Fantastic Mr. Fox (2009) et (le mal absolu de la cinéphilie fran- qu’il nous est arrivé parfois d’arpen- connaît son plus gros succès à çaise). Il nous arrive parfois d’évo- ter, d’une rive à l’autre de la capitale. la sortie de The Grand Budapest quer une quinzaine de films dans la Hotel (2013). Il collabore Marcher et regarder, c’est l’un des même conversation, quitte à perdre fréquemment avec Owen privilèges que s’autorise Wes, loin complètement le fil. C’est cette curio- Wilson ou Roman Coppola à du bruit et du tumulte des grandes sité généreuse et contagieuse, sans l’écriture, et compte Bill Murray, villes américaines. Ce plaisir du flâ- Jason Schwartzman et Angelica esprit de chapelle, qui se reconnaît neur, il ne le revendique pas comme Huston parmi ses acteurs dans le choix de films éclectiques de un droit à la paresse : c’est un grand fétiches. Il tourne également sa carte blanche. On y trouve un chef- La Vie aquatique (2004), À bord travailleur, un technicien hors du com- d’œuvre oublié, le sublime David Golder du Darjeeling Limited (2007) et mun ; et il suffit de regarder ses films de Duvivier ; un film fondateur de la Moonrise Kingdom (2011). pour s’en rendre compte. Nouvelle Vague, Les Dernières Vacances de Leenhardt ; un beau film de Louis Non, pour Wes, flâner, c’est d’abord Malle, Le Souffle au cœur ; une rareté de observer, prendre le temps, noter et Bogdanovich, Daisy Miller ; Barfly, un surtout : ne pas oublier. Ne pas oublier des grands films de Barbet Schroeder. le coin de rue, le titre de film, la réfé- rence picturale. Enfin, à titre personnel, c’est une joie de voir la Cinémathèque accueillir Autant dire que sa présence au fes- Wes Anderson. Car même si l’insti- tival Toute la mémoire du monde est tution n’a cessé de voyager depuis absolument logique : Wes Anderson sa création, elle garde dans ses murs a étudié Proust à l’Université, et son le souvenir de Langlois, un person- goût pour le cinéma du passé n’est nage qui fascine Wes depuis toujours.

28 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR J’aime à penser que la Cinémathèque est d’abord la maison des cinéastes du monde entier, ceux qui ont fait des films, et ceux qui rêvent d’en faire. À une certaine époque, on traitait par- fois les cinéphiles les plus endurcis de « rats de cinémathèque », appellation qui associe donc ces spectateurs à des rongeurs nuisibles et dangereux. Soit… Les choix de Wes Anderson pour sa carte blanche rappellent à ceux que le passé n’intéresse pas que c’est grâce aux films des autres que l’on apprend, que l’on comprend, et que parfois même on ruse avec tout ce que le cinéma nous impose comme contraintes et comme conventions. Wes, comme en écho à son personnage rebelle de Mr. Fox, invente donc un nouveau genre de cinéphile : le renard de cinémathèque. Élégant, à l’affût, et toujours curieux.

Nicolas Saada

29 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR RUSHMORE Vendredi 3 mars à 18h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

qu’à ce que deviendra ensuite RÉALISATION : la patte Anderson, assemblage Wes Anderson hétéroclite d’esthétique publi- SCÉNARIO : citaire, de dispositifs théâ- Wes Anderson traux, de bricolages dandys PRODUCTION : et de références lettrées : American Empirical Stefan Zweig, Jacques-Yves Pictures, Touchstone Cousteau, Jules Verne, Hal Pictures Ashby, Yves Montand… PHOTOGRAPHIE : S’il a parfois été reproché au Robert D. Yeoman cinéma de Wes Anderson son INTERPRÈTES : côté mignon, maison de pou- Jason Schwartzman, pées pop, ce qui étonne fina- Bill Murray, Olivia lement devant Rushmore c’est Williams, Brian Cox, combien ces procédés de mise Luke Wilson en scène voyants n’étouffent États-Unis, 1998, jamais l’émotion : derrière les couleur, 35 mm, 89 min artifices sourd une mélancolie retenue, une petite note triste MASTER CLASS Max est étudiant à Rushmore a déjà commencé qui suivront. Avec des cadres au tenue tout le long du film et WES ANDERSON, Rushmore, une presti- depuis cinq bonnes minutes. cordeau, à la symétrie millimé- qui, le dernier plan venu, vous LES FILMS DE MA VIE gieuse université pri- C’est une entame honorable, trée. Une direction artistique laisse sur le flanc. Bill Murray, Animée par Nicolas Saada vée. Jeune adolescent de belle facture, mais rien ne rétro-pastel quasi-maniaque. équilibriste de génie, y est dans et Frédéric Bonnaud À l’issue de la projection de brillant, il délaisse ses déborde vraiment du tradi- Une bande originale racée : The la même seconde hilarant et études au profit d’une tionnel programme du film Kinks, The Faces, The Who… En Rushmore, Wes Anderson déchirant. Il porte ce petit revient sur les films qui l’ont multitude d’activités de campus. Puis déboule une quinze plans léchés et embal- film fragile sur ses épaules, et marqué et influencé, et ceux extra-scolaires. Menacé courte séquence, deux minutes lants, Anderson vient de poser trouve ici le rôle ‒ et le cinéaste qu’il a lui-même réalisés. d’expulsion, il se lie un peu folles, nouvelles. Deux les bases de son art. ‒ qui feront basculer sa car- « L’organisation, c’est une d’amitié avec Rosemary, minutes qui lancent le film, et Son précédent et premier film, rière et l’introniseront roi sur sorte de métaphore de l’art : réorganiser la vie dans une une jeune enseignante le cinéma de Wes Anderson Bottle Rocket, ne laissait rien l’échiquier du cool. Ce n’est pas dont il tombe amoureux. dans un même mouvement. présager de cette brusque éclo- mise en scène pour que le moindre attrait de Rushmore, tout prenne un sens. On Un lumineux enchaînement sion. La comédie, sympathique, mont séduisant d’une œuvre recherche une harmonie, Séance suivie de la Master de plans comme un manifeste dévoilait un réel talent, mais en devenir. une inspiration. Et parfois Class Wes Anderson. esthétique, que le cinéaste plastiquement, le film ne tran- devant une œuvre d’art, on a s’emploiera ensuite à déve- chait pas. Rushmore tranche. Xavier Jamet le sentiment que cette œuvre lopper, à polir, dans les films Il ne ressemble à rien d’autre nous représente (…) »

30 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR À BORD DU DARJEELING LIMITED THE DARJEELING LIMITED Samedi 4 mars à 19h45 – Christine 21

manière d’une comédie d’aven- RÉALISATION : tures légère et mélancolique est Wes Anderson un art ici parfaitement maîtrisé SCÉNARIO : par Wes Anderson. Le film, Roman Coppola, émouvant et sensible, à l’es- Jason Schwartzman, thétique affirmée et à la mise Wes Anderson en scène élégante, approche PRODUCTION : avec intelligence les difficul- Fox Searchlight Pictures, tés des personnages à être au Collage, American monde. En l’occurrence une Empirical, Dune Entertainment LLC partie du monde, l’Inde, où ils se retrouvent à la fois perdus PHOTOGRAPHIE : et bouleversés. Robert D. Yeoman Les trois frères trimballent INTERPRÈTES : une tonne de valises chics et Owen Wilson, personnalisées, dont on se Adrien Brody, demande ce qu’elles peuvent Jason Schwartzman À bord du Darjeeling Limited dans le train qui vient de par- bien contenir (on les ouvre États-Unis, 2007, Trois frères, qui ne se est le cinquième long métrage tir. Course entre deux géné- seulement pour y trouver couleur, 35 mm, 91 min parlent plus depuis de Wes Anderson. Il impose rations d’acteurs, seul le plus des antidépresseurs et un la mort de leur père, l’univers fascinant et coloré du jeune parviendra à bord du gaz lacrymogène servant au décident de faire cinéaste, où décors élaborés et Darjeeling Limited : c’est son cadet à tenir ses ainés à dis- ensemble un grand costumes délicats le disputent aventure, un voyage initiatique, tance) et dont c’est peu de dire voyage en train à travers à une mise en scène dynamique après l’enfance. Peter (Adrien qu’elles encombrent. Leur mis- l’Inde afin de renouer les et nerveuse. Les petits espaces Brody) rejoint à bord ses deux sion achevée (retrouver leur liens d’autrefois. des compartiments et le cou- frères, Francis (Owen Wilson) mère retirée dans un monas- loir exigu du train obligent à et Jack (Jason Schwartzman). tère himalayen), les frangins, Séance présentée par une construction méticuleuse Ils entament ensemble un montés in extremis à bord du Wes Anderson et Nicolas dans un cadre réduit, le train voyage « spirituel » à travers train du retour, contemplent Saada. lui-même figurant l’histoire le Rajasthan dont l’objet sera, leurs bagages jetés à terre, qui avance. pour ces garçons en quête de épars, comme on regarde Le film s’ouvre sur ce qui paraît sens familial, de reconstituer s’éloigner un passé trop lourd, une course poursuite. Il y a une fratrie décomposée et, encombrant. Adultes, ils sont bien une course : celle entre plus matures, de réapprendre soulagés. Et nous, ravis. Bill Murray et Adrien Brody, à vivre. Traiter des sujets forts pour qui il s’agit de monter (et parfois embarrassants) à la Matthieu Grimault

31 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR FANTASTIC MR. FOX Jeudi 2 mars à 20h – Christine 21

manufacturés, dans une gamme RÉALISATION : chromatique très douce (magni- Wes Anderson fiques couleurs automnales). SCÉNARIO : La surprise initiale de voir Wes Wes Anderson, Noah Anderson s’aventurer sur le ter- Baumbach, d’après rain du cinéma d’animation est Roald Dahl vite occultée par une reconnais- PRODUCTEUR : sance immédiate de son style Twentieth Century visuel : élégance et précision Fox, Indian Paintbrush, de la composition des cadres, Regency Enterprises, American Empirical frontalité des plans balayés Pictures, Twentieth par des travellings latéraux, Century Fox Animation douceur de ton mêlée de bru- tales accélérations de rythme. PHOTOGRAPHIE : Tristan Oliver Si Fantastic Mr. Fox met en scène des renards, blaireaux et autres INTERPRÈTES : opossums, son grand sujet est Avec les voix de George Clooney, Meryl Streep aussi celui des films de fiction en Mr. Fox, renard voleur Fantastic Mr. Fox de Roald et s’inspire largement de cet prises de vue réelles du cinéaste États-Unis/Grande- de poules chevronné Dahl est le premier roman que environnement rural pour (La Famille Tenenbaum, La Vie Bretagne, 2009, couleur, secondé par sa femme, Wes Anderson a lu dans son mettre au point la direction DCP, 88 min aquatique, À bord du Darjeeling décide d’arrêter cette enfance. Lorsque Revolution artistique du film. Limited…) : la famille, les ques- activité lorsque naît Studios en acquiert les droits Sorti fin 2009 aux États-Unis, tions de filiation, de transmis- leur fils. Des années en 2004, Anderson est tout de Fantastic Mr. Fox est en par- sion, d’affranchissement du plus tard, il achète une suite associé au projet, d’abord tie éclipsé par le triomphe de cadre ou de l’héritage familial. maison près de trois avec Henry Selick (qui a déjà la production Pixar, Là-haut. Le tout enveloppé dans un film élevages. travaillé avec lui comme direc- Formellement, les deux films d’aventures enlevé, porteur d’un teur de l’animation sur La Vie sont aussi éloignés que pos- message écologique et huma- aquatique), puis avec Mark sible : Anderson refuse l’es- niste. Il en résulte un équilibre Gustafson et Noah Baumbach, thétique numérique pour subtil entre fantaisie visuelle et ce dernier cosignant le scénario privilégier l’animation image réalisme des sentiments, entre avec le réalisateur. Anderson par image de marionnettes péripéties trépidantes et drame commence par s’installer pen- fabriquées et animées à la main existentiel poignant. dant plusieurs semaines dans (armatures en acier, fourrure et la propriété anglaise où Dahl a vêtements), évoluant dans cent Caroline Maleville écrit la plupart de ses romans, cinquante décors entièrement

32 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR THE GRAND BUDAPEST HOTEL Jeudi 2 mars à 22h – Christine 21 / Samedi 4 mars à 15h45 – Le Méliès

sans oublier l’orchestre Ossipov et ses RÉALISATION : trente-cinq joueurs de balalaïkas, cors Wes Anderson des alpes, orgue, cloches ou autre cymba- SCÉNARIO : lum (Oscar de la meilleure musique pour Wes Anderson, d’après Randall Poster et Alexandre Desplat, déjà l’œuvre de Stefan présent sur Fantastic Mr. Fox et Moonrise Zweig Kingdom). Le film a été tourné principa- PRODUCTEUR : lement à Görlitz (zone interrogeant la Fox Searchlight frontière, entre Allemagne, Pologne et Pictures, Indian République tchèque), mais pour les nom- Paintbrush, Studio Babelsberg, American breux plans larges du palace (inspiration Empirical Pictures, TSG mélangée du Palais Bristol, Grandhotel Entertainment Pupp et du Gellért à Budapest), une maquette de trois mètres de haut a été PHOTOGRAPHIE : Robert D. Yeoman réalisée, maison de poupée monumentale entièrement décorée à la main, objet de INTERPRÈTES : musée immédiat. Pour raconter les tri- Ralph Fiennes, F. Murray Abraham, bulations d’une Mitteleuropa qui court Mathieu Amalric, à sa perte, Wes Anderson s’est claire- Willem Dafoe, Harvey Un vieil écrivain se souvient de On nomme manie, en psychiatrie, un ment inspiré des écrits de Stefan Zweig, Keitel, Jude Law, Bill son entrevue avec le propriétaire état d’excitation intellectuelle et physique de l’imaginaire de Ludwig Bemelmans Murray du fameux hôtel Grand Budapest. avec exaltation de l’humeur et euphorie et du cinéma d’Ernst Lubitsch. Un bel États-Unis/ Retour en 1932, en Zubrowka, anormale. Ainsi, The Grand Budapest Hotel ensemble obsessionnel et joyeux, tiré à Allemagne/Angleterre, Moustafa Zero n’est encore qu’un est une comédie maniaque à saturation quatre épingles et parfaitement remonté 2013, couleur/noir et groom quand il rencontre son mentor ébouriffante : casting en avalanche de stars comme un coucou sophistiqué de la Forêt blanc, DCP, 99 min Gustave H. et sa bien-aimée Agatha. funambules hollywoodiennes et euro- noire perfectionné au Japon, qui donne péennes, récit à tiroirs façon matriochka vie à un drôle de mélange entre fougue Séance du samedi 4 mars présentée par (télescopage de trois époques différentes (travelling en longue prise et effet domino, Wes Anderson. avec son jeu de trois formats d’image dis- signatures du cinéaste) et mélancolie, à tincts), dialogues mitraillettes et mille ce tropisme délicat pour le monde perdu « En réalité, le gourmet, comme l’artiste, en photochrome et résistance pudique à est l’une des créatures les plus malheu- idées formelles à la minute récompensées ici et là (décors, costumes et accessoires, la nuit de l’humanité des années 1940. reuses sur terre. Son mal vient de ce qu’il séquences en stopmotion et en silhouette), recherche constamment et trouve si peu : Émilie Cauquy la perfection. » photographie tout en symétrie signée par Ludwig Bemelmans le désormais attitré Robert D. Yeoman,

33 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR DAVID GOLDER Samedi 4 mars à 13h45 – Le Méliès

Dix ans après ses débuts au RÉALISATION : CARTE cinéma (Haceldama ou le prix du Julien Duvivier BLANCHE sang, 1919) et fort d’une car- SCÉNARIO : rière dans le Muet riche mais au Julien Duvivier, d’après WES succès inégal (Crépuscule d’épou- un roman d’Irène ANDERSON vante, 1921 ; L’Abbé Constantin, Némirovsky 1924…), Julien Duvivier réa- PRODUCTEUR : lise son premier film parlant en Les Films Marcel Vandal WES ANDERSON 1931 : David Golder, adaptation et Charles Delac A CHOISI CINQ d’un roman de l’écrivain russe PHOTOGRAPHIE : FILMS QUI L’ONT francophone Irène Némirovsky Georges Périnal, INFLUENCÉ. IL paru en 1929. Marcel Vandal Armand Thirard, Walter PROPOSE AINSI et Charles Delac, producteurs Ganzli DEUX DOUBLES attitrés de Duvivier, lui restent INTERPRÈTES : PROGRAMMES : fidèles. C’est pourtant contre Harry Baur, Jackie RUSHMORE/ leur avis que Julien Duvivier Monnier, Paule Andral, LE SOUFFLE AU fait appel à Harry Baur, vedette Jacques Grétillat CŒUR ET DAVID venue du théâtre, pour le per- France, 1931, noir et GOLDER/THE sonnage de Golder. David Golder blanc, 35 mm, 86 min GRAND BUDAPEST marque la première étape de la HOTEL. fructueuse collaboration (six JULIEN DUVIVIER films) et relation d’amitié qu’en- (1896-1967) tretiendront le cinéaste et l’ac- Après avoir fait ses débuts Apprenant qu’il n’est pas teur. Dialogues précis et secs, comme acteur de théâtre en 1916, Julien Duvivier passe à le père de celle qu’il a différents niveaux de narration élevé, comme sa fille, le la régie puis à la mise en scène. CARTE BLANCHE CARTE sonore, David Golder témoigne Il se lance d’abord dans des riche homme d’affaires d’une parfaite appropriation adaptations avec Poil de Carotte David Golder décide de « L’excellente et infini- misérables d’un homme riche du nouvel outil. Le film reçoit (1925) ou Au bonheur des dames provoquer sa propre (1929). Il affirme son originalité ment triste nouvelle d’Irène qui s’était hissé aux sommets par ailleurs un accueil critique ruine, entraînant avec avec l’arrivée du Parlant : David Némirovsky adaptée et conden- de l’échelle sociale après avoir dithyrambique et marque le lui tous ceux qui lui ont Golder, La Bandera (1935), La sée dans un film parfait des commencé comme chiffonnier premier vrai succès de la car- Belle Équipe (1936) et Pépé le fait confiance. débuts du cinéma sonore. dans les rues d’Odessa pen- rière de Duvivier. Moko (1937) qui le propulsent au rang des plus grands Séance suivie d’une Harry Baur, offre l’une de dant son enfance. » réalisateurs français. Ses films, discussion avec Wes ses meilleures performances Wes Anderson, décembre 2016 Adrien Rode dans lesquels transparaît un Anderson et Nicolas Saada. dans ce récit des derniers jours profond pessimisme, marquent le cinéma français de la période 34 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR 1930-1960. LES DERNIÈRES VACANCES Samedi 4 mars à 21h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

est romanesque et le sujet n’est RÉALISATION : pas sans rappeler un modèle de Roger Leenhardt la littérature française du début SCÉNARIO : du XXème siècle, le « roman de Roger Leenhardt, domaine ». En engageant une Maurice Junod jeune danseuse de l’Opéra de PRODUCTEUR : seize ans pour le rôle de Juliette L.P.C. ‒ Les Productions (Étiennette de Poliakoff, qui Cinématographiques adopte dès ce premier film le (Paris) pseudonyme d’Odile Versois), PHOTOGRAPHIE : Leenhardt contribue à l’évolu- Philippe Agostini tion du « portrait cinémato- INTERPRÈTES : graphique français de la jeune Odile Versois, Michel fille du plan Musset au plan François, Pierre Dux, Giraudoux » (Chroniques de Renée Devillers, Jean cinéma, Éditions de l’Etoile, d’Yd, Christiane Barry 1986), et en finit par la même France, 1948, noir et occasion avec une facture théâ- blanc, 35 mm, 95 min trale alors souvent de mise dans le cinéma français. La photo- ROGER LEENHART Une famille passe ses « Je ne l’ai jamais vu. Il a inspiré la suite la reconnaissance des graphie lumineuse de Philippe (1903-1985) dernières vacances dans et François Truffaut cinéphiles grâce à ses multiples Agostini confie aux instants sus- Réalisateur, scénariste, producteur et critique français, une propriété dont elle et, d’après ce que l’on m’a dit, diffusions dans les ciné-clubs. pendus de ce dernier été dans il écrit dans la revue Esprit, doit se séparer. Les d’autres auteurs de la Nouvelle Ancien critique à Esprit, « émi- le Midi une atmosphère douce ses analyses inspirent Bazin enfants se liguent pour Vague. Peut-être peut-il nous nence grise de l’intelligence et poétique. Avec une grande et Truffaut. Considéré comme éviter la vente. Jacques, inspirer, nous aussi. » cinématographique » comme subtilité, Leenhardt évoque la l’un des pères spirituels de la amoureux de sa cou- Wes Anderson, décembre 2016 le qualifie André Bazin, Roger fin irrévocable et déjà nostal- Nouvelle Vague, il crée avec CARTE BLANCHE CARTE sine Juliette, voit d’un Leenhardt a jusqu’alors réalisé gique de l’utopie de l’enfance, Cocteau et Bresson le ciné-club Objectif 49. Il réalise plusieurs mauvais œil l’arrivée Les Dernières Vacances est un une dizaine de courts métrages. lorsque la grâce et l’élan laissent documentaires sur de grands d’un potentiel acheteur film singulier dans le pay- Poussé par le producteur Pierre place à la lucidité abrupte d’un écrivains et peintres (Victor qui semble s’intéresser sage du cinéma français de Gérin, ancien directeur de âge (presque) adulte dénué de Hugo, Pissaro, Paul Valéry), le à elle. l’après-guerre. Sa fraîcheur et l’IDHEC, il écrit le scénario fantaisie. remarqué Naissance du cinéma sa modernité annoncent le style et les dialogues des Dernières (1950), Le Beatnik et le Minet de la Nouvelle Vague et, malgré Vacances, avec la contribution Samantha Leroy (1967, avec Gérard Depardieu dans son premier rôle). Il a écrit un accueil public discret à sa sor- de son beau-frère Roger Breuil, et tourné deux longs métrages : tie en 1948, le film trouve par et réalise le film. La structure Les Dernières Vacances et Le Rendez-vous de minuit (1962). 35 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR LE SOUFFLE AU CŒUR Vendredi 3 mars à 21h30 – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

Néanmoins, le projet trouve RÉALISATION : un producteur et obtient le Louis Malle financement de Marianne SCÉNARIO : Films, qui travaille pour le Louis Malle compte de la Paramount. Le PRODUCTION : tournage débute mi-août, NEF, Marianne Films, pour dix semaines, notam- Vides Cinematografica, ment à Versailles et à Saint- Franz Seitz Honoré-les-Bains. Le jeune Filmproduktion Benoît Ferreux interprète le PHOTOGRAPHIE : rôle principal, tandis que son Ricardo Aronovich frère Fabien joue l’un de ses INTERPRÈTES : deux frères. Les comédiens Daniel Gélin, Lea amateurs sont entourés de Massari, Michael Lea Massari, Daniel Gélin, Lonsdale, Ave Ninchi, Michael Lonsdale. La pre- Benoît Ferreux mière partie du film présente France / Italie / RFA, un caractère autobiographique : 1971, couleur, 35 mm, la fiction est nourrie de sou- 118 min venirs et d’anecdotes de l’en- fance de Louis Malle, tels que LOUIS MALLE les menus larcins, la farce du (1932-1995) tableau lacéré, le jazz, le dia- Réalisateur de films de fiction gnostic du souffle au cœur… et de films documentaires, il Atteint d’un souffle au « Mon film préféré par l’un le scénario, quasiment abouti, Mais la relation entre la mère fait ses débuts à l’IDHEC. Son cœur, Laurent, un ado- des plus grands maîtres du de ce qui deviendra Le Souffle et son fils est bien fictive, et documentaire Le Monde du lescent, est contraint de cinéma. » au cœur. Changeront tout de silence, coréalisé avec Jacques- fera polémique à la sortie du Yves Cousteau remporte la changer son existence. Il Wes Anderson, même le prénom du person- film. L’œuvre est néanmoins Caméra d’or à Cannes ; et part en cure et resserre décembre 2016 nage principal et, pendant le reçue par une critique enthou- Ascenseur pour l’échafaud (1957) ses liens avec sa mère. tournage, la toute dernière siaste, parfois désarçonnée par reçoit le prix Louis Delluc. CARTE BLANCHE CARTE En 1970, Louis Malle est de scène du film. L’avis défavo- le traitement de l’inceste. C’est Répartis en deux périodes, Séance présentée par retour en France, après de rable de la pré-censure prive également un succès public et française et américaine, ses Wes Anderson. longs séjours en Inde pour le cinéaste du prêt accordé films diffèrent sans cesse les uns commercial, sélectionné au des autres. Il adapte plusieurs le tournage de ses documen- par la Commission d’avance Festival de Cannes en 1971. romans engagés ou de parti-pris taires Calcutta et L’Inde fan- sur recettes et complique sa dont Les Amants, Zazie dans le tôme. Il écrit d’une seule traite recherche d’un distributeur. Marion Langlois métro, Le Feu follet ou encore Lacombe Lucien. 36 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR DAISY MILLER Dimanche 5 mars à 16h30 – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

de Henry James, Daisy Miller. RÉALISATION : Il l’utilisera comme un cane- vas pour raconter, dit-il, « une SCÉNARIO : histoire d’amour sur des occa- Frederic Raphael, sions manquées, des différences d’après une nouvelle de classes, l’impossibilité d’un de Henry James engagement affectif envers ce PRODUCTEUR : qui est étranger ou différent. » Copa del Oro, The Cette histoire sera, pense-t-il, Directors Company un nouveau grand rôle pour sa PHOTOGRAPHIE : muse, Cybill Shepherd. Alberto Spagnoli INTERPRÈTES : Le film, comme la nouvelle, Cybill Shepherd, oppose la vivacité et l’audace Barry Brown, Cloris d’une jeune Américaine à l’indé- Leachman, Mildred cision et la passivité de l’Euro- Natwick péen Frederick Winterbourne, États-Unis, 1974, soit, métaphoriquement, le couleur, 35 mm, charme des États-Unis et 90 min la décadence de l’Europe. PETER BOGDANOVICH Lors d’un séjour en « Ce film n’a pas eu beaucoup dans le rôle de Randolph, le Imprégné par les leçons de (né en 1939) Suisse, la délicate et de succès à sa sortie, mais je frère de neuf ans de Daisy. » ses maîtres (Hitchcock, Ford, Cinéphile averti, il est naïve Daisy Miller fait la ne pense pas que cela soit un Wes Anderson, décembre 2016 Welles), le cinéaste réalise un programmateur au MoMA connaissance d’un jeune défaut. Il est poétique et élé- découpage millimétré où pré- au début des années 1960 aristocrate américain giaque, tout en étant vif et cin- Peter Bogdanovich réalise Daisy vaut souvent la mélancolie de et publie des monographies sur John Ford, Orson Welles, expatrié. Peu après, ils se glant comme s’il avait été fait Miller après trois succès com- Winterbourne qui voit Daisy lui échapper sans cesse. Le Howard Hawks, Allan retrouvent à Rome. dans les années 1930. La fin merciaux. Il occupe alors une Dwan. Le magazine Esquire CARTE BLANCHE CARTE est déchirante, et Barry Brown position enviable, puisqu’il a film joue aussi de la présence l’envoie à Hollywood comme Séance précédée d’une interprète la dernière réplique rejoint et de l’entourage comme entrave. correspondant. Roger Corman discussion avec Wes de la nouvelle de Henry James William Friedkin à la Directors Bogdanovich signe ainsi un lui propose la réalisation de La Anderson, sur place, et à la perfection (en voix offdans Company dont Paramount dis- récit moderne sur la sexua- Cible (1968). Le succès critique avec Peter Bogdanovich, lité, la mélancolie et la soli- de ce premier film lui permet via Skype. le cimetière) : “ J’ai vécu trop tribue les productions, et peut tude du voyeur. de réaliser, en 1971, The Last longtemps dans des lieux étran- décider de s’engager dans un Picture Show, puis On s’fait la gers ”. Le fils du scénariste Larry film personnel. valise, docteur ? (1972). Proche McMurtry, James, est génial Il se tourne vers une nouvelle Pauline de Raymond des cinéastes du « Nouvel Hollywood », ses premiers films lui valent ses plus grands succès. 37 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR BARFLY Dimanche 5 mars à 14h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

de ses têtes d’affiche habi- RÉALISATION : tuelles (Bronson, Stallone, Barbet Schroeder Van Damme), ne se lance SCÉNARIO : dans sa production et que Charles Bukowski Mickey Rourke ne s’y inves- PRODUCTION : tisse au point de proposer lui- Golan-Globus même le rôle de Wanda à Faye Productions (Cannon), Dunaway. La Cannon prise Zoetrope Studios ensuite dans une tourmente PHOTOGRAPHIE : financière juste avant le tour- Robby Müller nage, Barfly se monte finale- INTERPRÈTES : ment grâce au complément de Faye Dunaway, Mickey dernière minute d’American Rourke, Alice Krige, Zoetrope, la société de produc- Jack Nance tion de Francis Ford Coppola. États-Unis, 1987, Le tournage se déroule dans couleur, 35 mm, 99 min les lieux réels parcourus par Henry Chinaski, « C’est par ce film que j’ai ren- peuplés de figures interlopes l’écrivain vingt ou trente ans écrivain, hante surtout contré l’œuvre merveilleuse de et réelles, un écrivain séduit plus tôt. Et en 1989, deux ans BARBET SCHROEDER les bars dans les Barbet Schroeder. Nous ado- une « déesse en détresse ». après le lancement de Barfly, (né en 1941) faubourgs miteux rions le magnifique Mickey Début d’une relation en forme présenté en 1987 au Festival Il crée la société de production de Los Angeles. Rourke dans ce film plus que de dérive, downtown L.A., au de Cannes, « Buk » publie Les Films du Losange en 1963 Il rencontre Wanda, une dans n’importe quel autre. Faye bar Kenmore, à la recherche Hollywood, ou l’histoire du et produit les Contes moraux femme solitaire qui elle Dunaway est spectaculaire, du scotch de fin de soirée ou d’Éric Rohmer, La Maman et film, de l’écriture à sa sortie. la Putain de Jean Eustache et aussi s’adonne à l’alcool. elle aussi. La photographie de de la bière perdue. Dans Barfly, Bukowski est bien d’autres films. En 1969, il Robby Müller pose une lumière Avec Barfly, Charles Bukowski incarné littéralement par un débute une carrière de cinéaste Séance suivie d’une particulière, toute en néons, écrivait pour la première fois Mickey Rourke lancé dans une avec More, premier de dix- discussion entre Wes sur une certaine misère. » pour le cinéma. Ce récit auto- transe douce et immobile, men- sept longs métrages tournés Anderson et Barbet Wes Anderson, décembre 2016. biographique lui avait été à ce jour à travers le monde, Schroeder. ton en avant, bouledogue commandé, non sans mal, et parmi lesquels Maîtresse en meurtri sur la défensive, en 1976, Le Mystère von Bülow en Henry Chinaski rencontre par Barbet Schroeder pour attente de baston, face à une 1990, La Vierge des tueurs en Wanda Wilcox pour le pire 20 000 $. Schroeder essaiera Faye Dunaway qui promène 2000, L’Avocat de la terreur en et le meilleur, au nom de l’al- pendant sept ans de monter son élégance chiffonnée. 2007. Son dernier film en date, cool et de l’amour. Dans un le film avant que la Cannon, Amnesia, est sorti en France Los Angeles nocturne émaillé prise alors d’un élan artistique Bernard Payen en 2015. des enseignes au néon de bars (Godard, Kontchalovski) loin

38 WES ANDERSON, INVITÉ D’HONNEUR RESTAURATIONS ET INCUNABLES ARPENTER

Cette section, sélection de restaurations menées le désespoir, sans parler de l’inventivité Cette édition du festival n’aurait pas récemment en France et dans le monde, occupe de son jeu d’acteur. été tout à fait la même sans la décou- verte d’un film de Georges Méliès, donné une place centrale dans le festival. Nous propo- L’occasion sera aussi donnée de voir pour perdu et retrouvé au NFA à Prague, sons cette année 27 séances pour un programme Phase IV, l’unique long métrage de l’un Match de prestidigitation. par nature éclectique. des plus virtuoses concepteurs de géné- riques à Hollywood, Saul Bass (les papiers En clôture, nous présentons Faust, le Il s’agit d’y retrouver de grands films, découpés de L’Homme au bras d’or, la dernier film allemand de Murnau qui certains absents des écrans depuis spirale de Vertigo, etc.). Dans ce thriller créait là une merveilleuse partition longtemps. d’anticipation, l’humanité se voit mena- d’ombres et de lumières. Le film sera cée par des fourmis. Le film s’impose accompagné par le multi-instrumen- Sera ainsi montré Le Lys brisé de D. W. dès ses premières images (la terre en tiste hollandais Jacco Gardner, maître Griffith, une production modeste en orbite autour du soleil) par sa force gra- es pop psychédélique. comparaison d’Intolerance et de Naissance phique. La cohabitation réussie entre le d’une nation, mais portée par maintes filmage hyperréaliste des fourmis par Nous montrerons aussi le beau film fulgurances. Lillian Gish y compose l’un Ken Middelham et la force des compo- d’une figure importante de la modernité de ses très grands rôles. On se souvient sitions contribue au charme du film. européenne, le Suisse Michel Soutter, ainsi de la façon dont elle invente un C’est grâce aux Archives du CNC que le homme de cinéma, de théâtre et de sourire forcé, étiré de la main, face à la spectateur pourra faire une autre expé- télévision, proche d’Alain Tanner et de brutalité de son père, ou joue la vulné- rience singulière, celle du Magirama Claude Goretta. Il s’agit des Arpenteurs, rabilité dans la fameuse scène du pla- d’Abel Gance. Ce film est aussi le nom un film qui célèbre le hasard, l’humour card (reprise par Kubrick dans Shining). d’un dispositif mis au point dans les et l’improvisation. Et c’est aussi le beau années 1950. Réutilisant des images nom de cette invitation que nous aime- La Vengeance aux deux visages ‒ qui devait de son J’accuse, l’auteur y poursuit sa rions vous lancer pendant cinq jours : être réalisé par et le quête de la « polyvision » entamée avec celle d’arpenter en tout sens le vaste fut finalement par Marlon Brando ‒ Napoléon. Il s’agit de la juxtaposition de territoire qu’est le cinéma. n’avait plus été vu, lui aussi, depuis trois écrans dont les images raccordent longtemps. Brando y interprète lui- pour former un vaste panorama. Pauline de Raymond même Rio, un homme blessé. Il saura être le contemporain d’une forme de La Cinémathèque française a restauré en modernité, tant dans l’utilisation qu’il 2016 Kean d’Alexandre Volkoff (1924), fait des paysages magnifiés par le for- portrait d’un comédien à la vie agitée. mat Scope et le Technicolor que par la Aussi pourrons-nous découvrir le film manière dont il évoque la sexualité et avec ses teintes originales dans une sublime copie.

40 RESTAURATIONS ET INCUNABLES CINÉMA DES PREMIERS TEMPS (1904-1921) Samedi 4 mars à 19h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

des collections, notamment Un homme tue son rival cinématographiques tou- par la découverte par NFA en pour les beaux yeux d’une ristiques de la Côte d’Azur. 2016 d’un film jusqu’ici perdu villageoise. Une traque est de Georges Méliès : Match de organisée. MATCH DE PRESTIDIGI- prestidigitation. TATION (PHOTO) LA CHASSE À LA GIRAFE de Georges Méliès LES PETITS PIFFERARI DANS L’OUGANDA France, 1904, Pathé-Frères, France, 1909, Pathé-Frères, d’Alfred Machin noir et blanc, 35 mm, 2 min couleur, 35 mm, 6 min France, 1910, Pathé-Frères, Copie tirée à partir d’une Copie tirée à partir d’une couleur, 35 mm, 7 min copie nitrate d’origine (incomplet). copie coloriée au pochoir. Copie tirée à partir d’une Deux prestidigitateurs font Deux enfants rencontrent copie coloriée au pochoir. apparaître tour à tour des un musicien avec lequel Des chasseurs européens, objets insolites (ou pour- ils partent chanter de ville avec porteurs et guides, quoi pas une fée ?). en ville. tuent la girafe, la font dépecer et emportent la peau. LA CHAUSSETTE L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE France, 1905, Pathé-Frères, France, 1906, Pathé-Frères, LES INSECTES noir et blanc, 35 mm, 2 min noir et blanc, 35 mm, 8 min Titre teinté d’après le teintage IMITATEURS Raretés des collections Les films des premiers temps Deux gosses font l’école de la copie nitrate d’origine. buissonnière et multi- France, 1915, Pathé-Frères, du Národní filmový tiennent une place particulière couleur, 35 mm, 5 min La danse de salon peut archiv de Prague dans les collections de Národní plient les bêtises. Copie tirée à partir d’une être un exercice difficile filmový archiv (NFA). Des copie coloriée au pochoir. quand une chaussette [ANTON ALS MODELL] Séance présentée par tirages en couleur de copies Différents insectes et leurs gratte trop... France, circa 1910, non Jeanne Pommeau. nitrate en danger ont permis stratagèmes pour se fondre Accompagnement musical identifié, Éclipse, noir et blanc, AMOUREUX dans les années 1980 de pré- 35 mm / 6 min dans leur environnement. par Masanori Euoki de la DE MADAME classe d’improvisation au server des films rares, tandis Impossible de réaliser France, 1909, Gaumont, noir et piano de Jean-François que le perfectionnement des [LA CÔTE D’AZUR] un tableau avec un tel blanc, 35 mm, 4 min Zygel (Conservatoire France, sans date (circa 1919- méthodes de teintage et de modèle ! Intertitre teinté d’après le National Supérieur de 1921), Pathé-Frères, teinté, 35 virage permet aujourd’hui de teintage de la copie nitrate Musique et de Danse de mm, 6 min reproduire fidèlement les cou- d’origine. Paris). LA VENDETTA Teintages véritables effectués leurs d’origine. Le programme France, 1909, Pathé-Frères, d’après les teintages de la Un domestique est telle- France, 1904-1921, noir et offre un aperçu de la diver- couleur, 35 mm, 4 min copie nitrate d’origine. ment amoureux de la maî- blanc/couleur, 35 mm, sité de genres et de techniques Copie tirée à partir d’une Des dessins pitto- tresse de maison que rien durée du programme : de la production française de copie coloriée au pochoir (incomplet). resques ou humoris- ne peut le raisonner. 50 min l’époque et illustre la rareté tiques s’animent en vues

41 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE LYS BRISÉ BROKEN BLOSSOMS Jeudi 2 mars à 20h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

RÉALISATION : DAVID W. GRIFFITH David W. Griffith (1875–1948) SCÉNARIO : De 1908 à 1914, il réalise David W. Griffith, d’après plusieurs centaines de films pour une nouvelle de Thomas la Biograph Company. Considéré Burke comme « le père du montage », il innove avec l’utilisation du PRODUCTION : montage parallèle, du travelling D. W. Griffith Productions et du gros plan. Naissance d’une PHOTOGRAPHIE : nation (1915) et Intolérance G. W. Bitzer (1916) sont considérés comme des œuvres majeures du cinéma. INTERPRÈTES : L’avènement du cinéma parlant Lillian Gish, Richard marque la fin de sa carrière Barthelmess, Donald Crisp, malgré les deux films qu’il réalise Arthur Howard, Edward Pell au tout début des années 1930. Sr., George Beranger S. M. Eisenstein dira de lui : États-Unis, 1919, noir et « C’est Dieu le père […] Il n’y a blanc, DCP, 90 min Restauré en 2K par Cohen où le « péril jaune » effraie, Lillian Gish grâce à la mise au pas un cinéaste au monde qui ne Film Collection au Modern Griffith milite pour l’égalité point d’une lumière diffuse. lui doive quelque chose. Quant à moi, je lui dois tout. » Videofilm, à partir d’un des races et Le Lys brisé fait Les interprétations de Richard contretype négatif 35 mm. figure de riposte aux accusa- Barthelmess, dans le plus À Londres, une jeune Après Naissance d’une nation tions de racisme qui entache grand rôle de sa carrière, et fille martyrisée par un (1915) et Intolérance (1916), Naissance d’une nation. de Lillian Gish, vulnérable et père raciste et sans scru- David W. Griffith est soucieux Sublime et subtile tragédie en émouvante, sont largement pules se lie d’amitié avec de réaliser, et de produire, des vase clos, c’est l’un des films saluées par la critique. Le sou- un immigré chinois sen- films à moindre budget. Il les plus aboutis du cinéaste. rire esquissé par deux doigts sible, ayant pour mis- adapte une nouvelle de Thomas Dans les décors reconstitués placés aux commissures des sion d’apporter la bonne Burke, The Chink and the Child, par Joseph Stringer (qui a lèvres et une autre scène, la parole de Bouddha. tiré du recueil Limehouse Nights aussi signé ceux de Naissance plus terrifiante du film, mar- (1916). L’histoire se situe dans d’une nation et d’Intolérance), queront l’histoire du cinéma Séance présentée par les bas-fonds londoniens, dans Griffith recourt à la profondeur et notamment Buster Keaton Frédéric Bonnaud et le quartier de Limehouse, et de champ, alterne magistrale- dans Go West (1925) et Stanley Charles Cohen. Musique composée par relate l’attachement équivoque ment l’échelle des plans et use Kubrick dans Shining (1980). Gabriel Thibaudeau qui entre un Chinois apôtre de du montage pour accentuer la dirigera l’Octuor de France la tolérance et une jeune fille tension narrative. Il sublime la Samantha Leroy pour une Première en maltraitée par un père violent. beauté presque fantomatique France. Dans un contexte mondial du personnage interprété par

42 RESTAURATIONS ET INCUNABLES FILMS DE BORDEL DES ANNÉES 1920 Vendredi 3 mars à minuit – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

DAVID W. GRIFFITH barrière sociale est abolie. Tout chasse. Pas de noms d’acteurs, À LA FONTAINE (1875–1948) se fait dans l’urgence car les de techniciens, de réalisateurs, France, 1925, noir et blanc, De 1908 à 1914, il réalise corps pressentent que cela ne rien qui permette vraiment de muet, 35 mm, 5 min plusieurs centaines de films pour sera qu’un intermède. La mort dater, les dates apposées ne sont CIRQUE la Biograph Company. Considéré est devenue industrielle mais qu’une indication. Les films se France, 1922, noir et blanc, comme « le père du montage », le sexe est encore de l’ordre de passent soit en décor naturel, muet, 35 mm, 8 min il innove avec l’utilisation du montage parallèle, du travelling l’amusement ; il n’est pas ques- soit en studio improvisé où la CARNAVAL et du gros plan. Naissance d’une tion ici de performance, de ren- décoration y est très rudimen- France, 1927, noir et blanc, nation (1915) et Intolérance tabilité, de spécialisation, de taire. L’équipe de tournage est muet, 35 mm, 5 min (1916) sont considérés comme compartimentation. Dans ces limitée ; les interprètes sont LA CARTOMANCIENNE des œuvres majeures du cinéma. films, le plaisir est champêtre. des amateurs, peut-être des France, 1927, noir et blanc, L’avènement du cinéma parlant Cette bonne humeur préfigure prostituées. Mais le sens de la muet, 35 mm, 4 min marque la fin de sa carrière malgré les deux films qu’il réalise l’état d’esprit de la vague des prostitution à l’époque est très HÔTEL EXCELSIOR au tout début des années 1930. films pornographiques des large, ce sont aussi des femmes France, 1925, noir et blanc, S. M. Eisenstein dira de lui : années 1970. Dans un même exerçant des petits métiers, cou- muet, 35 mm, 5 min « C’est Dieu le père […] Il n’y a film des années 1920 on peut turières, fleuristes… Les désha- LA VOYEUSE pas un cinéaste au monde qui ne rencontrer de l’homosexualité billages sont rapides, la gaine, France, 1924, noir et blanc, lui doive quelque chose. Quant à masculine et féminine, de la le corset sont bannis. Le goût muet, 35 mm, 9 min moi, je lui dois tout. » zoophilie, de légères fessées… du travestissement, très fort, LES VOYEURS C’est aussi le règne du poil, les a été préparé par le théâtre qui France, 1925, noir et blanc, toisons sont abondantes, les se faisait sur le front pendant muet, 35 mm, 5 min Sélection de films À partir des années 1850, il aisselles suintent, le règne de la guerre, une manière d’échap- UNE PARTIE D’AUTO pornographiques issus y a eu les photos pornogra- l’éternelle petite fille n’est pas per à ce réel sanguinaire. France, 1927, noir et blanc, des collections du CNC. phiques. Un vrai petit théâtre encore arrivé. muet, 35 mm, 4 min Réservé à un public de la Belle Époque. Les photos, L’apparition du format 9,5 mm Daniel Brémaud UN HEUREUX averti. magnifiques, étaient faites par en 1922 va faire exploser le ACCIDENT des professionnels en marge marché, le grand public peut France, 1930, noir et blanc, Séance présentée par de leur activité officielle. La acheter des petits projecteurs muet, 35 mm, 6 min Jean-François Rauger. Première Guerre mondiale, la Accompagnement musical et voir les films à domicile. LA TOURNÉE par Gabriel Thibaudeau et grande boucherie, amorce un Leur vente se fait par corres- DES GRANDS DUCS Thomas Martin changement. Le cinéma por- pondance, à l’aide d’espaces France, 1927, noir et blanc, nographique semble répondre muet, 35 mm, 7 min France, 1922-1930, noir et publicitaires coincés dans blanc, muet, 35 mm à cette soif de vie. Après la des revues humoristiques et NUDIST-BAR Grande Guerre, c’est la bouf- certainement aussi dans les France, 1930, noir et blanc, Durée du programme : fée d’oxygène, tout devient pos- arrière-boutiques de librairies, muet, 35 mm, 9 min 63 min sible, tout devient permis. La même si la police veille et fait la

43 RESTAURATIONS ET INCUNABLES KEAN OU DÉSORDRE ET GÉNIE Vendredi 3 mars à 20h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

Russes Volkoff et Mosjoukine. RÉALISATION : Le montage rapide de la danse Alexandre Volkoff slave est la séquence qui a pro- SCÉNARIO : voqué un grand engouement Kenelm Foss, Ivan auprès des spectateurs : André Mosjoukine, Alexandre G. Brunelin, un projectionniste Volkoff, d’après une du théâtre du Vieux-Colombier, pièce d’Alexandre Dumas s’est souvenu que le public demandait un bis pour cette PRODUCTION : séquence, l’obligeant à proje- Films Albatros ter la bobine une deuxième PHOTOGRAPHIE : fois. Son témoignage, dans Fédote Bourgasoff, Ivan « Au temps du Vieux Colombier Mosjoukine, Joseph- de Jean Tedesco » (Cinéma 61, Louis Mundwiller n° 52, janvier 1961), évoque INTERPRÈTES : aussi « des images joliment I. Mosjoukine, N. Koline, teintées » où « les tons de cou- N. Lissenko, O.Detlefsen, A. Bras leurs varient », or la première restauration de 1964 qui a cir- France, 1924, noir et Les déboires du grand Cette nouvelle restauration théâtre anglais de Drury culé jusqu’à présent était en blanc teinté, 35 mm, 140 min acteur londonien en 4K de la Cinémathèque Lane. Quant aux extérieurs, noir et blanc. Une copie posi- française a été effectuée Edmund Kean, né à la ils ont été filmés à Paris et à tive fragmentaire conservée fin du XVIIIème siècle, grâce à l’aide sélective du Versailles. Le décorateur du stu- ALEXANDRE VOLKOFF CNC pour la numérisation du par le CNC et les annotations (1885-1942) longtemps considéré patrimoine. Elle a consisté à dio Albatros, Lochakoff effectue présentes sur le négatif original Réalisateur et scénariste, il com- comme le meilleur scanner le négatif original en un immense travail de recons- ont permis de reproduire les mence comme auteur d’intertitres acteur au monde. incorporant les couleurs du titution et étudie entre autres teintages. La copie 35 mm issue chez Thiemann et Reinhardt. Il film directement sur le positif des estampes de la pièce conser- du retour sur film a été tein- réalise son premier film en 1913, Séance présentée par issu du retour sur film. vées à la Bibliothèque nationale tée directement sur support rencontre Ivan Mosjoukine, avant Céline Ruivo et Jeanne de tourner plusieurs films pour de France. La confusion entre par le laboratoire tchèque Jan Pommeau. Le tournage de Kean ou Désordre Pathé/Le Film Russe. En 1917, il Accompagnement musical théâtre shakespearien et réalité Ledecký, grâce à une collabo- et génie s’effectue en France au s’oppose à la Révolution, quitte par Adelon Nisi de la classe vécue par Kean fait l’objet de ration entre La Cinémathèque la Russie avec la troupe Ermolieff studio Albatros de Montreuil d’improvisation au piano nombreuses expérimentations française et la Cinémathèque en 1919 et se réfugie en France pour les intérieurs, ainsi qu’aux de Jean-François Zygel visuelles dans le film. Kean est de Prague/Národní filmový en 1920. Il tourne alors plusieurs (Conservatoire National studios de Joinville, dont l’es- films pour la société Albatros, une œuvre moderne car elle archiv (NFA). Supérieur de Musique et de pace est suffisamment grand évoque également la méthode dont La Maison du mystère (1922). Danse de Paris). pour reconstituer le mythique Il devient l’assistant-réalisateur Stanislavski, bien connue des Céline Ruivo d’Abel Gance sur Napoléon en 1927. 44 RESTAURATIONS ET INCUNABLES FORCE ET BEAUTÉ WEGE ZU KRAFT UND SCHÖNHEIT Dimanche 5 mars à 15h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

de nouvelles scènes. Des copies RÉALISATION : de la version de 1925, avec des Wilhelm Prager intertitres anglais, existent SCÉNARIO : et correspondent largement Nicholas Kaufmann, à la seconde version censu- Ernst Krieger, Wilhelm rée. Divers fragments conte- Prager nant des scènes censurées et PRODUCTION : des intertitres allemands ont Kulturabteilung, UFA survécu. La restauration par PHOTOGRAPHIE : le Friedrich-Wilhelm-Murnau- Eugen Herich, Friedrich Stiftung se rapproche de la ver- Paulmann, Friedrich sion précédant la première Weinmann censure. En raison du manque INTERPRÈTES : de sources, il est impossible de Leni Riefenstahl, Jack se faire une idée précise de ce Dempsey, Kitty Cauer qu’était cette version primi- Allemagne, 1925, noir et tive. De plus, cette version n’a blanc, DCP, 112 min jamais connu de sortie ciné- matographique puisque le film WILHELM PRAGER Documentaire montrant Restauré par le Friedrich- de Jacques Dalcroze, Rudolf a tout de suite été modifié. La (1876-1955) la place du corps dans la Wilhelm-Murnau-Stiftung. Laban ou Mary Wigman. Sa reconstruction vise plutôt à Il débute au théâtre où il société moderne et d’où propagande du sport de masse permettre une autre lecture joue notamment pour Max il ressort que l’homme Force et beauté est le film le et du culte du corps a souvent du film. Reinhardt, puis se tourne vers le cinéma. Entre 1919 et 1943, comme la femme ne se plus représentatif et le plus été considérée comme préfigu- connu du genre « Weimar il réalise une centaine de courts préoccupent pas assez rant la vision raciste du corps Anke Wilkening métrages, essentiellement des de leur beauté et de leur Kulturfilm ». En reprenant par les Nazis. films éducatifs sur les chevaux, santé. la culture du corps antique, Le film passa la censure en mais aussi les coutumes, le corps moderne est supposé février 1925 après la suppres- traditions et paysages Séance présentée par Anke se libérer de ses chaînes grâce sion de plusieurs scènes. Après allemands. Force et beauté est l’un des films les plus connus de Wilkening. à une société de masse indus- sa première en mars, il fut de Accompagnement musical la German kulturfilm. trialisée. L’idée éducative est nouveau tronqué et modifié, par Camille El Bacha de la rendue visible par une opulente classe d’improvisation au ceci donnant lieu à la sortie piano de Jean-François mise en scène de la perfor- de plusieurs versions. Enfin, Zygel (CNSMDP). mance corporelle, emprun- l’Universum Film AG (UFA) tée à la danse expressionniste créa en 1927 une version tout contemporaine et à l’eurythmie à fait différente en y ajoutant

45 RESTAURATIONS ET INCUNABLES FAUST FAUST – EINE DEUTSCHE VOLKSSAGE Dimanche 5 mars à 20h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

Murnau puise dans de nom- RÉALISATION : breuses références picturales, Friedrich Wilhelm allemandes, italiennes ou fla- Murnau mandes qu’il fait siennes. Le SCÉNARIO : film est peuplé de reflets, Gerhart Hauptmann et de lueurs, de fumées et de Hans Kyser, d’après une clairs-obscurs. Sur le tour- pièce de J. W. Goethe nage, le cinéaste se soucie PRODUCTEUR : d’obtenir les ombres ima- UFA ginées sur papier dans les PHOTOGRAPHIE : esquisses de décors. Il déclare Carl Hoffmann à Carl Hoffmann, son opéra- INTERPRÈTES : teur, en découvrant le pre- Gösta Ekman, Emil mier décor éclairé : « Cela est Jannings, Camilla Horn trop clair. Il faut que tout s’as- Allemagne, 1926, noir et sombrisse ». Des écrans sont blanc, DCP, 90 min créés sur mesure afin d’obte- FRIEDRICH W. MURNAU nir les ombres recherchées. La (1888-1931) lumière devient un élément Il intègre la compagnie de théâtre essentiel de la mise en scène. de Max Reinhardt en 1910. Après Murnau bâtit un espace sou- son premier film, Le Garçon en vent écrasé (intérieurs, rues bleu (1919), il révolutionne le sans ciel) qui traduit l’impos- film fantastique avec Nosferatu, le vampire (1922), grâce à son sibilité de l’idylle innocente de usage du clair-obscur. Le Dernier Faust et Gretchen. Les person- des hommes (1924) surprend et Après avoir jeté la peste Restauré par Luciano Faust est le dernier succès nages peinent à évoluer dans séduit par son audace technique. sur la ville où Faust Berriatua pour la Filmoteca public de F. W. Murnau en ce décor et paraissent englués Après Faust en 1926 qui le habite, Méphisto, le Española en 1999, à partir du Allemagne. Il le réalise pour dans leurs vies comme dans un confirme comme l’un des maîtres du cinéma muet allemand, la démon, lui propose un matériel issu des collections la UFA, avant de partir pour les cauchemar. du Bundersarchiv-Filmarchiv, Fox l’invite à Hollywood pour pacte corrupteur. Faust du Det Danske Filminstitut, États-Unis tourner L’Aurore, et réaliser L’Aurore. De cette histoire accepte… du Deutsches Filminstitut et bénéficie d’un budget illimité. Pauline de Raymond simple, il fait un chef-d’œuvre qui de la Filmoteca Española, Pour adapter la pièce de Goethe, influencera nombre de cinéastes, Ciné-concert par Jacco au laboratoire L’Immagine et créer en studio la plastique et d’emblée Frank Borzage à Gardner. Ritrovata. tour à tour subtile et puissante John Ford. L’Intruse (1930) clôt sa collaboration avec Hollywood Copie numérique de la de son drame métaphysique, Murnau-Stiftung. dont il s’éloigne pour réaliser CINÉ-CONCERT DE CLÔTURE CINÉ-CONCERT Tabou, son dernier film.

46 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE FILS DU CHEIK SON OF THE SHEIK Jeudi 2 mars à 18h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

RÉALISATION : George Fitzmaurice

SCÉNARIO : et Fred De Gresac, d’après un roman d’Edith Maude Hull

PRODUCTION : Feature Productions

PHOTOGRAPHIE : George Barnes

INTERPRÈTES : Rudolph Valentino, Agnes Ayres, Vilma Bánky, George Fawcett, Montagu Love, Karl Dane, Bull Montana États-Unis, 1926, noir et blanc, DCP, 68 min

Ahmed, le fils du cheik, Restauré en 2K par Cohen Film jour. En 1925, United Artists partie sur sa performance dans est épris de la danseuse Collection au Modern Videofilm rachète les droits à E. M. Hull le rôle du fils, un homme tour GEORGE FITZMAURICE Yasmin. Se sentant trahi à partir d’un contretype de son second roman, The Son à tour drôle, farouche et cour- (1885–1940) négatif nitrate conservé à la par elle, il organise son of the Sheik, qui fait suite au tois, laissant apparaître ainsi Né à Paris, il s’installe aux États- Library of Congress. Unis où il débute une carrière enlèvement. L’un et premier. Fitzmaurice met en la dualité du personnage. Avec de décorateur de théâtre. Puis l’autre s’adonnent à un En 1919 paraît le roman The scène cette adaptation où l’on Le Fils du cheik, l’acteur italien il se tourne vers le cinéma en jeu de séduction nourri Sheik de E. M. Hull qui décrit les retrouve Agnes Ayres (la femme signe son dernier film et pro- tant que scénariste, réalisateur d’amour et de haine. fantasmes d’une femme dont le du cheik) et Rudoph Valentino bablement son meilleur. Sa et producteur. Son premier qui interprète à la fois le rôle du disparition, survenue préma- long métrage, When Rome Ruled mari est parti en guerre. George (1914), marque le début d’une Séance présentée par Melford en réalise l’adaptation cheik et celui du fils. Le tour- turément à l’âge de trente-et-un Charles Cohen. filmographie considérable – pas en 1921 avec Agnes Ayres et nage se déroule en Californie ans, pendant la promotion du moins de quatre-vingts films. Il Accompagnement musical et dans le désert Yuma, en film, provoqua une hystérie par Camille Taver de la Rudoph Valentino dans les se spécialise dans les comédies classe d’improvisation au rôles-titres. À l’instar du livre, le Arizona. Le film joue sur le pou- dans tout le pays. dramatiques. Ses deux plus piano de Jean-François film connaît un succès grandis- voir de séduction de Valentino, grands succès, Le Fils du cheik Zygel (Conservatoire surnommé à l’époque le « Latin Florence Fourn (1926) et Mata Hari (1931), sant à la suite duquel plusieurs révèlent les acteurs Rudolph National Supérieur de parodies et remakes voient le Lover », et repose en grande Musique et de Danse). Valentino et dans deux de leurs plus beaux rôles. 47 RESTAURATIONS ET INCUNABLES UN CHAPEAU DE PAILLE D’ITALIE Dimanche 5 mars à 13h40 – La Filmothèque du Quartier latin

rétablissement du montage RÉALISATION : originel. René Clair SCÉNARIO : René Clair adapte pour René Clair, d’après Albatros une pièce d’Eugène Eugène Labiche et Labiche et Marc‐Michel, et Marc-Michel transforme ce vaudeville en PRODUCTEUR : œuvre burlesque influen- Albatros cée par l’avant-garde. D’où PHOTOGRAPHIE : l’originalité cinématogra- Maurice Desfassiaux et phique de cette adaptation Nikolas Roudakoff qui use de nombreux effets INTERPRÈTES : visuels et d’une grande créa- A. Préjean, G. Vital, tivité rythmique comme en O. Tchekowa, J. Gérald témoigne la séquence de France, 1927, noir danse du Quadrille. Selon et blanc, DCP avec Henri Langlois : « René Clair musique, 115 min est le dernier des grands réalisateurs, avec les Russes, RENÉ CLAIR à continuer la progression de (1898-1981) Le jeune Fadinard se La restauration en 4K de La le rythme du film et les mou- Francis Picabia et Erik Satie rend à son mariage Cinémathèque française a vements des personnages à l’écriture du cinéma muet (…) demandent au jeune cinéaste lorsque son cheval consisté à reconstruire le film l’image près. Mais l’obligation On y retrouve également son un film à diffuser pendant croque le chapeau de à partir de nouveaux éléments à l’époque de faire des copies admiration pour Chaplin. » l’entracte de leur ballet : c’est paille d’une passante. qui n’avaient pas été pris en 35 mm sonores avait contraint Entr’acte (1924), qui manifeste Céline Ruivo des intentions avant-gardistes. Or, la dame se trouve compte dans les années 1980, le compositeur à écrire pour Avec Sous les toits de Paris avec son amant et craint date du dernier tirage. Le film une cadence de 24 images par (1930), Clair innove encore d’éveiller les soupçons avait été exploité en couleurs à seconde, et non de 19 images à un moment où le cinéma de son mari si elle réap- l’époque de sa sortie, il a donc par seconde, la cadence exacte. devient parlant et il acquiert paraît sans son couvre- été décidé de réintroduire À l’occasion de la nouvelle res- une réputation internationale chef. Fadinard se met numériquement les teintes tauration, La Cinémathèque que vient confirmer le succès du Million (1930) et de À nous la dès lors en quête d’un bleu lavande et ambre. Dans les française a donc demandé à liberté (1931). Il réalise quatre chapeau identique. années 1980 une musique avait Raymond Alessandrini de films aux États-Unis entre été commandée au composi- retravailler sa musique pour 1940 et 1945 avant de revenir Séance présentée par Rob teur Raymond Alessandrini. la mettre à la bonne cadence en France où il tourne, entre Byrne, Céline Ruivo. Cette partition accompagne et prendre en compte le autres, Le silence est d’or (1947), évocation des temps heureux du cinéma muet. 48 RESTAURATIONS ET INCUNABLES KING OF JAZZ Vendredi 3 mars à 18h45 – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

scénario fait augmenter le RÉALISATION : budget du film qui, à sa sortie, John Murray Anderson connaît un échec commercial. SCENARIO : En décembre 1928, les stu- Paul Schofield, Harry dios filment le concert de Paul Ruskin Whiteman et son orchestre PRODUCTEUR : donné au Carnegie Hall, à New Universal Pictures York, mais n’utiliseront pas les PHOTOGRAPHIE : rushes. Le tournage, prévu en Jerome Ash, Hal Mohr, juin 1929, a finalement lieu Ray Rennahan entre novembre 1929 et mars INTERPRÈTES : 1930 à Los Angeles. Bing Crosby, Bela King of Jazz est le premier film Lugosi, Walter Brennan avec une bande sonore préen- registrée. L’enregistrement du États-Unis, 1930, son a lieu en amont du tour- couleur, DCP, nage, puis la bande sonore et 100 min le film sont synchronisés pour éviter que l’image ne soit para- sitée par des bruits. Il existe JOHN MURRAY ANDERSON près de dix versions du film, (1886-1954) chacune mettant en scène un Après des études en Europe, maître de cérémonie différent. il s’installe aux États-Unis et fait ses débuts au théâtre, Le film remporte l’Oscar de la à Broadway. Il est remarqué meilleure décoration attribué Une série de numéros Restauré par Universal à pour son travail de scénariste, par Universal Pictures, Carl à Herman Rosse. musicaux orchestrés par partir du négatif caméra metteur en scène et producteur Laemmle est en charge de la des Paul Whiteman, « roi du original Technicolor bichrome, production d’un film avec Paul numérisé en 4K, et du négatif Florence Fourn (1919). Il prend des cours jazz » autoproclamé des son original. Whiteman et son orchestre ; d’acteur, poursuit son travail années 1930. le scénario est confié dans de producteur (Ziegfiel Follies, Deuxième film tourné en un premier temps à Paul Deux pour le spectacle) et exerce Séance présentée par Technicolor après la comé- Schofield, de même John également le métier de directeur à la Radio Music Hall, en 1933. Jean-Pierre Verscheure, die musicale On With The Murray Anderson est retenu à la suite du Conservatoire King of Jazz est son unique long des techniques (voir page Show (1929), King of Jazz après plusieurs autres réali- métrage de cinéma. 118). sort en 1930 après un périple sateurs pressentis. Le retard qui dura onze mois. Engagé dans le développement du

49 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LA DAME DU VENDREDI HIS GIRL FRIDAY Vendredi 3 mars à 14h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

rafale est propice aux bons RÉALISATION : mots et autres quiproquos. Howard Hawks Contrairement à la pièce, Hawks SCÉNARIO : féminise le personnage prin- Charles Lederer, Ben cipal, déplaçant ainsi le cœur Hecht, Morrie Ryskind, de l’intrigue sur les relations d’après une pièce de homme-femme. Centrée sur et Charles MacArthur les tourments amoureux de Walter et Hildy, La Dame du PRODUCTEUR : vendredi est une parfaite illus- tration de ces « comédies du PHOTOGRAPHIE : remariage » ainsi nommées par Joseph Walker Stanley Cavell (À la recherche INTERPRÈTES : du bonheur ‒ Hollywood et la Cary Grant, Rosalind comédie du remariage, 1981). Russell, Gene Lockhart, Derrière cette loufoque crise de R. Bellamy, P. Hall couple se cachent toutefois une États-Unis, 1939, noir et satire de la presse à sensation blanc, DCP, 92 min et un portrait désabusé de la HOWARD HAWKS société américaine des années (1896-1977) 1930. Le titre original, His Girl Natif d’une riche famille Friday, renvoie à l’expression industrielle, Howard Hawks « Man Friday » qui désigne un débute à Hollywood en 1924. Une journaliste vient Restauré par UCLA Film parfait exemple de screwball homme à tout faire. Le cynique Auteur prolixe et éclectique, voir son ancien rédac- & Television Archive en comedy*. Grand nostalgique Walter désire en effet récupérer incarnation du cinéma classique coopération avec la Library hollywoodien, il va œuvrer teur en chef et ex-époux du cinéma muet, Howard sa femme à tout faire, Hildy, à dans tous les genres : westerns pour lui annoncer qu’elle of Congress Motion Picture, Hawks considérait que le la fois son épouse et sa meil- Broadcasting and Recorded (Rio Bravo, 1959), comédies va se marier avec un Sound Division, avec le Parlant nuisait au rythme leure journaliste. (L’Impossible Monsieur Bébé, agent en assurances. soutien de Sony Pictures des films. Il imposa donc 1938), films noirs (Le Grand Jaloux, il essaie de l’en- Entertainment. une vitesse vertigineuse aux Adrien Rode Sommeil, 1948), musicals (Les voyer sur un reportage échanges entre Walter Burns hommes préfèrent les blondes, 1953), films de gangsters *« comédie loufoque », sous-genre pour gagner du temps et Adaptation d’une pièce de Ben (Cary Grant), démoniaque (Scarface, 1932). Morale et de la comédie hollywoodienne. se débarrasser de l’autre Hecht (The Front Page), La Dame rédacteur en chef du Morning devoir sont parmi les maîtres prétendant. du vendredi est, avec ses person- Post, et son ex-épouse, Hildy mots de ce « cinéma à hauteur nages excentriques et la ful- Johnson (Rosalind Russell). d’homme » (François Truffaut). gurance de ses dialogues, un Ce tourbillon de dialogues en

50 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LES SORCIÈRES DE SALEM Mercredi 1er mars à 14h – La Filmothèque du Quartier latin

majeurs : l’adaptation de RÉALISATION : Marcel Aymé pour le théâtre Raymond Rouleau laisse la place à celle de Jean- SCÉNARIO : Paul Sartre qui écrit scénario et Jean-Paul Sartre, d’après dialogues du film. La nouvelle une pièce d’Arthur Miller recrue, Mylène Demongeot, est PRODUCTION : une révélation et l’Académie Films Borderie, du Cinéma lui remet l’étoile Compagnie Industrielle de cristal pour le Grand prix et Commerciale de l’interprétation française Cinématographique, DEFA, Société Nouvelle féminine. Pathé Cinéma La presse de l’époque dénonce un certain intellectualisme qui PHOTOGRAPHIE : tient le spectateur à distance, Claude Renoir indifférent au sort de per- INTERPRÈTES : sonnages auxquels il ne peut Simone Signoret, Yves s’attacher ; mais elle reste Montand, Mylène Demongeot, Alfred unanime au sujet des comé- Adam diens, talentueux, et de la photographie, majestueuse, France / RDA, 1956, noir et blanc, DCP, 146 min signée Claude Renoir. André Bazin saluera l’audace du film RAYMOND ROULEAU qu’il estime être l’un « des plus (1904-1981) “sérieux” de la production mon- Il partage sa vie entre les métiers diale d’après-guerre ; des plus de comédien, metteur en scène En 1692, à Salem, la Restauré par Pathé en 2K bourgade du Mississippi, à la audacieux aussi ». et réalisateur. Il intègre le servante Abigaïl est au laboratoire L’Immagine fin du XVIème siècle. L’auteur Conservatoire royal de Bruxelles, chassée de la maison par Ritrovata, à partir du négatif dénonce le fanatisme religieux avant de s’installer à Paris. Au Florence Fourn cinéma, il joue aux côtés de sa maîtresse pour avoir original et d’un contretype et politique. L’histoire est ins- scannés en 4K, et d’un négatif Darrieux ou encore de Jouvet, et entretenu une relation son optique. pirée de faits authentiques. tourne avec des réalisateurs avec son mari. Pour se Après avoir proposé une adap- tels que Lacombe, Tourneur, venger, elle se livre à des Le film, sorti en 1957, est tation théâtrale réussie, jouée L’Herbier et Becker. Au théâtre, pratiques de sorcellerie. adapté de la célèbre pièce au théâtre Sarah-Bernard il adapte quelques pièces (Anna pendant deux ans, Raymond Karénine, Thérèse Raquin) et en d’Arthur Miller, Les Sorcières met en scène de nombreuses Séance présentée par de Salem (1953). L’action Rouleau décide de la porter Mylène Demongeot autres, jouées dans plusieurs se déroule dans une petite à l’écran. Deux changements théâtres. Il dirige le théâtre de l’Œuvre, entre 1944 et 1951. 51 RESTAURATIONS ET INCUNABLES MAGIRAMA - J’ACCUSE ! Mercredi 1er mars à 19h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION : Abel Gance et Nelly Kaplan

INTERPRÈTES : Robert Vattier France, 1956, noir et blanc, DCP, 57 min

ABEL GANCE (1889-1981) Réalisateur de fresques à l’ambition démesurée, il a marqué les esprits avec Abel Gance développe Cette restauration s’est l’essai. Il conçoit en 1954, avec FILM PRÉCÉDÉ DE attachée à la partie centrale le soutien du CNC, le Proterama, SCÈNES DE RUES À SAFI des réussites esthétiques et le dispositif de projec- commerciales comme J’accuse ! du dispositif, opération du Prince Albert Ier de Monaco tion sur trois écrans « polyphonie visuelle » qui per- (1919), La Roue (1923) ou complexe s’appuyant sur une Monaco / 1897 / noir et blanc / éprouvé avec Napoléon met de « voir simultanément Napoléon (1927), film sur lequel copie incomplète appartenant DCP / 1 minute en 1927, avec les images le dessin mélodique du sujet il ne cessa de revenir tout à Nelly Kaplan et un suivi de du J’accuse ! de 1937. Il contretype de travail issu des (écran central) et son orchestra- au long de sa vie. Également SUR LE PONT DE LA revient donc une nou- collections de Gaumont. tion (écrans latéraux) ». Ce n’est réalisateur de La Dixième PRINCESSE-ALICE Symphonie (1918), Mater velle fois sur la Première que le 19 décembre 1956 que l’on Présentation par Béatrice de du Prince Albert Ier de Monaco Dolorosa (1933) et La Tour de Guerre mondiale dans peut découvrir, au Studio 28, le Monaco / 1897 / noir et blanc / Nesle (1955), il fut un cinéaste Pastre (Archives du CNC) et Magirama, spectacle qui concré- un format permettant Vincent Vatrican (Archives DCP / 1 minute pionnier, à l’origine de plusieurs de restituer l’ampleur du audiovisuelles de Monaco). tise ces recherches. Composé avec Film restaurés et sauvegardés inventions techniques majeures traumatisme vécu. Nelly Kaplan, le dispositif com- par les Archives Audiovisuelles telles que la perspective sonore prend quatre courts métrages : de Monaco. (ancêtre de la stéréophonie) et Abel Gance expérimente la poly- surtout la Polyvision, procédé Séance présentée par Auprès de ma blonde, Châteaux de vision dans trois séquences de de projection sur trois écrans Béatrice de Pastre et Napoléon en 1927. Elle lui permet nuages, Fête foraine, Begone dull juxtaposés. Vincent Vatrican de développer sur trois écrans une care de Norman MacLaren et narration qui révèle la capacité une version d’une heure du du cinéma à raconter autrement. J’accuse ! de 1937. Conçu Ces triptyques créent une expé- pour « sauver le cinéma qui se rience filmique et spectatorielle meurt », le Magirama quitta nouvelle. Mais difficiles à exploi- l’affiche au bout de huit semaines. ter, Gance doit attendre près de trente ans pour renouveler Béatrice de Pastre

52 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE VEUF IL VEDOVO Samedi 4 mars à 19h – La Filmothèque du Quartier latin

battant. Alberto Sordi, l’un des RÉALISATION : acteurs fétiches du cinéaste et du genre, redoutable de préci- SCÉNARIO : sion dans un jeu tantôt virevol- Fabio Carpi, Sandro tant, tantôt suspendu et quasi Continenza, Dino Risi, bovin, est une figure du nou- Rodolfo Sonego, veau mâle, chef d’entreprise Dino Verde déconfit malmené par le dédain PRODUCTEUR : et la fortune personnelle de sa Cino del Duca, femme (l’étonnante Franca Paneuropa Valeri, qui montre comment PHOTOGRAPHIE : mépriser affectueusement), Luciano Trasatti mais à qui rien ne saurait faire INTERPRÈTES : perdre sa superbe de parvenu Alberto Sordi, Franca sûr de son statut. Entouré Valeri, Livio Lorenzon, de son chauffeur, ses créan- Nando Bruno, Ruggero ciers, son bras droit fidèle, ses Marchi, Mario Passante ouvriers, sa jeune maîtresse, Italie, 1959, noir et blanc, Sordi donne un visage et un DCP, 99 min Alberto Nardi, homme Restauré en 2K par SNC et que connaît alors la Péninsule, corps à ce personnage de son d’affaires médiocre et Movietime. Ressortie en salles pour radiographier impitoya- DINO RISI temps, individualiste et veule, (1916-2008) dépensier, est marié à à l’été 2017 par les Acacias. blement la mutation du pays obsédé par la réussite et le Diplômé de médecine, il la riche et dominatrice et l’évolution des mœurs et conformisme. Avec un soup- La fin des années 1950 a vu commence comme critique, Elvira. Il apprend sa des caractères qui l’accom- çon de lutte des classes et de scénariste et producteur. En se développer un genre ciné- mort dans un accident pagnent. Le Veuf appartient guerre des sexes, Le Veuf est 1940, il assiste Mario Soldati matographique spécifique- de train. Mais com- à une première salve de comé- un tableau de mœurs incisif et Alberto Lattuada avant de ment transalpin dont Dino quitter l’Italie pour se réfugier en ment cacher sa joie en ce dies signées Risi qui culminera qui s’offre le luxe de virer sur Risi est sans aucun doute le Suisse durant la Seconde Guerre temps de deuil ? provisoirement en 1962 avec la toute dernière ligne droite représentant le plus génial et mondiale. De 1946 à 1949, il Le Fanfaron. C’est un film qui au film criminel haletant et cinglant. De même que le néo- tourne plusieurs courts métrages mérite amplement d’être redé- hilarant. avant de réaliser, en 1951, son réalisme avait mis en récits et couvert et goûté pour sa mise premier long métrage Vacances en images les temps difficiles de en scène d’une impeccable effi- Nicolas Le Thierry avec un gangster. Il réalise des l’après-guerre, cette « comédie comédies marquantes : Le cacité et l’inventivité bouffonne d’Ennequin à l’italienne » prospère dans Fanfaron (1962), Les Monstres mais toujours sagace des situa- (1963), Rapt à l’italienne ses premières années sur le tions à travers lesquelles Risi terreau du boom économique (1973). En 1976, Parfum de mène ses personnages tambour femme obtient le César du meilleur film étranger. 53 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES ONE-EYED JACKS Samedi 4 mars à 14h30 – La Cinémathèque française, salle Georges Franju / Dimanche 5 mars à 16h30 – La Filmothèque du Quartier latin

Brando décide de réaliser le RÉALISATION : film lui-même, et la suite de la Marlon Brando production sera à l’image de la SCÉNARIO : star, excessive et conflictuelle : Guy Trosper et Calder le budget du film passe de 1,8 Willingham, d’après à 6 millions de dollars, la durée un roman de Charles de tournage de six semaines Neider à six mois et le premier mon- PRODUCTEUR : tage approuvé par Brando dure Pennebaker 4h42. Paramount le réduira Productions de moitié et imposera une fin PHOTOGRAPHIE : différente, pour aboutir à la Charles Lang version actuelle. INTERPRÈTES : Le résultat est néanmoins Marlon Brando, Karl étonnant, Marlon Brando Malden, Joan Petrone, livrant un western extrê- Ben Johnson, Katy mement personnel, sombre, Jurado contemplatif, avare en scènes États-Unis, 1959, d’action mais habité par une couleur, DCP, 144 min grande tension psychologique et magnifiquement photogra- MARLON BRANDO phié par Charles Lang. Au-delà (1924-2004) de la trame de la vengeance, la Il intègre l’Actors Studio et refuse d’abord de céder aux relation entre Rio Kid (Brando) sirènes d’Hollywood. Un Après un hold-up, Dad Restauré en 4K à partir du en commence l’écriture avant et Dad Longworth (Karl Longworth abandonne négatif original par Universal d’être évincé par Stanley tramway nommé désir (1951) Malden) témoigne d’une éton- d’Elia Kazan lance sa carrière son complice Rio à la Studios, en collaboration Kubrick, qui doit réaliser le nante dimension masochiste et il remporte en 1954 un police et disparaît avec avec la Film Foundation. film et demande alors à son Remerciements à Martin et œdipienne. Cette retenue Oscar pour Sur les quais. Acteur le butin. Cinq ans après Scorsese et Steven Spielberg coscénariste des Sentiers de mêlée de violence déroutera exigeant et fantasque, devenu sa sortie de prison, Rio pour leurs conseils sur la la gloire, Calder Willingham, peu à peu persona non grata le public, le film sera un échec sur les plateaux, sa carrière retrouve Longworth, restauration. d’en écrire une nouvelle ver- et restera l’unique réalisation devenu shérif d’une sion. Mais Marlon Brando pro- est relancée par Francis Ford de l’acteur. Coppola avec le rôle de Vito La genèse de La Vengeance aux petite ville de Californie. voque à son tour le renvoi du Corleone dans Le Parrain, puis deux visages fut des plus chao- duo et Kubrick partira rem- Caroline Maleville par avec Le tiques. À partir d’un roman de placer sur le Dernier Tango à Paris en 1972. Il Charles Neider, Sam Peckinpah tournage de Spartacus. apparaît une dernière fois à l’écran en 1998 dans The Brave de Johnny Depp. 54 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LA TULIPE NOIRE Dimanche 5 mars à 18h – Christine 21

beaucoup de panache la double RÉALISATION : – et même triple – identité Christian-Jaque des frères Saint-Preux et de SCÉNARIO : la Tulipe noire. Ces motifs du Henri Jeanson et dédoublement et du transfert Christian-Jaque d’identité, que l’on trouvait PRODUCTEUR : déjà dans Plein Soleil sur un Méditerranée Cinéma mode criminel et pathologique, Productions, Agata Film, vont traverser la filmographie Mizar Films, Flora Film d’Alain Delon, et trouver leurs PHOTOGRAPHIE : points culminants dans Mr. Henri Decaë Klein et Nouvelle Vague. Delon, INTERPRÈTES : c’est le vertige de Narcisse se Alain Delon, Virna Lisi, noyant dans son reflet, eni- Adolfo Marsillach, Dawn vré par sa propre beauté, sus- Addams, Akim Tamiroff citant la haine autant que le France/Italie/Espagne, désir. La Tulipe noire représente 1963, couleur, DCP, une aubaine pour l’acteur qui 115 min s’ébroue avec élégance dans le CHRISTIAN-JAQUE registre du cinéma d’action (1904-1994) populaire, après avoir brillé Il débute sa carrière comme sous la direction de grands décorateur. En 1932, il tourne maîtres tels que Visconti et Le Bidon d’or, puis réalise des Antonioni. La Tulipe noire offre films à succès comme Les Peu avant la Révolution Restauré en 4K par TF1, à autour du thème des frères ses derniers feux à un cinéma Disparus de Saint-Agil avec française, un chef de partir du négatif original jumeaux et des premiers sou- Erich von Stroheim (1938) ou police poursuit le per- 65 mm et du son magnétique bresauts de la Révolution. Les de divertissement, joyeux et L’Assassinat du Père Noël (1941). sonnage de la Tulipe 6 pistes d’origine. deux hommes empruntent le mouvementé. En 1952, il remporte le Prix de noire. Il ne parvient titre d’un roman de Dumas la mise en scène au Festival de Olivier Père Cannes pour Fanfan la Tulipe. pas à l’arrêter, mais lui Ce film de cape et d’épée n’a dans le seul dessein de souli- Pendant les années 1950, il balafre la joue. Pour ne rien à voir, malgré son titre, gner la parenté avec leur Fanfan tourne plusieurs films avec son pas être ainsi démasqué, avec le roman d’Alexandre la Tulipe (1952). Alain Delon, épouse Martine Carol et réalise la Tulipe noire fait appel Dumas. Il s’agit d’un scénario nouvelle vedette du cinéma Babette s’en va en guerre (1959) à son frère jumeau. original de Christian-Jaque et européen depuis Plein Soleil, avec Brigitte Barbot. Sa carrière Henri Jeanson qui brodent un entend rivaliser avec Gérard connaît ensuite plusieurs échecs commerciaux. Son dernier récit d’aventures historiques Philipe et endosse avec film pour le cinéma, La Vie parisienne, est réalisé en 1977. 55 RESTAURATIONS ET INCUNABLES BREAK UP, ÉROTISME ET BALLONS ROUGES L’UOMO DEI CINQUE PALLONI Mercredi 1er mars à 20h30 – La Cinémathèque française, salle Georges Franju / Samedi 4 mars à 22h - Christine 21

d’Eduardo De Filippo. En 1967, RÉALISATION : Ponti et Ferreri se rapprochent, Marco Ferreri le cinéaste peut tourner un SCÉNARIO : nouvel épisode en couleurs Rafael Azcona, Marco et le film est à nouveau prêt. Ferreri Il bénéficie d’une brève dis- PRODUCTEUR : tribution en France et aux Compagnia États-Unis, puis disparaît. En Cinematografica 1979, Ferreri donne une copie Champion, Les Films 16 mm en noir et blanc à Lab80 Concordia de Bergame, qui procède à une PHOTOGRAPHIE : petite distribution indépen- Aldo Tonti dante. Bien que peu vu, le film INTERPRÈTES : a eu plusieurs titres : L’Uomo M. Mastroianni, C. Spaak, dei palloncini, L’Uomo dei cinque U. Tognazzi, W. Berger palloni (L’Homme aux cinq bal- Italie / France, 1965, noir lons) et enfin Break up, qui est et blanc / couleur, DCP, probablement une invention 97 min de Ponti, après le succès de Mario, propriétaire Restauré en 4K par la cinéma européen d’après- MARCO FERRERI Blow up. Ponti vend le film à (1928-1997) d’une usine de bon- Fondation Cineteca di Bologna guerre, jusqu’à cette restau- MGM puis les droits passent et le Museo del Cinema Il tourne d’abord des films bons, est obsédé par ration et la présentation à à Warner, où a été retrouvé documentaires avant de passer les ballons de sa cam- di Torino, au laboratoire Venise en 2016, où il a obtenu L’Immagine Ritrovata, en l’interpositif (tandis que le au long métrage de fiction en pagne publicitaire et collaboration avec Warner le Lion d’Or de la meilleure négatif a été perdu). Espagne : L’Appartement (1959), sombre peu à peu dans Bros. Avec la contribution de restauration. Un film où l’on retrouve déjà La Petite Voiture (1960). En 1963, Le Lit conjugal, satire de la démence. Il délaisse Massimo Sordella et le soutien Le tournage s’achève en le Ferreri de l’abstraction, sa fiancée, qui le quitte, de Nuovo Imaie (Rome). décembre 1963. En janvier l’institution matrimoniale, le un auteur non idéologique, classe au rang des cinéastes excédée. 1964, le film obtient le visa capable de construire des his- iconoclastes. Parmi ses films Break up est un film que peu de de censure italien, mais Carlo toires paradoxales et de révéler les plus importants, on retient Séance présentée spectateurs ont pu voir. Bien Ponti décide d’en bloquer la les contradictions de la société Dillinger est mort (1969), Touche par Gian Luca Farinelli que ce soit la première ren- sortie et le transforme en un de consommation. pas à la femme blanche (1974), (Cinémathèque de La Dernière Femme (1976). Ses er contre entre Mastroianni et court métrage de vingt-cinq Bologne) (Me 1 Mar). discours subversifs lui valent Ferreri et l’une des interpréta- minutes, épisode du film à Gian Luca Farinelli tions les plus extraordinaires des ennuis avec la censure. Son sketch Oggi, domani e dopo- grand succès reste La Grande de l’acteur, il demeure l’un des domani, comprenant également Bouffe, qui déclenche en 1973 films les plus mésestimés du les épisodes de Luciano Salce et un scandale au Festival de Cannes. 56 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE LION EN HIVER THE LION IN WINTER Vendredi 3 mars à 16h15 – Christine 21

les fils, sont recrutés parmi les RÉALISATION : comédiens du théâtre anglais. Afin de creuser les rapports SCÉNARIO : entre les personnages, le réali- , sateur fait répéter les acteurs à d’après sa propre pièce Londres pendant quatre jours, PRODUCTION : en préparation du tournage AVCO Embassy qui doit durer quatre mois. PHOTOGRAPHIE : Le budget est conséquent et le tournage a lieu dans des décors grandioses. L’histoire, INTERPRÈTES : Peter O’Toole, Katharine qui s’étend sur vingt-quatre Hepburn, Anthony heures, se déroule principa- Hopkins, John Castle, lement au château de Chinon Nigel Terry, Timothy dont il ne demeure que des Dalton ruines. Pour échapper à une États-Unis, 1968, reconstitution artificielle du couleur, DCP, 133 min site, Anthony Harvey décide de tourner dans plusieurs châ- ANTHONY HARVEY teaux disparates, à l’Abbaye de (né en 1931) Réalisateur pour le cinéma et la Montmajour à Arles, au châ- télévision, il alterne entre ses teau de Pembroke aux Pays de activités de metteur en scène et Galles ou encore dans la cité de monteur (Docteur Folamour de Carcassonne. et de Stanley Kubrick). À sa sortie, le film est acclamé Son plus grand succès, Le Lion en hiver, remporte plusieurs prix Après un scan 4K, une par le public et par la critique. À la veille de Noël 1183, hiver. Deux ans plus tard, il dont la meilleure réalisation restauration digitale en 2K Henri II Plantagenet, roi l’adapte et écrit le scénario Il remporte trois Oscar : meil- décernée par la Directors Guild faite à partir du négatif d’Angleterre, et Aliénor du film, réalisé par Anthony leure adaptation pour James of America. Parmi ses autres original et d’un interpositif a d’, la reine, Harvey. Les deux vedettes, Goldman, meilleure actrice films, on peut citer Dutchman été nécessaire en raison du pour Katharine Hepburn, (1967), La Ménagère de verre emprisonnée, se livrent mauvais état des éléments. Peter O’Toole et Katharine (téléfilm, 1973), Richard’s Things à une ultime confronta- Restauré par StudioCanal. Hepburn, campent des per- meilleure partition musicale (1980), Grace Quingley (1985). tion dont l’enjeu est la Ressortie en salles le 22 mars sonnages virevoltants, machia- pour John Barry. succession sur le trône. 2017 par Les Acacias. véliques, imprévisibles, laissant s’exprimer un tempérament Florence Fourn En 1966, James Goldman écrit plus animal qu’humain. Les la pièce de théâtre Le Lion en autres acteurs, qui interprètent

57 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE VOLEUR Samedi 4 mars à 18h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

RÉALISATION : Louis Malle

SCÉNARIO : Jean-Claude Carrière et Louis Malle, d’après un roman de Georges Darien

PRODUCTEUR : Compagnia Cinema- tografica Champion, Les Productions Artistes Associés, NEF

PHOTOGRAPHIE : Henri Decaë

INTERPRÈTES : Jean-Paul Belmondo, Geneviève Bujold, Marie Dubois, Julien Guiomar, Françoise Fabian, Bernadette Lafont France, 1967, couleur, DCP, 122 min

LOUIS MALLE Dépouillé par un oncle Restauré en 2016 par Gaumont Henri Decaë pour la photogra- été plus proche. Jamais je n’au- (1932-1995) peu scrupuleux, Georges au laboratoire Éclair. phie, Jacques Saulnier pour les rais davantage fait le film que je Il fait ses débuts à l’IDHEC. Randal devient voleur, décors et Ghislain Uhry pour voulais, et me serais senti plus Son documentaire Le Monde du d’abord par vengeance Louis Malle avait lu et aimé le les costumes. d’affinités avec son personnage silence, coréalisé avec Jacques- puis par conviction. roman de Georges Darien, Le Le Voleur, c’est d’abord l’œuvre central. ». D’une facture très Yves Cousteau, remporte C’est sans état d’âme Voleur, paru en 1884. C’est à son d’un auteur anarchiste qui éloignée du cinéma moderne la Caméra d’or à Cannes, et retour du Mexique, après Viva Ascenseur pour l’échafaud (1957) qu’il saccage les proprié- décrit la révolte d’un homme de l’époque, Le Voleur surprit recevra le prix Louis Delluc. tés qu’il pille. Maria !, qu’il se décide à l’adap- contre l’ordre établi. C’est par son ironie, sa noirceur et Répartis en deux périodes, ter. Il s’entoure de Jean-Claude aussi un livre dans lequel le sa violence contenue. française et américaine, chacun Séance présentée par Carrière pour l’adaptation et de cinéaste reconnaît une sorte de ses films diffère l’un de Jean-Paul Belmondo Daniel Boulanger aux dialogues. d’alter ego dans le personnage Florence Fourn l’autre sur le plan scénaristique Malle collabore avec une partie de Georges Randal : « Aucun de et technique. Louis Malle adapte de l’équipe du précédent film ; plusieurs romans dont Les mes héros de film ne m’aura Amants et Le Feu follet.

58 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE GRAND SILENCE IL GRANDE SILENZIO Vendredi 3 mars à 21h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

Kinski, impeccable de barbarie, RÉALISATION : face au regard de Jean-Louis Sergio Corbucci Trintignant, parfait dans son SCÉNARIO : jeu muet. Le village, les chevaux, Sergio Corbucci, les attaques. Et la musique de Vittoriano Petrilli, Mario Morricone. Mais Corbucci sort Amendola, Bruno très vite du cadre et détourne Corbucci un à un les codes du genre. La PRODUCTION : neige, oui, mais aussi une actrice Adelphia Compagnia de couleur, un shérif inutile Cinematografica, Les Films Corona et des monceaux de cadavres. Si la forme est radicale autant PHOTOGRAPHIE : qu’atypique, elle sert surtout Silvano Ippoliti une réflexion qui déconstruit INTERPRÈTES : les fondations morales d’une Jean-Louis Trintignant, Amérique classique que sont Klaus Kinski, Frank la propriété, la loi et l’ordre. Wolff, Luigi Pistilli, Carlo D’Angelo Au-delà de la métaphore bien/ mal, neige immaculée vs per- Italie/France, 1967, sonnages sombres, chaque couleur, DCP, 106 min séquence de ce western crépus- SERGIO CORBUCCI culaire distille une cruauté gla- (1927-1990) Dans les montagnes de Restauré par la Fondazione Après le noir Django (1966), çante. La production demanda Scénariste et réalisateur italien, l’Ouest américain, un Centro Sperimentale di Sergio Corbucci délaisse la pous- d’ailleurs à Corbucci de tourner il débute en tant que critique mercenaire tue le mari Cinematografia – Cineteca sière du désert et aborde le wes- une fin plus optimiste qui sera pour le magazine Schermi del d’une jeune femme qui Nazionale de Rome à partir tern par la face montagne. À la finalement rejetée. Le réalisa- mondo puis pour le journal de des négatifs son et image mis va alors embaucher un chaleur étouffante, aux éten- teur, en effet, s’exécuta de fort l’US Army, Stars and Stripes. à disposition par Movietime. D’abord assistant-réalisateur, pistolero muet pour le Les négatifs ont été réparés dues de sable, se substituent mauvaise grâce, en bâclant ses il tourne son premier film en venger. manuellement puis scannés en le froid d’une neige épaisse, les plans, pour saboter délibéré- 1951, Salvate mia figlia ; avant de 4K. La restauration a permis paysages cotonneux d’un Ouest ment la possibilité d’une alter- s’atteler à une série de films de de récupérer la fin alternative, revisité. La blancheur, voilà ce native. Et imposa une vision tout genre : comédies sociales et tournée par Corbucci à la qui frappe d’emblée. âpre et implacable. La tragédie burlesques. Il se fait connaître demande des producteurs. Elle Le cahier des charges habituel n’a pas d’échappatoire. avec Django (1966) qui, avec sera également montrée. Les Pour une poignée de dollars de travaux ont été réalisés aux semble respecté. L’affrontement Sergio Leone, lance la vague du Laboratoires Augustus Color et de deux héros que tout oppose, Hélène Lacolomberie western italien dont Corbucci est Studio Cine de Rome. le sourire carnassier de Klaus l’un des grands réalisateurs.

59 RESTAURATIONS ET INCUNABLES TRISTANA Samedi 4 mars à 20h30 – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

scénariste Julio Alejandro, RÉALISATION : transposent l’action en 1929, à Luis Buñuel Tolède. Le tournage se déroule SCÉNARIO : à l’automne dans la ville ani- Julio Alejandro, d’après mée des souvenirs de jeunesse un roman de Benito surréaliste du cinéaste, et en Pérez Galdós studio à Madrid. Coproduction PRODUCTION : espagnole, italienne et fran- Época Films, Talía Films çaise, le film réunit les trois PHOTOGRAPHIE : nationalités à l’écran. Fernando José F. Aguayo Rey interprète Don Lope, figure INTERPRÈTES : miroir d’un Buñuel vieillissant. Catherine Deneuve, Franco Nero joue le rôle du Fernando Rey, Franco jeune peintre, Horacio. Et Nero, Lola Gaos Catherine Deneuve, qui inter- Espagne/Italie/France, prétait Séverine dans Belle de 1970, couleur, DCP, jour trois ans plus tôt, incarne 96 min le personnage de Tristana, évoluant de la jeune orphe- LUIS BUÑUEL line innocente et docile à la (1900-1983) Entré en cinéma par le femme mutilée acariâtre et surréalisme (Un chien andalou, cruelle. Le film, et la presta- 1929 ; L’Âge d’or, 1930), puis tion de l’actrice, sont salués un documentaire social (Las par la critique au printemps Hurdes, 1933), suivi d’une 1970. Tristana sera présenté longue absence, Buñuel ressurgit hors compétition au Festival de au Mexique où, entre 1947 et 1962, il tourne beaucoup : À Tolède, Don Lope Restauré en HD au laboratoire le scandale provoqué par Cannes, et nommé aux Oscar Los Olvidados (1950), El Éclair. devient le tuteur et Viridiana, le ministère de en 1971. (1953), Nazarin (1959), L’Ange En avant-première de la l’amant de la jeune l’Information et du Tourisme exterminateur (1962)... À partir sortie de la rétrospective Luis Tristana. franquiste autorise finalement de 1963, il entame une nouvelle Buñuel, par Carlotta Films pour Marion Langlois période en France et travaille Studiocanal, en été 2017. le cinéaste à tourner Tristana, Séance présentée par dont le scénario adapté du au scénario de presque tous Catherine Deneuve (sous roman éponyme de Benito ses films avec Jean-Claude réserve) Carrière : Le Journal d’une femme L’année 1969 marque le Perez Galdos (paru en 1892) de chambre (1964), Belle de jour retour officiel de Luis Buñuel a déjà été plusieurs fois revu (1967), Tristana (1969), Cet en Espagne. Huit ans après depuis 1952. Buñuel, et son obscur objet du désir (1977).

60 RESTAURATIONS ET INCUNABLES FROM THE NOTEBOOK OF… AMERICAN

Dimanche 5 mars à 17h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein DREAMS

RÉALISATION, Un instantané de la société RÉALISATION, SCÉNARIO, américaine des années 1954 SCÉNARIO, PRODUCTION, à 1976 à travers des images PRODUCTION, PHOTOGRAPHIE : sportives, des émissions de PHOTOGRAPHIE : James Benning Robert Beavers radio et l’histoire de l’assas- États-Unis / Italie / sin Arthur Bremer. États-Unis / Canada, Suisse, 1971/1998 1984, couleur, 35 mm, couleur, 35 mm, Restauré par 55 min 48 min l’Österreichisches Filmmuseum / Austrian Film Museum à JAMES BENNING Vienne à partir de l’original (né en 1942) ROBERT BEAVERS inversible 16 mm. Réalisateur indépendant de (né en 1949) films expérimentaux, il révèle Né dans le Dans American Dreams, sorti en à travers eux les contradictions Massachussetts, il vit 1984, James Benning porte un propres à l’Histoire en Europe depuis 1967 regard personnel sur l’Histoire américaine, ses ambivalences et aujourd’hui à Berlin. ; il questionne aussi les En 1965, il rencontre Avec comme point de départ les écrits de Leonard de Vinci, des États-Unis, de 1954 à 1976, racontée à travers une juxtapo- paysages et l’idéologie : Gregory J. Markopoulos. une réflexion visuelle sur l’espace dans la Renaissance et Landscapes Suicides (1986) est Ils créent le Temenos l’image animée. sition complexe d’images, de l’un de ses films majeurs. Archive en Suisse et textes manuscrits – qui défilent le festival de films Séance présentée par Robert Beavers. au bas de l’image de la droite expérimentaux Temenos en Grèce. Son cycle de vers la gauche – et du son, com- Restauré à partir de l’internégatif original 35 mm par binant trois niveaux de narra- films le plus important, l’Österreichisches Filmmuseum / Austrian Film Museum à Vienne, My Hand Outstretched avec le soutien de Markus Schleinzer. tion. Le réalisateur associe son to the Winged Distance amour du baseball et son intérêt and Sightless Measure, Inspiré des écrits de De Vinci et des essais de Valéry, le réali- pour l’Histoire des États-Unis, se compose de dix-huit sateur questionne la forme et l’espace à travers ce film expéri- sa politique et sa culture. Il dit courts métrages créés mental tourné à Florence. Il pousse le sens du détail et fait un de sa démarche : « C’est un hom- entre 1967 et 2002. traitement singulier de l’image et du son. Robert Beavers se met mage à ma propre époque ». Ce lui-même en scène ; il participe à toutes les étapes de création qui donne un film personnel, (scénario, production, montage). La caméra oscille entre des provocant et complexe, inter- mouvements verticaux et horizontaux. On assiste également rogeant le rêve américain. à une juxtaposition de l’image et du son, à une dissociation du son et du silence. Florence Fourn

Florence Fourn

61 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LES ARPENTEURS Jeudi 2 mars à 20h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

arpenteur » (Michel Cassagne), RÉALISATION : et croise Lucien dans un res- Michel Soutter taurant. Celui-ci lui demande SCÉNARIO : d’apporter le panier de légumes Michel Soutter à la blonde Alice. Léon accepte PRODUCTION : mais aperçoit une brune, qui Group 5, SRG le charme aussitôt… Au cœur de la campagne genevoise, les PHOTOGRAPHIE : Simon Edelstein rencontres s’enchaînent dans une effervescence malicieuse INTERPRÈTES : et souriante. L’intrigue ne se Marie Dubois, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis, soucie pas de vraisemblance, Jacqueline Moore, célébrant plutôt le caprice ou la Michel Cassagne magie de l’instant. « Jouant sur Suisse, 1972, noir et les apparences, Soutter bâtit, blanc, DCP, 85 min à la manière d’un dramaturge précis comme un horloger, un MICHEL SOUTTER divertissement dont la méca- (1932-1991) nique est proche de celle du Il fut, avec Alain Tanner et vaudeville. Mais il en exploite Claude Goretta, l’un des acteurs le sens qui s’y annonce et non du Nouveau cinéma suisse. les anecdotes qui le trament. Il entre à la Télévision suisse romande en 1962 où il s’affirme Car comme toujours avec lui, le rapidement par son inventivité. cinéaste ne se préoccupe guère Il entame aussi une carrière de de raconter une histoire ; il metteur en scène de théâtre. Ses Pour rendre service à La restauration a été effectuée Sélectionné en compétition au premiers films, La Lune avec les par la Cinémathèque suisse, préfère en réunir plusieurs, Lucien, Léon accepte de Festival de Cannes en 1972, Les dents (1966) ou Haschich (1967), avec le soutien de Memoriav, glanées au gré d’intrigues porter à Alice un panier Arpenteurs est l’un des films les frappent par leur originalité au laboratoire Cinegrell à vagabondes qui obéissent à de fruits et légumes. plus emblématiques du nou- et une forme d’humour très Zürich, à partir du négatif un principe unique : celui de la personnelle. Il crée bientôt, Une jolie jeune femme image 35 mm (blow-up à partir veau cinéma suisse romand. rencontre. » (Freddy Buache, grâce à un accord passé avec la brune lui ouvre la porte, du 16 mm) déposé dans ses Lucien (Jacques Denis) cueille Michel Soutter, Éditions L’Âge télévision romande, le fameux ils se plaisent. collections et scanné en 2K. des fruits et légumes pour Alice Groupe 5. Il réalise neuf longs Le son a été numérisé à partir d’homme, 2001). (Marie Dubois). Entretemps, métrages de fiction qui font la Séance présentée par du négatif original optique à le « grand arpenteur » Léon part belle au jeu et au hasard. élongation variable. Frédéric Maire Jean-Luc Bideau et (Jean-Luc Bideau) se dispute Frédéric Maire avec son ami Max, le « petit

62 RESTAURATIONS ET INCUNABLES PHASE IV Dimanche 5 mars à 19h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION : Saul Bass

SCÉNARIO : Mayo Simon

PRODUCTEUR : Alced Productions, Paramount Pictures

PHOTOGRAPHIE : Dick Bush

INTERPRÈTES : Nigel Davenport, Michael Murphy, Lynne Frederick Angleterre / États-Unis, 1973, couleur, DCP, 84 min

SAUL BASS Deux scientifiques Restauré à partir du négatif Phase IV connaîtra pourtant une nouvelle version de la der- (1920-1996) original par Technicolor US une forme de succès, après plu- nière séquence. Cette fin, spec- Graphiste américain, il collabore s’installent dans une pour Swashbuckler Films et avec les plus grands artistes du tour de contrôle en sieurs diffusions à la télévision. taculaire, avait été diffusée en Paramount Pictures. Il remporte aussi le Grand Prix avant-première avant d’être cinéma. En 1950, il crée son plein désert dans le but En avant-première de sa sortie studio de design : Saul Bass and Award au Festival internatio- modifiée à sa sortie. d’éradiquer un nid de en salles le 13 Septembre 2017. Associates. Remarqué pour son fourmis, une espèce nal de films de science-fiction Le film a inspiré des artistes double travail sur le générique dangereuse qui envahit à Trieste, en 1985. comme Panos Cosmatos pour et la conception d’affiche de Écrit par les scénaristes Mayo Carmen Jones (1954) d’Otto la ville et extermine les Les scènes d’intérieur du labo- son film Beyond the Black Simon et Michael Murphy, Preminger, il travaille, entre êtres vivants. ratoire sont tournées dans Rainbow (2010). Nicolas Phase IV, sorti en 1984, est le les Studios de Pinewood, en Goldbart fera également un autres, pour (Sept premier film de Saul Bass, le ans de réflexion, 1955), Alfred Angleterre, et celles en exté- clin d’œil au film dans Phase 7 Hitchcock (Sueurs froides, 1958 ; graphiste génial et signataire rieurs, au Kenya, bien que (2015), en faisant apparaître La Mort aux trousses, 1959) ou, de génériques mémorables. Ce l’action soit censée se dérou- un extrait à la télévision. plus tard, Martin Scorsese (Les sera aussi son dernier. Produit ler dans le désert de l’Arizona, Affranchis, 1990 ; Casino, 1995). par Paramount Pictures, le film aux États-Unis. Florence Fourn Avant de réaliser son long s’avère un échec commercial, Phase IV connut un regain métrage Phase IV, il avait réalisé interrompant aussitôt la car- un court métrage, Why Man d’intérêt lorsqu’on découvrit Creates (1969). rière de réalisateur de Bass. dans les archives de Saul Bass

63 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LA CROISÉE DES CHEMINS Jeudi 2 mars à 18h45 – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

la plus littérale de cette inver- RÉALISATION, sion nietzschéenne : « Quand SCÉNARIO, tu regardes l’abime, l’abime PRODUCTION, regarde en toi », affirmation PHOTOGRAPHIE : Jean-Claude Brisseau à laquelle Brisseau retire toute valeur simplement métapho- INTERPRÈTES : rique pour la prendre au pied Jean-Claude Brisseau, Lisa Heredia, Lucien de la lettre. Chef-d’œuvre. Plazanet

Jean-François Rauger France, 1975, couleur, DCP, 80 min Précédé de : DES JEUNES FEMMES JEAN-CLAUDE BRISSEAU DISPARAISSENT (né en 1944) RÉALISATION, SCÉNARIO, Professeur de lycée, il se PRODUCTION, PHOTOGRAPHIE : consacre entièrement au Jean-Claude Brisseau cinéma en 1983, avec la France, 1976, couleur, DCP, réalisation d’Un Jeu brutal, 19 min produit par Éric Rohmer. Il réalise une dizaine de films, Révoltée contre son Films restaurés en 2K par Les sobriété extrême des moyens dont De Bruit et de fureur Deux jeunes femmes en (1988), L’Ange noir (1994), Les milieu familial, une Archives Audiovisuelles de non seulement n’empêche pas crise préparent la sépara- Monaco et La Cinémathèque Anges exterminateurs (2006), jeune fille, qui se croit le cinéaste de tenter d’atteindre tion de l’une d’entre elles La Fille de nulle part (Léopard mal aimée par les siens, française à partir des copies les hauteurs les plus élevées de Super 8 avec pistes sonores avec son compagnon. Sans d’Or à Locarno en 2012). préfère le suicide à une magnétiques, confiées par le la métaphysique mais y contri- savoir qu’elles sont épiées vie qu’elle ne se sent pas cinéaste et conservées à La bue sans le moindre paradoxe. par deux tueurs en série… capable d’assumer. Cinémathèque française. La pauvreté est, en effet, le pur vecteur d’une sorte de grâce Entre 1973 et 2014, Jean- Séance présentée par C’est le premier long métrage tout autant que d’une mélan- Claude Brisseau a réalisé trois Jean-Claude Brisseau. réalisé par Jean-Claude colie extrême, fatale. Le titre versions du court métrage Des Brisseau. C’était en 1975 et du film renvoie au parcours de Jeunes femmes disparaissent. le film fut tourné en Super 8. son personnage principal, une Tourné au départ en 8 mm noir C’est dire à quel point faire du lycéenne, incarnée par la douce et blanc, il réalise une seconde cinéma a été, très tôt, pour l’au- Lisa Heredia, aspirée à la fois version de son film en 1976, teur de Noce blanche plus qu’une par la révolte, le désir et la mort. en Super 8 couleur sonore. En simple obsession, un impéra- La lente et subtile imprégnation 2014, il en tourne le remake tif, une évidence pure. Ici, la du surnaturel y est l’expression en relief.

64 RESTAURATIONS ET INCUNABLES ZOMBIE DAWN OF THE DEAD Dimanche 5 mars à 16h – La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

versions différentes, de durées RÉALISATION : variables, plus ou moins George A. Romero charcutées en fonction des SCÉNARIO : comités de censure locaux. George A. Romero Le montage, restauré en 4K, PRODUCTEUR : présenté au public de Toute la Dawn Associates, mémoire du monde, est celui Laurel Group d’Argento, autrement appelé PHOTOGRAPHIE : European cut. Plus sèche et ten- Michael Gornick due que la version originale, cette variante est magnifiée par INTERPRÈTES : David Emge, Ken la musique de Goblin, groupe Foree, Scott H. Reiniger, de rock italien déjà respon- Gaylen Ross sable des sublimes partitions États-Unis, 1978, des Frissons de l’angoisse et de couleur, DCP, Suspiria, du même Argento. 116 min Les exégètes continuent aujourd’hui à se déchirer sur GEORGE A. ROMERO les qualités respectives des (né en 1940) différents montages, les uns Après des débuts dans la estimant l’European cut plus publicité, il écrit, produit et terrifiant, quand les autres réalise La Nuit des morts vivants défendent l’ironie abrasive de qui deviendra un classique du cinéma d’horreur. S’ensuivent la version américaine. Invité à une quinzaine de films, parmi Alors que le monde Restauration supervisée Zombie emprunte des voies superviser cette restauration, lesquels deux adaptations de entier est envahi par par Nicolas Winding Refn sinueuses, autant de témoi- puis à la présenter au Festival Stephen King (Creepshow et les morts-vivants, à partir de la version de gnages de ses conditions de de Venise en 2016, Nicolas La Part des ténèbres) et cinq autres volets de la série des quatre survivants fuient distribution européenne production rocambolesques. Winding Refn préféra ne pas montée en 1978 par Dario choisir son camp : « Zombie est morts-vivants. Satiriste engagé, le chaos en hélicop- En mal de financements, il fait de son cinéma gore et Argento. Remastérisation le seul exemple au monde d’un tère et trouvent refuge 4K réalisée par Koch Media George Romero accepte l’aide violent une arme contre l’ultra- dans un immense centre en collaboration avec Norton de Dario Argento, à qui il cède film avec deux auteurs ; deux libéralisme et le racisme de la commercial. Trust et Antonello Cuomo. en échange les droits d’édi- visions, mais dont chacune société américaine. tion et d’exploitation du film serait un chef-d’œuvre. » On Romero’s cut, Argento’s cut, à l’étranger. Zombie connaî- n’aurait pas dit mieux. Cannes cut... Le pedigree de tra au final des dizaines de Xavier Jamet

65 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LA BANDE DES QUATRE Jeudi 2 mars à 21h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION : JACQUES RIVETTE Jacques Rivette (1928-2016) SCÉNARIO : Il fonde La Gazette du cinéma Pascal Bonitzer, Christine avec Éric Rohmer en 1950, Laurent, Jacques Rivette puis devient critique aux Cahiers du cinéma, parmi les PRODUCTEUR : plus virulents et théoriciens Pierre Grise Productions, de la bande des Jeunes Turcs. Limbo Films, Investimage, Il tourne des courts métrages La Sept dont Le Coup du berger (1956), PHOTOGRAPHIE : mais rencontre des difficultés pour financer son premier film, Paris nous appartient, écrit en INTERPRÈTES : 1957, tourné en 1958, monté Bulle Ogier, Benoît Régent, en 1959 et 1960, sorti en 1961. Laurence Côte, Fejria Deliba, Son deuxième film, Suzanne Bernadette Giraud, Inês de Simonin, la Religieuse de Diderot Medeiros, Nathalie Richard, (1967) se heurte d’abord à la Irène Jacob censure d’État. Il réalise ensuite France / Suisse, 1987, des films au long cours : L’Amour couleur, DCP, 160 min Restauré dans une filière 4K, de l’histoire, il nous donne de Caroline Champetier qui se fou (1969), Out 1 (1971), Céline d’après les négatifs 35 mm aussi des indices sur sa mise glisse dans les conversations et et Julie vont en bateau (1974) image et son originaux, avec le en scène et nous guide, avec suit les quatre comédiennes avant de revenir à partir de la soutien du CNC. L’étalonnage a l’aide de ses personnages, dans fin des années 1980 à une forme Anna, Joyce, Claude, été supervisé par la directrice de cinéma/actrices de théâtre apparemment plus classique : Lucia, quatre élèves du de la photographie Caroline cette partie de cache-cache mi passant de la scène à la salle et La Belle Noiseuse (1991), court d’art dramatique Champetier. policière/mi conceptuelle. Par poursuivant le drame dans la Secret défense (1998), Va savoir de Constance Dumas, exemple, Constance, la profes- maison partagée. Souvent, le (2001)… vivent ensemble dans un Jacques Rivette, réalisateur seure de théâtre (Bulle Ogier), ton change, elles jouent théâtre, pavillon de banlieue. Un entre autres d’Out 1 et de conseille, non sans provocation, puis cinéma, déclament et homme va bientôt faire La Belle Noiseuse, traite l’un à ses apprentis acteurs, un jeu chuchotent… « Trouver le ton basculer l’harmonie qui de ses sujets favoris : le lien à contre-courant : « La démoli- juste, connaître son person- règne entre elles. étroit entre le monde du théâtre tion, c’est avec ça que vous avez nage » et, surtout, « éprouver et une réalité contemporaine à faire tout le temps. La démoli- physiquement le sentiment » Séance présentée s’intéressant toujours aux jeux tion et le doute, c’est avec ça que dit encore Bulle Ogier qui, dans par Laurence Côte, de piste, à la confusion des vous devez construire, créer, le film, saura mettre ses actes Fejria Deliba, Caroline sentiments, aux secrets, aux inventer… ». Jacques Rivette en accord avec ses idées. Champetier. hasards et aux coïncidences. aime déconstruire les formes Parallèlement au déroulement classiques, aidé par la caméra Hervé Pichard

66 RESTAURATIONS ET INCUNABLES DAUGHTERS OF THE DUST Jeudi 2 mars à 15h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

RÉALISATION : Julie Dash

SCÉNARIO : Julie Dash

PRODUCTION : American Playhouse, Geechee Girls, WMG Film

PHOTOGRAPHIE : Arthur Jafa

INTERPRÈTES : Cora Lee Day, Alva Rogers, Barbara-O, Bahni Turpin, Cheryl Lynn Bruce Angleterre / États-Unis, 1992, couleur, DCP, 112 min

Au début du XXème Restauré en 2K par Cohen Film militante, Daughters of the Dust gullah autour duquel le récit JULIE DASH siècle, sur une île de Collection avec UCLA Film & voit le jour après des années est construit. Julie Dash tourne (née en 1952) Television Archive au Modern la Caroline du sud, la de recherches et de lutte pour des séquences du scénario afin Cinéaste, scénariste et monteuse Videofilm à partir d’un scan 4K famille Peazant s’apprête exister dans le paysage cinéma- de trouver un financement, de films pour le cinéma et la de l’interpositif original 35 mm. à prendre une décision tographique américain. Dash mais les studios hollywoo- télévision, réalisatrice de clips importante : renoncer l’envisage d’abord comme un diens refusent de produire le musicaux (pour le groupe à sa terre d’accueil pour À l’origine de Daughters of the court métrage sur la migration film. Le tournage a finalement Tony ! Toni ! Toné ! et Tracy Chapman). Elle commence à faire immigrer vers le nord Dust, il y a une quête person- d’une famille afro-américaine lieu en 1989 ; le film sort à l’hi- du cinéma à Harlem en 1969, du pays. nelle de ses origines qui conduit mais ses investigations, colos- ver 1991. Considéré comme le avant d’intégrer l’American Film Julie Dash à se plonger dans sales, la conduisent à un pro- premier film d’une réalisatrice Institute et UCLA. Son travail Séance présentée par Tim une page d’histoire, celle de sa jet plus ambitieux dont elle noire sur les afro-américains, est présenté dans des festivals et Lanza. famille, mais aussi celle des mil- surmontera les difficultés au il remporte la même année le récompensé. The Directors Guild lions d’immigrés afro-améri- prix de ténacité et de patience. prix de la Cinématographie au of America lui décerne un prix pour The Diary of an African Nun cains dont elle veut montrer Le premier scénario, achevé Sundance Film Festival. (1977) et The Rosa Parks Story une image différente de celle en 1985, après dix ans d’en- (2002). reproduite par Hollywood. quête, illustre une approche Florence Fourn Film engagé d’une réalisatrice historiographique du peuple

67 RESTAURATIONS ET INCUNABLES RETOUR À HOWARDS END HOWARDS END Samedi 4 mars à 16h – La Filmothèque du Quartier latin

les questions de la filiation, de RÉALISATION : l’héritage et de la transmission (The Householder, 1963). Idem SCÉNARIO : dans Howards End : l’héritage, , la question de l’appartenance, d’après un roman celle des traditions constam- d’E. M. Forster ment remises en jeu… Ainsi PRODUCTION : les Wilcox risquent-ils de Merchant Ivory perdre leur propriété au pro- Productions fit des Schlegel (puisque Ruth PHOTOGRAPHIE : Wilcox veut léguer sa maison Tony Pierce-Roberts à l’une des deux sœurs) pour INTERPRÈTES : qui « Howards End » repré- , sente l’entrée dans un nouvel Anthony Hopkins, espace, à l’écart de la ville cos- Vanessa Redgrave, mopolite, un lieu qui échappe Helena Bonham Carter, au temps. La caméra, entraî- Samuel West nante, suggère une atten- Angleterre / Japon tion à chaque détail. Dans / États-Unis, 1992, son article « Le collectionneur » couleur, DCP, 142 min (Cahiers du cinéma n° 455/456), JAMES IVORY Marie-Anne Guérin note (né en 1928) justement : « La manière dont Cinéaste américain passionné par Issues de la classe Restauré en 4K par Cohen Son adaptation cinématogra- Ivory filme les objets, les choses, la culture anglo-saxonne, il adapte moyenne anglaise, les Film Collection au laboratoire phique sort en 1992 et reçoit des champs de jacinthes à de nombreuses œuvres littéraires deux sœurs Margaret et Cineric, à partir du négatif le prix du 45e anniversaire du dont les romans de Henry James, la masse d’une chevelure Helen Schlegel font la caméra original 35 mm Festival de Cannes. Après celles d’Edward Morgan Forster, ou conservé au George Eastman baudelairienne en passant rencontre des Wilcox, de Chambre avec vue (1986) et encore celui de l’écrivain japonais Museum. La restauration du par les robes, les fleurs et les une famille bourgeoise. de Maurice (1987, récompensé Kazuo Ishiguro (Les Vestiges son a été complétée à Audio détails vestimentaires (…) a ici du jour, 1993). Son premier Un lien aussi mystérieux Mechanics, à partir de la à la Mostra de Venise), le trio quelque chose de touchant et long métrage, The Householder qu’indéfectible semble bande magnétique 35 mm. réalisateur, scénariste et pro- est comparable à la naïveté du (1963), scelle sa collaboration les unir malgré leurs dif- L’étalonnage a été supervisé ducteur, J. Ivory, R. Jhabvala avec l’auteure et scénariste Ruth collectionneur ». férences sociales, cultu- par Tony Pierce-Roberts au et I. Merchant, récidive avec Prawer Jhabvala, et le producteur Deluxe Media, Londres. relles et morales. cette nouvelle adaptation de Ismail Merchant, avec lequel il Florence Fourn a fondé, en 1961, la société de l’écrivain britannique. Le roman d’E. M. Forster, production Ivory/Merchant. Leur Séance présentée par Le trio, depuis ses débuts, pose Charles Cohen. Howards End, paraît en 1910. collaboration va durer quarante- cinq ans. 68 RESTAURATIONS ET INCUNABLES LE CINEMASCOPE

CARTE BLANCHE LE CINEMASCOPE

À la fin des années 1940, la fréquentation la distribution et de l’exploitation des cinématographique aux États-Unis entre films. Sa pièce maîtresse, un objec- dans l’une des phases les plus critiques tif anamorphoseur de prise de vues à de son histoire. Pour attirer à nouveau lentilles cylindriques inventé par un un public devenu plus sélectif et plus Français, le professeur Henri Chrétien, rare à se rendre dans les salles, et creu- permet d’inscrire sur une pellicule ser l’écart qualitatif avec l’expérience 35 mm standard une image comprimée de la réception télévisuelle, Hollywood dans sa largeur aux proportions tradi- investit dans les nouvelles technologies tionnelles du 1,37. Puis en projection, d’image et de son permettant une plus par un processus inversé, l’image est grande immersion du spectateur dans rétablie dans ses proportions dans un le spectacle. Le tournant décisif est la cadre deux fois plus large. première du Cinerama à New York, le Par souci de rompre avec la longue tra- 30 septembre 1952. Avec son triple écran dition des attractions foraines à laquelle couvrant un angle de vue de 146 degrés le Cinerama et la 3D sont immédiate- en largueur et son système de son sté- ment associés et afin de promouvoir le réophonique magnétique sept pistes, CinemaScope auprès des réalisateurs et ce dernier introduit une conception du chefs opérateurs ‒ très réticents à son studio, à Spyros Skouras, le Président cinéma comme pur spectacle, sensation égard ‒ comme une innovation technique de la Fox, en juillet 1954. Pour mettre ou expérience dont se servira le marke- susceptible d’affecter la création ciné- en valeur les potentialités expressives ting hollywoodien dans sa lutte contre matographique de manière durable, la nouvelles introduites par le nouveau la télévision. Fox fera de la comparaison avec la skênê format (horizontalité du cadre, mon- de l’architecture grecque et le théâtre tage interne, maintien des acteurs en Du Cinerama au CinemaScope grec un moyen de positionner son pro- distance, etc.), le studio privilégiera dans La grande complexité technique du cédé du côté de l’expérience théâtrale un premier temps les productions à grand système, peu compatible avec les réa- où le spectateur est considéré comme spectacle tirant pleinement avantage de lités du terrain, incitera les studios à plus actif. Plutôt qu’un miroir de la vie l’action physique (combats, naufrages, privilégier des solutions plus pragma- réelle, le studio promet une réalité qui a la incendies, tempêtes, mouvements de tiques. Le CinemaScope, présenté par même qualité de présence qu’au théâtre : foule…) et tournées en extérieurs, à la 20th Century-Fox à la profession « [Le procédé] remplit complètement la l’instar de La Vie passionnée de Vincent le 18 mars 1953 au Western Avenue vision – il accroît la sensation de faire van Gogh (Minnelli, 1955) filmé sur Studio à Los Angeles, incarne un com- partie de l’action, ou d’être véritable- les lieux mêmes où vécut le peintre. promis entre la nouvelle définition de ment présent dans la scène », peut-on Péplum (La Tunique, L’Égyptien), wes- l’expérience du spectacle en salle, inau- lire dans un rapport adressé par Herbert tern (Rivière sans retour, Vera Cruz) et gurée par le Cinerama, et la gestion effi- Bragg, assistant directeur du départe- comédie musicale (Les Sept Femmes de cace des contraintes économiques de ment recherche et développement du Barbe-Rousse, Beau fixe sur New York)

70 LE CINEMASCOPE sont ainsi les genres roi de la produc- des gros plans en CinemaScope, autant « Cinerama du pauvre ». La 20th Century- tion sur écran large aux États-Unis dans qu’on peut gagner en ampleur drama- Fox, après une âpre bataille de plusieurs les années 1950. turgique par l’horizontalité étendue mois, est contrainte d’abandonner ses du cadre, mais qu’il est également pos- exigences au sujet du son magnétique. Un format élargi à tous les genres sible de préserver un rythme rapide Afin de simplifier le système d’exploi- Jugée par certains comme exagérée et de montage. Dans Le Temps d’aimer et tation des copies et réduire ses frais de réservée aux paysages et aux grands le Temps de mourir (1958) de Douglas laboratoire, le studio décide, à partir de fresques historiques, la nouvelle lar- Sirk, le chef opérateur Russell Metty la sortie d’Arrêt d’autobus (Joshua Logan, geur du cadre et l’image foisonnante alterne avec maîtrise scènes d’inté- 1956), que tous ses films seront dispo- de détails angoissent certains réalisa- rieur intimistes et plans d’extérieurs nibles sur des copies mixtes intégrant teurs. D’autres saluent la simultanéité saisissants en CinemaScope (« Nous y les deux types de pistes, magnétiques et des actions qu’elle autorise (Sadoul parle croyons comme si c’était une Cameflex optiques. Ces copies, normalisées sous du CinemaScope comme d’un « cirque à de reportage qui les avait filmés », écrit le nom Mag-optical, vont permettre au pistes multiples »), respectant le mouve- Godard dans les Cahiers du cinéma au studio d’économiser plusieurs millions de ment naturel des personnages, limitant moment de la sortie du film en France). dollars par an au prix de la réduction du les artifices du montage et instaurant L’idée que l’on peut utiliser les nouvelles rapport d’image du CinemaScope de 2,55 une autre perception de l’espace dié- possibilités plastiques tout en détour- à 2,35. À la fin des années 1950, les objec- gétique. Cependant, sortant du cadre nant les codes du cinéma classique fait tifs anamorphoseurs de prises de vues d’usage préconisé au départ par le stu- aussi son chemin. Ainsi, de l’autre côté de Panavision remplacent à Hollywood dio afin de promouvoir la valeur ajou- de l’Atlantique, Max Ophuls, à qui on ceux de la 20th Century-Fox. Caprice de tée du procédé en termes de spectacle, impose le CinemaScope pour le tour- Franck Tashlin en 1967 est l’une des plusieurs réalisateurs vont prouver que nage de Lola Montès, s’amuse à battre dernières productions dans le format à tout est possible en CinemaScope, de en brèche son usage spectaculaire met- faire mention du label « CinemaScope ». la vaste fresque au drame familial inti- tant constamment le nouveau format miste. C’est notamment le cas d’Otto à l’épreuve au point de faire pour cet Kira Kitsopanidou Preminger avec Rivière sans retour ‒ film écran horizontal un film vertical (dixit devenu le locus classicus de l’esthétique Pierre Leprohon, 1963). Plus tard, les du cinéma sur écran large ‒, George réalisateurs de la Nouvelle Vague prou- Cukor avec Une étoile est née, Nicholas veront que le nouveau format n’exclut Ray avec La Fureur de vivre, mais aussi pas les films intimistes. de réalisateurs manifestement hostiles à l’égard du nouveau format tels qu’Elia Son et image Kazan ou Fritz Lang avec respectivement La démocratisation du CinemaScope À l’Est d’Eden et Les Contrebandiers de auprès des exploitants se fera, néan- Moonfleet. Leurs films vont démontrer moins, au prix d’un certain nombre de qu’on peut non seulement tirer profit concessions qui feront du procédé le

71 LE CINEMASCOPE LES SEPT FEMMES DE BARBEROUSSE SEVEN BRIDES FOR SEVEN BROTHERS Vendredi 3 mars à 15h40 – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION Stanley Donen

SCÉNARIO Albert Hackett, Frances Goodrich, Dorothy Kingsley, d’après pièce de Stephen Vincent Benét

PRODUCTEUR MGM

PHOTOGRAPHIE George J. Folsey

INTERPRÈTES Howard Keel, Jeff Richards, Russ Tamblyn, Tommy Rall, Marc Platt États-Unis, 1953, couleur, 35 mm, 103 min Descendu de sa ferme Sorti sur les écrans américains premières réalisations en et d’un total contrôle du pro- isolée, Adam Pontipee en 1954, Les Sept Femmes de CinemaScope de la MGM, et cédé. Sur un scénario origi- STANLEY DONEN prend femme au village, Barberousse a été le succès filmée sur pellicule Anscocolor. nal écrit par Albert Hackett, (né en 1924) Milly. Elle découvre six surprise de l’année et a reçu Le nouveau format permit à Frances Goodrich et Dorothy Il débute comme danseur à Broadway dans Pal Joey et Best beaux-frères mal élevés. l’Oscar de la meilleure musi- Stanley Donen de réunir pour Kingsley adapté de Sobin Food Forwards avec Gene Kelly. Décidée à les civiliser, que, parmi les cinq catégories la première fois tous ses per- Women de Stephen Vincent Avec le soutien du producteur elle leur apprend à dan- dans lesquelles il était nommé. sonnages dans un cadre extra- Benét, l’histoire aux chorégra- Arthur Freed, il réalise Un ser et à être aimables. Cinquième comédie musicale large, notamment lors de la phies audacieuses privilégie la jour à New York (1949) et de Stanley Donen, le film fut chorégraphie euphorisante de bonne humeur exubérante, la Chantons sous la pluie (1952). Sa réalisé à la fois en CinemaScope Michael Kidd pour la scène gaieté débridée, et un plaisir collaboration avec Gene Kelly s’arrête avec l’échec de Beau fixe et au format standard afin de du bal. Le film créa également physique de la danse qui se sur New York (1954). En 1998, il pouvoir être distribué dans les un nouveau style de musical, communique irrésistiblement reçoit un Oscar d’honneur pour salles non équipées. Produit débordant de vitalité et tonifié au spectateur. l’ensemble de sa carrière. avec un budget relativement par le grand air de la campagne. modeste en comparaison des Véritable prouesse technique, Nicolas Caïssa autres comédies musicales de son montage très découpé fait cette période, c’est une des preuve d’une grande précision

72 LE CINEMASCOPE BEAU FIXE SUR NEW YORK IT’S ALWAYS FAIR WEATHER Vendredi 3 mars à 13h40 – La Filmothèque du Quartier latin

société américaine et sa nou- RÉALISATION velle trouvaille, la télévision. Stanley Donen, Gene Économie oblige, l’Eastman- Kelly color remplace le Technicolor SCÉNARIO mais MGM mise sur le specta- Betty Comden, Adolph culaire CinemaScope, procédé Green sous licence vendu par la Fox PRODUCTION 25 000 $ par film. Un format MGM (Arthur Freed) imposé aux réalisateurs réti- PHOTOGRAPHIE cents et, au final, judicieuse- Robert J. Bronner ment apprivoisé. Le tandem INTERPRÈTES expérimente toutes les possi- G. Kelly, C. Charisse, bilités de l’écran large, compo- D. Dailey, D. Gray sant avec ce nouvel espace de États-Unis, 1954, couleur, gigantesques tableaux, usant 35 mm, 100 min avec originalité d’effets visuels (surimpression, split screen) GENE KELLY et exploitant le cadre rectan- (1912-1996) gulaire pour développer les Acteur, chanteur, danseur, chorégraphies élaborées de chorégraphe et réalisateur, il est l’une des figures marquantes de numéros mémorables (Gene la comédie musicale américaine. La guerre finie, trois Copie 35 mm issue des des deux premiers opus deve- Kelly en patins à roulettes ou Il joue notamment dans Un frères d’armes rentrent à collections de la George nus anthologiques, il avait Cyd Charisse sur un ring de Américain à Paris (1951) de New York, se jurant Eastman House. pourtant connu un succès boxe). L’image présente par- V. Minnelli, Chantons sous la amitié pour la vie et se critique à sa sortie. fois de curieux défauts de dis- pluie (1952) qu’il coréalise avec donnant rendez-vous Après Un jour à New York et Conçu au départ comme la torsion sur les bords, typiques S. Donen, Les Demoiselles de Rochefort (1967) de J. Demy. dans dix ans. Pourtant, Chantons sous la pluie, Beau fixe suite d’Un jour à New York, des premiers objectifs anamor- le jour des retrouvailles, sur New York est la dernière qui avait révolutionné le phoseurs CinemaScope. STANLEY DONEN ils constatent qu’ils des trois comédies musicales genre en le sortant des stu- Au terme d’un tournage hou- (né en 1924) n’ont presque plus rien signées par Stanley Donen et dios, Beau fixe sur New York leux, le film qui interroge les Il débute comme danseur à en commun. Gene Kelly sur un scénario revient au carton-pâte et ne effets du temps sur l’amitié Broadway avec G. Kelly. Avec le de Betty Comden et Adolph réunit finalement pas le casting aura raison de celle de Donen soutien du producteur A. Freed, Green, au sein de la fameuse initial. Produit à un moment il réalise Un jour à New York et Kelly. (1949) et Chantons sous la pluie « Freed Unit » à la MGM, du de déclin du genre, ce musical (1952). Sa collaboration avec nom du producteur. Film rare, au titre ironique et au goût Blandine Étienne G. Kelly s’arrête avec l’échec de injustement resté dans l’ombre amer tourne en dérision la Beau fixe sur New York (1954). En 1998, il reçoit un Oscar 73 LE CINEMASCOPE À L’EST D’EDEN EAST OF EDEN Mercredi 1er mars à 14h - La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION Elia Kazan

SCÉNARIO Paul Osborn, d’après un roman de John Steinbeck

PRODUCTEUR Warner Bros.

PHOTOGRAPHIE Ted McCord

INTERPRÈTES , Julie Harris, Raymond Massey, Richard Davalos, Burl Ives

États-Unis, 1954, couleur, DCP, 115 min

Restauré en 4K par Warner de l’œuvre de John Steinbeck Salinas, dont le cinéaste appré- Les frères Aron et Cal ELIA KAZAN ont été élevés dans l’idée Bros. Motion Picture Imaging, parue en 1952. Amis proches, cie la beauté). À l’Est d’Eden est (1909-2003) à partir du négatif caméra que leur mère est morte. l’écrivain et le cinéaste entre- le premier film en couleurs et En 1932, Kazan rejoint le 35 mm. Ce négatif caméra prennent conjointement l’adap- en CinemaScope d’Elia Kazan, Group Theatre, fondé par Lee En fait, celle-ci tient un avait subi des dégâts Strasberg, Cheryl Crawford et bar mal famé qui lui a physiques dus à son tation de la partie finale du qui collabore avec le chef opé- Harold Clurman et devient un apporté fortune. Pour exploitation intense en raison roman. C’est Paul Osborn, à rateur Ted McCord, dont il a metteur en scène de Broadway de la popularité du film. La qui Kazan confie le soin d’ache- aimé le travail en noir et blanc sauver son père de la très en vue. En 1945, il signe bande son stéréo a été rétablie ruine, Cal décide de ver le scénario, qui remarque sur Le Trésor de la Sierra Madre son premier long métrage : Le par Chace Audio by Deluxe à s’adresser à sa mère pour James Dean au théâtre. Le jeune de (1948). Le Lys de Brooklyn. Marlon Brando partir des pistes magnétiques acteur encore inconnu tourne, cinéaste soulignera l’influence apparaît pour la première fois lui demander de l’aider à couchées positif conçues à dans un de ses films en 1951 : monter un projet. l’occasion de la sortie d’origine. en février 1954, un bout d’essai du format panoramique sur sa avec , également mise en scène, lui reconnais- Un tramway nommé Désir. Un homme dans la foule (1957), Le Séance présentée par pressenti pour le rôle-titre. sant un aspect plus théâtral et Après le succès commercial Fleuve sauvage (1960), La Fièvre Bernard Benoliel. de Sur les quais, Warner Bros. Au printemps, le tournage se une exigence spécifique dans dans le sang (1961) marquent offre à Elia Kazan une grande déroule en partie dans les stu- la composition des cadrages. sa carrière. America, America liberté artistique et financière dios de la Warner, et en par- (1963) est à la fois une grande dans la production de son pro- tie en Californie du Nord (à Marion Langlois fresque sur l’immigration et un film intime. chain film, À l’Est d’Eden, adapté Mendocino et dans la vallée de

74 LE CINEMASCOPE LES CONTREBANDIERS DE MOONFLEET MOONFLEET Samedi 4 mars à 13h40 – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION : Fritz Lang

SCÉNARIO : Jan Lustig, Margaret Fitts, d’après un roman de J. Meade Falkner

PRODUCTEUR : MGM

PHOTOGRAPHIE : Robert H. Planck

INTERPRÈTES : Stewart Granger, George Sanders, Joan Greenwood, Viveca Lindfors États-Unis, 1955, couleur, 35 mm, 87 min

En pleine nuit, le petit Depuis Fury (1936), Fritz Lang étirements horizontaux induits Lang s’adapte ainsi magistra- John Mohune parvient n’avait plus tourné dans les par le procédé en traçant des lement aux contraintes impo- FRITZ LANG (1890-1976) au village de Moonfleet studios de la MGM. Seul film cercles comme autant de focales sées par la MGM pour extraire Né à Vienne, il étudie pour rejoindre Jeremy dans la carrière du réalisateur plus ou moins fermées. Les hau- du scénario un joyau de mise l’architecture à l’instar de son Fox, un ami de sa mère, tourné en CinemaScope ‒ pro- teurs rendues plus réduites se en scène. Néanmoins, à sa sor- père, puis les Beaux-arts à auquel, en mourant, elle cédé dont il dit dans Le Mépris conforment à un ciel écrasant tie en 1955, Les Contrebandiers Paris. Blessé sur le front de la a décidé de le confier. que « ce n’est pas fait pour des et une lande aux arbres pliés de Moonfleet est un échec com- guerre, il se met à écrire des Mais Fox n’a que faire hommes [mais] pour des ser- par le vent. Sur l’écran large mercial. Le public boude ce qu’il scénarios, puis part à Berlin. Sa filmographie est répartie d’un enfant. pents ou les enterrements » ‒, aux extrémités souvent plon- croit être un film de série. Il en deux parties : la période Les Contrebandiers de Moonfleet gées dans la pénombre, John faudra attendre sa sortie en allemande, de 1920 à 1933 se démarque de l’exploitation Mohune avance à tâtons jusqu’à France en 1960 pour que le film (Metropolis, M le Maudit, Le souvent conventionnelle qui en trouver l’explication ration- connaisse un succès à la fois Testament du Docteur Mabuse) et est faite par son utilisation res- nelle des mystères et supers- critique et populaire. la période américaine qui s’ouvre trictive, voire détournée. Lang titions qui ne s’avèrent que des avec Fury et se poursuit avec des œuvres réflexives sous couvert y redéfinit sans relâche le cadre. zones d’ombre sur lesquelles Mehdi Taïbi de genres (westerns, films noirs Il réprime, défie ou atténue les la lumière n’a pas été jetée. ou d’aventures).

75 LE CINEMASCOPE LA VIE PASSIONNÉE DE VINCENT VAN GOGH LUST FOR LIFE Mercredi 1er mars à 17h – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATEUR Vincente Minnelli

SCÉNARIO Norman Corwin d’après un roman d’Irving Stone

PRODUCTEUR MGM (John Houseman, Jud Kinberg)

PHOTOGRAPHIE F. A. Young, Russell Harlan

INTERPRÈTES , Anthony Quinn, James Donald, Pamela Brown États-Unis, 1956, couleur, DCP, 122 min

Sa piété, ses passions, Le film sort en 1956 au moment voyage épique et l’on se laisse Théo. Le scénario valorise la d’une désaffection des salles happer par le destin tourmenté fascination de Van Gogh pour VINCENTE MINNELLI son amour pour son (1903-1986) de cinéma, or sa thématique de Van Gogh. Cette odyssée inté- l’évolution des éclairages publics frère Théo, sa rencontre Il débute comme directeur avec Gauguin, son ambitieuse cherche à attirer rieure est en Metrocolor, tournée et son désir de peindre sous les artistique au Radio City Music caractère et, surtout, sa une frange du public améri- avec un négatif Anscocolor sur lampadaires, la nuit, avec un Hall, puis devient metteur en dévotion obsessionnelle cain, urbaine et éduquée. MGM insistance de Minnelli (refusant chapeau orné de bougies. Kirk scène et décorateur de shows à la peinture et au des- surenchérit au plan technique et l’Eastmancolor), afin d’élargir la Douglas, qui se teint les che- pour Broadway (1935 à 39). A sin, responsables de sa impose comme une évidence le palette des pastels et d’atteindre veux et la barbe en roux, s’est la MGM, il réalise entre 1942 et format CinemaScope (2.55 :1) « la haute note jaune ». Freddie complètement « fondu » dans 1955 des comédies musicales « folie »... pour les plus grands noms : contre la volonté de Minnelli qui Young, le second chef opérateur, l’âme torturée de son person- Fred Astaire, Gene Kelly, Judy Restauration à partir le trouve peu adapté pour filmer tourne les extérieurs à Arles, nage. On dit que la ressemblance Garland, Cyd Charisse. Un du négatif original par les tableaux de Van Gogh. Le Auvers-sur-Oise, en Hollande et était si frappante sur le tour- Américain à Paris (1951) et Les Technicolor US pour réalisateur effectue dès lors les en Belgique et tente de retrou- nage que certains vieux pay- Ensorcelés (1952) reçoivent Swashbuckler Films et plans rapprochés de peintures ver les effets de lumière du sans d’Auvers-sur-Oise ayant plusieurs Oscars. En 1955, c’est Warner Bros. en panoramiques haut et bas et peintre. Minnelli ira plus loin connu Van Gogh se signaient en Europe qu’il réalise La Vie passionnée de Vincent Van Gogh. la caméra montée sur Dolly per- que le livre d’Irving Stone dans en le croisant. Il se tourne peu à peu vers le met de suivre Van Gogh dans l’exactitude des faits, en usant mélodrame en alternance avec son environnement. La justesse comme source première des Céline Ruivo des comédies, et connaît une de la scénographie invite à un lettres du peintre à son frère consécration avec Gigi (1958). 76 LE CINEMASCOPE LA FUREUR DE VIVRE REBEL WITHOUT A CAUSE Samedi 4 mars à 21h30 - La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION Nicholas Ray

SCÉNARIO Stewart Stern

PRODUCTION Warner Bros.

PHOTOGRAPHIE Ernest Haller

INTERPRÈTES James Dean, Natalie Wood, Sal Mineo, Jim Backus États-Unis, 1955, couleur, DCP, 111 min

NICHOLAS RAY (1911-1979) Le ton de son œuvre est donné dès son premier film, Les Amants de la nuit (1949). Beaucoup de ses films seront accidentés, remontés, Restauré en 4K par la Warner Nouvellement arrivé en délinquance juvénile. S’il n’en James Dean au sommet. Sur terminés sans lui, son caractère Bros. et la Film Foundation. ville, Jim fait la connais- est pas directement adapté, le le plan formel, Nicholas Ray s’adaptant mal aux exigences sance de Judy, de Plato film doit son titre à un ouvrage fait un usage signifiant de la hollywoodiennes. Il signe et d’une bande d’adoles- En 1954, après avoir tourné du docteur Lindner paru en couleur et déploie son goût de néanmoins des films mémorables cents désaxés. deux westerns (Johnny Guitar 1944, dont la Warner avait la ligne horizontale (hérité de comme Johnny Guitar (1954), La et Run for Cover), Nicholas acquis les droits. Au Studio, l’architecte Frank Lloyd Wright) Fureur de vivre (1955) ou Derrière le miroir (1956). À partir du début Séance présentée par Ray s’intéresse à la jeunesse le bureau du cinéaste est voi- grâce au CinemaScope. Le film Sarah Ohana. des années 1960, rejeté par un américaine contemporaine. sin de celui d’Elia Kazan, dont sort en octobre juste après la système de production lui-même Il ébauche un court projet de il a été l’assistant, et qui vient mort brutale de l’acteur, consa- en crise, Ray ne parvient plus film,The Blind Run, qui marque de faire tourner James Dean crant la gloire de celui-ci et ren- à mener un seul de ses projets le début d’une longue phase dans À l’Est d’Eden. Il attribue contrant un immense succès à terme. Il fait l’acteur (L’Ami d’écriture du scénario de La le rôle-titre au jeune acteur, aux commercial. américain de Wenders, 1977), continue de tourner en enseignant Fureur de vivre, au cours de côtés de Natalie Wood et de Sal (We Can’t Go Home Again) ou en laquelle plusieurs auteurs se Mineo. Le tournage se déroule Marion Langlois mettant en scène ses derniers succèdent et s’immergent avec au printemps 1955, alors que la jours sous le regard d’un autre le cinéaste dans le milieu de la sortie du film de Kazan propulse (Nick’s Movie de Wenders, 1979).

77 LE CINEMASCOPE PLANÈTE INTERDITE FORBIDDEN PLANET Mercredi 1er mars à 16h30 – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION Fred McLeod Wilcox

SCÉNARIO Cyril Hume, d’après une histoire d’Irving Block et Allen Adler

PRODUCTION MGM

PHOTOGRAPHIE George J. Folsey

INTERPRÈTES Anne Francis, Leslie Nielsen, Walter Pidgeon États-Unis, 1955, couleur, 35 mm, 98 min

FRED MCLEOD WILCOX (1907-1964) Au XXIIème siècle, une Planète interdite, sorti en 1956, alloue au projet des moyens de film composée exclusive- Il commence comme expédition enquête est l’avant-dernier film de Fred jamais vus (Eastmancolor ment de sons électroniques, assistant-réalisateur de sur la disparition, M. Wilcox, cinéaste à la filmo- et procédé CinemaScope), renforce l’ambiance de mystère King Vidor pour Hallelujah ! graphie pour le moins contras- jusque-là réservés aux genres qui entoure la planète incon- (1929) ; il participera ainsi à vingt années plus la réalisation de cinq films, tôt, du navire spatial tée (on lui doit notamment populaires et spectaculaires nue et l’équipage du croiseur des films familiaux comme du film épique ou du western. spatial C-57D. Formellement, entre 1929 et 1934. Il tourne Bellérophon et de son ensuite son premier court équipage. trois volets de Lassie dans les Fort de ces possibilités, le film le film marquera des généra- métrage, Joaquin Murrieta, années 1940). Genre sous-ex- marque un tournant dans l’his- tions de cinéastes en posant mais c’est en 1943 qu’il se fait Séance présentée par ploité à l’époque, essentielle- toire du genre en imposant des bases pour une science- connaître en adaptant Lassie, Jean-Pierre Verscheure. ment cantonné aux séries B, une esthétique nouvelle qui fiction moderne. un roman d’Eric Knight. Il le film de science-fiction est vient du CinemaScope : vais- En 2013, le film est sélectionné en fera une trilogie : Fidèle généralement doté d’un bud- seaux spatiaux impression- par le National Film Registry Lassie (1943), Le Courage de Lassie (1946) et Le Maître get rarement à la hauteur de nants, plateformes et couloirs de la Library of Congress afin de Lassie (1948). En 1956, il l’ambition promise pas ce type immenses, paysages infinis. Les d’être conservé pour son réalise Planète interdite qui, de spectacle, avec des décors effets spéciaux sont spectacu- « importance culturelle, his- avec 2001, l’Odyssée de l’espace, en carton, des costumes extra- laires et la bande son, résolu- torique ou esthétique ». réalisé quelque dix ans plus vagants et des effets spéciaux ment nouvelle puisqu’il s’agit tard, fait partie des films peu élaborés. La production de la première bande originale pionniers de la science-fiction Matthieu Grimault moderne.

78 LE CINEMASCOPE SEPT ANS DE RÉFLEXION THE SEVEN YEARS ITCH Jeudi 2 mars à 13h40 – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION Billy Wilder

SCÉNARIO George Axelrod, Billy Wilder, d’après une pièce de George Axelrod

PRODUCTEUR Chas K. Feldman, Twentieth Century Fox

PHOTOGRAPHIE Milton R. Krasner

INTERPRÈTES Marilyn Monroe, Tom Ewell, Evelyn Keyes, Sonny Tufts, Robert Strauss États-Unis, 1955, Sa famille partie en Numérisation 2k menée désormais sur les obsessions réalité, puis celle-ci reprendre couleur, DCP, 105 min par Hollywood Classics. vacances, Richard de Richard Sherman, subju- ses droits. Le CinemaScope, BILLY WILDER Sherman, père de gué par sa voisine de vingt- avec ses lents mouvements Sept ans de réflexion est l’adap- (1906–2002) famille bien tranquille, deux ans. Le film est tourné d’appareil, s’adapte à merveille tation d’une pièce à succès en CinemaScope. Son utilisa- à l’emploi de ces effets. Pour Il débute au cinéma en 1929 en se retrouve seul dans tant que scénariste pour Ernst de George Axelrod jouée à son appartement new- tion, avec ses cadrages larges, autant, le cinéaste ne sera pas Laemmle et Robert Siodmak. En Broadway en 1952. Le scé- yorkais. La présence de permet une plus grande liberté tendre avec ce film et le qua- 1933, Hitler devenu Chancelier, nario est construit sur une sa ravissante voisine ne de mouvements des acteurs, lifiera même d’inexistant à la Wilder s’exile en France avant succession de situations de partir pour les États- tarde pas à l’obséder. ce qui donne du rythme aux suite de la censure qui modi- comiques qui s’amusent de longues scènes dialoguées. Billy fia l’histoire originale. Ce fut Unis. Il écrit plusieurs films la frustration du mâle amé- Wilder use également de tru- cependant un triomphe public avec avant Séance présentée par de réaliser son premier long Jean-Pierre Verscheure. ricain confronté à une société cages parfaitement au point : et la fameuse scène de Marilyn métrage en 1942 : Uniformes rigide où tout est fait pour exci- une série de fondus enchaînés Monroe à la robe « soufflée » par et jupons courts. En 1945, il ter sa libido. Entre Broadway donne à voir les pensées extra- le courant d’air d’une bouche réalise Le Poison qui remporte et Hollywood, le texte a pris vagantes de Sherman emporté de métro est devenue l’une des les Oscar du meilleur film, une nouvelle dimension et par son imagination débor- images les plus iconiques du meilleur réalisateur, meilleur l’adultère n’est plus qu’un dante. Il crée ainsi un sym- cinéma hollywoodien. scénariste et meilleur acteur. Parmi ses plus grands succès, on fantasme dans la version bolisme figuratif où l’on voit compte Sunset Boulevard (1950) cinéma. Tout le film repose peu à peu le rêve chasser la Nicolas Caïssa et Certains l’aiment chaud (1959). 79 LE CINEMASCOPE BONJOUR TRISTESSE Jeudi 2 mars à 16h45 - La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION Otto Preminger

SCÉNARIO Arthur Laurents, d’après un roman de Françoise Sagan

PRODUCTEUR Wheel Productions

PHOTOGRAPHIE : Georges Périnal

INTERPRÈTES : Deborah Kerr, David Niven, Jean Seberg, Mylène Demongeot, Geoffrey Horne États-Unis, 1957, couleur, DCP, 93 min Depuis un été sur la Côte Restauré en 2012 en 2K par (sur dix-huit mille candidates). parisiens. Le dispositif spec- d’Azur, où Cécile menait Sony Columbia. En 1957, la réception de Sainte taculaire du CinemaScope Jeanne est très médiocre. Le est ici associé à un sujet inti- avec son père une vie OTTO PREMINGER légère et douce, la jeune Quand le premier roman de cinéaste attribue néanmoins miste. Les séquences du pré- (1905-1986) parisienne a perdu sa Françoise Sagan est traduit le futur rôle de Cécile à Jean sent parisien en noir et blanc Né à Vienne, acteur et metteur joie de vivre. Elle se sou- aux États-Unis en 1955, Otto Seberg, qui jouera aux côtés alternent avec celles du passé, en scène de théâtre, il arrive vient de l’arrivée d’Anne, Preminger, devenu son propre de David Niven (Raymond, le qui permettent au technicolor à Hollywood en 1936 sous qui a bouleversé leur producteur, décide d’en acheter père), Deborah Kerr (Anne) et de restituer les couleurs rayon- contrat avec la Twentieth les droits. Il confie l’adaptation de Mylène Demongeot (Elsa). nantes de la Méditerranée. Century-Fox. Il signe en 1944 équilibre insouciant. un polar psychologique, Laura, à Arthur Laurents, scénariste Le tournage chaotique de La critique n’est pas éblouie qu’il considère comme son Séance présentée par de La Corde et plus tard de Bonjour tristesse se déroule par le film, mais à l’instar de « véritable premier film ». En Gabriel Bortzmeyer. West Side Story. L’année sui- durant l’été 1957, à Paris Truffaut, Godard est impres- 1952, il décide de s’autoproduire vante, lors d’une vaste opéra- d’abord, puis au Lavandou, sionné par l’interprétation de grâce aux Artistes Associés : La tion publicitaire pour trouver dans la villa du couple de l’actrice. Jean Seberg poursui- Lune était bleue (1953) affronte l’actrice qui interprétera sa patrons de presse Hélène et vra donc sa jeune carrière dans les censures du code Hays. Le cinéaste récidive avec L’Homme Jeanne d’Arc, Preminger Pierre Lazareff, et s’achève À bout de souffle quelques mois au bras d’or (1955) et décortique choisit la jeune Jean Seberg dans les studios de Shepperton plus tard. les rouages de la justice parmi les trois mille adoles- près de Londres, où sont américaine dans Autopsie d’un centes qu’il aurait auditionnées reconstitués les intérieurs Marion Langlois meurtre (1959).

80 LE CINEMASCOPE LE TEMPS D’AIMER ET LE TEMPS DE MOURIR A TIME TO LOVE AND A TIME TO DIE Jeudi 2 mars à 16h – La Filmothèque du Quartier latin

RÉALISATION Douglas Sirk

SCÉNARIO Orin Jannings, d’après un roman d’Erich Maria Remarque

PRODUCTION Universal International Pictures

PHOTOGRAPHIE Russell Metty

INTERPRÈTES John Gavin, Liselotte Pulver, Jock Mahoney, Don DeFore, Klaus Kinski

États-Unis, 1957, couleur, DCP, 133 min

De retour du front russe Restauration 2K par Universal par Adenauer et le “miracle déflagrations et des maisons DOUGLAS SIRK pour une permission, le en 2015, au format 2.35 : 1 et économique” et réveiller ses éventrées, est interrompue (1897-1987) soldat allemand Ernst son mono. Le transfert a été morts, son mort : son fils par le bruit assourdissant des Né à Hambourg, il passe sa Graeber découvre sa effectué en 2009 à partir d’un unique abattu sur le front russe sirènes qui rappelle l’état de jeunesse au Danemark avant contretype 35 mm. de revenir en Allemagne. ville ravagée, sa maison à la fin du conflit » (Bernard guerre dans lequel le pays a Il y fait ses débuts en tant détruite, et ses parents En 1957, Douglas Sirk retourne Benoliel, Cahiers du cinéma, sombré. Grande et petite his- que metteur en scène. En portés disparus. Il en Allemagne, sa terre natale, mai 1999). toire se confondent. Les per- 1937, il s’expatrie aux États- retrouve Elizabeth, une pour tourner un mélodrame Inspiré du roman d’Erich Maria sonnages se déplacent sans Unis. À l’instar des cinéastes amie d’enfance, dont produit par les studios Uni- Remarque – qui joue dans le cesse, fuyant un lieu pour un hollywoodiens, sa filmographie le père manque aussi à film le professeur d’Histoire autre, poursuivant leur course est éclectique : drame mystique, versal, en CinemaScope et comédie de mœurs, ou encore l’appel. en couleurs sur les ravages –, le scénario entremêle l’his- dans une ville de décombres, western. Mais ce sont ses de la guerre. Il s’agit aussi toire d’amour du jeune per- animés d’un désir de vivre plus mélodrames qui le distinguent, Séance présentée par d’une quête personnelle : missionnaire et son amie, et fort que la mort qui pourtant tels Le Secret magnifique (1954), Jean-Pierre Verscheure. « C’est presqu’en fantôme les images violentes de la ville règne partout. Le Temps d’aimer et le Temps de qu’il vient filmer le souvenir ravagée. Leur idylle, irrémé- mourir (1958) et Mirage de la vie diablement attirée par une Florence Fourn (1959) – il tournera cinq films d’une Allemagne année zéro, avec l’acteur Rock Hudson. À déterrer des ruines effacées force plus grande, celle des la fin de sa vie, il enseigne le 81 LE CINEMASCOPE cinéma à Lugano (Suisse). INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE 82 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE LA TRIANGLE, UN STUDIO PIONNIER

Société de production et de distribution de en s’associant avec des salles pres- Le deuxième grand nom de cette entre- prestige, la Triangle Film Corporation est créée tigieuses (les places se vendent 2 $) prise est sans conteste Thomas Ince. ème tout en leur garantissant une qualité Il réalise Civilization en 1916, fai- au début du XX siècle. Elle réunit trois des de service (le bulletin hebdomadaire sant réponse à son royal concurrent, plus grands réalisateurs de l’époque : David The Triangle propose aux exploitants Intolérance, tout en conservant une part Wark Griffith, Thomas Ince et Mack Sennett. des conseils en management, en publi- active dans la supervision des autres cité et en accompagnement musical). équipes de tournages, à la différence À la même période, Griffith et Ince réalisent La Triangle entend ainsi répondre de Griffith. Ince demande une parti- deux productions importantes en dehors de la au double déterminisme énoncé par tion spéciale pour accompagner son Triangle : Intolerance et Civilization. D. W. Griffith dans The Independant, lors film à un jeune compositeur, Victor de la sortie de son film Intolerance, en Schertzinger, qui après avoir fréquenté 1915 : « Les arts constitués sont subor- les salles de projections, devient réa- Créée en juillet 1915 par Harry Aitken, donnés à un déterminisme économique lisateur à son tour. Il met en scène le Adam Kessel et Charles Baumann, la et artistique qui travaille impitoyable- jeune premier Charles Ray, notamment Triangle Film Corporation propose une ment à la survie du plus apte. » dans The Clodhopper (1917). Chacun des association de talents en rassemblant Le label que Griffith est censé superviser, films produits sous ce label fait état trois grands réalisateurs (Thomas Ince, Fine Arts, met sur le marché de beaux des recherches techniques et formelles, David Wark Griffith et Mack Sennett) films. Douglas Fairbanks en est l’inter- notamment en matière d’éclairage. The qui deviennent superviseurs de dif- prète phare. Aussi bien entomologiste Last of the Ingrams (Walter Edwards) fait férents labels – respectivement Kay amateur (American Aristocracy de Lloyd apparaître les visions d’un alcoolique par Bee, Fine Arts et Keystone – et de diffé- Ingram) qu’aventurier moderne unissant le biais de surimpressions multiples (le rentes équipes toutes aussi talentueuses l’Est et l’Ouest (Manhattan Madness d’Al- tableau de sa mère défunte s’anime sous (scénaristes, réalisateurs, etc.). Chaque lan Dwan), prêcheur de l’ « American way nos yeux avant qu’une scène démente semaine, le studio délivre aux exploi- of life » (The Habit of Happiness d’Allan sur la plage nous plonge dans un uni- tants affiliés deux longs métrages de Dwan), inspecteur drogué du nom de vers monstrueux). Plus audacieux cinq bobines (un western et un mélo- Coke Ennyday (dans le très surprenant sur le plan politique est The Despoiler drame) et deux courts métrages de The Mystery of the Leaping Fish de Christy (Reginald Barker) qui conte le sacri- deux bobines (des comédies), assurant Cabanne et John Emerson) ou encore fice – comprenons le viol – d’une jeune une complémentarité de formats et pacificateur (Le Métis d’Allan Dwan), il chrétienne à un émir dans une abbaye, de genres. La Triangle inaugure une incarne la plupart du temps le héros amé- valant comme métaphore des crimes nouvelle configuration relativement ricain par excellence, sportif, aventurier, commis en Arménie et révélés quelques aux standards industriels : elle s’inscrit jovial et inventif qui entraîne la caméra mois plus tôt, en 1915. dans une production luxueuse en faisant dans des pirouettes acrobatiques sans jouer des comédiens renommés (parmi égales, celui-là même qui fait écrire à Louis Mélissa Gignac lesquels Douglas Fairbanks, William Delluc qu’« un médecin qui enverrait voir Hart, Charles Ray, Frank Keenan) et Fairbanks serait un homme ruiné ».

83 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE CHÂTIMENT THE DESPOILER Mercredi 1er mars à 14h et Samedi 4 mars à 18h – Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

version française qui sort en RÉALISATION : 1917, le personnage devient le Reginald Barker colonel allemand Von Werfel, SCÉNARIO : et le film se transforme dès J. G. Hawks, Thomas lors en instrument de propa- H. Ince gande anti-allemande plutôt PRODUCTEUR : qu’en plaidoyer pour la paix. New York Motion Des scènes de grande vio- Picture Corporation, lence vaudront à Châtiment Kay-Bee Pictures de sérieux ennuis avec la cen- PHOTOGRAPHIE : sure américaine, dont on ne Bob Newhart sait précisément si elle a été INTERPRÈTES : froissée par l’évocation trop Frank Keenan, Enid insistante d’un viol, ou par la Markey, Charles K. représentation trop transpa- French, Roy Laidlaw, rente des liens entre les Turcs Fanny Midgley et les Allemands. La Triangle y États-Unis, 1915, noir et affirme ses importantes ambi- blanc, 35 mm, 60 min tions esthétiques et politiques, Postées à la frontière Restauré en 2010 par La il coréalise Civilization en entendant aborder à travers REGINALD BARKER (1886-1945) turco-arménienne, les Cinémathèque française 1916), Châtiment traite alors ses longs métrages la situa- à partir d’une copie Né au Canada, Reginald Barker troupes kurdes du Khàn d’un terrible sujet d’actualité tion politique internationale, Ouârdaliah opèrent pour d’exploitation nitrate teintée internationale : le génocide rejoint les États-Unis encore issue de ses collections, qui en particulier le rôle encore enfant, lorsque ses parents s’y le compte des empires semble être l’unique élément arménien, dont les plus grands incertain des États-Unis dans installent. À dix-neuf ans, il centraux. Deux bandits filmique conservé à ce jour. crimes ont lieu cette même le conflit mondial qui débute. travaille comme régisseur à New pénètrent en Arménie, y Il s’agit d’une version courte, année. Cependant, le résumé York, et fait ses débuts en tant semant l’épouvante. dont l’histoire diffère de la de la version américaine du film Caroline Maleville que comédien à Broadway en version longue d’origine : les diffère largement de celui de 1910. Il rencontre le producteur Séance présentée par intertitres et le montage ont la version française. Dans la et scénariste Thomas H. Ince, Céline Ruivo (Me 1er Mar). été modifiés à des fins de qui le fait travailler comme propagande vers 1917. Travaux version américaine produite assistant-réalisateur, avant de Séance présentée par Loïc avant l’entrée en guerre des Arteaga (Sa 4 Mar). menés au laboratoire de lui permettre de réaliser un Accompagnement musical l’ANIM. États-Unis, le film est vague- premier film en une bobine, un par les élèves de la classe ment situé dans la région des western, en 1912. Réalisateur d’improvisation au piano Réalisé en 1915 pour la Triangle Balkans, et son personnage de plus de quatre-vingts films, il est surtout connu pour Le de Jean-François Zygel par Reginald Barker (bras droit central est un officier français (CNSMDP). Serment de Rio Jim (1914), Un de Thomas H. Ince, avec lequel du nom de Damien. Dans la lâche et Civilization (1916).

84 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE INTOLERANCE INTOLERANCE: LOVE’S STRUGGLE THROUGHOUT THE AGES Samedi 4 mars à 20h – Le Méliès

façonneront toute une partie RÉALISATION : du langage cinématographique David W. Griffith par la suite : montages paral- SCÉNARIO : lèle et alterné, succession de David W. Griffith plans larges et de gros plans, PRODUCTION : travelling à la grue, utilisation David W. Griffith / Wark expressive des teintes… Producing Corporation Malgré une réception critique PHOTOGRAPHIE : très élogieuse, le film connaît G. W. Bitzer à sa sortie un échec commer- cial retentissant. Au fil des ans, INTERPRÈTES : Mae Marsh, Bessie Love, Intolérance a été réhabilité. Un Elmo Lincoln, Lillian siècle après sa sortie, ce monu- Gish, Tod Browning, ment du patrimoine cinéma- Erich von Stroheim tographique mondial continue États-Unis, 1916, noir et à étonner par sa forme auda- blanc, DCP, 168 min cieuse et à toucher par son message universel plus que jamais d’actualité. De la Babylone antique Restauré en 2K par Cohen grande fresque sur l’humanité DAVID W. GRIFFITH ème (1875-1948) au début du XX siècle, Film Collection au Modern prônant la paix et la tolérance. Loïc Arteaga illustration en quatre Videofilm, à partir de deux La simplicité de son propos De 1908 à 1914, il réalise plusieurs centaines de films épisodes de la cruauté contretypes négatifs 35 mm et (le « combat de l’amour à tra- une copie 35 mm. pour Biograph Company. et de la férocité de vers les âges » énoncé dans Considéré comme « le père l’homme envers son son sous-titre) résonne avec du montage », il innove avec prochain. Aux accusations de racisme d’autant plus de force qu’elle l’utilisation du montage dont il fit l’objet pour Naissance s’oppose à la démesure des parallèle, du travelling et du Séance présentée par d’une nation (1915), D. W. moyens employés (décors gros plan. Naissance d’une nation Stéphane Goudet dans (1915) et Intolérance (1916) Griffith propose dès l’année grandioses, figurants par mil- sont considérés comme des le cadre de l’Université suivante une réponse monu- liers…). Bénéficiant du budget populaire du Méliès. œuvres majeures du cinéma. Accompagnement musical mentale. Déployant quatre his- le plus important jamais alloué L’arrivée du Parlant marque la par Thomas Lavoine de la toires en parallèle dénonçant à une production de l’époque, le fin de sa carrière malgré les deux classe d’improvisation au l’intolérance au cours du temps, génie formel de Griffith trouve films qu’il réalise en 1930 et piano de Jean-François reliées entre elles par l’image dans cette œuvre hors norme 1931. Sergueï M. Eisenstein dira Zygel (CNSMDP). de lui : « C’est Dieu le père […] Il allégorique d’une mère berçant son expression la plus achevée, n’y a pas un cinéaste au monde son enfant, Intolérance est une multipliant les innovations qui qui ne lui doive quelque chose. Quant à moi, je lui dois tout. » 85 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE CIVILIZATION Jeudi 2 mars à 16h et Dimanche 5 mars à 14h - Fondation Jérôme Seydoux–Pathé

à la guerre, il alterne la période RÉALISATION : de paix, la guerre destructrice, Thomas H. Ince, puis la paix revenue. Dans un Reginald Barker, rythme soutenu, les scènes les Raymond B. West plus intimes côtoient les mises SCÉNARIO : en scène spectaculaires, comme C. Gardner Sullivan celle du naufrage ou les fasci- PRODUCTION : nantes compositions de foules. Thomas H. Ince Pour le président Thomas Corporation Woodrow Wilson qui axe alors PHOTOGRAPHIE : la campagne pour sa réélection Joseph H. August, Dal sur le fait que les États-Unis ne Clawson, Clyde de s’engagent pas dans le conflit Vinna, Otis M. Gove, qui sévit en Europe, l’immense Devereaux Jennings, Charles E. Kaufman, succès public de Civilization à Robert Newhard, Irvin sa sortie au Criterion Theatre Willat de New York, en juin 1916, est INTERPRÈTES : pain béni. Le film tient l’affiche Enid Markey, Howard Sauvegardé par le MoMA avec Le commandant d’un aérien du gouvernement amé- pendant trente-deux semaines. Hickman, Lola May sous-marin, hésitant à le financement du National ricain, le film implique près de La presse parle de « la création la tirer sur un paquebot Endowment for the Arts et la quarante mille personnes, dix États-Unis, 1916, noir et Film Foundation. plus extraordinaire de ce genre blanc, 35 mm, 86 min civil, passe malgré tout à mille chevaux, Ince engage la jamais présentée » (Intolérance l’acte. Blessé, il saborde construction de villes entières ne sortira en salle qu’en août THOMAS HARPER INCE son bâtiment. Il descend Si l’œuvre de Thomas Ince est destinées à être détruites au 1916). (1882-1924) aux enfers et est sauvé parfois considérée comme tournage. Il confie la compo- Réalisateur, scénariste et par le Christ réincarné complémentaire à celle de sition de la musique à Victor Samantha Leroy producteur, il débute en qui lui montre les dégâts Griffith, Civilization est bel L. Schertzinger qui développe, tant qu’acteur à Broadway à de la guerre. et bien une réponse à l’impo- telle une partition d’opéra, des l’âge de quinze ans. Il réalise sante fresque sur l’humanité motifs différents en fonction quelque quatre cents films, essentiellement des westerns et Séance du 2 mars présentée qu’est Intolerance. Les deux des personnages. des films dramatiques. En 1915, par Mélissa Gignac. films sont produits simulta- Ince s’inspire de l’actualité, en il crée la Triangle Motion Picture Accompagnement musical particulier du torpillage en 1915 Company avec D. W. Griffith par les élèves de la classe nément et l’entreprise s’avère et Mack Sennett, et construit d’improvisation au piano tout aussi colossale. Avec un du paquebot Lusitania par un ses propres studios qui seront de Jean-François Zygel coût de production d’un million sous-marin allemand. Avec plus tard rachetés par Samuel (Conservatoire National de dollars, une collaboration de pour intention de démontrer Goldwyn pour la Goldwyn Supérieur de Musique et de la US Navy et du département la futilité du sacrifice humain Pictures Corporation en 1918. Danse de Paris). 86 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE THE HABIT OF HAPPINESS Vendredi 3 mars à 19h et Damedi 4 mars à 11h – Fondation Jérôme Seydoux–Pathé

Sunny Wiggins, d’inspiration incontestable RÉALISATION : convaincu que le rire pour le cinéaste. Avec American Allan Dwan peut résoudre tous les Aristocraty de Lloyd Ingraham, SCÉNARIO : problèmes, réussit à soi- The Habit of Happiness et, sur- Allan Dwan, Shannon gner un millionnaire tout, le succès de Manhattan Fife, d’après une histoire malade avant de se tour- Madness, Fairbanks devient le de Douglas Fairbanks ner vers des personnes symbole de l’Américain idéal : PRODUCTION : démunies. vif, moderne, sportif et fonciè- Fine Arts Film Company rement optimiste. PHOTOGRAPHIE : Vendredi 3 mars à Dans The Habit of Happiness, le Victor Fleming 19h, séance avec personnage de Sunny Wiggins INTERPRÈTES : accompagnement musical aspire à guérir l’humanité par par les élèves de la classe Douglas Fairbanks, d’improvisation au piano le rire ; lors du tournage à New George Fawcett de Jean-François Zygel York, Allan Dwan déniche dans États-Unis, 1916, noir et (Conservatoire National les quartiers populaires des figu- blanc, 35 mm, Supérieur de Musique rants, authentiques vagabonds 44 min et de Danse de Paris). et mendiants, qu’il ne parvient Film présenté après pas à dérider pendant les prises. ALLAN DWAN les conférences : « La (1885-1981) Triangle Film Corporation Fairbanks leur raconte alors des histoires salaces qui les Il débute en 1909 à la Essanay, (1915-1919) : structures et devient scénariste et metteur de production et de font s’éclaffer. Mais la censure, en scène. En 1914, il réalise distribution », par Loïc alertée par les associations de Richelieu pour Universal, avant Arteaga et « Doug à la sourds et malentendants, les d’entrer à la Triangle. Il dirige Triangle », par Tracey contraint à retourner certaines , Norma Talmadge, Goessel. (voir page 120) de ces scènes. Le chef opérateur Gloria Swanson (Zaza, 1923 ; Quatrième film de Douglas leur carrière respective. Les n’est autre que Victor Fleming. Scandale, 1924), Douglas Fairbanks au cinéma et à la deux hommes s’entendent à Fairbanks (Robin des bois, 1922 ; La rencontre avec Douglas Le Masque de fer, 1929). Il fait Triangle (il a débuté en 1915 merveille. Narrateur de génie, Fairbanks, qu’il fera tourner débuter Ida Lupino dans Her dans The Lamb, supervisé par Dwan excelle tout autant dans dans ses deux premiers films, First Affaire (1932), tourner Griffith pour la Fine Arts), The la maîtrise de l’espace que du l’encourage à débuter sa bril- Shirley Temple dans Heidi (1937) Habit of Happiness est la pre- rythme. Fairbanks, vedette au lante carrière de cinéaste. et réalise des superproductions mière étape d’une fructueuse théâtre mais limité dans ses comme Suez (1938) avec Tyrone collaboration entre l’acteur talents par la scène, trouve à Power. Iwo Jima (1949), Quatre Samantha Leroy Étranges Cavaliers (1954) et Deux et Allan Dwan. Ils tourne- l’écran toute la liberté néces- rouquines dans la bagarre (1956) ront ensemble onze films, saire pour déployer sa vivacité sont les œuvres qui marquent ses sans doute les meilleurs de et sa grâce. Il est une source dernières années d’activité.

87 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE LE MÉTIS THE HALF-BREED Jeudi 2 mars à 14h et Samedi 4 mars à 14h – Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

entre une mère amérindienne RÉALISATION : et un père blanc inconnu. Allan Dwan Élevé comme un orphelin, SCÉNARIO : le paria métis doit s’exiler , d’après pour vivre seul dans les bois. une nouvelle de Bret Le film est une histoire fasci- Harte, In The Carquinez nante sur les discriminations Woods raciales dans l’Ouest améri- PRODUCTEUR : cain. Les intertitres sont intel- Fine Arts Film Company ligents et incisifs, les deux PHOTOGRAPHIE : rôles féminins complexes et Victor Fleming nuancés. Les décors et la pho- INTERPRÈTES : tographie étaient, comme le Douglas Fairbanks, dit le biographe du caméra- Alma Reuben, Sam De man Victor Fleming, « visuel- Grasse, Tom Wilson lement enchanteurs ». Mais le États-Unis, 1916, noir et film n’est pas un succès com- blanc, 35 mm, 73 min mercial. « Nous qui étions ALLAN DWAN dans le film, pensions que le (1885-1981) succès était assuré », écrivait Scénariste et metteur en Fairbanks deux ans plus tard. scène à la Essanay dès 1909, il « Mais le public… ne l’a pas vu réalise Richelieu pour Universal, comme tel ». avant d’entrer à la Triangle. Il dirige Mary Pickford, Norma Tracey Goessel, Talmadge, Gloria Swanson (Zaza, 1923, Scandale, 1924), Lo Dorman, un jeune Cette restauration de 2013 est Le Métis est sorti aux États- Rob Byrne homme à moitié indien, un projet collaboratif entre Unis le 30 Juillet 1916. Il est Douglas Fairbanks (Robin des La Cinémathèque française bois, 1922, Le Masque de fer, est rejeté de tous. Il est le neuvième des treize films 1929). Il fait débuter Ida Lupino accueilli par la trou- et le Silent que D. W. Griffith supervisa Film Festival. Elle rassemble dans Her First Affair (1932), blante fille du pasteur, les éléments de toutes les avec Douglas Fairbanks, et tourner Shirley Temple dans Nellie, mais sa présence sources restantes et connues le troisième réalisé par Allan Heidi (1937) et réalise des en ville n’est pas du goût permettant de produire la Dwan. Dans le film, Fairbanks superproductions comme Suez du shérif Dunne. reconstitution la plus complète joue le rôle de l’orphelin L’Eau (1938) avec Tyrone Power. Iwo possible. Jima (1949), Quatre Étranges Dormante, prononcé Lo Cavaliers (1954) et Deux Séance présentée par Dorman par les habitants de la rouquines dans la bagarre (1956) Rob Byrne (Sa 4 Mar) région. Il est le fruit de l’union marquent ses dernières années d’activité. 88 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE UN LÂCHE THE COWARD Vendredi 3 mars à 14h et Dimanche 5 mars à 16h – Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

sans rappeler celle d’un film RÉALISATION : de D. W. Griffith de 1911,The Reginald Barker Battle, histoire d’un déserteur. SCÉNARIO : Tragédie psychologique, le Thomas H. Ince / film se concentre sur le cas C. Gardner Sullivan de conscience de ce person- PRODUCTION : nage principal qui, contrai- New York Motion rement aux protagonistes de Picture, Kee-Bee bien des films de cette période, Pictures n’est pas dépeint comme un PHOTOGRAPHIE : Sudiste prêt à en découdre à Joseph H. August, la guerre. Succès à la fois cri- Robert Newhard tique et financier, le film lança INTERPRÈTES : la carrière de l’acteur Charles Frank Keenan, Charles Ray, auquel Ince fit ensuite Ray, Gertrude Claire, signer un contrat sur plusieurs Margaret Gibson années, et qui connut une cer- États-Unis, 1915, noir et taine célébrité. Il partage la blanc, 35 mm, 75 min tête d’affiche du film avec REGINALD BARKER Frank Keenan, star du théâtre (1886-1945) à l’époque, que Thomas H. Ince Né au Canada, Reginald Barker fit entrer dans son écurie. rejoint les États-Unis encore enfant, lorsque ses parents s’y Élise Girard installent. À dix-neuf ans, il Un déserteur doit faire Restauré par le MoMA avec enclin à s’auto-créditer de travaille comme régisseur à New face à sa lâcheté lorsqu’il le financement du National bon nombre de productions York, et fait ses débuts en tant se retrouve chargé de Film Preservation Foundation/ sortant de ses studios, Ince que comédien à Broadway en renseignements mettant National Endowment for the 1910. Il rencontre le producteur Arts Millennium Grant. a ainsi longtemps été consi- en cause l’ennemi. déré comme le scénariste du et scénariste Thomas H. Ince, qui le fait travailler comme Réalisé par Reginald Barker, film, alors que les historiens assistant-réalisateur, avant de Séance présentée par tendent aujourd’hui à consi- lui permettre de tourner un Mélissa Gignac (Di 5 Mar) Un lâche fut souvent attribué dérer C. Gardner Sullivan premier film en une bobine Accompagnement musical à Thomas H. Ince, producteur de vingt minutes, un western, par les élèves de la classe touche-à-tout à la tête de la comme auteur du scénario. en 1912. Réalisateur de plus d’improvisation au piano compagnie Triangle, qui était Bien qu’il n’y ait pas de lien de quatre-vingts films, il est de Jean-François Zygel établi, Un lâche est construit l’une des plus prometteuses surtout connu pour Le Serment (CNSMDP). de la période du Muet. Assez sur une histoire qui n’est pas de Rio Jim (1914), Un lâche et Civilization (1916). 89 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE THE MYSTERY THE LAST OF THE LEAPING FISH OF THE INGRAMS Vendredi 3 mars à 16h et Dimanche 5 mars à 11h – Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

JOHN EMERSON WALTER EDWARDS (1874-1956) (1870-1920) Après des débuts Acteur et réalisateur à Broadway, John originaire du Michigan, Emerson se tourne Walter Edwards dirigea vers le septième art et une cinquantaine de collabore avec George films dont In the Switch Nichols (Ghost, 1915) Tower (1915), The Fakir et surtout D. W. Griffith (1915) et A Pair of (Naissance d’une nation, Silk Stockings (1918). 1915) qui lui donne la Edwards travailla chance de travailler pour pour la Triangle la Triangle. Il devient Motion Picture réalisateur et tourne de Company, collaborant L’unique héritier d’une famille puritaine nombreux films avec notamment avec a sombré dans l’alcoolisme. Acculé par les Douglas Fairbanks (The Victor Shertzinger, dettes, il est expulsé de la demeure patri- Americano, 1916 ; The compositeur et cienne. Il est accueilli par une jeune femme réalisateur américain. Mystery of the Leaping Un détective toxicomane, Coke Ennyday mise au ban de la communauté et vivant Fish, 1916). En 1919, (« Delacoke Touslesjours »), mène une dans une modeste maison. il épouse la célèbre enquête sur un gang de trafiquants de scénariste Anita Loos. RÉALISATION : drogue. Walter Edwards Copie tirée en 1995 par La Cinémathèque française. RÉALISATION : Sauvegardé par le MoMA. SCÉNARIO : John Emerson J. G. Hawks, d’après une Symbole du renouveau de la Triangle Film Sleep, Food, Drink et Dope. À l’image des points histoire de John Lynch Corporation après ses déboires économiques SCÉNARIO : cardinaux affichés par la drôle d’horloge de et artistiques de l’automne 1916, The Last of the Tod Browning, Anita Loos Coke Ennyday, The Mystery of the Leaping Fish PRODUCTION : New York Motion Picture Ingrams allie production ambitieuse et réalisa- PRODUCTION : est un film loufoque et inclassable. Sorte de Corporation, Kay-Bee tion prestigieuse (H. O. Davis ‒ successeur de D. Fines Arts Film Company Thomas de Quincey mâtiné d’Edgar Poe, Coke Pictures W. Griffith à la Triangle ‒ fut le producteur de ce Ennyday (Douglas Fairbanks) est le témoin PHOTOGRAPHIE : PHOTOGRAPHIE : film tourné en extérieurs réels avec de nombreux John W. Leezer d’une époque révolue. Un an après la sor- Chester Lyons figurants). La scène de la tentative de lynchage tie du film en effet, le Harrison Act interdit de Mercy Reed par une foule déchaînée en est un INTERPRÈTES : INTERPRÈTES : Douglas Fairbanks, Bessie l’usage non médical de la cocaïne aux États- bel exemple. Rachat d’un homme (Jules Ingram/ Unis. Douglas Fairbanks n’avait guère d’es- William Desmond, Margery Love, A. D. Sears, Alma Wilson, Robert McKim, Walt William Desmond) aux yeux du monde et sauve- Rubens time pour ce film qui ne résista pas, à partir Whitman, Mary Armlyn, tage économique de la Triangle : The Last of the États-Unis, 1916, noir et des années 1930, à la censure du code Hays. Thelma Salter Ingrams est, à tous égards, le film d’une rédemption. blanc, 35 mm, 26 min États-Unis, 1917, noir et Adrien Rode blanc, 35 mm, 64 min Adrien Rode

90 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE UNE AVENTURE À NEW YORK LE LOURDAUD THE MANHATTAN MADNESS THE CLODHOPPER

Mercredi 1er mars à 16h et Samedi 4 mars à 16h – Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

ALLAN DWAN VICTOR SCHERTZINGER Maltraité par son père, le (1885-1981) (1888-1841) fils d’un banquier rural Il débute en 1909 à Violoncelliste prodige – il quitte la ferme familiale intègre un orchestre à l’âge la Essanay, et devient pour New York. Il y fait scénariste et metteur en de huit ans –, il a composé la scène. En 1914, il réalise musique d’une cinquantaine connaissance d’un metteur Richelieu pour Universal, de films. Il est notamment en scène qui lui propose avant d’entrer à la Triangle. l’auteur de la partition le rôle d’un rustre dans sa Il dirige Mary Pickford, de Civilization (1916) de nouvelle pièce de théâtre. Norma Talmadge, Gloria Thomas H. Ince. Il passe à la Swanson et Douglas réalisation dans les années Copie issue des collections Fairbanks. Il fait débuter 1920 mais n’abandonne pas de la Library of Congress. Ida Lupino, tourner le monde de la musique qui imprègne ses plus grands Shirley Temple dans Le Lourdaud illustre l’excel- Heidi (1937) et réalise des Un jeune New-yorkais ayant Après The Good Bad Man et Le films (One Night of Love, superproductions comme quitté la ville pour deve- Métis (1916), la collaboration 1934 ; The Mikado, 1939). lente relation qu’entrete- Suez (1938) avec Tyrone nir cowboy au Nevada, y entre Dwan et Fairbanks se Il est resté célèbre pour les naient Charles Ray et Victor Power. Iwo Jima (1949), retourne pour vendre du poursuit avec Une aventure à titres I Remember You et Schertzinger. Rares furent Tangerine, régulièrement Quatre Étranges Cavaliers bétail. Il retrouve de vieux New York. Les premiers car- les réalisateurs qui purent (1954) et Deux rouquines utilisés dans des films se targuer d’avoir su domp- amis qu’il assomme avec ses tons du film esquissent la contemporains. dans la bagarre (1956) sont ter le caractère lunatique de les œuvres qui marquent ses histoires de campagne. Ils comparaison entre l’Ouest dernières années d’activité. décident de lui jouer un tour. (le Nevada) et l’Est (New York) l’acteur. Récit d’apprentis- RÉALISATION : sage sur fond de backstage des États-Unis. Ironie du film, Victor Schertzinger RÉALISATION : Accompagnement musical Fairbanks fit ses premiers pas musical, Le Lourdaud a été Allan Dwan par les élèves de la classe à Broadway avant de rejoindre SCÉNARIO : produit par l’un des fonda- d’improvisation au piano de Monte M. Katterjohn SCÉNARIO : l’usine à rêves hollywoo- teurs de la Triangle Motion Jean-François Zygel (CNSMDP). Charles T. Dazey dienne. Plus qu’une opposi- PRODUCTION : Picture Company, Thomas New York Motion Picture, H. Ince. Par sa thématique PRODUCTION : Copie tirée en 2002 avec tion entre ces deux Amérique, Kay-Bee Pictures Fine Arts Film Company le soutien du National Une aventure à New York s’at- et son originalité, le film est Endowment for the Arts, de PHOTOGRAPHIE : une métaphore de l’ambition PHOTOGRAPHIE : telle à en décrire la complé- la National Film Preservation Paul Eagler artistique de la Triangle : pro- Victor Fleming mentarité. Séduire easterners Foundation, du National Park mouvoir un cinéma exclusi- et westerners : tel est l’objectif INTERPRÈTES : INTERPRÈTES : Service « Saving the silents », Charles Ray, Charles K. vement américain, détaché Douglas Fairbanks, Jewel de la Film Foundation et de la Triangle, soucieuse de French, Margery Wilson, de ses racines européennes. Carmen, George Beranger du George Eastman House plaire à un très large public. Council. Conservée par la Lydia Knott États-Unis, 1916, noir et George Eastman House. États-Unis, 1917, noir et Adrien Rode blanc, 35 mm, 50 min Adrien Rode blanc, 35 mm, 62 min

91 INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE HOMMAGE À VALENTIN VAALA 92 HOMMAGE À VALENTIN VAALA FRÉMISSEMENTS DU DÉSIR

La carrière de cinéaste de Valentin Vaala s’étend Niskavuoren naiset (1938) est tiré d’une adaptations des œuvres de Frans Emil pièce de Hella Wuolijoki. La série en cinq Sillanpää, lauréat du prix Nobel, dont de l’époque du Muet à l’arrivée de la couleur à la pièces de Niskavuori est un incontour- Ihmiset suviyössä (1948), le préféré du fin des années 1950. Avec une filmographie de nable finlandais dont beaucoup de films réalisateur et film salué par la critique. quarante-quatre longs métrages de fiction au se sont inspirés – le film de Vaala est le Le personnage principal du film est la premier et beaucoup le considère encore nuit d’été qui ne s’assombrit jamais dans total, Vaala est le second réalisateur finlandais comme le meilleur. Le style impression- le Nord. Dans cette nuit diurne, l’amour le plus prolifique. Il réalise ou monte également niste de Vaala parvient bien à dépeindre naissant l’emporte, des enfants voient environ cinquante courts métrages, notamment une campagne magnifique et un triangle le jour et la haine culmine. Le remarqua- amoureux dans une société de fermiers blement beau Martti Katajisto joue un durant la guerre ainsi qu’au cours des années où les femmes, fortes, mènent la danse. jeune homme affaibli cherchant l’aven- 1960 et 1970. Le tournage de Vihreä kulta, également ture et un sens à sa vie au milieu de tiré d’une œuvre de Wuolijoki, débute bûcherons, sans doute le premier per- directement après le film sur Niskavuori. sonnage ostensiblement gay du cinéma Vaala commence à réaliser dès l’ado- Mais en raison de problèmes techniques, finlandais. lescence et tourne ses quatre premiers des scènes doivent être retournées et la films, de 1929 à 1933, avec un autre première est reportée à l’hiver 1939. Ce Mikko Kuutti Ivanoff futur réalisateur, Teuvo Tulio, qui joue n’est pas un succès commercial mais il les rôles principaux. Il réalise encore reste encore aujourd’hui d’actualité par deux films avant de rejoindre Suomi- son point de vue sur l’écologie et les très Filmi Oy, la société de production dans beaux paysages de Lapland. laquelle il demeure jusqu’à la fin de sa VALENTIN VAALA Linnaisten vihreä kamari (1945), adapté (Valentin Ivanoff, 1909–1976) carrière. Le premier film qu’il y réalise du roman de Zacharias Topelius datant est la comédie romantique Kaikki raks- Né le 13 octobre 1909 à Helsinki, Valentin de 1859, est un film que Vaala reprend Vaala réalise son premier film alors qu’il n’a tavat (1935) qui réunit pour la première d’un autre réalisateur qui a quitté le que dix-sept ans, et rejoint la société Suomi- fois les futures vedettes Ansa Ikonen navire en faveur d’une autre grande Filmi en 1935. Il y réalise des comédies urbaines et Tauno Palo. Surfant sur la vague de société de production finlandaise. Il populaires, des pastorales ou encore des popularité du film, la comédie urbaine films fantastiques, et se distingue comme un s’agit d’une romance fantastique, voire révélateur de vedettes, offrant des premiers Vaimoke voit vite le jour en 1936, avec même d’un film d’horreur, que Vaala les mêmes têtes d’affiche. C’est égale- rôles à Tauno Palo, Ansa Ikonen, ou encore à parvient, malgré sa méconnaissance Lea Joutseno. Il a remporté trois prix Jussi de la ment un succès immédiat et une suite du genre, à rendre limpide grâce à son Mise en scène, et a réalisé plus de quarante longs du même genre, Mieheke, est produite talent visuel. Le film se révèle être extrê- métrages, parmi lesquels Laveata tietä (1931), toujours en 1936, avec Palo cette fois mement populaire et fait le plus grand Dynamiittityttö (1944) et Ihmiset suviyössä (Des manipulé par Tuulikki Paananen, autre êtres dans une nuit d’été, 1948). Il meurt le nombre d’entrées de l’année. 21 novembre 1976 à Helsinki. star de l’époque. Vaala réalise également plusieurs

93 HOMMAGE À VALENTIN VAALA EVERYBODY’S LOVE KAIKKI RAKASTAVAT Jeudi 2 mars à 14h – Christine 21

RÉALISATION : peut-être ici que naissante Valentin Vaala puisque le genre commence SCÉNARIO : seulement à se développer, Valentin Vaala et Topo mais il y a une belle patine Leistelä, d’après un dans les nombreuses vues de roman de Jussi Routa l’archipel, une idée du temps PRODUCTEUR : passé. La course des canots Suomi-Filmi à moteur est intensément PHOTOGRAPHIE : montée et l’errance de la Theodor Luts jeunesse au milieu des pay- sages rocheux joliment ren- INTERPRÈTES : Ansa Ikonen, Tauno due. Il est aisé aujourd’hui de Palo, Birgit Nuotio, remarquer la présence cha- Jalmari Rinne, Eine rismatique et l’alchimie par- Laine, Kirsti Suonio, ticulière du couple Ansa et Uuno Laakso Tauno qui fera leur réputa- Finlande, 1935, noir et tion. À cet égard, la séquence blanc, DCP, 80 min d’ouverture du film évoque les débuts du couple Fred Astaire-Ginger Rogers. Cette fête du premier mai définit Pour rester ensemble, Restauré en 4K en 2013 scène des idées continentales ont en commun des éléments Vaala comme un maître de deux jeunes amou- par l’Institut national de ainsi qu’une nouvelle géné- narratifs ainsi qu’une poignée l’urbanisme, de l’érotisme reux doivent surmon- l’audiovisuel à Helsinki (KAVI) ration urbanisée. d’acteurs (Uono Laakso, Elna et de la splendeur qui, par le à partir du négatif nitrate Le film se concentre sur la vie Hellman, Matti Lehtelä). ter quelques obstacles, caméra et du négatif son. montage, se rapproche du col- notamment une série de d’une pension de famille où Kaikki rakastavat comprend lage conceptuel. Avec le duo l’embourgeoisement des cou- les ingrédients classiques malentendus et l’opposi- Kaikki rakastavat est le pre- d’Ansa et de Tauno à propos tumes de la classe moyenne des comédies de Vaala : les tion de leurs mères. mier film à réunir à l’écran les de la survivance des souve- est relevé par un humour occupations paisibles et stars en devenir Tauno Palo et nirs et des rêves de jeunesse, Séance présentée par solide et pragmatique. Kaikki les drames amoureux des Ansa Ikonen, le premier que c’est l’histoire du cinéma qui Mikko Kuutti. rakastavat est réalisé juste riches, l’insouciance légère Valentin Vaala réalise pour le s’écrit sous nos yeux. après l’immense succès de qui mène aux quiproquos, compte de Suomi-Filmi, et Siltalan pehtoori (1934), le les hasards et difficultés du peut être également la pre- D’après Markku Varjola premier film finlandais à fédé- grand amour. Sa dextérité mière comédie finlandaise et Sakari Toivianen rer plus d’un million de spec- reconnue en tant que réa- des années 1930 à mettre en tateurs, et les deux œuvres lisateur de comédies n’est

94 HOMMAGE À VALENTIN VAALA UN SEMBLANT D’ÉPOUX MIEHEKE Jeudi 2 mars à 16h – Christine 21

souvent pour cadre la haute Paananen aux allures félines RÉALISATION : société d’Helsinki, comme c’est et qui jouera plus tard à Valentin Vaala le cas dans Un semblant d’époux. Hollywood dans L’Homme SCÉNARIO : Au milieu des années 1930, la léopard de Jacques Tourneur Valentin Vaala et Hilja Suomi-Filmi, maison de pro- sous le nom de Tula Parma. Valtonen duction avec laquelle Vaala L’actrice, dont c’est le premier PRODUCTEUR : collabora tout au long de sa rôle à l’écran, a ici l’occasion Suomi-Filmi carrière, fit appel à de nom- de montrer ses talents de dan- PHOTOGRAPHIE : breuses femmes scénaristes ou seuse lors de plusieurs scènes Theodor Luts écrivaines, ce qui eut pour effet jouées dans des dancings ou lors de contribuer à la mise en scène d’une séquence chantée. À cet INTERPRÈTES : Tuulikki Paananen, de personnages féminins de égard, la musique aux accents Tauno Palo, Uuno premier plan. Hilja Valtonen, la de jazz d’Harry Bergström qui Laakso, Regina plus illustre, auteure du roman accompagne le film concourt Linnanheimo, Hilja dont fut adapté Un semblant à lui donner une atmosphère Jorma, Helmer Kaski de femme, film précédent de de légèreté. Finlande, 1936, noir et Vaala, fut naturellement sol- Dans un pays et un cinéma qui blanc, DCP, 79 min licitée pour écrire le scénario sont alors encore très ruraux, d’Un semblant d’époux. Vaala se démarque en réali- Conçu pour réitérer ce premier sant avec ce film l’un des pre- grand succès public, Un sem- miers à montrer le Helsinki blant d’époux relate les péripé- des années 1930 comme un ties rencontrées par une jeune lieu de divertissement d’en- femme qui doit se faire passer vergure internationale. Il pro- pour une femme mariée afin pose une comédie urbaine et d’obtenir un emploi de secré- de mœurs qui rappelle, à des- Afin de rassurer l’épouse Restauré en 4K par l’Institut taire. Elle se trouve un faux sein, les films de Cukor ou de de son nouveau patron, national de l’audiovisuel à mari, choisi au hasard dans Lubitsch que Vaala appréciait une jolie secrétaire s’in- Helsinki (KAVI) à partir du un café, ce qui déclenche une particulièrement. vente un mari, entraî- contretype positif et du son magnétique. série de quiproquos trouvant nant une série de leur apogée lors d’une grande Élise Girard quiproquos. Pionnier du cinéma finlandais, garden party. Séance présentée par Valentin Vaala a réalisé plus Connu pour ses talents de Mikko Kuutti. d’une quarantaine de longs découvreur d’acteurs, Valentin métrages, des drames mais Vaala choisit pour ce rôle surtout des comédies, prenant la finno-américaine Tuulikki

95 HOMMAGE À VALENTIN VAALA LES FEMMES DE NISKAVUORI NISKAVUOREN NAISET Samedi 4 mars à 14h – Christine 21

par un conseil administratif RÉALISATION : réunissant les notables de Valentin Vaala la région et par la matrone SCÉNARIO : de la famille Niskavuoren. Jaakko Huttunen, Orvo L’arrivée d’Ilona Ahlgren va Saarikivi, d’après une tout bouleverser. Aarne, le fils pièce de Hella Wuolijoki de famille, agronome, marié PRODUCTEUR : et déjà père, tombe fou amou- Suomi-Filmi reux de la jeune femme. Le film PHOTOGRAPHIE : raconte donc aussi bien l’his- Armas Hirvonen toire d’une passion contrariée INTERPRÈTES : par des intérêts familiaux et Tauno Palo, Lea sociaux que l’affrontement de Joutseno, Olga Tainio, deux mondes. Vaala filme le feu Irja Elstelä sous la glace et les failles Finlande, 1938, noir et humaines sous le vernis de blanc, DCP, 85 min l’hypocrisie. Sa mise en scène est élégante, moderne, ciselée, sensuelle. Il filme avec une distance critique et parfois moqueuse les vieux barbons pour être au plus près de ses person- nages romanesques. La nature, enfin, est présente dès le début du film, notamment l’eau de Un jeune homme, Restauré en 2K par l’Institut de représentatif Les Femmes de la rivière et les nuages, méta- poussé par sa mère et le l’audiovisuel national à Helsinki Niskavuori, première adapta- phores parfaites d’un flux qui sens du devoir, épouse (KAVI) à partir du contretype tion cinématographique de la positif et du négatif son. ne peut qu’emporter les héros une fille de bonne série des cinq pièces de Hella vers d’autres aventures. famille avant de tomber Wuolijoki. L’intrigue se déroule amoureux d’une belle et À la première partie de l’œuvre dans la région rurale du Häme Bernard Payen nouvelle enseignante. de Valentin Vaala, émail- à laquelle certains personnages lée de comédies citadines, semblent très attachés, voire Séance présentée par succèderont des films tour- enracinés. Une société vieil- Mikko Kuutti. nés à la campagne, dont est lie et hypocrite, dominée

96 HOMMAGE À VALENTIN VAALA L’OR VERT VIHREÄ KULTA Samedi 4 mars à 18h – Christine 21

les retourner l’hiver suivant. RÉALISATION : Quand le long métrage fut ter- Valentin Vaala miné au printemps 1939, le pro- SCÉNARIO : ducteur pensa qu’il valait mieux Valentin Vaala et attendre l’hiver d’après. Mais Ossi Elstelä, d’après à sa sortie, la Finlande était une pièce de Juhani entrée dans la Deuxième Guerre Tervapää mondiale, ce qui lui conféra un PRODUCTEUR : succès très limité. Suomi-Filmi Au fil de l’histoire apparaît l’op- PHOTOGRAPHIE : position entre deux mondes Armas Hirvonen sociaux et politiques, deux uni- INTERPRÈTES : vers géographiques aussi. D’une Hanna Taini, Olavi part la ville, les patrons d’une Reimas, Sven Relander, usine de bois, la vie bourgeoise Topo Leistelä, Kosti d’une grande maison vide, de Aaltonen, Lea Joutseno l’autre les immenses forêts Finlande, 1939, noir et enneigées, la liberté, l’amour blanc, DCP, 89 min de la nature. Les deux mondes se croisent quand Kristine, la femme du patron de l’usine, se rend dans les forêts de Laponie, et y rencontre Suontaa, l’ingé- nieur qui connaît intimement ces grands espaces. L’homme Une grande bourgeoise Restauré en 4K par l’Institut pièce de Hella Wuolijoki (alias d’Helsinki, épouse d’un national de l’audiovisuel à Juhani Tervapää), connue aussi bourru, marié, père de deux industriel, tombe amou- Helsinki à partir du négatif pour avoir hébergé Bertolt enfants, tombera amoureux reuse d’un forestier dans caméra, du son magnétique et Brecht dans son exil finlan- de celle qui retrouve alors ses d’une copie nitrate. l’univers magique et dais de 1939 à 1940 et lui racines et le goût de vivre, hivernal du grand nord, Les films de Valentin Vaala avoir inspiré Maitre Puntila et loin de son mariage insatis- en Laponie. ont souvent été adaptés de son valet Matti. L’histoire de fait. Kristine est bel et bien textes écrits par de célèbres la fabrication du film est une le personnage principal de ce Séance présentée par écrivains finlandais. L’Or vert aventure. Des scènes d’hiver film romantique où le feu couve Mikko Kuutti. n’échappe pas à cette récur- tournées en Laponie en 1938 sous la glace. rence. Le récit est adapté d’une furent détruites et il fallut Bernard Payen

97 HOMMAGE À VALENTIN VAALA LA CHAMBRE VERTE DES CHÂTELAINS LINNAISTEN VIHREÄ KAMARI Samedi 4 mars à 16h – Christine 21

pour épouser les ravissantes RÉALISATION : sœurs Littow. Et le premier Valentin Vaala intérêt du film est cette galerie SCÉNARIO : de portraits d’individus hantés Usko Kemppi et par leurs intérêts financiers, Valentin Vaala, d’après sociaux, ou sentimentaux que un roman de Zacharias Vaala filme avec un mélange Topelius de respect, d’amusement et PRODUCTEUR : de distance. Suomi-Filmi La maison des Littow est un PHOTOGRAPHIE : personnage à part entière, Eino Heino avec ses multiples pièces INTERPRÈTES : et cette fameuse chambre Rauli Tuomi, Regina verte qui donne son titre au Linnanheimo, Kaija film, où le passé se révèle à Rahola, Paavo Jännes, la lumière du présent. Vaala Eine Laine, Reino adaptait un roman de l’écri- Valkama vain finlandais du XIXème siècle, Finlande, 1945, noir et Zacharias Topelius, qui a blanc, DCP, 98 min publié des récits où règne l’étrangeté. Et c’est précisé- ment sa dimension fantastique qui en fait un film singulier, notamment quand le person- nage de Kaarle Lithau, l’archi- tecte, découvre et explore la chambre apparemment hantée. La Chambre verte des Châtelains La visite d’un jeune Restauré en 2K par l’Institut de un excellent portraitiste d’une reste un curieux film, comme architecte à une famille l’audiovisuel national à Helsinki classe sociale aisée, soucieuse s’il ne voulait pas choisir véri- bourgeoise provoque (KAVI) à partir du contretype des traditions ancestrales et tablement son registre, entre la découverte d’une positif et du son magnétique. de sa renommée. Savoir d’où comédie, fantastique et drame. chambre cachée et la l’on vient, de quelle famille, de révélation d’un secret. Avec ce film réalisé au mitan quel nom, est une interroga- Bernard Payen de sa carrière, Valentin Vaala tion centrale dans ce film où Séance présentée par montre une fois de plus qu’il est les prétendants se bousculent Mikko Kuutti.

98 HOMMAGE À VALENTIN VAALA DES ÊTRES DANS UNE NUIT D’ÉTÉ IHMISET SUVIYÖSSÄ Jeudi 2 mars à 18h – Christine 21

du cinéma de Vaala : la per- RÉALISATION : manence d’une maison, d’une Valentin Vaala famille, l’apparence éternelle SCÉNARIO : d’un coin de paradis jusqu’à Valentin Vaala, Lea ce que les destinées des uns Joutseno, d’après un et des autres soient boulever- roman de F. E. Sillanpää sées. Le film acquiert prati- PRODUCTEUR : quement une dimension Suomi-Filmi mystique ou métaphysique PHOTOGRAPHIE : quand la mort d’un homme Eino Heino est contrebalancée par une INTERPRÈTES : naissance quelques instants Eila Pehkonen, Matti plus tard. Dès les premières Oravisto, Martti images du film, on retrouve Katajisto, Eero Roine cette attention particulière Finlande, 1948, noir et de Valentin Vaala (et du chef blanc, DCP, 66 min opérateur Eino Heino) à filmer la nature (champs de blés, lacs, plaines) dans son frémisse- ment le plus intense. Tout ce qui accroit l’impression de sen- sualité et de douceur d’une nuit d’été. Un baiser, un échange de Au cours d’une Restauré en 4K par l’Institut servantes, métayers, flot- regards, un rideau qui bouge à nuit d’été, plusieurs national de l’audiovisuel à teurs…). Comme dans beau- peine, le chant des hirondelles, Helsinki (KAVI) à partir du personnes se disputent, coup de films de Valentin Vaala, la chaleur qui empêche parfois meurent, tombent négatif caméra et du négatif cette multiplicité des person- son. de dormir : le film fourmille de amoureuses et donnent nages, aussi pittoresques que ces petits détails, totalement naissance. tragiques, nourrit la narration liés au récit. Ihmiset Suviyössä est adapté qui, cette fois, va peu à peu se Séance présentée par du roman de F. E. Sillanpää, focaliser sur cette nuit d’été à Bernard Payen Mikko Kuutti. lauréat du prix Nobel de litté- la campagne autour d’une pro- rature en 1939. On retrouve priété familiale existant depuis ses figures familières, issues trois cents ans (!). C’est d’ail- du petit peuple de la Finlande leurs là aussi un motif récur- rurale (petits propriétaires, rent dans la partie champêtre

99 HOMMAGE À VALENTIN VAALA MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND

100 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND À PROPOS D’UN GENRE CONNU ET MÉCONNU

Bien que l’on apprécie le cinéma soviétique à la comme un mélodrame à triangle amou- réaliser un mélodrame dans les règles reux : Lui – le cuirassé ; Elle – la foule ; était de se cacher derrière la notion de lumière des films d’Eisenstein et de Tarkovski, l’Antagoniste – le pouvoir. Cette affir- « passé difficile », et c’est exactement nous devrions nous rappeler que le public sovié- mation est moins provocante qu’elle ce que fit Yakov Protazanov dans Sans tique – comme tout public ‒ a toujours été attiré n’en a l’air : après tout, les cinéastes dot (1936), qui se déroule au XIXème soviétiques d’avant-garde ont toujours siècle. Le conflit typiquement mélo- par les genres, en premier lieu le mélodrame. considéré D. W. Griffith comme leur dramatique au cœur du légendaire premier professeur. Le Cirque (1936) de Grigori Alexandrov On compte beaucoup de laborieuses Les deux films de l’ère du muet que se trouvait justifié par le fait que deux imitations soviétiques de mélodrames nous avons choisis représentent deux des protagonistes étaient des étran- étrangers dans les années 1920 – la approches diamétralement opposées. gers, et qui plus est le mélodrame se plupart ayant pour décor l’Europe ou Le Village du péché (1927) est un rare dissolvait dans la comédie musicale. les jours précédant la Révolution. Mais exemple du genre dans toute sa pureté, Les Aviateurs (1935) de Youli les vraies réussites novatrices étaient ce qui explique son immense succès au Raïzman fut qualifié de « drame accomplies lorsque les principales carac- box-office et le fait que ses réalisateurs optimiste » (genre absurde inventé par téristiques d’un genre classique étaient aient été unanimement méprisés par les critiques soviétiques pour souligner appliquées aux nouvelles réalités. Un l’avant-garde. Quant à Katka, pomme un manque d’enjeux). Quant à La Carte excellent exemple serait Trois dans un reinette (1926), c’est l’un de ces « mélo- du parti (1936) d’Ivan Pyriev, le plus sous-sol (1927) d’Abram Room, où les drames travestis », ici déguisé en une complexe d’entre tous, il fut remonté figures classiques d’un triangle (mari, histoire ironique de pègre. par Staline lui-même : il suggéra de femme, amant) doivent cohabiter au Tout a changé dans les années 1930. rajouter quelques séquences, trans- sein d’une même pièce à cause de la Si, pour le dire franchement, les deux formant ainsi l’histoire d’un Rastignac crise du logement sévissant à Moscou. attractions principales du divertis- soviétique aux forts accents dostoïev- Un autre pourrait être Le Quarante-et- sement de masse sont le sexe et la skiens… en un drame d’espionnage. unième (1927) de Yakov Protazanov, violence, Staline, « le censeur du Le public soviétique devait donc dans lequel une jolie fille, soldat de Kremlin », préférait de loin la deuxième apprendre à lire entre les lignes, mais l’Armée rouge dont la principale occu- (tout du moins à l’écran). Grand ama- aussi à regarder entre les images. pation consiste à abattre des officiers teur de westerns et de films d’action de la Garde blanche, tombe amoureuse américains, il cherchait vivement à Peter Bagrov de sa quarante-et-unième cible. Ces développer des genres similaires en deux exemples suggèrent un twist, vers Russie, mais désapprouvait fortement le grotesque ou le tragique selon les des films ayant une quelconque pré- goûts du réalisateur. Il est important de occupation sexuelle. Cela posait d’em- rappeler qu’Eisenstein lui-même envi- blée certaines limites au mélodrame. sageait Le Cuirassé Potemkine (1925) Une fois encore, la seule façon de

101 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND KATKA POMME REINETTE KATKA BOUMAJNY RANET Samedi 4 mars à 15h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

RÉALISATION : Edouard Ioganson, Fridrikh Ermler

SCÉNARIO : Mikhaïl Borisogledsky, Boris Léonidov

PRODUCTION : Sovkino de Leningrad

PHOTOGRAPHIE : Evguény Mikhaïlov

DÉCORS : Evguény Eneï

INTERPRÈTES : Veronika Boujinskaïa, Valéry Solovtsov, Bella Tchernova, Fédor Nikitine URSS, 1926, noir et blanc, 35 mm, 74 min

FRIDRIKH ERMLER (1898-1967) Une vendeuse à la sau- Copie en provenance des familière de la jungle urbaine, dostoïevskien. Les acteurs ont collections du Gosfilmofond. Il naît d’un père menuisier, vette tombe enceinte, prête à surmonter tous les obs- préparé leurs rôles en côtoyant adhère au Parti communiste le père de l’enfant se tacles, se contente de vendre les personnages qu’ils repré- en 1919 et, pendant la guerre met en ménage avec sa Dans les années de la Nouvelle des pommes. sentaient. Pas d’enjolivures ni civile, occupe des fonctions voisine. Elle recueille Politique économique (NEP), la Une fille de la campagne arrivée d’effets de style dans ce récit politiques, notamment dans un sans-abri. Les deux criminalité a envahi Pétrograd, à la ville, enceinte et seule : ce tourné en grande partie dans les tribunaux révolutionnaires. couples suivent des che- tout récemment rebaptisé double motif féministe figure les rues. Ermler, aujourd’hui un En réponse à la FEKS (Fabrique de l’acteur excentrique) de mins divergents. Leningrad. Tout est à vendre, pour la première fois ici, il sera des grands oubliés du cinéma des objets de luxe occidentaux Kozintsev et Trauberg, il fonde illustré dans bien des films à la soviétique, n’a jamais pris de en 1924 le KEM (Atelier du Séance présentée par aux logements et aux corps. fin des années 1920. Les quasi gants avec la réalité du pays. cinéma expérimental). De 1924 Bernard Eisenschitz. Entre misère et banditisme, débutants Ioganson et Ermler à 1965, il tourne à intervalles débris de l’empire et exclus de la espacés, s’efforçant de trouver Accompagnement musical y ajoutent un corps étranger : Bernard Eisenschitz une nouvelle voie à chaque film. par Satsuki Hoshino de la révolution mènent leurs affaires un intellectuel clochardisé, à Ses deux préférés, parmi ses classe d’improvisation au au long de la perspective Nevski, qui Fédor Nikitine, éton- films sonores, étaient Un grand piano de Jean-François sous les statues de bronze de nant acteur fétiche d’Ermler, citoyen (1939) et Le Tournant Zygel (CNSMDP). la ville monumentale. Katka, donne une dimension d’idiot décisif (1945).

102 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND LE VILLAGE DU PÉCHÉ BABY RJAZANSKIE Mercredi 1er mars à 18h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

RÉALISATION : OLGA PREOBRAJENSKAÏA Olga Preobrajenskaïa, Ivan (1881- 1971) Pravov Actrice de cinéma et de théâtre, SCÉNARIO : elle partage l’affiche avec Boris Altchouler, Olga Vladimir Maximoff, avec lequel Vichnevskaia elle forme « le couple idéal » sur les écrans. Au théâtre, elle PRODUCTION : joue de grands classiques russes Sovkino (Tolstoï, Tourgueniev), on la PHOTOGRAPHIE : compare souvent à Asta Nielsen. Konstantin Kouznetsov Elle se dirige ensuite vers le cinéma et devient l’assistance de INTERPRÈTES : Gardine et de Poudovkine. R. Poujnaia, G. Bobynine, E. Tsessarskaïa, K. Yastrebetski IVAN PRAVOV URSS, 1927, noir et blanc, (1901-1971) 35 mm, 82 minutes Scénariste et réalisateur russe d’une dizaine de films. Avec Preobrajenskaïa, il réfléchit à la manière de filmer le monde Dans le village russe de Sauvegardé par La la vie paysanne, prédominante ne montre pas de progrès pos- rural, qui les passionne. Après Ryazan, en 1914, Anna Cinémathèque française en à cette époque. Destiné à un sible dans le milieu rural. Le Le Village du péché (1927), ils et Ivan tombent amou- 2006 à partir d’une copie public rural, quelques modi- Village du péché échappe mal- coréalisent plusieurs films : Ania nitrate conservée dans les fications ont été apportées gré tout à la censure et connaît (1927), Le Don paisible (1931) et, reux. Mais Ivan doit par- collections du CNC. le dernier, Les Sentiers ennemis tir à la guerre. Profitant au scénario, notamment au un succès international ; il est (1935). niveau des dialogues qui ont distribué dans de nombreux de son absence, son père On a longtemps attribué été simplifiés. Le person- pays occidentaux. À partir de viole la jeune femme qui la paternité du film à Olga nage de Wasilia, image de la 1937, il commence à dispa- tombe enceinte. Preobrajenskaïa seule – elle femme « moderne », porteuse raître du paysage cinémato- avait démenti et combattu Accompagnement musical d’espoir, joue un rôle aussi graphique russe, tout comme cette idée maintes fois. Il par Harry Allouche de la important que celui d’Anna, les deux réalisateurs dont la s’agit pourtant de la deu- classe d’improvisation au qui incarne la femme aux carrière s’estompe avant de piano de Jean-François xième collaboration entre Olga mœurs plus traditionnelles. tomber finalement dans l’ou- Zygel (Conservatoire Preobrajenskaïa et Ivan Pravov, Malgré ces changements, le bli. Le Village du péché sera leur National Supérieur de tous deux étudiants à l’école Musique et de Danse de film n’obtient pas l’entière plus grand succès. Goskinoskola (actuel VGIK). Paris). satisfaction de la production Le scénario du film est linéaire. car l’héroïne connaît une fin Florence Fourn C’est un mélodrame conté en tragique ; par ailleurs, le film deux parties, mettant en scène

103 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND LA CARTE DU PARTI PARTIYNYY BILET Vendredi 3 mars à 15h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

RÉALISATION : IVAN PYRIEV Ivan Pyriev (1901-1968) SCÉNARIO : Né d’une famille paysanne de Katerina Vinogradskaïa l’Altaï, Ivan Pyriev débute au cinéma avec Femme étrangère PRODUCTEUR : (1929). En 1934, son projet Mosfilm d’adapter Les Âmes mortes, sur PHOTOGRAPHIE : un scénario de Boulgakov et Anatoli Solodkov une musique de Chostakovitch, échoue. Avec La Carte du Parti INTERPRÈTES : (1936) s’ouvre sa carrière dite Andreï Abrikossov, « officielle » et « grand public ». Anatoli Goriounov, Ivan Pyriev est l’instigateur Ada Voïtsik de la comédie musicale URSS, 1936, noir et kolkhozienne qui mêle folklore blanc, 35 mm, russe et propagande (La Fiancée 108 min riche, 1938). Dans les années 1950, il est à l’origine de l’organisation des cinéastes en une Union. Il devient également directeur de Mosfilm.

Anna, ouvrière Copie en provenance des Staline officialise le film en l’ennemi du peuple et l’héroïne, communiste, épouse collections du Gosfilmofond. remplaçant son titre d’origine cet « homme simple », ici Anna un homme qui s’avère (le nom de l’héroïne) par La Kulikova (Ada Voïtsik), une être un espion. Après l’échec public de son pré- Carte du Parti. C’est un bon jeune ouvrière qui s’efforce Celui-ci lui vole cédent film (Fonctionnaire de exemple de psychose de l’en- de grandir sur le plan civique. sa carte du parti, l’État, 1930) et l’abandon de nemi intérieur. En effet, Yvan Perdue, volée ou échangée, la entraînant son son projet d’adapter Les Âmes Pyriev met en scène l’avenir carte du Parti communiste est exclusion. mortes (1934) de Nicolas Gogol, radieux du communisme que l’élément central du film épo- Ivan Pyriev connaît enfin le symbolise la grandiose scène nyme. Sorte de métonymie du succès populaire avec La Carte des feux d’artifice du 1er mai. régime, cette carte est, pour du Parti (1936). Assassines Conformément au schéma- Anna, le passeport vers des furent pourtant les critiques type des films russes des lendemains qui chantent. qui condamnèrent une années 1930, La Carte du Parti approche trop empathique s’articule autour de trois per- Adrien Rode de l’ennemi du peuple. Mais sonnages : le leader du Parti,

104 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND LE CIRQUE CIRK Vendredi 3 mars à 18h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

La version cinéma propose un RÉALISATION : scénario mélodramatique et Grigori Alexandrov plus politiquement correct. SCÉNARIO : L’influence des films glamours Grigori Alexandrov, hollywoodiens (dont la plu- d’après une pièce d’Ilf part ne sont jamais sortis en et Pétrov URSS) est évidente, des cos- PRODUCTEUR : tumes et coupes de cheveux Mosfilm évoquant Marlene Dietrich, PHOTOGRAPHIE : Brigitte Helm et Bela Lugosi Vladimir Nilsen, Boris à la fille surgissant du gâteau, Petrov typique de Busby Berkeley. INTERPRÈTES : Dans le même temps, le pom- Solomon Mikhoels, peux numéro final montre les Lioubov Orlova, Sergueï personnages marchant sur la Stoliarov, Evguenia Place Rouge, portant des por- Melnikova traits de Staline et chanton- URSS, 1936, couleur, nant Chanson de la Patrie, qui 35 mm, 90 min devint immédiatement l’hymne non-officiel de l’URSS. Le film GRIGORI ALEXANDROV dépeint la Russie soviétique (1903-1983) comme le seul pays libéré du Natif d’une famille de mineurs racisme. Lors d’une séquence de l’Oural, Grigori Alexandrov émouvante, des représentants participe, entre 1924 et 1925, de plusieurs nations entonnent aux tournages de La Grève et du Cuirassée Potemkine. Après un Aux États-Unis, une Copie en provenance du dans son pays natal, travail- une berceuse à l’attention d’un voyage en Europe et aux États- Gosfilmofond. artiste de cirque ayant lant en collaboration avec sa enfant noir, en russe, ukrai- Unis au début des années 1930, un fils noir est vic- femme, Lioubov Orlova (peut- nien, géorgien, tartare et yid- Alexandrov s’éloigne des idées time de préjugés. Une Grigori Alexandrov fut d’abord être l’actrice la plus populaire dish. Au fil du temps, le vers en d’Eisenstein pour se convertir à fois expatriée en Union l’un des plus fidèles assistants des écrans soviétiques), et le yiddish (chanté par l’immense une conception hollywoodienne soviétique, elle découvre d’Eisenstein (notamment sur Le compositeur Isaac Dounaïevski. acteur Solomon Mikhoels) fut du cinéma. Nourri des techniques et de l’influence du un monde où elle peut Cuirassé Potemkine). Ayant vécu Le Cirque est adapté d’un spec- régulièrement coupé ou réinté- plusieurs années en Europe et musical, Alexandrov réalise finalement vivre en paix tacle de music-hall à succès dont gré selon l’état de la « question Joyeux Garçons en 1934. Le avec son enfant. aux États-Unis au moment de le texte hilarant fut écrit par juive » en Union soviétique. succès est immense. La comédie l’avènement du son, il devint un Illia Ilf et Evgueni Pétrov, deux « aleksandrovienne », heureux pionnier de la comédie musicale légendes soviétiques de la satire. Peter Bagrov divertissement au temps du stalinisme, est née. 105 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND SANS DOT BESPRIDANNICA Samedi 4 mars à 17h30 – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

classique d’Alexandre Ostrovski, RÉALISATION : l’un des textes préférés de la Yakov Protazanov scène russe, interprété diffé- SCÉNARIO : remment à chaque époque. Yakov Protazanov, Lorsque l’un des personnages Vladimir Chveitser, compare l’innocente jeune fille, d’après une pièce désirée par tous les hommes d’Aleksandr Ostrovski de son entourage, à un objet PRODUCTION : onéreux, celle-ci s’exclame dans Gosudarstvennoe un élan hystérique : « Oui, je Upravlenie Kinematografii i suis un objet ! Enfin un nom fotografii (GUKF) m’a été trouvé ! ». Protazanov dépeint effectivement son PHOTOGRAPHIE : héroïne comme un objet oné- Mark Maguidson reux : il y a plus de gros plans INTERPRÈTES : de son décolleté que de son Olga Pyjova, Nina visage. Les séquences mélo- Alissova, Anatoli Ktorov, Mikhaïl Klimov dramatiques sont traitées avec autant de cynisme, notamment URSS, 1936, noir et la fin du film. Il en est de même blanc, 35 mm, 86 min pour l’utilisation abusive qui est YAKOV PROTAZANOV faite de la Sixième Symphonie (1881-1945) de Tchaïkovsky. Protazanov D’abord traducteur pour la s’en moquait d’ailleurs dans société de production Gloria, une lettre à son fils : « Tout le il est engagé en 1910 par Paul Une jeune fille refuse de Copie du Gosfilmofond. requiert non seulement une monde admirait […] Tchaïkovsky Timan et réalise plusieurs films se marier à un vieillard grande habileté, mais aussi (ah !, un grand merci à muets (Un drame au téléphone, afin d’obtenir une dot. une grande aptitude au confor- 1914). Il travaille ensuite pour Yakov Protazanov est le seul de Tchaïkovsky) ». Malgré tout, Josef Ermolieff qui produit son Elle tombe amoureuse sa génération à avoir travaillé misme. Protazanov était consi- Sans dot fut un énorme succès chef-d’œuvre révolutionnaire d’un bel homme qui avec un égal succès en Russie déré comme l’exact inverse d’un au box-office, et le public le prit (Le Père Serge, 1917) avec Ivan la trahit en un rien de prérévolutionnaire, en France, auteur. Un professionnel, un entièrement au premier degré. Mosjoukine. Dans les années temps. en Allemagne et en Union sovié- artisan, un cynique… Et pour- Et non seulement en Russie, 1920, Protazanov émigre en tique. Il a adopté différents styles tant, il y a quelque chose de par- mais aussi à Paris où le film reçut France et officie pour Pathé et tagé dans ses meilleurs films, Gaumont (L’Ombre du péché, et réalisé des miracles d’intégra- la Médaille d’or à L’Exposition 1922). De retour en Russie il se tion psychologique et sociale. son sens de l’ironie. universelle de 1937. consacre aux films d’aventure Une telle faculté d’adaptation Sans dot est adapté d’une pièce Peter Bagrov (Aelita, 1924) et aux comédies.

106 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND LES AVIATEURS LYOTCHIKI Mercredi 1er mars à 15h – La Cinémathèque française, salle Jean Epstein

exaltation de la grandeur sovié- RÉALISATION : tique. Mais tout cela n’est Youli Raïzman finalement que la toile de SCÉNARIO : fond d’une histoire d’amour Aleksandr Matcheret impossible. Héroïsme, dignité, PRODUCTEUR : courage et passion contenue, Mosfilm voilà les véritables ingré- dients de ce film, porté par PHOTOGRAPHIE : Leonid Kosmatov des acteurs talentueux : Ivan Koval-Samborski (Beliaev), INTERPRÈTES : qui a alors derrière lui déjà Boris Chtchoukine, Zoïa Fedorova, Evguenia une belle carrière – ce qui ne Melnikova, Ivan Koval- l’empêchera pas d’être arrêté Samborski, Aleksandr en 1938 et déporté ; Evguenia Tchistiakov Melnikova, qui trouve dans URSS, 1935, noir et l’interprétation du personnage blanc, 35 mm, de Galia l’un de ses premiers 80 min rôles au cinéma et apparaî- tra bientôt comme l’une des YOULI RAÏZMAN sérieuses concurrentes de la (1903-1994) star Lioubov Orlova ; et enfin Youli Raïzman tourne son Boris Chtchoukine (le directeur premier film (Le Cercle, 1927) en collaboration avec Alexandre Rogatchev), dont le film Les Gavronski. En 1936, La Aviateurs marque les débuts Dernière Nuit fixe une image au cinéma et qui devint très individualisée mais officielle de célèbre, quelques années plus la Révolution de 1917. C’est le tard, en interprétant Lénine début d’une longue collaboration Dans une école d’avia- Alors que le cinéma sovié- et moments intimes où les pour Mikhail Romm. Habile avec Evgenij Gabrilovic, l’un des teurs, le commandant tique est bouleversé par une trois principaux personnages meilleurs scénaristes soviétiques. directeur d’acteurs, Raïzman La suite de sa carrière est tombe amoureux d’une double « révolution » (le pas- se heurtent les uns aux autres parvient ainsi à introduire dans inégale, oscillant entre le jeune fille. Il s’avère sage au parlant et l’introduc- sans parvenir véritablement ce mélodrame une touche inat- documentaire (Berlin, 1945) et qu’elle est aussi l’une des tion du réalisme socialiste), à exprimer leurs sentiments, tendue, et qui va se faire rare la fiction « à la Bovary » (Une élèves les plus doués. Youli Raïzman réalise en 1935 ce film peut se lire comme le dans le cinéma de la période femme étrange, 1978). Les films son quatrième long métrage. lieu d’expression des valeurs stalinienne : l’humour. de Raïzman mettent souvent Alternant séquences d’acroba- staliniennes : discipline col- en scène un univers peuplé de jeunes femmes. ties aériennes spectaculaires lective, dévouement au parti, Natacha Laurent

107 MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND FILMS NOIRS BRITANNIQUES 108 FILMS NOIRS BRITANNIQUES BRITS NOIRS

Définir ce qui constitue un film noir a toujours utilisant des ombres profondes et le L’assassin s’était trompé (Gilbert, 1955) brouillard. Le sort joue un rôle clé en traduit une incertitude quant aux rôles été une tâche difficile. La liste même des films s’opposant au protagoniste, le petit- sexuels. Dirk Bogarde joue un Barbe- identifiés comme films noirs révèle une grande fils d’un célèbre bourreau qui se bat bleue moralement et sexuellement diversité de films de style et de sujets différents. contre ses propres accès de violence ambigu ‒ l’historien du film noir Eddie incontrôlables. Cependant, en raison Muller l’a qualifié d’homme fatal ‒ qui Et bien qu’Alain Silver et Elizabeth Ward affir- sans doute de ce que Michael Boyce contraste vivement avec le person- ment dans leur Encyclopédie du film noir (Éditions décrit comme « le sentiment propre nage féminin, dur et sûr de lui, joué par Rivages, 1987) que le film noir est « une forme à la Grande Bretagne d’avoir perdu sa Margaret Lockwood. Le film est éga- place parmi les nations les plus puis- lement un bon exemple de l’influence américaine indigène », il a été plus largement santes et influentes du monde » après du gothique sur le noir britannique, reconnu ces dernières décennies que d’autres pays la guerre, un certain nombre de films avec son emphase macabre et un goût produisaient des films que l’on pourrait ajouter noirs britanniques remettent en ques- de l’effroyable qui font moins partie tion le rôle des classes et l’autorité des de la tradition américaine. au canon du film noir. Au Royaume-Uni particu- pouvoirs en place. lièrement, des films plus tard décrits comme des Le critique Andrew Spicer remarque que « noirs britanniques » étaient produits en conco- Ce questionnement joue un rôle dans la fin des années 1950 a vu un chan- Dancing with Crime (Carstairs, 1947), gement de style visuel dans certains mitance avec leurs cousins américains. où l’ancien soldat Ted Peters gagne sa films noirs faits au Royaume-Uni au vie en conduisant un taxi pour que sa profit d’un réalisme morne et glacial, Les historiens citent souvent The Green femme et lui aient les moyens de se tourné dans une lumière froide, franche Cockatoo (Menzies, 1937) ou They Drive marier et de commencer leur vie. Au et naturaliste « qui correspondait à by Night (Woods, 1938) comme les pre- contraire, Dave, le copain de guerre la violence brutale de l’action ». Dans miers noirs britanniques. Ces premiers de Ted, se tourne vers l’argent facile Le Mystère de la ville blanche (Guest, films ouvrirent la voie à la période clas- du marché noir florissant grâce à des 1962), la photographie noir et blanc sique du noir britannique qui prospéra mesures d’austérité et de rationnement. pseudo-documentaire, crue et sans fard dans l’après-guerre et qui peut être vue Le personnage de Dave introduit un d’Arthur Grant, dépeint un Brighton comme une réponse au traumatisme élément propre au noir britannique, miteux et isolé où un meurtre cruel physique et psychologique vécu pendant celui du filou : de jeunes hommes vêtus a lieu. Ce noir réglementaire est un les années de guerre. Ces films avaient de façon tapageuse, gagnant leur croûte précurseur de la brutalité bien plus souvent des traits communs avec ceux de façon illégale et douteuse, et liés directe observée dans les films poli- d’Amérique. Dans Recherché pour meurtre à la pègre. ciers britanniques qui suivront. (Huntington, 1946), le directeur de la photographie Mutz Greenbaum fait des En plus de remettre en question les Tim Lanza rues de la ville un espace menaçant en classes et les pouvoirs après la guerre,

109 FILMS NOIRS BRITANNIQUES RECHERCHÉ POUR MEURTRE WANTED FOR MURDER Vendredi 3 mars à 18h – La Filmothèque du Quartier latin

qui jouait dans A Canterbury RÉALISATION : Tale de Powell et Pressburger et Lawrence Huntington qui fait de son personnage SCÉNARIO : un gentleman de la classe Percy Robinson et moyenne progressivement Terence Marney gagné par la folie. PRODUCTION : La question du suspect étant Marcel Hellman très vite écartée par le scéna- PHOTOGRAPHIE : rio, les inspecteurs de Scotland Max Greene Yard tout comme le public connaissant son identité, le INTERPRÈTES : Eric Portman, Dulcie film devient, plutôt qu’une Gray, Derek Farr, enquête, une sorte de thril- Roland Culver, Stanley ler hitchcockien. Holloway Recherché pour meurtre est Grande-Bretagne, 1946, remarquable pour l’atmosphère noir et blanc, DCP, londonienne dans laquelle 102 min Lawrence Huntington plonge les spectateurs (nuits nimbées de brouillard, séquences au LAWRENCE HUNTINGTON Musée de cire de Madame (1900-1968) Tussauds, à Hampstead Heath, Réalisateur, scénariste Le petit-fils d’un bour- Restauré en 2K par la Cohen d’une pièce de théâtre écrite Regent’s Park), jusqu’à son et producteur, Lawrence Film Collection au Crawford Huntington a vu sa carrière de reau se croit possédé par par Percy Robinson et Terence point culminant, une scène l’esprit de son grand-père. Media Services, à partir d’un de Marnay. Également titré A réalisateur débuter au moment de chasse à l’homme dans de l’arrivée du cinéma parlant. Il devient l’étrangleur de contretype négatif combine Voice in the Night, le film met 35 mm et d’une copie de Hyde Park. Il met en scène des comédies jeunes femmes et fait conservation 35 mm. en scène les agissements d’un et des drames à petit budget la une de la presse lon- meurtrier hanté par le souvenir Élise Girard durant les années 1930, mais donienne. Amoureux Recherché pour meurtre sort au d’un grand-père bourreau et c’est dans la décennie suivante d’une jeune vendeuse de Royaume-Uni en juin 1946, qui ne peut s’empêcher d’étran- qu’il va connaître un certain disques, il espère qu’elle année d’une véritable explo- gler des jeunes femmes. Dans succès, collaborant notamment sion artistique dans l’industrie avec l’acteur James Mason (This pourra le sauver. un Londres d’après-guerre qui Man is Dangerous, The Upturned cinématographique britan- fait écho aux histoires crimi- Glass). Dans les années 1950, Séance présentée par nique. nelles victoriennes à la « Jack il se tourne vers la télévision, Tim Lanza (Cohen Film (Les Chaussons rouges) est à the Ripper », l’« étrangleur » travaillant pour des séries Collection). l’origine de cette adaptation est campé par Eric Portman, telles que Douglas Fairbanks Jr. Presents, Errol Flynn Theatre.

110 FILMS NOIRS BRITANNIQUES DANCING WITH CRIME Vendredi 3 mars à 20h – La Filmothèque du Quartier latin

à l’instar de nombreux films RÉALISATION : noirs de la fin des années 1940, John Paddy Carstairs met en scène d’anciens mili- SCÉNARIO : taires faisant leur retour à la vie Brock Williams civile, et se retrouvant confron- PRODUCTION : tés à une société dans laquelle Coronet Films et leur sacrifice n’est pas récom- Alliance Films pensé alors que d’autres se sont PHOTOGRAPHIE : enrichis avec le marché noir. Reginald H. Wyer Cette histoire éminemment morale est servie par un Richard INTERPRÈTES : Richard Attenborough, Attenborough qui, paraissant Diana Dors, Dirk beaucoup plus jeune que ses Bogarde, Barry K. vingt-trois ans, joue un soldat Barnes récemment démobilisé hon- nête et dévoué, secondé dans Grande-Bretagne, 1947, sa quête de justice par Sheila noir et blanc, DCP, 83 min Sim, épouse du comédien dans la vie civile. Les acteurs Dirk Bogarde et Diana Dors appa- JOHN PADDY CARSTAIRS raissent par ailleurs pour la pre- (1910-1970) Deux amis d’enfance et Restauré en 2K par la Cohen à Richard Attenborough. Bien mière fois dans ce film. Après un premier film de fin anciens camarades de Film Collection en collaboration que réalisé avec un budget d’études, The Hero of St. Jim’s, avec le British Film Institute il débute dans l’industrie du régiment sont de retour modeste et par un petit stu- Élise Girard à la vie civile. Tandis que au RR Media, à partir d’un dio, Dancing with Crime béné- cinéma comme assistant caméra contretype 35 mm et d’une pour Herbert Wilcox. Il fait son le premier gagne diffi- copie de conservation 35 mm. ficie pourtant d’une mise en apprentissage sur des tournages cilement sa vie comme scène ambitieuse, comme en en Grande-Bretagne et aux chauffeur de taxi dans témoignent les séquences au États-Unis, avant de tourner l’espoir d’épouser sa fian- Dancing with Crime sort en Palais de la danse où la caméra son premier film en tant que cée, le second est mêlé à 1947, la même année que le évolue dans un décor somp- réalisateur en 1933, Paris Plane, un gang qui donne dans film de gangsters Brighton tueux et parmi des figurants en un thriller comme la majorité de ses films. John Paddy Carstairs le marché noir. Rock, d’après Graham Greene, grand nombre. Le directeur de travaille également pour le de John Boulting, qui connaît la photographie Reg Wyer signe théâtre et la télévision, et se Séance présentée par un bien plus grand succès au également de très belles scènes distingue à la fois en tant que Tim Lanza (Cohen Film box-office, et qui donne égale- d’extérieurs nocturnes. Écrit peintre et en tant qu’auteur Collection). ment un premier rôle de choix par Brock Williams, le scénario, d’une trentaine de romans.

111 FILMS NOIRS BRITANNIQUES L’ASSASSIN S’ÉTAIT TROMPÉ CAST A DARK SHADOW Samedi 4 mars à 19h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

RÉALISATION : Lewis Gilbert

SCÉNARIO : John Cresswell, d’après une pièce de Janet Green

PRODUCTION : Angel Productions

PHOTOGRAPHIE : Jack Asher

INTERPRÈTES : Dirk Bogarde, Margaret Lockwood, Kay Walsh, Kathleen Harrison

Grande-Bretagne, 1955, noir et blanc, DCP, 83 min

LEWIS GILBERT (né en 1920) Un jeune homme use de Restauré en 2K par la Cohen de récidiver, comme si de passer et l’obsession de la promotion Vedette dès son enfance, il joue ses charmes pour épou- Film Collection en collaboration une première fois à l’acte avait sociale. Pourtant, très vite, le notamment dans Dick Turpon, ser une femme riche avec le British Film Institute au rendu le geste de tuer non plus suspense criminel se leste de dernier film produit par Stoll Pictures. En 1939, il devient plus âgée. Il déguise son RR Media, à partir du négatif exceptionnel mais banal. Dirk coups de théâtre extravagants image original 35 mm et du l’assistant d’Alfred Hitchcock assassinat en accident. négatif son original 35 mm, et Bogarde incarne un personnage et une forme de noirceur névro- sur La Taverne de la Jamaïque. Mais lorsqu’il découvre d’une copie de conservation fascinant, amoral et veule, d’une tique prend le dessus, enva- Entre 1944 et 1946, il réalise qu’il ne touchera pas 35 mm. ambigüité sexuelle permanente, hissant, par la grâce de la plusieurs documentaires pour l’assurance, il cherche séduisant les veuves argentées photographie de Jack Asher, la Royal Air Force. En 1952 il une autre victime. Adapté d’une pièce de Janet pour mieux les dépouiller. On l’ensemble du plan. Le film est coréalise avec Vernon Harris, Green, L’assassin s’était trompé pense évidemment à L’Ombre Cosh Boy, premier film classé X. produit et réalisé par Lewis Lewis Gilbert, c’est aussi la série Séance présentée par met en scène un séduisant d’un doute d’Hitchcock, tourné Gilbert qui se fera connaître, James Bond dont il réalisera Jean-François Rauger gigolo qui assassine sa femme, dix ans plus tôt, mais contrai- plus tard, en réalisant quelques trois épisodes. (Cinémathèque française) plus âgée que lui, pour tou- rement au personnage incarné et Tim Lanza (Cohen Film James Bond. Collection). cher un héritage conséquent. par Joseph Cotten, le héros du Ses expectations ayant été film de Lewis Gilbert semble Jean-François Rauger déçues, l’homme entreprend uniquement mu par l’argent

112 FILMS NOIRS BRITANNIQUES LE MYSTÈRE DE LA VILLA BLANCHE JIGSAW Samedi 4 mars à 21h – La Cinémathèque française, salle Georges Franju

horizon. Un groupe d’hommes RÉALISATION : ternes et méticuleux met à nu Val Guest les petits secrets d’une société SCÉNARIO : qui s’ennuie et se morfond, une Val Guest, d’après un société peuplée de vendeurs roman d’Hillary Waugh d’aspirateurs obsédés sexuels, PRODUCTION : d’hommes mariés lâches et Figaro libidineux et de femmes mûres PHOTOGRAPHIE : frustrées et rendues folles par Arthur Grant la solitude. C’est la dimension quasiment « simenonienne » de INTERPRÈTES : Jack Warner, Ronald ce film signé Val Guest, un des Lewis, Michael Goodliffe plus intéressants, des plus ver- satiles et des plus prolifiques Grande-Bretagne, 1962, représentants du cinéma de noir et blanc, DCP, genre britannique. On lui doit, 108 min notamment, l’invention d’un VAL GUEST courant de la science-fiction (1911-2006) britannique au milieu des Après des débuts comme années 1950. journaliste et acteur, Val Guest devient scénariste, réalisateur Jean-François Rauger et producteur pour la Hammer dans les années 1950-1960. Restauré en HD par Renown Dans une petite ville l’enquête policière. Ici, la décou- Ce Londonien, qui n’a jamais Pictures Limited pour Cohen du sud de l’Angleterre, verte d’un cadavre de femme donné dans le gothique, Film Collection, à partir d’une une femme est retrou- découpé en morceaux dans une s’épanouit dans la comédie, le copie 35 mm à Deluxe Media, vée morte et démem- malle met en marche toute une drame, le thriller, le fantastique, Londres. brée par deux agents de machine, de l’identification l’épouvante et la science-fiction. police. La première étape de la victime à l’arrestation Son film, Le Monstre (1955), aurait été inscrit au Livre pour résoudre le crime Hillary Waugh, l’auteur du du coupable. Guinness des records pour avoir se révèle un casse-tête roman dont Le Mystère de la Le film est inspiré d’un célèbre littéralement fait mourir de puisqu’il s’agit d’identi- villa blanche constitue une fait-divers des années 1930. peur un spectateur lors d’une fier la victime… adaptation, est l’un des meil- Saisissant la lumière brumeuse projection… leurs spécialistes de ce que et aveuglante à la fois des envi- Séance présentée par Jean-François Rauger et l’on appelle le police procedu- rons de Brighton, la photogra- Tim Lanza (Cohen Film ral, sous-catégorie littéraire phie d’Arthur Grant révèle un Collection). du polar qui met l’accent sur monde sans qualités et sans

113 FILMS NOIRS BRITANNIQUES RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS 114 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS RENCONTRES AVEC LE PARRAIN ET L’INVITÉ D’HONNEUR DU FESTIVAL

JOE DANTE PAR JOE DANTE Samedi 4 mars à 14h - La Cinémathèque française, salle Henri Langlois À l’issue de la projection de The Second Civil War, qui traite de l’immi- gration et des médias américains, Joe Dante revient sur ses films et WES ANDERSON, LES FILMS DE MA VIE sur sa carrière. Vendredi 3 mars à 18h - La Cinémathèque française, salle Henri Langlois À l’issue de la projection de Rushmore, retour sur les films qui ont mar- « Ce qui était autrefois l’information n’est plus désormais qu’un défilé qué et influencé Wes Anderson, et ceux qu’il a lui-même réalisés. « Wes, d’atrocités pour que les gens aient peur de sortir de chez eux. Je m’étonne comme en écho à son personnage rebelle de Mr Fox, invente donc un qu’on n’en soit pas encore à mettre de la musique sur des reportages. La nouveau genre de cinéphile : le renard de cinémathèque. Élégant, à l’af- confusion entre information et spectacle est si totale que toute différence fût, et toujours curieux. » (Nicolas Saada) a presque disparu. (...) Tout a changé. J’ai vu mon pays devenir le méchant alors qu’avant nous étions les bons, nous étions les John Wayne, nous « L’organisation, c’est une sorte de métaphore de l’art : réorganiser la étions admirés, on ne tirait pas les premiers, on respectait les règles du RENCONTRES, vie dans une mise en scène pour que tout prenne un sens. On recherche jeu. Et maintenant, les États-Unis ont pris l’habitude de dire « Fuck you ! une harmonie, une inspiration. Et parfois devant une œuvre d’art, on » au reste du monde. Ce n’est pas le pays dans lequel j’ai grandi. » a le sentiment que cette œuvre nous représente, touche notre identité. Joe Dante et les Gremlins de Hollywood Entretien avec Joe Dante, Pour moi, c’est l’expérience la plus forte. » (sous la direction de Bill Krohn, Cahiers du cinéma/Festival du Film CONFÉRENCES Entretien avec Wes Anderson, Cahiers du cinéma, n° 678, mai 2012 de Locarno, 1999) Masterclass animée par Jean-François Rauger, directeur de la Masterclass animée par Nicolas Saada, cinéaste, scénariste et critique programmation à La Cinémathèque française. de cinéma et Frédéric Bonnaud, directeur général de La Cinémathèque ET CINÉ-CONCERTS française. 115 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS Les deux Masterclass sont diffusées sur le site d’Arte. JOURNÉE DE COLLOQUE INTERNATIONAL À L’INITIATIVE DU CNC Mercredi 1er mars 2017 - La Cinémathèque française, salle Henri Langlois

LA CINÉPHILIE : MATINÉE : 9H30 -13H ÉVOLUTIONS ET MÉTAMORPHOSES 9H30 Ouverture du colloque Cette Journée, à l’initiative du Frédéric Bonnaud (directeur géné- CNC, posera la question de l’ave- ral de La Cinémathèque française) nir des cinémathèques et de celui et Christophe Tardieu (directeur général délégué du CNC). de la fréquentation du public pour les films de patrimoine. 9H45 - 11H Ces dernières années, Internet et le numé- Comment concevoir rique ont largement bouleversé les modes des expositions de cinéma d’accès aux films permettant une circula- et pour quel public ? tion plus immédiate et directe. Quel sera Dialogue le rôle des institutions, des salles, des fes- Jaap Guldemond est directeur des tivals dans le futur ? De nouvelles perspec- expositions au Eye Film Museum à 11H15 tives s’ouvrent-elles ? Il s’agira de proposer Amsterdam. Il est responsable de la politique des expositions du musée et L’extension 12H15 - 13H30 un bilan des nouveaux modes de diffusion a été commissaire de plus de quinze des cinémathèques Les pratiques cinéphiles et de présentation du cinéma. expositions (Quay Brothers, Anthony sur le net sur Internet Depuis le début des années 2000, de grandes McCall, Oskar Fischinger, William Conférence Table ronde expositions de cinéma ont vu le jour. Les ini- Kentridge, Bela Tarr). Peggy Zejgman-Lecarme est directrice Karim Debbache est vidéaste. En tiatives se multiplient sur Internet. Qu’en Matthieu Orléan est collaborateur de la Cinémathèque de Grenoble. 2016, il a créé, avec Gilles Stella et Xavier Jamet est responsable web à La est-il de la vie des films en salles ? Un besoin artistique à La Cinémathèque française, Jérémy Morvan, Chroma, une chro- chargé des Expositions temporaires. Cinémathèque française depuis 2007. accru de médiation et de formation du public nique de cinéma sur Dailymotion. Il a notamment été le commissaire Il est co-fondateur du site DVDClassik Hugues Perrot est critique de cinéma est-il en train d’advenir ? Que peut-on dire d’expositions consacrées à Pedro et collabore au magazine Soap. (Cahiers du cinema, Outsiders). Il a créé avec aussi de l’évolution de l’intérêt pour le cinéma Almodovar, Dennis Hopper, Jacques Anthony Thornton est responsable Vincent Poli le blog Les films durs à voir. et du goût des cinéphiles ? Quels seront les Demy et Gus Van Sant. webmaster au BFI (Londres) depuis François Theurel est le créateur du classiques de demain ? Quelle sera la place Peter Mänz est directeur des expo- 2013. Par ailleurs, il a travaillé pour Fossoyeur de films, sur YouTube depuis NME, Look, Marie-Claire, etc. de ceux d’hier ? Des professionnels venus sitions à la Deutsche Kinemathek. Il 2012. Il est titulaire d’un doctorat a notamment été commissaire des d’Europe et des États-Unis tentent de faire en sciences de l’information et de la expositions Métropolis (2011) et Ken communication. le point sur ces questions. Adam (2014). Animée par Xavier Jamet

116 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS APRÈS-MIDI : 14H30 -18H

14H30 Michèle Demange est secrétaire générale du Frédéric Maire est journaliste de cinéma Étude sur la mutation festival Entrevues de Belfort. (sous réserve) et cinéaste. Il fut directeur du Festival de Stéphane Delorme est rédacteur en chef des pratiques cinéphiles Locarno. Il est directeur de la Cinémathèque des Cahiers du cinéma. suisse depuis 2009. en France depuis dix ans Gian Luca Farinelli est directeur de la Sylvie Pras est directrice artistique du Conférence Cineteca de Bologne et du festival « Il Cinema Festival International du Film de la Rochelle Benoît Danard est directeur des études, des ritrovato ». et responsable des Cinémas du Centre Georges statistiques et de la prospective au Centre Pompidou. national du cinéma et de l’image animée Franck Loiret est directeur délégué de la (CNC) depuis 2008. 16H15 Cinémathèque de Toulouse depuis 2015. Où va la cinéphilie ? Jean-Marc Zekri est exploitant de cinéma art 15H - 16H Quelles seront les pratiques et essai. Il dirige la salle parisienne Le Reflet des cinéphiles de demain ? Médicis. Il gère aussi la société de distribution La transmission pour les Table ronde Baba Yaga films. jeunes générations Heather Stewart travaille au BFI Animée parJean-François Rauger, Table ronde (Londres) depuis vingt ans. Responsable directeur de la programmation à La Gabrielle Sébire est directrice adjointe de Jake Perlin est directeur artistique et des archives puis des publications (dont Cinémathèque française. l’Action culturelle et éducative à La Cinémathèque Sight & Sound), elle est directrice artis- programmateur du Metrograph, salle de cinéma française, commissaire de l’exposition « Mômes tique des programmes depuis 2011. (sous new-yorkaise spécialisée dans le répertoire. Le & Cie » (à partir de mars 2017). réserve) Metrograph a ouvert ses portes en mars 2016.

117 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS CONFÉRENCES

QUEL AVENIR POUR CONSERVATOIRE LA PELLICULE ? ÉTAT DES LIEUX. DES TECHNIQUES Rencontre en collaboration avec Kodak et Hiventy. 1927-2017 : anniversaire du Chanteur Jeudi 2 mars à 14h30, La Cinémathèque française en salle de Jazz (1927), triomphe du Vitaphone Georges Franju Conférence de Jean-Pierre Verscheure Vendredi 3 mars à 14h30, La Cinémathèque L’industrie cinématographique a connu au début des années française en salle Georges Franju 2010 une révolution numérique. La filière de production s’est vue profondément bouleversée et réorganisée dans La première du film Warner The Jazz Singer ses pratiques et ses métiers. Pourtant, récemment, on d’Alan Crosland, fonctionnant avec des a pu assister à un retour relatif de l’argentique. Avec le disques Vitaphone synchronisés, a lieu le soutien de cinéastes, de directeurs de la photographie, 6 octobre 1927 à New York. « You ain’t heard la production de pellicule et le tirage en laboratoire ont nuthin’ yet ! », lance l’acteur Al Jolson au pu être préservés. Un mouvement s’est aussi organisé au public avant d’entamer une chanson. Deux sein des archives en Europe et aux États-Unis en faveur petites minutes de dialogues synchronisés de la conservation et de la projection en 35 mm. fascinent les foules, les Talkies s’imposent partout. Mais plusieurs autres solutions de Avec : cinéma sonore sur pellicule, plus simples et Steven Overman, président et directeur général du marketing Cinéma efficaces, sont depuis longtemps à l’étude. La chez Kodak. Western Electric développe simultanément Benjamin Alimi, directeur commercial du cinéma de patrimoine le procédé Movietone pour la Fox, et son et de la post-production chez Hiventy. propre système Western Electric Recording Brian Meacham, responsable des archives et des collections au centre d’étude de Yale. Il travaille également à l’Academy Film Archive de Los à densité variable. La Radio Corporation of Angeles. Il est membre du comité directeur de la FIAF. America (RCA), son principal concurrent, Laurent Cormier, directeur du patrimoine cinématographique au lance avec la General Electric Company et Centre National de la Cinématographie et de l’image animée. la Westinghouse le procédé Photophone à Bertrand Bonello est cinéaste (Le Pornographe, 2001 ; L’Apollonide densité fixe. Les Allemands aussi sont à la ‒ Souvenirs de la maison close, 2011 ; Nocturama, 2016), scénariste et pointe avec le Tri-Ergon. À Paris, Gaumont compositeur (sous réserve). Guillaume Schiffman, directeur de la photographie. Il travaille opte pour le procédé Petersen-Poulsen. Revue régulièrement avec (OSS 117 : Rio ne répond plus, des principaux systèmes, films à l’appui. 2009 ; The Artist, 2011) et avec (La Tête haute, 2015). En 2014, il a supervisé la restauration du Dernier Métro de Jean-Pierre Verscheure est professeur honoraire à l’INSAS de Bruxelles, membre du conseil scientifique d’études et de recherches sur l’évolution des techniques du Conservatoire des techniques et de plusieurs cinématographiques. Il dirige aujourd’hui un centre de associations internationales. Historien des techniques restauration sonore, Cinévolution, dans lequel plus de cinématographiques, il est à l’origine d’un centre soixante-quinze systèmes sonores sont opérationnels.

118 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE Conférences Vendredi 3 mars à 19h à la Fondation Jérôme Seydoux–Pathé

« LA TRIANGLE FILM CORPORATION Loïc Arteaga est l’auteur d’une thèse consacrée à la Triangle travailler sous l’égide de Griffith à la Fine Arts. (1915-1919). STRUCTURES DE PRODUCTION à l’Université Paris-Diderot. Celle-ci portait notamment sur le Il est d’emblée remarqué par le public pour son ET DE DISTRIBUTION » recours aux archives non film dans les processus de restauration visage enjoué, son jeu physique et son humour. de films et sur le fonds d’archives de la société de production

Par Loïc Arteaga et distribution américaine Triangle Film Corporation (1915- Tracey Goessel est présidente de la Film Restoration Society Retour sur l’histoire de la Triangle. Présentation 1919) conservé à La Cinémathèque française. Il a participé à la à Los Angeles et l’auteure de The First King of Hollywood: The de sa structure composée de trois unités de pro- restauration des films Triangle The Desert Man et The Despoiler. Life of Douglas Fairbanks ( Review Press, 2015). duction, supervisées par Griffith, Ince et Sennett, ainsi que son organisation, du tournage des films « DOUG À LA TRIANGLE » sur la côte Ouest à leur distribution sur la côte Est. Par Tracey Goessel Conférences suivies de la projection de The Douglas Fairbanks, célébrité de Broadway, signe Habit of Happiness (p. 87) et d’une signature avec la société Triangle en 1915. Il négocie de de son ouvrage par Tracey Goessel.

119 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS CINÉ-CONCERTS JACCO GARDNER MET EN MUSIQUE FAUST DE F. W. MURNAU En collaboration avec Red Bull Studios Paris - Dimanche 5 mars à 20h - La Cinémathèque française, Salle Henri Langlois. Voir page 46

L’OCTUOR DE FRANCE MET EN MUSIQUE LE LYS BRISÉ DE DAVID W. GRIFFITH Jeudi 2 mars à 20h – La Cinémathèque française, Salle Henri Langlois. Voir page 42

Musique composée par Gabriel Thibaudeau qui dirigera l’Octuor de France (première en France).

La Cinémathèque française et le Red chef-d’œuvre. Je travaillerai sur cette créa- Né en 1959, le compositeur, pianiste et chef d’orchestre québécois Gabriel Thibaudeau étudie le piano à l’école de musique Vincent d’Indy et la Bull Studios Paris proposent un ciné- tion avec deux musiciens, Maria Pandiello, composition à l’université de Montréal. Il est actuellement pianiste attitré concert exceptionnel autour de la ver- une claviériste fan de synthé analogique qui de la Cinémathèque Québécoise depuis plus de vingt-cinq ans et, à partir sion restaurée du Faust de Murnau dont m’a introduit au cinéma de Murnau ainsi que de 1998, compositeur en résidence de l’orchestre de chambre parisien la musique sera jouée, en direct, par le mon fidèle percussionniste Nic Niggebrugge. L’Octuor de France. D’importantes institutions culturelles lui ont commandé musicien hollandais Jacco Gardner. Nous espérons que notre interprétation ren- des œuvres, parmi lesquelles Le Musée du Louvre à Paris, la Cineteca di dra justice à ce monument ! ». Bologna, le Festival de Cannes, la National Gallery de Washington, les Grands Ballets Canadiens ainsi que l’Orchestre symphonique de Montréal. Jacco Gardner sera en résidence au Red Bull Studios Paris la semaine précédant le concert, Auteur de deux albums très remarqués en Créé, il y a trente-cinq ans, à l’initiative du clarinettiste Jean-Louis avec les instruments vintage qui peuplent son 2013 et 2015, Jacco Gardner a su dévelop- Sajot, « l’Octuor de France », s’est donné pour but de faire connaître univers onirique. Il a tout de suite accepté le per une musique qui s’affranchit totalement la littérature musicale avec clarinette, du XVIIIème siècle à nos jours. défi consistant à créer près de deux heures de de ses références – la pop psychédélique « L’Octuor de France » participe au renouveau du cinéma muet en musique inédite pour accompagner cette pierre des années soixante – pour mieux s’épa- donnant des projections-concerts, avec des partitions écrites pour « L’Octuor de France » dans des conditions prestigieuses : la Quinzaine des angulaire de l’expressionnisme allemand : nouir dans un songwriting aux mélodies Réalisateurs du Festival de Cannes, le Festival Il Cinema Ritrovato de Bologne, « À chaque fois que je vois Faust, je me rends planantes, véritable score sonore, vibrant, le Festival du Film de Telluride (Colorado), le Festival du Film de Saitama compte à quel point ce film est un véritable lancé aux auditeurs. (Tokyo-Japon), le Festival du Film de New York, Harvard Film Archive, etc.

120 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS ACCOMPAGNEMENTS MUSICAUX ACCOMPAGNEMENTS MENÉS PAR LA CLASSE D’IMPROVISATION DE JEAN-FRANÇOIS ZYGEL (CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEUR DE MUSIQUE ET DE DANSE DE PARIS). Fondée il y a quinze ans, elle offre aux élèves pianistes la possibilité pendant cinq ans d’abor- der en profondeur toutes les facettes de l’improvisation : maîtrise des formes et des styles, improvisation libre, jeu à plusieurs, collaboration avec des musiciens de jazz et de musiques du monde, travail avec des acteurs, des vidéastes et des danseurs, et également accompa- gnement de films muets.

MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES, TRÉSORS DU GOSFILMOFOND CINÉMA DES PREMIERS TEMPS LE VILLAGE DU PÉCHÉ (BABY RJA- Raretés des collections du Narodni Filmovy ZANSKIE) d’Olga Preobrajenskaïa et Ivan Archiv de Prague, 1904-1921 Pravov, 1927 Accompagné au piano par Masanori Enoki Accompagné au piano par Harry Allouche Samedi 4 mars à 19h30, La Cinémathèque er Mercredi 1 mars à 18h, La Cinémathèque française en salle Jean Epstein. Voir page 41 française, salle Jean Epstein. Voir page 103 FORCE ET BEAUTÉ (DER WER ZUR KRAFT KATKA, POMME REINETTE (KAT’KA BUMA- UND SHÖNHEIN) de Wilhelm Prager, 1925 ZNYJ RANET) de Fridrikh Ermler, 1926 Accompagné au piano par Camille El Bacha Accompagné au piano par Satsuki Hoshino Dimanche 5 mars à 15h, La Cinémathèque Samedi 4 mars à 15h, La Cinémathèque fran- française en salle Jean Epstein. Voir page 45 çaise, salle Jean Epstein. Voir page 102 DUO MUSICAL INTOLERANCE, CIVILIZATION RESTAURATIONS FILMS DE BORDEL ET LES PRODUCTIONS DES ANNÉES 1920 ET INCUNABLES LE FILS DU CHEIK (SON OF THE SHEIK) DE LA TRIANGLE Vendredi 3 mars à minuit – INTOLERANCE de David W. Griffith, 1916 de George Fritzmaurice, 1926 La Cinémathèque française Accompagné au piano par Camille Taver Accompagné au piano par Thomas Lavoine Salle Henri Langlois. Voir page 43 Samedi 4 mars à 20h, Le Méliès. Voir page 85 Jeudi 2 mars à 18h, La Cinémathèque française, salle Jean Epstein. Voir page 47 Par Gabriel Thibaudeau au piano et Thomas Martin Tous les films présentés à la Fondation Jérôme au saxophone. KEAN OU DÉSORDRE ET GÉNIE Seydoux-Pathé seront accompagnés musica- d’Alexandre Volkoff, 1923 lement par les élèves de la Classe d’improvi- Thomas Martin a fait des études de musique classique à l’Université Accompagné au piano par Adelon Nisi sation de Jean-François Zygel (Conservatoire de Musique de Trossingen et à l’Université de Musique et arts de Vendredi 3 mars à 20h30, La Cinémathèque National Supérieur de Musique et de Danse la scène à Stuttgart. Il s’est produit dans des spectacles live avec de Paris). divers groupes à Stuttgart ou dans les environs. En plus de ses française, salle Jean Epstein. Voir page 44 spectacles, il enseigne depuis de nombreuses années le saxophone, la guitare et le piano.

121 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS ORPHANS 2017 / ORPHELINS DE PARIS Jeudi 2 mars > Samedi 4 mars – La Cinémathèque française

Dans le cadre du Festival Toute la mémoire du monde, La Cinémathèque française et New York University accueillent PROGRAMME une édition spéciale de l’Orphan Film Symposium, soit un Jeudi 2 mars colloque sur les films orphelins, à Paris, du 2 au 4 mars 2017. Orphan Film Symposium existe depuis une dizaine d’années. 9H Le colloque s’est principalement tenu aux États-Unis. C’est ACCUEIL ET PRÉSENTATIONS sa première édition en France. Trois matinées sont consa- Dan Streible (NYU MIAP) et Pauline de crées à des conférences et à la redécouverte de perles rares Raymond (La Cinémathèque française) invisibles du fait de leur forme, de leur format ou de leur Introduction à l’Orphan Film Symposium déshérence et préservées par les archives du monde entier. Le Lydia Pappas (University of South terme d’orphelin s’applique à des milliers d’objets filmiques Carolina) Les chutes d’Actualités Fox sur négligés par le secteur commercial, mais jugés sans prix par Paris, 1922-1929 les archivistes, les chercheurs ou les artistes. 9H30-10H TESTS, ESSAIS, PROTO-CINÉMA Pauline de Raymond (La Cinémathèque EXPÉRIMENTATIONS française) A Bar Room Scene (1894), un film Les intervenants (chercheurs, étudiants, archivistes, histo- kinétoscope peint à la main issu des collec- riens du cinéma) venus du monde entier explorent des fonds tions de La Cinémathèque française cinématographiques méconnus : des utilisations alternatives Dan Streible (NYU) Les tests caméra de et expérimentales du film ; des tests techniques de toutes Fred Ott : Edison Kinetoscopic Record of a sortes ; des éléments de tournage qui incluent des prises Sneeze et [Fred Ott Holding a Bird] (1894) coupées ou alternatives, des essais d’acteurs, des rushes ; Laurent Mannoni (La Cinémathèque fran- des films maudits jamais sortis ou achevés ; des œuvres non çaise) Étienne-Jules Marey redécouvert : montées ou identifiées ; des extraits compilés ou du found nouvelles restaurations de films 90 mm footage ; des films indépendants, techniquement ambitieux. (ca. 1890-1900) Au total, vingt-sept interventions sont proposées en traduc- tion simultanée (français-anglais). 10H-11H ATTRACTIONS MÉDICALES sur inscription préalable auprès d’Orphan Antonia Lant (NYU Cinema Studies) Les www.nyu.edu/orphanfilm/ pathologiques du Professeur Camillo Negro films chirurgicaux du Dr. Eugène-Louis Doyen (1906-1918) (1898-1912) Claudia Gianetto (Museo Nazionale del Cinema, Torino) Les films neuro-

122 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS Vendredi 3 mars 9H – 10H30 RUSHES DES VIEUX MAÎTRES Élodie Tamayo (Université Sorbonne Nouvelle- Paris 3) Ecce homo d’Abel Gance (1918, rushes 35 mm) : un projet à la recherche de son « médium » Thomas Christensen (Danish Film Institute) Les tests de surimpressions de Benjamin Christensen pour Häxan (ca. 1920) (photo) Manon Billaut (La Cinémathèque française) Le témoignage d’un tournage : les rushes de L’Hirondelle et la Mésange (1920) d’André Antoine (photo) Bernard Eisenschitz (historien du cinéma) et Céline Ruivo (La Cinémathèque française) L’Atalante de Jean Vigo (1934, Gaumont-Franco- Film-Aubert), un film aux multiples versions. Présentation de rushes restaurés, conservés à La Cinémathèque française. (photo)

11H10 – 13H ACTUALITÉS ET DOCUMENTAIRES : COUPES Elżbieta Wysocka (Filmoteka Narodowa) Plus que ce qui pouvait être montré : matériaux inu- tilisés des actualités polonaises, 1944-1994 Mila Turajlic (cinéaste) Stevan Labudović : les actualités yougoslaves et le mouvement des non-alignés en Algérie 11H30 – 13H Lina Kaminskaitė-Jančorienė (Vilnius ARTISTES EXPÉRIMENTAUX University) « Les restes » de la mémoire : chutes Alexis Constantin et Alice Moscoso (Centre de Šimtamečių godos / The Dreams of Centenarians Pompidou) Les films Super 8 de l’artiste Teo de Robertas Verba (1969) Hernandez, 1963-1992 Theodore Kennedy et Amy Sloper Simona Monizza (EYE Filmmuseum) (Wisconsin Center for Film and Theatre Restaurer les films abstraits de Joost Research) B. F. Skinner joue son propre Rekveld : #2 (1993) et #3 (1994) rôle : chutes d’un film biographique, The Skinner Stefano Canapa et Guillaume Mazloum, Revolution (1978) (L’Abominable) Images Inédites de David Dudouit

123 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS Negro Theatre, ca. 1944, 5’) Samedi 4 mars 11H Enrico Camporesi (Labex CAP, CEHTA, EHESS) 9H – 10H30 FOR THE GOOD OF THE ORDER et John Klacsmann (Anthology Film Archives) LE FILM AMATEUR ET LES FILMS DE FAMILLE Thomas Christensen (Association des Un film est une bobine : [Sans titre, bobines 5347 PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE Cinémathèques Européennes) Rapport sur la et 5350] de Barbara Rubin (1964 ?) Kay Gladstone (Imperial War Museum) conclusion du FORWARD Project et sur un registre Tzutzumatzin Soto Cortés (Cineteca Nacional Clandestinité : films amateurs sur des per- européen des œuvres orphelines audiovisuelles Mexico) Take Over (1936) : les essais des frères sonnes cachées en France et en Belgique pen- Rodriguez sur Miguel Alemán en tant que gou- dant la Seconde Guerre mondiale verneur de Veracruz, Mexico 11H15 – 13H Lydia Pappas (University of South Carolina TESTS, ESSAIS ET EXPÉRIMENTATIONS Rachael Stoeltje (Indiana University Libraries) MIRC) Identifier des films amateurs de membres Elżbieta Wysocka (Filmoteka Narodowa) Scènes coupées issues de la collection Peter de l’US Army durant la Seconde Guerre La Claque de Krzysztof Kieślowski (1976) Bogdanovich : What’s Up, Doc? (1972) et At Long mondiale : Collection J. B. Doty (Italie, 1944) et Paul Fileri (NYU) Le film d’un étudiant africain Last Love (1975) For This We Die (Inde, 1944) à Paris : C’était il y a quatre ans (1954) : race et Céline Ruivo (La Cinémathèque française) Premier Rachael Stoeltje (Indiana University Libraries) colonialisme français à l’IDHEC nocturne en fa # majeur de Chopin, Interprété par Les films de famille de John Ford au Mexique, Walter Forsberg (Smithsonian National Museum Victor Gille (1928), photo. 1941-1948 of African American History and Culture) Dennis Doros et Amy Heller (Milestone Film) Construire une collection à partir de partenariats Project Shirley : In Paris Parks (1954) est en réa- entre archives : A People’s Playhouse (American lité trois films. 124 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS SECONDE WINTER L’AGENCE POUR LE DÉVELOPPEMENT SCHOOL FIAF/ RÉGIONAL DU CINÉMA (ADRC) LA CINÉMATHÈQUE ET L’ASSOCIATION FRANÇAISE FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET D’ESSAI (AFCAE)

« PROGRAMMER LE PATRIMOINE s’associent à la 5ème édition du festival Toute la mémoire du monde pour proposer du 1er au CINÉMATOGRAPHIQUE » 21 mars 2017, un « hors les murs » dans près de trente cinémas Art et Essai en Île-de-France Lundi 27 et mardi 28 février et en régions.

Pour la deuxième année consécutive, la FIAF et La Créée par le Ministère de la Culture et de la L’AFCAE réunit 1130 cinémas et 25 associa- Cinémathèque française s’associent pour proposer Communication, l’ADRC remplit deux mis- tions territoriales et propose des manifesta- une formation de deux jours destinée avant tout aux sions complémentaires en lien étroit avec tions à destination des professionnels et des professionnels des archives de la FIAF. Elle précédera le Centre National du Cinéma et de l’image publics, en partenariat avec les principales le festival Toute la mémoire du monde et traitera de animée (CNC) : institutions du secteur. l’activité de programmation du patrimoine cinéma- - le conseil et l’assistance pour la création et Elle mène une politique d’accompagnement de tographique. Elle sera dispensée par des profession- la modernisation des cinémas, films d’auteur à travers trois groupes :Actions nels expérimentés, tous émanant d’archives affiliées - le financement et la mise en place de Promotion (films inédits),Jeune Public et à la FIAF. Le programme de la formation offrira un circulations d’une pluralité de films pour les Patrimoine/Répertoire. Elle assure la ges- éventail de conférences théoriques émanant de pro- salles de cinéma de tous les territoires : en tion de la procédure de recommandation Art grammateurs « généralistes » reconnus. D’autres plus de 3000 circulations annuelles de plus et Essai des films et participe au classement formateurs aborderont également la conception de de 200 films d’exclusivité, elle facilite l’accès des cinémas. programmations plus spécialisées (cinéma d’anima- à plus de 500 films de répertoire pour plus Depuis 1955, l’AFCAE œuvre en faveur du plu- tion, films amateurs et régionaux, cinéma expérimen- de 600 salles. ralisme des acteurs de la diffusion, indispen- tal), ainsi qu’une réflexion sur les aspects techniques sable au développement d’une offre de films liés au passage de l’argentique au numérique ; il sera www.adrc-asso.org pour tous les publics, sur tous les territoires. enfin proposé aux participants des ateliers pratiques. www.art-et-essai.org

125 RENCONTRES, CONFÉRENCES ET CINÉ-CONCERTS REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS PARTICULIERS National Supérieur de Musique et de Danse de Pappas, Park Circus Limited (Jack Bell, Morgane Joe Dante, Mark Allan, Wes Anderson, Ben Adler, Paris (Jean-François Zygel, Thomas Lavoine), Cadot), Pathé Distribution (Jérôme Seydoux, Tessa Nicolas Saada Danish Film Institute (Thomas C. Christensen), Pontaud, Victor Gérard), Hugues Perrot, Vincent Karim Debbache, Deutsche Kinemathek (Peter Poli, Red Bull Studios Paris (Guillaume Sorge, Xavier L’Abominable (Guillaume Mazloum, Stefano Canapa, Mänz, Martin Koerber), ECPAD (Elise Tokuoka), Paufichet), Reflet Médicis (Jean-Marc Zekri), Nicolas Rey), Les Acacias (Jean-Fabrice Janaudy), Bernard Eisenschitz, Epiphany Pictures (Scott Renfield Productions (Mark Alan), Adrien Rode, Academy Film Archive (Cassie Blake, May Haduong), Frank, Michael Jewison), Eye Filmmuseum Guillaume Schiffman, Fondation Seydoux-Pathé Pascal Alex-Vincent, Anthology Film Archives (Jaap Guldemond, Massimo Benvegnu, Simona (Sophie Seydoux, Dominique Erenfrid, Nora Ouaziz), (John Klacsmann), Archives Audiovisuelles de Monizza), Paul Fileri, Filmoteca de Catalunya Smithsonian National Museum of African American Monaco (Vincent Vatrican), Arte (Olivier Père, (Esteve Riambau), Florence Fourn, Jacco Gardner, History and Culture (Walter Forsberg), SNC (Ellen Barbara Fuchs, Pascal Sottovia), Loïc Arteaga, BAM Gaumont (Ariane Toscan du Plantier, Manuela Shafer), Rachael Stoeltje, Studio Canal (Françoise (Neliie Killian), Bertrand Bonello, British Film Padoan, Louise Paraut), George Eastman House Guyonnet), Swashbuckler Films (Sébastien Tiveyrat, Institute (Heather Stewart, Anthony Thornton), (Daniel Bish), Jean-Sébastien Giard, Tracey Goessel, Mélissa Martin), Tamasa Distribution (Philippe Robert Byrne, Enrico Camporesi, Carlotta Films Gosfilmofond (Peter Bagrov, Nicolai Borodachev, Chevassu), Théâtre du Temple (Vincent Dupré), (Vincent Paul-Boncour, Inès Delvaux), CNC Oleg Bochkov, Yulia Belova), Hiventy (Benjamin François Theurel, Gabriel Thibaudeau, TF1 (Gilles (Christophe Tardieu, Benoît Danard), Collections Alimi, Florence Parik, Irène Escadafals), Imperial Sebbah, Céline Charrenton), Mila Turajlic, Twentieth du CNC (Laurent Cormier, Béatrice De Pastre, War Museum (Kay Gladstone), Lina Kaminskaitè- Century Fox France (Houria Harkat), Université de Jean-Baptiste Garnero, Daniel Brémaud), Centre Jancorienè, KAVI - National Audiovisual Archive Lille (Mélissa Gignac), Université Sorbonne Nouvelle- Georges Pompidou (Sylvie Pras, Alexis Constantin, (Mikko Kuutti, Tommi Partanen), Ted Kennedy, Paris 3 (Kira Kitsopanidou, Elodie Tamayo, Manon Alice Moscoso), Fondazione Centro Sperimentale Koch Media srl (Gianluca De Falco), Kodak (Christian Billaut), Universal Pictures International France di Cinematografia- Cineteca Nazionale (Laura Richter, Steven Overman), Library of Congress (Thomas Jalili Haghighi), Universal USA (Peter Argento, Juan del Valle, Maria Coletti), Christine (Lynanne Schweighofer), La Filmothèque du Langs, Janice Simpson), Walt Disney Company 21 (Lorenzo Chammah, Ronald Chammah), Ciné Quartier latin (François Causse), Les Films du (Renaud Maupin), Warner Bros Picture France Sorbonne (Jean-Max Causse, François Causse), Losange (Régine Vial, Alexandra Leduc), Véronique (Denis Corréard, Clara Pineau), Wisconsin Center Cinémathèque de Bretagne (Cécile Petit-Vallaud), Manniez-Rivette, Thomas Martin, Metrograph for Film and Theatre Research (Amy Sloper), Yale Cinémathèque de Grenoble (Peggy Zejgman- (Jake Perlin), Milestone Film (Amy Heller, Dennis Film Study Center (Brian Meacham). Lecarme), Cinémathèque des pays de Savoie et de Doro), MoMa (Katie Trainor), Murnau Stiftung l’Ain (Marion Grange), Cinémathèque québécoise (Anke Wilkening, Patricia Heckert), Museo À LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE (Marco de Blois), Cinémathèque Royale de Belgique Nazionale del Cinema, Torino (Claudia Gianetto), Mehenni Aklit, Bernard Benoliel, Nicolas Caïssa, (Regine de Martelaere), Cinémathèque Suisse Národní Filmový Archiv (Jeanne Pommeau), New Émilie Cauquy, Blandine Étienne, Élise Girard, (Frédéric Maire, André Schäublin), Cinémathèque Horizons (Germaine Simiens), NYU Cinema Studies Olivier Gonord, Matthieu Grimault, Catherine de Tanger (Malika Chaghal), Cinémathèque de (Antonia Lant), NYU MIAP (Dan Streible, Jeff Hulin, Xavier Jamet, Hélène Lacolomberie, Marion Toulouse (Franck Loiret), Fondazione Cineteca di Richardson), Oesterreichisches Filmmuseum Langlois, Nicolas Le Thierry, Caroline Maleville, Bologna (Gian Luca Farinelli, Guy Borlée, Carmen (Alexander Horwath, Claudia Siefen), Filmoteka Axelle Moleur, Bernard Payen, Hervé Pichard, Accaputo), Classic Films, Cohen Film Collection Narodowa (Elzbieta Wysocka), L’Octuor de France, Céline Ruivo, Mehdi Taïbi, Aurélia Thyreau, Loïc (Charles Cohen, Tim Lanza), Conservatoire Les Films du Paradoxe (Jean-Jacques Varret), Lydia Trehin, Fabio Venturi.

126 REMERCIEMENTS CRÉDITS PHOTOS : COUV Gremlins, Joe Dante, 1983 © Warner Bros Picture France. TOUTE LA MÉMOIRE DU MONDE 2017 EDITOS Audrey Azoulay © MCC - Didier Plowy / Agnès b © Kazou Ohishi / Jean-Noël Tronc © Marc Chesneau / Costa-Gavras © F. Atlan – CF. JOE DANTE, PARRAIN DU FESTIVAL Hurlements, Joe Dante, 1980 © Tamasa Distribution / Joe Dante © Suzanne Hanover / The Movie Orgy, Joe Dante, 1968 © Renfield Productions / Piranhas, Joe Dante, 1978 © Park Circus DIRECTION DU SITE INTERNET CONCEPTION ET Limited / Hurlements, Joe Dante, 1980 © Tamasa Distribution / Gremlins, Joe Dante, 1983 © PATRIMOINE Xavier Jamet et son équipe Warner Bros Picture France / L’Aventure intérieure, Joe Dante, 1987 © Warner Bros Picture ORGANISATION Laurent Mannoni, Joël Daire, PRÉSIDENT DE LA France / Panique sur Florida Beach, Joe Dante, 1992 © Carlotta Films / The Second Civil War, Joe Céline Ruivo, Hervé Pichard FIAF WINTER SCHOOL : CINÉMATHÈQUE Dante, 1997 © Haut et court. JOE DANTE, CARTE BLANCHE Des monstres attaquent la ville, « PROGRAMMER FRANÇAISE Gordon Douglas, 1954 © Park Circus / La Nuit du chasseur, Charles Laughton, 1954 © Carlotta LE PATRIMOINE Costa-Gavras ACTIVITÉS Films / L’Invasion des profanateurs de sépultures, Don Siegel, 1955 © Théâtre du Temple / Artistes PÉDAGOGIQUES CINÉMATOGRAPHIQUE » et Modèles, Frank Tashlin, 1955 © Park Circus / L’Homme qui rétrécit, Jack Arnold, 1956 © Les DIRECTEUR GÉNÉRAL Gabrielle Sébire, Fabrice Christophe Dupin, Films du Paradoxe / Le Grand Chantage, Alexander Mackendrick, 1957 © Park Circus. WES Frédéric Bonnaud Nardin Samantha Leroy ANDERSON The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2013 © Twentieth Century Fox France Coordination : Paul / Wes Anderson sur le tournage de A bord du Darjeeling Limited, 2006 © Twentieth Century DIRECTEUR ADJOINT DIRECTION DE LA Boucheton Fox France / Rushmore, Wes Anderson, 1998 © Walt Disney Company France / Fantastic Mr Michel Romand-Monnier COMMUNICATION, Fox, Wes Anderson, 2007 © Twentieth Century Fox France / A bord du Darjeeling Limited, Wes DES RELATIONS ORPHAN FILM Anderson, 2007 © Twentieth Century Fox France / The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, DIRECTEUR DE LA EXTÉRIEURES SYMPOSIUM 2013 © Twentieth Century Fox France. CARTE BLANCHE WES ANDERSON David Golder, PROGRAMMATION ET DU DÉVELOPPEMENT Dan Streible, Pauline de Julien Duvivier, 1930 © Tamasa Distribution / Le Souffle au cœur, Louis Malle, 1970 © Gaumont Jean-François Rauger Jean-Christophe Mikhaïloff Raymond, Céline Ruivo, / Daisy Miller, Peter Bogdanovich, 1974 © Classic Films. RESTAURATIONS ET INCUNABLES PROGRAMMATRICE DU Samantha Leroy La Vengeance aux deux visages, Marlon Brando, 1961 © Universal Pictures International France FESTIVAL PRESSE Coordination : Liciane / Le Fils du cheik, George Fitzmaurice, 1926 © Diaphana pour MK2 / King of Jazz, John M. Pauline de Raymond Élodie Dufour Mamede Anderson, 1930 © Universal USA / La Dame du vendredi, Howard Hawks, 1939 © Park Circus / Les Sorcières de Salem, Raymond Rouleau, 1956 © Pathé Distribution / Le Veuf, Dino Risi, COORDINATION PROMOTION ET 1959 © Les Acacias / La Vengeance aux deux visages, Marlon Brando, 1961 © Universal Pictures DE LA MANIFESTATION RELATIONS AVEC LES CATALOGUE International France / La Tulipe noire, Christian-Jaque, 1963 © Botti/Stills/Gamma / Le Lion ET DU CATALOGUE PUBLICS DIRECTION DE en hiver, Anthony Harvey, 1968 © Les Acacias / Le Voleur, Louis Malle, 1967 © Gaumont / Le Samantha Leroy, assistée Tiphaine Coll - Mélanie PUBLICATION Grand Silence, Sergio Corbucci, 1967 © Tamasa Distribution / Tristana, Luis Bunuel, 1969 © Frédéric Bonnaud Carlotta Films / Phase IV, Saul Bass, 1975 © Swashbuckler Films / Zombie, George A. Romero, de Liciane Mamede et de Haoun, Aurélie Koch- Paul Boucheton 1978 © Koch Media srl / La Bande des quatres, Jacques Rivette, 1987 © Les Films du Losange. LE Mathian, Mélanie COMITÉ ÉDITORIAL CINEMASCOPE La Vie passionnée de Vincent Van Gogh, Vincente Minneli, 1955 © Swashbuckler Roero, Soraya Taous, Bernard Benoliel, Films / Le Temps d’aimer et le Temps de mourir, Douglas Sirk, 1957 © Ciné Sorbonne / Bonjour RECHERCHE COPIES ET Anne Lebaupin, Alain Samantha Leroy, Jean- Tristesse, Otto Preminger, 1957 © Park Circus / Les Sept Femmes de Barberousse, Stanley Donen, DROITS Kantorowicz, Malika François Rauger, Pauline 1953 © Warner Bros Picture France / Beau fixe sur New York, Gene Kelly, Stanley Donen, 1954 Guelfo Ascanelli Lebrault, Marianne Miel, de Raymond © Warner Bros Picture France / A l’Est d’Eden, Elia Kazan, 1954 © Warner Bros Picture France CINÉ-CONCERTS ET Charlotte Elie, Marine / Les Contrebandiers de Moonfleet, Fritz Lang, 1954 © Théâtre du Temple / La Vie passionnée de TRADUCTIONS Ramillon, Vincent Merlier TRADUCTIONS Vincent Van Gogh, Vincente Minneli, 1955 © Swashbuckler Films / La Fureur de vivre, Nicholas Ray, Annick Girard Paul Boucheton, Camille 1955 © Warner Bros Picture France / Planète interdite, Fred McLeod Wilcox, 1955 © Madadayo Films / Sept ans de réflexion, Billy Wilder, 1955 © Théâtre du Temple / Bonjour Tristesse, Otto PARTENARIATS ET Chanod, Claire Dubois, RÉGIE TECHNIQUE / Preminger, 1957 © Park Circus / Le Temps d’aimer et le Temps de mourir, Douglas Sirk, 1957 © ÉVENEMENTIEL Samantha Leroy AUDIOVISUEL / Ciné Sorbonne. INTOLERANCE, CIVILIZATION ET LES PRODUCTIONS DE LA TRIANGLE Laurence Hagège - Vincent COORDINATION COPIE Intolerance, David W. Griffith, 1916 © Les Films Sans Frontières. MELODRAMES SOVIETIQUES Olive, Sylvia Pereira, RESPONSABLES DE Alain Bidegorry, Jean- PUBLICATION Village du péché, Olga Preobrajenskaïa, Ivan Pravov, 1927 © Lobster Films / Le Cirque, Grigori Jeanne Mongay, Céline RENCONTRES, CONFERENCES, CINE-CONCERTS Michel Milleret, Jean- Mélanie Haoun, Aurélie Alexandrov, 1936 © Arkéion Films. Lombart, Éric Bouchier, Ciné-concert Le Métis, 2013 © VISUAL – CF / Joe Dante en tournage © Renfield Productions René Becquante et les Koch-Mathian / Portrait de Wes Anderson © IOD Productions LTD/ Scénographie de l’exposition Gus Van projectionnistes / Fred Savioz Paul Vincent Sant, photo © Stéphane Dabrowski – CF / Enfants dans l’exposition De Méliès à la 3D, photo © / Yann Fisher, Nagi Cheboua Accueil des invités : CONCEPTION GRAPHIQUE Béatrice Cathébras, Mélanie Roero Mélanie Roero – CF / Vitaphone, photo © Stéphane Dabrowski – CF / Portrait de Jacco Gardner, 2015, photo © Nick Helderman / Octuor de France, 2013 © Banque de France – Pascal Assailly Paul Boucheton / L’Atalante, Jean Vigo, 1934 © Gaumont / Salle Cinémathèque, 2013 © Visual – CF / David Golder, Julien Duvivier, 1930 © Tamasa Distribution / Gremlins, Joe Dante, 1983 © Warner Bros Picture France. Autres photos et visuels du catalogue, tous droits réservés. 127 TOUTE LA MÉMOIRE DU MONDE 2017 GRANDS MÉCÈNES DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

AMIS DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

PARTENAIRES DU FESTIVAL

PARTENAIRES MÉDIA

HÔTELS PARTENAIRES PARTENAIRE PARTENAIRE CINÉ-CONCERT FAUST DE LA SECTION DE LA SECTION AVEC LA COLLABORATION DE VALENTIN VAALA MÉLODRAMES SOVIÉTIQUES

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