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N° d'ordre : 338-97 Année 1997

THÈSE présentée devant l'Université CLAUDE BERNARD - LYON I - pour l'obtention du DIPLÔME DE DOCTORAT Spécialité : Biométrie - Biologie des Populations

par

Emmanuel DESOUHANT

Stratégies de ponte et traits d'histoire de vie chez les insectes.

Exemple du balanin de la châtaigne, Curculio elephas (Coléoptère, Curculionidae), en conditions naturelles.

Soutenue le 15 décembre 1997

Directeurs de thèse : D. Debouzie et F. Menu

Jury : MM. Y. CARTON, rapporteur P. TREHEN, rapporteur C. BERNSTEIN C. COMBES D. DEBOUZIE F. MENU

UMR CNRS 5558 "Biométrie, Génétique et Biologie des Populations" Université Claude Bernard - Lyon 1 43, bd du 11 Novembre 1918 69 622 Villeurbanne Cedex Références Bibliographiques 2 Abstract

Oviposition strategies and life histoty traits in - Example of the chestnut weevil, Curculio elephas (Coleoptera : Curculionidae), in natural populations

This work concerns study of the evolution of life history traits in insects. The purpose of this study is to estimate the principle demographic parameters in the chestnut weevil, Curculio elephas, to predict the best oviposition strategy in terms of evolutionary trade-offs. Facing a site for oviposition, a female must take three decisions which summarize oviposition strategy : 1) where to lay her eggs; 2) when to lay, and 3) how many eggs to lay in each site (Charnov & Skinner, 1985). Oviposition strategies determine the quality (fitness) of offspring and growth rate in the population. We have shown, from an oviposition behaviour study that a Curculio elephas female does not seem time-limited for egg-laying. In natural conditions, a female lays one or two eggs per chestut in 77% of infested fruits; she selects her oviposition sites, avoids those containing larvae of the chestnut moth, Cydia splendana, but not those already infested by weevil immatures. Our results suggest a random oviposition behavior in only one part of the available chestnuts; the other part is avoided. We have shown negative phenotypic correlation between clutch size and larval survival, or potential fecundity of the resulting females. In an evolutionary perspective, we have shown, from life-history trait estimations, that fitness of a genotype leading to a clump of eggs is lower than that of the currently observed strategy in natural conditions, which consists of spreading offspring in numerous fruits. Then we discuss two problems: 1) is there an optimal clutch size in natural conditions? 2) why the clutch size does not increase?

Key-words : insects - natural populations - demographic parameters - oviposition behaviour - available ressource - host population heterogeneity - asymmetric competition - fruit selection - optimisation - oviposition strategy - clutch size - fitness

Publications : Desouhant E. (1996). La ponte chez le balanin de la châtaigne, Curculio elephas (Gyll.) (Coléoptère : Curculionidae). Annales de la Société Entomologique de France, 32:445- 450. Debouzie D., Heizmann A., Desouhant E. & Menu F. (1996). Interference at several temporal scales between two chestnut insects. Oecologia, 108: 151-158. Desouhant E. Selection of fruits for oviposition by the chestnut weevil, Curculio elephas (Coleoptera : Curculionidae), Entomologia Experimentalis et Applicata (sous presse). Desouhant E., Debouzie D. & Menu F. Oviposition pattern of phytophagous insects : on the importance of host population heterogeneity. Oecologia (sous presse). Références Bibliographiques 3

RÉSUMÉ

Stratégies de ponte et traits d'histoire de vie chez les insectes - Exemple du balanin de la châtaigne, Curculio elephas (Coléoptère, Curculionidae), en conditions naturelles.

Ce travail s'intègre dans le cadre de l'évolution des traits d'histoire de vie chez les insectes. Il a pour but d'estimer les principaux paramètres démographiques chez le balanin de la châtaigne, Curculio elephas, afin de prédire quelle est la meilleure stratégie de ponte en terme de compromis évolutif. Face un site de ponte, un insecte doit faire face à une séquence décisionnelle qui résume la stratégie de ponte : 1) où pondre ses œufs, 2) quand les pondre et 3) combien en pondre dans chaque site (Charnov & Skinner, 1985). Les stratégies de ponte chez les insectes conditionnent la qualité des individus et le taux d'accroissement des populations. Nous avons montré à partir d'une étude du comportement de ponte qu'une femelle Curculio elephas ne semble pas limitée par le temps pour réaliser sa fécondité. En conditions naturelles, une femelle dépose un ou deux œufs par châtaigne dans 77% des fruits; elle sélectionne ses sites de ponte, évite ceux contenant du carpocapse, Cydia splendana, mais pas ceux ayant déjà reçu une ponte de balanin. Nos résultats suggèrent un comportement aléatoire de ponte mais uniquement sur une fraction des châtaignes, l'autre partie étant évitée. Nous avons mis en évidence des corrélations phénotypiques négatives entre la taille de ponte et d'une part, la survie larvaire et d'autre part la fécondité potentielle des femelles. D'un point de vue évolutif, nous avons montré, à partir des estimations des principaux traits d'histoire de vie, que la valeur sélective d'une stratégie (ou génotype) conduisant à la ponte d'œufs en paquets est inférieure à celle de la stratégie actuellement observée, qui consiste à disperser les descendants dans de nombreux fruits. Dans la discussion nous nous interrogerons en particulier sur l'existence d'une taille optimale de ponte et sur l'influence d'un changement ancien de plante-hôte sur la stratégie actuelle de ponte chez le balanin.

Mots-clés : insectes - populations naturelles - paramètres démographiques - comportement de ponte - ressources disponibles - hétérogénéité de la population hôte - interférence asymétrique - sélection des fruits - optimisation - strategie de ponte - taille de ponte - compétition - fitness

Publications : Desouhant E. (1996). La ponte chez le balanin de la châtaigne, Curculio elephas (Gyll.) (Coléoptère : Curculionidae). Annales de la Société Entomologique de France, 32:445-450. Debouzie D., Heizmann A., Desouhant E. & Menu F. (1996). Interference at several temporal scales between two chestnut insects. Oecologia, 108: 151-158. Desouhant E. Selection of fruits for oviposition by the chestnut weevil, Curculio elephas (Coleoptera : Curculionidae), Entomologia Experimentalis et Applicata (sous presse). Références Bibliographiques 4

Desouhant E., Debouzie D. & Menu F. Oviposition pattern of phytophagous insects : on the importance of host population heterogeneity. Oecologia (sous presse). Références Bibliographiques 5

Sommaire

Introduction...... 3

Chapitre 1 : Optimisation et stratégies de ponte chez les insectes...... 9

1 - L'optimisation : outil d'étude des stratégies adaptatives...... 9 1.A - Vers une définition des stratégies de ponte...... 9 1.A.1 - Définitions des stratégies adaptatives...... 9 1.A.2 - Stratégies de ponte...... 12 1.A.2.1 - Historique : les travaux sur les oiseaux...... 12 1.A.2.1.1 - Une hypothèse de référence : la "Lack clutch size " (LCS)...... 12 1.A.2.1.2 - Les écarts à la LCS ...... 13 1.A.2.2 - Pourquoi n'observe-t-on pas une augmentation de la taille de ponte chez les oiseaux?...... 14 1.A.2.3 - Des ornithologistes aux entomologistes...... 15 1.B - L'optimisation : une façon de penser ...... 15 1.B.1 - Concept d'optimisation...... 16 1.B.2 - Les hypothèses de la théorie d'optimisation ...... 17 1.B.3 - Les critiques ...... 17 1.C - Choix d'une mesure de fitness ...... 18 1.C.1 - Mesures de fitness en milieu constant et homogène...... 19 1.C.1.1 - Les différents taux d'accroissement...... 19 1.C.1.2 - Limites et hypothèses de ces mesures...... 20 1.C.2 - Mesures de fitness en milieu stochastique...... 21 1.C.2.1 - Variabilité temporelle...... 21 1.C.2.1.1 - La moyenne géométrique des taux d'accroissement...21 1.C.2.1.2 - Exemple théorique...... 22 1.C.2.1.3 - Application de la moyenne géométrique...... 22 1.C.2.2 - Variabilité spatiale ...... 23 1.C.2.3 - Conclusions...... 23 2 - La taille de ponte : variable synthétique de la stratégie de ponte...... 23 2.A - Taille de ponte déterminée par une seule femelle ...... 24 2.A.1 - Relation entre la taille de ponte, la qualité et la quantité des sites...... 24 2.A.1.1 - Taille de ponte et qualité des sites...... 24 2.A.1.1.1 - Évaluation de la qualité des sites par les insectes...... 24 2.A.1.1.2 - Variations de la taille de ponte en fonction de la qualité des sites...... 25 2.A.1.2 - Qualité des sites et Distribution Libre Idéale...... 26 2.A.1.3 - Taille de ponte et quantité de sites disponibles...... 27 2.A.2 - Taille de ponte et qualité des femelles...... 29 Références Bibliographiques 6

2.A.2.1 - Apprentissage et état physiologique des femelles...... 29 2.A.2.2 - Taille et nombre de descendants ...... 29 2.A.2.3 - Les coûts liés à la taille de ponte produite...... 31 2.A.3 - Taille de ponte et trait d'histoire de vie des descendants...... 32 2.A.3.1 - La compétition larvaire...... 32 2.A.3.1.1 - Types de compétition et ressources...... 32 2.A.3.1.2 - Conséquences de la compétition ...... 33 2.A.3.1.3 - Asymétries et hiérarchie dans la compétition ...... 35 2.A.3.2 - L'agrégativité : un avantage évolutif? ...... 35 2.B - Site de ponte infesté par plusieurs femelles ...... 37 2.B.1 - Facteurs favorisant les pontes multiples...... 37 2.B.2 - Taille de la seconde ponte...... 38 2.B.3 - Les coûts des pontes multiples ...... 40 2.C - Taille de ponte : une source de conflit entre les parents et les descendants?..41 2.C.1 - Description du conflit parents-enfants...... 41 2.C.2 - Les critiques ...... 42 2.D - Taille de ponte et variabilité ...... 42 2.D.1 - Variabilité prévisible...... 42 2.D.2 - Variabilité stochastique...... 43

Chapitre 2 : Matériels et protocoles expérimentaux ...... 47

1 - Description des sites d'étude...... 47 2 - La biologie du châtaignier Castanea sativa...... 50 3- Cycles de vie du balanin de la châtaigne, Curculio elephas et du carpocapse, Cydia splendana ...... 51 3.1 - Le cycle de vie du balanin de la châtaigne...... 51 3.2 - Le cycle de vie du carpocapse ...... 54 4 - Les protocoles expérimentaux ...... 55 4.1 - Protocoles mis en place sur le terrain ...... 55 4.1.1 - Échantillonnages...... 55 4.1.2 - Piégeage des larves...... 56 4.1.2.1 - Piégeage global des larves sorties des châtaignes...... 56 4.1.2.2 - Piégeage global des larves sorties des glands ...... 57 4.1.2.3 - Piégeage individuel des larves sorties des châtaignes ....57 4.1.3 - Enfouissement des larves dans le sol et capture des adultes...... 57 4.1.3.1 - Enfouissement des larves par groupe...... 57 4.1.3.2 - Enfouissement individuel de larves...... 58 4.1.4 - Ponte des femelles...... 59 4.1.4.1 - En manchons...... 59 4.1.4.2 - En conditions protégées...... 60 4.2 - Protocoles mis en place au laboratoire...... 61 4.2.1 - Élevage des adultes...... 61 4.2.2 - Les étapes de la ponte...... 61 4.2.3 - Longévité, coût de l'accouplement et de la ponte...... 61 Références Bibliographiques 7

Chapitre 3 : Nombre de sites de ponte et distribution des immatures par châtaigne...... 65

1 - Quantité de sites de ponte ...... 66 1.1 - Données globales...... 66 1.1.1 - Nombre de châtaignes disponibles ...... 66 1.1.2 - Proportion de fruits infestés par le carpocapse et le balanin ...... 67 1.1.3 - Effectif des femelles et étalement des émergences...... 68 1.2 - Variations temporelles du nombre de fruits ...... 71 1.2.1 - Étalement de la chute des fruits ...... 71 1.2.2 - Comparaison des périodes de chute de fruits et d'émergences....72 1.3 - Variations spatiales du nombre de fruits et du nombre d'adultes...... 73 1.4 - Conclusions...... 74 2 - Distribution des immatures dans les fruits : peut -on parler de contagion? ...... 75 2.1 - Distributions des immatures dans les châtaignes ...... 76 2.2 - Ajustements des distributions observées ...... 77 2.2.1 - Descriptions des lois théoriques ...... 77 2.2.2 - Ajustements et rapport variance/moyenne ...... 77 2.2.3 - Test des hypothèses des lois théoriques ...... 80 2.2.3.1 - Variations spatiales du taux d'infestation ...... 80 2.2.3.2 - Variations temporelles de la distribution des immatures..80 2.2.3.3 - Distributions observées en manchons...... 81 2.3 - Discussion ...... 83

Chapitre 4 : Comportement de ponte et choix des sites de ponte ...... 87

1- La ponte chez le balanin de la châtaigne ...... 87 1.1 - Description du protocole expérimental...... 88 1.2 - Les étapes de l'acte de ponte et leur durée...... 89 1.3 - Nombre d'œufs déposés par galerie de ponte ...... 91 1.4 - Abandons et échecs ...... 91 1.5 - Utilisation d'une galerie déjà creusée ...... 92 1.6 - Longévité des femelles au laboratoire...... 92 1.7 - Conclusions...... 92

2 - Choix des sites de ponte...... 94 Références Bibliographiques 8

2.1 - Mise en évidence statistique de la sélection des fruits en conditions naturelles...... 94 2.2 - Choix selon les caractéristiques de l'hôte ...... 95 2.2.1 - Selon le degré de maturité des fruits...... 95 2.2.2 - Selon le type de bogues...... 96 2.2.3 - Selon le volume des châtaignes...... 96 2.3 - Choix selon la présence de balanins ou de carpocapses ...... 97 2.3.1 - Présence d'œufs de balanins...... 97 2.3.2 - Présence de larves de balanins...... 98 2.3.3 - Présence de carpocapses...... 99 2.3.3.1 - Protocoles expérimentaux et analyse de données ...... 100 2.3.3.2 - Interférence à l'échelle de l'arbre...... 102 2.3.3.3 - Interférence à l'échelle du fruit...... 103 2.3.3.4 - Interférence à l'échelle de la bogue ...... 106 2.4 - Conclusions...... 107 3 - Coût de reproduction et cinétique de ponte ...... 108 3.1 - Protocole expérimental ...... 108 3.2 - Coûts de l'acte de ponte sur la longévité ...... 109 3.3 - Distribution des œufs en fonction de l'âge des femelles...... 109 3.4 - Conclusions...... 111

Chapitre 5 : Poids des larves et traits d'histoire de vie ...... 115 1 - Effets de la densité larvaire, du rang de sortie des larves et du volume des châtaignes sur les traits d'histoire de vie des immatures ...... 116 1.1 - Densité larvaire, dates de sortie et volume des châtaignes...... 116 1.1.1 - Nombre de larves par châtaigne...... 116 1.1.2 - Étalement des sorties larvaires ...... 116 1.1.3 - Volume des amandes infestées...... 117 1.2 - Densité larvaire et vitesse de développement prédiapause...... 118 1.3 - Densité des immatures par châtaigne et mortalité dans les amandes...... 121 1.4 - Poids des larves à la sortie des fruits ...... 122 1.4.1 - Distributions du poids larvaire...... 122 1.4.2 - Effets du volume de la châtaigne, de la densité larvaire et de la date de sortie larvaire sur le poids des larves à leur sortie des fruits...... 123 1.5 - Effets du poids larvaire sur les traits d'histoire de vie pendant la phase pré-imaginale ...... 127 1.5.1 - Relation entre le poids larvaire, la date de sortie des larves et le taux d'enfouissement dans le sol...... 127 1.5.2 - Taux de survie dans le sol et fréquence de diapause prolongée selon le poids et la date de sortie des larves...... 128 1.5.2.1 - Survie larvaire dans le sol...... 128 1.5.2.2 - Taux de diapause prolongée...... 130 Références Bibliographiques 9

2 - Effets du poids larvaire sur les traits d'histoire de vie des adultes...... 132 2.1 - Relation entre le poids des larves et celui des adultes...... 132 2.2 - Relation entre le poids larvaire et la sex-ratio ...... 134 2.3 - Relation entre le poids des adultes et la fécondité potentielle...... 135 2.4 - Relation entre le poids des adultes et leur longévité...... 136 2.5 - Relation entre le poids des adultes et la fécondité réalisée...... 138 2.6 - Fitness des stratégies de ponte...... 140 2.6.1 - Estimation de la fitness potentielle...... 140 2.6.1.1 - Estimation des paramètres démographiques...... 140 2.6.1.2 - Mesure de la fitness...... 141 2.6.2 - Estimation de la fitness réalisée...... 142 2.7 - Conclusions...... 144

Chapitre 6 : Discussion générale ...... 149

1 - Sélection des châtaignes pour la ponte ...... 149 1.1 - Existe-t-il une phéromone de ponte?...... 149 1.2 - Sélection et infestations multiples des châtaignes ...... 150 1.3 - Sélection et qualité des sites de ponte...... 151 1.4 - Sélection et compétition interspécifique ...... 152 2 - Taille de ponte et stratégie optimales...... 153 2.1 - La taille de ponte observée en conditions naturelles correspond- elle à la celle définie par Lack (1947)? ...... 154 2.2 - Compromis entre la taille de ponte, le taux de survie larvaire et la fécondité - coût de la reproduction...... 154 2.3 - Existe-t-il une stratégie de ponte optimale?...... 157 2.4 - Peut-on définir une taille optimale de ponte en conditions naturelles? ....159 2.5 - Valeur adaptative de la variabilité individuelle ...... 160

Conclusion générale...... 165

Références bibliographiques ...... 171 Références Bibliographiques 10

Introduction

La diversité des organismes et la variabilité de leurs histoires de vie caractérisent le monde vivant. Le challenge de la biologie évolutive est d'expliquer cette diversité et d'analyser les causes responsables des différences de valeur sélective (ou fitness) observées entre les variants (Stearns, 1992; Roff, 1992). Les hypothèses sous-jacentes aux analyses sont d'une part que la sélection naturelle maximise une quantité mesurable, la valeur sélective, et d'autre part que l'amplitude des variations phénotypiques observées est limitée dans une large mesure par des compromis évolutifs (ou trade-offs). C'est l'ensemble des interactions entre les différents traits d'histoire de vie qui détermine l'adaptation phénotypique des individus. La quantité d'énergie destinée à la reproduction, ou "effort de reproduction" (Roff, 1992) présente aussi une forte variabilité. En effet, selon le Principe de l'Allocation (Levins, 1968) "l'effort de reproduction" dépend de la compétition pour l'allocation des ressources destinées à la croissance, la maintenance des fonctions somatiques et à la reproduction. Ainsi, dans un environnement donné, les stratégies de ponte chez les insectes, considérées comme des stratégies biodémographiques (Barbault, 1984), vont être déterminées par les pressions de sélection et cet effort de reproduction. L'intérêt porté aux stratégies de ponte, via l'étude de la taille de ponte, a émergé des travaux de l'ornithologue Lack (1947). La principale originalité de son travail a été d'étudier les traits d'histoire de vie liés à la stratégie de ponte : âge de première reproduction, fécondité, taille de la ponte, survie des descendants. De plus, il fut le premier à appréhender la taille de ponte en termes de sélection individuelle (Stearns, 1976). De telles études n'ont été entreprises sur les invertébrés qu'à partir des années 1980. Étant donné que la majorité des insectes (phytophages ou parasitoïdes) distribuent leur descendance dans plusieurs sites de ponte, la "taille de ponte" correspond au nombre d'œufs déposés dans un site. Les recherches, principalement théoriques, sur l'évolution de la taille de ponte ont d'abord porté sur deux groupes : les lépidoptères (Stamp, 1980; Courtney, 1984) et sur les hyménoptères parasitoïdes (Iwasa et al., 1984; Charnov & Skinner, 1984; Skinner, 1985; Waage & Godfray, 1985). Références Bibliographiques 11

Face à un site de ponte, une femelle doit prendre au moins trois "décisions" qui correspondent aux questions suivantes (Charnov & Skinner, 1985): où doit-elle pondre, combien d'œufs doit-elle pondre à chaque acte de ponte et quand doit-elle les pondre ? Ces questions résument schématiquement les stratégies de ponte chez les insectes. La question "combien" correspond typiquement à un problème de "taille de ponte" et de distribution des œufs par hôte. Cette question est essentielle pour les insectes dont les larves se nourrissent et réalisent leur développement dans un seul hôte "choisi" par leur mère. L'augmentation de la taille de ponte représente un accroissement de "l'effort de reproduction" qui peut ou non avoir des effets significatifs sur la survie et la future reproduction (Roff, 1992). En effet, le nombre d'œufs pondus dans un site nourricier va conditionner, en fonction de la quantité de ressource disponible (nourriture, espace) (Tilman, 1980; 1982), l'intensité d'une compétition larvaire potentielle. Cette compétition larvaire affecte la quantité d'insectes mais aussi leur qualité (Klomp, 1964; Hawley, 1985; Mangel et al., 1994) et donc la fitness (i.e. un taux d'accroissement et/ou une probabilité de persistance) des femelles résultantes (Prout & McChesney, 1985). La compréhension de la relation entre la taille de ponte et la fitness a motivé la construction de nombreux modèles d'optimisation (e.g. Parker & Courtney, 1984; Ives, 1989). Cependant, ces modèles, non validés sur le terrain (West et al., 1996), prédisent une taille de ponte supérieure à celle observée en conditions naturelles. La différence entre les prédictions et les observations est en partie due au coût de la reproduction (Williams, 1966; Bell & Koufopanou, 1980; 1988; Reznick, 1985). Ce coût est soit écologique en termes de prédation, de parasitisme ou de compétition, soit physiologique. Selon le Principe de l'Allocation (Levins, 1968), l'investissement pendant la reproduction représente alors le compromis entre les bénéfices attendus de la production d'un descendant supplémentaire et les coûts qui lui sont associés (Linden & Moller, 1989). La question "où", certainement la plus étudiée (Bernays, 1991), relève des interactions plantes-insectes. La sélection des sites de ponte peut dépendre de la qualité, de la taille, des caractéristiques morphologiques et chimiques des hôtes mais aussi de la présence de marqueurs chimiques répulsifs qui évitent une surexploitation de l'hôte (Roitberg & Prokopy, 1987). Le nombre d'œufs pondus par site de ponte est donc fortement lié au "choix" du site de ponte. Ainsi, la taille de ponte peut être une réponse adaptative aux variations de la qualité et/ou de la taille de l'hôte (e.g. Freese & Zwölfer, 1996; Luck et al., 1982). Quant à la troisième question, "quand pondre", elle intègre les notions d'âge de première reproduction et de variation de la taille des pontes, au cours de la vie des adultes. Cette variation peut être liée à la durée de recherche des sites de ponte (Charnov & Skinner, 1985; Skinner, 1985), à l'état physiologique de la femelle défini par son âge et son stock d'œufs (Mangel, 1989) ou à l'apprentissage (Bernays, 1991). La taille de ponte d'une femelle varie en fonction du stock d'œufs matures et de l'espérance de vie que lui Références Bibliographiques 12 confèrent ses réserves énergétiques (Sirot & Bernstein, 1997). Le nombre d'œufs déposés par site apparaît être la caractéristique la plus représentative de la stratégie de ponte chez les insectes car elle intègre les trois questions qui résument la stratégie de ponte.

Notre travail s'inscrit dans le cadre de l'évolution des traits d'histoire de vie et il a pour but d'estimer d'une part, les principaux paramètres démographiques liés aux stratégies de ponte et d'autre part, les compromis évolutifs. Le modèle biologique choisi est le balanin de la châtaigne, Curculio elephas (Gyll.) (Coléoptère : Curculionidae). Cette thèse comprend à la fois des expériences personnelles menées sur le terrain et au laboratoire et des données recueillies, entre 1980 et aujourd'hui, par l'ensemble de l'équipe de recherche (D. Debouzie, C. Pallen, A. Boyer, F. Menu, C. Pettini, S. Manel et moi-même). En 1995 et 1996, de nombreuses expérimentations de terrain ont été menées en parallèle, dans deux sites d'étude en Isère et dans le Gard. Compte tenu de la nécessité d'être présent en même temps sur les deux sites entre août et décembre, j'ai réalisé toutes les expériences en association avec F. Menu. Les objectifs expérimentaux étant multiples, je ne présenterai dans ce manuscrit que les résultats relatifs à l'étude des stratégies de ponte.

Le premier chapitre présente une revue bibliographique, divisée en deux grandes parties. La première est une présentation générale des stratégies adaptatives et plus particulièrement des stratégies de ponte. Cette partie est aussi l'occasion de replacer notre travail dans la théorie des histoires de vie et de présenter dans quel cadre conceptuel nous avons abordé ce travail. Ainsi, nous décrivons les grandes lignes de la théorie d'optimisation et les différentes mesures de fitness impliquées. La seconde partie est consacrée à "la taille de ponte". Le second chapitre décrit les sites d'études, les matériels et méthodes utilisés lors des protocoles expérimentaux. Afin de faciliter la lecture du manuscrit le détail de chaque protocole expérimental sera précisé dans les trois chapitres réservés aux résultats. Les chapitres 3, 4 et 5 regroupent les données et les résultats biologiques obtenus. Dans le troisième chapitre, nous présentons le nombre de sites de ponte disponibles pour une population de balanins ainsi que ses variations temporelles et spatiales. Puis nous examinons les distributions des immatures par fruit et nous montrons que des lois théoriques, reposant sur des hypothèses très différentes, peuvent s'ajuster à ces distributions observées. A partir de données sur Curculio elephas, nous discutons de la difficulté d'interpréter les différents ajustements statistiques réalisés sur ce type de distribution et de la nécessité de prendre en compte l'hétérogénéité de la population hôte. Le quatrième chapitre aborde les relations plantes-insectes. Il regroupe les résultats concernant la ponte et son coût sur la longévité des balanins adultes ainsi que les résultats Références Bibliographiques 13 sur la sélection des fruits par les balanins femelles. Le cinquième chapitre fournit une estimation de la valeur sélective de deux stratégies de ponte, se différenciant uniquement par le nombre d'œufs pondus par châtaigne. Ainsi, nous testons à partir de paramètres estimés en conditions naturelles, l'hypothèse selon laquelle la dispersion des œufs dans plusieurs châtaignes minimiserait les effets négatifs de la densité larvaire. Dans le dernier chapitre, nous soulignons la difficulté de tester les modèles d'optimisation décrits dans la littérature, par des observations et des expériences réalisées sur le terrain. Nous discutons des avantages évolutifs de la sélection des châtaignes, de l'existence d'une taille et d'une stratégie optimales de ponte. Enfin, nous nous interrogeons sur l'influence d'un changement ancien de plante-hôte sur la stratégie actuelle de ponte chez le balanin.

Chapitre 1: Optimisation et stratégies de ponte chez les insectes

Ce premier chapitre se divise en deux grandes parties. La première est consacrée à la présentation générale des stratégies adaptatives et plus particulièrement des stratégies de ponte, en précisant le contexte historique qui a conduit les entomologistes à s'y intéresser. Cette partie est aussi l'occasion de replacer notre travail dans la théorie classique des traits d'histoire de vie et de présenter dans quel cadre conceptuel nous avons abordé ce travail. Ainsi, nous décrivons les grandes lignes de la théorie d'optimisation et les différentes mesures de fitness impliquées. La seconde partie est consacrée à la taille de ponte.

1 - L'optimisation : outil d'étude des stratégies adaptatives Références Bibliographiques 14 1.A - Vers une définition des stratégies de ponte

1.A.1 - Définitions des stratégies adaptatives

Selon la théorie de la sélection naturelle, toute population constituée d'éléments ayant des propriétés de reproduction, d'hérédité et de variation peut et doit évoluer. La définition de ces éléments a longtemps suscité un débat : la sélection porte-t-elle sur la

population ou bien sur l'individu (Maynard-Smith, 1978)? Actuellement, il est communément admis par la communauté scientifique que l'individu ou le génotype constitue l'unité de sélection. Alors qu'un raisonnement fondé sur la sélection individuelle demeure valable en prenant le génotype comme unité de sélection, quelques phénomènes biologiques comme la présence d'individus stériles dans les colonies d'insectes sociaux (Chapuisat & Keller, 1997) ou l'existence d'une diapause prolongée chez certaines espèces d'insectes (Menu, 1993a et b), ne peuvent s'expliquer que si l'unité de sélection considérée est le génotype et non l'individu. Ainsi, l'altruisme reproductif favorise la transmission des gènes codant pour cet altruisme si le travail fourni par les individus stériles augmente la reproduction de proches parents qui ont de fortes chances de porter les mêmes gènes. Le nombre de gènes identiques aux siens qu'un individu altruiste pourra transmettre indirectement en aidant un individu apparenté dépend du degré de parenté, donc de la proportion de gènes qu'ils ont en commun (Hamilton, 1964).

Le débat sur l'unité de sélection et le rôle de la sélection naturelle a été relancé par Dawkins (1976). La virulence des créationnistes de l'école américaine conduit en retour ce scientifique à développer des arguments extrêmes. Ainsi, Dawkins (1976) a plaidé en faveur du "gène égoïste". La sélection favoriserait la survie de l'ADN et les organismes ne seraient que des véhicules pour les gènes les plus avantageux. Cependant, il est évident qu'un gène seul ne peut avoir d'effets : il s'exprime en interaction avec d'autres au sein d'un génotype qui apparaît comme l'unité de sélection. D'ailleurs, dans un ouvrage récent Dawkins (1995) reconsidère le problème sous cet angle. La sélection naturelle maximise donc la contribution génotypique aux générations suivantes du génotype (ou de l'individu) le mieux adapté à son environnement.

Cette définition consensuelle de l'unité de sélection a conduit à l'apparition des termes "tactique et stratégie" définies comme "un ensemble de traits coadaptés désignés par la Sélection Naturelle pour résoudre des problèmes écologiques particuliers" (Stearns, 1976). D'aucun voyait dans cette définition une part de finalisme et d'anthropomorphisme. En aucun cas, la stratégie signifie que les animaux choisissent Références Bibliographiques 15 consciemment d'adopter une stratégie qui maximiserait par exemple, leur chance de survie. Stearns (1976) et Southwood (1988) distinguent les stratégies des tactiques. Les tactiques sont des ensembles de traits alors que les stratégies regroupent un ensemble de tactiques. Une tactique est une réponse aux facteurs proximaux (biotiques et abiotiques) alors que la stratégie répond au facteur ultime : la sélection naturelle (Fig. 1).

Caractéristiques de l’habitat

Forces sélectives e.g. Facteurs abiotiques, prédateurs et compétition

Effets sur l’organisme e.g. taux de croissance, survie et fécondité liées à la taille et la longévité Échelle de temps écologique

Effet total sur la fitness de l’individu

Sélection via les compromis évolutifs (trade-offs) des effets de la combinaison optimale des tactiques afin de maximiser la fitness

Evolution de la stratégie optimale d’histoire de vie Échelle de temps évolutif Fig. 1 - Système de sélection des stratégies (D'après Southwood, 1988)

Nous parlerons de stratégie et nous en adopterons une définition proche de celle donnée par Barbault en 1984. Une stratégie biodémographique correspond à un ensemble de caractéristiques morphologiques, physiologiques, comportementales, démographiques et écologiques observées chez les individus d'une même population portant le même génotype. L'association de ces caractéristiques est la conséquence d'une sélection individuelle dans un habitat donné et des contraintes phylétiques de l'organisme. Cette notion de stratégie adaptative suppose que les organismes répondent à des contraintes internes et externes, ce qui se traduit par une solution de compromis. Dans cette définition l'unité de sélection est clairement le génotype. D'ailleurs dans certaines études (Yoshimura & Clark, 1991; Menu, 1993a) les génotypes sont clairement assimilés aux stratégies. En résumé, pour nous une stratégie est une combinaison de traits d'histoire de vie exprimée par un génotype et susceptible d'être favorisée par la sélection naturelle dans un contexte écologique donné. Les traits d'histoire de vie impliqués sont donc les caractéristiques morphologiques, physiologiques, comportementales, démographiques et Références Bibliographiques 16

écologiques qui ont un lien direct avec la reproduction et la survie. La taille à la naissance, le patron de croissance, la taille et l'âge à la maturité, le nombre, la taille et la sex-ratio des descendants, l'investissement reproductif selon l'âge et la taille, les schémas de mortalité selon l'âge et la taille, et la durée de vie sont répertoriés comme les plus importants (Stearns, 1992).

1.A.2 - Stratégies de ponte

Les premières études sur les traits d'histoire de vie liés aux stratégies de ponte furent entreprises par les ornithologistes (Lack, 1947; Charnov & Krebs, 1973). Ils posèrent les jalons de la théorie.

1.A.2.1 - Historique : les travaux sur les oiseaux

1.A.2.1.1 - Une hypothèse de référence : la "Lack clutch size " (LCS)

Lack (1947) s'intéressa au nombre d'oisillons par couvée et émit une hypothèse quant à la taille optimale des portées. Dans un environnement stable, la taille de ponte optimale et la plus fréquente dans la nature devrait être la plus productive en nombre de jeunes atteignant la maturité sexuelle. Cette taille de ponte est déterminée par la quantité de ressources que les parents sont capables d'apporter aux oisillons; le nombre de jeunes atteignant l'âge de reproduction dépend uniquement de la survie juvénile (Fig. 2).

LCS Taille de la ponte Fig. 2 - Relation théorique entre la taille de ponte et le nombre de survivants à maturité. LCS représente la taille de ponte la plus productive.

Le mérite de Lack repose sur le fait qu'il fut le premier à fournir une explication de la taille de ponte en termes de sélection individuelle à une époque où beaucoup pensaient que la taille de ponte évoluait pour éviter à la population ou à l'espèce de surexploiter les ressources du milieu. L'hypothèse émise par Lack devint d'ailleurs célèbre au point que Références Bibliographiques 17 toute taille de ponte qui correspond à cette définition est appelée "Lack clutch size" (LCS). Cette notoriété n'est pas due à l'adéquation entre les prédictions de Lack et la réalité, mais au fait que la LCS est devenue une taille de ponte théorique de référence. En effet, après avoir constaté que les tailles de ponte in natura sont généralement inférieures à la LCS (Klomp, 1970; Linden & Moller, 1989), l'hypothèse de Lack a suscité de nombreuses recherches afin de déterminer les causes de ces écarts.

1.A.2.1.2 - Les écarts à la LCS

La sélection de groupe

Une des premières hypothèses, pour expliquer les écarts à la LCS, fut celle émise par Wynne-Edwards (1962). Il expliquait la différence entre la LCS et les données observées par le fait qu'à travers les interactions sociales, les oiseaux avaient la capacité d'estimer leur propre densité. Ainsi, une fois proches de la densité critique, ils auto- régulaient leur densité en réduisant la taille de ponte. En agissant ainsi, ils évitaient le risque d'extinction de la population. Cette théorie fut assez rapidement abandonnée car elle implique une sélection de groupe. En effet, si un individu déroge aux règles de cette stratégie et ne réduit pas sa taille de ponte, alors son génotype sera représenté en plus grand nombre à la génération suivante (Stearns, 1976). Il devrait donc envahir la population.

Les compromis évolutifs et énergétiques

Dans son hypothèse Lack omit de considérer les contraintes physiologiques parentales, les trade-offs inter et intra-générationnels et le coût de la reproduction. Les écarts à la LCS peuvent en partie s'expliquer par cette omission. Stearns (1992) synthétise 55 travaux qui soulignent les corrélations phénotypiques négatives entre l'augmentation de la taille de ponte et certains traits d'histoires de vie juvéniles et adultes. Entre 53% et 100% des études, selon le trait d'histoire de vie étudié, montrent qu'une taille de ponte élevée diminue le poids des jeunes à la maturité sexuelle, la survie et la reproduction future. De même, un nombre élevé de descendants par nid affecte le poids des parents dans 36% des cas, leur survie et leur future reproduction dans respectivement 41 et 57% des travaux recensés. Même si les résultats des corrélations phénotypiques doivent être interprétés avec précaution, comme nous le verrons par la suite, aucune des études citées n'a montré qu'une grande taille de ponte avait un effet bénéfique sur les différents traits cités précédemment.

La stochasticité du milieu Références Bibliographiques 18

La variabilité temporelle du milieu peut conduire à une taille de ponte inférieure à la LCS. Chez la mésange bleue, la différence entre la LCS (12.0 œufs) et la ponte moyenne observée (8.5) sur 20 années d'études, semble être une réponse à la succession de bonnes et mauvaises années (Boyce & Perrins, 1987). La stratégie consistant à minimiser la variance de la taille de ponte présente une meilleure fitness que celle qui consiste à pondre beaucoup d'œufs les années fastes (exemple, les années où les ressources alimentaires ne manquent pas) et peu d'œufs les années difficiles. La fitness est définie dans cette étude par la moyenne géométrique des taux d'accroissements finis. Cette stratégie qui optimise le compromis entre moyenne et variance correspond au "bet- hedging" (Philippi & Seger, 1989; Seger & Brockmann, 1987). De même, il peut être plus avantageux de réduire la taille de ponte si le risque de prédation pour la descendance est fort. Ainsi, quand la portée est entièrement détruite, les parents disposent de suffisamment d'énergie pour engendrer de nouveaux descendants (Stearns, 1992).

1.A.2.2 - Pourquoi n'observe-t-on pas une augmentation de la taille de ponte chez les oiseaux?

Mousseau & Roff (1987) ont montré qu'il existait une variabilité génétique et une héritabilité non nulles pour les traits comme la "taille de ponte" et la "fécondité" ce qui suggère une évolution potentielle de la taille de ponte (i. e. du nombre d'œufs pondus par site). Il existe en effet une sélection directionnelle significativement différente de zéro qui devrait conduire à une augmentation de la taille de ponte (Boyce & Perrins, 1987; Roff, 1992). Or paradoxalement, aucun changement n'est observé. Trois hypothèses ont été émises pour expliquer cette absence de réponse malgré la sélection directionnelle. Premièrement, les variations observées dans la taille de ponte reflèteraient les variations dans le statut nutritionnel des mères et non des variations génétiques (Price & Liou, 1989). Par conséquent, ces variations phénotypiques non héritables ne peuvent aboutir à une réponse évolutive. Les femelles les mieux nourries produisent les pontes les plus grandes mais cette tendance n'est pas transmise à la descendance. Deuxièmement, l'absence de réponse évolutive serait due aux changements de l'environnement annihilant les avantages évolutifs des pontes de grande taille (Cooke et al., 1990). Supposons que la sélection favorise un trait qui aboutit par exemple, à une meilleure défense du territoire, lui même positivement corrélé à la taille de ponte. Comme attendu, le niveau général de défense va augmenter pour tous les individus. Par conséquent, aucun d'eux n'aura d'avantage et la taille de ponte n'augmentera pas. Enfin, Monaghan & Nager (1997) ont suggéré que les oiseaux ne pondent pas plus d'œufs par nichée car le coût de la production d'une large portée est sous-estimé. Références Bibliographiques 19

L'hypothèse de Lack a été, et est encore, à l'origine des recherches sur la taille optimale de ponte dont le but commun est de déterminer si la taille de ponte moyenne observée est une adaptation aux conditions environnementales et physiologiques moyennes de l'individu. Cette problématique s'inscrit dans le cadre plus large de l'optimisation de l'allocation des ressources entre la croissance, la survie et la reproduction (Levins, 1968). Schaffer (1983) résume cette problématique dans l'expression "Problème Général de l'Histoire de Vie", encore nommée par Charlesworth (1990) "Modèle de l'Effort de Reproduction". Ce modèle prédit que l'effort reproductif optimal repose sur la valeur reproductive résiduelle, c'est-à-dire sur l'hypothèse qu'une augmentation de la reproduction à un instant diminue la reproduction future soit par des effets directs sur la fécondité, soit par une diminution de la survie des parents.

1.A.2.3 - Des ornithologistes aux entomologistes

Depuis les années 1980, la tradition ornithologiste s'est déplacée vers l'entomologie. En entomologie la "taille de ponte" correspond au nombre d'œufs déposés dans un même site. Même si les grands thèmes biologiques demeurent, la spécificité du modèle "insecte" n'autorise pas à appliquer toutes les questions sans un minimum de prudence. Le concept de LCS a été directement adopté par les entomologistes comme une référence théorique (Charnov & Skinner, 1984). La LCS correspondrait au cas où une femelle pond tous ses œufs en une seule fois. La taille de ponte définie par Lack serait alors équivalente à la taille de ponte optimale, c'est-à-dire à celle qui maximise la valeur sélective de la femelle. Cependant, en conditions naturelles, les insectes s'accouplent souvent avec plusieurs partenaires, pondent à plusieurs reprises et généralement dans des sites différents à chaque fois. Ces sites qui peuvent contenir des larves conspécifiques ou appartenant à d'autres espèces, sont en général sélectionnés et nécessitent un temps de recherche non négligeable. Par conséquent, pour pondre, un insecte doit faire face à une séquence décisionnelle qui peut se résumer en trois questions : 1) où pondre les œufs; 2) quand les pondre et 3) combien en pondre dans chaque site (Charnov & Skinner, 1985). Pour nous, c'est cette séquence décisionnelle et les traits de vie associés qui vont définir la stratégie de ponte.

1.B - L'optimisation : une façon de penser

L'analyse des variations en histoire de vie passe par deux approches : l'optimisation et l'analyse génétique. L'optimisation, particulièrement utilisée en "biologie comportementale" cherche à déterminer quelle stratégie adaptative a la plus grande probabilité de succès sur le long terme. Dans l'étude des stratégies de ponte, la Références Bibliographiques 20 détermination de la taille optimale de ponte (Godfray, 1986a) et du temps de recherche des sites (Charnov & Skinner, 1985) ont fréquemment été appréhendés suivant cette théorie. L'approche génétique cherche à décrire l'évolution des fréquences alléliques d'une population et à déterminer les fréquences géniques à l'équilibre. Cette dernière approche est en principe la meilleure puisqu'elle s'intéresse au seul élément capable de créer de la variabilité et donc d'évoluer, le génotype. Cependant, les difficultés techniques inhérentes à la mesure des paramètres nécessaires aux modèles génétiques limitent l'utilisation de cette méthode (Roff, 1992). Enfin, les prédictions à long terme de cette dernière restent peu fiables. Dans la suite, nous présenterons essentiellement la théorie d'optimisation tout en soulignant que les deux approches ne sont pas antagonistes mais complémentaires (Roff, 1992; Moore & Boake, 1994).

1.B.1 - Concept d'optimisation

Il est indéniable que les animaux, après leur passage au travers du crible de la sélection naturelle, présentent une certaine adaptation à leur environnement. La diversité des caractéristiques que nous observons ne peut pas être le produit d'un pur hasard. Cependant en aucun cas, on ne peut affirmer que les être vivants sont parfaitement adaptés et ont atteint l'optimum :

"Natural selection tends only to make each organism being as perfect as, or slightly more perfect than, the other inhabitants of the same country with which it has to struggle for existence. And we see that this is the degree of perfection attained under nature." DARWIN, 1859 (p. 201)

"Selection does not produce perfect genotypes, but it favors the best which the numerous constraints upon it allow." MAYR, 1983.

Dans un environnement donné, la sélection naturelle favorise les stratégies ou génotypes les meilleurs par rapport aux autres alternatives. Ainsi, face aux contraintes d'ordre phylogénétique, physiologique, écologique et mécanique, les stratégies sélectionnées vont être celles qui présentent la valeur sélective (fitness) la plus élevée. Néanmoins, les contraintes évoquées ci-dessus imposent des limites aux variations des traits d'histoire de vie. Par conséquent, la stratégie sélectionnée aux dépens d'autres a priori moins performantes, représentera le meilleur compromis. La théorie d'optimisation reprend ce raisonnement et admet que la sélection naturelle conduit les organismes à adopter la combinaison optimale de traits de vie qui Références Bibliographiques 21 sera favorisée sur le long terme et dans la majorité des cas. Sous ce terme d'optimisation, flanqué par ses détracteurs du label "Programme Adaptationniste" (Gould & Lewontin, 1979), se trouvent les modèles de programmation dynamique (Mangel & Clarck, 1988; Houston et al., 1988), la théorie des jeux (Maynard-Smith, 1982), les modèles traditionnels d'optimalité et les études empiriques qui sous-tendent ces modèles (Moore & Boake, 1994). Les scientifiques ont conscience que toutes les caractéristiques d'un organisme ne sont pas adaptatives, cependant ils cherchent à savoir si les traits de vie qu'ils étudient sont adaptatifs, c'est-à-dire s'ils contribuent à augmenter la valeur de la fitness.

1.B.2 - Les hypothèses de la théorie d'optimisation

Plusieurs hypothèses sont sous-jacentes à la théorie d'optimisation. Ainsi, il est admis d'une part que la sélection naturelle optimise une quantité mesurable, la fitness ou valeur sélective, et d'autre part que les contraintes écologiques, phylogénétiques et les compromis ("trade-offs") entre les traits d'histoire de vie limitent l'ensemble des combinaisons possibles (Stearns, 1989). Une troisième hypothèse repose sur l'existence d'une variation génétique suffisante pour que la combinaison qui maximise la fitness, sous les contraintes précédemment énoncées, puisse apparaître. L'approche d'optimisation consiste à définir un ensemble de règles décrivant le pattern d'histoire de vie de l'organisme. Ces règles peuvent être hypothétiques dans le cas d'un modèle, ou bien réelles c'est-à-dire définies à partir d'une étude expérimentale. C'est l'ensemble de ces règles qui détermine les combinaisons possibles, et fait émerger celle qui maximise la fitness. L'optimisation tente donc d'identifier les pressions de sélection et leurs résultats, les adaptations évolutives. La stratégie optimale obtenue par modélisation fournit un élément de référence théorique qui soulève de nouvelles questions biologiques.

1.B.3 - Les critiques

Bien que la plupart des biologistes admettent que la sélection naturelle soit le moteur de l'évolution des adaptations, de nombreuses critiques ont porté et portent encore sur la théorie d'optimisation. La première réside dans le fait que l'optimisation compartimente l'individu en entités élémentaires, les traits d'histoire de vie, et propose pour chacun d'eux une histoire de vie indépendante (Gould & Lewontin, 1979). Il est évident qu'un organisme est un tout et que l'évolution d'un trait dépend de celle d'autres traits. Le résultat de la sélection est donc un compromis entre les différentes caractéristiques de l'individu. D'ailleurs de nombreux travaux actuels portent sur l'optimisation des compromis et non sur l'optimisation indépendante des différents traits (Houston & Mc Namara, 1986). Par exemple, lors de la modélisation de la taille optimale Références Bibliographiques 22 de ponte McGinley & Charnov (1988) tiennent compte du compromis évolutif qui peut exister entre le nombre et la taille des descendants. La deuxième critique est liée au fait que la théorie d'optimisation s'intéresse aux caractéristiques phénotypiques et non génétiques de l'individu. Selon les détracteurs du Programme Adaptationniste, le phénotype ne peut pas rendre compte de l'évolution. En effet, l'optimisation n'inclut pas les deux processus nécessaires à l'évolution : la sélection au sein même d'une génération et la transmission des différences génétiques aux générations suivantes. La prise en compte dans les modèles du support génétique affinerait sans aucun doute les analyses. Cependant, même si seul un élément nouveau apparu par mutation peut être sélectionné, la présence d'un caractère dans une population est la preuve incontestable que toutes les formes de vie successives qui ont conduit à son apparition étaient viables et sélectionnées (Dawkins, 1982).

Selon Roff (1992), l'utilité de la démarche d'optimisation pourrait se justifier uniquement par les résultats obtenus. La théorie d'optimisation qui s'appuie sur le principe de la sélection naturelle joue donc un rôle fondamental dans la recherche d'une explication adaptative à des phénomènes biologiques. Cependant, les prédictions des modèles d'optimisation, même en incorporant de nombreuses contraintes, peuvent être différentes des observations de terrain. Les modèles servent alors à faire un tri des hypothèses biologiques. Il reste néanmoins indispensable, afin de faire avancer la connaissance, de comparer les prédictions aux données expérimentales de laboratoire ou de terrain (Kacelnick, 1993).

1.C - Choix d'une mesure de fitness

La théorie d'optimisation nécessite le choix d'un paramètre à maximiser. Ce paramètre, la fitness ou valeur sélective, sert à quantifier les avantages relatifs d'une stratégie (ou génotype) par rapport aux stratégies alternatives. La mesure de fitness associée à une stratégie repose sur le succès reproducteur des individus qui adoptent cette stratégie. Ainsi, les stratégies de ponte, de par leur incidence sur le succès reproducteur, sont directement liées à la fitness. La définition précise de cette notion inventée par les biologistes est longtemps restée vague au point que Stearns (1976) la décrivait comme "quelque chose que tout le monde comprend, mais que personne ne peut définir précisément". Nous considérerons la fitness comme une mesure de la contribution génotypique aux générations suivantes, d'un groupe d'individus ayant le même génotype ou stratégie. Elle représente le taux d'accroissement de ce groupe d'individus et constitue une mesure synthétique qui englobe à la fois la fécondité et la survie. L'utilisation d'un seul de ces deux paramètres, comme mesure de fitness, peut conduire à des erreurs si la survie et la fécondité sont négativement corrélées. Références Bibliographiques 23

Le choix d'une mesure de fitness ne doit pas se faire au hasard. Il doit être dicté par les hypothèses sous-jacentes à chaque mesure et à la problématique biologique. Nous allons présenter les principales mesures de fitness rencontrées dans la littérature en distinguant celles applicables à un environnement déterministe de celles à utiliser en environnement stochastique.

1.C.1 - Mesures de fitness en milieu constant et homogène

Bien que tous les milieux soient variables dans le temps et l'espace, il peut être acceptable en première approximation de poser l'hypothèse d'homogénéité et de constance du milieu.

1.C.1.1 - Les différents taux d'accroissement

• Dans un milieu stable et homogène, la mesure de fitness communément adoptée est le taux d'accroissement intrinsèque r. Il correspond à la différence entre les taux instantanés de natalité et de mortalité et représente donc le taux d'accroissement du nombre de copies du génotype étudié. r se calcule à partir du modèle déterministe de croissance populationnelle: dN(t) = rN(t) Û N(t) = N ert (1) dt 0 où N(t) représente la taille de la population à la date t et N0, la taille de la population initiale.

Le taux fini d'accroissement l, aussi nommé taux d'accroissement asymptotique, remplace parfois r. Il se déduit de l'équation (1): rt r t t N(t) = N0e Û N(t) = N0 (e ) Û N(t) = N0l (2)

Dans le cas des modèles structurés, il est possible de représenter l'ensemble des individus porteurs du génotype par un vecteur N(t) dont chaque coordonnée est l'effectif des différents stades ou des différentes classes d'âge à la date t. Le taux d'accroissement l du nombre de porteurs d'un génotype est alors égal à la plus grande valeur propre de la matrice M définie par l'équation : N(t+1) = M.N(t) (Caswell, 1982). • Il est parfois nécessaire de prendre en compte l'état physiologique de l' pour expliquer la stratégie choisie. Ainsi, l'activité des animaux peut être déterminée par leur âge. La population est alors structurée en âge et la mesure de fitness doit en tenir compte. Le taux d'accroissement intrinsèque est alors obtenu en résolvant l'équation d'Euler- Lotka: Références Bibliographiques 24

L L òe- rxl(x)m(x)dx = 1, qui a pour équivalent en temps discret : å e- rxl(x)m(x) =1 0 1 avec l(x) la probabilité de survivre à l'âge x, m(x) le nombre de femelles à l'âge x et L la longévité maximale.

• Le taux de reproduction net R0 qui représente le nombre attendu de descendants femelles produits par une mère au cours de sa vie, est une mesure de fitness intéressante pour étudier les propriétés d'un phénotype à l'équilibre (Stearns, 1992). En programmation dynamique, le nombre moyen de descendants que chaque animal laisse au cours de sa vie (R) est la mesure de fitness la plus souvent choisie (e.g. Iwasa et al., 1984).

1.C.1.2 - Limites et hypothèses de ces mesures

• R ou R0 représente une mesure de fitness adaptée pour une population à générations non chevauchantes et pour laquelle la survie d'une année sur l'autre est nulle. C'est le cas par exemple de nombreux systèmes hôtes-parasitoïdes et de certains insectes univoltins des régions tempérées. R correspond alors au taux d'accroissement du nombre de porteurs du génotype étudié. Kozlowski (1993) préconise l'utilisation de R non seulement dans les populations proches de l'équilibre mais également pour celles structurées spatialement selon le modèle "source-puits" (Pulliam, 1988). En revanche, pour des populations à générations chevauchantes et pour lesquelles la survie d'une année sur l'autre n'est pas nulle (par exemple dans les cas de la diapause prolongée), cette mesure n'est pas la meilleure (Giske et al., 1993). R0 et R ne permettent pas de comparer des génotypes car ils ne prennent pas en compte les temps de génération. Le nombre de descendants de deux individus peut être identique mais pas la date de production de ces descendants. On peut imaginer que les individus produits de façon précoce accèderont à la reproduction plus tôt et pourront répandre plus rapidement leur génotype.

• Les taux d'accroissement r et l permettent de comparer plusieurs génotypes pour une population à générations chevauchantes ou non. Considérons, par exemple, la situation simple où la population est formée uniquement de deux génotypes 1 et 2. N1 et N2 sont les nombres d'individus de stratégie 1 et 2. L'accroissement pendant le temps dt des nombres d'individus porteurs des deux génotypes est représenté par :

dc1 N1N2 N1 = (r1 - r2 ) 2 avec c1 = dt (N1 + N2 ) (N1 + N2 ) La stratégie 1 sera avantagée par rapport à 2 si sa contribution relative c1 augmente, c'est- dc1 à-dire lorsque la dérivée de c1, est positive. Or, le signe de la dérivée de c1 ne dt Références Bibliographiques 25 dépend que de la différence (r1-r2). Par conséquent, la contribution de la stratégie 1 va augmenter si r1>r2.

Le génotype favorisé par la sélection naturelle est celui qui a la plus grande valeur de r ou l, mais le génotype non favorisé ne disparaîtra que si l'effectif total de la population admet une borne supérieure.

1.C.2 - Mesures de fitness en milieu stochastique

Si certains traits d'histoire de vie sont peu sensibles à la variabilité temporelle et spatiale de l'environnement, ce qui permet de considérer l'environnement comme constant, il apparaît nécessaire et logique dans le cas général, de définir une mesure de fitness qui tient compte de cette stochasticité.

1.C.2.1 - Variabilité temporelle

1.C.2.1.1 - La moyenne géométrique des taux d'accroissement

La moyenne géométrique des taux d'accroissements finis (l) est la mesure de fitness adoptée dans la majorité des études, au moins d'un point de vue théorique, pour toute étude en milieu stochastique (Cohen, 1966; Orzack & Tuljapurkar, 1989; Yoshimura & Clark, 1991; Yoshimura & Jansen, 1996; McNamara, 1997). La justification de l'utilisation de cette mesure tient dans le fait que la croissance de la population résulte de la multiplication des taux d'accroissements finis de chaque génération : t N(t) t N(t) = N0l 1l 2...l t = N0Õ l i Û = Õ l i (3) i=1 N0 i=1 t 1 t La moyenne géométrique G = (Õ l i) est donc une variable synthétique qui résume la i=1 N(t) croissance de la population : = Gt N0 De plus, le poids des valeurs extrêmes de l , c'est-à-dire le poids des années exceptionnelles (si t représente les années) n'est pas minimisé : la moyenne géométrique s'annule si une valeur de l prend la valeur zéro.

En pratique, on prend le logarithme de la moyenne géométrique (Lewontin & Cohen, 1969) ce qui conduit à calculer la moyenne arithmétique des logarithmes des taux d'accroissements finis (l i) : Références Bibliographiques 26

1 Log(G) = Log(l ) = E[Log(l )] E désignant l' espérance mathématique t å i i i Pour des modèles structurés, Orzack & Tuljapurkar (1989) ont défini "a", le taux 1 N(t) d'accroissement stochastique a = lim[ E(log )] lorsque t tend vers l'infini. "a" se t N0 détermine par simulation ou par approximation.

1.C.2.1.2 - Exemple théorique

Pour justifier la nécessité de choisir la moyenne géométrique comme mesure de fitness en milieu fluctuant, nous relatons l'exemple théorique tiré de Stearns (1992) et concernant les stratégies de ponte. Supposons que la variabilité environnementale se traduise par l'existence de deux types d'années, les bonnes (BA) et les mauvaises (MA), et que leur probabilité d'apparition soit la même (0.5). Soient deux stratégies de ponte S1 et S2 qui se différencient par le nombre d'œufs pondus suivant les années. Les individus qui suivent la stratégie S1 pondent 5 œufs les bonnes années et 2 les mauvaises. Selon S2, le nombre d'œufs déposés suivant les bonnes et mauvaises années vaut respectivement 4 et 3. La moyenne arithmétique ne discrimine pas les deux stratégies de ponte (Tableau 1). Cette mesure de fitness, qui n'intègre pas la variabilité aléatoire de l'environnement, indique la même fitness pour deux stratégies. En revanche la moyenne géométrique permet de mettre en évidence une différence de fitness entre S1 et S2. Les individus du génotype S2 qui maximisent leur moyenne géométrique en minimisant la variance sont moins désavantagés que les individus de stratégie S1, fortement affectés lors des mauvaises années.

Tableau 1 - Comparaison des moyennes arithmétique et géométrique pour des génotypes ayant des stratégies de ponte S1 et S2. S1 et S2 diffèrent par le nombre d'œufs pondus suivant les années (cf. texte).

Stratégie de ponte Nombre total Moyenne Moyenne Variance d'œufs pondus arithmétique géométrique S1 42 3.50 3.16 1.57 S2 42 3.50 3.46 0.52

1.C.2.1.3 - Application de la moyenne géométrique

L'utilisation de la moyenne géométrique se fait à partir d'une approximation connue sous le nom de "la méthode de la moyenne-variance" (Yoshimura & Clark, 1991; Yoshimura & Jansen, 1996). Ainsi, G est définie à partir de la moyenne arithmétique et de la variance des l, par : Références Bibliographiques 27

2 G » - avec : moyenne et 2: variance des 2 Cette formule traduit le "trade-off" ou compromis entre la moyenne arithmétique m et la variance s 2. La sélection naturelle peut maximiser la fitness soit en augmentant la moyenne arithmétique soit en diminuant la variance. L'intégration de ce compromis avait été réalisée, sans être formulé précisément, par Den Boer (1968) dans sa description écologique des stratégies d'étalement des risques. La formalisation mathématique et la définition du terme de "bet-hedging" sont dues à Slatkin (1974) (voir Philippi & Seger, 1989; Seger & Brockmann, 1987 et Menu, 1992 pour des revues détaillées et récentes sur le bet-hedging).

1.C.2.2 - Variabilité spatiale

Roff (1978) présente un modèle simple de variabilité spatiale. Soit une femelle qui pond dans n patchs de qualité inconnue. La distribution des descendants dans les patchs est aléatoire et pour un patch i correspond un taux d'accroissement ri. Le taux d'accroissement global r, pour une femelle, est alors la somme de tous les ri :

r r ri e = å e donc r = ln(å e ) = ln(å l i) i i i Dans ce cas, une mesure appropriée est la moyenne arithmétique des taux d'accroissement finis l i. La prise en compte de la variabilité spatiale augmente considérablement la difficulté d'utilisation de G (Yoshimura & Jansen, 1996) et reste une des perspectives de recherche pour les théoriciens.

1.C.2.3 - Conclusions

La moyenne géométrique G des taux d'accroissement finis s'impose à l'évidence comme la mesure de fitness appropriée en milieu variable dans le temps. Elle est applicable quels que soient le trait d'histoire de vie étudié et la structure de la population (Yoshimura & Clark, 1991). De même, son utilisation en milieu déterministe n'induit pas d'erreur. En effet, pour une valeur de l constante dans le temps, la moyenne arithmétique et la moyenne géométrique sont égales. G apparaît donc comme une mesure généraliste et relègue les modèles déterministes au rang de cas particuliers (Roff, 1992). Malgré la reconnaissance théorique de G, les validations de la théorie stochastique par des études empiriques restent rares; la plupart d'entre elles fournissent des faisceaux de données convergentes, mais ne constituent pas des preuves irréfutables (Yoshimura & Jansen, 1996). Références Bibliographiques 28

2 - La taille de ponte : variable synthétique de la stratégie de ponte

Le nombre d'œufs pondus dans un site est un trait d'histoire de vie fondamental chez les insectes phytophages et parasitoïdes (Stamp, 1980; Courtney, 1984). Ce trait d'histoire de vie résume en grande partie la stratégie de ponte d'un insecte. En effet, après avoir cherché et choisi un site de ponte, la femelle doit décider combien d'œufs pondre, cette décision étant conditionnée par son "état physiologique" et par les facteurs environnementaux. Le nombre d'œufs dans un site résulte de la ponte d'une ou de plusieurs femelles. Dans un premier temps nous nous intéresserons au cas de la ponte d'une seule femelle par site.

2.A - Taille de ponte déterminée par une seule femelle

2.A.1 - Relation entre la taille de ponte, la qualité et la quantité des sites

2.A.1.1 - Taille de ponte et qualité des sites

2.A.1.1.1 - Évaluation de la qualité des sites par les insectes

L'évaluation de la qualité des sites de ponte est une problématique typique des relations plantes-insectes dont la littérature regorge d'exemples. Nous ne donnerons ici qu'un aperçu des mécanismes impliqués. Face à un ensemble de sites de ponte disponibles, une femelle doit "décider" où pondre ses œufs. De l'évaluation de la qualité des sites de ponte qui repose sur la capacité des femelles à percevoir et interpréter différents indices, va dépendre la sélection des sites. Celle-ci, comme tout comportement, est induite par quatre grands types de facteurs : les facteurs proximaux (ou écologiques), ontogéniques (tel que l'apprentissage), phylogénétiques et la sélection naturelle (Charnov & Skinner, 1985). Parmi les facteurs proximaux les plus étudiés, les interactions biotiques peuvent servir de critère de qualité. Ainsi, la punaise Elasmucha grisea ne pond pas dans les sites où les fourmis prédatrices des nymphes sont présentes (Mappes & Kaitala, 1995). La qualité d'un hôte peut être liée à sa taille ou à son état de développement. Chez ruficauda (Diptera) la femelle pond uniquement dans les bourgeons de Cirsium palustre qui ont atteint le cinquième stade de développement. Ainsi, les larves de T. ruficauda disposent d'un hôte dont la taille maximise la survie larvaire (Rivero-Lynch & Jones, 1993). Le choix en fonction de la taille du site de ponte a été observé dans de nombreux cas. Mitchell (1975) relate que Références Bibliographiques 29

Callosobruchus maculatus, une bruche du haricot, pond préférentiellement dans les hôtes de grande taille. L'ensemble des caractères morphologiques qui contribuent à la sélection d'un hôte est résumé par le concept "d'apparence" (Feeny, 1976). La composition chimique constitue un indice majeur dans le processus de sélection des hôtes (Courtney & Kibota, 1991). D'autres facteurs proximaux tels que l'état physiologique de l'insecte (Mangel, 1989) et les variations climatiques interviennent (Courtney & Kibota, 1991). Chez les insectes à durée de vie courte, la sélection des hôtes peut être appréhendée comme une stratégie "d'optimal foraging" (Hassell & Southwood, 1978; Mangel, 1987). Les insectes maximisent leur gain de fitness sur la durée de vie en sélectionnant les sites de ponte. Il peut ainsi être plus avantageux, suivant l'état physiologique de la femelle, de pondre dans un site de moindre qualité que de rechercher un site de haute qualité. La corrélation positive généralement observée entre la performance larvaire et le fait de sélectionner ses sites de ponte traduit l'avantage de ce comportement. Cependant, cette relation n'est pas universelle (Thompson, 1988). Selon Valladares & Lawton (1991), plusieurs hypothèses non exclusives peuvent expliquer cette absence de corrélation : - la mesure choisie pour estimer la performance larvaire n'est pas adéquate, - les individus au sein de la population présentent différentes stratégies de sélection des hôtes. Par conséquent, les mesures effectuées à l'échelle de la population masqueraient cette variabilité entre individus et empêcheraient la détection des bénéfices, - à l'échelle évolutive, les changements dans les choix des sites de ponte par les adultes se feraient plus vite que les répercussions sur la performance larvaire.

2.A.1.1.2 - Variations de la taille de ponte en fonction de la qualité des sites

Le nombre de descendants par site de ponte dépend souvent de la quantité de ressources disponibles pour chaque larve, donc de la taille du site (Salt, 1961; Luck et al., 1982; Godfray, 1986b). Chez le parasitoïde Nasonia vitripennis, la variabilité de la taille des pontes suggère que le nombre d'œufs déposés par site est une réponse plastique et adaptative à la variation de taille des hôtes. Le nombre d'œufs pondus est toujours inférieur à 10 dans les plus petits hôtes (la mouche Formia regina); en revanche, pour une taille d'hôte supérieure, 48% des pontes contiennent plus de 10 immatures (Charnov & Skinner, 1984). La plasticité phénotypique peut s'exprimer en fonction de la qualité des sites. Ainsi, Freese & Zwölfer (1996) montrent que la taille de ponte chez la mouche Urophora cardui varie en réponse aux différences de quantité de tissus méristématiques au sein des bourgeons de .

D'un point de vue théorique, Skinner (1985) a montré que pour un temps de recherche constant, et pour une femelle pondant dans un seul hôte, la taille optimale de Références Bibliographiques 30 ponte nopt augmente avec la valeur v de l'hôte (mesurée par la taille et la qualité de l'hôte) v suivant la relation : n = opt 1+ s où s représente un indice de compétition larvaire au sein du site; il détermine la forme de la relation entre le nombre de descendants et la fitness. De même, la taille optimale de ponte croît avec la qualité des hôtes lorsqu'on considère le cas plus réaliste d'une femelle infestant plusieurs hôtes au cours de sa vie. La relation entre nopt et v devient (Skinner, 1985) : vt 1+s n = - kt + (k2t2 + r ) avec k = ; t : temps de recherche d 'un site de ponte opt r r rs 2s r et r le taux de ponte supposé constant au cours de la vie de la femelle .

Les prédictions du modèle de Skinner (1985) ne sont pas universelles. En effet, Roff (1992 p.334) montre qu'il est possible de construire graphiquement des fonctions pour lesquelles la taille de ponte optimale décroît avec la qualité des hôtes.

2.A.1.2 - Qualité des sites et Distribution Libre Idéale

La qualité des sites de ponte conditionne la distribution des immatures dans les hôtes. Si le nombre de sites de ponte, distribués en tâches, n'est pas limitant et si les femelles sont toutes identiques, omniscientes, c'est-à-dire parfaitement capables d'estimer la qualité des sites, et totalement libres de se déplacer d'un site à un autre, alors elles devraient choisir le meilleur site pour leur descendance et pondre leurs œufs selon une Distribution Libre Idéale (IFD: "Ideal Free Distribution"; Fretwell & Lucas, 1970; Whitham, 1980; Kacelnick et al., 1992; pour une revue voir Tregenza, 1995). Selon cette théorie, les femelles devraient ajuster le nombre d'œufs pondus en fonction de la qualité des hôtes et ainsi le gain de fitness par descendant serait identique que les descendants se développent dans un site de mauvaise qualité ou de bonne qualité (Fig. 3). Références Bibliographiques 31

site de bonne qualité

site de mauvaise qualité

A B WA = WB WA = WB

NA NB Nombre de compétiteurs

Fig. 3 - Distribution Idéale Libre : un nombre élevé NB de compétiteurs dans un site de bonne qualité procure le même gain de fitness W (WA = WB) qu'un nombre NA restreint de compétiteurs dans un site de mauvaise qualité.

Cette théorie développée pour les systèmes proie-prédateur a très peu été appliquée dans le cadre des relations plantes-insectes afin d'expliquer les distributions des immatures par hôte. Il faut cependant citer Valladares & Lawton (1991) selon lesquels le taux d'émergence de Phytomyza ilicis (Diptère) resterait constant sous la pression du parasitisme, indépendamment de la qualité de la plante hôte, le houx Ilex aquifolium, ce qui conduirait à une IFD. Il est légitime de se demander si la mesure de fitness choisie dans cette étude, le taux d'émergence, est adéquate. En effet, le nombre d'adultes émergeant par site ne présume en rien de leur qualité et donc de leur valeur sélective. De plus, pour valider l'hypothèse de l'IFD il faudrait manipuler et changer la distribution spatiale des œufs. En effet, seul un changement dans la distribution permettrait de mettre en évidence une variabilité du gain de fitness par individu. Par conséquent, tester une IFD pose certains problèmes lors d'études de terrain.

2.A.1.3 - Taille de ponte et quantité de sites disponibles

La sélection de certains sites de ponte peut impliquer que d'autres sont évités. Le nombre de sites présents dans l'habitat ne correspond alors pas à celui dont une femelle dispose pour pondre. Dans ce cas, la quantité de ressources utilisables (Andrewartha & Birch, 1954) peut devenir limitante et engendrer des modifications des tailles de ponte. L'augmentation des tailles de ponte avec la raréfaction des sites de ponte est due soit à l'accroissement du nombre d'œufs déposés à chaque acte de ponte ou bien à des retours successifs de la même femelle sur le même site. Les infestations multiples observées par Fox et al. (1996) sur le charançon Stator limbatus correspondent au deuxième cas de Références Bibliographiques 32 figure. Il en est de même chez la mouche de la pomme, pomonella : 10% des mouches privées d'hôte pendant 5 minutes pondent dans un fruit qui était déjà infesté. Le taux d'infestation multiple passe à 60% et à 80% lorsque l'absence de fruits se prolonge respectivement à 20-40 et 80 minutes (Roitberg & Prokopy, 1983). Mais il existe de nombreux exemples de marquage des sites, avec des espèces voisines, ce qui exclut le retour de la même femelle et la ponte d'autres femelles dans le même site (Prokopy et al., 1984). Une des conséquences directes de la réduction du nombre des sites aptes à recevoir des œufs, est l'augmentation du temps de recherche entre deux sites de ponte successifs. Ce problème a été formalisé par Skinner (1985) sous la forme du concept de l'"optimal foraging". Une femelle maximiserait sa fitness non pas par le nombre d'œufs pondus dans un seul hôte mais par sa productivité par unité de temps. Le modèle intègre des paramètres temporels tels que le temps de recherche des hôtes et le temps nécessaire à la ponte d'un ou plusieurs œufs. Ce temps de ponte correspond au nombre d'œufs pondus en un seul acte de ponte, multiplié par la durée de production d'un œuf. Pour simplifier l'interprétation biologique, l'unité de temps a été calquée sur le temps nécessaire pour produire et pondre un œuf. La taille de ponte optimale est calculée à partir de la méthode dite du "théorème de la valeur marginale" (Charnov, 1976; Skinner, 1985). Quand le temps de recherche croît (tr2>tr1; Fig. 4), la taille optimale de ponte augmente (n2>n1), mais reste strictement inférieure à la taille de ponte la plus productive, celle de Lack, qui correspond selon le théorème de la valeur marginale à un temps de recherche infini.

tr2 tr1 n1 n2 LCS

Temps de recherche, tr Temps de ponte

Fig. 4 - Méthode graphique pour calculer la taille de ponte pour un insecte qui recherche les sites de ponte. La taille optimale de ponte est définie par le point de rencontre entre la tangente et la courbe de productivité par ponte. Le temps de recherche tr détermine l'origine de cette tangente. Les tailles de ponte n1 et n2 correspondant aux temps de recherche tr1 et tr2, sont déterminées selon le théorème de la valeur marginale (voir texte). LCS représente la "Lack Clutch Size" ; t¥ représente un temps de recheche infini. Références Bibliographiques 33

L'allongement du temps de recherche d'un nouveau site de ponte peut augmenter la probabilité de mourir entre deux sites, ce qui se traduit par une augmentation de la taille de ponte optimale (Parker & Courtney, 1984; Mangel, 1987).

Le temps de résidence sur un patch ou un site de ponte peut lui aussi conditionner la ponte. Les études relatives à cette problématique tentent de répondre à la question suivante : combien de temps une femelle doit-elle rester sur un site de ponte avant de partir à la recherche de nouveaux sites potentiellement de meilleure qualité (e.g. Roitberg & Prokopy, 1984). Le temps de résidence va donc dépendre de l'âge des femelles, du nombre d'œufs leur restant à pondre, de la qualité des hôtes précédemment rencontrés du temps écoulé depuis la dernière ponte ou du temps passé dans un site contenant plusieurs hôtes (Driessen et al., 1995). Nous n'avons pas choisi de décrire dans les détails ces études car, à notre connaissance, elles restent pour l'instant limitées au laboratoire, essentiellement pour des raisons pratiques. 2.A.2 - Taille de ponte et qualité des femelles

2.A.2.1 - Apprentissage et état physiologique des femelles

Les variations de la taille de ponte au cours de la vie des femelles sont parfois liées aux expériences vécues par ces femelles. Ces modifications du comportement via des expériences sont désignées sous le terme d'apprentissage (Szentesi & Jermi, 1991). Les femelles du papillon Pierisrapae sont sensibles à la couleur et la composition chimique des sites de ponte qu'elles rencontrent alors qu'elles sont gravides. Tout changement apporté dans les caractéristiques des sites de ponte provoque une modification du nombre d'œufs déposés (Traynier, 1987). L'état physiologique d'une femelle qui se résume en général à son âge, son stock d'œufs matures et l'espérance de vie que lui confèrent ses réserves énergétiques, peut influencer la taille de ponte définie comme le nombre d'œufs déposés par acte (Mangel, 1989a; Sirot & Bernstein, 1997). Prenons l'exemple du stock d'œufs disponibles chez une femelle. Quand une femelle préovogénique vieillit, son stock d'œufs ne peut que décroître à chaque acte de ponte. Par conséquent, la probabilité que le stock soit épuisé avant qu'elle ne meure augmente, ce qui favorise les pontes de petite taille. Ainsi, chez le parasitoïde Aphytis lingnanensis l'état du stock d'œufs disponibles conditionne la taille de ponte (Rosenheim & Rosen, 1991). De nombreux modèles prédisent que la taille de la ponte se réduit chez les femelles âgées, au fur et à mesure que le nombre d'œufs disponibles s'amenuise (Parker & Courtney, 1984; Iwasa et al., 1984; Mangel, 1987).

2.A.2.2 - Taille et nombre de descendants Références Bibliographiques 34

Pour une même femelle, la taille des œufs peut varier. Cette variabilité est communément attribuée à celle de l'état physiologique (Parker & Begon, 1986; Begon & Parker, 1986; Fox, 1993; Fox, 1994) : une femelle âgée pond en général des œufs de plus petite taille. Or, la taille des œufs conditionne souvent la performance future de l'individu. Ainsi, chez la bruche Callosobruchusmaculatus , les œufs de grande taille se développent plus vite et donnent des adultes plus grands que ceux de petite taille (Fox, 1993; 1994). Par conséquent, ces adultes ont accès à la reproduction avant les autres et leur génotype pourrait se répandre plus rapidement dans la population. Cette variabilité de la taille des œufs est-elle une réponse plastique aux conditions environnementales? Au laboratoire, les femelles de Callosobruchusmaculatus utilisent la densité d'adultes au sein de leur population "pour estimer" l'intensité d'une éventuelle compétition larvaire (Kawecki, 1995). Lorsque la densité s'élève, elles anticipent et pondent de gros œufs, plus aptes à supporter les effets néfastes de la compétition. Ce résultat rejoint les prédictions de Sibly & Calow (1983) et de Parker & Begon (1986) selon lesquelles de gros œufs devraient être pondus lorsque les conditions rencontrées par les descendants sont difficiles (compétition, famine, ...). Une étude menée au laboratoire montre que chez le charançon Stator limbatus la taille des œufs est une réponse plastique et adaptative, non plus à la densité des adultes mais à la qualité de la plante hôte (Fox et al., 1997) et ce indépendamment de l'état nutritionnel de la femelle. La femelle qui est synovogénique pond ses œufs sur deux hôtes, les graines de Cercidium floridum et d'Acacia gregii. Les œufs déposés sur C. floridum sont significativement plus gros que sur A. greggii. Cette différence de taille est due à la survie différentielle : sur C. floridum, les œufs de grande taille donnent de grosses larves plus aptes à perforer le tégument des graines. Les individus de forte taille ont donc une meilleure survie larvaire sur C. floridum. Si une femelle est dans un premier temps privée d'hôte, les œufs pondus par la suite, quel que soit l'hôte, sont plus petits que ceux pondus habituellement sur C. floridum mais non significativement différents de ceux déposés sur A. gregii. Lorsqu'on intervertit les hôtes, les femelles élevées jusqu'au dépôt de leur premier œuf en présence d'une des deux espèces de graines réajustent progressivement la taille de leurs descendants au nouvel hôte qui leur est proposé. De plus, les femelles conditionnées à pondre de gros œufs produisent des œufs qui ont une fitness plus élevée sur C. floridum, comparativement aux œufs déposés par les femelles conditionnées à en pondre de petits. En revanche, les femelles issues de la population dont l'hôte est représenté par A. gregii, déposent un nombre plus important d'œufs que celles pondant de gros œufs. Cet exemple illustre l'existence d'un compromis entre le nombre et la taille des descendants. Les avantages adaptatifs (Parker & Begon, 1986; Rossiter, 1991) liés à la variabilité de la taille des œufs ne constituent pas une règle générale. Chez le papillon Epirrita autumnata la décroissance de la taille des œufs en fonction de leur rang de ponte Références Bibliographiques 35 n'a d'effet ni sur la masse des nymphes, ni sur la fécondité : les plus gros œufs qui sont les plus précoces n'ont pas une valeur sélective supérieure aux petits et tardifs (Ruohomäki et al., 1993). Ces résultats corroborent l'hypothèse selon laquelle le déclin de la taille des oeufs selon le rang de ponte n'est pas adaptatif et correspondrait à une contrainte mécanique : la raréfaction des ressources nécessaires à la production des œufs (Wilkund & Karlsson, 1984). Alors qu'il semble souvent avantageux d'avoir des descendants de grande taille, aucune tendance à un accroissement de la taille des jeunes n'est observée. La première hypothèse explicative est que les gros œufs ne sont pas toujours avantagés. Il n'existe alors aucune relation entre la taille des descendants et leur performance future (Wiklund & Karlsson, 1984; Karlsson & Wiklund, 1984). Il est possible que la variabilité de la taille des œufs n'ait une influence sur la performance que dans des conditions difficiles telles que la compétition, le manque de nourriture ou la mauvaise qualité de cette nourriture. Karlsson & Wiklund (1984) suggèrent l'existence d'un seuil au dessus duquel la taille des œufs n'a plus d'effet bénéfique sur les descendants. Une taille élevée pour un descendant ne serait avantageuse que par exemple dans certains environnements hétérogènes (Ruohomäki et al., 1993). La deuxième explication tient dans l'existence de compromis comme celui entre le nombre et la taille des descendants (Smith & Fretwell, 1974), qui empêche la croissance continue de la taille des œufs. Une femelle doit choisir parmi un panel d'alternatives possibles dont les deux extrêmes sont : pondre beaucoup d'œufs de petite taille, ou bien pondre peu d'œufs de grande taille. Ce compromis ne peut être présent que s'il existe des contraintes mécaniques et/ou des ressources limitantes (Berrigan, 1991). Ainsi, l'insecte le plus petit du monde (< 1 mm), le coléoptère Ptiliidé du genre Bambara produit des œufs de 0.32 mm. Il est donc logique qu'il n'en ponde qu'un à la fois.

2.A.2.3 - Les coûts liés à la taille de ponte produite

En biologie évolutive, la théorie considère que la reproduction engendre un coût soit écologique telle que la prédation, soit physiologique en termes de survie et de fécondité futures (Williams, 1966). La ponte, partie intégrante de la reproduction, nécessite très vraisemblablement une dépense énergétique forte. Par conséquent, selon le principe de l'Allocation (Levins, 1968) et si les ressources de l'organisme sont en quantités limitantes, certaines fonctions somatiques sont négligées aux dépens des fonctions de reproduction. Il existe alors un compromis entre les deux types de fonctions. Un des exemples les mieux illustrés concerne la diminution de la durée de vie des mâles de Drosophila melanogaster en relation avec leur activité sexuelle (Partridge & Farquahr, 1983). Références Bibliographiques 36

Reznick (1985; 1992) recense quatre méthodes pour tester le coût de la reproduction : l'étude des corrélations phénotypiques, par exemple entre la taille de ponte et la survie des adultes, à partir de données observationnelles non manipulées, des expériences de manipulations telles qu'une modification de la taille de ponte, l'estimation des corrélations génétiques par des analyses de parenté ou grâce à des expériences de sélection. Dans ces dernières, le principe consiste à sélectionner un trait et à étudier la réponse corrélée d'un second trait. L'utilisation des corrélations phénotypiques est remise en cause car la relation observée peut dépendre de nombreuses autres covariables (Pease & Bull, 1988). Les manipulations ont le mérite de pouvoir établir le mécanisme générant le coût. Elles permettent la mise en évidence des compromis phénotypiques, mais n'autorisent pas à conclure sur leur intérêt évolutif. En effet, l'évolution ne peut se faire que s'il existe pour le trait étudié une variation génétique. Il apparaît donc nécessaire pour asseoir de façon irréfutable l'aspect évolutif d'un trade-off, de réaliser des analyses génétiques telles que l'estimation des corrélations génétiques (Roitberg, 1989). Considérons plusieurs exemples illustrant ces méthodes. Chez la mouche Rhagoletis basiola, il existe une corrélation phénotypique négative entre la reproduction et la survie (Roitberg, 1989). Les femelles libres de pondre présentent une mortalité supérieure à celles privées de sites de ponte qu'elles soient accouplées ou non. La réduction de la longévité semble entièrement déterminée par l'activité de ponte. Chez la bruche Callosobruchusmaculatus , la diminution de la longévité peut être due à la présence des sites de ponte, indépendamment de l'activité reproductrice (Fox & Tatar, 1994). L'augmentation de la mortalité de C. maculatus a été interprétée comme suite à l'émission de substances allélochimiques par les graines, aux dépenses énergétiques engendrées par la recherche des sites, à la dessiccation des insectes en présence des graines sèches. Enfin, la mise en évidence des coûts est fortement liée aux conditions rencontrées par les organismes étudiés. Ainsi, des conditions stressantes sont plus propices à la détection d'un coût (Reznick, 1985; Bell & Koufopanou, 1988). Le compromis entre la taille de la ponte et la survie future de la mère peut être indécelable si la femelle se sustente avant la ponte. La quantité d'énergie absorbée suffit à compenser la dépense énergétique de la ponte (Stearns, 1992). En conditions de laboratoire, peu d'études ont réussi à montrer des corrélations négatives entre la reproduction et la fécondité future, alors que ces corrélations ont été soulignées in natura. En effet la mise en évidence du coût nécessite d'expérimenter en conditions stressantes pour les organismes. Démontrer à un instant donné et dans un lieu donné qu'un organisme ne présente pas de coût ne constitue pas une preuve définitive suffisante pour rejeter l'hypothèse du coût.

2.A.3 - Taille de ponte et trait d'histoire de vie des descendants Références Bibliographiques 37

2.A.3.1 - La compétition larvaire

L'augmentation de la taille de ponte ou simplement une taille de ponte élevée dans un site dont la ressource est limitée, peut conduire à une compétition entre les individus de la portée (Brockelmann, 1975). Nous définirons la compétition intraspécifique comme une interaction entre individus d'une même espèce, par exemple au sein d'une population, provoquée par la nécessité de partager une même ressource en quantité insuffisante et entraînant une diminution de la fitness chez les compétiteurs.

2.A.3.1.1 - Types de compétition et ressources

Il est conventionnel de décrire la compétition selon la dichotomie "contest" et "scramble". Nicholson (1954) distingua ces deux types théoriques de compétition sur la base de l'utilisation des ressources. Le premier type de compétition aussi appelé "interférence" (Bakker, 1969) est applicable aux situations où certains compétiteurs obtiennent une plus grande quantité de ressource aux dépens des autres en les empêchant d'accéder aux ressources. Généralement, ce partage inéquitable résulte d'interactions physiques entre les compétiteurs et dépend donc de la mobilité des individus, de leur probabilité de se rencontrer et de leur degré d'agressivité. Le degré ultime de l'interférence aboutit au cannibalisme (Crowley et al., 1987). Le type "scramble" ou "exploitation" (Bakker, 1969) apparaît lorsque tous les compétiteurs se partagent équitablement les ressources convoitées. Actuellement la distinction entre ces deux grands types de compétition qui définissent les extrêmes d'un continuum écologique (Begon et al., 1986), se fait plus sur les conséquences de la compétition que sur les processus. En effet, il est beaucoup plus facile de détecter et quantifier les effets de la compétition que de définir les mécanismes. L'existence d'une compétition implique que la ressource convoitée soit limitante. Une ressource se définit comme une substance consommable menant à une augmentation de la croissance de la population, quand sa disponibilité croît dans le milieu (Tilman, 1980; 1982). La nature de ces substances est multiple : la nourriture, la plus commune et la plus étudiée, l'espace (sites de ponte, abri contre la prédation, le parasitisme et les des conditions défavorables) et le temps. Sans être une ressource consommable au sens de Tilman, le temps est intimement lié aux processus de compétition. Ainsi, une ressource présente dans un laps de temps très bref peut être source de compétition uniquement parce que sa durée de vie est faible. Outre le fait que la quantité de ressources disponibles peut être limitée par leur "durée de vie", la qualité des ressources peut considérablement réduire la quantité de ressources dont les animaux disposent réellement. La distinction Références Bibliographiques 38 entre ressources présentes et utilisables doit donc intégrer l'échelle spatiale et temporelle de l'étude. En effet, une ressource peut être limitante à l'échelle locale sans l'être à l'échelle de la population (Legay & Debouzie, 1985).

2.A.3.1.2 - Conséquences de la compétition

La compétition intraspécifique est considérée comme un des processus majeurs de la régulation des populations. Ses effets se répercutent aussi bien sur la qualité que sur la quantité des individus (Klomp, 1964). La durée de développement embryonnaire et larvaire peut se retrouver accentuée ou diminuée, selon la densité larvaire et/ou l'espèce (e.g. Sullivan & Sokal, 1963; Debouzie, 1977; Broadie & Bradshaw, 1991; Griffiths, 1993). Le ralentissement de la vitesse de développement sous la pression de la compétition permettrait aux insectes de rester plus longtemps dans leur milieu larvaire afin d'atteindre le poids minimal pour survivre à l'état adulte (Simmons, 1987). A l'opposé, Meats (1971) affirme que la vitesse de développement est le trait d'histoire de vie fondamental et que par conséquent, la meilleure stratégie pour les animaux est de maintenir leur vitesse de développement constante quels que soient les pressions de sélection et le coût à payer en termes de diminution de poids. De cette façon, les animaux diminuent les risques de mortalité préreproductive (Pashley et al., 1995). L'hypothèse de Meats ne peut bien entendu s'appliquer qu'aux organismes dont le poids n'est pas corrélé à la vitesse de développement. La compétition peut aussi avoir des conséquences sur l'entrée en diapause. Des facteurs biotiques tels que la quantité de nourriture et/ou la densité larvaire peuvent aussi contrôler l'entrée en diapause, bien que le principal facteur induisant une diapause est la photopériode (Menu, 1992). Le taux de diapause chez Diprion pini augmente avec la dégradation de la nourriture et la densité (Géri et al., 1988). Les larves de la tordeuse, Cydia pomonella, présentent un taux de diapause plus élevé quand elles se développent à plusieurs dans la pomme que lorsqu'elles sont seules dans un fruit (Brown et al., 1979). Sous la pression de la compétition, certaines larves peuvent être amenées à quitter leur hôte d'origine afin d'éviter une concurrence trop sévère. Chez le charançon Rhizopertha dominica un ravageur des denrées stockées, la présence préalable d'une larve favorise le départ de l'autre; la larve la mieux armée pour la compétition pousse par des interactions physiques la plus faible à partir du site (Crombie, 1944).

Il résulte en général de la compétition une diminution de la taille larvaire qui est positivement corrélée au taux de survie larvaire. Cependant, il existe chez de nombreux insectes un poids minimal des larves à atteindre pour qu'elles réussissent à se transformer en imagos. Une densité excessive peut alors conduire, dans le cas d'une compétition Références Bibliographiques 39

"scramble" pure, à la mort de tous les descendants. La réduction de la taille en réponse à une contrainte telle que la compétition serait selon Beaver (1973) une stratégie évolutive. Elle permettrait de compenser jusqu'à un certain point le surpeuplement en offrant une alternative à l'augmentation de la mortalité. Outre les effets directs sur les traits d'histoire de vie larvaires, la compétition a des effets différés sur les traits d'histoire de vie adultes tels que la taille, la fécondité et la longévité des femelles (Klomp, 1964). Parmi ces différentes caractéristiques adultes la taille apparaît comme le trait primordial. L'activité des femelles du parasitoïde Aphaerata minuta est conditionnée par leur taille corporelle : elles sont d'autant plus efficaces dans la recherche d'hôtes qu'elles sont grosses (Visser, 1994). De même, la taille détermine les principales composantes de la fitness: la survie larvaire et la fécondité réalisée (Klingenberg & Spence, 1997). De nombreuses études de laboratoire montrent, en effet, que la fécondité potentielle est corrélée à la taille corporelle (Honeck, 1993). Cependant, la nature de cette relation en conditions naturelles et l'intérêt de telles études limitées au laboratoire sont actuellement remis en question (Visser, 1994; Tammaru et al., 1996; Ode et al., 1996). L'influence des facteurs environnementaux, leur hétérogénéité dans l'espace et le temps, ainsi que les différences d'allocation des ressources entre la croissance et la reproduction ne permettent pas de tirer une règle générale représentative de tous les insectes (Chevrier & Vernon, 1992). Au laboratoire, l'influence de la taille des larves d'Achrysochaoides zwoelferi (Hymenoptera) sur leur fitness est plus faible voire inexistante qu'in natura (West et al., 1996). A l'opposé, Visser (1994) et Kazmer & Luck (1995) concluent respectivement chez Aphaereta minuta et chez Trichogramma pretosium, que la fitness croît moins vite avec la taille des femelles en conditions naturelles qu'au laboratoire. La compréhension de la relation taille-fitness demeure un des enjeux de la biologie évolutive (Godfray et al., 1991).

2.A.3.1.3 - Asymétries et hiérarchie dans la compétition

Les réponses à la compétition peuvent varier entre individus au sein d'une même portée. Pour une intensité de compétition donnée, les immatures mâles et femelles peuvent être affectés différemment (Ode et al., 1996). Cette réponse asymétrique dépendante du sexe de l'individu s'inscrit dans le cadre des asymétries sexuelles liées à la compétition (Godfray, 1986a). De plus, la variabilité dans la taille des œufs pondus peut permettre aux plus gros immatures de subir la compétition avec moins d'effets néfastes. L'avantage (ou désavantage) d'une larve à un stade précoce va être accentué au cours de la vie larvaire, sous l'effet de la compétition (Wall & Begon, 1985). Cet effet hiérarchique repose sur les différences d'aptitudes à subir la compétition et ne fait en rien appel à une quelconque structure sociale. Ces asymétries enregistrées pendant les stades larvaires persistent ou s'accentuent au stade imaginal. Par exemple, les larves de Drosophila Références Bibliographiques 40 melanogaster les moins compétitives deviennent les imagos les plus petits, ou ceux ayant une longévité et une fécondité réduites (Prout & McChesney, 1985).

2.A.3.2 - L'agrégativité : un avantage évolutif?

Malgré les effets délétères de la compétition intraspécifique, il n'est pas rare d'observer des pontes en paquet chez les insectes phytophages (Courtney, 1984). Les avantages en terme de survie liés à la densité sont connus sous le terme de facilitation. La mouche Urophora cardui présente une mortalité qui diminue et un poids larvaire qui croît avec le nombre de larves par galle (Freese & Zwölfer, 1996), au moins jusqu'à un certain effectif. Ces effets de groupe (Allee et al., 1949) se manifestent aussi sur la fécondité car le poids larvaire est corrélé au poids des adultes qui détermine la fécondité. Si la recherche d'une proie et/ ou d'un hôte se fait au sein d'un même groupe d'œufs, de façon aléatoire, l'agrégativité peut aussi contribuer à diminuer les chances de chaque individu d'être victime de la prédation et/ ou du parasitisme. Chez les coccinelles à deux et à sept points, Coccinella bipunctata et C. septempunctata, les pontes en paquet ou isolées ne se différencient ni par la vitesse de développement ni par le taux de survie pendant les phases embryonnaire et larvaire. En revanche, les œufs pondus de manière isolée sont plus vulnérables à la prédation que ceux déposés en groupes (Agarwala & Dixon, 1993). De même les agrégats d'immatures constituent une protection contre les prédateurs et parasites en rendant inaccessibles ceux qui se trouvent au centre du groupe (Damman & Cappuccino, 1991). Chez les Lépidoptères, la protection contre les prédateurs peut passer par l'accentuation des effets des caractères aposématiques (Stamp, 1980). Ces signaux avertisseurs tels que la couleur, l'odeur ou le bruit se retrouvent concentrés et exacerbés dans les pontes en paquet et contribuent à repousser les prédateurs. Cependant, selon Courtney (1984), la corrélation entre la ponte en paquet et l'aposématisme ne souligne qu'un des avantages de la ponte en paquet; la sélection naturelle a favorisé ce type de ponte, non pas à cause des caractères aposématiques, mais parce que toutes les espèces qui pondent un paquet d'œufs ont une fécondité réalisée supérieure à celles qui ne déposent qu'un œuf à la fois (Fig. 5). Pour un nombre donné d'œufs à pondre, l'augmentation de la taille de ponte pour une femelle diminue le nombre de sites de ponte à trouver ce qui réduit le temps total de recherche de ces sites et les risques de mortalité préreproductive. Références Bibliographiques 41

Par contre, la ponte d'œufs en paquet contraint la femelle à sélectionner les sites de ponte dont la quantité de ressources assure le développement complet des immatures. Quand le nombre d'immatures dépasse ce que la plante hôte peut supporter, les larves doivent migrer vers d'autres sites nutritifs, ce qui augmente le risque de mortalité par prédation et par famine (Damman, 1991). Cette mortalité larvaire est compensée chez le papillon Pieris brassicae par une augmentation de l'efficacité dans l'utilisation et la consommation des ressources (Le Masurier, 1994). Le nombre d'œufs de P. brassicae peut dépasser les 150 au sein d'une ponte; après l'éclosion, les larves de premier stade commencent à se nourrir de leur plante hôte (Crucifères) ce qui inhibe le développement des plantes. Par conséquent, la quantité de ressource disponible devient rapidement limitante, et oblige les larves à chercher une nouvelle plante hôte non infestée. Ce comportement est bénéfique pour les larves en termes de survie si la densité de plante hôte est élevée. Le Masurier (1994) montre qu'après 72 heures, 81% des larves lâchées à 0.5 mètre d'une plante hôte se retrouvent sur cette plante alors qu'elles ne sont plus que 16% si la plante est située à 2.5 mètres. Cette diminution significative du nombre de larves atteignant la plante hôte peut être due à la prédation.

2.B - Site de ponte infesté par plusieurs femelles

Dans la nature, il est classique de trouver des sites de ponte (fruits, graines, feuilles, autres insectes....) infestés par plusieurs femelles. Ces femelles ont, soit pondu simultanément dans le même site, soit elles se sont succédé sur le site. Dans le dernier cas, face à un site déjà occupé, une femelle doit : 1) décider de pondre ou de garder ses œufs pour les déposer ultérieurement dans un autre site; 2) décider du nombre d'œufs à déposer si le site est déjà infesté. Pour nous différencier de la terminologie utilisée dans l'étude des parasitoïdes, nous parlerons de "pontes multiples" et non de superparasitisme lorsque plusieurs pontes se font dans un même site par des femelles différentes.

2.B.1 - Facteurs favorisant les pontes multiples Références Bibliographiques 42

La présence préalable d'œufs dans un site complexifie la situation par rapport au cas où une seule femelle pond dans un site. Les pontes multiples dépendent à la fois des facteurs évoqués pour les pontes uniques (Tableau 2) et des stratégies de ponte adoptées par les autres femelles de la population. Une telle dépendance a favorisé une approche théorique du problème à l'aide de la théorie des jeux (Ives, 1989; Wilson & Lessells, 1994).

Tableau 2 - Facteurs déterminant si la stratégie consistant à éviter de pondre deux fois dans un même site est une stratégie évolutive stable (ESS). L'évitement des pontes doubles est une ESS si un mutant femelle qui pond dans un site occupé fait moins bien en termes de fitness qu'une femelle qui quitterait immédiatement le site occupé pour aller chercher un site non infesté (D'après Nagelkerke et al., 1996).

Évitement des pontes doubles Ponte double Temps de recherche des sites de ponte court long Taux de survie des immatures de la deuxième ponte faible normal Temps de ponte d'un œuf de la deuxième ponte long normal Taille de ponte petite élevée Taille des œufs grosse petite Les pontes multiples sont contraintes par le nombre d'hôtes disponibles, la durée totale de vie (Wilson, 1994), le stock d'œufs, la qualité des hôtes ou une combinaison de ces facteurs. Pour la mouche méditerranéenne des fruits, Ceratitiscapitata , la taille et la maturité du fruit définissent sa qualité et contrôlent les pontes multiples. Ainsi, malgré l'existence d'un marquage chimique répulsif des sites de ponte par les femelles, les pontes multiples sont plus fréquentes dans les sites de grande taille peu matures (Papaj & Messing, 1996). Les femelles de Ceratitiscapitata pondent dans des cavités réalisées par une autre femelle au cours d'une ponte précédente. L'utilisation de cavités déjà formées diminue de façon significative le temps consacré à la ponte relativement à la durée de ponte dans un site sain. Outre le gain de temps, l'utilisation de ces cavités favorise le taux de succès lors du dépôt des œufs. Ainsi, 63% des actes de ponte dans une cavité existante se sont soldés par le dépôt d'un œuf contre 24% dans un fruit sain. L'utilisation de galeries préexistantes avait déjà été décrite chez Ragholetis completa (Lalonde & Mangel, 1994). Dans l'expérience de Papaj & Messing (1996) sur Ceratitiscapitata , il est intéressant de noter que les femelles passent de l'évitement des sites infestés, sous l'influence du marqueur chimique, à une préférence pour ces mêmes sites dans un laps de temps très court. Alors que les pontes multiples ont longtemps été considérées comme un faux pas d'une femelle imparfaite, ce n'est que récemment que la valeur adaptative de ce comportement a été reconnue (Parker & Courtney, 1984; Van Alphen & Visser, 1990). Ainsi, les pontes multiples sont favorisées lorsque les bénéfices en termes de fitness liés à Références Bibliographiques 43 l'addition d'un œuf sont profitables uniquement à ce dernier œuf. Les bénéfices doivent être supérieurs aux coûts dus à la compétition que l'ajout d'œufs peut engendrer.

2.B.2 - Taille de la seconde ponte

Dans le cas de pontes multiples dans un même site, la taille optimale de ponte dépend à la fois du nombre de femelles qui y pondent et de l'intensité de la compétition qui règne dans le site (Ives, 1989). Ives compare la taille optimale de ponte prédite par trois modèles qui diffèrent par la productivité, c'est-à-dire par la production de larves attendue par individu (survie x fécondité des femelles) (Fig. 6). Soient S1(N), S2(N) et S3(N) les trois types de production attendue par individu lorsque N œufs sont pondus par site : S1(N) = m1(1-a N) si N<1/a (1) =0 sinon S2(N)=m2e-bN (2) S3(N)=m3(1+gN-d) (3) a, b, g et d constantes positives définissant l'intensité de la compétition. Références Bibliographiques 44

En considérant que F femelles pondent dans le même site, et sous l'hypothèse que le nombre d'œufs pondu par une femelle dans un site n'affecte pas celui pondu dans les autres sites, les trois différentes tailles de ponte optimales sont définies par :

1 1 1 N* = ; N* = et N* = 1 a (F +1) 2 b 3 g(d - F)

Suivant le type de compétition les modèles prédisent que la taille optimale de ponte décroît lorsque le nombre F de femelles augmente (modèle 1), est indépendante de F (modèle 2) ou augmente lorsque F croît (modèle 3). Par ailleurs, le nombre d'œufs déposés par une femelle qui arrive en deuxième sur un site de ponte, sera supérieur à celui de la première si : - la compétition larvaire est intense, - le temps de recherche des sites est long par rapport au temps de ponte, - le nombre d'œufs déposés par la première femelle est faible. La difficulté de trouver ces trois conditions remplies simultanément dans un même système fait que généralement la taille de la seconde ponte est plus petite que la première. Il arrive que le nombre d'œufs dans un site de ponte n'influence pas la taille de ponte. Par exemple, chez la mouche Ceratitis capitata, la taille de la deuxième ponte est équivalente à la première (Papaj, 1993). Alors que les modèles précédents prédisent un ajustement de la taille de ponte en fonction de l'intensité de la compétition intraspécifique, Smith & Lessells (1985) prédisent qu'une femelle a intérêt à réduire sa taille de ponte dans le cas d'une compétition potentielle future. Cette stratégie peut être avantageuse pour les insectes qui ne marquent pas leurs sites de ponte et qui par conséquent risquent d'ajouter des œufs dans un site qu'ils viennent d'attaquer. La réduction de la taille de ponte évite de créer des conditions trop sévères lors d'infestations multiples.

2.B.3 - Les coûts des pontes multiples

Une conséquence directe des pontes multiples est l'augmentation de la densité au sein d'un site dont les ressources peuvent être limitées. On retrouve le schéma d'une compétition intraspécifique larvaire tel que nous l'avons décrit pour la ponte d'une seule femelle. Néanmoins quelques différences notables apparaissent. La première est liée au rang de ponte et au laps de temps entre deux pontes successives (ou plus) au sein du même site. Prenons l'exemple de deux femelles qui se Références Bibliographiques 45 succèdent sur le même site pour y pondre. Lorsque le temps écoulé entre les deux pontes est important, la différence de développement entre les descendants des deux portées peut engendrer une compétition intraspécifique hiérarchique (Begon, 1984; Wall & Begon, 1985). Cette hiérarchie s'instaure sur la base du stade de développement et de la taille individuelle. Les individus de la première ponte ont acquis un avantage qui peut se traduire par une capacité supérieure à repousser ou à tuer les larves surnuméraires de la deuxième ponte en cas de compétition de type "contest" grâce, par exemple, au développement accentué de leurs mandibules ou par une vitesse d'acquisition de la nourriture plus élevée. Ce système est fréquent chez les insectes parasitoïdes dits solitaires. Du développement de plusieurs larves dans le même hôte n'émerge qu'un seul imago, les autres larves ayant été tuées ou astreintes à de telles conditions qu'elles en sont mortes (Salt, 1961; Van Alphen & Visser, 1990). Les liens de parenté entre les individus de deux pontes successives ont une forte probabilité d'être nuls. Alors qu'au sein d'une même portée d'intenses conditions de compétition risquent de diminuer la contribution génotypique de la mère aux générations suivantes, les effets délétères d'une compétition entre les descendants de deux femelles différentes peuvent être assimilés aux effets d'une compétition entre femelles pour l'accès aux sites de ponte.

2.C - Taille de ponte : une source de conflit entre les parents et les descendants?

Hamilton (1964) et Trivers (1974) formulèrent les premiers l'idée selon laquelle la sélection naturelle agissait de manière différente sur les gènes des parents et sur ceux des descendants. Ainsi, un conflit entre les membres de deux générations se crée au sujet de la répartition des ressources disponibles. Ce conflit en termes de gain de fitness est d'autant plus important chez les espèces prodiguant des soins parentaux (pour une revue voir Godfray, 1995) car pendant cette phase les interactions comportementales entre les jeunes et les parents sont fréquentes.

2.C.1 - Description du conflit parents-enfants

Chez les insectes pour lesquels les soins parentaux sont rares, le conflit parents- descendants nécessite un contexte biologique particulier. Les adultes pondent dans des patchs à ressource limitée sans avoir de contrôle sur ce que feront les larves. Ces patchs servent de nourriture aux larves. Les juvéniles peuvent modifier le nombre de larves qui vivent dans le même patch par l'intermédiaire de la compétition. Il s'instaure alors un jeu évolutif entre les parents et les descendants dont l'enjeu est le nombre de jeunes survivant par patch. Les modèles développés prédisent de façon indépendante pour les parents et Références Bibliographiques 46 pour les formes juvéniles, les tailles optimales de ponte, c'est-à-dire celles qui maximisent les gains de fitness. Ainsi, dans les hypothèses des modèles, la taille optimale de ponte pour les femelles correspond à la "Lack clutch size (LCS)" (Parker & Mock , 1987; Godfray & Parker, 1991); elle maximise le nombre de survivants dans une portée. Seuls les coûts du cannibalisme pour les juvéniles sont compris dans cette définition. Elle n'inclut en revanche, ni le coût sur la survie parentale ni sur la reproduction future. Du point de vue des larves, la taille optimale de ponte est celle qui après élimination des autres larves par cannibalisme (ou migration) va maximiser les chances de survie des larves restantes et leur performance future. Il y a conflit lorsque la taille optimale de ponte pour les adultes diffère de celle des juvéniles. L'existence théorique d'un conflit parents-descendants à propos de la taille de ponte est acceptée de façon unanime (Parker & Mock, 1987; Thompson, 1988; Godfray & Parker, 1991, 1992). Ce conflit est d'autant plus intense que le nombre d'œufs déposés est faible et que la paternité est multiple (Stearns, 1992). Ainsi, dans le modèle de Parker & Mock (1987), la taille de ponte optimale est fortement réduite, par rapport à celle des parents, dans le cas de descendants à paternité multiple. 2.C.2 - Les critiques

Outre le fait que la validation expérimentale des modèles fait actuellement défaut en entomologie, la modélisation soulève plusieurs difficultés. Pour révéler l'existence de ce conflit potentiel, les modèles optimisent la taille de ponte comme un trait de vie isolé de telle sorte que la modélisation retombe dans les travers dénoncés par les détracteurs de l'optimisation. Du point de vue des adultes, le nombre de descendants est optimisé indépendamment des différents compromis existant entre d'une part le nombre et la taille des descendants, et d'autre part le nombre des descendants, la survie et la reproduction future des adultes. La deuxième critique est liée à la distinction faite entre la fitness parentale et celle des descendants. Considérons des larves pondues par une seule femelle qui ne s'est accouplée qu'avec un mâle. Envisageons maintenant que l'unité de sélection n'est plus l'individu mais le génotype. Une femelle entrerait alors en conflit avec les immatures qui portent en partie le même génotype qu'elle. Il semble que le problème du conflit relève de la sélection de parentèle. Hutchinson (1996) tient le même raisonnement pour la dormance des graines. Selon lui, les biologistes qui ont l'habitude de penser en termes de maximisation de la fitness individuelle sont souvent perturbés par l'existence de graines qui ne germent pas tout de suite, alors que si elles passent une année en dormance elles diminuent leur chance de reproduction. En fait il n'y a pas de conflit car ce qui importe c'est le nombre de copies d'un gène qui survivent et non le nombre de descendants directs. Quels avantages a une femelle de produire des jeunes voués à se faire dévorer? Le cannibalisme peut être avantageux pour la ou les larves restantes car elles bénéficient d'un Références Bibliographiques 47 apport énergétique conséquent qui peut augmenter leur probabilité de survie jusqu'au stade adulte. Il constitue une réponse aux fluctuations imprévisibles de la quantité de ressources. Le cannibalisme permet de minimiser la variance dans les taux de mortalité de la descendance dans un milieu stochastique.

2.D- Taille de ponte et variabilité

La variabilité spatiale ou temporelle peut être comportementale ou environnementale et se décomposer en variabilité prévisible et aléatoire (ou stochastique).

2.D.1 - Variabilité prévisible

Face à la variabilité environnementale, les animaux peuvent soit développer une réponse unique aux conditions moyennes de l'environnement, soit présenter une certaine plasticité phénotypique. Ainsi, un génotype soumis à des variations mesurables et prévisibles de l'environnement peut exprimer différents phénotypes. Cette plasticité phénotypique a été démontrée chez de nombreux insectes phytophages qui adaptent leur taille de ponte en fonction de la qualité des plantes hôtes (Godfray, 1986b; Pilson & Rausher, 1988). Les exemples les plus explicites sont ceux pour lesquels le développement des larves se fait dans une seule ressource limitée. Dans le cas de variabilité spatiale, si un insecte pond dans des patchs de qualité inconnue, et dans lesquels la probabilité que la portée soit complètement détruite est forte quelle que soit la taille de la portée, alors cet insecte devrait pondre beaucoup de petites portées dans différents hôtes (Godfray et al., 1991). Ainsi la probabilité qu'au moins quelques jeunes survivent est augmentée.

2.D.2 - Variabilité stochastique

Dans les modèles déterministes la sélection naturelle est assimilée à un processus statistique par lequel la moyenne arithmétique de la fitness est maximisée. Ainsi, on s'attend à ce que le phénotype moyen soit celui qui a la fitness maximale. Cependant, les valeurs observées de nombreux traits d'histoire de vie liés à la fitness, comme les tailles de ponte, ne correspondent pas au maxima théoriques prédits. Ce décalage s'explique à la fois par différents compromis entre la taille de ponte et la fitness mais aussi par les variations stochastiques de l'environnement. La stochasticité est alors considérée comme une contrainte sélective nécessaire à la compréhension de l'évolution de la taille de ponte (Yoshimura & Shields, 1992). Dans des modèles d'optimisation de la taille de ponte pour lesquels une seule femelle pond par site, Godfray & Ives (1988) introduisent de la stochasticité dans le Références Bibliographiques 48 comportement des femelles et dans les facteurs environnementaux. L'évaluation imparfaite par les femelles de la qualité des hôtes, qui est supposée être parfaite dans les modèles déterministes, constitue une source de variabilité aléatoire. Il en résulte que le nombre d'œufs pondus n'est plus ajusté à la qualité des sites car celle-ci peut aussi varier de façon imprévisible. La deuxième source de stochasticité est l'absence de contrôle précis du nombre d'œufs déposés à chaque acte de ponte. Ceci est particulièrement vrai pour les insectes qui pondent beaucoup d'œufs en un temps réduit. Par exemple le parasitoïde braconidé Apanteles congregatus qui attaque les larves du papillon Manduca sexta, pond de 30 à 300 œufs dans une larve en 2 ou 3 secondes. A l'opposé, les modèles déterministes supposent qu'une femelle pond exactement le nombre d'œufs qu'elle désire. Enfin, certains facteurs environnementaux tels que le temps de recherche, la durée de vie des femelles peuvent être source de variabilité. Quelle que soit la source de stochasticité introduite dans les modèles, les conclusions diffèrent de celles obtenues dans les modèles déterministes sans pour autant qu'une quelconque tendance ne se dégage (Godfray & Ives, 1988). La taille optimale de ponte prédite par les modèles déterministes peut être supérieure ou inférieure à celle obtenue en conditions stochastiques. La variance observée dans les facteurs environnementaux et comportementaux influence la taille optimale de ponte (Houston & McNamara, 1986). Une des stratégies pour s'adapter à la variabilité consiste à produire un large spectre de taille de ponte. La mouche Urophoracardui pond en moyenne 11.3 œufs par hôte et la taille de ponte varie de 1 à 29 (Freese & Zwölfer, 1996). Chez cette mouche, le dépassement de la taille optimale de ponte, définie comme celle qui maximise la survie larvaire (entre 8 et 12 œufs par hôte), peut être vu comme un moyen de compenser la mortalité imprévisible des premiers stades larvaires. Si les conditions demeurent favorables durant le développement larvaire, l'investissement fourni dans la production d'une taille de ponte supérieure à la valeur optimale procure un gain élevé. Dans le cas contraire, il représente une perte totale en termes de temps et de fécondité. Cette stratégie est donc un pari sur l'avenir ("gambling"). Quant aux tailles de ponte inférieures à l'optimale, en termes de survie larvaire, elles contribuent à augmenter le nombre de pontes réalisées et diminuent la probabilité de perdre tous ses œufs en une fois. L'ensemble de cette stratégie réduit la variance du taux de survie moyen des descendants et est interprété comme une stratégie mixte qui combine des éléments de "bet-hedging" et de "gambling" (Freese & Zwölfer, 1996).

En conclusion, les êtres vivants, soumis à de fortes contraintes, tendent à limiter le nombre de leurs descendants. Ainsi chez les insectes, ces différentes contraintes qui déterminent le nombre d'œufs qu'une femelle "décide" de déposer dans ou sur un hôte, Références Bibliographiques 49 ont fait l'objet de nombreuses études, le plus souvent au laboratoire. En revanche, les travaux en conditions naturelles sont plus rares et ne confirment pas toujours, loin s'en faut, les conclusions tirées en conditions contrôlées au laboratoire. Les prédictions des modèles méritent d'être testées à la fois au laboratoire et sur le terrain, ce qui va contraindre le biologiste à choisir un modèle biologique avec ses caractéristiques propres. Il deviendra alors plus difficile d'extrapoler à d'autres espèces. Toutes ces espèces permettront de mieux comprendre les mécanismes évolutifs qui ont conduit les femelles, au cours des générations, à prendre les décisions observées aujourd'hui.

Chapitre 2: Matériels et protocoles expérimentaux

1 - Description des sites d'étude

Nos expérimentations ont principalement été conduites sur 10 arbres dans deux sites qui se différencient par leur structure d'habitat. Trois arbres (appelés aussi stations) isolés sont étudiés dans la région Rhône-Alpes en Isère, dans la commune de Saint-Just Chaleyssin (SJ : 45° 35'S, 35° 10'E; 300 m alt.). Les sept autres arbres se trouvent dans une châtaigneraie sur la commune de Monoblet (44° 03'S, 03° 87'E; 500 m alt.), dans le département du Gard, et dans le massif des Cévennes. En Isère, deux des trois stations (SJ4 et SJ5) font partie d'un ensemble de 8 sites dont l'étude régulière a commencé en 1980 (Debouzie et al., 1985; Debouzie & Pallen, 1987; Pallen, 1989). Le suivi de la troisième station (SJA) a débuté en 1995. Ces stations sont constituées, pour SJ4 d'un groupe de 3 arbres et pour chacune des stations SJA et SJ5 d'un seul arbre, reliques d'anciennes châtaigneraies (Legay, 1982). En juin 1994, suite à un remembrement agricole, la station SJ4 a définitivement été détruite ainsi que nos protocoles expérimentaux. Les arbres SJ5 et SJA sont distants de 450 mètres (Fig. 7A). Leur phénotype est probablement de type sauvage car aucune variété n'a pu être Références Bibliographiques 50 identifiée (Pallen, 1989). Dans le département de l'Isère, notre équipe a récolté des données sur un total de 49 châtaigniers (Tableau 3). A Monoblet, l'étude a débuté en 1995. Les châtaigniers se situent dans une châtaigneraie d'environ 11 hectares, composée de différentes variétés (Coutinelle, M15, Bouche de Bétissac, Soulage...). Aujourd'hui environ 7 hectares de la châtaigneraie sont encore exploités et entretenus par le propriétaire, M. Julien. L'autre partie est laissée à l'abandon depuis 1990. Cette châtaigneraie constitue donc un habitat moins morcelé qu'à Saint-Just Chaleyssin. La châtaigneraie est entourée d'une forêt constituéeessentiellement Références Bibliographiques 51 Références Bibliographiques 52 de chênes verts infestés entre autres par le charançon Curculio elephas. Nous avons étudié sept arbres, trois dans la châtaigneraie exploitée (C1, C2 et C3) distants de 10 mètres et quatre dans la châtaigneraie abandonnée (C4 et C4', C5 et C6) distants de 20 à 250 mètres (Fig.7B). Tous les arbres étudiés font partie de la variété "Coutinelle". Ils ont été choisis pour leurs taux d'infestation élevés, suite à une étude préalable menée en 1991, 1992 et 1993 par l'ULRAC (Union Languedoc-Roussillon des Associations Castanéicoles) dans quatre localités différentes des Cévennes (Tableau 3).

Tableau 3 - Récapitulatif de l'ensemble des châtaigniers étudiés par notre équipe de recherche (ER) et l'Union Languedoc-Roussillon des Associations Castanéicoles (ULRAC). La colonne Arbre x année donne le nombre de jeux de données disponibles (données de 1997 non incorporées).

Site Altitude Nombre Variété des Années Arbre x (m) d'arbres fruits année 1 (SJ5) sauvage [1980-1997] 17 St Just Chaleyssin 300 3 (SJ4) sauvage [1981-1993] 39 (Isère) 1 sauvage [1995-1997] 2 ER 3 sauvage [1981-1986] 18 10 sauvage 1983, 84, 85, 88 20 32 sauvage 1994 32 Monoblet (Gard) 500 7 Coutinelle [1995-1997] 12 ER Colognac (Gard) 600 12 M15 [1991-1993] 17 ULRAC Falguerolles (Gard) 600 8 M15 1991, 92 8 ULRAC St Privat de Vallongues (Lozère) 700 11 Comballe [1991-1993] 21 ULRAC Courniou (Hérault) 500 9 M15 [1991-1993] 14 ULRAC

Une première analyse génétique réalisée dans le cadre du DEA de S. Bernoud (Analyse et Modélisation des Systèmes Biologiques, Lyon) a montré que les châtaigniers cévenoles (C1, C2, C5 et C6) présentent des caractéristiques similaires entre eux, mais diffèrent de ceux de Saint-Just Chaleyssin. En outre les arbres SJA et SJ5 sont également différents. Les arbres C3, C4 et C4' n'ont pas été pris en compte dans cette étude génétique. Les caractéristiques morphologiques et phénologiques de tous les arbres étudiés pendant la durée de ma thèse sont données dans le tableau 4. Références Bibliographiques 53

Tableau 4 - Description des principaux arbres étudiés à Saint-Just Chaleyssin et à Monoblet. * d'après Debouzie et al., 1985. En SJ4, nous n'avons utilisé les données que d'un seul des trois arbres (celui fortement infesté par le balanin). $ : le tronc de l'arbre étant séparé en deux, nous avons pris les deux mesures.

Station Nombre Age Circonférence à d'arbres approximatif 1.3 m de hauteur (en années) (en m) SJA 1 > 100 4.4 SJ4 1 80-120 2.5* SJ5 1 > 100 2.8* C1 1 200 2.6 C2 1 200 2.8 et 1.2 $ C3 1 200 2.7 et 3.8 $ C4 & C4' 2 200 2.7 & 2.1 C5 1 200 2.3 et 2.1 $ C6 1 200 2.2

2 - La biologie du châtaignier Castanea sativa

Le châtaignier Castanea sativa (Miller) est une dicotylédone appartenant à la famille des Fagacées. En France, il se développe à l'état endémique dans les basses montagnes siliceuses mais son aire a considérablement été étendue par l'homme. Ainsi, on le trouve en Bretagne, dans le Limousin, les Cévennes, la Montagne Noire, les Pyrénées, les Maures, l'Estérel et en Corse (Solignat & Chapa, 1975). Dans la région lyonnaise où le socle rocheux n'est pas siliceux, il pousse sur des moraines apportées par les glaciers (Legay, comm. pers.). La germination des graines et le débourrement exigent un passage à basse température (vernalisation). Le châtaignier est un arbre monoïque dicline : les fleurs mâles et femelles se rencontrent sur le même pied mais sont séparées sur le rameau porteur (Solignat & Chapa, 1975). Malgré la présence des fleurs mâles et femelles sur le même pied, la pollinisation est du type croisé et est assurée par le vent et les insectes. La fleur femelle donne un fruit non cloisonné à une seule graine appelé marron ou à plusieurs graines; dans ce cas on parle de châtaignes (Solignat et al., 1975). En général, trois fruits sont regroupés dans une enveloppe externe commune appelée bogue. On parlera d'amandes et d'amandes stériles selon que le fruit s'est développé ou non dans son enveloppe. A maturité (ou avant en cas de vent), la bogue et les fruits tombent au sol. Des différences dans la date médiane de chutes des fruit existent entre années et entre arbres. Ces différences permettent de classer les châtaigniers selon leur maturité (précoce, Références Bibliographiques 54 intermédiaire et tardive). Généralement, la bogue chute après les châtaignes mais cela dépend des variétés; cependant, les conditions climatiques (vent et pluies violentes) accélèrent la chute des bogues non ouvertes. Le châtaignier peut être attaqué par des insectes ravageurs comme le xylébore disparate Xyleborus dispar (Scolytidae) qui détruit le bois, le péritèle gris Peritelus sphaeroides (Curculionidae) s'attaquant aux bourgeons (Bergougnoux et al., 1978) ainsi que les tordeuses Pammenejuliana et Cydia splendana et le charançon Curculio elephas. Ces trois derniers insectes se développent dans les fruits (Colizza, 1929; Coutin, 1958; Bovey et al., 1975). Deux champignons parasitent les châtaigniers. Phytophthorala cinnamoni est responsable de la maladie de l'encre, attaquant le système racinaire et Endothiaparasitica développe le chancre de l'écorce (Grente, 1975). Ce dernier occasionne actuellement de sérieux dégâts dans les exploitations castanéicoles des Cévennes (Julien, comm. pers.). Lors des premières Assises Nationales de la Châtaigneraie qui ont eu lieu à Les Vans, en mars 1997, les pouvoirs publics ont manifesté la volonté de maintenir les exploitations castanéicoles pour d'une part, développer le secteur économique lié à "l'arbre à pain" en promouvant le label "produit biologique", et d'autre part pour stopper la désertification rurale.

3- Cycles de vie du balanin de la châtaigne, Curculio elephas et du carpocapse, Cydia splendana

3.1 - Le cycle de vie du balanin de la châtaigne

Le balanin de la châtaigne, Curculio elephas (Gyllenhal) est un coléoptère de la famille des Curculionidae. L'imago mesure de 6 à 10 millimètres de long et présente un fort dimorphisme sexuel : les femelles ont , en moyenne, un rostre aussi long que leur corps et deux fois plus long que celui des mâles (Fig. 8A). Cet insecte univoltin qui présente quatre stades larvaires apodes (Colizza, 1929) (Fig. 8B) est un important ravageur de la châtaigne qui peut aussi s'attaquer aux glands (Fig. 8C) (Quercus sp.) (Coutin, 1960; Bovey et al., 1975). On le trouve en France, en Italie, en Bulgarie (Popova, 1960), en Pologne (Pomorski & Tarnawski, 1980), en Suisse dans le Tessin (Bovey et al., 1975), en Allemagne (Hoffmann, 1963) et en Hongrie (Bürges & Gal, 1981a et b). Références Bibliographiques 55

Le cycle du balanin à Saint-Just Chaleyssin a été précisé par Menu (1992) et Menu & Debouzie (1993, 1996) (Fig. 9). Les adultes émergent de mi-août à fin septembre. Dès leur sortie, ils s'accouplent et les femelles commencent à pondre. Les œufs sont déposés Références Bibliographiques 56 dans les amandes; aucun œuf est pondu sur le feuillage (Coutin, 1958). Les larves se nourrissent à l'intérieur de la châtaigne jusqu'à la fin de leur développement prédiapause. Selon les conditions climatiques, en particulier la température, les développements embryonnaire et larvaire durent en moyenne 45 jours à 20° C (Manel, 1995). Une fois la phase d'alimentation achevée, les larves de quatrième stade quittent les fruits pour s'enterrer dans le sol où elles hivernent à l'intérieur d'une logette protectrice dont les parois sont tapissées de sécrétions cireuses (Colizza, 1929). La larve sort du fruit par un trou, rond, parfaitement reconnaissable, d'environ 2-3 millimètres de diamètre. Les sorties larvaires s'échelonnent de début octobre à mi-décembre (Menu & Debouzie, 1995). La diapause débute en octobre et se termine fin décembre. Entre janvier et mars, les larves sont en quiescence, et à partir de mi-mars, le développement post-quiescence reprend sans interruption jusqu'à la nymphose en juillet - août. En moyenne, 40% des émergences se font après une diapause prolongée. Ainsi, la diapause est à l'origine d'un étalement des émergences sur 2, 3 voire 4 ans (Menu, 1993a et b; Menu & Debouzie, 1993). Références Bibliographiques 57

L'étude du polymorphisme enzymatique des larves de balanin par S. Bernoud en DEA a montré que les balanins qui infestent les châtaigniers cévenoles appartiennent à une seule et même population, différente de celles de Saint-Just Chaleyssin. Les stations iséroises SJA et SJ5 abriteraient deux populations distinctes (données non publiées).

3.2 - Le cycle de vie du carpocapse

Le carpocapse Cydia splendana a un cycle de vie semblable à celui du balanin. Nous ne donnerons que les principales différences entre les deux insectes. A Saint-Just Chaleyssin, les émergences des carpocapses débutent environ une semaine plus tôt que pour le charançon et se terminent début septembre (Fig. 10 et Pallen, 1989). La figure 10 est un exemple représentatif de ce qui se passe chaque année.

40 Carpocapse 35 (N = 45) 30 25 Balanin 20 (N = 285) 15

Fréquence (%) 10 5 0

15 Aoû 1 Sep 1 Oct Date d'émergence

Fig. 10 - Distribution des dates d'émergences en 1985 pour le balanin de la châtaigne et le carpocapse à Saint-Just Chaleyssin, arbre SJ5; N représente le nombre d'adultes (d'après Debouzie et al., 1996).

Les femelles pondent sur la face inférieure des feuilles du châtaignier; les œufs éclosent de 9 à 12 jours après (Bovey et al., 1975). Ce sont les larves de premier stade qui perforent les bogues et pénètrent dans les amandes. Les larves du cinquième et dernier stade quittent le fruit en moyenne 25 à 32 jours plus tard (Bovey et al., 1975). A Saint- Just Chaleyssin, de 1981 à 1993, 38% des chenilles avaient quitté les fruits à la date du 15 octobre, alors que seules 5% des larves de balanin étaient sorties (Debouzie et al., 1996). Bien que les carpocapses émergent plus tôt que les balanins, les périodes d'attaques des deux espèces sont chevauchantes. En effet, les infestations du balanin Références Bibliographiques 58 résultent de la ponte d'œufs par les femelles alors que chez le carpocapse les infestations résultent de l'attaque de larves. 4- Les protocoles expérimentaux

Les expériences ont été réalisées d'une part en conditions naturelles sur les sites d'études (Saint-Just Chaleyssin et Monoblet) et d'autre part au laboratoire. Nous présenterons les caractéristiques générales des différents protocoles mis en place; les détails de chaque expérience ainsi que les modèles statistiques utilisés seront donnés avec les résultats.

4.1 - Protocoles mis en place sur le terrain

A partir de 1995, les expériences ont été menées chaque année en parallèle à Saint- Just Chaleyssin et dans les Cévennes avec l'aide sur le terrain de F. Menu et de deux stagiaires.

4.1.1 - Échantillonnages

• Échantillonnage systématique

L'objectif de l'échantillonnage systématique est double. A partir des données brutes annuelles, la distribution des immatures par fruit et le taux moyen d'infestation sont déterminés. De même, chaque année, le nombre total de bogues, d'amandes, l'effectif total des immatures des deux espèces sont estimés. Depuis 1981 sous les arbres SJ4 et SJ5 et depuis 1995 à SJA, un dispositif d'échantillonnage systématique est mis en place annuellement (Debouzie & Pallen, 1987; Pallen, 1989; Debouzie et al., 1993). Dans les Cévennes l'échantillonnage systématique a uniquement été réalisé en 1995 sous les châtaigniers C1, C2 et C3. L'échantillonnage systématique se fait à partir de placettes (quadrats) de 0.5 m2 disposées sur la surface de recouvrement foliaire. Chaque bogue et chaque châtaigne tombées dans un des quadrats sont comptées et les amandes sont disséquées. Les immatures (œufs et larves) vivants ou morts et les trous de sortie de Curculio elephas et de Cydia splendana sont dénombrés. La taille des larves vivantes et de leur capsule céphalique est mesurée; le stade larvaire est déterminé à partir des largeurs de ces capsules.

Afin d'obtenir la quasi totalité des larves et donc de travailler sur l'ensemble de la population animale, nous avons ramassé, avec l'aide de F. Menu et de deux stagiaires, en dehors des placettes de l'échantillonnage systématique et de façon exhaustive, les fruits des stations SJA, SJ5 et C1 à C6 en 1995 et SJA, SJ5 et C1 à C5 en 1996. Les fruits ont été ramassés quotidiennement afin de récupérer toutes les larves avant qu'elles Références Bibliographiques 59 s'enfouissent dans le sol. Ce ramassage exhaustif a été imposé par le grand nombre de larves nécessaires pour nos expériences. En 1996, l'ULRAC a mis à notre disposition des filets pour faciliter le ramassage des châtaignes; ces filets tendus sur le sol sous l'arbre ont permis de réunir plus rapidement les fruits pour la récolte.

• Échantillonnage aléatoire

Afin de déterminer, le taux d'infestation par arbre, un échantillonnage aléatoire a été réalisé par l'équipe de recherche sous 42 arbres à Saint-Just Chaleyssin (1983, 84, 85, 88 et 1994) et sous les 40 arbres des communes de Colognac, Falguerolles, St Privat de Vallongues et Courniou (Tableau 3). Quatre quadrats de 0.5 m2 à Saint-Just Chaleyssin et un de 1m2 dans les Cévennes ont été disposés au hasard sous chaque arbre. A la fin de la période de chute des fruits, toutes les châtaignes tombées dans les quadrats ont été ramassées. La taille des échantillons variait de 41 à 742 fruits par arbre.

4.1.2 - Piégeage des larves

4.1.2.1 - Piégeage global des larves sorties des châtaignes

De 1994 à 1996, toutes les amandes ramassées dans une même station, exepté celles provenant de l'échantillonnage systématique, sont déposées dans un collecteur. Les collecteurs sont des réservoirs parallélépipédiques en bois, surélevés (1 mètre de hauteur). Le fond est grillagé (maille 1 cm2) et la partie supérieure est fermée par un couvercle en moustiquaire (maille 1 mm2). Sous la face grillagée, un tiroir dont le fond est en moustiquaire permet de récupérer les larves de balanin et de carpocapse qui sortent des fruits. En 1996, afin d'estimer le nombre de larves sorties des châtaignes avant notre ramassage, le nombre de trous de sortie de balanins a été compté chaque jour sur des échantillons de 500 fruits (Tableau 5).

Tableau 5 - Estimation de la proportion de larves de balanin sorties des fruits avant le ramassage des châtaignes en 1996 dans les différents sites d'étude.

SJ5 SJA C1 C2 C3 C4 C4' C5bas C5haut 0.3 0.0 3.0 9.8 5.2 8.9 8.8 14.0 22.7

La structure du collecteur autorise les échanges hydriques verticaux et protège les fruits et les larves des principaux prédateurs comme les musaraignes, les oiseaux, les scolopendres, les fourmis et les araignées.

4.1.2.2- Piégeage global des larves sorties des glands Références Bibliographiques 60

En 1996, nous avons ramassé quotidiennement et stocké la plupart des glands de quatre chênes verts (Tableau 6; G1, G2, G3 et G4) situés dans la châtaigneraie dans les Cévennes (Fig.7B). Ce ramassage a permis de connaître les effectifs des fruits et des insectes, d'identifier les insectes qui infestent les glands, ainsi que la dynamique de sortie des larves.

Tableau 6 - Nombre de larves du genre Curculio et de carpocapse sorties des glands de chênes verts en 1996 (Cévennes).

Chênes Nombre de glands Nombre de larves Nombre de larves de balanin de carpocapse G1 1 722 369 8 G2 1 653 341 6 G3 10 583 820 28 G4 1 231 227 2

4.1.2.3 - Piégeage individuel des larves sorties des châtaignes

Afin de tester les effets du nombre de larves par fruit, de la date de sortie et du volume des amandes, sur la survie larvaire, le taux de diapause prolongée et le poids des larves à leur sortie de fruits, nous avons procédé à un suivi individuel de fruits infestés lors d'expériences de ponte en manchons (voir plus loin). Ce suivi individuel de châtaignes a été mis en place en 1995 et une expérience préliminaire avait été conduite en 1994. Ces larves provenaient de fruits récupérés lors d'expériences de ponte en manchons (voir plus loin), ou lors d'un ramassage aléatoire de châtaignes tombées au sol. Chaque châtaigne est stockée dans un gobelet en plastique numéroté. Tous les gobelets sont laissés sur le terrain d'étude (SJ5) dans un coffre en bois (1x1 mètre). Chaque jour les larves sorties d'un fruit, piégées dans les gobelets, sont récupérées, identifiées et pesées. Ainsi, pour chaque fruit, nous connaissons le nombre de larves sorties, leur poids et la date de sortie.

4.1.3 - Enfouissement des larves dans le sol et capture des adultes

4.1.3.1 - Enfouissement des larves par groupe

En 1995, un protocole de concentration de larves a été mis en place avec l'objectif de tester l'influence du poids et de la date de sortie des larves sur les taux de survie dans le sol et les taux de diapause prolongée. Références Bibliographiques 61

Chaque jour, les larves issues des collecteurs sont déposées, en fonction des stations d'étude (Tableau 7), de leur date de sortie et/ou de leur poids, soit dans des casiers grillagés, soit dans des récipients plastiques perforés. Ces casiers et récipients plastiques sont remplis de terre et enfouis dans le sol. Ils protègent les insectes de la prédation contre les micro-mammifères. Les casiers sont formés de grillage inoxydable (maille 1 mm2) et fermés par un couvercle en grillage. Les dimensions des casiers (10x10x20 cm) permettent d'enfouir une centaine de larves. Les récipients plastiques (25x25x40 cm) sont percés de trous de 2 mm de diamètre environ tous les demi- centimètres et ce sur les six faces. Le nombre de casiers et de récipients plastiques par année et station est donné dans le tableau 7.

Tableau 7 - Dénombrement des casiers grillagés et des récipients plastiques (voir texte) utilisés pour l'enfouissement des larves de Curculio elephas de 1994 à 1996 dans les différents sites d'étude.

Année Station Nombre de casiers Nombre de récipients plastiques SJA - 3 SJ5 21 3 C1 - 3 1995 C2 - 3 C3 - 3 C4 & C4' - 1 & 1 C5 - 3 C6 3 SJA - 6 SJ5 32 6 C1 - 9 1996 C2 - 0 C3 80 8 C4 & C4' - 6 C5 - 7 C6 - 3

4.1.3.2 - Enfouissement individuel de larves

En 1994 et 1995 chaque larve issue du piégeage individuel a été identifiée en fonction de son histoire de vie (nombre de larves dans le fruit, date de sortie), pesée puis enfouie dans un dispositif individuel, lui-même enterré dans le sol.

Ce dispositif était constitué d'un morceau de tuyau d'arrosage percé (trous de 2 mm de diamètre), long de 12 à 15 cm et prolongé par une cage sub-sphérique en grillage (Fig. 11). Une fois la larve enterrée, un bouchon a été disposé sur le tuyau. Dans la suite du manuscrit, nous ferons référence à ces dispositifs individuels sous le terme de "tubes individuels". Références Bibliographiques 62

2 cm

trou pour écoulement de l’eau tuyau plastique percé

12-15 cm grillage inoxydable maille 1mm2

Fig. 11 - Dispositif expérimental pour le suivi individuel des larves de balanin.

Le dispositif utilisé pour le suivi individuel ou pour les groupes de larves autorise les échanges hydriques, fournit une protection efficace contre les micro-mammifères ce qui augmente les taux de survie, mais n'empêche pas la prédation par les invertébrés dont la taille est inférieure à un millimètre tels que les fourmis et les petits myriapodes. Les adultes ayant émergé en 1995 et 1996 de ces dispositifs d'enfouissement des larves ont été récupérés, sexés et pour une partie d'entre eux pesés quotidiennement

4.1.4 - Ponte des femelles

4.1.4.1 - En manchons

Début août, de 1993 à 1996, 281 manchons ont été installés dans les châtaigniers en Isère et dans les Cévennes. Ces manchons en moustiquaire Nylon à maille très serrée (0.5 à 1 mm2) sont disposés autour de certains rameaux porteurs de bogues en début de développement à une hauteur variant de 2 à 6 mètres. L'intérêt principal des manchons est de réaliser des expériences de ponte en conditions proches des conditions naturelles, tout en contrôlant le nombre de femelles et la durée de la ponte. Selon les expériences, une ou plusieurs femelles accouplées sont introduites dans chaque manchon. La durée de séjour de ces femelles dans les manchons est dictée par le protocole de chaque expérience. La mise en place précoce des manchons, avant les émergences des deux principaux ravageurs des fruits (le balanin et le carpocapse), permet d'éviter toute infestation incontrôlée. En revanche, le faible développement des bogues début août empêche de déterminer a priori le nombre d'amandes, i. e. le nombre de sites de ponte, à l'intérieur de chaque manchon. Le nombre d'amandes présent dans un manchon n'est connu que lorsque les manchons sont détachés et ouverts. Références Bibliographiques 63

Les manchons permettent aussi de récupérer des bogues saines nécessaires à la réalisation de certaines expériences. Les caractéristiques des manchons mis en place entre 1993 et 1996 sont regroupées dans le tableau 8.

Tableau 8 - Description des manchons installés entre 1993 et 1996 dans les différents sites d'étude. a : une deuxième femelle a été introduite une semaine après la première femelle. * manchons utilisés pour récupérer des bogues non infestées; "à vie" signifie que les femelles sont restées dans les manchons jusqu'à ce qu'elles meurent; nc : non connu. La colonne "Nombre de châtaignes" indique les nombres minimum et maximum de fruits trouvés dans les manchons d'une série.

Année Station Nombre de Date Nombre Nombre Age des Durée de manchons introduction de de femelles femelles séjour des & série des femelles châtaignes (en jours) femelles (en jours) 1993 SJ4 20 08/09 nc 1 nc 2 et 3 15 08/09 nc 3-4 nc 2 et 3 20 M 24/08 1-10 1 + 1 a 3 à 8 à vie

SJ5 du 29/08 & 19 MA au 1-10 4 3 à 15 3 1995 SJA 11/09

17 F 24/08 2-32 1 1 ou 2 à vie 17 01/09 3-22 1 1 à 4 à vie SJA 14* - - - - 6 31/08 6-18 1 4 à vie 1996 SJ5 28* 35 23/08 et 27/08 2-43 1 2 à 4 à vie C1 49* - - - - - C2 20 10/09 et 1 1 ou 2 à vie C3 21 11/09 1 1, 2 ou 3 à vie

De 1985 à 1992, de nombreux autres manchons ont été mis en place par l'équipe de recherche; certains des résultats exposés ultérieurement proviennent d'expériences réalisées dans ces manchons. D'une manière générale, nous sommes limités dans le nombre de manchons que nous pouvons installer, essentiellement par la difficulté d'accéder à certaines branches porteuses de bogues (à Saint-Just Chaleyssin particulièrement).

4.1.4.2 - En conditions protégées

Certaines expériences de ponte exigent un renouvellement périodique et fréquent des hôtes pour une même femelle. Cette exigence est difficilement accessible avec des expériences en manchons. Il faut en effet retrouver la femelle dans le manchon, la capturer et la transférer dans un autre manchon. Pour pallier à ces difficultés expérimentales, certaines expériences de ponte ont été conduites sur le terrain dans des boîtes en plastique transparent installées sous l'arbre C3 (Cévennes). Références Bibliographiques 64

En 1996, pour déterminer le coût de la ponte sur la longévité et le nombre d'œufs pondus quotidiennement par une femelle, nous avons utilisé des boîtes (25x13x10 cm) dont le fond et le couvercle sont en moustiquaire de maille 1 mm2. Toutes les boîtes ajourées étaient disposées sur des caillebotis surélevés sous un châtaignier près de l'arbre C3. Une bâche plastique a été installée au dessus des boîtes afin de protéger les insectes de la noyade lors des violentes pluies du début de l'automne. Outre les expériences de ponte dans les boîtes, des expériences conduites en 1996 à Saint-Just Chaleyssin (SJ5) et dans les Cévennes (C1 et C5) ont permis d'estimer la longévité de femelles accouplées en fonction de leur poids. Les femelles de même âge étaient alors placées par groupe de 4 ou 5 dans une boîte en plastique transparent (12x12x10 cm) contenant un coton inséré dans un récipient rempli d'eau. Ainsi, le coton s'humidifie par capilarité. Afin d'échantillonner sur la totalité de la distribution d'émergence, les groupes de femelles ont été formés pendant toute la période d'émergence. Les boîtes ont été conservées sur le terrain mais à l'ombre et à l'abri de la pluie.

4.2 - Protocoles mis en place au laboratoire

4.2.1 - Élevage des adultes

Les adultes piégés sont ramenés au laboratoire (Photopériode naturelle; T = 20 ± 1 °C) pour y être pesés et accouplés. Ils sont maintenus en vie dans des piluliers ou dans des boîtes (12x12x10 cm) contenant un coton humidifié. Ils sont ensuite utilisés dans différentes expériences sur le terrain et au laboratoire.

4.2.2 - Les étapes de la ponte

Les différentes étapes d'un acte de ponte ont été déterminées et leurs durées ont été mesurées au laboratoire (T = 20 ± 1 °C; photopériode naturelle). Les observations au laboratoire ont porté sur 18 femelles en 1994 et 1995. Chaque femelle a été placée dans une boîte en plastique transparent (25x13x10 cm) contenant un coton humidifié et deux bogues provenant de SJ5. Celles-ci ont été changées tous les 3 ou 4 jours jusqu'à la mort de la femelle; ce renouvellement est indispensable afin d'éviter la dessiccation de la bogue, ce qui constituerait un obstacle à la ponte.

4.2.3 - Longévité, coût de l'accouplement et de la ponte

En 1994, afin d'estimer le coût lié à l'accouplement et au dépôt des œufs, quatre lots de femelles ont été constitués au laboratoire et les insectes introduits dans des boîtes plastiques. Le premier lot comportait des femelles témoins vierges; le deuxième et Références Bibliographiques 65 troisième étaient formés de femelles accouplées respectivement 2 et 4 fois pendant 45 minutes à chaque accouplement. Enfin, les femelles du dernier lot étaient accouplées 2 fois 45 minutes et disposaient de bogues saines pour pondre, à la différence de celles des deux premiers lots, qui ne pouvaient pas pondre dans des fruits. Chaque femelle était placée dans une boîte en plastique transparent (12x12x10 cm) contenant un coton humidifié (T = 20 ± 1 °C; photopériode naturelle). Les femelles survivantes ont été dénombrées chaque jour, jusqu'à la dernière.

Chapitre 3: Nombre de sites de ponte et distribution des immatures par châtaigne

L'"apparence" de la plante hôte (Feeny, 1976) est souvent impliquée dans l'évolution des stratégies de ponte. L'abondance de la plante-hôte constitue un des éléments de cette apparence. Ainsi, dans un système plante-insecte, le nombre d'œufs déposé dans un hôte peut dépendre de la quantité de sites de ponte et surtout du nombre de sites utilisables, c'est-à-dire ayant les caractéristiques pour assurer le développement correct d'immatures. Dans une première partie, nous présenterons le nombre de sites de ponte disponibles dans une population de balanins ainsi que ses variations temporelles et spatiales. Puis nous examinerons les distributions des immatures par fruit, souvent utilisées par les entomologistes pour tirer des conclusions sur le comportement de ponte. Nous montrerons que des lois théoriques reposant sur des hypothèses très différentes, Références Bibliographiques 66 peuvent s'ajuster à une distribution observée. A partir de données sur le balanin nous discuterons de la difficulté d'interpréter les différents ajustements statistiques réalisés sur ce type de distribution observée et de la nécessité de prendre en compte l'hétérogénéité de la population hôte. De nombreuses données présentées dans ce chapitre ont été recueillies par différentes personnes ayant travaillé dans l'équipe de recherche entre 1980 et aujourd'hui (D. Debouzie, C. Pallen, A. Boyer, F. Menu, C. Pettini, S. Manel et moi-même).

1 - Quantité de sites de ponte

1.1 - Données globales

1.1.1 - Nombre de châtaignes disponibles

L'effectif en châtaignes représente d'une part, le nombre de sites de ponte potentiel pour l'ensemble des femelles de la population considérée et d'autre part, la quantité de nourriture disponible pour le développement des larves. Le nombre total de fruits a été estimé à partir de l'échantillonnage systématique en extrapolant le nombre moyen de fruits par quadrat (0.5 m2) à la surface totale de recouvrement foliaire (Debouzie et al., 1993). Un ramassage exhaustif des amandes a été réalisé en plus de l'échantillonnage sytématique, en 1983, 1987, 1989 (Menu & Debouzie, 1993), 1995 et 1996 à SJ5, en 1995 et 1996 pour la station SJA. En 1996, en C1, C2 et C3 seul un ramassage exhaustif a été réalisé. Durant les deux dernières années, un ramassage exhaustif des amandes a été effectué sous C4, C4', C5 et C6. La quantité de fruits présents par arbre varie selon les années et les stations, de 8 500 (SJ5, 1987) à 42 500 (SJ5, 1991) et vaut en moyenne 22 808 (Tableau 9).

Tableau 9 - Nombre de châtaignes produites par arbre et selon l'année (de 1981 à 1996). La plupart des valeurs ont été estimées à partir d'un échantillonnage systématique (voir texte). * : ramassage exhaustif des fruits. - arbre non étudié. SJ4$ : données uniquement pour un arbre de la station SJ4, nommé SJ4.1. Les 3 arbres de la station SJ4 ont été coupés en 1994 lors d'un programme de remembrement à Saint-Just Chaleyssin.

SJA SJ4$ SJ5 C1 C2 C3 1981 - 20 450 26 865 - - - 1982 - 21 500 33 450 - - - 1983 - 14 850 19 150 - - - 1984 - 22 275 18 600 - - - 1985 - 16 200 22 500 - - - 1986 - 14 275 31 850 - - - 1987 - 18 025 8 490 - - - 1988 - 14 575 16 000 - - - Références Bibliographiques 67

1989 - 31 136 24 256 - - - 1990 - 32 448 24 448 - - - 1991 - 37 856 42 528 - - - 1992 - 32 544 24 096 - - - 1993 - 16 800 25 344 - - - 1994 - - 25 992 - - - 1995 27 904 - 14 760 24 600 19 224 19 032 1996 16 071* - 10 174* 12 306* 16 913* 11 775* Le nombre de fruits n'est jamais nul pour l'ensemble des stations et des années étudiées. Ce résultat est généralisable : les producteurs castanéicoles des Cévennes n'ont jamais recensé d'arbres sans fruit au cours des soixante dernières années (Julien, comm. pers.).

1.1.2 -Proportion de fruits infestés par le carpocapse et le balanin

Parce qu'une femelle balanin ne pond pratiquement pas dans les châtaignes contenant une larve de carpocapse, Cydia splendana (Voir chapitre 4 et Debouzie et al., 1996), les fruits infestés par le carpocapse sont considérés comme impropres à la ponte du balanin. Les dissections réalisées lors de l'échantillonnage systématique, ont permis d'estimer la proportion de châtaignes attaquées par Cydia splendana, seule espèce concurrente du balanin dans les stations de Saint-Just Chaleyssin et dans les Cévennes (Tableau 10). Dans les Cévennes, en 1995, le pourcentage moyen de fruits infestés par du carpocapse valait respectivement 21.3, 21.3 et 9.9% pour les arbres C1, C2 et C3.

Tableau 10 - Proportion moyenne d'amandes infestées par le carpocapse, Cydia splendana, et par le balanin, Curculio elephas de 1981 à 1996 pour la station SJ5 et de 1981 à 1993 pour SJ4.1. Les résultats concernant les expériences dans les Cévennes sont donnés dans le texte. Les estimations proviennent des données de l'échantillonnage systématique.

Taux d'infestation par le carpocapse Taux d'infestation par le balanin Années SJ5 SJ4.1 SJ5 SJ4.1 1981 32.2 48.7 30.1 13.8 1982 34.5 46.6 14.6 9.7 1983 22.5 30.5 23.0 11.1 1984 30.1 29.6 14.5 4.9 1985 23.3 39.2 24.3 16.8 1986 21.4 29.8 13.8 12.6 1987 36.0 36.5 17.7 18.3 1988 20.6 22.5 17.6 15.8 1989 15.2 20.6 11.1 11.3 1990 18.7 39.2 31.7 31.4 Références Bibliographiques 68

1991 21.4 33.2 21.5 22.1 1992 18.1 22.7 18.8 17.5 1993 12.0 18.9 9.3 19.6 1994 17.0 - 11.8 - 1995 20.1 - 12.4 - 1996 31.7 - 18.4 -

La proportion de fruits infestés par le carpocapse atteint en moyenne 26% (Coefficient de variation : CV = 36%) et varie de 10 (arbre C3 en 1995) à 49% (arbre SJ4 en 1981). La proportion moyenne à SJ4 dépassait celle de SJ5 (resp. 32 vs. 23%, t = 2.79; 27 ddl; P = 0.01). En moyenne, et sur l'ensemble des arbres étudiés, 26% des sites de ponte présents dans un arbre ne sont donc pas aptes à recevoir une ponte de femelles de Curculio elephas puisqu'ils sont infestés par du carpocapse. Cependant, cette estimation représente le nombre maximum de fruits indisponibles pour la ponte. En effet, l'interférence entre les deux espèces est asymétrique. La coexistence peut donc avoir lieu mais demeure rare; en moyenne, 2.4% des amandes sont infestées par des immatures de carpocapse et de balanin (voir chapitre 4 et Debouzie et al., 1996).

1.1.3 - Effectif des femelles et étalement des émergences

Le nombre de sites de pontes susceptibles d'être infestés à une date donnée dépend de la quantité de fruits disponibles dans l'arbre et de l'effectif de la population d'insectes. Le nombre de femelles adultes dans les châtaigniers dépend de la période d'émergence et de la survie des imagos. Ainsi, l'étalement des émergences représente une sous-estimation de la période pendant laquelle les fruits peuvent être infestés. Afin d'estimer l'effectif de la population et la dynamique naturelle d'émergence des adultes, des coffres à émergences sans fond (100x100x30 cm) ont été installés, au début du mois d'août des années 1982 à 1994 (excepté en 1986 et 1988), sous les châtaigniers SJ4 et SJ5. L'un des côtés du coffre présente un orifice de 2 cm de diamètre d'où part un tuyau relié à une boîte plastique ou à un pilulier. Une fois sortis de terre, les adultes sont attirés par cet orifice, unique source lumineuse (phototaxie positive) et sont piégés dans les boîtes ou les piluliers. Des relevés périodiques (en moyenne tous les deux jours) ont été effectués. Les insectes qui émergent lors d'une année n'ont pas tous le même âge; du fait de l'existence d'une diapause prolongée, la population est constituée d'adultes issus de larves enfouies une à quatre années avant l'année considérée. Références Bibliographiques 69

Les résultats présentés dans les tableaux 11 et 12, incorporent les émergences naturelles et toutes les classes d'âge.

Tableau 11 - Nombre d'adultes ayant émergé, date médiane et amplitude des émergences de 1982 à 1994 à SJ5. Ces données correspondent à des observations en conditions naturelles et ont été recueillies par l'équipe de recherche. En 1985, 1987 et 1989, le faible nombre d'insectes capturés ne permet pas d'estimer la date médiane et l'amplitude.

Année Nombre de Nombre Nombre Date médiane Amplitude coffres d'adultes d'adultes au m2 (nombre de jours) émergés 1982 5 30 6.0 29/08 26/08-18/09 (23) 1983 5 9 1.8 30/08 23/08-14/09 (22) 1984 5 54 10.8 08/09 28/08-05/10 (38) 1985 1 2 2.0 - - 1986 0 - - - - 1987 1 4 4.0 - - 1988 0 - - - - 1989 4 4 1.0 - - 1990 5 15 3.0 22/08 13/08-02/09 (20) 1991 6 10 1.7 29/08 19/08-08/09 (20) 1992 8 22 2.7 31/08 24/08-12/09 (19) 1993 8 19 2.3 27/08 23/08-16/09 (24) 1994 10 24 2.4 24/08 16/08-13/09 (28)

Tableau 12 - Nombre d'adultes qui ont émergé, date médiane et amplitude des émergences selon l'année à SJ4. Ces données correspondent à des observations en conditions naturelles.

Année Nombre de Nombre Nombre Date médiane Amplitude coffres d'adultes d'adultes au m2 (nombre de jours) émergés 1983 7 18 2.6 02/09 21/08-24/09 (34) 1984 7 16 2.3 13/09 29/08-27/09 (29) 1985 7 17 2.4 02/09 27/08-17/09 (21) 1986 8 32 4.0 03/09 21/08-01/10 (41) 1987 13 38 2.9 02/09 28/08-21/09 (24) 1988 11 20 1.8 05/09 23/08-22/09 (30) 1989 6 7 1.2 30/08 23/08-10/09 (18) 1990 10 12 1.2 30/08 25/08-10/09 (16) Références Bibliographiques 70

1991 13 18 1.4 14/09 29/08-06/10 (38) 1992 17 49 2.9 03/09 20/08-16/09 (27) 1993 16 24 1.5 30/08 23/08-16/09 (24)

Le premier balanin a été capturé le 13 août en 1990 à SJ5 et le dernier le 6 octobre en 1991 à SJ4. L'amplitude des émergences varie de 19 à 38 jours pour SJ4 et de 16 à 41 jours pour SJ5. La date médiane est respectivement comprise entre le 30 août et le 14 septembre à SJ4, et entre le 22 août et le 8 septembre à SJ5. En moyenne, les balanins émergent six jours plus tard à SJ4 qu'à SJ5.

A partir du nombre d'adultes ayant émergé par m2 (Tableau 13) et de la surface des stations SJ4 et SJ5, nous pouvons estimer les effectifs de femelles. Étant donné que le pourcentage de femelles varie entre 42 et 57 selon les années et les conditions expérimentales (Menu, 1993b), en première approximation une sex-ratio équilibrée a été choisie pour calculer le nombre de femelles (voir chapitre 5).

Tableau 13 - Estimation du nombre de femelles qui émergent selon l'année dans les stations SJ4 et SJ5 entre 1982 et 1994. NAs/F : Nombre d'amandes saines disponibles par femelle balanin. nd : pas d'estimation car aucun coffre à émergence installé.

SJ4 SJ5 Années Nombre de NAs/F Nombre de NAs/F femelles femelles 1982 nd nd 806 28.8 1983 990 37.8 248 62.3 1984 880 51.6 1364 9.9 1985 935 48.0 178 99.7 1986 1540 22.1 nd nd 1987 1125 27.8 52 108.5 1988 700 35.6 nd nd 1989 449 131.5 198 104.7 1990 462 80.9 201 104.0 1991 533 111.2 263 136 1992 1116 31.6 366 55.6 1993 577 70.6 356 62.8 1994 - - 372 56

Les stations SJ4 et SJ5 contiennent en moyenne, respectivement 846 femelles (SE = 102.3) et 400 (EC = 112.4) avec de fortes variations du nombre de femelles selon les années. On en déduit que le nombre moyen de fruits potentiellement utilisables par une Références Bibliographiques 71 femelle, c'est-à-dire non infestés par du carpocapse, vaut 59.0 (SE = 10.8; mini = 22.1; maxi = 131.5) à SJ4 et 75.3 (SE = 13.3; mini = 9.9; maxi = 136.0) à SJ5. Les estimations fournies ci-dessus donnent un ordre de grandeur mais sont à considérer avec prudence. En effet, les coffres présentent l'inconvénient d'induire un microclimat : la température y est plus élevée et l'humidité plus faible qu'en conditions naturelles (Menu, comm. pers.). En cas de sécheresse estivale, le sol sous le coffre devient très sec et peut gêner l'émergence des adultes. Des cages à émergence à base de tulle ont été testées (Debouzie, comm. pers.) mais sans succès car aucune phéromone susceptible d'attirer les adultes n'a pu être identifiée. L'effectif de la population adulte obtenu à partir des données des coffres à émergence, est probablement sous-estimé ainsi que l'étalement des sorties vu le faible nombre d'insectes capturés. De plus, l'estimation du nombre de femelles reste peu précise.

Les effectifs en 1996 dans les Cévennes et à SJ5 sont estimés à partir des émergences en dispositifs protégés (récipients plastiques et casiers) (Tableau 14).

Tableau 14 - Nombre d'adultes qui ont émergé après une diapause simple (1 an) en 1996 (entre parenthèses le nombre de femelles), date médiane des émergences et amplitude des émergences selon les stations.

Stations SJ5 C1 C2 C3 C4 et C4' C5 C6 Nombre d'adultes 484 (281) 584 (290) 1 (0) 558 (295) 110 (58) 515 (250) 69 (37) Date médiane 25/08 04/09 - 31/08 23/09 14/09 08/09

Amplitude : jours 48 34 - 43 30 44 36 dates 13/8-30/9 25/8-28/9 16/8-28/9 8/9-8/10 27/8-10/10 27/8-2/10

L'étalement des émergences varie de 30 jours (C4 et C4' réunis) à 48 jours à SJ5. Ces dispositifs conduisent à une surestimation du nombre d'adultes émergés après avoir passé un an dans les sols. En effet, la protection que représentent les dispositifs, augmente la survie dans le sol. En revanche, les adultes qui auraient dû émerger après une diapause prolongée ne sont pas pris en compte. Cependant, l'étalement des émergences pour des adultes sortis après une diapause prolongée est semblable à celui observé pour des imagos sortis après un an (Menu, 1993b).

1.2 - Variations temporelles du nombre de fruits

Les châtaignes produites par un arbre ne sont pas toutes disponibles en même temps. Les variations dans le développement des fruits impliquent que tous les fruits ne sont pas aptes à recevoir des pontes à une date donnée.

1.2.1 - Étalement de la chute des fruits Références Bibliographiques 72

La variabilité individuelle liée au degré de développement des châtaignes reste difficilement quantifiable. En revanche, l'étalement de la chute des fruits est mesurable et intègre cette variabilité individuelle. Seules les données pour les années ultérieures à 1990 seront présentées, Menu (1992) ayant décrit les résultats des années antérieures (Tableau 15).

Tableau 15 - Amplitude de la chute des fruits, date médiane et date à laquelle 90% des châtaignes sont tombées au sol. NTA : nombre total d'amandes recueillies lors de l'échantillonnage systématique. * : pas d'échantillonnage systématique dans les Cévennes en 1996. $ : l'ensemble de la station SJ4 est considéré.

Année Station$ NT A Amplitude Médiane 90% 1991 4 2752 30/09-05/11 14/10 24/10 5 1329 25/09-22/10 09/10 14/10 1992 4 1428 30/09-30/10 04/10 13/10 5 753 22/09-23/10 01/10 08/10 1993 4 1569 21/09-21/10 05/10 09/10 5 792 16/09-18/10 23/09 03/10 1994 5 872 17/09-11/10 25/09 29/09 A 872 28/09-18/10 04/10 11/10 5 820 16/09-12/10 01/10 04/10 1995 C1 3 075 06/10-25/10 07/10 12/10 C2 2 403 06/10-25/10 09/10 13/10 C3 2 379 06/10-24/10 07/10 13/10 1996* A 2421 25/09-12/10 28/09 30/09 5 1192 25/09-12/10 30/09 03/10

La première chute de fruits a été notée le 16 septembre (SJ5 en 1993 et 1994) et la dernière le 25 octobre (C1 et C2 en 1995). En moyenne, toutes stations confondues, la période de chute des fruits dure 23.6 jours (SE = 1.7). La date médiane de chute qui représente la date à laquelle 50% des châtaignes sont encore potentiellement disponibles pour la ponte des femelles, varie du 23 septembre au 9 octobre selon les stations et les années. En cas de forts coups de vent et/ou de pluies violentes, le laps de temps entre la chute de la moitié et de 90% des amandes peut être court (3 jours à SJ5 en 1995).

1.2.2 - Comparaison des périodes de chute de fruits et d'émergences

La chute des fruits peut réduire le nombre de fruits disponibles par femelle lorsque la période pendant laquelle les femelles sont présentes et celle de la chute des châtaignes Références Bibliographiques 73 se chevauchent. Les femelles sont présentes dans l'arbre au minimum pendant la durée de la période d'émergence. Pour deux combinaisons "année.station", parmi les 7 étudiées à SJ4 et SJ5 de 1991 à 1994, la chute des châtaignes commence avant la fin des émergences (6 jours à SJ4 en 1991 et le même jour en 1993 à SJ5). Ces deux cas représentent d'une part, l'année et la station ayant la date d'émergence la plus tardive (SJ5 en 1993) et d'autre part, celles ayant la date de chute de fruits la plus précoce (SJ4 en 1991). Pour les autres "année.station", la première chute de fruits a été observée entre 5 et 17 jours après la dernière émergence.

1993 SJ5 Émergence des femelles Chute des fruits

1991 SJ4 Émergence des femelles Chute des fruits 4-Oct 8-Oct 2-Sep 6-Sep 1-Nov 5-Nov 12-Oct 16-Oct 20-Oct 24-Oct 28-Oct 10-Sep 14-Sep 18-Sep 22-Sep 26-Sep 30-Sep 21-Aoû 25-Aoû 29-Aoû

Fig. 12 - Chevauchement des périodes d'émergence des femelles et de chute des fruits en 1993 à SJ5 (un jour de chevauchement) et en 1991 à SJ4 (6 jours de chevauchement, zone hachurée). Les flèches indiquent la date médiane de chute des fruits.

1.3 - Variations spatiales du nombre de fruits et du nombre d'adultes

Afin de tester si les fruits et les adultes sont répartis de façon homogène dans l'espace, nous avons d'une part, estimé le nombre moyen de fruits présents dans quatre secteurs déterminés par les points cardinaux et d'autre part, déterminé le nombre moyen de balanins (œufs, larves et trous de sorties) par amande (Tableau 16). Cette étude ne concerne que le châtaignier SJ5 car les 5 arbres conduisent aux mêmes conclusions

Tableau 16 - Répartition des fruits et taux d'infestation selon quatre secteurs définis par rapport aux points cardinaux (de 1981 à 1995 à SJ5). NmA : Nombre moyen de châtaignes présentes (Intervalle de confiance : IC à 95%). NmB/A : Nombre moyen de balanins immatures par amande. Données de l'échantillonnage systématique.

Nord Sud Est Ouest NmA 263.6 165.7 143.5 252.1 (IC) [129.4 ; 396.5] [109.7 ; 221.7] [80.2 ; 206.8] [78.1 ; 426.1] NmB/A 0.35 0.30 0.35 0.33 Références Bibliographiques 74

Nous présenterons uniquement les résultats pour SJ5 qui est le plus étudié. La proportion de fruits attaqués ne varie pas significativement selon la direction cardinale (de 15.0 à 20.8%; ANOVA à deux facteurs : orientation et date : F3, 44 = 2.10; P = 0.12). La même conclusion est obtenue en considérant non plus la proportion de fruits attaqués, mais le nombre de balanins immatures par fruit (F3, 42 = 0.38 ; P = 0.77).

1.4 - Conclusions

Les variations dans les effectifs de fruits et d'adultes illustrent la notion de ressources présentes et utilisables (Andrewartha & Birch, 1954). Le nombre de châtaignes potentiellement disponibles pour l'ensemble des femelles ne semble pas être un facteur limitant d'un point de vue quantitatif. Ce résultat est généralisable à bon nombre d'herbivores (Strong et al., 1984). Une femelle balanin dispose en moyenne de plus de sites de ponte qu'elle n'a d'œufs à pondre. En effet, la fécondité potentielle moyenne d'une femelle est au plus de de 30-40 œufs (voir chapitre 5). Seule l'année 1984 à SJ5 semblait offrir des conditions limitantes puisqu'une femelle ne disposait que de 10 châtaignes pour pondre tous ses œufs. Cependant, il est nécessaire de relativiser nos conclusions car toutes les châtaignes ne sont pas disponibles en même temps. Ainsi, un quart des sites devient progressivement indisponible au fur et à mesure que les larves de carpocapse infestent les fruits (Debouzie et al., 1996; voir chapitre 4). De plus, la maturation variable et la chute progressive des fruits induisent une variation temporelle dans le nombre de fruits utilisables pour la ponte. La chute des fruits peut être accélérée par des conditions météorologiques sévères (vents, orages, pluies violentes). Par conséquent, le nombre de sites de pontes disponibles peut fortement diminuer en un laps de temps très court. Néanmoins, l'impact des premières chutes de châtaignes reste faible et ne se fait sentir que sur le petit nombre de femelles ayant émergé tardivement ou encore en vie. En effet, géneralement les fruits commencent à tomber de 5 à 17 jours après les dernières émergences. Un début de chute de fruits plus précoce que les dernières émergences a été observé uniquement pour SJ4 en 1991 : les périodes d'émergences et de chute de châtaignes se sont chevauchées pendant 6 jours. Enfin, sous l'hypothèse d'un marquage par une phéromone répulsive, toutes les amandes infestées par un balanin femelle deviendraient impropres à la ponte d'autres femelles. Deux types de variations temporelles n'ont pas été pris en compte. D'une part, nous n'avons pas considéré l'évolution de la texture des bogues. L'enveloppe et les piquants durcissent avec le temps; ils deviennent certainement un obstacle mécanique au dépôt des œufs. D'autre part, il est probable que la qualité intrinsèque des châtaignes change et que certaines deviennent, avec le temps, impropres à la ponte. Cette dernière Références Bibliographiques 75 hypothèse suppose que la femelle est capable d'évaluer la qualité des fruits avant d'y pondre, ce dont nous discuterons dans le chapitre 4. Notre étude n'a montré aucune variation spatiale dans la répartition des fruits et des femelles. Cependant, l'échantillonnage systématique ne donne qu'une image en deux dimensions de la répartition spatiale des fruits dans les châtaigniers. Il ne permet pas d'avoir accès à la répartition verticale des amandes.

2 - Distribution des immatures dans les fruits : peut -on parler de contagion?

La distribution des immatures dans les hôtes résulte des interactions entre le nombre de fruits utilisables et celui des femelles présentes. Elle a souvent été utilisée par les entomologistes pour étudier certains aspects des stratégies de ponte. En effet, elle permettrait, d'après ces chercheurs, de caractériser le type de ponte : contagieuse, aléatoire, uniforme... Deux approches sont utilisées dans l'étude des distributions : la première est basée sur la distribution complète (Fig. 13) incluant les hôtes non infestés. Cette distribution est alors soit ajustée à une loi théorique, soit elle sert à déterminer l'indice de dispersion, rapport de la variance sur la moyenne du nombre d'immatures par fruit (noté: variance/moyenne). Dans le cas d'un ajustement, la loi Binomiale Négative (BN) est incontestablement la loi la plus souvent employée, probablement car elle conduit à de bons ajustements (e.g. Zahner & Baumgartner, 1984). La seconde approche consiste à prendre en compte la distribution tronquée en éliminant les hôtes sains puis à employer un indice d'agrégativité (Ives, 1991; Johannesen & Loeschcke, 1996). Quelle que soit l'approche, l'interprétation des indices ou des ajustements se heurte à deux difficultés. Premièrement, un rapport variance/moyenne supérieur à un et un ajustement à une distribution dite contagieuse telle que la BN, peuvent être source de confusion. En effet, les statisticiens (e.g. Feller, 1943; Boswell et al., 1979) ont montré que plusieurs processus différents peuvent conduire à la même distribution contagieuse. Par exemple, la BN peut être générée soit par une contagion vraie qui entraîne la formation d'agrégats à l'échelle de l'hôte, soit par une distribution n'ayant rien à voir avec des agrégats. Dans ce dernier cas, Greenwood & Yule (1920) ont introduit le terme de contagion fausse qui correspond à une composition de distributions de Poisson dont le paramètre suit une loi Gamma (Boswell et al., 1979). Les mélanges de distributions élémentaires peuvent être dus à différents mécanismes tels que des variations spatio-temporelles du paramètre de la distribution de Poisson ou bien une interférence entre plusieurs femelles qui isolées distribueraient leur œufs de façon aléatoire. La seconde difficulté réside dans l'hétérogénéité de la population hôte, dans la notion de ressources disponibles et de la qualité des hôtes (Andrewartha & Birch, 1954). Références Bibliographiques 76

L'hétérogénéité s'exprime par l'existence d'au moins trois classes de fruits : 1) les fruits infestés; 2) ceux qui, de par leurs caractéristiques morphologiques ou biochimiques ou bien de par la présence de phéromones, sont évités par les femelles et demeurent sains; 3) les hôtes sains car ils sont en excès par rapport au nombre de femelles de la population et au nombre d'œufs qu'elles peuvent déposer. Les ajustements aux distributions complètes ne prennent pas en compte les trois catégories d'hôtes. En effet, les fruits en excès ne peuvent pas être séparés de ceux évités par les femelles. Bien évidemment, les distributions tronquées ne considèrent pas les hôtes sains. Ainsi, les deux approches et les distributions théoriques utilisées négligent la sélection des hôtes par les femelles qui est une phase active de la ponte. Bien que certains biologistes (Southwood, 1968, p. 32) aient déjà signalé que les ajustements à des lois théoriques ne permettaient pas aux écologistes de déduire précisément les mécanismes biologiques sous-jacents, de nombreux écologistes associent systématiquement la BN ou un rapport variance/moyenne supérieur à un, à une ponte agrégative (Movery et al., 1980; Zahner & Baumgartner, 1984; Zhang et al., 1993; Renshaw et al., 1995; Johannesen & Loeschcke, 1996; White & Bennetts, 1996).

2.1 - Distributions des immatures dans les châtaignes

Dans les Cévennes et à Saint-Just Chaleyssin, les distributions du nombre d'immatures par amande sont obtenues à partir des données de l'échantillonnage systématique mis en place sous 5 châtaigniers (SJ4, SJ5, C1, C2 et C3) (Fig. 13).

90 station 5 station 4.1 80 Cévennes Fréquence (%)

70 20

10

0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Nombre d’immatures par fruit Fig. 13 - Distributions d'immatures par fruit. Pour SJ5 les données ont été regroupées de 1981 à 1996 (13 559 fruits), et de 1981 à 1993 pour SJ4 (10 618 fruits). Les données des arbres C1, C2 et C3 (en 1995, 2 514 fruits) ont aussi été regroupées. L'intervalle de confiance de la fréquence est donné. Références Bibliographiques 77

Les trois distributions globales (SJ4, SJ5 et C1-C2-C3) ont été construites à partir de la dissection de 10 618 fruits pour SJ4, de 13 559 fruits pour SJ5 et de 2 514 châtaignes pour les arbres C1, C2 et C3 (Fig. 13). En moyenne, 81.3% des fruits ne sont pas infestés par Curculio elephas; 18.7% contiennent de 1 à 11 immatures (1 seul cas répertorié avec 11 balanins). En moyenne, 51 et 26% des châtaignes infestées renferment 1 ou 2 balanins. Le nombre moyen d'immatures par fruit est de 0.30 (CV = 47%; Moy 1 dans le Tableau 17) et varie de 0.06 (arbre SJ4 en 1993) à 0.63 (arbre C2 en 1995).

2.2 - Ajustements des distributions observées

Le but de ce paragraphe est de montrer, à l'aide de différents ajustements, qu'il est possible qu'une distribution observée s'ajuste à des lois théoriques ayant des hypothèses totalement différentes. Puis nous testerons biologiquement certaines hypothèses liées aux lois utilisées.

2.2.1 - Descriptions des lois théoriques

Les distributions de Poisson, Binomiale Négative (BN) et une distribution tenant compte de l'hétérogénéité des hôtes, la distribution "Zero-Inflated Poisson" (Van den Broek, 1995), ont été ajustées aux distributions obtenues par des études au niveau populationnel. Par la suite, la distribution "Zero-Inflated Poisson", sera nommée la distribution ZIP. La ZIP, qui à notre connaissance n'a jamais été utilisée en entomologie, admet l'existence de deux classes de fruits. La première est constituée des fruits non attaqués, soit parce qu'ils sont impropres à recevoir des œufs, soit parce qu'ils sont en excès relativement à la fécondité potentielle des femelles de la population. Nous noterons w la fréquence de cette première classe de fruits. Dans la deuxième classe, la distribution des immatures suit une loi de Poisson. Lorsque les distributions s'ajustent à la ZIP, un intervalle de sécurité a été défini; les bornes de cet intervalle correspondent à la plus petite et à la plus forte valeur du nombre de châtaignes saines de la première classe de fruits (exprimée en fréquence), de telle sorte que l'ajustement à la loi de Poisson dans la deuxième classe de fruits soit toujours accepté. Le paramètre k de la BN a été estimé par la méthode du maximum de vraisemblance. Le paramètre k est souvent utilisé comme un indice de contagion : plus ses valeurs sont faibles, plus la contagion est importante. Quel que soit l'ajustement réalisé, un seuil égal à l'unité (au lieu de 5) a été considéré afin d'augmenter la puissance du test du Chi-2 (Tallis, 1985).

2.2.2 - Ajustements et rapport variance/moyenne Références Bibliographiques 78

Le rapport variance/moyenne varie de 1.17 à 2.53 et s'écarte toujours significativement de 1 (Tableau 17). La loi de Poisson ne s'ajuste à aucune des 31 distributions (en raison d'un effectif de classes de valeurs, l'arbre SJ4 en 1984 a été exclu). Références Bibliographiques 79 Références Bibliographiques 80

En revanche, la distribution ZIP s'ajuste 25 fois sur 31 et la proportion w varie de 33 à 93%, avec une moyenne de 74%. Le nombre moyen d'immatures par fruit, calculé à partir des résultats de la ZIP sur la seconde classe de fruits (Moy 2 dans le Tableau 17) vaut en moyenne 1.10 et varie de 0.77 à 1.47 (CV = 17%). La variabilité dans cette classe est nettement inférieure à celle observée lorsqu'on considère l'ensemble des hôtes (Moy 1; CV = 47%). La BN s'ajuste dans 20 cas sur 31 (Tableau 17); le paramètre k varie de 0.15 à 0.36. Quel que soit le paramètre considéré (Moy 1, Moy 2, k ou w) aucune tendance n'a été mise en évidence selon l'année (les coefficients de corrélation de Spearman varient de -0.13 à +0.14; 0.52 < P < 0.66). La plupart des distributions observées a donc été ajustée aussi bien par à une distribution dite "contagieuse" (BN), que par une distribution qui suppose l'hétérogénéité dans la population hôte (ZIP) et une ponte aléatoire dans une classe d'hôtes.

2.2.3 - Test des hypothèses des lois théoriques

Afin de savoir si dans le cas du balanin, nous sommes en présence d'une contagion vraie, fausse ou d'une distribution fortement conditionnée par l'hétérogénéité de la population de fruits, nous avons cherché à tester si le nombre moyen d'immatures par fruit (taux d'infestation) présente une variabilité spatiale et/ou temporelle.

2.2.3.1 - Variations spatiales du taux d'infestation

La BN peut être générée par un mélange de distributions de Poisson dont le paramètre a différentes valeurs. La variation de ce paramètre, qui correspond au nombre moyen d'immatures par fruit, peut être due à l'hétérogénéité spatiale. Ainsi, nous avons testé l'homogénéité spatiale des taux d'infestation pour les arbres SJ4, SJ5 et C1-C3. Les résultats ont été présentés dans le paragraphe 1.3 de ce chapitre et ne font état d'aucune variation significative. Les ajustements à la BN ne peuvent donc pas s'expliquer par une variation spatiale du taux d'infestation selon les quatre directions cardinales.

2.2.3.2 - Variations temporelles de la distribution des immatures

Un autre problème lié aux ajustements de distributions globales est engendré par la ponte progressive des femelles dans les fruits. On s'attend en effet à une augmentation du taux d'infestation avec le temps. Nous avons testé si la distribution des immatures changeait pendant le développement des fruits de fin août jusqu'à leur chute en prélevant, chaque semaine, et au hasard, des bogues directement dans les arbres SJ5 et SJ4. Entre Références Bibliographiques 81

40 et 120 fruits selon l'année ont été échantillonnés du 26 août au 22 septembre en 1982, 1985, 1989 et 1990 (données recueillies par l'équipe). Toutes les châtaignes des échantillons ont ensuite été disséquées et les immatures dénombrés. Comme attendu, le taux d'infestation augmente pendant la période de ponte, de 0.04 à 0.21 de fin août à fin septembre. Le rapport variance/moyenne, calculé pour chaque échantillon, quels que soient la date, l'arbre et l'année, n'est corrélé ni à la date ni à l'échantillon (corrélation de Spearman r = 0.13, P = 0.50). Afin d'accroître la puissance des tests statistiques, les données des deux arbres étudiés ont été regroupées: 31 échantillons (ou prélèvements) ont ainsi été obtenus. La valeur moyenne du rapport est 1.56 (significativement supérieure à 1, P < 0.01). Ainsi, ce qui est observé pour les distributions globales construites à partir des fruits tombés s'applique aussi aux châtaignes prélevées dans les arbres avant leur chute. La distribution du nombre d'immatures par fruit ne change pas avec la ponte progressive des femelles, ce qui suggère une absence d'interférence entre elles.

2.2.3.3 - Distributions observées en manchons

Des expériences de ponte en manchons ont été conduites dans l'arbre SJ5 en 1985, 1986, 1990 et 1991, afin de comparer les distributions des immatures pondus par soit par une, soit par trois ou quatre femelles. Les femelles, laissées pendant 2 à 4 jours, étaient âgées de 6 à 16 jours (Tableau 18). Parmi les 131 manchons utilisés 48 renfermaient une seule femelle et 83, 3 ou 4 femelles.

Tableau 18 - Caractéristiques des manchons utilisés à SJ5 pour l'étude de la distribution des immatures pondus par 1 ou 3-4 femelles pendant 2 ou 4 jours. Aucune châtaigne n'était infestée au préalable par une femelle balanin ou par une larve de carpocapse.

Nombre de Année Nombre de Nombre de Date Durée de séjour des femelles par manchons châtaignes (SE) d'introduction femelles en manchon des femelles manchons en jours 1 1990 20 8.4 (0.7) 21/08 - 24/09 4 1 1991 28 9.3 (0.6) 16/09 - 29/09 2 - 4 3-4 1985 17 8.8 (0.7) 08/09 - 28/09 3 3 1986 26 8.8 (0.6) 04/09 - 19/09 2 3 1990 40 7.9 (0.5) 23/08 - 20/09 2 - 4

Les données des 48 manchons contenant une seule femelle ont été regroupées. Elles conduisent à une distribution similaire (Fig. 14) à celle obtenue par échantillonnage systématique (Fig. 13). Références Bibliographiques 82

70

60

50

40 1 femelle Fréquence (%) 3-4 femelles 30

20

10

0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Nombre d’immatures par fruit

Fig. 14 - Distribution des immatures par fruit lors d'expériences en manchons. Les données de 48 manchons contenant une seule femelle ont été regroupées (431 fruits), ainsi que celles de 83 manchons avec 3 ou 4 femelles (695 fruits). L'intervalle de confiance de la fréquence est donné.

Dans ces manchons qui renferment en moyenne 9.0 amandes, une femelle a pondu, en moyenne, 6.3 sur 3 jours. La proportion de fruits non attaqués est de 59.4% et 73.1% des châtaignes infestées contiennent un ou deux immatures. La loi de Poisson ne s'ajuste pas à cette distribution (c 2 = 113.2; 3 ddl; P < 0.0001), mais la BN s'ajuste (c 2 = 9.2; 4 ddl; P = 0.06) ainsi que la ZIP (c 2 = 8.1; 5 ddl; P = 0.15). Le paramètre w de la ZIP varie de 0.46 à 0.52. Des conclusions semblables peuvent être tirées de la distribution obtenue à partir des 83 manchons contenant 3 ou 4 femelles. Chaque manchon contient 8.4 châtaignes et les femelles ont pondu en moyenne 2.9 œufs en trois jours. 60.3% des fruits sont restés inattaqués et 69.2% des amandes infestées contenaient un ou 2 immatures. Ces valeurs sont proches de celles observées dans le cas des manchons renfermant une seule femelle. Cependant, aucune distribution théorique ne s'ajuste à la distribution des immatures : Poisson (c 2 = 323.2; 3 ddl; P < 0.0001), BN (c 2 = 13.9; 6 ddl; P = 0.03) ou ZIP (c 2 = 60.1; 6 ddl; P<0.0001). Comparé aux manchons avec une seule femelle, le nombre de fruits contenant au moins 4 immatures augmente de 3.9 à 7.2% (c 2= 5.02; 1 ddl; P = 0.025). Lorsque les ressources par femelle se raréfient, la distribution des immatures est quelque peu modifiée. Le nombre de fruits fortement infestés (au moins 4 immatures) s'accroît soit parce que les femelles déposent plusieurs œufs en un acte de ponte, soit parce qu'un fruit est attaqué plusieurs fois par la même femelle ou par des femelles différentes. Références Bibliographiques 83

2.3 - Discussion

Toute interprétation en termes de stratégie de ponte à partir d'ajustements à des distributions globales doit être faite avec prudence. En effet, une distribution donnée peut être ajustée à de nombreuses lois théoriques impliquant des hypothèses très différentes. A partir de nos données biologiques sur Curculio elephas, des ajustements à la Binomiale Négative et des valeurs du rapport variance/moyenne, on aurait pu conclure de façon hâtive, à une ponte agrégative chez les balanins femelles. Cependant, les ajustements à la ZIP proposent une alternative. Ils suggèrent non plus que la femelle pond ses œufs en agrégats mais qu'il existe deux catégories de fruits : une où la femelle ne pond pas et l'autre où elle distribue ses œufs suivant un processus aléatoire. Plusieurs arguments plaident en la faveur de l'hétérogénéité de la population de châtaignes et donc en faveur d'une ponte aléatoire. La proportion de châtaignes non infestées par le balanin (81.3%) suggère que les fruits sont en excès et/ou qu'une partie d'entre eux ne convient pas pour la ponte de Curculio elephas. L'évitement des châtaignes infestées par le carpocapse (Debouzie et al., 1996) démontre l'existence d'une catégorie d'hôtes impropres à la ponte. Ces fruits représentent une partie de w, fréquence de fruits non attaqués soit parce qu'ils sont impropres à recevoir des œufs, soit parce qu'ils sont en excès relativement à la fécondité potentielle des femelles de la population. En moyenne, la proportion de fruits infestés par Cydia splendana représente environ un tiers de w (26/74). De plus, les effectifs globaux de fruits sains, i.e. sans larves de carpocapse, indiquent que le nombre d'amandes ne semble pas être un facteur limitant au moins d'un point de vue quantitatif et relativement au nombre de femelles présentes dans la population. Prenons l'exemple de SJ5. Alors qu'en manchons les femelles déposent en moyenne 28 œufs (Menu & Debouzie, 1993), en conditions naturelles, la fécondité réalisée d'une femelle charançon est en moyenne de 20.0 œufs (SE = 4.9; Debouzie données non publiées). Par conséquent, puisque le nombre moyen d'immatures par fruit infesté vaut 1.72 (données de l'échantillonnage systématique), seules 4651 amandes, pourraient être infestées par les 400 femelles de la population (20.0 x 400/1.72). Cette estimation ne représente que 20% du nombre moyen total d'amandes de la station (23 031 amandes en moyenne). Ainsi, le pourcentage de fruits non attaqués (80%) s'inscrit dans l'intervalle de variation du paramètre w de la ZIP. En effet, w varie de 33 à 93. Enfin, en présence de ressources limitantes, on s'attendrait à ce que la distribution des immatures dans les fruits change au fur et à mesure que le nombre d'émergences de femelles et le taux d'infestation augmentent; le nombre de fruits multi-infestés devrait croître. Or, les prélèvements hebdomadaires effectués dans les arbres SJ4 et SJ5 montrent que la distribution des immatures n'évolue pas au cours du temps : la proportion de fruits contenant un ou deux œufs reste la même quelle que soit la date de prélèvement. Références Bibliographiques 84

Les ajustements à la Binomiale Négative auraient aussi pu être interprétés en termes de contagion fausse, en admettant par exemple que le paramètre des distributions de Poisson n'est pas spatialement homogène. Cependant, aucune variation dans le taux d'infestation selon la direction cardinale n'a été mise en évidence chez Curculio elephas. Des résultats similaires ont été obtenus pour le charançon de la noix de pécan dont le cycle de vie ressemble à celui du balanin de la châtaigne (Boethel et al., 1974). Nous n'avons pas pu tester les variations liées à la structure verticale de l'arbre mais Boethel et al. (1974) n'ont trouvé aucune variation du taux d'infestation suivant les différents niveaux verticaux chez Curculiocaryae . Les ajustements à la Binomiale Négative ne résulteraient donc pas des variations spatiales; de même les variations temporelles du taux d'infestation semblent négligeables puisque les distributions observées après prélèvements de bogues dans les arbres, n'évoluent pas avec les dates de prélèvement. Cette absence de structures temporelles suggère aussi que même lorsque le nombre de femelles augmente au cours des émergences, il n'existe pas d'interférence entre elles. Ce résultat est renforcé par les expériences en manchons. Même lorsque le nombre de sites de ponte disponibles par femelle est restreint (manchons avec 3 ou 4 femelles), la distribution observée reste proche de celle obtenue par échantillonnage systématique. L'hypothèse d'une contagion fausse générée par des interférences entre femelles peut donc être rejetée. Cependant la contagion vraie demeure envisageable. Dans le cas d'une contagion vraie, la présence d'œufs dans un hôte augmente la probabilité qu'un autre œuf (ou plusieurs) soit déposé dans le même hôte. Cependant, 51% des 26 691 amandes disséquées pour obtenir les distributions globales, contiennent un seul immature, ce qui signifie que dans au moins un acte de ponte sur deux la présence d'un œuf dans une châtaigne n'augmente pas la probabilité qu'un autre œuf (ou plusieurs) soit déposé dans la même amande. Tester les mécanismes de la contagion vraie sur le terrain impliquerait que nous soyons capables de distinguer les deux situations suivantes : - une femelle dépose plusieurs œufs dans un fruit soit en une seule fois soit en plusieurs, - les œufs sont pondus par plusieurs femelles. Ce problème classique est en général résolu au laboratoire (e.g. pour un système hôte parasitoïde, Sirot, 1996) mais nécessiterait par exemple pour le balanin le marquage radioactif des femelles et des œufs. Une telle manipulation a été décrite par Averill & Prokopy (1987) sur Rhagoletis pomonella. Ainsi, chez le balanin, nous pourrions distinguer dans une amande les œufs marqués des non-marqués. Ces expériences devraient en revanche être conduites en manchons car il paraît difficile de suivre la descendance d'une femelle au milieu de milliers de fruits. Cependant, les règles de protection de l'environnement limitent considérablement l'accès à ces technologies. Références Bibliographiques 85

Toutes ces difficultés expliquent pourquoi de nombreuses études ont échoué dans la mise en évidence de la contagion vraie (e.g. Movery et al., 1980; Zhang et al., 1993). Les ajustements à la Binomiale Négative et les valeurs supérieures à un pour le rapport variance/moyenne ne peuvent et ne doivent pas être systématiquement considérés comme une preuve de ponte agrégative. L'hypothèse d'une hétérogénéité des hôtes doit être prise en compte puisque de nombreuses études ont montré que toutes les ressources ne sont pas immédiatement utilisables dès leur apparition (synthèses dans Prokopy et al., 1984; Hunter et al., 1992). Pour un comportement de ponte fixé, par exemple une distribution des œufs au hasard, une variation dans le nombre de zéros, c'est-à-dire dans le nombre le fruits non infestés, peut modifier les résultats des ajustements de la distribution globale observée. Alors que la loi de Poisson ne s'ajuste à aucune des 31 distributions concernant Curculio elephas, une fois retirée la fraction de zéros (fruits sains) estimée par w, la nouvelle distribution suit une loi de Poisson (ZIP). Nos résultats démontrent donc que la prise en compte des hôtes non infestés dans l'interprétation biologique constitue une étape indispensable. Références Bibliographiques 86

Tableau 17 - Ajustements de plusieurs lois théoriques aux distributions globales observées de balanins juvéniles par fruit. Moy 1 = Nombre moyen de juvéniles par fruit. Poisson, ZIP ("Zero-Inflated Poisson") et BN (Binomiale Négative) sont les distributions théoriques. Pour chaque loi théorique sont données les valeurs du c 2 observé (ddl). P = Probabilité critique. Moy 2 correspond au paramètre de la ZIP. w représente la proportion de zéros (châtaignes saines) en excès par rapport à la distribution de Poisson (cf texte); les deux valeurs correspondent à un intervalle de sécurité de w. La variable k rerésente le paramètre de BN. Les valeurs de P en gras indiquent qu'elles sont significatives (<0.05); aucune estimation des paramètres dans ce cas puisqu'on rejette l'hypothèse nulle.

Arbre Année Moy 1 Variance Poisson (ddl) P ZIP (ddl) P Moy 2 w (%) 5 1981 0.53 0.97 862.5 (3) <0.001 10.73 (5) 0.06 1.28 58 - 59 " 1982 0.25 0.51 101.1 (1) <0.001 2.46 (4) 0.65 1.20 74 – 83 " 1983 0.41 0.89 84.7 (2) <0.001 8.84 (4) 0.07 1.28 67– 70 " 1984 0.24 0.46 39.6 (1) <0.001 2.14 (3) 0.54 1.08 70 – 82 " 1985 0.44 0.93 93.8 (2) <0.001 10.60 (4) 0.03 – - " 1986 0.22 0.41 47.0 (1) <0.001 6.51 (3) 0.09 0.96 75 – 80 " 1987 0.32 0.81 37.3 (1) <0.001 1.53 (3) 0.67 1.35 67 – 81 " 1988 0.33 0.75 179.5 (2) <0.001 3.33 (4) 0.50 1.47 71 – 81 " 1989 0.18 0.33 123.8 (1) <0.001 2.33 (3) 0.51 1.06 78 – 86 " 1990 0.56 1.00 146.1 (2) <0.001 2.52 (4) 0.64 1.29 51 – 61 " 1991 0.36 0.77 198.2 (2) <0.001 40.23 (4) <0.001 – – " 1992 0.32 0.68 187.6 (2) <0.001 10.66 (4) 0.03 – – " 1993 0.14 0.25 69.9 (1) <0.001 2.40 (3) 0.49 0.87 79 - 88 " 1994 0.18 0.34 89.9 (1) <0.001 2.45 (3) 0.49 0.97 81 – 85 " 1995 0.20 0.34 98.9 (1) <0.001 1.86 (3) 0.60 0.96 74 – 84 " 1996 0.32 0.59 386.2 (2) <0.001 1.83 (4) 0.77 1.25 70 - 78

4 1981 0.24 0.47 141.7 (1) <0.001 2.17 (4) 0.70 1.23 76 - 84 " 1982 0.15 0.31 97.7 (1) <0.001 0.77 (3) 0.86 1.00 78 - 88 " 1983 0.17 0.34 39.6 (1) <0.001 7.57 (3) 0.06 0.90 72 - 83 " 1984 0.06 0.07 ------" 1985 0.29 0.58 80.5 (1) <0.001 6.46 (4) 0.17 1.17 69 - 79 " 1986 0.21 0.43 86.5 (1) <0.001 1.10 (3) 0.78 1.15 74 - 85 " 1987 0.27 0.47 140.4 (2) <0.001 5.22 (3) 0.16 0.86 63 - 72 " 1988 0.30 0.69 76.4 (1) <0.001 10.91 (4) 0.03 - - " 1989 0.16 0.27 75.6 (1) <0.001 1.17 (3) 0.76 0.77 73 - 84 " 1990 0.53 0.96 188.7 (3) <0.001 19.93 (4) 0.001 - - " 1991 0.33 0.68 250.1 (2) <0.001 15.56 (4) 0.004 - - " 1992 0.28 0.54 291.8 (2) <0.001 8.94 (4) 0.06 1.05 72 - 75 " 1993 0.36 0.79 130.6 (2) <0.001 3.25 (4) 0.52 1.35 66 - 77

C1 1995 0.49 0.68 61.3 (3) <0.001 0.42 (3) 0.06 0.89 33 - 54 C2 1995 0.63 0.97 100.8 (3) <0.001 3.38 (4) 0.50 1.13 36 - 50 C3 1995 0.09 0.17 159.3 (1) <0.001 1.75 (3) 0.63 0.99 88 - 93

Chapitre 4: Références Bibliographiques 87 Comportement de ponte et choix des sites de ponte

Ce chapitre est scindé en trois parties. Dans la première, nous présentons les différentes étapes d'un acte de ponte chez la femelle balanin au laboratoire. Cette étude a permis d'estimer la durée de chaque étape et le temps nécessaire à réalisation d'un acte de ponte complet. Ainsi nous avons pu comparer le temps dont une femelle a théoriquement besoin pour pondre l'ensemble de ses œufs, à sa durée de vie. Dans la deuxième partie, l'existence d'un choix des sites de ponte par Curculio elephas a d'abord été mis en évidence. Puis nous avons testé si : - le choix des fruits dépend des caractéristiques physiologiques et morphologiques des châtaignes et des bogues, - la présence d'immatures de balanin ou de carpocapse dans les châtaignes influence les femelles dans leur sélection des sites de ponte. Enfin dans la dernière partie, une expérience a permis d'estimer le coût de l'accouplement et de la ponte sur la longévité des femelles et d'évaluer la cinétique de ponte des femelles au cours de leur vie.

1- La ponte chez le balanin de la châtaigne

Le succès reproducteur d'un insecte peut être limité par la durée de vie ou par le stock d'œufs disponibles (Charnov & Stephens, 1988; Rosenheim, 1996). Chez les insectes carpophages et séminiphages, l'enveloppe des hôtes (fruits ou graines) constitue un obstacle mécanique qui entraîne un coût énergétique et temporel lors de la ponte. Fabre en 1879 avait montré, à partir de quelques femelles de Curculio elephas, les difficultés rencontrées par celles-ci pour pondre dans des glands de chêne (Quercus sp.); la perforation du fruit et le dépôt d'un seul œuf dans le gland avaient nécessité de 2 à 8 heures et étaient accompagnés d'une mortalité non négligeable. Lors de la ponte dans les châtaignes, l'obstacle mécanique constitué par l'enveloppe du fruit est double : la bogue avec ses piquants (Fig. 15) et le péricarpe de la châtaigne. Références Bibliographiques 88

B C M

Fig. 15 - Disposition des groupes d'aiguillons (ou piquants) chez trois variétés de châtaignes du Gard. B : "Bourgeois", troncs courts porteurs d'aiguillons peu nombreux; C : "Coutinelle", troncs allongés, aiguillons nombreux et divergents; M : "Marrons du gard", troncs allongés portant de longs aiguillons dressés et de nombreux aiguillons courts divergents (d'après Coutin & Dusaussoy, 1956).

Par l'étude du comportement de ponte du balanin de la châtaigne, nous avons cherché à décrire les différentes phases d'un acte de ponte. Les problèmes posés par la recherche du site de ponte ne seront pas considérés (par exemple le temps de recherche). Puis nous avons procédé à l'estimation du temps consacré à la réalisation des actes de ponte au laboratoire. Ce budget-temps a été comparé à la longévité moyenne des femelles.

1.1 - Description du protocole expérimental

Les femelles provenant de SJ5, accouplées dès leur émergence, étaient âgées en début d'expérience, de 8 jours en 1994 et de 6 à 18 jours en 1995. Les observations au laboratoire ont porté sur 18 femelles : 3 entre le 17/9 et le 23/9/1994 et 15 entre le 12/9 et le 21/9/1995. Neuf de ces femelles (3 en 1994 et 6 en 1995) ont fait l'objet d'une surveillance continue pendant une journée, de 8 à 19 heures. Cette surveillance n'a montré aucune tendance dans les variations d'activité pendant la photophase. Ainsi, les séquences ultérieures d'observation ont été choisies aléatoirement entre 8 et 19 heures. Pendant chaque séquence, les observations ont été faites sur toutes les femelles disponibles. Les différentes étapes d'un acte de ponte ont été déterminées et leurs durées mesurées. Nous avons aussi observé et dénombré les cas où une femelle utilisait une galerie préexistante pour pondre. Nous avons donc regroupé toutes les observations, celles en continu sur un nombre limité de femelles, et celles isolées, de courte durée. Au total, nos répétitions regroupent 202 heures d'observation. Dans cette étude, il ne nous était pas possible de disséquer tous les fruits après les actes de ponte pour vérifier le dépôt du (ou des) œuf(s) car nous disposions d'un nombre limité de bogues vierges dans les manchons. L'information sur le nombre d'œufs par galerie provient d'une expérience menée en 1984 (Debouzie, données non publiées). 14 manchons ont été installés sur deux arbres, respectivement 8 sur l'arbre étudié (SJ5; nombre moyen de châtaignes par manchon : n = 1.9 ; écart-type : EC = 0.9) et 6 sur un châtaignier voisin (SJ1; n = 1.8; EC = 1.1). Afin de dénombrer les œufs pondus par Références Bibliographiques 89 châtaigne, les fruits contenus dans ces manchons ont été disséqués au laboratoire sous une loupe binoculaire. La longévité des femelles a été estimée au laboratoire à partir de 77 femelles émergées en 1995 de SJ5.

1.2 - Les étapes de l'acte de ponte et leur durée

Au total, 124 perforations de châtaignes ont été recensées. 66 ont abouti au dépôt d'au moins un œuf. Une analyse de la variance sur les cinq femelles ayant le plus pondu montre que la durée d'un acte de ponte ne varie pas selon la femelle (ANOVA 1 : F4, 37 = 0.53; P = 0.72). La variabilité de la durée d'un acte de ponte entre femelle est donc inférieure à la variabilité intra-femelle. Les piquants de la bogue forment un treillis ne laissant que peu d'endroits accessibles à la ponte (Fig. 16A). La femelle se déplace sur la bogue à la recherche d'un passage suffisamment large à travers les piquants pour avoir accès à la surface de la bogue. Une fois le passage trouvé, la femelle pique la surface et tourne autour de son rostre (Fig. 16B). Elle utilise son rostre comme un vilebrequin et l'enfonce jusqu'à mi- longueur (perforation incomplète) en prenant appui avec ses pattes sur les piquants. Elle reste dans cette position de quelques secondes à quelques minutes, puis elle poursuit la perforation. Les obstacles formés par les piquants obligent la femelle à adopter une position verticale : l'axe longitudinal de son corps se trouve alors perpendiculaire à la surface du fruit (Fig. 16C). A ce moment, la femelle est immobilisée dans le treillis formé par les piquants. Ne pouvant plus tourner autour de son rostre, elle pivote sa tête de droite à gauche, ce qui facilite l'enfoncement complet du rostre (perforation complète). Cette première étape, que nous nommerons la perforation, dure en moyenne 15 min 55 s (n = 66; variations de 2 à 61 minutes).1

pédoncule hile piquants

balanin + bogue châtaigne torche

A B C Fig. 16 - Représentation schématique d'une coupe transversale de bogue et de deux positions caractéristiques de la femelle balanin lors de l'acte de ponte. a) description d'une bogue, b) position d'une femelle au début de l'étape de perforation (première étape) lorsqu'elle tourne autour de son rostre, c) position d'une femelle à la fin de l'étape de perforation (perforation complète). Pour une raison de visibilité, la représentation des piquants proches du balanin est modifiée.

(1) Les distributions des durées de chaque étape de l'acte de ponte étant légèrement asymétriques, les durées moyennes sont accompagnées des valeurs extrêmes observées. Références Bibliographiques 90

Ensuite, la femelle reprend appui sur les piquants et retire son rostre. Elle se retourne pour rechercher la galerie qu'elle vient de réaliser, en sondant avec son ovipositeur dévaginé de l'abdomen. Cette phase de recherche (deuxième étape) nécessite en moyenne 1 min 33 s (n = 66; variations de 12 secondes à 28 minutes). Une fois la galerie localisée, la femelle enfonce son ovipositeur et dépose au moins un œuf dans la galerie. Le dépôt (troisième étape) 20 dure en moyenne 2 min 20 s 18 (n = 66; variation de 30 secondes à 16 14 5 minutes). La réalisation d'un acte 12 de ponte complet (étapes 1 à 3) 10 nécessite en moyenne 19 min 50 s (n 8 = 66; variations de 3 à 66 minutes) 6 (Fig. 17). 4 Fréquence absolue 2 Fig. 17 - Distribution de la durée d'un acte 0 de ponte (n = 66) au laboratoire chez 0 10 20 30 40 50 60 70 Curculio elephas. Durée d’un acte de ponte (en minutes)

Ainsi, le comportement de ponte des femelles de Curculio elephas peut se résumer sous la forme d'un organigramme (Fig. 18)

Choix d’un site

perforation incomplète abandon

perforation complète

recherche du échec trou de ponte

dépôt d’oeufs

Fig. 18 - Organigramme du comportement de ponte du balanin de la châtaigne Curculio elephas. La ponte se décompose en trois étapes 1) la perforation du fruit; 2) la recherche de la galerie réalisée et 3) le dépôt du ou des œufs. Toute perforation débute par une perforation incomplète. Références Bibliographiques 91

Pour 3 femelles, parmi les 18 testées, 9 à 12 actes de ponte ont été observés. Pour ces trois femelles la représentation de la durée d'un acte de ponte en fonction du rang de l'acte confirme qu'il existe une forte variabilité de cette durée pour chaque femelle (Fig. 19), mais aucune corrélation n'est mise en évidence entre la durée totale d'un acte de ponte et le rang de ponte (n = 32; r = 0.20; P = 0.25).

50

40

30

20

10

durée de l’acte (en minutes) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 rang de l'acte de ponte

Fig. 19 - Durée d'un acte de ponte en fonction du rang de ponte, au cours de la vie de trois femelles de Curculio elephas. Chaque symbole (losange noir, carrés blanc et noir) représente une femelle différente.

1.3 - Nombre d'œufs déposés par galerie de ponte

Les données provenant des manchons installés sur les deux châtaigniers étudiés ont conduit à des résultats semblables et ont donc été regroupées (Fig. 20). 50 n=47 Sur les 97 galeries réalisées dans les châtaignes 45 provenant des expériences en manchon, 38 (soit 39%) n=38 40 étaient vides. Parmi les galeries contenant des œufs, 35 80% d'entre elles contenaient un seul œuf et 10% 30 deux œufs. Dans ces expériences en manchon, nous 25 n'avons jamais observé plus de 4 œufs par galerie 20 pourcentage 15 (Fig. 20). 10 n=6 5 n=3 n=3 0 Fig. 20 - Distribution du nombre d'œufs de Curculio elephas par 0 1 2 3 4 galerie de ponte (en manchon). En blanc, les échecs ou abandons au cours d'un acte de ponte (voir paragraphe suivant). En noir, nombre d’oeufs déposés les perforations qui ont abouti au dépôt d'œufs.

1.4 - Abandons et échecs

Un acte de ponte se solde soit par une réussite lorsqu'une femelle adopte la position significative du dépôt d'un œuf (voir résultats § 1.2), soit par un abandon, soit par un échec. Une femelle abandonne lorsque la perforation s'arrête à mi-rostre et que la Références Bibliographiques 92 femelle se retire et ne tente pas de pondre un œuf. Un échec se caractérise par une incapacité pour la femelle à retrouver sa galerie de ponte. 38 cas d'abandon ont été recensés (soit 31% des 124 perforations). 20 échecs ont été dénombrés, soit 23% des 86 perforations complètes. Par conséquent, 47% des 124 perforations complètes et incomplètes sont suivies respectivement d'un échec ou d'un abandon. Les observations suggèrent que la fréquence des échecs n'augmente pas avec la dégradation potentielle du péricarpe de la bogue. Dans le cas d'un échec, la deuxième étape (i. e. la recherche qui se termine lorsque la femelle arrête de sonder avec son ovipositeur), dure évidemment plus longtemps (7 min 48s) que dans le cas d'un acte réussi, 1 min 34s (t = 5.2; 84 ddl; P = 0.0001).

1.5 - Utilisation d'une galerie déjà creusée

L'utilisation d'une galerie préexistante a été observée dans un laps de temps très court (inférieur à la minute) succédant au dernier acte de ponte. Sur les 66 pontes réussies, 21 perforations complètes (première étape) ont eu lieu dans une galerie creusée lors d'un acte de ponte précédent (soit 32%). Dans le cas d'un abandon ou d'un échec, cette proportion ne vaut plus que 17%. Ces deux fréquences sont à la limite de signification au seuil de 5% (c 2 = 3.50; 1 ddl; P = 0.06).

1.6 - Longévité des femelles au laboratoire

La longévité moyenne des 77 femelles ramenées au laboratoire en 1995 et provenant de SJ5, est estimée à 21.1 jours (EC = 9.2j; maxi = 42j). Lorsqu'on retire de l'analyse les deux femelles qui n'ont vécu qu'une seule journée, la longévité est de 21.6 jours (n = 75; EC = 8.7j).

1.7 - Conclusions

La durée d'un acte de ponte (3 à 66 min) dans une châtaigne est beaucoup moins élevée que celle obtenue par Fabre (1879) sur le gland de chêne (2 à 8 heures). Pourtant, la bogue avec ses piquants représente certainement un obstacle mécanique pour la ponte plus important que l'enveloppe du gland. La différence de durée selon les fruits pourrait provenir de la variabilité des caractéristiques physiques des glands et du faible nombre d'observations réalisées par Fabre. Ces résultats suggèrent qu'en raison de sa surface lisse, un gland serait plus difficile à percer qu'une châtaigne. Paradoxalement, les piquants fourniraient des points d'appui à la femelle ce qui faciliterait donc la perforation. Le coût temporel de l'acte de ponte en terme de diminution de la fécondité est très réduit dans les conditions de laboratoire. En effet, une femelle vit en moyenne 21 jours au Références Bibliographiques 93 laboratoire (longévité comparable à celle observée en manchons, Menu & Debouzie, 1993) et présente une fécondité potentielle moyenne, estimée par dissection des ovaires, de 40 œufs (Menu, 1992). De plus, dans 80% des actes de ponte réussis, une femelle dépose un seul œuf par galerie (Fig. 20). Par conséquent, il lui faudrait au maximum 14 heures pour pondre tous ses œufs, en supposant qu'elle dépose un seul œuf à chaque acte de ponte et que le temps investi dans la recherche des fruits soit nul. Le temps investi dans la ponte de tous ses œufs est donc largement inférieur à sa longévité. Au total, en manchons ou au laboratoire en cumulant les échecs et les abandons, près de la moitié des perforations se soldent par un abandon ou un échec. Cette proportion élevée ne modifie pas les conclusions précédentes : pour une femelle, le temps nécessaire à toutes les perforations pour pondre la totalité de ses œufs resterait faible (27 heures), comparativement à sa longévité. Cependant, ces échecs (25% des perforations) constituent un investissement temporel pour les femelles et accroissent certainement leurs dépenses énergétiques. Les abandons peuvent être interprétés différemment selon deux hypothèses non exclusives. Soit la femelle se nourrit au cours de ces perforations incomplètes, soit elle teste la qualité du fruit afin de pondre, selon la théorie de "l'optimal foraging" (Pyke et al., 1977), dans les fruits qui maximiseront sa fitness. Les coûts supplémentaires engendrés par les abandons et les échecs sont compensés d'un point de vue temporel par l'utilisation de galeries formées lors de perforations précédentes. La réutilisation des galeries peut aussi provenir du fait que le lieu de la perforation a été sélectionné pour son accessibilité. Ainsi, la femelle retrouve, à cause des contraintes imposées par la disposition des piquants, le lieu de la perforation précédente. Enfin, l'utilisation d'une galerie préalablement formée peut résulter d'un artefact dû à l'expérimentation au laboratoire. Face au nombre très limité de fruits à la disposition d'une femelle, la probabilité de retrouver une galerie augmente certainement. Cependant, si cette observation se vérifiait en conditions naturelles, la réutilisation des galeries procurerait un avantage puisqu'elle diminue le temps de perforation. La réutilisation des galeries augmente la variabilité de la durée des actes de ponte. Cette variabilité pourrait être accentuée par deux facteurs: la variation de la qualité des fruits et l'existence d'un apprentissage. En effet, il est probable que la durée de perforation dépend de la qualité des fruits et de la texture des bogues, qui peuvent varier fortement sur un même arbre (Coutin & Dusaussoy, 1956). L'apprentissage faciliterait la perforation chez la femelle de balanin. Cependant l'absence de corrélation entre la durée de l'acte de ponte et le rang de l'acte suggère une absence d'apprentissage. Une hypothèse alternative serait qu'une augmentation progressive de la durée de l'acte de ponte avec le vieillissement des femelles, compense une diminution résultant de l'apprentissage. Références Bibliographiques 94 2 - Choix des sites de ponte

La sélection des sites de ponte par les insectes phytophages est particulièrement importante pour les descendants qui réalisent tout leur développement à l'intérieur d'un seul et même hôte. En conditions naturelles, la sélection des hôtes peut dépendre de l'état physiologique de la femelle, de facteurs environnementaux tels que la disponibilité des hôtes, leurs caractéristiques physiques et chimiques ou la présence d'immatures conspécifiques ou d'une espèce concurrente. Nous avons testé l'existence d'une sélection des sites de ponte chez le balanin de la châtaigne, puis nous avons essayé de spécifier les critères de sélection des châtaignes.

2.1 - Mise en évidence statistique de la sélection des fruits en conditions naturelles

Afin de mettre en évidence la sélection des sites de ponte, nous avons utilisé des données provenant d'expériences en manchons. Une première série (série A) de 11 manchons a été initiée du 31 août au 12 septembre 1990 dans les stations SJ4 et SJ5. Chaque manchon contenait une seule femelle accouplée. Une deuxième série de 13 manchons (série B) a commencé le 24 août 1995 en station SJ5. Chaque manchon de la série B a renfermé une seule femelle pendant 7 jours, puis une deuxième femelle a été introduite. Toutes les femelles ont pu pondre jusqu'à leur mort. Le nombre de fruits dans les manchons varie de 3 à 9 dans la série A, et de 2 à 10 pour la série B. A la fin de l'expérience chaque châtaigne a été disséquée, les immatures vivants ou morts et les trous de sorties ont été dénombrés. Afin de tester l'existence d'une sélection des fruits par les femelles, nous avons ajusté les distributions des juvéniles à une distribution de Poisson. Nous avons regroupé les données des séries A et B car elles conduisent aux mêmes conclusions. En moyenne, une femelle a pondu 21.0 (EC = 10.6) œufs. L'ajustement de la loi de Poisson à la distribution globale est rejeté (c 2 = 173.4; 7 ddl; P < 0.001). Le nombre observé de châtaignes saines (20) est très supérieur à ce qui est attendu sous une distribution aléatoire (valeur théorique attendue : 2). Les femelles ne pondent donc pas leurs œufs au hasard : elles choisissent leurs sites de ponte. Malgré le nombre réduit de fruits disponibles par femelle (5.0 ± 0.4 châtaignes pour l'ensemble A+B) dans chaque manchon, environ 17% des châtaignes ne contiennent aucun immature. De plus, on observe un déficit de fruits contenant un ou deux immatures par rapport aux valeurs attendues sous une distribution au hasard. De par le faible nombre de fruits, les immatures sont concentrés dans certaines châtaignes (34.7% des 121 châtaignes contiennent au moins 5 larves). 2.2 - Choix selon les caractéristiques de l'hôte Références Bibliographiques 95

2.2.1 - Selon le degré de maturité des fruits

A partir de prélèvements d'une vingtaine de bogues effectués de façon aléatoire dans différents châtaigniers de Saint-Just Chaleyssin en 1982, 1985 et 1996, nous2 avons cherché s'il existait une masse critique des amandes en dessous de laquelle les femelles ne pondent pas. Toutes les bogues et amandes ainsi récoltées ont été pesées sans leur péricarpe puis disséquées au laboratoire. L'amande sans péricarpe représente la quantité de ressources disponibles pour les immatures. Cette expérience était a priori destinée à étudier la cinétique de maturation des fruits en parallèle avec les émergences des imagos. Seuls les premiers prélèvements permettent de tester l'existence d'un seuil pondéral. Par conséquent, le tableau présente les résultats partiels de ces prélèvements. Il existe une forte variabilité du poids entre années pour une même date de prélèvement. Le poids minimal pour une amande infestée est de 0.8 g en SJ5. Ce poids a été observé lors d'un prélèvement assez tardif effectué le 4/09/96 (Tableau 19). En SJ4, une châtaigne de 0.63 g a été trouvée contenant des œufs le 26 août 1982.

Tableau 19 - Poids minimal des amandes infestées à SJ5. Les données proviennent de prélèvements de bogues effectués dans l'arbre en 1982, 1985 et 1996. A(NI) : poids en grammes des amandes non infestées (écart-type); n : effectif ; A(I) : poids des amandes infestées ; Min(I): poids de la plus petite amande infestée; R : aucune amande infestée. Toutes les amandes ont été pesées sans leur péricarpe. Les données de 1982 et 1985 ont été récoltées par C. Pallen et celles de 1996 par S. Bernoud et moi-même.

Date des prélèvements 1982 1985 1996 dans l' arbres 13/08/1996 - - A(NI) = 0.10 (0.32); n = 28 de 0.01 à 1.0 R 18/08/1982 A(NI) = 0.48 (0.24); n = 36 - de 0.03 à 0.81 R 25-26 Août A(NI) = 1.67 (0.62); n = 34 - A(NI) = 0.70 (0.20); n = 24 A(I) = 2.15 (0.75); n = 5 de 0.09 à 1.23 Min (I) = 1.48 03-04 Sept. A(NI) = 3.28 (1.54); n = 32 A(NI) = 2.55 (0.71); n = 34 A(NI)=2.47 (0.77); n = 26 A(I) = 4.85 (1.36); n = 7 A(I) = 2.00 (0.40); n = 4 A(I) = 2.47 (1.00); n = 7 Min(I) = 3.15 Min(I) = 1.65 Min (I) = 0.80

Il existe plusieurs problèmes inhérents au protocole. Le premier est lié à l'échantillonnage. En effet, un nombre restreint de fruits a été cueilli. Par conséquent, la probabilité de trouver une amande infestée est assez faible et l'éventualité d'une ponte plus précoce ne peut pas être écartée. Deuxièmement, le taux d'infestation est bien entendu fortement dépendant des dates d'émergence des femelles. Néanmoins, les résultats obtenus peuvent s'expliquer par deux hypothèses : 1) le seuil pondéral pour les

(2) Données acquises en 1982 et 1985 par C. Pallen. Références Bibliographiques 96 fruits en deçà duquel les femelles ne pondent pas, n'existe pas, 2) le seuil existe mais il est très faible et peu de châtaignes ne seront pas attaquées sur la base du critère "poids" Afin d'obtenir des conclusions plus solides, il aurait été nécessaire de prélever fréquemment, par exemple tous les deux jours, un grand nombre de fruits et de contrôler en parallèle le nombre de femelles qui émergent.

2.2.2 - Selon le type de bogues

Les données de l'échantillonnage systématique (respectivement 13 et 16 années pour les stations SJ4 et SJ5) nous ont permis de tester si les taux d'infestation variaient selon le type de bogue. Il existe en effet trois types de bogues, avec une, deux ou trois amandes. Pour chaque station une analyse de la variance montre que le nombre d'œufs par fruit ne diffère pas quel que soit le type de bogue (Tableau 20; ANOVA : F2, 62 = 0.46; P = 0.62 à SJ4 et F2, 75 = 0.87; P = 0.42 à SJ5).

Tableau 20 - Nombre total de châtaignes et nombre moyen (±SE) de balanin (œufs, larves, trous de sortie et morts) par châtaigne selon le type de bogue dans les stations SJ4 et SJ5 (de 1981 à 1993 à SJ4, de 1981 à 1996 à SJ5).

Nombre moyen de balanin par amande nombre de châtaignes bogue avec 3 bogue avec 2 bogue avec 1 amandes amandes amande SJ4 8 763 0.16 ± 0.04 0.14 ± 0.02 0.16 ± 0.03 SJ5 3 657 0.38 ± 0.22 0.28 ± 0.04 0.30 ± 0.03

2.2.3 - Selon le volume des châtaignes

L'effet de la taille des châtaignes sur la sélection des sites de ponte a été testé en 1995 sur le terrain à SJ5. Deux séries de manchons (séries F; voir Tableau 8), composées de 17 manchons chacune, ont été initiées respectivement le 24 août et le 1er septembre, en introduisant une femelle par manchon. Les femelles ont été laissées jusqu'à leur mort. Le nombre d'amandes par manchon varie de 2 à 32 (moyenne = 14.6 châtaignes) pour la première série et de 3 à 22 (moyenne = 10.0 châtaignes) pour la deuxième. Le volume V de chaque fruit a été estimé (V = (4/3)plwh, avec l : longueur, w : largeur et h : hauteur) entre le 8 et le 12 décembre 1995 après la sortie de toutes les larves. Les mesures ont été prises au pied à coulisse électronique (Digirock, précision : 0.01 mm), du 8 au 13 décembre 1995 après la sortie de toutes les larves. Le nombre d'immatures sortis et de morts a été noté pour chaque fruit. Le volume a été préféré au poids des amandes car il Références Bibliographiques 97 constitue une mesure fiable et constante. En revanche, la quantité de matière ingérée par des larves au sein d'un fruit modifie le poids sans changer l'aspect. Le volume des fruits infestés (n = 199, volume moyen V (EC) : V = 4.45 cm3 (3.10) ) ne diffère pas significativement de celui des fruits sains (n = 165, V = 4.42 cm3 (3.08)) (362 ddl; t = 0.22; P = 0.82). Ce résultat montre que les femelles de balanin ne sélectionnent pas leur site de ponte suivant la taille de ce dernier.

2.3 - Choix selon la présence de balanins ou de carpocapses

2.3.1 - Présence d'œufs de balanins

En 1996, des expériences au laboratoire nous ont permis de répondre à la question suivante: les femelles pondent-elles préférentiellement dans les fruits sains ou les fruits déjà infestés et/ou marqués chimiquement? Les femelles provenaient de la station SJ5 et étaient âgées de 6 à 18 jours quand les expériences ont débuté. Les châtaignes saines utilisées au laboratoire sont issues de manchons installés en SJ5. L'expérience a été répétée 5 fois au laboratoire (T = 20 ± 1 °C; photopériode naturelle). Pour chaque réplication 16 fruits sains ont été partagés en deux groupes égaux. Le premier groupe (I) a été conservé dans une boîte plastique en présence de 16 femelles pendant 48 heures; le second groupe (II) a été conservé dans des conditions similaires mais sans aucune femelle. La première étape de cette expérience garantit que les fruits (ou bogues) du groupe I sont infestés et/ou marqués par une substance chimique déposée par les femelles. Dès la fin de la première étape, 8 autres femelles sont placées dans des boîtes plastiques avec une bogue du groupe I, une bogue du groupe II et un coton humidifié (deuxième étape). Ainsi, les 8 femelles peuvent choisir de pondre dans une châtaigne saine ou dans un fruit infesté et/ou marqué chimiquement. Les observations ont été réalisées toutes les 15 minutes pendant 6 heures; cet intervalle de temps est inférieur à la durée moyenne d'un acte de ponte (Partie 1 dans ce chapitre; Desouhant, 1996). Pour chaque observation, nous avons enregistré si une femelle pondait dans une bogue saine ou non. Toutes les femelles mortes au cours de l'expérience ont été remplacées. A la fin de l'expérience, les châtaignes ont été disséquées sous la loupe binoculaire pour vérifier qu'elles renfermaient des œufs. Au total, 42 positions de ponte ont été recensées : 27 dans des bogues infestées et/ou marquées et 15 dans les saines (test unilatéral : c 2 = 1.71; 1 ddl; P = 0.1; puissance du test égale à 50% avec a = 5% et une différence d de 21% entre le nombre de bogues réinfestées et le nombre de bogues infestées pour la première fois). Par conséquent, les femelles ne discriminent pas entre les hôtes infestés par des conspécifiques et les hôtes sains. Pour s'affranchir des problèmes liés à la "self-discrimination" (une femelle évite de Références Bibliographiques 98 pondre dans un site qu'elle vient d'infester), nous avons noté pour chaque réplication, la première ponte de chaque femelle : 11 pontes ont été observées dans les bogues infestées et 9 dans les non-infestées (c 2 = 0.1; 1 ddl; P = 0.8). Ces 20 observations sont en nombre suffisant pour montrer avec une puissance statistique de 60% (a = 5%), une différence d de 25%. En conclusion, les balanins femelles n'évitent pas les hôtes venant juste d'être infestés et/ou marqués.

2.3.2 - Présence de larves de balanins

En 1990, nous avons testé, en conditions de manchons (série de 8 manchons; données de A. Boyer non exploitées), la capacité des femelles à discriminer entre des amandes saines et des amandes contenant des larves d'au moins 15 jours. Une hypothèse est que les femelles détecteraient le bruit fait par les larves dans les amandes. Dans une première phase, trois ou quatre femelles ont pu pondre sur une période de 2 à 6 jours, puis elles ont été retirées des manchons. Entre 14 et 21 jours plus tard, d'autres femelles (1 à 3) de la même station ont été placées dans les manchons pendant 2 à 14 jours (deuxième phase). A la fin de l'expérience toutes les châtaignes ont été disséquées. L'intervalle de temps entre les deux phases de l'expérience est suffisant pour distinguer facilement les immatures correspondant aux deux phases. En effet, au moment où les femelles de la deuxième phase ont été introduites, tous les œufs pondus dans la première phase se sont transformés en larves (Manel & Debouzie, 1995). Par conséquent, dans la seconde période de l'expérience les femelles pouvaient pondre soit dans un fruit sain, soit dans un fruit contenant des larves. Nous avons utilisé un test basé sur la distribution hypergéométrique pour étudier la capacité des femelles à discriminer entre des amandes saines et infestées. Pour chaque manchon on désigne par N le nombre de châtaignes, N1 et N2 les fruits infestés au cours de la première et de la deuxième étape de l'expérience. X représente le nombre de fruits simultanément infestés pendant les deux phases. Si les femelles ne discriminent pas (hypothèse H0), X suit une distribution hypergéométrique d'espérance E(X) et de variance V(X) :

N N N N (N - N ) N - 1 E(X) = 1 2 et V(X) = 1 2 1 (1- 2 ) N N2 N - 1 Du fait du faible nombre de manchons (8) de l'étude, nous n'avons pas pu appliquer le théorème central limite. Nous avons utilisé un test de randomisation. Dans un premier temps, on marque N1 fruits parmi les N; puis on tire N2 fruits au hasard parmi les N. La variable X correspond à l'intersection entre N1 et N2, i.e. aux fruits de N2 appartenant Références Bibliographiques 99

X - E(X) aussi aux N1 fruits marqués. X est ensuite normé (ui = ). La procédure est V(X) répétée pour les 8 manchons. 1 8 On note U = å ui ; cette valeur correspond à une réplication de la simulation. La 8 i=1 procédure est répétée 1000 fois. On obtient ainsi une distribution pour la variable U. La valeur observée de U, calculée à partir des résultats de X dans les 8 manchons, est comparée aux valeurs simulées de U et la probabilité critique est estimée. Si les femelles détectaient le bruit fait par les larves, le nombre de châtaignes infestées à la fois dans la première et la deuxième phase de l'expérience X devrait être inférieur à celui attendu sous l'hypothèse d'une distribution au hasard. Nos résultats ne corroborent pas cette hypothèse de discrimination puisque le test conduit à une valeur positive (Tableau 21; test unilatéral : U = 1.94; P = 0.02). Les femelles introduites de 14 à 22 jours après une infestation initiale n'évitent pas les châtaignes contenant des larves; au contraire elles semblent pondre dans les fruits déjà infestés.

Tableau 21 - Description des 8 manchons de la série. N : nombre total de châtaignes dans le manchon; N1 : nombre de châtaignes infestées dans la première phase de l'expérience; N2 : dans la seconde phase; X : nombre de fruits infestés au cours des deux phases. Espérance de X [E(X)] et sa variance V(X) estimées à partir du modèle de distribution hypergéométrique. ui : valeur normalisée de X. manchon N N1 N2 X E(X) V(X) ui 1 14 9 5 2 3.21 0.79 -1.36 2 8 3 1 0 0.38 0.23 -0.77 3 11 1 6 1 0.55 0.25 0.91 4 10 3 2 2 0.60 0.37 2.29 5 9 5 1 1 0.56 0.25 0.89 6 11 3 9 2 2.45 0.60 -0.76 7 11 5 2 2 0.91 0.45 1.63 8 8 2 2 2 0.50 0.32 2.64

2.3.3 - Présence de carpocapses

La compétition interspécifique est présente dans 76% des 193 cas d'interactions impliquant deux insectes phytophages (Denno et al., 1995). Nous avons cherché à savoir si la présence de carpocapse dans les fruits inhibait la ponte des femelles de Curculio elephas. Afin de détecter une éventuelle interférence, nous avons considéré trois échelles différentes : l'amande, la bogue et l'arbre (voir Debouzie et al., 1996). Références Bibliographiques 100

2.3.3.1 - Protocoles expérimentaux et analyse de données

Les données proviennent d'expériences en manchons et des échantillonnages systématiques et aléatoires réalisés entre 1981 et 1994 sous 89 arbres : 49 à SJC et 40 dans les Cévennes (Tableau 3 dans Chapitre 2). Chaque châtaigne récupérée lors de l'échantillonnage a été disséquée au laboratoire. Nous avons recensé pour les deux espèces le nombre de larves, de trous de sortie et pour le balanin le nombre d'œufs par fruit. De 1990 à 1994 et pour les quatre arbres de Saint-Just Chaleyssin, nous avons aussi déterminé, pour les deux espèces, le stade larvaire et la longueur de chaque larve vivante. Comme de nombreuses amandes chutent en étant encore enfermées dans leur bogue, nous avons utilisé les bogues avec 2 ou 3 fruits pour l'étude de l'interférence entre les deux insectes à l'échelle de la bogue. Les bogues avec une seule amande ont servi pour l'étude à l'échelle de la châtaigne. Des expériences en manchons (Tableau 22) ont été mises en place dans les arbres 1 à 4 de SJC afin de tester si la présence de larves de carpocapse inhibait la ponte des balanins. La difficulté majeure pour ces expériences réside dans notre incapacité à créer des conditions favorables pour la ponte du carpocapse, ce que nous savons faire pour le charançon.

Tableau 22 - Description des manchons utilisés pour l'étude de l'interférence entre le balanin et le carpocapse

années nombre de nombre moyen de nombre de femelles durée de séjour manchons fruit par manchon par manchon des femelles 1985-1991 et 1995 376 7.7 (EC = 4.7) 1 à 4 24 à 96 heures

Dans 88 manchons, une larve de carpocapse de premier stade a réussi à passer à travers les mailles du manchon malgré notre système de protection. A partir de la taille larvaire (longueur), nous sommes en mesure de déterminer si la larve de carpocapse est entrée avant l'introduction de la femelle balanin (61 cas) ou après (27 cas).

Analyse des données : A l'échelle de l'arbre, le taux d'infestation est défini par la proportion de châtaignes contenant des balanins ou des carpocapses; l'interférence est étudiée à partir des méthodes de régression classiques. A l'échelle de la bogue et du fruit les données ont été analysées par des modèles linéaires généralisés (GLIM software, Francis et al., 1993). Pour chacun des 7 arbres de Saint-Just Chaleyssin échantillonnés de façon systématique (Tableau 3), nous avons testé l'influence de deux variables explicatives, l'année et la présence/absence de carpocapse, sur la proportion de fruits Références Bibliographiques 101 infestés par du balanin. Nous avons choisi cette dernièreproportion mais les analyses statistiques sur la fréquence de fruits infestés par le carpocapse conduisent à des résultats similaires. La régression logistique a été utilisée; les modèles incluent un lien logit et une erreur de type binomial pour la proportion. Quatre modèles ont été définis : M2 le modèle complet (avec les deux variables explicatives), M1a et M1b (respectivement avec l'année ou présence/absence du carpocapse comme seule variable explicative) et le modèle nul Mo (sans aucune variable explicative). Les modèles M2, M1b (ou M1a) et Mo sont emboîtés. Pour deux modèles successifs tels que M2 et M1a, la différence de déviance standardisée ("scaled deviance difference" : SDD) suit asymptotiquement un c 2 à un degré de liberté (McCullagh & Nelder, 1983). L'interférence entre les deux insectes conduit à une interférence SDD significative. Cette interférence peut être testée en comparant soit M2 et M1a, ou M1b et Mo. Cependant, comme les deux valeurs de SDD correspondantes diffèrent, nous avons décidé de retenir la plus petite valeur, ce qui conduit à un test conservatif. La même régression logistique a été utilisée pour les bogues contenant 2 ou 3 amandes, afin de tester si la présence de carpocapse dans un fruit modifie la probabilité qu'une femelle balanin ponde dans les bogues. Ainsi, la variable ajustée est maintenant la fréquence de bogues avec au moins un balanin. Pour le cas de deux fruits par bogue, nous avons comparé la fréquence de châtaignes infestées par le balanin, calculée quand les deux amandes sont saines, à celle quand seul un des deux fruits est infesté par du carpocapse. Si l'interférence entre les deux insectes existe à l'échelle des bogues contenant deux amandes, alors la proportion de bogues infestée par le balanin doit être diminuée quand une larve de carpocapse est déjà présente dans un des fruits de la bogue. Comme précédemment, SDD suit asymptotiquement un c 2 à un degré de liberté si aucune interférence existe. Pour les bogues contenant 3 amandes nous avons distingué trois cas : i) Aucune amande n'est infestée par du carpocapse, ii) une seule est infestée, iii) le carpocapse est présent dans deux amandes. La fréquence des bogues avec au moins un balanin a été calculée dans les trois cas. L'interférence est testée en comparant la SDD à un c 2 à 2 ddl. Nous avons appliqué les mêmes analyses statistiques aux données de manchons. Les données à l'échelle des amandes ont été regroupées par année; 5 années ont été utilisées (1985, 1986, 1987, 1990 et 1991) pour un total de 559 fruits. En ce qui concerne les bogues, nous avons été contraints de regrouper les bogues avec deux et trois fruits afin d'augmenter l'effectif total (seules 168 bogues étaient disponibles car lors de la récolte des bogues beaucoup d'entre elles étaient ouvertes et donc vidées de leurs fruits). Deux catégories de bogues ont été définies : sans carpocapse et avec au moins un, quel que soit le nombre d'amandes infestées (une seule bogue avait tous ses fruits infestés par le carpocapse). La fréquence des bogues contenant au moins un balanin a été calculée pour les deux catégories de bogues. Références Bibliographiques 102

Certaines châtaignes sont infestées par les deux insectes. Dans ce cas, la longueur de la larve et la détermination de son stade larvaire nous ont permis d'estimer quelle larve était entrée la première dans le fruit. Par exemple, quand deux larves de premier stade des deux espèces sont trouvées dans le même fruit, on peut en déduire que le fruit a été attaqué en premier par le balanin : un œuf de balanin se développe moins vite qu'une larve de premier stade de carpocapse (Bovey et al., 1975). A l'opposé, dans un fruit renfermant une larve de carpocapse de dernier stade et une larve de premier stade de balanin, le carpocapse est entré le premier. Nous avons éliminé les cas où les larves étaient mortes et ceux pour lesquels la conclusion n'était pas certaine. Enfin, nous avons testé si la présence de balanins modifie le comportement de ponte du carpocapse en analysant les données de 27 manchons dans lesquels le carpocapse avait pénétré dans le fruit après le balanin. Pour chaque manchon, nous connaissions le nombre de fruits, de châtaignes infestées, de larves de carpocapse (de 1 à 3) et de châtaignes infestées par les deux insectes. Nous avons effectué un test de randomisation en simulant deux types de comportement des larves de carpocapse. Premièrement, chaque larve est supposée infester une châtaigne au hasard indépendamment de la présence ou de l'absence de Curculio elephas. A cause de leur comportement solitaire, nous avons exclu des simulations la possibilité de trouver deux larves de carpocapse dans un fruit. La variable définie pour ce test était le nombre total de châtaignes infestées par les deux insectes. Le second comportement admet l'existence d'une discrimination chez le carpocapse : face à un fruit infesté par le balanin, la larve de carpocapse cherche un autre site une fois sur deux. La simulation a été répétée 1000 fois. Lorsque l'intensité de la discrimination augmente, la proportion de fruits doublement infestés chute jusqu'à atteindre la valeur zéro dans le cas d'une discrimination totale.

2.3.3.2 - Interférence à l'échelle de l'arbre

Le taux moyen d'infestation par arbre chez Cydia splendana est supérieur à celui de Curculio elephas : 31.0% vs. 5.2%. En considérant le taux d'infestation pour un arbre et une année donnée comme un point, nous disposons de 183 combinaisons arbre.année ou points. Ainsi, nous avons pu représenter les distributions des taux d'infestation annuels chez les deux insectes. Cette distribution est presque symétrique pour le carpocapse et a une forme en L chez le balanin (Fig. 21). Dans 33 arbres sur 89 (soit 37%) aucun balanin n'a été décelé, alors que le carpocapse est toujours présent. La variabilité du taux d'infestation par arbre est plus élevée chez le balanin (CV = 136.0% vs 46.4%). Références Bibliographiques 103

100 30 75 20 50

10 25

0 5 10 15 20 25 30 35 0 10 20 30 40 50 60 70 Taux d'infestation du balanin (%) Taux d'infestation du carpocapse (%)

Fig. 21 - Distributions des taux d'infestation par le balanin de la châtaigne et le carpocapse (pourcentage de châtaignes infestées) calculés pour les 183 combinaisons arbre.année (Tableau 3). Seules les données acquises jusqu'à 1994 on été prises en compte.

Les deux taux d'infestation, calculés pour les 183 combinaisons arbre.année (Tableau 3), ne sont pas corrélés : r = 0.02 (n = 183; t = 0.32; P = 0.75). La corrélation reste non significative quand on la calcule sur les 89 arbres, à partir des taux moyens par année. Ainsi, aucune interférence entre les deux insectes n'a pu être décelée à l'échelle d'un arbre.

2.3.3.3 - Interférence à l'échelle du fruit

Données observationnelles

Une interférence statistique a été détectée entre les deux insectes à l'échelle du fruit. La différence de déviance standardisée due à la variable présence/absence de carpocapse est significative dans les châtaignes provenant des arbres de Saint-Just Chaleyssin : SDD est comprise entre 4.98 et 331.70 (c 2; 1 ddl; 0.001 < P £ 0.026) (Tableau 23). L'interférence est significative même quand le taux d'infestation en balanin est faible comme pour les arbres 6 et 7 (environ 1% de châtaignes infestées). Dans les arbres SJ5, SJ4 et l 'arbre 3 le taux d'infestation a une valeur moyenne et l'interférence est observée chaque année. En l'absence de carpocapse la proportion de fruits attaqués par le balanin est deux à quatre fois plus élevée qu'en présence de carpocapse (Tableau 23). Le nombre de fruits infestés par les deux insectes représente en moyenne 39% de celui attendu s'il y avait indépendance entre les infestations de balanin et de carpocapse (estimé par le produit des deux taux). Références Bibliographiques 104

Tableau 23 - Interférence à l'échelle de la châtaigne. Comparaison de la proportion de fruits contenant au moins un balanin en fonction de la variable présence ou absence de larves de carpocapse. Les sept arbres sont répertoriés dans la tableau 3. Nombre d'années = durée de l'étude pour chaque arbre. SDD = différence dans la déviance standardisée. Prob = probabilité critique (probabilité sous Ho que SDD égale ou dépasse la valeur observée). f(B/C) = taux d'infestation par le balanin, moyenné par année, sachant qu'un carpocapse était dans le fruit. f(B/C ) = taux quand aucun carpocapse n'attaque le fruit (ces deux taux sont des valeurs observées). BC (fréquence) = châtaignes infestées par les deux insectes.

Arbre Nombre Nombre de Fréquence de Fréquence de SDD Prob f(B/C) f(B/C ) BC d'années châtaignes balanin carpocapse (Fréquence)

SJ5 14 11 548 0.208 0.239 74.60 < 0.001 0.120 0.209 0.023

SJ4 13 10 880 0.159 0.322 331.70 < 0.001 0.067 0.199 0.018

3 13 6 277 0.050 0.366 58.47 < 0.001 0.028 0.069 0.009

4 13 3 719 0.066 0.420 67.92 < 0.001 0.031 0.079 0.012

5 6 10 604 0.035 0.340 75.71 < 0.001 0.014 0.049 0.005

6 5 2 866 0.009 0.546 4.98 0.026 0.006 0.014 0.002

7 6 3 016 0.011 0.458 11.20 0.009 0.004 0.019 0.003

Résultats expérimentaux

Un modèle avec les deux variables explicatives, année et présence/absence de carpocapses, s'ajuste bien aux données de manchons. La différence de déviance standardisée due à la présence de carpocapse est significative: SDD = 13.94 (c 2; 1 ddl; P < 0.001). Le taux d'infestation, moyenné sur les 5 années, est plus que doublé quand Cydia splendana est absent (36 vs. 16%).

Quel insecte est entré le premier dans le fruit?

Les données des manchons ont permis d'identifier quel insecte est entré le premier dans le fruit. Pour chaque arbre, les données ont été regroupées de 1990 à 1994 (à 1993 pour l'arbre SJ4). 18 fruits ont été éliminés car les larves étaient mortes ou bien déjà sorties, de même que 42 châtaignes sur les 256 restantes car il nous a été impossible de déterminer l'espèce qui avait infesté le fruit en premier. La détermination se fait sur des critères morphologiques (stades larvaires). Dans 89 et 77% des châtaignesrespectivement pour les arbres SJ5 et SJ4, le balanin est entré le premier (Tableau 24). Ces proportions sont significativement plus élevées que les valeurs attendues sous une hypothèse d'un accès aléatoire aux fruits, même si on incorpore les 42 fruits sources d'indétermination (76 et 64%). Ainsi, dans plus de 70% des infestations doubles, la femelle de balanin pond un ou plusieurs œufs avant qu'une larve de carpocapse n'entre dans le fruit. Références Bibliographiques 105

Tableau 24 - Nombre de châtaignes infestées par les deux insectes, la première attaque provenant indifféremment du balanin ou du carpocapse. Indéterminé correspond aux cas où nous n'avons pu décider en toute certitude quel était le premier insecte à avoir pénétré dans une amande. Les valeurs théoriques, entre parenthèses, ont été estimées sous l'hypothèse d'indépendance des deux insectes.

Premier insecte entré dans la châtaigne 2 Arbre Années Balanin Carpocapse Indéterminé c Prob

SJ5 1990-94 88 (51.1) 11 (47.9) 17 55.07 < 0.001

SJ4 1990-93 89 (65.7) 26 (49.3) 25 19.22 < 0.001

Comportement de Cydia splendana en présence de balanins

Les 27 manchons dans lesquels les larves de carpocapse sont entrées en second nous ont permis de tester si les larves de Cydia splendana discriminent les fruits sains de ceux infestés par le balanin. Ces manchons contenaient en moyenne 11.3 (EC = 6.9) fruits, dont 49.3% étaient attaqués par le balanin. Au total, 33 larves de carpocapse ont réussi à pénétrer dans les manchons et ont infesté 33 amandes : 18 étaient saines et 15 infestées par Curculio elephas. Le test de randomisation basé sur l'hypothèse d'une absence complète de discrimination (H0) montre que la probabilité que le nombre total de fruits doublement infestés (X) égale ou dépasse une valeur observée (15) est de 0.45, sous H0 (Fig. 22). La valeur attendue de X est égale à 15.7 (EC = 2.5). Le test de randomisation appliqué avec une discrimination partielle montre que la valeur observée de X est trop forte (P = 0.017 que X dépasse 15, Fig. 22). Nous en concluons que les larves de carpocapse ne discriminent pas fortement les châtaignes infestées des saines.

Valeur observée

200

150

100

50

Nombre de répétitions 0 7 9 11 13 15 17 19 21 23 Nombre simulé de fruits attaqués par les deux insectes

Fig. 22 - Distribution du nombre total simulé de châtaignes infestées par les deux insectes dans 27 manchons (voir texte). Barres noires : les larves de carpocapse ne discriminent pas entre les châtaignes infestées et les saines. Barres blanches : discrimination partielle. Références Bibliographiques 106

2.3.3.4 - Interférence à l'échelle de la bogue

Données observationnelles

Les données des arbres 6 et 7 (voir Tableau 23) n'ont pas été prises en compte, le taux d'infestation par le balanin ne dépassant pas 1%. Dans une châtaigne contenant deux fruits, ceux-ci peuvent être adjacents (type A) ou séparés (type B). Seules les données annuelles de l'arbre SJ4 sont suffisantes pour étudier l'interférence dans les deux types de bogues. La proportion de bogues infestées par le balanin (contenant au moins une amande infestée par Curculio elephas) varie de 9% (arbre 5) à 30% (arbre SJ5) (Tableau 25). Dans tous les cas la proportion moyenne de bogues infestées par le balanin est plus grande en l'absence totale de carpocapse (comparée à la proportion calculée lorsque le carpocapse est présent dans un seul fruit). Cependant, la différence n'est significative que dans deux cas : arbre SJ4, type B et arbre 3 (P < 0.001), et proche du seuil de signification (P = 0.07) pour l'arbre SJ4, type A.

Tableau 25 - Interférence dans les bogues avec 2 amandes. Prop = proportion de bogues contenant au moins un fruit infesté par du balanin. f(B/0C) = taux d'infestation par le balanin moyenné sur les années sachant qu'aucune larve de carpocapse n'est présente dans les bogues. f(B/1C) = taux avec un seul fruit infesté par le carpocapse. Les autres paramètres sont définis dans le tableau 23. a : fruits adjacents (type A voir texte), b : séparés par une châtaigne stérile (type B).

Arbre Nombre Nombre de Prop SDD Prob f(B/1C) f(B/0C) d'années bogues

SJ5 13 547 0.30 0.56 0.47 0.289 0.316 a SJ4 13 365 0.25 3.28 0.07 0.173 0.330 b SJ4 12 238 0.26 12.69 < 0.001 0.128 0.425

3 11 499 0.11 14.05 < 0.001 0.045 0.169

4 10 334 0.19 0.05 0.87 0.169 0.173

5 6 798 0.09 1.90 0.18 0.063 0.120

L'effectif des bogues renfermant 3 fruits est faible ainsi que l'interférence (Tableau 26). Dans ces bogues le taux d'infestation varie de 11% (arbres 3 et 5) à 42% (arbre SJ5). L'interférence est significative pour l'arbre 4 uniquement (P < 0.001). Dans cet arbre la proportion de bogues infestées par Curculio elephas décroît de 31.9% en l'absence de carpocapse à 22.1% quand un fruit contient un carpocapse, et à 13.6% lorsque les larves de carpocapse sont présentes dans deux amandes. Une structure semblable est observée pour l'arbre SJ4 mais n'est pas significative (P = 0.08) (Tableau 26). En revanche pour les autres arbres, aucune différence significative n'a été notée. Références Bibliographiques 107

Tableau 26 - Interférence dans les bogues avec 3 fruits. Prop = proportion de bogues contenant au moins un fruit infesté par Curculio elephas. f(B/2C) = taux d'infestation par le balanin moyenné sur les années sachant que deux fruits contiennent une larve de carpocapse. Les autres paramètres ont été définis dans les tableaux 23 et 25.

Arbre Nombre Nombre de Prop SDD Prob f(B/2C) f(B/1C) f(B/0C) d'années bogues

SJ5 14 71 0.42 0.36 0.85 0.455 0.441 0.419

SJ4 11 290 0.29 5.18 0.08 0.196 0.224 0.371

3 7 157 0.11 0.02 0.95 0.073 0.140 0.104

4 8 287 0.23 16.80 < 0.001 0.136 0.221 0.319

5 6 881 0.11 0.04 0.95 0.095 0.122 0.113

Résultats expérimentaux

Dans les manchons, 87 des 168 bogues contenant 2 ou 3 fruits sont infestées par Curculio elephas. Cette proportion ne varie ni selon l'année (SDD = 4.78; 4 ddl; P = 0.31) ni selon la présence de carpocapse (SDD = 0.32; 1 ddl; P = 0.62). Par conséquent aucune interférence n'a été mise en évidence à l'échelle de la bogue dans les expériences en manchon.

2.4 - Conclusions

Notre étude démontre que la femelle de balanin sélectionne ses sites de ponte. Les expériences conduites en manchons montrent clairement que, malgré le faible nombre de fruits disponibles par femelle, les femelles ne pondent pas d'œufs dans 17% des châtaignes présentes. En manchons, les œufs sont concentrés dans certaines châtaignes. 35% des fruits contiennent au moins 5 immatures alors que ce pourcentage est inférieur à 5 en conditions normales d'infestation (voir chapitre 3). Les infestations multiples dans un même hôte pourraient résulter d'un manque de sites de qualité satisfaisante comme chez la mouche de la pomme (Roitberg & Prokopy, 1983) et chez le charançon Stator limitatus (Fox et al., 1996). En présence d'un nombre limité de fruits de bonne qualité, les femelles sont contraintes de pondre plusieurs fois dans les mêmes amandes. Aucun des critères testés concernant l'hôte et la présence d'immatures conspécifiques n'explique la sélection des sites de ponte. Étant donné que les larves réalisent tout leur développement au sein du même fruit, nous supposions que la quantité de ressources, i. e. la taille des châtaignes, serait un facteur déterminant dans le choix des sites. Cependant, en conditions naturelles, les femelles de balanin ne tiennent pas compte de la taille des fruits pour pondre. Soit elles ne peuvent pas de l'extérieur de la bogue Références Bibliographiques 108 détecter les différences de taille entre amandes, soit la quantité de ressources n'est pas un facteur limitant pour le développement des descendants, et ce même dans les petites châtaignes. De même, les femelles n'évitent pas les amandes attaquées par des femelles conspécifiques. Une explication possible est que nos expériences n'ont pas permis de mettre en évidence un marqueur chimique à durée de vie très courte, comme il en existe par exemple chez le parasitoïde Dendroceruscarpenteri (Höller et al., 1991). Cependant, j'ai montré qu'au laboratoire une femelle utilisait une galerie de ponte réalisée par une autre femelle quelques instants auparavant. Par conséquent, après avoir pondu ses œufs le balanin ne dépose pas sur le site de ponte de phéromone répulsive, même efficace sur une courte période de temps. Enfin les femelles semblent incapables de discriminer des fruits sains de ceux contenant déjà des larves de balanin.

En revanche, la présence de larves de carpocapse modifie le comportement de ponte de la femelle de balanin à l'échelle de l'amande : cette présence diminue la probabilité que Curculio elephas dépose un œuf. Il existe donc certainement une compétition par interférence qui réduit le nombre de fruits infestés par les deux insectes à la fois. La compétition entre les immatures de balanin et de carpocapse, comme de nombreuses interactions compétitives entre insectes phytophages, est asymétrique (Lawton & Hassell, 1981; Crawley & Pattrasudhi, 1988; Denno et al., 1995). En effet, les larves de carpocapse ne discriminent pas les fruits sains de ceux attaqués par le balanin. A l'échelle de l'arbre et de la bogue, aucune interférence entre les deux espèces n'a été mise en évidence. Notre étude illustre la nécessité de considérer plusieurs échelles afin de détecter et d'évaluer l'intensité de la compétition interspécifique (Wiens, 1989; Bennett, 1990; Valladares & Hartley, 1994) et de ne pas se contenter d'une approche globale.

3 - Coût de reproduction et cinétique de ponte

3.1 - Protocole expérimental

En 1995, des expériences préliminaires dont les résultats ne sont pas présentés dans ce manuscrit, ont été conduites au laboratoire sur un nombre relativement faible d'individus. Elles n'avaient pas permis de mettre en évidence les coûts de l'accouplement et de la ponte sur la survie des adultes. Par conséquent, dans les Cévennes en 1996, nous avons réalisé une expérience sur le terrain répondant à un double objectif : 1) déterminer si les balanins femelles distribuaient leurs œufs régulièrement au cours de leur existence ou bien massivement au Références Bibliographiques 109 début de leur vie; 2) tester l'influence de l'acte de ponte sur la longévité des femelles en conditions semi-naturelles. Cette expérience a porté sur 51 femelles provenant de l'arbre C3. Parmi les femelles utilisées, 24 avaient émergé le 27/08 (première cohorte) et 27 autres le 29/08 (deuxième cohorte). Après leur émergence chaque femelle a été enfermée dans un pilulier avec un mâle de la même station jusqu'à l'accouplement (environ 24 heures). Les 51 femelles ont été séparées en deux groupes constitués au hasard. Le groupe 1 ou groupe témoin était formé de 25 femelles : chaque femelle a été placée dans une boîte plastique munie d'aération avec un coton humidifié. Dans le groupe 2 constitué de 26 femelles, nous avons dû remplacer une femelle morte pour une raison inconnue, par une autre ayant émergé le 12/09. La comparaison des résultats dans les deux groupes a permis d'une part, de tester l'influence de l'acte de ponte sur la longévité des femelles et d'autre part, d'établir la distribution du nombre d'œufs pondu en fonction de l'âge des femelles. Les femelles du groupe 2 ont été placées dans les mêmes conditions que le groupe 1 mais avaient chacune à leur disposition une bogue saine remplacée tous les deux jours. Ces bogues provenaient de manchons installés en C1, C2 et C3. Quotidiennement, les cotons de chaque boîte ont été humidifiés et les femelles mortes enregistrées. Après remplacement des bogues, celles-ci ont été disséquées afin de dénombrer les œufs pondus par chaque femelle pendant les deux jours séparant les relevés. Le remplacement des bogues a été modifié le 30/09 car nous ne disposions plus de bogues saines dans les manchons. A partir de cette date, ce qui correspond à la fin des pontes, les bogues ont été remplacées tous les 4 jours par des bogues prélevées au hasard dans l'arbre C3 et n'ont plus été disséquées.

3.2 - Coûts de l'acte de ponte sur la longévité

La longévité moyenne des femelles du groupe 1 témoin (30.6 ± 11.0j) n'est pas significativement plus grande que celle des femelles du groupe 2 (35.7 ± 18.1j) qui ont eu la possibilité de pondre dans des bogues tout au long de leur vie (test unilatéral : t = 1.23; 49 ddl; P = 0.12). Dans cette expérience, nous n'avons doncpas réussi à mettre en évidence un coût lié à l'activité de ponte.

3.3 - Distribution des œufs en fonction de l'âge des femelles

Lors des dissections, 2037 traces de perforation ont été recensées et 991 œufs trouvés. Le pourcentage de galeries sans œuf (48.6%) est équivalent aux 49% estimés en cumulant les échecs et les abandons lors de l'étude des étapes de la ponte dans la population de Saint-Just Chaleyssin (voir partie 1 de ce chapitre). En éliminant les trois femelles qui n'ont pondu aucun œuf, la fécondité moyenne est de 41.3 œufs Références Bibliographiques 110

(EC = 18.1). Il est possible que l'accouplement de ces trois adultes ait échoué. La figure 23 montre que les femelles pondent 50% de leurs œufs au cours de leurs dix premiers jours de vie; après 20 jours une femelle a pondu en moyenne 90% de ses œufs.

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 % cumulé des œufs pondus 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 Age des femelles en jours Fig. 23 - Pourcentage cumulé du nombre d'œufs pondus en fonction de l'âge des femelles de Curculio elephas. Les calculs ont été effectués à partir de 27 femelles.

Alors que Coutin (1958) et Bovey et al. (1975) annonçaient qu'une femelle balanin avait besoin de 6 à 10 jours pour la maturation de ses œufs, notre expérience démontre qu'elle peut débuter sa ponte au bout de deux jours. Le nombre d'œufs pondus par jour ou taux de ponte journalier est en moyenne inférieur à deux jusqu'au sixième jour d'existence des femelles. Il atteint sa valeur maximale autour du 10 ème jour, en moyenne de 3 œufs par jour, puis décroît avec l'âge des femelles (Fig. 24).

n=26 8 n=26 n=25 7 n=26 6 n=25 5 n=25 4 n=26 n=22 n=16 3 n=16 n=22 n=19 n=14 2 n=27 1 n=16 n=3 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32

Age des femelles en jours Fig. 24 - Distribution moyenne des œufs pondus par période de deux jours, chez Curculio elephas en fonction de l'âge des femelles. n représente le nombre de femelles qui ont pondu. La mortalité liée au veillissement des femelles entraîne une diminution de n. Chaque moyenne est accompagnée de son intervalle de confiance. Références Bibliographiques 111

3.4 - Conclusions

Bien que nous n'ayons pas réussi à mettre en évidence un coût de la ponte sur la longévité des femelles, nous ne pouvons pas conclure à l'absence de compromis (trade- off) entre la reproduction et la survie des adultes. Plusieurs hypothèses non exclusives peuvent être avancées pour expliquer notre "échec". 1) Reznick (1985) et Roff (1992) soulignaient la nécessité d'expérimenter en conditions difficiles pour détecter le coût de la reproduction. Il est probable que les conditions d'expérimentation (température, hygrométrie...) en conditions semi-naturelles n'aient pas été suffisamment stressantes. 2) Sous l'hypothèse que les femelles se nourrissent pendant les phases de perforation (50% des galeries ne contiennent pas d'œufs), l'énergie acquise pourrait compenser celle dépensée pendant l'acte de ponte. Ainsi, le bilan énergétique resterait globalement positif et masquerait le coût de la ponte (Stearns, 1989; 1992). Sous cette hypothèse, les individus qui ont accès aux sites de ponte peuvent même être avantagés si la quantité d'énergie acquise est supérieure à celle dépensée. Ceci pourrait expliquer pourquoi les femelles qui pouvaient pondre ont vécu en moyenne aussi longtemps que les témoins.

La courbe de cinétique de ponte indique clairement que les femelles de Curculio elephas pondent tout au long de leur existence, du deuxième jour à leur mort. Ce résultat confirme les observations de Bürges & Gal (1981b) qui indiquaient que la ponte des premiers œufs a lieu 3 à 5 jours après la copulation qui stimule l'ovogenèse (Coutin, 1958; 1960). L'ovogénèse ne nécessite ni une période d'alimentation ni de maturation (Menu, 1992). Le nombre d'œufs pondus par jour et par femelle varie avec l'âge des femelles, pour atteindre un maximum de 3, lorsque la femelle est âgée d'environ 10 jours. En conditions protégées, 90% des œufs pondus le sont dans les 20 premiers jours. Au cours des 10 à 15 derniers jours de sa vie en conditions protégées, une femelle ne pond donc que 10% de ses œufs. La dissymétrie de la courbe de cinétique de ponte indique que les femelles ont une activité de ponte plus intense au début de leur vie, et faible pendant la période où la mortalité due au veillissement s'accentue. Ainsi, les risques de mourir avec l'ensemble du stock d'œufs est faible. La longévité estimée à plus de 30 jours dans les expériences sur le terrain en conditions protégées, est certainement sur-estimée. Dans la nature, les intempéries et la prédation par les oiseaux tels que les pics verts et les geais bleus (Ceballos, 1929 in Bürges & Gal, 1981b), ou les guêpes (Debouzie, comm. pers.) réduisent la durée de vie des insectes. Ainsi, dans des expériences de capture - marquage - recapture réalisées en 1985 (Debouzie et al., 1985; Pallen, 1989) la probabilité de survie des balanins adultes, pour les 15 premiers jours de leur vie, a été estimée à 0.46. Néanmoins, la mortalité des adultes en conditions naturelles demeure mal connue. Références Bibliographiques 112

En conditions protégées sur le terrain, la fécondité réalisée de ces femelles préovogéniques semble donc être plus limitée par leur stock d'œufs ("egg-limited) que par leur longévité ("time-limited") (Rosenheim, 1996).

Chapitre 5: Poids des larves et traits d'histoire de vie

Face à un hôte potentiel les insectes phytophages et parasitoïdes doivent "décider" du nombre d'œufs à pondre dans cet hôte (Charnov & Skinner, 1985). La taille de la ponte devient alors primordiale pour les espèces dont les larves sont contraintes à se développer dans les hôtes choisis par la mère. Ces hôtes constituent une réserve de ressource nutritive limitée. Par conséquent, le nombre d'œufs pondus par site, c'est-à- dire la densité larvaire, conditionne l'intensité de la compétition potentielle entre les larves. Le but de ce chapitre est de tester la valeur adaptative de la stratégie de ponte que l'on observe aujourd'hui. Pour y parvenir nous avons défini et comparé la valeur sélective de deux stratégies de ponte qui ne diffèrent que par la taille de ponte. La première stratégie (S1) est celle observée en conditions naturelles : d'après les distributions des immatures, en moyenne 56 et 21% des fruits infestés contiennent respectivement un et deux balanins (Chapitre 3). Le nombre d'immatures par fruit dépasse rarement cinq. La deuxième stratégie de ponte (S2) correspond au regroupement de plus de cinq immatures par châtaigne. Ce nombre de larves par fruit supérieur à celui observé en conditions naturelles a été obtenu grâce à une expérimentation en manchon. Dans ce chapitre, nous assimilerons la taille de ponte à la densité larvaire par fruit car il nous est impossible a posteriori, de déterminer si toutes les larves d'un même fruit proviennent d'une ou de plusieurs pontes. La comparaison des deux stratégies de ponte nécessite l'étude préalable des effets de la densité larvaire sur plusieurs traits de vie. Ainsi, la première partie présente les effets directs et indirects de la densité larvaire sur les traits de vie caractéristiques de chaque étape du cycle de vie des immatures. Ainsi, les coûts et les bénéfices liés à la densité sur la survie larvaire dans les châtaignes et sur le poids des larves à leur sortie, ont été Références Bibliographiques 113 estimés. Nous avons ensuite recherché l'influence du poids sur les taux d'enfouissement des larves, de survie dans le sol et de diapause prolongée. Le suivi individuel de certains immatures étudiés dans la première partie, a permis d'étudier les effets différés de la densité, via le poids des larves sur la fécondité et la longévité des femelles descendantes. Enfin dans une troisième partie, la fitness des deux stratégies de ponte S1 et S2, définies ci-dessus, est comparée afin de déterminer si la stratégie de ponte observée en conditions naturelles correspond à une stratégie d'étalement des risques (Den Boer, 1968). Après avoir réalisé des expériences préliminaires en 1993 et 1994 dont les résultats ne seront pas présentés, le corps des données provient d'expériences réalisées sur le terrain et du ramassage exhaustif des fruits en 1995 à Saint-Just Chaleyssin, dans l'arbre 5 (SJ5).

1 - Effets de la densité larvaire, du rang de sortie des larves et du volume des châtaignes sur les traits d'histoire de vie des immatures

1.1 - Densité larvaire, dates de sortie et volume des châtaignes

1.1.1 - Nombre de larves par châtaigne

En conditions naturelles, l'échantillonnage systématique a montré qu'en moyenne 77% des châtaignes contenaient 1 ou 2 immatures, ce qui implique que 64.2 % des larves se développent seules dans une amande ou en présence d'une seconde larve. De même, 96.3% des larves proviennent de fruits dans lesquels la densité varie de 1 à 5 (voir chapitre 3). En 1995, nous avons créé des conditions pour obtenir des densités élevées de larves par fruit : dans chaque manchon le nombre de châtaignes est faible et l'effectif de femelles est élevé (manchons des séries M, MA et F; Tableau 8). Le suivi individuel des fruits a montré que 292 fruits ont été infestés. Pour les 959 larves sorties des fruits, les densités s'étalent de 1 à 15; les densités de 1 à 5 représentent 59.8% des larves. Toutes les larves qui se sont développées en présence d'au moins 9 immatures, c'est-à-dire 11.5% des larves, ont été regroupées en une seule catégorie nommée ³ 10.

1.1.2 - Étalement des sorties larvaires Références Bibliographiques 114

En conditions naturelles, les sorties hors des fruits contenus dans le collecteur (SJ5) ont été notées quotidiennement et se sont déroulées sur 61 jours. Elles ont débuté le 5 octobre 1995 et se sont terminées le 5 décembre 1995. 50% et 90% des larves sont sorties respectivement le 22 octobre et le 3 novembre.

Pour les larves issues des expériences en manchon, les sorties se sont étalées sur 55 jours, du 7 octobre au 1 décembre. La date médiane correspond au seizième jour, soit le 22 octobre. 90% des larves sont sorties avant le 5 novembre (Fig.25). Afin de tenir compte de la corrélation négative entre le rang de sortie larvaire et le poids des larves (Menu & Debouzie, 1995), la date de sortie de chaque larve en 1995 a été enregistrée. La période de sortie larvaire a été subdivisée en trois sous-périodes T1, T2 et T3 de telle sorte que les effectifs dans chaque sous-période soient du même ordre de grandeur (Fig.25).

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1 13 21 55 Numéro du jour de sortie des larves

T1 T2 T3 n = 333 n=352 n=274

Fig. 25 - Pourcentage cumulé des larves sorties des fruits en fonction de la date de sortie. Les fruits proviennent des expériences en manchon en 1995 à SJ5. Les dates de sortie ont été renumérotées du premier jour de sortie larvaire (le 7/10/95) au 55 ème et dernier jour (le 01/12/95). La période totale des sorties larvaires a été divisée en trois sous-périodes T1 (de 1 à 13), T2 (de 14 à 21) et T3 (22 à 55). n représente le nombre de larves sorties pendant ces trois sous-périodes.

1.1.3 - Volume des amandes infestées

Le volume des châtaignes représente une estimation de la quantité de nourriture disponible pour les larves. Le volume V des de toutes les châtaignes infestées par Curculio elephas en condition de manchons (séries MA, M et F), varie de 0.9 à 9.2 cm3 et vaut en moyenne 4.3 cm3 (N = 292; EC = 3.2 cm3). Le volume des châtaignes Références Bibliographiques 115 considérées comme des ellipsoïdes est estimé par V = (4/3)pLlh avec L la longueur d'une amande, l la largeur et h la hauteur. 1.2 - Densité larvaire et vitesse de développement prédiapause

La durée de développement larvaire chez les insectes dépend fortement de la température subie pendant les différents stades larvaires et donc de la date de ponte. Chez le balanin nous avons testé si en conditions naturelles, la durée de développement variait selon la densité larvaire. Les 19 manchons de la série MA ont été utilisés. Dans cette série, les manchons ont été initiés à cinq dates différentes. Nous considérerons que ces dates définissent cinq cohortes. A l'intérieur des manchons, les femelles ont pu pondre pendant 3 jours et le milieu de la seconde journée a été considéré comme la date de la ponte. L'incertitude liée à la date de ponte est inévitable car si la durée de séjour dans les manchons est inférieure à 48 heures, le risque de n'avoir aucun œuf pondu augmente fortement. La date de sortie larvaire indique la fin de la durée du développement larvaire prédiapause. Pour comparer les durées de développement dans les 5 cohortes, nous avons utilisé une échelle physiologique : les degrés-jours (DJ). Dans leur version la plus simple, les degrés-jours correspondent à la sommation dans le temps (t) des températures (q) au dessus d'un seuil nommé base (B) : DJ = å ( (t) - B) t Cette échelle physiologique résume le temps de résidence (T) des larves dans les fruits en fonction de la température. Les températures enregistrées toutes les trois heures nous ont été fournies par la station météorologique la plus proche, celle de Satolas (16 km de Saint- Just Chaleyssin) (Fig. 26).

20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 -2

Jour calendaire Références Bibliographiques 116

Fig. 26 - Températures quotidiennes moyennes enregistrées à Satolas, pour l'année 1995, du 242 ème jour de l'année (soit le 30 août) au 332 ème (28 novembre). Nous avons dans un premier temps modélisé, au sein de chaque cohorte, la relation entre la durée de développement et la température variable. La méthode utilisée (Manel & Debouzie, 1995; 1997a et b) tient compte de la variabilité de la température sur le terrain. Un premier modèle estime la durée du développement embryonnaire (B = 7.8 °C). A température constante de 20 °C, ou en conditions naturelles (degrés- jours convertis en jours pour une température de 20 °C), la vitesse de développement embryonnaire varie respectivement de 6.2 à 9.1 jours et de 7.3 à 8.3 jours. Un deuxième modèle permet d'estimer la durée médiane de développement larvaire pour chaque cohorte avec une base B de 0 °C. La durée médiane de développement est définie par le temps nécessaire pour que 50% des larves d'une cohorte quittent les châtaignes. La durée de développement larvaire sera donc estimée de l'éclosion des œufs à la sortie des larves hors des fruits. La durée de séjour des femelles dans les manchons entraîne une incertitude de 36 heures dans les prédictions des durées de développement. La variable aléatoire T, temps de résidence des larves dans les amandes, est ajustée à une fonction densité F(T) caractérisée par une distribution logistique (SAS Institute Inc., 1990) : T -m exp( ) s F(T) = T -m 1+exp( ) s m représente la durée médiane de développement estimée par la méthode du maximum de vraisemblance et s mesure la dispersion de la durée de développement prédiapause.

La comparaison des deux stratégies de ponte S1 et S2 qui sera faite dans le paragraphe 3 de ce chapitre, nécessite de connaître les effets de la densité sur la durée de développement prédiapause pour les larves ayant connu des densités inférieures à cinq et pour celles qui se développent en compagnie d'au moins cinq autres immatures. Afin d'augmenter les effectifs, pour analyser les effets de la densité larvaire, les cohortes ont été regroupées en deux catégories sur la base de la durée médiane de développement : le groupe A formé des cohortes 1 à 3 et le groupe B constitué des cohortes 4 et 5 (Tableau 27). Au sein de chacun de ces groupes les durées médianes de développement larvaire sont semblables.

Tableau 27 - Estimation de la durée médiane du développement larvaire en degrés-jours (DJ), chez Curculio elephas pour cinq cohortes. Les femelles ont été introduites dans les manchons les 29/08, 31/08, 04/09, 08/09 et 11/09 selon les cohortes.

Groupe A Groupe B n° cohorte 1 2 3 4 5 Date de ponte 29/08 31/08 04/09 08/09 11/09 Références Bibliographiques 117

Durée en DJ 518.85 512.74 494.46 433.56 430.34 Erreur Standard (SE) 14.87 15.03 6.97 7.73 13.65 en DJ Durée en jours à 20°C 26.0 25.6 24.7 21.7 21.5 Pour des densités observées en conditions naturelles (de 1 à 5 immatures par fruit) une analyse de la variance à deux facteurs, le groupe et la densité larvaire, montre qu'il n'y a pas d'interaction entre ces deux facteurs (F4, 81 = 1.72; P = 0.16). En revanche, la durée de développement décroît significativement quand le nombre d'immatures par fruit augmente (Fig. 27; F4, 85 = 4.01; P = 0.005). De même, la durée de développement diffère entre les deux groupes (F1, 86 = 6.75; P = 0.01). Dans les groupes de cohorte A et B, 106 larves ont connu des conditions de développement pendant laquelle leur densité variait de 6 à ³ 10. Les résultats de l'analyse de la variance à deux facteurs (le groupe de cohortes et la densité larvaire) montrent que l'interaction n'est pas significative au seuil de 5% (Fig. 27; F1, 101 = 0.18; P = 0.67). De même, la durée de développement ne varie pas en fonction de la densité (F3, 104 = 1.68; P = 0.18). En revanche, l'effet groupe est significatif (F1, 105 = 13.34; P = 0.0004). La même analyse statistique sur toutes les classes de densités réunies (de 1 à ³ 10) montre que l'interaction n'est pas significative (F6, 183 = 1.13; P = 0.35) et que les effets de la densité (F8, 192 = 4.17; P = 0.0001) et du groupe sur la durée de développement larvaire (F1, 184 = 14.93; P = 0.0001) le sont.

La différence de degrés-jours entre la densité 1 et la densité ³ 10 est de 54.8 DJ, soit 2.75 jours à 20 °C, pour le groupe de cohortes A, et de 35.0 DJ, soit 1.75 jours à 20 °C, pour le groupe B.

900 Groupe A formé des cohortes 1, 2 et 3 850 Groupe B formé des cohortes 4 et 5 800

750

700

650

600 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ³ 10 Densité larvaire

Fig. 27 - Nombre de degrés-jours moyen (et intervalles de confiance) nécessaires pour le développement des phases larvaires chez Curculio elephas en fonction du nombre de larves par châtaigne.

En considérant une température constamment égale à 10 °C (température observée à SJ5 début novembre), l'écart ne dépasse pas 5.5 jours. Cette différence, bien que statistiquement significative, ne présente pas un intérêt biologique fort. En effet, la Références Bibliographiques 118 décroissance du poids des larves en fonction d'immatures sortis à 5.5 jours d'écart est faible (voir paragraphe 1.4.2 de ce chapitre).

1.3 - Densité des immatures par châtaigne et mortalité dans les amandes

Nous avons testé si la mortalité au cours du développement des larves augmentait avec leur densité. Le taux de mortalité a été estimé par la proportion d'immatures morts parmi la totalité des immatures (larves, trous de sortie et morts) selon deux protocoles expérimentaux différents. En conditions naturelles, lors de la dissection des fruits tombés dans les quadrats de l'échantillonnage systématique, les immatures morts ont été dénombrés. Ainsi, de 1981 à 1993 pour SJ4 et de 1981 à 1995 pour SJ5, le taux de mortalité s'élève respectivement à 1.55 (124/7994) et 1.18% (51/4310). Les proportions de morts au cours de la phase de développement prédiapause demeurent faibles mais sont certainement sous- estimées. En effet, lors de l'échantillonnage systématique, une larve répertoriée comme vivante lors de la dissection peut mourir plus tard sans que l'on puisse le savoir car les échantillons sont détruits pendant les dissections. Afin de remédier à cet inconvénient, la mortalité a aussi été estimée par dissection de tous les fruits des manchons installés en 1995 à SJ5, après les sorties de toutes les larves (le 15/12/95). Nous avons dénombré les capsules céphaliques trouvées dans les amandes : les parties molles des immatures, totalement désagrégées, n'étaient pas reconnaissables. Globalement 44 larves ont été trouvées mortes sur un total de 1003 larves, soit un taux de 4.38%. Ce taux moyen peut être décomposé selon la densité des larves, par exemple en deux classes : de 1 à 5 larves par fruit, de 6 à 10 larves ou plus (Tableau 28).

Tableau 28 - Nombre d'immatures trouvés morts lors de la dissection des amandes, et taux de mortalité en fonction de la densité larvaire. Les fruits proviennent des expériences en manchons conduites à SJ5 en 1995.

Densité : 1 - 5 Densité : 6 - ³ 10 Nombre de morts 21 23 Nombre total de larves 589 414 Taux de mortalité (%) 3.6 5.6

Quels que soient le protocole expérimental utilisé et la densité larvaire, aucune larve se développant seule n'a été trouvée morte; aucune amande contenant plus de deux balanins morts n'a été recensée. Les taux de mortalité des classes de densité 1-5 et 6 ³ 10 Références Bibliographiques 119 ne diffèrent pas significativement (test de comparaison de 2 proportions : z = 0.09; P = 0.46; Tableau 28). Dans les deux protocoles expérimentaux utilisés (échantillonnage et manchons) et pour une densité inférieure ou égale à 5 (stratégie S1), le taux de mortalité n'excède pas 3.6%, ce qui peut être considéré comme négligeable par rapport au taux de mortalité des larves enfouies dans le sol (voir paragraphe 1.5 de ce chapitre).

1.4 - Poids des larves à la sortie des fruits

Le poids larvaire dépend lui aussi de la quantité et de la qualité des ressources disponibles pour chaque larve. Dans ce paragraphe nous testerons les effets conjugués de la densité larvaire, du volume des châtaignes et de la date de sortie des larves, sur le poids.

1.4.1 - Distributions du poids larvaire

Les larves sorties à SJ5 en 1995 pèsent en moyenne 93.4 mg (EC = 20.2; n = 182). Les pesées ont eu lieu le premier jour de sortie, le 10 ème puis tous les 10 jours. En 1996, chaque jour, un échantillon de cinq larves tiré au hasard parmi l'ensemble des larves contenues dans le collecteur, était pesé (balance METTLER H20T, précision ± 0.01 mg à Saint-Just Chaleyssin et balance SCALTEC SBA 32, précision ± 0.1 mg). Lorsque moins de cinq larves sortaient pour une station, elles étaient toutes pesées (Tableau 29).

Tableau 29 - Poids moyen des larves à leur sortie des fruits en 1996 selon les stations (symboles définis au chapitre 2). n représente le nombre de larves pesées pendant toute la période de sortie larvaire. EC : écart-type.

SJ5 SJA C1 C2 C3 C4 C4' C5ht C5bas Poids moyen (en 84.05 74.26 88.87 85.52 90.24 77.04 84.66 83.13 80.81 mg) 1996 EC 21.8 22.4 20.0 21.6 21.3 20.7 19.0 17.3 20.4 n 324 255 249 260 252 168 117 172 77

Le poids moyen des 959 larves sorties des châtaignes issues des manchons 1995 à SJ5 est de 71.59 mg (EC = 27.9) et présente une forte variabilité (mini = 11.7 mg; maxi = 149.3 mg). Le poids des larves issues des conditions expérimentales diffère Références Bibliographiques 120 significativement de celui des larves récoltées en conditions naturelles (t = 10.20; 1139 ddl; P = 0.0001) (Fig. 28).

40 n=520 n=533

30 n=257 n=329 n=221 n=187 20 n=153 n=141

10 n=74 n=12 0 0-40 40-60 60-80 80-100 >100

Classes de poids larvaires

Fig. 28 - Distribution du poids des larves à la sortie des châtaignes. n représente les effectifs de chaque classe de poids. En blanc : larves issues des expériences en manchons à SJ5 en 1995; en noir : larves issues des fruits ramassés en conditions naturelles.

Ainsi, 5.9% des larves en conditions naturelles pèsent moins de 60 mg tandis que cette proportion atteint 34.2% pour celles issues des expériences en manchons, donc placées en situation de compétition. Si on considère les 391 larves, parmi les 959, qui se sont développées avec au moins cinq balanins, 47.7% ont un poids inférieur à 60 mg. 21.5% de ces 391 larves pèsent moins de 40 mg et 5.6% plus de 100 mg.

1.4.2 - Effets du volume de la châtaigne, de la densité larvaire et de la date de sortie larvaire sur le poids des larves à leur sortie des fruits

La densité larvaire D dans un fruit et le volume V de ce dernier déterminent la quantité de ressources disponibles pour les larves au cours de leur développement au sein des châtaignes. La date t de sortie hors du fruit intègre la date de ponte et la qualité des conditions de développement des larves dans la châtaigne. En effet, on peut admettre, bien que nous n'ayons pas procédé à des analyses biochimiques, que la qualité nutritive de la châtaigne se dégrade avec le temps, soit avec les conditions climatiques (température, humidité), soit par l'accumulation des excréments rejetés par la ou les larve(s) présente(s). Références Bibliographiques 121

Le volume n'explique à lui seul que 9% de la variabilité du poids des larves à leur sortie des amandes (N = 959; P = 0.0001). Le rejet de l'hypothèse nulle pour la régression linéaire simple indique uniquement que le nuage de points ne constitue pas un disque (Fig. 29).

160 140 120 100 80 60 40 20 Poids des larves (en mg) 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Volume des amandes (en cm3) Fig. 29 - Poids des larves (n = 959) en fonction du volume des châtaignes. Les larves proviennent des expériences en manchons réalisées en 1995 à SJ5.

La variabilité du poids au sein d'une classe de volume est très importante. Cependant, les larves de poids inférieur à 30 mg ne sortent pas d'amandes dont le volume est supérieur à 7.0 cm3.

Sous l'hypothèse qu'une femelle choisit un site de ponte afin de maximiser les chances de survie de sa descendance, nous avons testé l'hypothèse que les femelles déposeraient un plus grand nombre d'œufs dans les amandes les plus volumineuses. Les 292 châtaignes infestées dans les manchons en 1995 ont été classées selon 4 catégories de volume : 0.9 - 3.0 cm3, 3.1 - 4.5 cm3, 4.6 - 6.0 cm3 et 6.1 - 9.2 cm3. Les nombres médians de larves par fruit dans chacune de ces catégories sont respectivement : 2, 3, 3 et 4 (Fig. 30).

n = 75 n = 109 n = 74 n = 34 ³ 10 9 8 7 6 5 4 3

Densité larvaire 2 1 0 0.9 - 3.0 3.1 - 4.5 4.6 - 6.0 6.1 - 9.2 Classes de volume des amandes infestées (en cm3) Références Bibliographiques 122

Fig. 30 - Distributions des densités larvaires en fonction du volume des châtaignes. Les distributions sont résumées par des box-plot: les limites horizontales du rectangle représentent les quartiles 25% et 75%, le trait horizontal à l'intérieur de rectangle indique la médiane et les deux bornes extrêmes les 95%. Les points en dehors des bornes extrêmes sont aussi représentés. n : effectif de châtaignes.

L'asymétrie des distributions observées a nécessité l'emploi d'un test non paramétrique. Ainsi, un test de Kolmogorov-Smirnov sur les distributions de densités dans les deux classes extrêmes (0.9 - 3.0 cm3 et 6.1 - 9.2 cm3) montre que les amandes les plus grosses ne sont pas significativement les plus infestées (c 2 = 8.73; 2 ddl; P = 0.14). Ce résultat démontre que le volume des amandes n'a pas d'influence sur le 160 B 140 nombre d'œufs pondus. 120 100 Le rang de sortie des larves et la 80 densité expliquent respectivement 18 et 60 15% de la variabilité du poids (N = 959; P 40 = 0.0001 pour les deux facteurs). Le poids 20 0 diminue nettement pour les larves sorties au 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ³ 10 Densité larvaire par châtaigne moins 35 jours avant les premières (Fig.31B).

160 A 140 120 100 80 60 40 20 Poids des larves (en mg) 0 0 10 20 30 40 50 60 Rang de sortie des larves Fig. 31 - A : poids des larves à la sortie des fruits en fonction de leur rang de sortie; B : poids larvaire en fonction de la densité des larves dans une châtaigne.

Une analyse de covariance sur les données de 1995 (Logiciel GLIM), accompagnée d'une procédure d'élimination de la surdispersion statistique, montre que l'interaction entre les deux facteurs, t et D, n'est pas significative (F2, 953 = 1.35; P = 0.26). En revanche, le poids des larves décroît significativement lorsque la densité augmente (F1, 955 = 167.08; P < 0.001) et avec leur rang de sortie (F2, 956 = 82.11; P < 0.001) (Fig. 32). Références Bibliographiques 123

120

100

80

T1 60 T2 40 Poids larvaire (en mg) T3 20 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ³ 10 Densité larvaire dans une châtaigne Fig. 32 - Poids des larves à leur sortie des fruits en fonction du nombre de larves dans une châtaigne (densité larvaire) pour trois périodes de sorties larvaires successives : T1, T2 et T3 (voir Fig. 25).

Quelle que soit la période de sortie larvaire (T1, T2 et T3), la décroissance du poids intervient dès que la densité atteint deux larves. Les courbes de la figure ne présentent pas de plateau pour lequel le poids est constant. En moyenne, les larves perdent entre 38 et 57% de leur poids entre les densités 1 et ³ 10. • pour une densité inférieure à 5 (soit 95% des larves en conditions naturelles), la décroissance du poids est similaire dans les périodes de sorties T1 et T3 : en moyenne 21.1% de diminution. Pour T2, la décroissance moyenne n'est que de 7.6%. Ceci est dû au poids moyen des individus correspondant à la densité 5. • le poids décroît à la même vitesse pour des effectifs de 6 à 10 (ou plus) en moyenne 4.5% par larve supplémentaire dans un fruit. Pour 10 larves (ou plus), le poids moyen varie selon les périodes de 34 à 63 mg, à comparer à 79 - 103 mg pour des larves isolées.

Indépendamment, les trois facteurs D, t et V expliquent une faible partie de la variabilité observée dans le poids des larves. Cependant, une régression linéaire multiple qui intègre comme variables explicatives les trois facteurs D, t et V, explique 49% de la variabilité du poids des larves (n = 959; F3, 955 = 300.83; P < 0.001) suivant la relation : Poids = - 3.8D - 1.34t + 0.73V + 83.28

Ainsi, le poids des larves dans une amande est significativement plus grand lorsque l'amande est volumineuse. En revanche, le poids est négativement corrélé à la date de sortie et au nombre de larves qui se développent dans un même fruit. Les coefficients de corrélation partielle (Tableau 30) indiquent que la part attribuable à chaque variable explicative dans la variation du poids larvaire est équivalente. Références Bibliographiques 124

Tableau 30 - Corrélations partielles (r) entre le poids larvaire à la sortie des fruits et les trois variables explicatives : D la densité larvaire dans une châtaigne, t la date des sorties larvaires hors de la châtaigne et V le volume de l'amande.

Poids P Densité D Date t Volume V Poids P 1 Densité D - 0.53 1 Date t - 0.53 - 0.28 1 Volume V 0.50 0.38 0.32 1

Nous avons enfin cherché à estimer quelle était la part de la variabilité imputable aux variations entre femelles ou au sein des pontes d'une femelle. Nous avons testé, par

une analyse de la variance, la variabilité intra individuelle de 18 femelles (DIA1: femelles ayant émergé au bout de un an) qui avaient pondu seules dans des manchons (1995 à SJ5, série F). Cette analyse montre que la variabilité du poids des larves entre femelles est environ dix fois plus élevée que celle du poids des descendants d'une même femelle.

Le poids larvaire semble être une variable synthétique qui résume l'histoire de vie : il dépend à la fois de la densité larvaire, de la date de sortie larvaire et du volume des fruits. Par conséquent, dans la suite de notre étude nous testerons l'influence du poids larvaire sur différents traits d'histoire de vie.

1.5 - Effets du poids larvaire sur les traits d'histoire de vie pendant la phase pré-imaginale

1.5.1 - Relation entre le poids larvaire, la date de sortie des larves et le taux d'enfouissement dans le sol

En 1995, nous avons testé si le taux d'enfouissement des larves dépendait de leur poids. Globalement, 1468 larves ont été récupérées dans un collecteur puis classées quotidiennement en fonction de leur poids en 3 catégories différentes : P1 pour les larves pesant moins de 80 mg, 80 < P2 £ 100 mg et P3 > 100 mg. Une quatrième classe (P0 £ 40 mg) a été formée par 61 larves, sorties des amandes des manchons M et MA. Les larves des classes P1 à P3 représentent l'ensemble des larves sorties en conditions naturelles et la classe P0 est composée des larves de très faible poids, issues des expériences en manchons. Les larves d'une même classe de poids ont ensuite été déposées chaque jour à la surface de trois casiers protégés par un couvercle grillagé. Une première cohorte est Références Bibliographiques 125 définie par les larves sorties les douze premiers jours de la période de sorties larvaires. Ensuite, 3 nouveaux casiers par classe de poids ont été utilisés; ils constituent la deuxième cohorte de larves enfouies. Ces larves sont sorties entre le 21 et le 31 octobre (Tableau 31). La troisième et dernière cohorte ne comprend, vu le faible nombre de larves sorties qu'un seul casier par classe de poids (Tableau 31). La première larve déposée dans les casiers de la troisième cohorte, l'a été 11 jours après celle de la cohorte 2. Les larves de la classe P0 qui étaient, a priori, destinées à être enterrées dans des tubes individuels, ont été déposées dans deux casiers afin d'estimer les taux d'enfouissement. Ces larves ont été déposées dans les casiers entre le 22/10 et le 18/11 ce qui correspond en partie aux cohorte 2 et 3.

Tableau 31 - Nombre de larves par cohorte et par classe de poids (P1, P2 et P3). Une cohorte représente une période de sorties des larves hors des fruits.

P1 (£ 80 mg) P2 (80-100 mg) P3 (> 100 mg) Cohorte 1 (Coh1) 176 267 243 du 10 au 21/10/95 Cohorte 2 (Coh2) 163 213 249 du 21 au 31/10/95 Cohorte 3 (Coh3) 76 40 41 du 1 au 27/11/95

Chaque jour les larves déposées la veille et qui n'ont pas réussi à s'enfouir dans le sol ont été comptées et éliminées. Si on ne les enlève pas elles deviennent les proies des fourmis. Toutes classes de poids confondues, le taux total d'échec à l'enfouissement égale 2.5% et varie de 1.1 pour les plus grosses larves (P3 > 100 mg) à 3.9% pour la classe P1 (£ 80 mg) avec une valeur intermédiaire à 2.9% pour P2. 19.7% des larves de poids inférieur à 40 mg n'ont pas réussi à s'enfouir. Le nombre de larves non enfouies augmente de façon significative lorsque le poids larvaire diminue que la classe P0 soit considérée (c 2 = 68.8; 3 ddl; P<0.001) ou pas (c 2 = 7.5; 2 ddl; P = 0.02).

En revanche, le taux d'enfouissement ne varie pas significativement en fonction de la cohorte (c 2 = 5.64; 2 ddl; P = 0.06). Au sein de la cohorte 1, 3.5% des larves n'ont pas réussi à s'enfouir. Ce pourcentage est de 1.4 pour la deuxième cohorte et 3.5 pour la dernière. Dans une classe de poids donnée, l'effet de la cohorte sur le taux d'nfouissement n'est pas significatif (0.51 < c 2 < 4.95; pour 2 ddl; 0.08 < P < 0.77).

1.5.2 - Taux de survie dans le sol et fréquence de diapause prolongée selon le poids et la date de sortie des larves Références Bibliographiques 126

Après avoir recensé tous les adultes ayant émergé en août et septembre, les tubes et casiers ont été déterrés entre mi novembre 1996 et les larves en diapause prolongée, ont été dénombrées. La survie larvaire dans le sol et le taux de diapause prolongée intermédiaire (Menu, 1992) ont été estimés en fonction du poids des larves à leur sortie des fruits, à partir des dispositifs expérimentaux constitués des casiers grillagés (voir § 4 précédent) et des tubes individuels. Les données provenant de l'expérience avec les casiers ont aussi permis d'estimer les taux de survie et de diapause prolongée en fonction de la cohorte, c'est à dire de la date de sortie des larves.

1.5.2.1 - Survie larvaire dans le sol

Le taux de survie des larves a été estimé après une année par le rapport : (nombre de larves en diapause prolongée + nombre d'adultes émergés) / (nombre total de larves enfouies). Dans la suite du paragraphe, nous distinguerons les larves issues des expériences en manchon ("Expérience en conditions semi-naturelles") de celles sorties des fruits ramassés en conditions naturelles ("Expérience en conditions naturelles"). Nous rappelons que 61 larves pesant moins de 40 mg et provenant des expériences en manchons ont été déposées dans des casiers avec pour objectif principal l'estimation de leur taux d'enfouissement.

Expériences en conditions naturelles

Le taux global de survie pour les larves des classes P1 à P3, enfouies dans les casiers, est de 36.0%. Il varie de 38 - 39% pour les classes P1 et P2 à 31% pour la classe P3. Les effets de la période de sortie (cohorte) et du poids des larves (classes P1, P2 et P3) sur le taux de mortalité, ont été testés par une régression logistique (logiciel GLIM). L'interaction entre la période de sortie et le poids des larves est significative (c 2 = 33.54; 4 ddl; P < 0.0001) (Fig. 33). En cohorte 3, le taux de survie est toujours supérieur aux deux autres. Références Bibliographiques 127

0.9 0.8 0.7 0.6 0.5 Coh3 0.4 Coh1 Coh2 0.3

Taux de survie larvaire 0.2 0.1 P1 (< 80) P2 (80 à 100) P3 (> 100)

Poids des larves à leur sortie des fruits (en mg) Fig. 33 - Taux de survie en fonction du poids larvaire en 1995 à SJ5. Les larves ont été enfouies dans les casiers grillagés en fonction de leur poids (P1£80 mg, 80100 mg) et de leur date de sortie hors des fruits. Trois cohortes ont été définies selon les dates de sortie des fruits : Coh1, Coh2 et Coh3 (voir Tableau 31).

Expériences en conditions semi-naturelles

Dans les dispositifs individuels, 18 adultes n'ont pas réussi à émerger à cause de la sécheresse et de la dureté du sol dans les tubes. Ces adultes, morts entre la métamorphose et l'émergence, représentent 24.3% du nombre total d'adultes. Sur les 245 larves enfouies, 56 adultes ont émergé, 18 sont donc restés bloqués dans le sol des tubes et 19 larves ont été trouvées en diapause prolongée, soit une survie globale de 38.0%. Cette estimation représente le taux de survie jusqu'à la métamorphose en adultes. Le pourcentage de survie larvaire estimé en ne considérant que les adultes qui sont parvenus à émerger et les larves en diapause prolongée, ne vaut plus que 30.1%. Chez les larves de très petite taille (P0), la survie égale 14.7% dans les casiers. Compte tenu de leur faible nombre, les larves de la catégorie P0 n'ont pas été séparées en fonction de leur date de sortie. Par conséquent, il n'est pas possible de tester l'effet du rang de sortie. Nous avons cherché s'il existait une influence du poids des larves, en tube individuel, sur leur probabilité de survie. Cette dernière est statistiquement plus élevée lorque la taille des larves augmente (Modèle linéaire généralisé; données binaires : c 2 = 17.50; 1 ddl; P < 0.0001).

La figure 34 montre que toutes cohortes confondues, le poids a un effet significatif sur la survie larvaire. Cependant, cet effet est presque entièrement dû aux faibles taux de survie observés pour les larves de poids inférieur à 60 mg qui ne représentent que 5% des larves en conditions naturelles. Références Bibliographiques 128

représentent 95% des poids observés en conditions naturelles

0.6 n = 21 0.5 n = 56 n = 84 0.4 n = 505 n = 528 0.3 n = 84 n = 399 0.2 n = 61

Taux de survie larvaire 0.1

0 £ 40 <60 60 - 80 80 - 100 > 100 Classes de poids larvaire (mg) Fig. 34 - Taux de survie des larves en fonction de leur poids. Les cohortes ont été regroupées. Losanges noirs : taux de survie estimé à partir des larves issues des fruits provenant des conditions semi-naturelles (manchons); ronds blancs : estimation du taux de survie à partir des larves issues des fruits récoltés en conditions naturelles. n représente le nombre de larves. Les données sont issues de SJ5 en 1995.

1.5.2.2 - Taux de diapause prolongée

Expériences en conditions naturelles

Nous avons calculé le taux de diapause prolongée intermédiaire (Menu, 1992). Ce taux est défini par le rapport du nombre de larves en diapause prolongée sur le nombre d'individus vivants jusqu'à la métamorphose, c'est-à-dire les larves en diapause prolongée et les adultes bloqués dans le sol ou ayant émergé. Toutes cohortes et classes de poids confondues, le taux de diapause prolongée vaut 47.0% et varie entre 31.2 (P1 < 80 mg, cohorte 1) et 85.7% (P3 > 100 mg, cohorte 3) (Fig. 35). Une régression logistique sur le taux de diapause prolongée indique des effets significatifs du poids des larves (c 2 = 7.50; 2 ddl; P = 0.02) et de la cohorte (c 2 = 39.69; 2 ddl; P < 0.0001) sur le taux de diapause prolongée. L'interaction n'est pas significative (c 2 = 9.39; 4 ddl; P = 0.052). Références Bibliographiques 129

n=21 90 n=35 Coh3 80 70 n=54 n=79 60 Coh2 50 n=88 40 n=49 Coh1 30 n=32 n=73 n=98 Taux de diapause prolongée (en %) 20

P1 < 80 80 £ P2 < 100 P3 ³ 100 Classes de poids larvaire Fig. 35 - Taux de diapause prolongée en fonction du poids larvaire en 1995 à SJ5. n représente le nombre total de larves en diapause prolongée et d'adultes.

Les taux de diapause prolongée présentés sont des taux de diapause intermédiaires qui intègrent la mortalité des stades pré-imaginaux sans diapause prolongée et celle des larves en diapause prolongée. Pour estimer l'influence du poids et de la date de sortie larvaires sur le taux d'entrée en diapause prolongée, nous avons calculé grâce à un modèle probabiliste (Menu, 1992), un intervalle dans lequel se situe le taux initial de diapause prolongée qui ne dépend pas de la survie des insectes. La borne inférieure de l'intervalle correspond au taux de diapause prolongée réalisé (nombre de larves en diapause prolongée sur nombre de larves enfouies). Cette borne est calulée sous l'hypothèse que le taux de survie des larves en diapause prolongée est de 1. La borne supérieure de l'intervalle correspond au taux de diapause prolongée intermédiaire (Tableau 32).

Tableau 32 - Intervalles dans lesquels se trouvent le taux de diapause prolongée initial (voir texte et Menu, 1992) en fonction de la classe de poids larvaire et de la cohorte.

P1 P2 P3 Coh1 [0.09 ; 0.39] [0.09 ; 0.33] [0.14; 0.34] Coh2 [0.06 ; 0.31] [0.18 ; 0.42] [0.19 ; 0.52] Coh3 [0.44 ; 0.59] [0.70 ; 0.80] [0.44 ; 0.86]

Ainsi toutes cohortes confondues, les intervalles pour les classes de poids P1, P2 et P3 sont chevauchants (respectivement : [0.14 ; 0.46], [0.18 ; 0.45] et [0.18 ; 0.49]). Par conséquent, il est difficule de conclure au sujet de l'influence du poids sur le taux d'entrée en diapause prolongée. En revanche, pour une classe de poids donné, l'effet de la cohorte semble plus important.

Expériences en conditions semi-naturelles Références Bibliographiques 130

Dans les tubes individuels, le taux de diapause prolongée vaut 25.7% (19/74). Dans les casiers qui renferment les larves de poids inférieur à 40 mg, le taux de diapause prolongée vaut 22.2%. La différence entre ces deux taux n'est pas significative (c 2 = 0.016; 1 ddl, P = 0.90). Le faible nombre de larves en diapause prolongée ne permet pas d'étudier l'effet du poids larvaire sur le taux de diapause prolongée.

En conclusion, la densité, via le poids des larves, affecte le taux d'enfouissement des larves dans le sol, leur taux de survie et modifie le taux de diapause prolongée. Nous allons maintenant vérifier si les effets du poids des larves se répercutent sur les traits de vie des imagos.

2 - Effets du poids larvaire sur les traits d'histoire de vie des adultes

2.1 - Relation entre le poids des larves et celui des adultes

Les femelles qui ont émergé, en 1996 en conditions naturelles, pèsent en moyenne 55.3 mg. Leur poids ne diffère pas significativement selon l'origine géographique des larves (56.9 mg à SJ5 vs. 56.7 mg dans les Cévennes). Il n'existe pas non plus de différence entre des femelles qui ont réalisé une diapause hivernale et celles issues d'une diapause prolongée (Tableau 33; t = 2.0; 28 ddl; P = 0.054).

Tableau 33 - Poids des femelles et des mâles pour les années 1995 et 1996 à SJ5 et pour 1996 dans les Cévennes. DIA1 : individus ayant réalisé une diapause simple; DIA2 : individus ayant réalisé une diapause prolongée (émergence après deux ans). Les adultes ont émergé des casiers et des récipients plastiques (voir chapitre 2).

SJ5 Cévennes 1995 1996 1996 Mâles (DIA1) Femelles (DIA1) Femelles (DIA2) Femelles (DIA1) Effectif 134 28 30 87 Poids moyen en 45.1 (7.4) 56.9 (8.7) 52.7 (7.0) 56.7 (10.0) mg (EC) Intervalle de [21.6 ; 60.7] [34.6 ; 70.9] [39.0 ; 70.4] [20.2 ; 76.8] variations

Le poids moyen des mâles (45.1 mg) est significativement inférieur à celui des femelles (Tableau 33; t = 7.42; 160 ddl; P = 0.0001). La variabilité est plus importante chez les femelles; en particulier, les poids maxima observés sont plus élevés chez celles-ci.

En 1995, les femelles qui ont connu des conditions de fortes densités larvaires, ont une masse inférieure à celles émergées en conditions naturelles, ayant donc rencontré de plus faibles densités (Tableaux 33 et 34; t=5.16; 51 ddl; P < 0.001). De plus, chez ces Références Bibliographiques 131 petits imagos, aucune différence de poids n'a été constatée entre les mâles et les femelles (t = 1.23; 51 ddl; P = 0.22) (Tableau 34).

Tableau 34 - Poids frais des femelles et des mâles en 1995 à SJ5. Les adultes ont émergé des tubes individuels. n représente les effectifs d'imagos pesés. Sur les 27 femelles ayant émergé des tubes individuels à SJ5 en 1995, 3 ont été soustraites de l'analyse, suite à une erreur de manipulation.

Femelles Mâles Effectif 24 29 Poids moyen en mg 39.3 35.6 Ecart-type (EC) 14.6 9.3 Intervalle de variations [17.8 ; 64.6] [19.0 ; 50.4]

Afin de tester si la différence de poids entre les imagos qui ont émergé en conditions naturelles et ceux issus des tubes, résulte de poids différents chez les larves, la relation entre le poids des larves et celui des imagos correspondants a été étudiée. Les données proviennent du suivi individuel des larves et de leur devenir (Fig. 36).

80 + n = 24; r2 = 0.56; P = 0.0001

70 n = 29; r2 = 0.85; P = 0.0001

60

50 (en mg) 40

30

20 Poids frais des adultes à l’émergence

40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 Poids des larves à leur sortie des fruits (en mg) Fig. 36 - Relation entre le poids des larves à leur sortie des châtaignes et le poids frais des adultes correspondants. Les adultes sont pesés dès leur émergence. y = 0.527x - 4.203 pour les mâles et y = 0.384x + 9.837 pour les femelles.

La figure 36 met en évidence un résultat classique et attendu : les petites larves deviennent des petits adultes et les larves de grande taille engendrent généralement des imagos de grande taille. Cette relation est valable pour les mâles et les femelles. On constate que les larves de plus de 100 mg donnent uniquement des femelles.

2.2 - Relation entre le poids larvaire et la sex-ratio Références Bibliographiques 132

A partir des expériences réalisées dans les casiers, nous avons étudié la relation entre le poids larvaire et la sex-ratio des adultes qui ont émergé (il est impossible de sexer une larve). Compte tenu de la différence de poids entre les imagos mâles et femelles et de la corrélation positive entre le poids larvaire et le poids des adultes, on s'attend à ce que les larves de faible poids donnent statistiquement plus de mâles. Sur les 273 adultes qui ont émergé des casiers, 168 soit 61.5% étaient des femelles. Cette proportion s'écarte de l'équilibre 50 - 50% (c 2 = 7.27; 1 ddl; P = 0.007). Les imagos issus du développement de petites (P1 < 80 mg; n = 68) et de moyennes larves (80 £ P2 <100; n = 107) sont, comme attendu, majoritairement des mâles (56% et 58%). La classe P3 (³ 100 mg) correspond à 94.9% des femelles, valeur significativement plus élevée que dans les classes précédentes. En outre, si on considère les trois cohortes de larves, on constate (Fig. 37) une forte interaction avec le poids : pour les petites larves (P1) la population de femelles augmente de 17 à 72%, respectivement de la cohorte 1 (la plus précoce) à la cohorte 3, tandis qu'aucune différence entre cohortes n'est observée pour les larves de poids supérieur à 100 mg. Seulement sept adultes ont émergé des casiers contenant des larves de poids inférieurs à 40 mg, dont cinq étaient des mâles.

100

80 Coh3

60 Coh2 40 Coh1 20

0 P1<80 80£P2<100 P3³ 100

Classes de poids larvaire (en mg)

Fig. 37 - Pourcentage de femelles ayant émergé des casiers SJ5 en 1995 en fonction des trois classes de poids larvaire et des trois cohortes (Coh1, Coh2 et Coh3). Toutes les femelles utilisées dans cette expérience provenaient d'adultes ayant émergé après un an (diapause simple).

L'étude des émergences en 1996 sur l'ensemble des stations (Tableau 35) met en évidence une sex-ratio à nouveau globalement déséquilibrée en faveur des femelles mais non significative (52.2% de femelles; c 2 = 2.24; 1 ddl; P = 0.13). La station SJA n'a pas été prise en compte car de nombreux adultes (n = 87 dont 54 femelles) sont restés prisonniers dans le sol. Cette mortalité adulte avant émergence s'explique par la dureté du sol en raison de la sécheresse. Ce phénomène n'a pas eu lieu en SJ5 car les casiers ont été arrosés pour faciliter les émergences. Références Bibliographiques 133

Tableau 35 - Pourcentage de femelles et effectif des imagos ayant émergé en 1996 selon les stations.

Station % de femelles Effectif d'imagos émergés SJ5 58.1 484 C1 49.6 584 C3 52.9 558 C4 62.2 37 C4' 47.9 73 C5 48.5 515 C6 53.6 69

2.3 - Relation entre le poids des adultes et la fécondité potentielle

Les 24 femelles qui ont émergé en 1996 des tubes individuels ont été accouplées, puis conservées vivantes au laboratoire (T = 20 ± 1 °C; photopériode naturelle) pendant 7 jours. Chaque femelle était placée dans une boîte en plastique (10x10x12 cm) en présence d'un coton humidifié. Puis, les femelles ont été congelées individuellement (T°= - 28 °C) dans un liquide de conservation (75% de glycérol (à 95%) + 25% de Phosphate Buffered Saline (PBS)) en attendant d'être disséquées. Les dissections ont été faites sous la loupe binoculaire par H. Ploye (UMR 5558, Lyon I). Les ovules chorionés contenus principalement dans les trompes ainsi que les ovocytes visibles dans les ovarioles ont été dénombrés. Deux femelles ont dû être retirées de l'analyse car leur état de conservation ne nous a pas permis de compter les œufs avec précision. Il est parfois difficile de distinguer les ovocytes des cellules nourricières dans la partie supérieure des ovarioles; le nombre d'œufs par femelle a été déterminé avec une précision de ± 3. Références Bibliographiques 134

65 n = 22; r2 =0.59; P = 0.0001

55

45

35 Nombre d’oeufs 25

15 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

Poids d’une femelle en mg Fig. 38 - Relation entre le nombre d'œufs et le poids frais des femelles à l'émergence (y = 0.74x + 9.05). Le nombre d'œufs intègre le nombre d'ovules chorionés et le nombre d'ovocytes visibles dans les ovarioles, lors de la dissection des femelles.

Le stock d'œufs initial pour une femelle est positivement corrélé au poids frais de cette dernière (Fig. 38). Ainsi, en moyenne une femelle de 20 mg dispose de 24 œufs à pondre tandis qu'une femelle pesant 50 mg pourra potentiellement pondre 46 descendants. Chez les 22 femelles disséquées, le nombre moyen d'ovules chorionés et d'ovocytes visibles est de 34.3 (EC = 17). Une étude de Menu (1992) sur 30 femelles âgées de huit jours, montrait que le nombre moyen d'ovules chorionés (sans les ovocytes) par femelle était de 22.4. Aucune différence détectable à la loupe binoculaire (Wild M3Z, x16) dans la taille des œufs n'a été observée.

2.4 - Relation entre le poids des adultes et leur longévité

L'estimation de la longévité s'est faite parallèlement à SJ5 et dans les Cévennes en 1995. Pendant toute la période d'émergence, à chaque relevé, nous avons suivi la longévité des femelles depuis leur émergence jusqu'à leur mort, dans des boîtes plastiques ajourées. Les boîtes ont été conservées sous les châtaigniers, protégées du soleil et de la pluie. Toutes les femelles ont été accouplées. Chaque jour, les femelles mortes ont été retirées des boîtes et pesées. Par conséquent le poids est mesuré au maximum 24 heures après la mort des femelles. Il est important de noter que ce protocole est susceptible de masquer un effet du poids sur la longévité. En effet, en conditions protégées, l'effet du poids sur la capacité à se mettre à l'abri des intempéries ou des prédateurs n'est pas pris en compte. Références Bibliographiques 135

A SJ5 les femelles ont vécu en moyenne 33.0 jours (±2 SE = 9.4j; n = 20); la durée de vie varie de 4 à 74 jours. La longévité n'est pas corrélée au poids des femelles (r2 = 0.02; P = 0.53). Le poids a été enregistrée après la mort des femelles.

80 n = 20 70 60 50 40 30 20 Longévité (en jours) 10 0 20 30 40 50 60 70 Poids sec des femelles à leur mort (en mg) Fig. 39 - Longévité des femelles en fonction de leur poids après leur mort. Les femelles (n = 20) qui proviennent de SJ5, ont été accouplées après leur émergence puis placées par groupe de cinq dans une boîte (12x12x10 cm) avec un coton humide. Les boîtes ont été laissées sur le terrain et protégées de la pluie.

Dans les Cévennes, comme à Saint-Just Chaleyssin, la longévité des femelles n'est pas corrélée à leur poids juste après la mort (r2 = 0.02; P = 0.14; Fig.40). En moyenne, les femelles ont vécu 31.2 jours (EC = 15). La durée de vie la plus courte observée a été de 2 jours et la plus longue de 72.

80 n = 103 70

60 50 40

30

Longévité (en jours) 20

10 0 20 30 40 50 60 70 Poids sec des femelles à leur mort (en mg) Fig. 40 - Longévité des femelles en fonction de leur poids sec après leur mort. Les femelles (n = 103) qui proviennent des stations C1 et C5, ont été accouplées après leur émergence puis placées par groupe de cinq dans des boîtes (12x12x10 cm) avec un coton humide. Les boîtes ont été laissées sur le terrain et protégées de la pluie. Références Bibliographiques 136

La longévité des femelles à SJ5 ne diffère pas significativement de celle observée dans les Cévennes (121 ddl; t = 0.46; P = 0.64).

2.5 - Relation entre le poids des adultes et la fécondité réalisée

La fécondité réalisée d'une femelle se définit généralement par le nombre d'œufs pondus dans les fruits. Chez le balanin, nous l'avons estimée par le nombre de larves produites par femelle. A Saint-Just Chaleyssin dans la station SJ5, en 1995 et 1996, 58 femelles de poids connu ont été utilisées en manchons, pour étudier la fécondité réalisée. Les femelles des manchons installés en 1995 avaient toutes réalisé une diapause simple, notée DIA1 (DIA1 : émergence au bout de un an). En revanche en 1996, les femelles ont soit émergé après un an (DIA1), soit après deux années (DIA2) (Tableau 36).

Tableau 36 - Effectif des femelles utilisées lors des expériences en manchons en 1995 et 1996 à SJ5, et leur fécondité réalisée. * : seules les femelles ayant pondu au moins un œuf ont été intégrées dans le calcul de la fécondité réalisée. DIA1 : individus ayant réalisé une diapause simple; en 1995, toutes ces femelles ont pondu au moins un œuf alors qu'en 1996, 3 n'ont rien pondu. DIA2 : individus ayant réalisé une diapause prolongée (émergence après deux années); 3 femelles DIA2 n'ont pondu aucun œuf.

1995 1996 DIA1 DIA1 DIA2 Effectif des femelles * 28 11 13 Poids moyen (EC) 56.9 (8.6) 55.0 (7.9) 50.1 (5.1) Nombre moyen de larves vivantes produites par femelle 22.4 16.8 17.1 Intervalle de variations* [1 ; 64] [1 ; 42] [1 ; 60] Ecart-type (EC) 16.4 15.3 20.9

Globalement, la fécondité réalisée n'est pas corrélée au poids frais des femelles à leur émergence (n = 52; r2 = 0.03; P = 0.18) (Fig. 41). Les données concernant les fécondités réalisées des femelles DIA1 et DIA2 ayant pondu au moins un œuf, ont été regroupées car elles ne diffèrent pas significativement (t = 0.5; 27 ddl; P = 0.60). L'incorporation des 6 femelles qui n'ont pas pondu d'œuf, ne modifie pas la conclusion précédente (t = 0.4; 33 ddl; P = 0.68). De même, le nombre d'œufs pondus par femelle en 1995 et 1996 ne diffère pas statistiquement (t = 1.57; 51 ddl; P = 0.12) lorsque les femelles, n'ayant pondu aucun œuf, ne sont pas prises en compte. Références Bibliographiques 137

70

60

50

40

30

20

10

0 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 Poids frais des femelles à l’émergence (en mg)

Fig. 41 - Fécondité réalisée en manchons pour 52 femelles DIA1 et DIA2 réunies, à SJ5 en 1996. Compte tenu du faible taux de mortalité larvaire dans les amandes (voir paragraphe 1.4 de ce chapitre), le nombre d'œufs pondus, i.e. la fécondité potentielle, est approximativement identique au nombre de larves qui sortent des châtaignes.

Dans les Cévennes, en 1996, 37 femelles issues d'une diapause simple et placées individuellement en manchons ont pondu en moyenne 15.9 œufs ± 3.4 (± 2 SE) (de 1 à 41) (Fig. 42). Les femelles pèsent en moyenne 56.2 mg ± 3.0 (± 2 SE). Le nombre d'œufs pondus par femelle est, dans ce cas positivement corrélé au poids frais des femelles (n = 37; r2 = 0.13; P = 0.03) mais le poids de ces femelles n'explique que 13% de la variabilité observée.

70 n = 37; r2 = 0.13; P = 0.03 60

50

40

30

20

Nombre d’œufs pondus 10

0 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 Poids frais des femelles à l’émergence (en mg) Fig. 42 - Fécondité réalisée en manchons par 37 femelles DIA1 dans les Cévennes en 1996 (y = 0.402x - 6.770). Références Bibliographiques 138

Le nombre d'œufs pondus par femelle est très variable. De ce fait, il n'existe pas de relation évidente entre le nombre d'œufs pondus et la taille d'une femelle. Cependant, les plus fortes fécondités sont observées parmi les femelles les plus lourdes.

2.6 - Fitness des stratégies de ponte

L'estimation des divers paramètres démographiques affectés par la densité et le poids des larves, permet de définir et de comparer a posteriori deux stratégies de ponte théoriques S1 et S2. Celles-ci diffèrent uniquement par le nombre d'œufs pondus par châtaigne. Elles sont définies de la façon suivante : - S1 correspond à la stratégie observée en conditions naturelles que ce soit à Saint- Just Chaleyssin ou dans les Cévennes. Elle conduit à une dispersion des œufs dans différents fruits de telle sorte que le nombre d'œufs par amande n'excède jamais cinq. - S2 consisterait à regrouper plusieurs descendants dans un même fruit en pondant plus de cinq œufs à chaque fois. Nous voulons savoir si une stratégie qui se traduit par une dispersion spatiale des descendants dans de nombreux fruits est plus avantageuse en termes de succès reproducteur qu'une stratégie qui entraîne un regroupement des œufs dans un même site de ponte. Dans cette partie, nous récapitulerons l'ensemble des résultats obtenus lors des expériences en conditions naturelles et semi-naturelles, afin de déterminer la fitness potentielle de chaque stratégie que nous comparerons à la fitness réalisée.

2.6.1 - Estimation de la fitness potentielle

2.6.1.1 - Estimation des paramètres démographiques

Les valeurs des différents traits d'histoire de vie immatures et adultes en fonction du poids des larves sont résumées dans le tableau 37. Le taux global de survie est assimilé au taux de survie des larves et des nymphes dans le sol; la proportion d'immatures qui meurent au cours du développement dans les châtaignes a été exclue du calcul de la survie totale car aucune différence significative n'avait été notée entre les différentes classes de poids larvaire. De même, le taux d'enfouissement dans le sol n'a pas été pris en compte dans ce calcul car nous ne disposions pas d'estimation pour la classe de poids ]40 ; 60 mg]. Nous verrons à la fin du paragraphe, qu'en prenant une sur- estimation de ce taux pour la classe de poids manquante, nos conclusions sont renforcées. Le poids moyen des femelles correspondantes aux cinq classes de poids larvaire, a été estimé par la régression linéaire simple, à partir du poids des larves [Poids des Références Bibliographiques 139 femelles = 0.384 x poids des larves + 9.837; voir paragraphe 2.1]. La fécondité potentielle moyenne des femelles a été estimée à partir du poids des femelles émergeantes [Nombre d'œufs par femelle = 0.74 x poids des femelles + 9.055; voir paragraphe 2.3].

Tableau 37 - Estimations des paramètres démographiques en fonction des classes de poids larvaire. Les effectifs et la survie totale sont ceux obtenus à partir des casiers et des tubes, réunis. Coh1, Coh2 et Coh3 correspondent aux trois périodes successives d'enfouissement des larves dans les casiers. * : comme les larves de poids inférieur à 60 mg ne représentent que 5% du total de larves sorties des fruits, le poids de toutes les larves enfouies dans les casiers £80mg sont considérées comme appartenant à la classe ]60 ; 80]. $ : pour les classes £ 40 et > 100, nous avons pris pour poids larvaire représentatif de la classe respectivement 30 mg et 110 mg. Dans les autres classes le poids médian a été choisi.

Classes de poids larvaire £ 40 ]40 ; 60] ]60 ; 80] ]80 ; 100] > 100 (en mg) Nombre de larves 61 84 483* 561 549 % de survie larvaire dans le sol (casiers) Cohorte1 - - 23.5 28.5 40.8 Cohorte2 - - 19.9 42.1 32.1 Cohorte3 - - 75.0 87.5 51.2 Survie totale (en %) : 13.1 22.6 33.3 39.4 38.2 Estimation du poids des femelles (en mg) -> par classe £25.2 ]25.2 ; 32.9] ]32.9 ; 40.6] ]40.6 ; 48.2] >48.2 -> poids représentatif $ 21.3$ 29.0 36.7 44.4 52.1$ Fécondité potentielle : -> par classe £27.7 ]27.7 ; 33.4] ]33.4 ; 39.1] ]39.1 ; 44.7] >44.75 -> poids représentatif $ 24.8$ 30.5 36.2 41.9 47.6$

Le tableau 37 permet à partir du poids d'une larve d'estimer sa survie moyenne et la fécondité potentielle de la femelle résultante.

2.6.1.2 - Mesure de la fitness

Contrairement à de nombreuses études qui prennent comme mesure de fitness la fécondité potentielle sans tenir compte des taux de survie, nous utiliserons une fitness potentielle définie par le taux d'accroissement de la stratégie étudiée. Ce taux correspond au produit du taux de survie par la fécondité potentielle. Sachant que les distributions du nombre d'immatures par fruit selon les années et les stations ne varient pas, nous avons choisi une mesure de fitness de type déterministe. Il faut d'abord estimer le taux d'accroissement potentiel des individus issus des 5 classes de poids larvaire (Tableau 38). Ce taux a été calculé sous l'hypothèse que la fécondité potentielle de femelles de même poids ne varie pas en fonction de la date d'émergence. Références Bibliographiques 140

Tableau 38 - Fitness potentielle (taux de survie totale x fécondité potentielle) des femelles et pourcentage de larves par classe de poids larvaire en fonction des stratégies S1 et S2.

Classe de poids larvaire £ 40 ]40 ; 60] ]60 ; 80] ]80 ; 100] > 100 Fitness potentielle 3.6 6.9 12.1 16.5 18.2 % de larves (Stratégie S1) 0.8 5.0 22.4 35.4 36.4 % de larves (Stratégie S2) 21.5 26.2 30.1 16.6 5.6

Pour estimer la fitness des deux stratégies S1 et S2 nous avons pondéré chaque taux d'accroissement (fitness potentielle) dans une classe de poids larvaire par la proportion de larves se trouvant dans cette classe de poids. Puis les 5 valeurs obtenues ont été sommées pour chaque stratégie de ponte. Ainsi, la fitness de la stratégie S1 qui consiste à pondre moins de cinq œufs par châtaigne, est une fois et demi supérieure à la stratégie S2 (15.5 vs 10.0). Quand on intègre dans le calcul de la survie totale le taux d'échec à l'enfouissement, la différence de fitness entre les deux stratégies s'accentue. Pour S1, la fitness égale 15.5 et elle vaut 9.5 pour S2. Pour effectuer ce calcul, nous avons affecté à la classe de poids ]40 ; 60] le même taux d'enfouissement que celui de la classe ]60 ; 80]. L'effet du poids larvaire sur le taux d'enfouissement dans la classe ]40 ; 60] a été certainement sous-estimé.

La dispersion spatiale des descendants dans plusieurs sites de ponte limite donc les effets négatifs de la densité larvaire et assure une meilleure fitness potentielle qu'une stratégie qui consisterait à pondre beaucoup d'œufs (plus de cinq) dans une amande.

2.6.2 - Estimation de la fitness réalisée

Il est légitime de se demander si ces estimations obtenues avec la fécondité potentielle conduisent à des conclusions similaires avec la fécondité réalisée. Sachant que l'étude de la fécondité potentielle nécessite la dissection des femelles, la fitness réalisée (taux de survie larvaire x fécondité réalisée) n'a pas pu être estimée avec les individus suivis individuellement. Les femelles qui correspondent à des larves de poids inférieur à 60 mg, ne sont pas disponibles dans la nature. Aussi, la gamme de poids des femelles dont la fécondité réalisée a été estimée correspond au développement de larves de poids supérieur à 60 mg (95% des larves pesant plus de 60 mg). Ainsi, nous ne pourrons pas comparer les stratégies S1 et S2. En revanche, il sera possible de comparer, en conditions naturelles, la fitness réalisée chez des individus de grande (³ 100 mg) et petite taille (< 100 mg). Références Bibliographiques 141

Afin de prendre en compte la forte variabilité entre femelles dans le nombre d'œufs pondus, nous avons distingué arbitrairement deux classes selon le nombre d'œufs pondus : une fécondité réalisée faible (Ff), c'est-à-dire strictement inférieure à 25 œufs et une fécondité forte (FF) qui correspond à la ponte de 25 œufs ou plus. Compte tenu de la structure du nuage de points de la figure 43, nous avons considéré deux classes de poids de femelles : celles dont le poids est inférieur à 48 mg et celles pesant plus de 48 mg. En moyenne, les femelles dont le poids dépasse 48 mg sont issues des larves pesant plus de 100 mg (voir Tableau 37).

70 70 60 60 50 50 FF = 33.7 FF = 40.0 p1' = 0.25 p2' = 0.60 40 40 30 30

20 20 Ff = 10.2 Ff = 9.3 10 10 p1 = 0.75 p2 = 0.4

Nombre d’oeufs pondus 0 0 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 Poids frais des femelles à l’émergence (en mg) Fig. 43 - Fécondité réalisée des femelles de SJ5 en fonction de leur poids frais à l'émergence. p1 et p1' représentent les proportions de femelles de poids inférieur à 48 mg ayant pondu respectivement moins et plus de 25 œufs. p2 et p2' correspondent aux mêmes proportions que p1 et p1' mais pour des femelles de poids supérieur à 48 mg. FF : fécondité réalisée pour les femelles ayant pondu plus de 25 œufs. Ff : fécondité réalisée pour celles ayant pondu moins de 25 œufs.

75% des femelles pesant moins de 48 mg, ont pondu 10.2 œufs en moyenne et la fécondité réalisée des autres femelles de cette classe de poids vaut en moyenne 33.7 œufs. 60 et 40% des femelles de grande taille (³ 48 mg) ont pondu respectivement 40.0 et 9.3 œufs en moyenne au cours de leur vie. Sachant que les femelles de masse inférieure à 48 mg sont issues de larves appartenant aux classes pondérales ]60 ; 80] et ]80 ; 100], nous avons calculé la survie globale des larves durant la phase hypogée de ces deux classes réunies, soit 36.6%. Cette survie ne diffère pas significativement de celle des larves de plus de 100 mg (36.6% vs. 38.2, c 2 = 0.25; 1 ddl; P = 0.62). Par conséquent, pour comparer la fitness liée à la fécondité réalisée des femelles, nous ne prendrons en compte que le nombre d'œufs pondus. Ainsi, les femelles correspondant aux plus petites larves (< 100 mg) ont une fitness estimée à 16.1 alors que la fitness des femelles de poids élevé vaut 21.6. Malgré la forte variabilité observée dans le nombre d'œufs pondus par des femelles de même poids, les femelles de grande taille ont en moyenne un avantage sur leurs congénères de plus petite taille. Références Bibliographiques 142

2.7 - Conclusions

L'étude des effets de la densité larvaire sur certains traits de vie immatures et adultes liés à la fitness, a permis de comparer deux stratégies de ponte théoriques S1 et S2. Ces stratégies varient uniquement par la distribution du nombre d'œufs déposés par châtaigne. Pour la stratégie de ponte S1, la taille de ponte est toujours inférieure à 5, et dans 77% des actes de ponte elle est constituée d'un ou deux œufs. La stratégie S2 correspond à une stratégie où chaque amande est infestée par plus de cinq immatures. Les résultats obtenus montrent que la stratégie de ponte S1 a une plus forte contribution génotypique à la génération suivante (ou fitness) que S2. Cette mesure déterministe est une mesure relative suffisante pour comparer les deux stratégies S1 et S2. Elle ne prend en compte ni la mortalité des adultes par prédation ni celle des larves dans le sol où elles peuvent être victimes de micromammifères prédateurs (taupes, mulots). Ainsi, nos conclusions pourraient varier si : 1) les femelles de petite taille avaient une plus forte probabilité d'échapper aux prédateurs, 2) les petites larves étaient moins recherchées que les grosses par les micromammifères. Cependant, des expériences préliminaires menées en 1997 nous conduisent à penser que l'impact de la prédation sur les adultes balanins est faible. De même, la dispersion spatiale des châtaignes sur toute la surface de recouvrement foliaire (plus de 300 m2 à SJ5) et la variabilité de la profondeur d'enfouissement des larves, entre 1 et 40 cm, suggèrent fortement que le poids larvaire a une faible influence sur la probabilité d'être victime de la prédation dans le sol. Les conclusions tirées avec la fécondité potentielle ont été en partie, validées en incorporant les résultats de la fécondité réalisée qui dépend du nombre d'œufs disponibles par femelle et de la longévité des adultes : les individus de plus grande taille ont une valeur sélective plus élevée statistiquement. Bien que la fécondité réalisée et la longévité présentent une très forte variabilité en conditions naturelles, nous avons montré que les femelles de grande taille ont une fitness supérieure aux petites. Cependant, cette variabilité suggère qu'en conditions naturelles il n'existe pas de relation linéaire nette, comme celle observée au laboratoire (Honeck, 1993) entre la fécondité réalisée et le poids des femelles.

Les effets négatifs de la densité larvaire sont minimisés lorsque la stratégie de ponte aboutit à la distribution d'un faible nombre (un ou deux) d'œufs par fruit, c'est-à- dire à une dispersion spatiale des descendants. En effet, le poids des larves à leur sortie des fruits est négativement corrélé à la densité et dépend aussi du volume des amandes et de la date de sortie des larves. Or, le poids apparaît comme le trait d'histoire de vie central du cycle de vie des balanins. Il résume l'histoire de vie larvaire et conditionne la probabilité de survivre et la performance future des individus. Références Bibliographiques 143

Ainsi, la réussite lors de l'enfouissement des larves et le taux de survie larvaire et nymphale dans le sol sont respectivement diminués d'environ 20 et 50% lorsque les larves pèsent moins de 60 mg (par rapport à celles de poids supérieur). De même, la date de sortie larvaire et peut-être le poids des larves modifieraient le taux de diapause prolongée réalisé, la proportion de larves qui réalisent une diapause prolongée étant plus élevée chez les immatures de poids élevé et qui sortent tardivement. En revanche, quelle que soit la stratégie de ponte S1 ou S2, la densité n'a pas d'influence sur le taux de mortalité larvaire à l'intérieur des amandes, et ce taux reste faible. En effet, la châtaigne constitue un milieu protégé à l'abri de tous les facteurs de mortalité extrinsèques, tels que la prédation et le parasitisme. De plus, la faible mobilité des larves de balanin dans le fruit réduit la probabilité de rencontre entre larves et limite donc les possibilités d'interactions physiques. Au sein d'un même fruit les larves partagent la ressource et sont toutes affectées quand la ressource est limitante. Cependant, nos résultats montrent que les larves qui sortent tardivement sont plus affectées que celles qui sortent les premières. La diminution de la quantité de ressources et la dégradation du milieu par l'accumulation d'excréments peuvent expliquer cette observation. Les effets du poids larvaire se répercutent aussi sur les traits de vie adultes tels que le poids et la fécondité. Les immatures de petite taille donnent statistiquement plus d'adultes mâles d'une taille inférieure aux femelles. La sex-ratio reste globalement équilibrée. Les femelles qui résultent du développement de petites larves ont une fécondité potentielle inférieure à celles de plus grande taille.

Chapitre 6 : Discussion générale

La discussion est structurée en deux parties. La première est consacrée au choix des sites de ponte. Nous y discuterons des effets de la qualité ainsi que des interactions interspécifiques, sur la sélection des fruits par la femelle Curculio elephas. L'ensemble des résultats abordés dans la première partie forme la base des thèmes discutés par la suite. Ainsi, dans la deuxième partie, nous discuterons de l'impact de la taille de ponte sur les traits d'histoire de vie. Puis nous nous interrogerons sur l'existence d'une stratégie et d'une taille optimales de ponte chez le balanin de la châtaigne Références Bibliographiques 144 1 - Sélection des châtaignes pour la ponte

Nos résultats convergent vers la conclusion que la femelle balanin sélectionne ses sites de ponte. Les expériences conduites en manchons montrent clairement que, malgré un faible nombre de fruits disponibles par femelle, 17% des châtaignes ne sont pas infestées (chapitre 4). Les femelles Curculio elephas pondent indistinctement dans des fruits sains et dans des châtaignes contenant des œufs ou des larves de balanins; elles peuvent même utiliser des galeries de ponte réalisées par une autre femelle. Nous avons aussi montré que la moitié des galeries de ponte ne contiennent pas d'œufs et que les femelles de Curculio elephas évitent les amandes infestées par le carpocapse, Cydia splendana, ce qui suggère que la sélection des fruits dépend à la fois de la qualité des fruits et d'une compétition interspécifique.

1.1 - Existe-t-il une phéromone de ponte?

L'absence de discrimination entre les amandes saines et celles infestées par des immatures balanins montre qu'une femelle balanin ne dépose pas, lors d'un acte de ponte, de phéromones susceptibles d'empêcher l'attaque d'une châtaigne déjà infestée, cette nouvelle attaque pouvant être l'œuvre de la même femelle ou de femelles conspécifiques. Ce résultat va à l'encontre des suggestions théoriques (Roitberg & Prokopy, 1987). En effet, d'une part ces marqueurs chimiques sont très répandus chez les insectes (Van Lenteren, 1981; Roitberg & Prokopy, 1987) et d'autre part Curculio elephas présente toutes les caractéristiques qui, selon Roitberg & Prokopy (1987), favorisent la discrimination par dépôt d'un marqueur chimique sur les sites de ponte: 1) nutrition sur une seule ou sur un faible nombre de plantes; 2) infestation d'un hôte relativement permanent; 3) mobilité limitée des parents et/ou des descendants; 4) sites de nutrition et de repos limités. L'utilisation par une femelle Curculio elephas, de galeries de ponte réalisées par une autre femelle quelques instants auparavant, confirme l'absence de dépôt de phéromone répulsive sur le site de ponte. En effet, l'existence d'une telle phéromone, même efficace pendant une très courte période, comme il en existe par exemple chez le parasitoïde Dendrocerus carpenteri (Höller et al., 1991) est incompatible avec la réutilisation de galerie de ponte. La ponte dans une galerie déjà creusée a aussi été observée chez la mouche méditerranéenne des fruits, Ceratitiscapitata , ce comportement réduit le temps alloué à la perforation et augmente le taux de réussite lors du dépôt des œufs (Papaj & Messing, 1996). Chez le balanin, la réutilisation de galeries de ponte n'est pas la conséquence du dépôt d'une phéromone attractive. En effet, l'existence dune telle phéromone devrait conduire à l'observation d'une majorité de fruits infestés à plusieurs reprises. Or, 51% Références Bibliographiques 145 des fruits infestés contiennent un immature et 26% des amandes en renferment deux (chapitre 3). De plus, les ajustements des distributions du nombre d'immatures par châtaigne à la ZIP (Van den Broek, 1995) suggèrent fortement qu'il existe deux catégories de fruits: une où la femelle ne pond pas et l'autre dans laquelle le balanin femelle distribue ses œufs suivant un processus aléatoire (chapitre 3). Chez le balanin l'utilisation d'une galerie pré-existante pourrait être un artefact lié à l'expérimentation au laboratoire. En effet, ce comportement a été noté lorsqu'une femelle disposait d'un très faible nombre de châtaignes pour pondre. La femelle retrouverait alors le lieu de la perforation précédente qui avait été sélectionné pour son accessibilité, à cause des contraintes imposées par la disposition des piquants.

1.2 - Sélection et infestations multiples des châtaignes

L'absence de marqueur chimique répulsif peut conduire à des infestations multiples dans un même fruit. Une femelle "décide" de pondre dans ce qu'elle reconnaît être un fruit de bonne qualité bien qu'il soit déjà infesté car elle ne décèle pas la présence d'immatures conspécifiques. Ce scénario n'est envisageable que si le coût engendré par la ponte supplémentaire est inférieur à celui de la production d'un marqueur chimique et/ou à celui de la ponte dans un site de moins bonne qualité. Chez Curculio elephas, le coût en termes de survie larvaire dans la châtaigne, d'une ponte supplémentaire dans une

châtaigne contenant déjà une larve, est négligeable (chapitre 5). En effet, le taux de mortalité de deux larves dans une châtaigne (2.0%, Pallen, 1989) est similaire à celui d'une seule larve. Chez les parasitoïdes, l'avantage du superparasitisme a été démontré, dans certaines conditions, pour plusieurs espèces (Sirot, 1996; Van Dijken & Waage, 1987). L'origine des fruits pluri-infestés est multiple. Leur nombre peut s'accentuer quand la quantité d'hôtes de qualité devient limitante. Ainsi, la mouche de la pomme Rhagoletis pomonella (Roitberg & Prokopy, 1983) et le charançon Stator limitatus (Fox et al., 1996) reviennent pondre dans des sites déjà infestés. Dans les manchons contenant un nombre limité de châtaignes de bonne qualité, les balanins femelles sont contraintes de pondre plusieurs fois dans les mêmes amandes. Une femelle préférerait alors pondre dans une amande contenant déjà des immatures plutôt que de retenir sa ponte et/ ou de réabsorber ses œufs. En conditions naturelles, la présence de fruits infestés par plus de deux immatures peut être due à la ponte de plusieurs femelles dans le même hôte ou bien à la ponte de plusieurs œufs par la même femelle. La dernière hypothèse supposerait une augmentation de la taille de ponte avec l'âge des femelles, ce qui contredit les prédictions de nombreux modèles théoriques (Parker & Courtney, 1984; Iwasa et al., 1984). Par Références Bibliographiques 146 ailleurs, les prélèvements de bogues dans les arbres montrent que la distribution du nombre d'immatures par fruit ne change pas au cours de la saison de ponte. Par conséquent, le nombre de châtaignes ne semble pas limitant pour la ponte (chapitre 3). Enfin, les fruits infestés par plus de deux immatures peuvent provenir de l'attaque d'une minorité de femelles dont la stratégie de ponte consisterait à pondre plus de deux œufs à chaque acte de ponte.

1.3 - Sélection et qualité des sites de ponte

La sélection d'un hôte est fréquemment corrélée à sa taille et/ou à son état de développement (Mitchell, 1975; Rivero-Lynch & Jones, 1993). Ainsi, nous supposions que pour les balanins immatures qui réalisent tout leur développement dans un fruit, la quantité de ressources estimée par le volume des châtaignes était un facteur déterminant dans le choix des sites. Cependant, en conditions naturelles, le volume des amandes infestées ne diffère pas significativement de celui des amandes saines. De plus, parmi les amandes infestées, les plus volumineuses ne contiennent pas plus d'immatures que les plus petites. Soit les femelles ne peuvent pas détecter, de l'extérieur de la bogue, les différences de taille entre amandes, soit la quantité de ressources n'est pas un facteur limitant pour le développement des descendants, et ce même dans les petites châtaignes. Aussi, contrairement à l'étude de la taille de ponte sur le parasitoïde Nasonia vitripennis

(Charnov & Skinner, 1984), il n'existe pas de plasticité de la taille de ponte, chez le balanin, en réponse à la variation morphologique des hôtes. L'hypothèse la plus probable est que les châtaignes sont sélectionnées en fonction de leur qualité nutritive. La composition chimique, indice majeur dans le processus de sélection des hôtes (Courtney & Kibota, 1991), serait testée par la femelle lors de la perforation des fruits. Cette hypothèse est corroborée par le fait que 50% des perforations se soldent par un abandon ou un échec vis-à-vis d'une ponte (chapitre 4). Ces derniers peuvent être interprétés différemment selon deux hypothèses non exclusives : soit la femelle se nourrit au cours de ces perforations, soit elle teste la qualité du fruit afin d'y pondre. De même, les ajustements réalisés à partir de la distribution théorique ZIP (chapitre 3) plaident en faveur d'une hétérogénéité de la population de châtaignes. La proportion w de châtaignes dans laquelle aucune ponte n'est observée, suggère que les fruits sont en excès et/ou qu'une partie d'entre eux ne convient pas pour la ponte de Curculio elephas.

1.4 - Sélection et compétition interspécifique Références Bibliographiques 147

Les femelles Curculio elephas évitent les amandes infestées par le carpocapse, Cydia splendana. A l'échelle de l'amande, la présence de larves de carpocapse modifie le comportement de ponte du balanin femelle : cette présence diminue la probabilité que Curculio elephas dépose un œuf. Plusieurs hypothèses explicatives peuvent être avancées. Premièrement, le carpocapse marquerait l'hôte à l'aide d'une substance qui repousserait à la fois les femelles balanins et les autres larves de carpocapse. Ainsi, 94% des châtaignes infestées par Cydia splendana contiennent une seule larve. Deuxièmement, lors de la perforation la femelle balanin pourrait détecter la présence de larves de Cydia splendana soit par l'intermédiaire de leurs excréments, soit par le bruit réalisé par les larves de carpocapse lors de leurs déplacements dans l'amande. En effet, la mobilité des chenilles de Cydia splendana, à l'intérieur de la châtaigne, est très supérieure à celle de Curculio elephas; la larve de carpocapse se nourrit en creusant une galerie et rejette ses fèces dans toute l'amande. Enfin, l'ensemble de ces comportements pourrait être le résultat d'une sélection passée. En effet, avant que l'homme ne sélectionne les châtaignes de grosse taille pour leur commercialisation, la taille des amandes devait être insuffisante pour assurer le développement correct de larves de ces deux espèces. Cette compétition évite aux balanins femelles de déposer leur descendance dans un hôte dont la qualité est fortement dégradée. En effet, la quantité de nourriture disponible se trouve réduite par la présence de la chenille et dégradée par la présence d'excréments. Par conséquent la ponte dans une châtaigne préalablement infestée par une larve de Cydia splendana engendrerait

probablement une réduction du poids de la larve de balanin et donc de sa fitness (chapitre 5). La compétition entre le balanin et le carpocapse, comme de nombreuses interactions compétitives entre insectes phytophages, est asymétrique (Lawton & Hassell, 1981; Crawley & Pattrasudhi, 1988; Denno et al., 1995). En effet, les larves de carpocapse ne discriminent pas les fruits sains de ceux attaqués par le balanin. Cela explique que 2.4% des fruits sont infestés par les deux espèces. La détection et l'évaluation de l'intensité de la compétition interspécifique nécessitent de considérer plusieurs échelles (Wiens, 1989; Bennett, 1990; Valladares & Hartley, 1994) et de ne pas se contenter d'une approche globale. En effet, l'interférence démontrée à l'échelle de la châtaigne ne conduit pas à une corrélation négative entre les taux d'infestations des deux insectes à l'échelle des arbres. Ceci peut s'expliquer par la fréquence moyenne élevée de fruits sains (80%) et par la faible proportion de fruits infestés simultanément par les deux espèces, qui masqueraient le phénomène de compétition à l'échelle de l'arbre. Un troisième argument pour expliquer l'absence de corrélation négative entre les deux taux d'infestation est lié au fait que beaucoup d'arbres sont peu ou pas attaqués par le balanin. La texture et la forme des piquants (Coutin & Références Bibliographiques 148

Dusaussoy, 1956; Bovey et al., 1975) ainsi que les interactions biochimiques entre les bogues et les insectes peuvent empêcher l'infestation de certains arbres. La relative faiblesse du pourcentage d'arbres infestés par le balanin peut aussi résulter d'une compétition passée entre les deux espèces. On observerait aujourd'hui, le fantôme de cette compétition passée (Connell, 1980). Selon le principe de l'exclusion compétitive (Hardin, 1960), le carpocapse aurait progressivement occupé la niche et exclu le balanin. Enfin, la faible capacité de dispersion du balanin comparée à celle du carpocapse réduit la probabilité de colonisation de nouveaux châtaigniers, surtout en milieu fragmenté.

2 - Taille de ponte et stratégie optimales

Nos résultats montrent que la densité et le rang de sortie ont une influence sur le poids des larves à leur sortie des fruits. Il existe une valeur seuil pour le poids larvaire en dessous de laquelle la survie larvaire et la fécondité sont affectées. Ainsi, une stratégie qui aboutit à la ponte de plus de cinq immatures par fruit a une valeur sélective inférieure à une stratégie pour laquelle la taille de ponte la plus fréquente est un œuf par site. Pour les densités observées in natura, c'est-à-dire moins de cinq immatures par châtaigne, l'impact de la compétition intraspécifique larvaire est limité et il est difficile de définir une taille optimale de ponte. Enfin, nos résultats suggèrent que la stratégie de ponte observée engendre une variabilité dans la durée de la diapause au sein de la descendance d'une même femelle, et donc une minimisation du risque d'extinction dans un environnement stochastique.

2.1 - La taille de ponte observée en conditions naturelles correspond-elle à la celle définie par Lack (1947)?

Dans le monde vivant, la taille minimale de ponte est égale à un œuf. Elle correspond chez le balanin à la taille de ponte la plus fréquemment observée. Au moins 51% des actes de pontes aboutissent au dépôt d'un seul œuf par châtaigne. Ainsi, une femelle balanin dont la fécondité potentielle s'élève en moyenne à 30-40 œufs, distribue sa descendance dans au moins 15-20 fruits. Cette conclusion tirée des distributions des immatures semble robuste. En effet, sur les 13 et 16 années d'études à Saint-Just Chaleyssin, les distributions du nombre d'immatures par amande changent peu d'une année à l'autre. De même, comme indiqué précédemment les distributions n'évoluent pas au cours d'une saison. Enfin, ces distributions sont similaires à Saint-Just Chaleyssin et dans les Cévennes. Ainsi, chez le balanin, comme chez de nombreux autres espèces d'insectes et d'oiseaux (Klomp, 1970; Linden & Moller, 1989), la taille de ponte la plus fréquemment observée en conditions naturelles est inférieure à celle définie par Lack (1947). Selon lui, Références Bibliographiques 149 la taille de ponte optimale et la plus fréquente dans la nature devait être la plus productive en nombre de jeunes atteignant la maturité sexuelle. Nos résultats montrent que pour des larves vivant en conditions naturelles, c'est-à-dire s'étant développées avec au plus quatre autres immatures, la probabilité d'atteindre le stade adulte ne varie pas en fonction de l'effectif des larves dans une châtaigne. En effet, toutes dates de sorties larvaires confondues, les taux d'enfouissement des larves et de survie larvo-nymphale sont similaires. Par conséquent, selon la définition de Lack (1947), la taille de ponte devrait au moins être égale à 5. Les écarts entre la taille de ponte définie par Lack et les observations in natura pourraient s'expliquer par un compromis inter générationnel, tel que le compromis entre la taille de ponte et le poids des descendants qui est lié à la fécondité, et par le coût de la reproduction (Stearns, 1976).

2.2 - Compromis entre la taille de ponte, le taux de survie larvaire et la fécondité - coût de la reproduction

Chez le balanin, 50% de la variabilité du poids des larves est expliquée par la taille de ponte, le rang de sortie des larves et le volume de la châtaigne. C'est l'interaction entre ces trois variables qui détermine le poids d'une larve. Ainsi, une larve qui se développe tardivement avec de nombreux congénères, dans une amande de faible volume sera, en moyenne, petite. Ainsi, le poids résume les conditions de vie larvaire prédiapause définies par le nombre de larves dans une châtaigne, le volume de l'amande et la date de sortie larvaire. Il conditionne aussi la quantité et la qualité des imagos qui résultent du développement larvaire. Le poids larvaire de 60 mg semble être une valeur seuil en deçà de laquelle les paramètres démographiques sont particulièrement affectés. Ainsi, le pourcentage de larves qui ne parviennent pas à s'enfouir dans le sol vaut en moyenne 2.5% pour les larves pesant plus de 60 mg (soit 95% des larves en conditions naturelles) et atteint 20% chez les plus petites larves. De même, la survie larvo-nymphale dans le sol est fortement affectée par une baisse de poids: le taux de survie varie de 33 à 39% pour les larves de plus de 60 mg et de 13 à 22% pour les plus petites. Ainsi, les effets négatifs de la taille de ponte sur le poids des larves et ceux du poids sur les taux d'enfouissement des larves et de survie larvo-nymphale suggèrent que les réserves énergétiques accumulées par les plus grosses larves lors du développement dans les châtaignes, constituent un avantage en terme de survie. Les résultats, obtenus pour des densités supérieures à celles observées aujourd'hui en conditions naturelles, suggèrent l'existence d'une compétition intraspécifique larvaire qui n'affecte pas la survie pendant le développement dans les amandes, mais entraîne une diminution du poids des larves. La châtaigne constitue un milieu protégé à l'abri des facteurs de mortalité extrinsèques, tels que la prédation et le Références Bibliographiques 150 parasitisme qui touche 0.5% des larves (Debouzie et al., 1996). Dans une châtaigne, les larves partagent une quantité finie de ressources, qui peut devenir limitante quand la densité larvaire croît. Ainsi, en se référant non pas aux processus mais aux résultats de la compétition, et pour les densités étudiées, la compétition chez le balanin peut difficilement être classée dans un des deux types de compétition classiquement admis : "exploitation" (Bakker, 1969) (nommée aussi "scramble"; Nicholson, 1954) et "interférence" (aussi appelée "contest"). En effet, l'absence d'interactions physiques élimine le type "interférence". L"exploitation" est aussi à écarter puisque le partage des ressources convoitées est inéquitable entre les compétiteurs (larves). En effet, le degré avec lequel chaque larve dans un fruit est affectée dépend probablement de son rang de ponte. Dans une amande infestée par plusieurs immatures, les premiers immatures arrivés bénéficient d'une meilleure qualité de nourriture que les derniers. Par ailleurs, l'avantage acquis par les plus précoces induit un effet hiérarchique dans la compétition (chapitre 1; Wall & Begon, 1985). Entre "l'exploitation" et "l'interférence" qui définissent un continuum écologique (Begon et al., 1986), la compétition larvaire chez le balanin semble être plus proche du type "exploitation".

Aux effets de la densité sur les traits d'histoire de vie larvaires s'ajoutent une diminution du poids des larves en fonction de leur date de sorties. La décroissance pondérale en fonction du rang de sortie confirment les résultats de Menu & Debouzie (1995) obtenus en conditions naturelles. L'étalement des sorties larvaires provient de l'étalement des pontes dans un même fruit et/ou de la variabilité individuelle dans la vitesse de développement des immatures. Notre hypothèse est que la diminution du poids larvaire de octobre à décembre, provient essentiellement de la dégradation de la qualité nutritive des amandes liée à la dégénérescence physiologique des tissus végétaux, aux intempéries et à l'accumulation d'excréments de larves de balanins. Ainsi, les larves qui sortent tardivement d'un fruit sont en moyenne plus petites que les premières. L'influence de la dégradation physiologique de l'amande et donc de la diminution de la quantité de nourriture au cours du temps se font ressentir plus sévèrement lorsque plusieurs larves se développent dans un fruit. Les conséquences de la densité sur le poids larvaire se répercutent aussi sur les traits de vie adultes tels que le poids et la fécondité. Ainsi, les larves de Drosophila melanogaster les moins compétitives deviennent les imagos les plus petits et ceux ayant une longévité et une fécondité réduite (Prout & McChesney, 1985). Chez Curculio elephas, la fécondité potentielle des femelles est positivement corrélée au poids des adultes. Les femelles de petite taille, issues du développement de petites larves, ont une fécondité potentielle inférieure aux femelles de grande taille. Sous l'hypothèse d'un compromis évolutif dans l'allocation de l'énergie entre la maintenance, la survie et la reproduction (Levins, 1968), la différence de fécondité observée entre les individus Références Bibliographiques 151 pourrait être due à la plus faible quantité d'énergie allouée à la production d'œufs chez les individus de petite taille. Aucune différence dans la taille des œufs n'a pu être détectée entre les femelles de petite et de grande taille et parmi les œufs d'une même femelle. Pour des densités rencontrées en conditions naturelles, c'est-à-dire inférieures à 5, l'impact d'une compétition potentielle sur la régulation des populations naturelles de balanins semble relativement limité. La densité n'altère ni le taux de mortalité larvaire à l'intérieur des amandes, ni celui de la mortalité larvo-nymphale dans le sol. De plus, la probabilité de rencontre entre deux larves dans une même amande est faible de par la mobilité réduite des immatures balanins. Les possibilités d'interactions physiques entre larves qui se développent chacune dans une logette indépendante restent rares. Sans rejeter l'éventualité d'une régulation par la densité, lors d'une année exceptionnelle (peu de fruits et beaucoup de femelles), la principale étape de régulation se déroule probablement lors de la phase hypogée larvaire. En effet, lors de cette période, les larves sont victimes de nombreux prédateurs : des invertébrés tels que les fourmis, les scolopendres et certains carabes, et des micro-mammifères tels que les taupes, les mulots et les musaraignes (Menu, 1993a). Cependant, il est peu probable que sous terre, le poids des larves influence la probabilité d'être dévoré par un prédateur.

Le coût de la reproduction sur la survie des femelles est quelquefois avancé pour expliquer la différence entre la taille de ponte définie par Lack et celle observée (Stearns, 1976). Cependant, chez le balanin nous n'avons pas mis en évidence ce coût. Ce résultat pourrait être dû à une compensation du coût de la ponte par une prise de nourriture. En effet, l'énergie acquise pendant la phase d'alimentation pourrait compenser celle dépensée pendant l'acte de ponte. Ainsi, le bilan énergétique resterait globalement positif et masquerait le coût de la ponte (Stearns, 1992). Stearns (1992) nomme les animaux de ce type, les "income breeders". Ainsi, les individus qui ont accès aux sites de ponte se nourriraient et seraient avantagés si la quantité d'énergie accumulée, lors d'une prise de nourriture, est supérieure à celle investie dans la reproduction. Ceci pourrait expliquer pourquoi les femelles qui ont pondu, ont vécu en moyenne aussi longtemps que celles qui, dans l'expérience menée en conditions protégées, ne le pouvaient pas. Une hypothèse alternative serait que la détection du coût de la reproduction, nécessite d'expérimenter en conditions environnementales suffisamment sévères pour provoquer la mort des individus les moins bien "préparés" physiologiquement (e.g. Haukioja & Hakala, 1978; Roff, 1992). Il est probable que nos conditions d'expérimentation (température, hygrométrie...) au laboratoire ne répondaient pas à ces critères. La même hypothèse peut être proposée pour l'expérience en 1996 dans les Cévennes. Nous n'avons pas estimé le coût écologique de la reproduction (Bell & Koufopanou, 1986) sur la mortalité des adultes. La recherche de partenaires pour l'accouplement, des sites de ponte et l'acte de ponte peuvent en effet, augmenter la vulnérabilité aux parasites (Cade, Références Bibliographiques 152

1975) et aux prédateurs (Walker, 1964). Cependant, des expériences préliminaires qui ont eu lieu en août 1997 dans les Cévennes et à Saint-Just Chaleyssin, suggèrent un faible impact de la prédation sur les adultes. De plus, le taux de parasitisme des larves se développant dans les châtaignes est négligeable. De plus, démontrer l'existence d'un compromis évolutif entre l'investissement reproductif et la longévité nécessiterait des analyses génétiques. Puisque l'évolution ne peut avoir lieu que s'il existe une variation génétique, seules des corrélations génétiques peuvent fournir la preuve d'un coût de la reproduction et de son importance évolutive (Reznick, 1985; 1992). Comme le montre Roitberg (1989) avec Rhagoletis basiola, l'estimation de corrélations phénotypiques entre la ponte et la durée de vie demeurent insuffisantes; elles traduisent les interactions "génotype x environnement". La même réserve peut être émise pour la corrélation phénotypique entre la taille de ponte et le poids larvaire.

2.3 - Existe-t-il une stratégie de ponte optimale?

L'étude des effets de la densité sur les traits de vie des immatures et des adultes nous a permis de comparer la valeur sélective d'une stratégie aboutissant à une répartition spatiale de la descendance, la stratégie S1, à celle d'une stratégie théorique S2 pour laquelle chaque amande est infestée par plus de cinq immatures. La stratégie de ponte S1, observée actuellement dans la nature, a une plus forte contribution génotypique à la génération suivante (ou fitness) que S2 (chapitre 5). Par conséquent, sous l'hypothèse que, par le hasard des mutations, S1 et S2 aient été présentes simultanément dans une population, la sélection naturelle a dû favorisé S1. Un génotype qui "adopte" la stratégie S1 produit des larves qui pèsent plus de 60 mg dans 95% des cas, alors que ce pourcentage atteint seulement 52 pour la stratégie S2. Cette différence de poids a pour conséquence une diminution notable de la fitness de S2. Chez le balanin, la répartition spatiale des descendants dans des fruits peut correspondre à une minimisation des risques liés à une augmentation de la densité larvaire. En effet, en l'absence de marqueurs chimiques susceptibles de renseigner les femelles sur l'infestation des châtaignes, une femelle a intérêt à réduire sa taille de ponte. Ainsi, même si une autre femelle de génotype S1 pond dans le même fruit, la densité restera faible. Ainsi la probabilité que la performance future des individus issus de la première ponte soit fortement affectée est minime. La dispersion spatiale diminue donc la probabilité que plusieurs actes de ponte se déroulent dans la même amande et peut être assimilée à une stratégie d'étalement des risques ("spreading of risk", Den Boer, 1968). Le taux d'accroissement potentiel, c'est-à-dire la survie larvaire multipliée par la fécondité potentielle, utilisé comme mesure de fitness est une mesure déterministe (chapitre 1). Ce choix est légitimé par la constance des distributions du nombre Références Bibliographiques 153 d'immatures par fruit au cours d'une année, entre les années et entre les stations. En revanche, la mesure de fitness utilisée ne prend pas en compte l'existence d'une diapause prolongée. Pour pallier à ce manque, il serait nécessaire de construire un modèle matriciel structuré de dynamique des populations.

Étant donné que les effets de la densité sont minimes lorsque le nombre de larves par châtaigne est inférieur à 5, pourquoi n'observe-t-on pas chez le balanin une stratégie qui aboutit, pour la majorité des actes de ponte, au dépôt d'un nombre d'œufs compris entre 1 et 5? En effet, la ponte de plusieurs œufs par site peut être un moyen d'augmenter la fécondité réalisée (Courtney, 1984). Chez le balanin, trois types d'arguments peuvent expliquer l'absence de sélection pour de larges tailles de ponte. Le premier s'articule autour de la possible sous-estimation du coût lié à la production de portées de grande taille (Monaghan & Nager, 1997). Le deuxième est lié au fait que certains facteurs tels que le temps de recherche des sites de ponte n'ont pas été pris en compte, alors qu'ils sont susceptibles d'influencer la taille de ponte (Charnov & Skinner, 1984; 1985). La théorie prédit que plus le laps de temps entre deux pontes s'allonge, plus la taille de ponte optimale sera élevée (chapitre 1). Chez le balanin, il est difficile, voire impossible d'estimer en conditions naturelles ce temps de recherche d'un site. Néanmoins, différents facteurs peuvent favoriser l'augmentation de ce temps. Ainsi, les échecs lors des actes de ponte, l'évitement des châtaignes infestés par le carpocapse et la sélection des sites de ponte contribuent à augmenter le laps de temps entre deux pontes. Malgré les effets potentiels de ces facteurs, il semble que les sites de ponte soient suffisamment abondants pour que le temps de recherche reste court, et ne favorise pas une augmentation de la taille de ponte. Le dernier type d'argument est en relation avec les contraintes imposées par la phylogénie. Compte tenu, de la possibilité qu'a Curculio elephas d'attaquer des glands de chêne (Quercus) et de la présence sur chêne, d'autres espèces de Curculionidés, notre hypothèse est qu'à partir d'un ancêtre commun une spéciation aurait eu lieu au sein du genre Curculio. Une espèce, Curculio glandium, serait restée strictement inféodée aux genre Quercus, tandis que l'autre, Curculio elephas, serait devenue spécifique des châtaigniers tout en gardant la possibilité d'attaquer les glands de chêne. Ainsi, la taille de ponte sur châtaignier serait l'héritage de cette spéciation. Sur chêne le volume des glands constitue probablement une pression de sélection dans la détermination de la taille de ponte. En effet, le volume des glands est beaucoup plus faible que le volume d'une amande ce qui pourrait expliquer la différence moyenne de 22 mg observée entre le poids des larves sorties de glands et celles sorties des châtaignes (données non publiées). Le volume des fruits du chêne serait trop réduit pour supporter le développement d'un nombre élevé d'immatures sans entraîner des conséquences néfastes pour la descendance. Cependant, il est fort probable que si la taille de ponte n'est pas un Références Bibliographiques 154 trait canalisé, le nombre de générations depuis la spéciation entre les deux Curculionidés ait été suffisant pour aboutir à une évolution du nombre d'œufs pondus par châtaigne.

2.4 - Peut-on définir une taille optimale de ponte en conditions naturelles?

Comme chez de nombreuses espèces (e.g. Visser, 1994), le poids larvaire apparaît être le trait d'histoire de vie central chez le balanin de la châtaigne. Cependant, en conditions naturelles, c'est à dire pour des larves de plus de 60 mg, et en intégrant dans la mesure de fitness non plus la fécondité potentielle mais la fécondité réalisée il apparaît difficile de définir une taille optimale de ponte. Bien que nous ayons montré que les adultes de grande taille ont une fitness supérieure aux petits, la fécondité réalisée et la longévité présentent une très forte variabilité. Êre une femelle de grande taille semble être une condition nécessaire mais non suffisante à la ponte d'un grand nombre d'œufs. La variabilité observée suggère qu'en conditions naturelles, il n'existe pas de relation linéaire nette, comme celle observée au laboratoire entre la fécondité réalisée et le poids des femelles de Curculio elephas. Contrairement au parasitoïde Aphaerata minuta (Visser, 1994), l'activité de ponte en conditions naturelles, des femelles de Curculio elephas n'est pas liée à la taille corporelle. Alors que les modèles d'optimisation considèrent qu'il existe un optimum mathématique bien défini pour la fitness, chez le balanin, une large gamme de poids larvaire conduit à des adultes dont la fécondité réalisée et la fitness sont semblables. En conditions naturelles, il n'existe pas une seule taille optimale de ponte qui maximiserait la fitness via le poids des larves. La fitness n'est plus représentée par un pic mais par un plateau comme le suggèrent Klingenberg & Spence (1997). Alors que la compréhension de la relation taille-fitness demeure un enjeux majeur de la biologie évolutive (Godfray et al., 1991), notre étude vient grossir le nombre de travaux récents (Visser, 1994; Tammaru et al., 1996; Ode et al., 1996; Kazmer & Luck, 1995; West et al., 1996) qui remettent en cause la nature des relations observées au laboratoire, entre la taille corporelle et la fécondité potentielle (Honeck, 1993). L'influence des facteurs environnementaux, leur hétérogénéité spatio-temporelle ainsi que les différences d'allocation des ressources entre la croissance et la reproduction empêchent de tirer une règle générale concernant la relation poids-fécondité valable pour tous les insectes (Chevrier & Vernon, 1992).

2.5 - Valeur adaptative de la variabilité individuelle.

Nos expérimentations en casiers montrent que la date de sortie larvaire et peut-être le poids, dans une moindre mesure, ont un effet sur le taux de diapause prolongée. Ces Références Bibliographiques 155 résultats confortent ceux de Menu & Debouzie (1995) qui avaient mis en évidence une relation entre le taux de diapause prolongée et la date d'enfouissement des larves. Le poids et la date d'enfouissement sont deux variables qui intègrent les conditions de développement pré-diapause (nutrition, température...) dans les fruits. Leur variabilité à l'intérieur de la descendance d'une femelle suggère que les conditions de développement pré-diapause varient individuellement dans une même descendance. Notre hypothèse est que la variabilité des conditions de développement pré-diapause au sein de la descendance d'une femelle serait à l'origine de la variation observée dans la durée de la diapause des larves. Ainsi, nos données renforcent l'hypothèse d'une plasticité adaptative "pile ou face" (Cooper & Kaplan, 1982), qui a été proposée chez le balanin pour expliquer la variabilité de la durée de la diapause (Menu, 1993a; Menu & Debouzie, 1993). Conformément aux hypothèses de cette théorie, les conditions de développement pré- diapause résumées par le poids et la date de sortie des larves, dépendent de caractéristiques environnementales non prédictives qui ne renseignent pas l'insecte sur les facteurs contrôlant la survie et la fécondité l'année suivante. En effet, le poids et la date de sortie dépendent de facteurs environnementaux que la femelle ne contrôle pas et qui peuvent varier de façon aléatoire du point de vue de l'insecte; elle ne choisit pas ses sites de ponte en fonction de leur volume, ni de la densité de larves de balanins déjà présentes dans la châtaigne. L'étalement des dates de ponte observé chez un balanin femelle est responsable d'une forte variabilité des conditions de développement prédiapause dans sa descendance. Par conséquent un même génotype, ici une même femelle, exprimerait aléatoirement plusieurs phénotypes dans sa descendance, qui vont se distinguer par la durée de leur diapause. Une telle plasticité larvaire serait une réponse à l'imprévisibilité des facteurs environnementaux et constituerait un exemple de "bet-hedging" fractionné ("diversified bet-hedging", Seger & Brockmann, 1987; Menu, 1993a). L'hypothèse du "bet-hedging" est renforcée par des résultats d'expériences génétiques. Ces derniers ne corroborent pas les prédictions des modèles mendeliens qui supposent un polymorphisme génétique de stratégies pures : un génotype par durée de diapause (Menu et al., 1996). Les populations de balanins à Saint-Just Chaleyssin sont constituées principalement de femelles à descendance mixte : une partie des larves prolonge sa diapause et l'autre réalise une diapause simple (Menu et al., en prép.) . "En ne mettant pas tous ses œufs dans le même panier, un génotype à stratégie mixte souscrit une assurance multi-risques" (Menu & Debouzie, 1996). En effet, des génotypes n'ayant que des descendants à diapause simple ou que des descendants à diapause prolongée ont une probalité d'extinction élevée par rapport à un génotype à stratégies mixtes (Menu, 1993a; Menu & Debouzie, 1996).

Outre l'incidence de la date de sortie sur le poids des larves, la variabilité des sorties de la descendance d'une femelle peut être envisagée aussi comme une réponse à la Références Bibliographiques 156 stochasticité environnementale. L'imprévisibilité des conditions environnementales (conditions climatiques, présence de prédateurs) pendant la période de sorties larvaires peut affecter la survie des larves. En effet, la survie à la sortie des fruits peut être altérée pour les premières larves sorties en cas de sécheresse, ou bien pour les dernières en cas de fortes gelées (Menu obs. pers.). Ainsi une stratégie de ponte pour laquelle toutes les larves sortiraient sur un courte période, peut être fortement défavorisée. Au niveau de la population, l'étalement des sorties larvaires résulte essentiellement de l'étalement des pontes qui durent de fin août à début octobre (Menu & Debouzie, 1995), lui même conditionné par la période des émergences. De plus, à cette variabilité enregistrée au niveau populationnelle se surajoute une variabilité individuelle. En effet, la courbe de cinétique de ponte obtenue en conditions protégées sur le terrain montre qu'une femelle étale sa ponte dans le temps (chapitre 4).

Conclusion générale

La compréhension de l'évolution des traits d'histoire de vie et la dynamique des populations d'insectes nécessite de tester les prédictions des modèles théoriques, in natura c'est-à-dire dans un environnement hétérogène, afin de valider les prédictions et/ou de susciter de nouvelles hypothèses. L'intégration de la variabilité environnementale dans la théorie modifie souvent les prédictions (Godfray & Ives, 1988). Il est également impératif d'étudier la totalité du cycle de vie des insectes si l'on veut détecter les phases sensibles du cycle de vie (Legay & Debouzie, 1985; Price, 1994) et estimer une mesure de fitness qui intègre la survie et la fécondité. Nous avons montré l'importance de bien connaître la stratégie de ponte des insectes dans la nature, car cette stratégie conditionne l'ensemble de l'histoire de vie. Ainsi, dans un premier temps, nous avons étudié le comportement de ponte de la femelle Curculio elephas afin de pouvoir déterminer "où" et "quand" elle pondait ses œufs et surtout "combien" elle en pondait par châtaigne. L'ensemble des résultats nous a ensuite permis d'estimer plusieurs paramètres démographiques liés aux stratégies de ponte et de déterminer la valeur adaptative de différentes stratégies chez le balanin de la châtaigne. Références Bibliographiques 157

A partir des expériences de ponte en manchons et de l'étude du comportement, nous avons démontré que le balanin femelle sélectionnait ses sites de ponte sans qu'aucune phéromone ne soit déposée sur les fruits. Après avoir réfuté l'hypothèse selon laquelle le choix des sites de ponte se faisait sur des critères morphologiques des châtaignes, l'ensemble de nos résultats suggère fortement que la femelle sélectionne ses sites de ponte en fonction de leur qualité. Cette qualité serait en partie déterminée par la présence de larves de carpocapse, Cydia splendana dans le fruit puisque la femelle évite les fruits déjà infestés par le carpocapse. Cette compétition constitue un exemple d'interactions asymétriques. Notre étude souligne que dans un système où les fruits sont faiblement attaqués, il est nécessaire de créer des conditions limitantes pour la ponte afin d'être sûr que les fruits non attaqués ne conviennent pas à la ponte et qu'ils représentent des ressources en quantité excédentaire. Parmi l'ensemble des châtaignes, la femelle Curculio elephas en évite une partie et distribuerait aléatoirement ses œufs dans l'autre partie. Parmi les fruits sains, certains le sont soit parce qu'ils sont en excès par rapport au nombre d'œufs que la population de femelles peut pondre, soit parce qu'ils sont de qualité insuffisante pour recevoir la ponte d'une femelle. La prise en compte de cette hétérogénéité au sein de la population hôte apparaît primordiale lorsque l'on veut caractériser le comportement de ponte des femelles à partir des distributions du nombre d'immatures par hôte, sans procéder à une étude individuelle. Fort de la distinction faite par Anderwatha & Birch (1954) entre les ressources présentes et utilisables, il serait intéressant de tester l'influence de l'interaction entre le nombre de sites "sélectionnables" et le nombre de femelles sur la stratégie de ponte ce qui d'une manière générale, n'a jamais été clairement réalisé a fortiori en conditions naturelles (Mayhew, 1997). Nous avons aussi mis en évidence qu'une femelle qui peut potentiellement pondre en moyenne 30 à 40 œufs, les répartit dans plusieurs châtaignes : en conditions naturelles, dans 77% des actes de ponte elle pond un ou deux œufs par châtaigne. D'un point de vue évolutif, la fitness d'un génotype pondant ses œufs en paquet (plus de cinq immatures) est inférieure à celle d'un génotype qui disperse sa ponte. En effet, le poids des larves qui conditionne le nombre de descendants et leur performance future est affecté par des tailles de ponte élevées. Cependant, pour les densités larvaires observées en conditions naturelles, l'impact du compromis entre la taille de ponte et la survie des individus est faible. Ce résultat suggère que la compétition détectée pour les fortes densités larvaires joue, aujourd'hui, un rôle mineur dans la régulation des populations naturelles de balanins. Néanmoins, il est possible que les effets de cette compétition passée aient conduit à la stratégie observée de nos jours. Le poids larvaire et la date de sortie qui résument les conditions pendant la vie prédiapause varient fortement au sein d'une même descendance. Cette variabilité individuelle suggère qu'en conditions naturelles il est difficile de définir une taille optimale de ponte. Enfin, la variabilité des Références Bibliographiques 158 conditions qui précèdent la diapause, ajoutent un argument en faveur de l'hypothèse d'une plasticité adaptative "pile ou face" (Cooper & Kaplan, 1982) pour expliquer les variations de la durée de la diapause dans la descendance d'une même femelle.

Notre travail apporte une contribution à l'étude de l'évolution des traits d'histoire de vie à partir d'expérimentations en conditions naturelles. Cette évolution en environnements variables et imprévisibles n'a été considérée d'un point de vue théorique que depuis peu (Tuljapurkar, 1989; Yoshimura & Clark, 1991). Alors que le nombre de modèles stochastiques en démographie augmente, les données biologiques de terrain sont encore rares afin de tester la théorie (Philippi & Seger, 1989). Cependant, la compréhension des histoires de vie des populations d'insectes nécessite d'obtenir des estimations fiables des principaux paramètres démographiques. Chez le balanin, la principale difficulté réside dans la longueur des études à mettre en œuvre sur le terrain. Dans une étape ultérieure, il apparaît intéressant d'intensifier l'étude de l'influence de la variabilité individuelle liée à la stratégie de ponte, sur la dynamique des populations de balanins. Nos travaux soulignent aussi l'intérêt de mener en parallèle des expériences au laboratoire et en conditions naturelles. Les conditions contrôlées au laboratoire permettent de tester certaines hypothèses et de proposer des mécanismes. Cependant, il est indispensable pour extrapoler les résultats ainsi obtenus, et valider les prédictions théoriques, de compléter par une phase d'expérimentation sur le terrain. Cette phase exige de définir les populations étudiées, ce qui, à l'heure actuelle n'est pas réalisable pour toutes les espèces d'invertébrés. Un modèle biologique doit donc être choisi et, pour cet objectif, le balanin de la châtaigne semble être un bon modèle.

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