doi: 10.2143/GBI.38.0.3139359

PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS

UN NOUVEAU REGARD SUR LE TRAVAIL DES PEINTRES À TRAVERS QUELQUES PEINTURES MURALES DES XVe ET XVIe SIÈCLES EN LORRAINE ET EN

ILONA HANS-COLLAS

Als Dank an Walter für seine Groβzügigkeit und seinen feinfühligen Umgang mit Wandmalereien

Préambule Les sources d’archives présentent un autre problème. Dès les XVe et XVIe siècles, les livres de comptes, prix-faits, Les interactions entre la peinture murale et la miniature ont registres ou testaments, mentionnent de nombreux noms déjà attiré l’attention des chercheurs. Il est désormais bien d’artistes ou d’artisans et fournissent des informations pré- connu qu’un même artiste ou un même atelier pouvait réa- cieuses sur les métiers, les pratiques d’atelier, l’organisation liser des travaux sur des supports variés.1 Même si cette des chantiers, les talents variés des artistes et les inter- polyvalence n’est plus à démontrer, le chercheur se heurte à relations entre les métiers d’art. Or, en ce qui concerne la des difficultés qui résultent notamment de la perte irrémé- peinture murale, la quasi-totalité des œuvres authentifiées diable de décors peints, de leur mauvais état de conserva- a disparu. Pour d’autres décors mentionnés, les textes ne tion ou de lourdes restaurations des XIXe et XXe siècles qui livrent pas forcément la nature précise du support de ont souvent dénaturé la peinture originale. Ces facteurs qui l’œuvre (enduit, bois, parchemin, papier, etc.). affectent un grand nombre d’ensembles du Moyen Âge ont sans doute contribué à freiner le travail comparatif entre Malgré ces difficultés, inévitables et souvent insurmontables, les différents types d’œuvres d’art, chacun souffrant d’un l’historien et l’historien de l’art ont progressé dans leur certain cloisonnement et d’un repli sur lui-même. réflexion en croisant notamment leurs regards et en prêtant plus d’attention à la pratique d’exécution, aux matériaux Il est une évidence qu’au Nord des Alpes très peu de pein- employés et à l’analyse fine du style. Ces études compara- tures murales peuvent être attribuées à un artiste particulier tives permettent de nouvelles approches pour définir le ou situées dans l’entourage d’un peintre ou d’un atelier. Étu- contexte d’une œuvre et de lui trouver un auteur ou tout au diant ces œuvres anonymes, les spécialistes de la peinture moins la rapprocher d’un entourage artistique précis. murale n’ont pas forgé de noms de convention d’artistes alors que cette pratique est largement employée, depuis le XIXe siècle, dans le domaine de la miniature, de la sculpture, Des exemples prestigieux du vitrail ou encore de l’orfèvrerie. La formule si fréquente de « Maître de … » n’a pas connu de succès dans le milieu Dans les régions de l’Europe septentrionale et contraire- de la peinture murale, ni d’ailleurs la participation de plu- ment aux pays méridionaux (notamment l’Italie) l’attribu- sieurs mains au sein d’une même œuvre, qui pour bon tion de peintures murales médiévales à des artistes identi- nombre d’historiens de l’art devient un critère absolu pour fiés et nommés n’est que très rarement possible. Ce fait est les œuvres enluminées ou sculptées. À cet égard, la peinture curieux, surtout si l’on considère que les archives pour murale reste donc isolée, « échappant » aussi à la volonté – cette période sont particulièrement abondantes et que la parfois obsessionnelle – de classer une œuvre et de localiser fin du Moyen Âge nous a laissé une quantité extraordi- les mains. Quant à la datation d’une peinture murale, il faut naire de peintures murales et avec elles un matériel poten- souvent se contenter d’une fourchette assez large puisque tiellement riche pour les comparaisons stylistiques et. l’architecture qui la porte ne livre pas suffisamment de Néanmoins, quelques exemples confirment la polyvalence repères, alors que le nom du scribe et de l’enlumineur d’un des maîtres. Parmi les artistes les plus célèbres, connus manuscrit est parfois précisé par le prologue ou le colophon. pour avoir réalisé plusieurs types d’œuvres – panneaux 122 ILONA HANS-COLLAS peints, dessins, gravures et peintures murales – figurent Paul Rolland proposa également d’attribuer à Robert Cam- sans conteste Robert Campin ou Martin Schongauer. Les pin la polychromie d’une Annonciation sculptée par Jean efforts conjugués qui ont permis de pouvoir leur attribuer Delemer, autrefois à l’église de la Madeleine, réalisée en des peintures murales ont largement contribué à une valo- 1428.6 Cette œuvre révèle un travail de collaboration et risation des décors peints, considérés comme mineurs au souligne le caractère polyvalent de l’artiste tournaisien. regard de chefs-d’œuvre d’artistes réputés. Actif pendant plusieurs décennies, Campin réalisa notam- ment des panneaux peints à sujet religieux (triptyques, retables). Les peintures murales de l’église Saint-Brice, les Robert Campin et l’Annonciation de Tournai (fig. 1) dessins et enluminures proches de la main de l’artiste, confirment sa polyvalence. Dès 1942, Paul Rolland attribue à Robert Campin une peinture murale représentant une Annonciation à la Vierge et deux bustes d’anges, provenant de l’église Saint-Brice de Martin Schongauer et les peintures murales à Brisach Tournai.2 La peinture, découverte après le bombardement (fig. 2) et l’incendie de l’édifice en 1940, dut être détachée du mur pour être déposée sur un autre support.3 Dans ces circons- L’œuvre du Colmarien Martin Schongauer n’englobe pas tances plutôt tragiques, il eut la satisfaction de reconnaître seulement des gravures et des panneaux peints. Cet artiste dans cette peinture murale, très usée et lacunaire, l’œuvre réalisa aussi des peintures monumentales, notamment celles d’un des plus célèbres Primitifs flamands. En effet, les de la vaste église Saint-Étienne à Brisach.7 Il s’était installé archives permettent de créditer cette Annonciation à dans cette localité, située au bord du Rhin, à la fin de « mestre Robiert le pointre », mentionné ainsi dans les sa vie.8 L’impressionnant Jugement dernier, réalisé sans comptes de l’église Saint-Brice de 1406-1407 au sujet de doute vers 1490,9 présente de telles affinités avec l’œuvre l’agrandissement du chœur de l’église.4 Lors de cet aména- de Schongauer qu’on ne doute plus de son attribution au gement, l’autel de la Vierge fut déplacé contre un nouveau mur que Campin fut chargé de décorer d’une Annoncia- tion. Nul doute que cette scène, utilisée comme retable, correspond aux fragments découverts pendant la guerre. Par ailleurs, l’examen stylistique a lui aussi confirmé l’attri- bution à Robert Campin. La réalisation de l’Annonciation se situe au début de la carrière de l’artiste qui avait alors une trentaine d’années. Elle n’est pas sans évoquer une autre Annonciation (Lille, Musée des Beaux-Arts), brodée et peinte vers 1400-1410 pour l’église de Noyelles-les- Seclin, dans l’entourage de Campin, ou par le peintre lui- même.5

Fig. 1. Fragments de peintures murales déposées provenant de l’église Saint-Brice de Tournai, a. Annonciation ; b. figure d’ange ; attribués à Robert Campin, vers 1407. – Tournai, musée d’Histoire et d’Archéologie. (© KIK-IRPA,1941) PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 123

compétences de dessinateur à la surface murale et a adapté son style à la peinture monumentale : le trait et la couleur accusent une force dans la composition et dans les détails qui rendent ce Jugement dernier unique.

Le rayonnement de l’art de Schongauer est important. Plu- sieurs ensembles de peintures murales, conservés dans des églises paroissiales en Alsace, sont inspirés des cycles gravés d’apôtres. Les similitudes relèvent davantage de la copie. On peut notamment évoquer l’ensemble des apôtres au Credo, peint à l’église de Walbourg (Bas-Rhin). Les grandes figures en pied, accompagnées de leurs attributs et de phy- lactères sont très proches des gravures de Schongauer qui ont dû servir de modèle au peintre.12 Le Jugement dernier et le cycle d’apôtres, peints à l’église de Baldenheim (Bas- Rhin) sont d’autres témoins de l’art de Schongauer et relèvent eux aussi d’une problématique de modèles.

Peintres et enlumineurs

Les œuvres d’autres artistes – restés anonymes – permettent un rapprochement évident entre peinture murale et l’enlu- minure. Deux cas choisis parmi d’autres – l’un de l’aire parisienne, l’autre de l’aire franco-flamande – reflètent cer- tainement des pratiques assez courantes.

Fig. 2. Brisach sur le Rhin (Breisach am Rhein), église Un riche décor peint orne l’une des chapelles rayonnantes Saint-Étienne, détail du Jugement dernier attribué à Martin du chœur de la cathédrale d’Amiens. Les arcatures aveugles Schongauer, vers 1490. (© I. Hans-Collas) du soubassement de la chapelle Saint-Éloi accueillent un ensemble de huit sibylles réalisé vers 1506 pour Adrien de Hénencourt, doyen du chapitre cathédral († 1530) (fig. 3). pictorum gloria (« la gloire des peintres »).10 La représenta- Somptueusement vêtues et accompagnées de larges phylac- tion couvre une hauteur d’environ 13 à 14,5 mètres et se tères contenant leurs prophéties, ces grandes figures en pied répartit sur trois murs de la travée occidentale : à l’ouest, le sont d’une élégance gracieuse et d’une grande finesse d’exé- Christ Juge entouré des intercesseurs Marie et saint Jean cution. Leurs physionomies, le drapé, la forme de leurs Baptiste, des anges portant les instruments de la Passion et doigts et leur gestuelle rappellent clairement les figures d’une scène de la Résurrection ; au nord, le paradis paisible peintes dans l’épistolier à l’usage d’Amiens réalisé dans cette avec les élus guidés par des anges, surmonté d’anges musi- ville pour Antoine Clabault et son épouse Ysabeau Fauvel ciens qui apparaissent derrière une balustrade ; au sud, (Paris, BNF, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 662) et enlu- enfin, l’enfer avec les scènes de tourments. Les inscriptions miné par un peintre qui lui doit son nom de convention, qui accompagnent les scènes – les paroles du Christ sépa- le Maître d’Antoine Clabault.13 Les sibylles et les prophètes rant les bons des mauvais, les chants angéliques ou l’extrait en début du volume (fol. 1 ; fig. 4) ou la Vierge à l’Enfant de poèmes de Prosper d’Aquitaine11 – participent à la mise (fol. 104v) permettent facilement la comparaison. Ce en scène d’une iconographie qui connut un énorme succès manuscrit forme un ensemble avec un évangéliaire (Paris, au Moyen Âge dans la décoration des églises. La monu- BNF, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 661) illustré par un mentalité des figures, leur grandeur expressive et la finesse autre miniaturiste, le Maître du Livre de prières de Dresde, des détails frappent d’emblée. La peinture murale traduit artiste établi à Bruges mais qui travailla également dans la une maîtrise exceptionnelle du dessin qui valut à Schon- ville picarde.14 gauer une grande admiration de son vivant. L’église de Bri- sach a elle aussi profité de la réputation de l’artiste. L’excep- La main du Maître d’Antoine Clabault se retrouve dans tionnel Jugement dernier suscite encore aujourd’hui d’autres manuscrits : la double page au début du canon l’admiration du visiteur, même si le dessin est effacé et les de la messe présentant une Crucifixion et un Jugement der- couleurs estompées. Visiblement Schongauer a étendu ses nier dans un missel à l’usage d’Amiens15 et le frontispice de 124 ILONA HANS-COLLAS

Fig. 3. a. Amiens, cathédrale, chœur, chapelle Saint-Éloi, vue générale des huit sibylles. (© I. Hans-Collas, 2013) l’Escritel de la confrérie du Puy Notre-Dame d’Amiens16 de saint Jean-Baptiste et l’Arbre de Jessé – peintures réalisées avec une très belle miniature d’une Vierge protégeant les vers 1500 mais fortement restaurées – dans l’église Saint-Sé- membres de la confrérie présentent en effet les mêmes verin de Paris ont été attribuées au « Maître de la Rose de la caractéristiques que l’épistolier de la Bibliothèque de l’Arse- Sainte-Chapelle », appelé aussi le « Maître des Très Petites nal. Les peintures murales qui accompagnent le tombeau Heures d’Anne de Bretagne ».20 Le corpus de cet artiste actif de l’évêque Ferry de Beauvoir, érigé contre la clôture du entre 1489 et environ 1507 englobe également des vitraux chœur de la cathédrale vers 1490 à la demande d’Adrien de (notamment celui de l’Apocalypse de la Sainte-Chapelle), Hénencourt, son neveu, accusent aussi un style et une tech- quelques manuscrits (dont des commandes royales comme nique très proches de l’ensemble des sibylles.17 le Livre d’heures d’Anne de Bretagne), des patrons de tapis- series (notamment la célèbre tenture de la Dame à la licorne Deux volets du Puy d’Amiens, réalisé en 1502, pourraient du Musée de Cluny) et des projets de gravures.21 également se rattacher à son œuvre.18 L’identification du Maître d’Antoine Clabault avec Riquier Hauroye, docu- D’autres cas de polyvalence d’artistes ou d’ateliers pour- menté à Amiens, vers 1500, comme peintre de panneau et raient être analysés,22 mais force est de constater que pour enlumineur, reste une hypothèse mais tout laisse croire les artistes évoqués – jouissant d’une large et honorable qu’il s’agit bien d’un artiste amiénois.19 La parenté stylis- réputation – le nombre de peintures murales qui leur est tique entre les peintures murales de la cathédrale et les attribué est extrêmement restreint au regard de la produc- manuscrits cités va au-delà de l’utilisation de modèles et tion globale de l’artiste. La variété des supports peut entraî- révèle la même main qu’on serait tenté de confondre avec ner des divergences stylistiques qui rendent l’attribution l’artiste amiénois attesté à la même époque. moins évidente. Le mur peint – avec ses spécificités maté- rielles et structurelles – ne rend pas toujours aisé une Des exemples semblables démontrent le caractère poly valent confrontation stylistique avec une œuvre picturale déjà des artistes. Les peintures murales représentant la Prédication attribuée à un artiste. PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 125

Fig. 4. Épistolier à l’usage d’Amiens, Sibylles et prophètes, Fig. 3. b. la sibylle Europa, Maître d’Antoine Clabault ?, miniature-frontispice attribuée au Maître d’Antoine Clabault, vers 1506. (© I. Hans-Collas, 2013) vers 1490. – Paris, BNF, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 662, fol. 1. (© BNF) Quels rapports croisés entre manuscrit et peinture murale ? Pour la salle « plaisante et spacieuse », il commande « aux La peinture murale évoquée dans les œuvres littéraires : peintres et aux meilleurs ouvriers » un cycle du noble duc description et représentation Renaut de Montauban. Au-dessus doivent figurer des ins- criptions relatant l’histoire. Pendant la décoration de la Les allusions aux décors peints dans des textes littéraires salle, personne n’est autorisé à rentrer ; cela sans doute afin sont assez rares. De même on peut s’étonner que les repré- de réserver à Charlemagne la surprise de voir peintes les sentations de peintures murales dans les manuscrits enlumi- gestes de son ennemi Renaut. Même si l’histoire est fictive, nés soient également peu courantes. Quelques manuscrits le passage nous renseigne sur l’emplacement des décors évoquent discrètement des peintures murales. Plusieurs (plusieurs salles sont peintes), les intentions du commandi- passages de la chanson de geste du Renaut de Montauban, taire et les circonstances de sa mise en œuvre. En effet, le long texte épique médiéval qui connut un large succès, renouvellement du décor est lié d’une part aux altérations évoquent la peinture murale, le plus intéressant étant celui subies par les peintures et de l’autre à l’actualisation de où l’un des héros du roman, l’enchanteur Maugis, est cité l’iconographie, à caractère édifiant, au moment d’un événe- comme commanditaire de peintures murales.23 Maugis ment particulier.24 d’Aigremont prévoit de réaménager son palais pour le sacre de Charlemagne. Il fait « par bons maistres et ouvriers Une mention de décor dans le Jardin de vertueuse consola- renouveler es salles et grans chambres » de « vieulx et tion de Pierre d’Ailly prend un sens plus symbolique.25 Il y anciens histoires qui estoient comme effacéz par eaue ou est question de nobles peintures : « Mais de touttes ces par faulte de bonnes couleurs ». Il remet en état les faits choses qui tant sont belles et plaisans, la sainte ame premie- d’Alexandre le Grand, du roi d’Inde Porus, de Jason, d’Her- rement regarde et diligentement considère les nobles poin- cule, du roi Peleus, d’Arthur, de Tristan et de Lancelot. tures qui sont au mur du jardin si soubtillement figurées ». 126 ILONA HANS-COLLAS

Dans les Dits et faits mémorables de Valère Maxime est évo- quée une scène peinte dans une maison. Elle devait illustrer le sacrifice de Curtius au nom du bien commun : à Rome, le héros se jette avec sa monture dans la fosse du forum. L’auteur Pierre Bersuire, impressionné par cet acte de dévouement, écrit « Je le fis paindre en une maison que je avoye lors en Saint- Quintin en Vermendois » (Paris, BNF, ms. fr. 289, fol. 274v).26 Dans la Chronique abrégée des rois de France de Guillaume de Nangis une image religieuse pourrait elle aussi correspondre à une peinture murale : « Car ils avoient fait paindre lymage notre dame et des anges en la maniere comme ils disoient quelle sestoit apparue et demonstree a eulx » (Paris, BNF, ms. fr. 6463, fol. 90v).

Qu’en est-il de la représentation des peintures murales dans les miniatures ? Les manuscrits du XVe siècle regorgent de scènes d’intérieur où le mobilier et le décor des sols, murs et plafonds sont figurés d’une manière très réaliste. Or, les miniaturistes ne représentent que très rarement des pein- tures murales sur les murs intérieurs ou extérieurs des édi- fices alors que les sculptures monochromes ou polychromes, les tableaux ou retables peints sont nettement plus fré- quents. Quelques exemples font référence à des épisodes historiques peints sur les murs : le Livre de la mutacion de Fig. 5. Compilation arthurienne, le roi Arthur contemplant fortune de Christine de Pizan montre l’auteur admirant une le cycle réalisé par Lancelot, miniature, Centre de la France, vaste peinture murale ornant la Salle merveilleuse de For- entre 1466 et 1470. – Paris, BNF, ms. fr. 112 (vol. 3), tune. L’histoire de Troie est représentée sur deux murs de la fol. 193v. (© BNF) pièce : « En la sale que j’ay descripte, vi l’istoire de Troye escripte, et d’or et d’azur les ymages, bien pourtrais […] Tres tout devisoit l’escripture, qui estoit soubz la pourtrai- Boccace, manuscrit réalisé à Rouen vers 1440, offre une ture » (Paris, BNF, ms. fr. 603, fol. 127v).27 Peint en miniature de Irène, fille du peintre Cratinus, en train de grisaille sur un fond vert, le décor s’organise en effet peintre un personnage au mur (Londres, British Library, sur plusieurs registres, accompagnés de larges inscriptions. ms. Royal 16 G V, fol. 73v). Divers ustensiles – écuelles La peinture murale s’ajoute au riche décor de la salle consti- remplies de couleurs et spatules – sont posés sur un présen- tuée d’une voûte lambrissée peinte en rouge, des murs et toir à proximité. À Bruges, Willem Vrelant illustre le Miroir colonnes badigeonnés de teintes roses et d’un pavement historial pour Louis de Bruges, vers 1455, d’une scène qui coloré du sol. montre « un peintre de Flandre » en train de polychromer une image de la Vierge sur le portail d’une église. La Vierge Fort semblables, les miniatures de plusieurs manuscrits est peinte à l’or et foule la figure du diable qui se venge en arthuriens montrent également l’histoire de Troie peinte provoquant la chute de l’échafaudage ; elle retient le peintre sur le mur.28 Dans la Compilation arthurienne de Micheau par la main (Paris, BNF, ms. fr. 308, fol. 312v).30 Un Gonnot, on voit le roi Arthur contemplant le cycle peint exemple semblable est représenté dans les Miracles de Notre- par Lancelot et déchiffrant les légendes qui l’accompagnent Dame, illustrés par Liévin Van Lathem vers 1456 pour Phi- (Paris, BNF, ms. fr. 112 (vol. 3), fol. 193v ; fig. 5). Le lippe le Bon (Paris, BNF, ms. fr. 9199, fol. 96v) : l’église décor y est également figuré sur deux registres. Sur une Notre-Dame y est figurée ornée de peintures : en bas, une autre miniature, appartenant au cycle d’images du Lance- Vierge à l’Enfant entourée de deux anges, en haut, un lot-Graal, les peintures de l’histoire de Troie ne couvrent moine en train de peindre un Jugement dernier. Quand il qu’un seul registre placé en haut du mur : la fée Morgane peint le diable « si très hideux, si horrible et si espouvan- montre ces peintures murales à Arthur qui s’émer- table » (fol. 97) celui-ci se met à lui parler. Le miniaturiste veille (Paris, BNF, ms. fr. 116, fol. 688v).29 Les deux textes n’évoque la chute du moine que par l’échelle dressée contre désignent Lancelot comme auteur du décor. les planches de bois sur lesquelles il est assis.

Dans d’autres contextes littéraires, on a représenté le peintre L’arrière-plan d’une miniature peut être illustré d’une à l’œuvre. Le Livre de femmes nobles et renommées de représentation historiée mais il est parfois difficile de savoir PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 127 si le miniaturiste a figuré une peinture murale ou plutôt types d’édifices – cathédrale, collégiale, abbatiale, église un relief ou un panneau fixé au mur ou sur une chemi- conventuelle ou paroissiale, chapelle, château, maison forte née.31 À défaut de représenter des scènes figurées sur les ou habitation – étaient ornés de décors peints. Toutes les murs, les miniaturistes ont tendance à « simplifier » en peintures murales – conservées et actuellement connues – n’évoquant qu’une polychromie architecturale : des voûtes restent anonymes. En revanche, un certain nombre de colorées et étoilées, des murs badigeonnés, des colonnes décors mentionnés dans les registres des comptes livrent des polychromes. Ils semblent vouloir éviter l’image dans noms de peintres : Jennin, Guillart et Simonin travaillent l’image et préfèrent se focaliser sur la scène représentée. En dans les années 1457-1458 au château de Louppy (Meuse), ce qui concerne les appareils de pierres, la distinction qui a disparu, et y peignent, dans la salle haute qui commu- visuelle entre des joints peints (faux appareil) ou des joints nique avec la chapelle, une suite de « chevalereulx pourtans de mortier n’est pas évidente. En revanche, des inscrip- manteaulx armoyéz de pluseurs armes ».34 On songe immé- tions, notamment des devises, et des armoiries – très diatement à un cycle des Neuf preux. Le même Simonin est fréquentes – sont clairement peintes en évidence sur un appelé au château pour d’autres ouvrages : il peint des support mural et contribuent à mettre en valeur l’identité armoiries sur les murs de la galerie (1464), une scène sur et le prestige du commanditaire.32 l’autel de la chapelle, une châsse de sainte Ursule et un retable (1473), les armoiries du duc René dans la chapelle (1480).35 Des décors armoriés, réalisés pour les princes et Diversité des relations : texte-image, livre-mur les seigneurs, sont fréquemment mentionnés. Le support (bois ou enduit) de ces décors – sans doute très éphémères Le lien entre la peinture murale et l’enluminure peut être – n’est malheureusement pas précisé : Jean Frisquet est cité d’ordre différent. La représentation du livre est omnipré- en 1472-1473, pour avoir fait des écussons armoriées pour sente dans les décors peints : le livre accompagne le Christ le service funèbre du duc ; Hugo, peintre de Toul, est cité et la Vierge, devient un attribut constant des évangélistes, en 1488-1489 pour la peinture du portail de la ville ; prophètes, apôtres et saints, dans une évidente symbolique Anthoine de Neufchâteau pour avoir peint en 1488-1489 de la parole divine à travers la sainte écriture. Le texte ins- les armes du seigneur dans l’oratoire du château ; ou encore crit sur un livre ouvert, sur un phylactère déployé ou dans Michel Queilleux, de Bar-le-Duc, pour avoir réalisé, au un cartouche fait très souvent partie intégrante de la pein- début du XVIe siècle, des armoiries dans les églises de la ture murale. Il révèle un verset biblique, une prière, le nom ville et au château de Louppy.36 Entre 1493 et 1496 l’église du personnage ou de la figure représentée ou tout autre Saint-Pierre de Remiremont est décorée par un « peintre commentaire de la scène qu’elle soit religieuse ou profane. d’Épinal » alors qu’un autre est chargé d’aller se procurer L’image sans l’écrit n’existe pratiquement pas. Le mur les couleurs.37 Aucun de ces décors n’est conservé de sorte devient, à la manière du parchemin, une surface qui offre qu’il n’est pas possible de lier l’œuvre à l’artiste mentionné. au spectateur un texte explicite révélant un message singu- lier. Sa symbiose avec l’image est semblable à celle du fron- tispice ouvrant un manuscrit ou une miniature insérée Des exemples messins entre des feuillets. La ville de offre une extraordinaire richesse de peintures La découverte de relations concrètes et précises entre l’illus- murales et de plafonds peints réalisés entre le XIVe et le tration d’un livre manuscrit et d’une peinture murale a été XVIe siècle. Leur présence est attestée dans une cinquantaine pour l’historien de l’art l’occasion de faire un grand pas en d’édifices, religieux ou civils.38 Même si ce chiffre ne repré- avant dans la compréhension du fonctionnement des sente qu’une petite partie de ce qui a dû exister, il reflète ateliers de peintres. Plusieurs exemples lorrains et alsaciens l’activité picturale assez exceptionnelle d’une ville médiévale. l’illustrent d’une manière évidente. Le chapitre cathédral et les familles patriciennes ont large- ment contribué à ce développement pictural qui se traduit, entre autres, par un grand nombre de peintures dévotion- Lorraine et Alsace : état de la question nelles et funéraires, des décors héraldiques et des cycles peints.

Les deux régions conservent de nombreuses peintures Parmi les personnalités artistiques les mieux documentées murales, la plupart réalisées au XVe et au XVIe siècle. Les figure le peintre Jost Haller. Les sources d’archives et les recherches récentes ont permis d’avoir une vision globale de œuvres qui lui ont été attribuées attestent son activité dans cette vaste production.33 Malgré son caractère hétéroclite, une zone située entre Rhin, Moselle et Saar. Mentionné sa localisation dispersée et les aléas de conservation, il s’est à en 1447 comme « Jost Haller der Maler », avéré que la peinture murale tient une place importante il réalisa un crucifix en or pour le messin Nicolas Wolf. Il aussi bien dans les centres urbains qu’en milieu rural. Tous s’installe ensuite à Sarrebruck puis il se trouve à Metz où, 128 ILONA HANS-COLLAS en 1453, un contrat est établi entre l’artiste et le comman- neaux peints,41 des miniatures et une peinture monumen- ditaire pour la réalisation d’un cycle peint à l’église des tale. Celle-ci, réalisée à l’église Saint-Thomas de Strasbourg Grands-Carmes de Metz.39 À la manière d’un cahier de vers 1440-1445, montre un imposant saint Michel, en charges, ce document précieux – unique pour la Lorraine armure, écrasant et transperçant de sa lance deux démons.42 – indique les étapes successives, du projet à l’exécution pro- (fig. 6) Jost Haller parachève aussi l’illustration du livre prement dite, spécifie les rôles et les obligations de chaque d’heures d’une noble dame de Metz, Lorette d’Herbeviller intervenant et précise le sujet iconographique souhaité par (Paris, BNF, ms. lat. 13279) : au noyau de quatorze minia- le donneur d’ordre. Les bourgeois messins, Manffroy Mar- tures peintes à Bruges vers 1450, Haller ajoute vers 1470 quet et son gendre Jean d’Esch, passent commande auprès quarante-cinq miniatures, essentiellement des images de de Jost pour une importante décoration d’une chapelle saints et de saintes. Grâce à cette attribution,43 on peut qu’ils venaient de fonder. Le peintre dut d’abord réaliser un tenter de placer d’autres décors peints messins des années projet (fisierung) de 24 scènes de la vie de sainte Ursule et 1470-1480 dans son entourage.44 L’une des miniatures suivre pour cela le modèle d’un enlumineur (luminierer) montre sainte Lucie dans une pièce entièrement ornée de dont le nom n’est malheureusement pas révélé. Le peintre rinceaux colorés (fig. 7), un type d’intérieurs qui devait lui propose même de développer un cycle de 40 images d’après être familier. On trouve ce décor dans une demeure mes- un recueil de patrons (gefatteren buch).40 La voûte devait sine richement décorée de peintures murales. Dans la être ornée d’étoiles dorées et de figures d’anges. Le contrat même maison, les ais d’entrevous du plafond sont ornés précise l’emploi de l’or, de l’argent et des couleurs et d’une image de saint François recevant les stigmates et indique la somme engagée. Une fois le projet approuvé par d’une sainte Claire tenant un ostensoir, alors que le mur les partenaires, un contrat livrant les dernières consignes est d’une pièce à l’étage montre le combat de saint Georges en signé chez un notaire. Les quarante scènes de la vie de sainte Ursule et des Onze mille Vierges, à qui la chapelle était probablement dédiée, se répartissaient entre le mur (29 scènes) et l’arcade à l’entrée de la chapelle (11 scènes). À cette iconographique déjà fort riche s’ajoute un cycle de douze images de la vie de sainte Barbe. Jost Haller dut tra- vailler avec son frère de Fribourg et s’engager à ne pas accepter d’autres commandes pendant le chantier messin. La destruction de l’édifice au XIXe siècle nous prive aujourd’hui de ce décor d’une ampleur considérable et d’un aspect somptueux.

Les cycles des peintures murales messines de Haller ne représentent qu’une petite partie de son activité particuliè- rement prolifique. En effet, on lui attribue plusieurs pan-

Fig. 6. Strasbourg, église Saint-Thomas, bas-côté sud, Fig. 7. Livre de prières de Lorette d’Herbeviller, sainte Lucie, mur est, saint Michel, peinture murale attribuée miniature de Jost Haller, Metz, vers 1470. – Paris, BNF, à Jost Haller, vers 1440-1445. (© I. Hans-Collas) ms. lat. 13279, fol. 47v. PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 129 présence de la princesse. Le drapé de sa robe, les physiono- de les utiliser dans d’autres contextes, notamment celui des mies et la forme des mains des saints rappellent plusieurs églises peintes. En effet, un rapprochement entre un livre figures du livre d’heures de Lorette d’Herbeviller. (fig. 8) d’heures et une peinture murale, encore conservée, a récem- L’influence de Haller est également perceptible dans une ment renouvelé l’approche du travail d’artistes dans le peinture murale de la cathédrale de Metz où une figure milieu messin.45 La cathédrale conserve sur l’un des piliers d’évêque – probablement saint Gain – est peinte sur l’un de la nef une représentation du Couronnement d’épines, des piliers de la nef. L’écho de l’activité de Jost Haller flanqué de saints, à la manière d’un triptyque. (fig. 9) Le semble donc avoir perduré dans la ville épiscopale, peut- Christ aux outrages en forme la scène principale : deux être par l’intermédiaire des membres de son atelier ou des bourreaux enfoncent la couronne d’épines à l’aide de bâtons suiveurs. alors que deux autres, en guise de moquerie, lui présentent un roseau et une lettre. Quatre saints sont répartis sur les L’exemple de Jost Haller montre l’importance des manus- volets. Outre les apôtres Pierre, Paul et Jean, saint Étienne, crits qui ont véhiculé certaines images, voire des cycles com- patron de la cathédrale, présente le commanditaire. L’ins- plets. S’agissait-il de livres de modèles à proprement parler cription en bas de la peinture livre son nom et la date de ou d’autres livres richement illustrés ont-ils pu servir de son décès : Cy-gist ly sire Hennequin Arnoult de Hettange modèle. Parmi ces livres, le livre d’heures ou le livre de chanoine et chantre de ceans, qui t(re)pass(a) la(n) MCCCC et prières tient une place importante. Très prisés par une clien- LXII, le XXVII jour de septembre. Le chanoine Hennequin tèle variée, ils contiennent une multitude de miniatures Arnoult fit donc réaliser la peinture murale comme pein- illustrant notamment l’office de la Vierge, celui de la Pas- ture-épitaphe, votive et funéraire. Il est connu pour avoir sion et les suffrages. Leur caractère dévotionnel permettait commandité d’autres œuvres, notamment des vitraux qu’il

Fig. 8. Metz, 9 rue des Murs, rez-de-chaussée, plafonds peints, détails, saint François et rinceaux, entourage de Jost Haller ?, vers 1470-1480. (© I. Hans-Collas) 130 ILONA HANS-COLLAS

Fig. 9. Metz, cathédrale Saint-Étienne, nef, sixième pilier Fig. 10. Livre d’heures à l’usage de Laon, Couronnement sud, peinture funéraire du chanoine Hennequin Arnoult : d’épines, miniature par Henri d’Orquevaulz, Metz, Couronnement d’épines, peinture murale, entourage d’Henri vers 1440-1450. – Paris, BNF, Bibliothèque de l’Arsenal, Orquevaulz, vers 1462. (© I. Hans-Collas) ms. 563, fol. 82v. (© BNF) offrit à la cathédrale en 1452 et sur lesquels il se fit repré- Le décalage chronologique entre la réalisation du livre senter et un précieux missel qu’il donna au chapitre en 1458 d’heures qui avait quitté Metz et celle de la peinture funé- (Metz, Bibliothèque municipale, ms. 12). Ce missel fut raire, confirme que l’atelier d’Orquevaulz a dû garder un enluminé par Henri d’Orquevaulz, enlumineur parisien modèle afin de pouvoir reproduire une dizaine d’années connu pour avoir illustré d’autres manuscrits.46 D’Orque- plus tard, en 1462, la même image pour le chanoine défunt. vaulz participa, avec deux autres peintres, à un livre d’heures L’artiste qui travailla à la cathédrale fut certainement un à l’usage de Laon, mais réalisé à Metz vers 1440-1450 pour proche collaborateur d’Henri d’Orquevaulz. L’utilisation de une noble dame messine représentée au début du manuscrit modèles est confirmée par une autre scène du livre d’heures, mais qui n’a pas pu être identifiée (Paris, BNF, Bibl. de la Mise au tombeau, que l’on retrouve dans un livre l’Arsenal, ms. 563, fol. 13). La miniature de l’office de la d’heures à l’usage de Toul, d’une facture stylistique toute- Croix (fol. 82v ; fig. 10) montre une image identique – fois inférieure (Metz, Bibliothèques-Médiathèques, ms. jusqu’aux moindres détails – à la scène principale du pilier 1581, fol. 215v). Des rapprochements entre un manuscrit de la cathédrale. En effet, la composition générale, les gestes enluminé et une peinture murale tels que livrés par celle de et mimiques des bourreaux sont comme calqués sur la la cathédrale, dans un contexte historique et artistique aussi miniature. Les quelques différences pourraient résulter précis, sont – il faut bien l’avouer – extrêmement rares. d’une restauration menée au début du XXe siècle sous la direction d’Anton Bardenhewer. Lors de cette intervention, Se posent alors de nombreuses questions. Comment on changea notamment la forme des étoiles du fond doré et faut-il interpréter ces relations entre la peinture murale et on interpréta mal le geste des bourreaux en train d’enfoncer la peinture des livres ? Peut-on comparer les deux sachant la couronne d’épines. que les rapports entre la peinture murale et son support PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 131 architectural d’une part et celui de la miniature et le livre grandes fenêtres. Une jeune dame, vêtue de rouge, assise et d’autre part sont bien distincts ? Ces modèles ont-ils été présentant un long phylactère est mise en évidence sur le simplement copiés ou ont-ils servi à véhiculer un certain long mur (côté rue). (fig. 11) Sa coiffure tressée, sa robe type d’images ? Sur ce dernier point, on peut affirmer moulante et serrée à la taille, sont d’une grande élégance. qu’en Lorraine, les images peintes sur des piliers ont Plusieurs figures masculines en pied semblent se diriger vers connu un très grand succès, que ce soit dans les cathé- elle. L’un regarde en direction de la dame, tout en étant drales (Metz et Toul) ou les églises paroissiales. Une ou séparé d’elle par la fenêtre. Deux autres, dans l’angle de la plusieurs images isolées, c’est-à-dire n’appartenant pas à pièce, se font face. Ces trois hommes, dont les mains un cycle narratif, couvrent les surfaces des piliers. Réali- évoquent un geste de dialogue, d’argumentation ou d’ensei- sées dans un contexte funéraire ou liées à la présence d’un gnement, sont eux aussi accompagnés de phylactères. autel, leur fonction dévotionnelle est certaine. Leur icono- (fig. 13) Il pourrait s’agir de prophètes ou de savants présen- graphie – saints, vie du Christ et de la Vierge – incite à la tant des sentences.50 Toutes les longues banderoles sont mal- prière. Ces commandes isolées reproduisent des images heureusement vides aujourd’hui. Une large scène biblique bien spécifiques puisées dans un fonds d’atelier. s’ajoute au programme : elle représente le combat de David contre Goliath. Le jeune homme menace le géant de sa fronde contre le géant tandis qu’à gauche trois jeunes Ateliers alsaciens femmes accueillent le vainqueur devant une ville.51 Une scène non identifiée, à gauche de la dame assise, montre un La ville de Strasbourg semble présenter une situation artis- personnage debout, habillé de noir devant un homme aux tique proche de celle de Metz. Les deux cités figurent parmi chausses bicolores assis dans les ramages d’un arbre. Une les plus importants centres urbains qui, au XVe siècle, ont autre encore présente deux personnages, probablement un attiré des artistes réputés. L’activité strasbourgeoise de Jost couple, de part et d’autre d’un arbre. La femme, elle aussi Haller, déjà évoquée, atteste un climat favorable à l’accueil vêtue de noir, tient un râteau, tandis qu’on ne devine plus et au travail des artistes. Les nombreuses œuvres du XVe qu’une jambe de l’homme le reste ayant disparu. Sous siècle dans les édifices religieux de Strasbourg en sont les l’arbre, un écu avec lambrequins et cimier est bien visible. témoins les plus significatifs. La peinture murale a égale- ment bénéficié de cette intense activité. Il n’est dès lors pas Dans une pièce du premier étage, une scène plaisante surprenant d’en trouver également dans les maisons. L’une appartient visiblement à la même campagne de réalisation : d’elles, située au 15 de la rue des Juifs, présente des décors un jeune homme coiffé d’un chapeau, assis entre de luxueux prestigieux sur les murs et les plafonds découverts en ramages, tient ou tire sur une corde, possible allusion à un 1987.47 Elle a été construite vers 1290.48 Probable pro- jeu ou à une scène de chasse. Un très long phylactère se priété juive, confisquée par la ville après le massacre de déroule autour de lui, mais les quelques lettres lisibles ne 1349, elle fut louée en 1357 aux frères Richard, Henri et livrent plus leurs sens. Une autre scène, aujourd’hui à l’ex- Sigefroi de Masevaux, puis vendue en 1392 au drapier térieur, est encore plus énigmatique : une dame au chevet Johann Goebelin. Une dame Mosungin en fut la proprié- d’un couple couché dans un lit. Le phylactère est, là aussi, taire en 1466.49 Conrad Joham de Mundolsheim rénove la très effacé. demeure en 1515. D’autres propriétaires se succèdent dès le début du XVIIe siècle. Les décors, aujourd’hui usés et lacunaires, ont subi une restauration assez lourde qui se traduit par d’amples Les peintures murales livrent d’autres indices sur l’occupa- retouches. L’analyse stylistique requiert donc la plus grande tion de la maison dans la seconde moitié du XVe siècle, prudence. Malgré ces nombreuses pertes et modifications, notamment grâce aux armoiries de la famille des Boecklin la facture très soignée et la qualité exceptionnelle de de Boecklinsau qui font partie intégrante des décors peints. l’ensemble ont attiré toute notre attention : les peintures Différentes pièces de la demeure médiévale ont reçu une murales possèdent sans conteste les caractéristiques du décoration peinte couvrant les murs et les plafonds en bois. fameux atelier de Diebold Lauber établi à Haguenau.52 La plupart des décors ont été réalisés au XVe siècle – sans Ce prolifique atelier de miniaturistes et de copistes est bien doute dans la seconde moitié –, en particulier ceux de la connu et étudié.53 Son activité est attestée entre 1420 grande salle située au second étage. Les peintures figurées et et 1470 et environ 80 manuscrits y furent produits.54 Il ornementales s’organisent en plusieurs registres et couvrent s’agit de livres en papier, parfois volumineux, comprenant toute la hauteur des murs. Au-dessus d’un registre montrant plusieurs centaines de feuillets, richement illustrés de des- un haut mur crénelé, composé de larges briques rouges sépa- sins colorés avec prédilection pour les romans chevale- rées par des joints blancs, est peint un second registre, histo- resques et courtois – notamment ceux issus de la littérature rié. S’y agencent des figures en pied et des scènes qui se arthurienne – et les récits hagiographiques. La qualité répartissent sur les murs, certaines interrompues par de d’exécution peut être variable. Cette production connut 132 ILONA HANS-COLLAS un grand succès auprès d’une clientèle issue de la noblesse Boecklin de Boecklinsau de la salle peinte. Elles seraient et de la haute bourgeoisie. apparentées au style de Jost Haller qui a pu inventer ce type de jeune femme.57 De toute évidence, le peintre de la maison strasbourgeoise connaissait les ouvrages produits par Lauber, car il repro- Quant à la scène du couple dans un lit, elle évoque une duit fidèlement le type des visages, la forme des mains, le image d’un autre manuscrit de l’atelier Lauber. Dans la volume des drapés ou encore les motifs décoratifs. (fig. 12 Bible historiale une scène montre Sara conduisant Abraham et 14) On retrouve notamment les mêmes profils, les longs vers Agar (Hambourg, SuUB, Cod. 7 in scrin., fol. 42v).58 doigts effilés et très légèrement courbés, les mêmes contours La composition est la même que sur la peinture murale, où ombrés des visages. Les ressemblances entre la dame assise l’homme est toutefois imberbe et a plutôt un aspect juvé- peinte sur le mur et la dame à la licorne du Livre de la nile. Cette réserve étant faite, l’interprétation de la scène nature de Konrad de Megenberg55 sont assez éloquentes strasbourgeoise pourrait être de nature religieuse. Dans (fig. 11-12) : la position des personnages, la robe moulante l’état actuel des réflexions, le programme iconographique et la coiffe tressée, les gestes de la main et le dessin d’ombres de la grande salle offre une dimension biblique, plus parti- sur le visage sont identiques. Les hommes debout sont aussi culièrement axé sur des thèmes de l’Ancien Testament comparables à ceux de l’atelier d’Haguenau.56 (fig. 13-14) (David et Goliath, Abraham ?), savante (hommes debout Toutefois, le type de la figure féminine pourrait se référer à tenant des phylactères) et laïque (dame assise, commandi- un modèle à peine plus ancien : deux dessins réalisés vers taires, armoiries). 1450, montrent des femmes debout, l’une avec un phylac- tère et l’autre avec un cimier au bouquetin, ressemblant étrangement à la dame assise et au motif héraldique des

Fig. 12. Konrad von Megenberg, Buch der Natur, Fig. 11. Strasbourg, maison, 15 rue des Juifs, deuxième miniature, Haguenau, atelier de Diebold Lauber, vers 1455. étage, Jeune dame assise, peinture murale, milieu ou Heidelberg, Universitätsbibliothek, Cpg 300, fol. 115v. troisième quart du XVe siècle. (© I. Hans-Collas) (© UB Heidelberg) PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 133

Fig. 13. Strasbourg, maison, 15 rue des Juifs, deuxième étage, Homme débout (prophète ou savant ?), peinture murale, milieu ou troisième quart du XVe siècle. (© I. Hans-Collas)

Le lien entre l’atelier de Lauber et le décor peint de Stras- bourg ouvre de nouvelles perspectives quant à la diffusion des styles et les pratiques d’ateliers. Le commanditaire, un membre de la famille Boecklin de Boecklinsau, s’intègre également dans le profil de la clientèle de Lauber.

Pratiques d’atelier : vers une individualisation ?

Pour le XVIe siècle s’ajoutent d’autres exemples qui nour- Fig. 14. Konrad von Megenberg, Buch der Natur, rissent les réflexions autour des pratiques d’atelier et le rap- miniature, Haguenau, atelier de Diebold Lauber, vers 1455. prochement entre manuscrits et peintures murales. Si l’on Heidelberg, Universitätsbibliothek, Cpg 300, fol. 223v. se penche sur deux exemples lorrains du premier tiers du (© UB Heidelberg) XVIe siècle, il faut reconnaître que le cheminement entre l’une et l’autre forme d’art est assez complexe au vu des circonstances de réalisation, le contexte liturgique d’une – une Présentation de la Vierge au Temple – ne fut certai- part, le contexte du mécénat ducal de l’autre. nement pas un hasard. En effet, l’emplacement et la fonc- tion de l’image sont en parfait accord avec l’histoire litur- gique du lieu. En 1494, le chanoine Gauthier (ou Vautrin) Saint-Dié : le graduel, les peintures murales et la liturgie Lud fit célébrer pour la première fois la fête de la Présenta- tion de la Vierge au Temple à Saint-Dié et fonda un autel Il existe un cas où l’iconographie d’une miniature et d’une dédié à cette même fête dans la chapelle Blanche-Mère peinture murale est fortement liée à un choix liturgique du transept nord.60 La peinture murale participe de toute spécifique, à savoir celui du chapitre collégial de Saint-Dié- évidence à cette fondation liturgique, que le chanoine men- des-Vosges. Remarquable par sa qualité et ses dimensions, tionne également dans son testament daté du 18 mars la peinture figure bien en évidence sur le mur oriental 1526. du transept nord de l’ancienne collégiale de Saint-Dié (aujourd’hui cathédrale). (fig. 15) Découverte en 1898, De surcroît, le célèbre graduel de la collégiale (Saint-Dié, puis restaurée par le peintre Gaston Save (1844-1901), elle Bibliothèque municipale, ms. 74)61 conserve une scène a été fortement endommagée en 1944 et est aujourd’hui identique en fin de volume (fol. 347 ; fig. 16)62. Ce manus- réduite à quelques infimes traces de couleur. Toutefois, les crit a été réalisé en plusieurs campagnes. L’illustration en fut descriptions précises de Save et les photographies anciennes d’abord confiée à deux artistes lorrains distincts – récem- en gardent une trace précise du vaste décor peint s’étendant ment nommés le premier et le second Maître de Laurent sur une hauteur de 4,50 m.59 Le choix de la représentation Pillard – qui travaillèrent au graduel respectivement vers 134 ILONA HANS-COLLAS

nombre et la répartition des personnages ou l’ouverture de l’espace vers l’extérieur dans le décor de la chapelle, des res- semblances surprenantes indiquent une forte parenté entre les deux œuvres. Le lion enfermé sous l’escalier ou la fine balustrade en fer en livrent la preuve. L’arcade fleuronnée qui coiffe la scène au-dessus de l’autel évoque la manière du Maître des Entrées parisiennes. La composition générale est d’ailleurs assez proche d’une autre scène du même artiste (Oxford, Bodleian Library, Le livre de Leriano, Rawl. D. 591, fol. 21).

On ne peut pourtant conclure à une identité de main, ni décider de l’antériorité d’une représentation sur l’autre ; on ne peut non plus exclure la médiation d’un modèle com- mun. Cependant, leur réalisation quasi contemporaine et leur voisinage à l’intérieur de la collégiale produit un effet spéculaire intentionnel. Les deux œuvres se répondent. À droite de la Présentation de la Vierge au temple, Gaston Save avait remarqué une autre peinture murale représentant la Vierge assise devant un métier à tisser, entourée de jeunes filles filant, brodant ou dévidant. Il la mit également en rapport avec deux scènes du graduel, l’une en bas du même feuillet 347 ; l’autre dans la bordure du feuillet de la Visi- tation où la représentation est toutefois plus sommaire (fol. 311v). Le restaurateur signala que la partie droite de cette peinture murale avait été effacée et remplacée par un écri- teau contenant le plain-chant et les paroles d’une hymne de la Présentation et portant la date de 1614. Cette même Fig. 15. Saint-Dié, ancienne collégiale Saint-Dié, transept date figure sur le tableau de la Présentation de la Vierge au nord, mur est, Présentation de la Vierge au temple, peinture temple du peintre Claude Bassot, conçu pour se substituer à murale du début du XVIe siècle. – État après la restauration la peinture murale centrale. Le tableau disparut dans un par Gaston Save, vers 1900. (© M.H. 313942) incendie en 1895, ce qui permit la découverte de 1898. Ces témoins attestent la survivance et le succès du thème dans le milieu déodatien.

1480-1490 et vers 1500,63 puis à un artiste parisien, le Maître des Entrées parisiennes, peintre actif entre 1490 et Nancy : les artistes au service du duc de Lorraine 1520.64 C’est à ce dernier que sont attribuées plusieurs scènes dont celle de la Présentation de la Vierge au Temple. Le palais ducal de Nancy, résidence des ducs de Lorraine, Elle s’inscrit dans la grande initiale65 alors que d’autres offre un autre milieu propice à la création d’œuvres presti- scènes occupent les marges (Joachim chassé du Temple, gieuses. Le peintre Hugues de la Faye domine la scène des Rencontre à la Porte dorée et la Vierge filant au Temple). artistes. Sa carrière est longue et brillante. Au service du duc Les armes personnelles de Gauthier Lud figurent également Antoine dès 1511 et jusqu’à sa mort en 1539, Hugues de la dans la marge du feuillet. Faye est mentionné comme valet de chambre, puis concierge du palais ducal. La comptabilité ducale livre, outre le nom La peinture murale partage avec la scène du graduel la de l’artiste, la date de l’un de ses décors les plus prestigieux. même construction de l’espace occupé par un imposant En effet, entre 1524 et 1529, il réalisa pour le duc le décor escalier coudé au centre duquel se détache une Vierge res- de la Galerie des cerfs. Cet ample cycle, disparu dans un plendissante. Le grand prêtre tenant l’encensoir l’attend incendie en 1871, n’est connu que par des dessins prépara- tandis que ses parents présentant les offrandes sont restés au toires.66 (fig. 17) Il mettait en parallèle l’histoire du cerf et pied de l’escalier. D’autres spectateurs se tiennent plus dis- celle du Christ. Accompagnées de poèmes attribués à Pierre crètement derrière un mur bas couvert de tapisseries. À l’ar- Gringore, les vingt-deux séquences du récit – composées rière-plan, au cœur du sanctuaire, la Vierge est couronnée d’une grande scène relatant l’histoire du cerf sur le mur et par le grand prêtre. Malgré quelques divergences, comme le celle du Christ dans un large médaillon – formaient un PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 135

Fig. 16. Graduel de Saint-Dié, Présentation de la Vierge au temple, miniature, Maître des Entrées parisiennes, premier quart du XVIe siècle (vers 1504-1516). – Saint-Dié, bibliothèque municipale, ms. 74, fol. 347. (© Saint-Dié, médiathèque)

décor somptueux auquel étaient associées des têtes de cerf Passion et de saints franciscains offrant un programme de réelles accrochées au mur. Pour cette vaste entreprise, il fut piété tout à fait prisé des ducs. Le décor fut réalisé vers probablement aidé par des collaborateurs. On sait par ail- 1520-1525, peu après les travaux de voûtement de l’église. leurs que pour la décoration du cabinet de la duchesse, Plusieurs indices stylistiques le rapprochent de ceux de la Renée de Bourbon, réalisée en 1516, il travailla avec quatre Galerie. Le cycle de la Passion, peint vers 1530 à l’église compagnons. La place honorable du peintre auprès de la paroissiale Saint-Martin de Malzéville, non loin de Nancy, famille ducale incite à chercher d’autres œuvres faites dans est lui aussi proche des peintures de la Galerie du palais.68 l’entourage du duc Antoine et de la duchesse. En effet, La scène au jardin des oliviers (fig. 18) est identique et Hugues de la Faye réalisa probablement le décor de la voûte nombreux sont les indices stylistiques qui permettent de de l’ancienne église des Cordeliers, adjacente au palais.67 Les placer ce vaste décor de la nef dans l’entourage du peintre voûtains sont ornés d’anges porteurs d’instruments de la du duc. Par ailleurs, dans la même église existe une peinture 136 ILONA HANS-COLLAS

Fig. 17. Nancy, ancien palais ducal, premier étage, Galerie des Cerfs, dessin préparatoire du cycle peint par Hugues de la Fig. 18. Malzéville, église Saint-Martin, nef, mur nord, Faye entre 1524 et 1529 : Les veneurs cherchant la piste cycle de la Passion, peintures murales, Christ au jardin des (partie inférieure) et Judas montrant le Christ au jardin des oliviers, vers 1530. (© I. Hans-Collas) oliviers (médaillon). – Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, Fr. F. p. XIV, 3, fol. 15. type d’écriture rappellent sont en effet proches des dessins (d’après Reynaud, 1997) préparatoires des peintures murales de la Galerie. La com- position et la perspective – paysage avec arbres coupés par monumentale montrant le jeune duc Antoine accompagné le cadre, action principale sur un premier plan surélevé – de son saint patron Antoine de Padoue, autre signe évident sont semblables, nombreux gestes et mouvements iden- de l’attachement de la famille ducale à ce lieu. tiques. Cet artiste fut habile à dessiner des scènes monu- mentales où l’action représentée s’associe parfaitement au Mais Hugues de la Faye fut également enlumineur et car- texte poétique et au sens allégorique. La dévotion francis- tonnier de vitraux. L’enlumineur nommé autrefois le caine de la famille ducale et leur piété liée à la passion du Maître du Songe du Pastourel semble être Hugues de la Christ – piété issue d’une longue tradition à la cour ange- Faye. Trois manuscrits réalisés pour la famille ducale vers vine et notamment celle du roi René – se manifeste claire- 1515-1520 lui sont attribués : Le Songe du Pastourel, sans ment dans plusieurs édifices : le palais, l’église des Corde- doute peint pour Antoine de Lorraine, manuscrit qui liers juste à côté où les ducs avaient élu sépultures, et donna son nom à l’artiste (Vienne, Österreichische Natio- l’église paroissiale de Malzéville, à quelques lieues de la nalbibliothek, Cod. 2556), le Passionnaire de Philippe de capitale ducale. Les manuscrits, sont eux aussi le reflet de Gueldre, la mère du duc (collection particulière) et un cette même ferveur dévotionnelle. Au riche corpus d’Hu- petit livret de piété contenant l’acte de profession de Mar- gues de la Faye s’ajoutent également un panneau peint70 et guerite de Lorraine, sœur de René II (collection particu- des vitraux, notamment ceux de l’église Saint-Médard de lière).69 Le style des figures, la forme des cartouches et le Blénod-lès-Toul.71 Les peintures murales, les livres enlumi- PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 137 nés et les cartons de vitraux produits par Hugues de la 1 Le présent article est issu de la communication présentée aux Faye, véritable figure de proue dans les années 1510-40, Journées d’étude sur la peinture murale à l’Université de Gand témoignent d’une façon exceptionnelle d’une activité pro- (2008) sous le titre Wechselbeziehungen zwischen Wand- und Buchmalerei anhand einiger Beispiele der lothringischen und lifique encouragée par un mécénat extrêmement vivant. elsässischen Wandmalerei im 15. Jahrhundert. Au service des ducs et de leurs proches, Hugues de la Faye 2 Paul Rolland fut conservateur aux Archives de l’État et profes- et les peintres qui l’entourent ont mis leurs talents polyva- seur à l’Institut National Supérieur des Beaux-Arts et d’Archi- lents au profit de l’exigence artistique, religieuse et idéolo- tecture (Bruxelles). Rolland 1942 et Rolland 1946 : 42-46. Dimensions de l’Annonciation : 1 m de haut sur 1,70 de gique des princes de Lorraine. large ; elle était située à environ 1,75 m du sol ; les anges, à 5 m du sol, étaient peints de part et d’autre de la verrière (Rolland 1946 : 42). Bergmans 1998 : 308. Conclusion 3 Les fragments déposés se trouvent au musée d’Histoire et d’Archéologie de Tournai. Leur état s’est beaucoup dégradé depuis les années 1940. Leur état a été examiné par Paul Core- L’une des préoccupations de l’historien de l’art est de mans (IRPA) en 1940. Selon lui, les peintures étaient vraisem- reconstituer le contexte artistique d’une œuvre. Que cet blablement réalisées à la détrempe. Il procéda à leur transposi- objectif s’avère plus difficile dans le domaine de la peinture tion sur toile en 1941. Les travaux de consolidation et de murale est une évidence puisque l’artiste et le commandi- fixation ont été exécutés par l’IRPA en 1959 et en 2007 (KIK- IRPA, dossier 2L44/01121). taire des décors peints ne sont que très rarement identifiés. 4 Châtelet 1996 : 283 (n° 1), 345 ; Brine 2007 : 103-104. Les Les altérations et les anciennes pratiques de la conserva- précieuses archives communales ont disparu dans le même tion-restauration compliquent encore la tâche. Placer une incendie de 1940. peinture murale – anonyme, sans date et sans donateur –, 5 Châtelet 1996 : 283 (n° 1a). 6 Rolland 1932. Emplacements successifs : église Saint-Pierre, dans l’entourage d’un atelier ou d’un artiste particulier, église Marie-Madeleine, cathédrale Notre-Dame (1990-2010) n’est pas chose facile. Toutefois les regards croisés entre les et actuellement église Notre-Dame et Saint-Quentin. La poly- textes, l’analyse stylistique et la connaissance d’un milieu chromie originale, attribuée à Robert Campin, a été fortement artistique dénouent dans quelques cas, encore rares, les dif- reprise. Par ailleurs, les têtes sont refaites. 7 férentes relations entre l’œuvre, son concepteur et son réa- Breisach am Rhein (en Allemagne) se situe à une vingtaine de kilomètres de . lisateur. Celles-ci sont complexes. Le contrat passé en 1453 8 Reichwald 1991 et Klein 1993. pour le décor des Grands-Carmes à Metz détaille les obli- 9 La partie occidentale de l’église fut probablement achevée en gations de chacun des acteurs. La réalisation même est 1485. D’après les documents d’archives, Schongauer s’installe complexe : exigences des matériaux, choix iconographiques à Brisach en 1488 et meurt en 1491 (avant le 19 mai). La réalisation des peintures est généralement située entre ces deux avec des programmes ambitieux, travail d’équipe et délais dernières dates. précis. 10 Attribution proposée pour la première fois par Karl Gutmann en 1922 (Klein 1993 : 26) ; les peintures murales avaient été Au XVe siècle, la peinture murale tient une vraie place dans découvertes en 1885. 11 la production artistique et au sein d’une clientèle deman- Prosper d’Aquitaine (Prosper Tiro), auteur chrétien et disciple de saint Augustin (vers 390-vers 455). Interprétation des deuse d’images. Dans l’œuvre d’un peintre ou de son ate- textes du mur sud (paradis) proposée par Erwin Grom (Klein lier, il ne faut pas sous-estimer la part de peintures murales. 2006-2007 : 32). Deux contextes précis récemment analysés dans les centres 12 Lacroix, Renon 1994 : 169-171. urbains de Metz et de Strasbourg – contextes privilégiés où 13 Brinkmann 1997 : 255-258. 14 Monographie consacrée à cet artiste par Bodo Brinkmann l’art canonial et patricien occupent une place importante – (1997). éclairent d’un jour nouveau les pratiques d’ateliers. Dans 15 Amiens, Bibliothèque municipale, ms. 163, fol. 155 v-156 chaque cas, le manuscrit tient un rôle clé. Jost Haller est (voir Brinkmann 1997 : 257). tenu de se servir d’un livre enluminé ; le peintre de la 16 Amiens, Société des antiquaires de Picardie, ms. 23, fol. 6v. 17 cathédrale de Metz puise lui aussi dans un stock d’images Hans-Collas 2012 et Hans-Collas 2015. 18 Commandé par Jean Le Caron, seigneur de Bouillancourt, déjà utilisées pour un livre d’heures. L’atelier Lauber tisse représentant les sacres de David et de Louis XII ; Paris, Musée également des liens avec le décor mural. de Cluny (voir la notice sur l’épistolier d’Antoine Clabault par N. Reynaud dans le catalogue d’exposition Avril, Reynaud Dans de nombreux exemples, y compris ceux du XVIe 1993 : 391). 19 Voir la notice sur l’épistolier par N. Reynaud dans le catalogue siècle, se manifeste l’importance de l’écrit, donc du livre, d’exposition Avril, Reynaud 1993 : 391 et Brinkmann 1997 : dans la peinture murale. Les croisements constants entre la 257-258. Riquier Hauroye fut maître de la confrérie de Saint- peinture murale et la miniature livrent avec ces exemples Luc en 1503. des preuves tangibles d’un travail de collaboration, d’inter- 20 Voir la notice sur ce maître par N. Reynaud dans le catalogue prétation et d’adaptation. La création de peintures murales d’exposition Avril, Reynaud 1993 : 265. 21 Nettekoven 2004 : 42-55, 108-124. de qualité est le fruit de ce savoir-faire interactif, crucial 22 Jean Bourdichon (vers 1457-1521), peintre et enlumineur de pour la compréhension de l’œuvre et de son contexte. Tours, est lui aussi un probable réalisateur de peintures 138 ILONA HANS-COLLAS

murales (Brinkmann 1997 : 257, n. 48). L’exceptionnel cycle thèse d’un recueil de patrons est plausible (Lorentz 2001 : illustrant les Miracles de la Vierge, peint dans les années 1470- 67-68). 80 sur les murs de la chapelle d’Eton College, atteste d’une 41 Sterling 1983. filiation vraisemblable avec un atelier d’enlumineurs, proba- 42 Lorentz 2001 : 118-124. blement brugeois, de par son style, la technique de la grisaille 43 Lorentz 2001 : 151-186. employée et l’iconographie. 44 Hans-Collas 2008 a. 23 Voir l’exemplaire illustré pour Philippe le Bon entre 1467 et 45 Hans-Collas 2000. 1469 (Paris, BNF, bibl. de l’Arsenal, mss 5072-5075) et plus 46 Avril 1989. précisément le passage dans le tome 4, ms. 5075, fol. 274v- 47 Protection au titre des Monuments historiques : les peintures 275. Je remercie vivement mon collègue Pascal Schandel de murales et les plafonds peints ont été classés le 1er mars 1989. m’avoir signalé cet extrait. D’autres passages du Renaut de Voir sur cette maison et la découverte des décors : Rieb 1987 Montauban évoquent la peinture murale : ms. 5072, fol. 23v et Parent, Waton 1987. et ms. 5075, fol. 275, 291v-292. 48 D’après l’étude dendrochronologique : Werlé 2006 : 10, 21, 24 Cela n’est pas sans rappeler le fameux Banquet du faisan qui 23. eut lieu à Lille en 1454 à l’initiative de Philippe le Bon qui, 49 L’historique est retracé dans Werlé 2006 : 21. pour cet événement, fit notamment appel à de nombreux 50 De tels exemples sont connus en peinture murale. Citons, au artistes pour la décoration du palais ducal. château de Fénis (galerie du premier étage), un cycle de philo- 25 Voir le manuscrit réalisé pour Louis de Bruges, seigneur de sophes de l’Antiquité présentant des sentences moralisantes Gruuthuse, enluminé par le Maître de Marguerite d’York, vers sur des phylactères ; peintures réalisées dans l’entourage de 1475 à Bruges : Paris, BNF, ms. fr. 1026, fol. 10v (Hans- Giacomo Jaquerio vers 1415-1420, et au château d’Issogne les Collas, Schandel 2009 : 141-143). peintures montrant des hommes illustres, preux et philo- 26 Manuscrit réalisé pour Louis de Bruges vers 1470-1480 sophes, fin XVe-début XVIe siècle (Eynard 2012 : 114-115). (Hans-Collas, Schandel 2009 : 128). 51 D’après Samuel, I, 17, versets 48-50 et 18, versets 6-7. 27 Autre exemplaire : Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Ms. 52 Hans-Collas 2008 a. Gall. 11, fol. 53 (Stones 2005 : 123, fig. 10a). 53 Saurma-Jeltsch 2001. 28 Stones 2005 : 121, fig. 8a, 8b. Deux manuscrits réalisés dans 54 Un grand nombre parmi eux est aujourd’hui conservé à la le Centre de la France, respectivement entre 1466 et 1470 bibliothèque universitaire de Heidelberg (http://digi.ub. (fr. 112) et vers 1475 (fr. 113-116). uni-heidelberg.de/de/bpd/glanzlichter/oberdeutsche/lauber. 29 Delcourt 2009 : 76-77. html ; consulté le 15/12/2014). 30 Hans-Collas, Schandel 2009 : 28, pl. 4. 55 http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/cpg300/0248 ; consulté 31 Pour n’en citer que quelques exemples : scènes en grisaille le 15/12/2014. peintes à l’arrière-plan d’une Annonciation dans le psau- 56 http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/cpg300/0474 ; consulté tier-collectaire et livre d’heures à l’usage de Bourges, illustré à le 15/12/2014. Bourges par Jean Colombe vers 1485-1490 (New York, New 57 Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum, Hz 2 ; voir York Public Library, ms MA 113, fol. 213v-214) ; tableau Lorentz 2001 : 197-200, 203. présentant une scène de combat dans La Bouquechardière de 58 Saurma-Jeltsch 2001 : pl. 32. Un autre exemplaire de la bible Jean de Coucy, illustré à Bruges vers 1473 par le Maître de historiale contient la même scène : Soluthurn, Zentralbiblio- Marguerite d’York (Paris, BNF, ms. fr. 66, fol. 269) ; décor thek, Cod. S II 43, atelier Lauber, vers 1460 sur le manteau d’une cheminée dans le Breviarum Grimani (http://www.e-codices.unifr.ch/fr/list/one/zbs/SII-0043 ; (Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, cod. Lat. I, 99 consulté le 15/12/2014. (= 2138), fol. 1v). 59 Largeur : 3 m environ ; à 2 m environ du sol. 32 Parmi les nombreux exemples : Paris, BNF, ms. fr. 34, fol. 60 Parmentier 1997 : 22, 147 (d’après l’impartial des Vosges, 1 (image de dédicace) : une inscription au mur indique en 21.10.1499, ADV 2J4 (9)). lettres blanches l’identité du dédicataire : Jehan roy de France ; 61 L’étude du Graduel de Saint-Dié a fait l’objet d’un numéro de BNF, ms. néerl. 1, fol. 116v et 212v : initiales de Louis l’Art de l’enluminure en 2008 (n° 26). de Bruges, commanditaire, et de son épouse liées par un lac (L 62 Déjà remarqué par l’artiste restaurateur Gaston Save (Save et M) et devise du même seigneur, Plus est en vous, écrites sur 1898 et 1900). les murs (Hans-Collas, Schandel 2009 : pl. 57 et pl. 183-184). 63 Hans-Collas 2008 b. 33 Pour le corpus des peintures murales de la Lorraine, voir notre 64 Delaunay 2008. thèse de doctorat (Hans-Collas 1997). 65 150 × 150 mm. 34 Nancy, Archives de Meurthe-et-Moselle, B 1329, fol. 70v et 66 Découverts par Nicole Reynaud, ces derniers sont conservés à 97v (1456-1458) ; voir Robin 1985 : 74, 136. la Bibliothèque nationale de Russie, à Saint-Pétersbourg, 35 Nancy, Archives de Meurthe-et-Moselle, B 1332 (1462- Fr.F.p.XIV, 3 ; voir Reynaud 1983. 1464) ; B 1335, fol. 50 (1473-1474) ; B 1339 (1480-1481). 67 Les peintures murales de la voûte ont été découvertes et res- 36 Nancy, Archives de Meurthe-et-Moselle, B 1153 (Jean Fris- taurées entre 1986 et 1987. quet), B 987, fol. VCLVI (Hugo de Toul), B 987, fol. 68 Mises au jour en 1896, restaurées par Gaston Save peu après, VICLXVII (Anthoine de Neufchâteau), B 528 (Michel Queil- puis restaurées par l’atelier parisien Malesset en 1963 et enfin leux). Ces exemples peuvent être multipliés. par Laurence Blondaux en 2012 (Hans-Collas, Blondaux 37 Le manuscrit des comptes détaillés est conservé : Paris, BNF, 2012). NAF 1291, fol. 32-53. 69 Voir la notice de N. Reynaud dans le catalogue d’exposition 38 Hans-Collas 1997. Avril, Reynaud 1993 : 385-387 et Reynaud 1997 : 161-162. 39 Klein 1972 ; Lorentz 2001 : 67-70. 70 Portrait du duc Antoine (1487-1544), attribué à Hugues de la 40 Le mot curieux de « gefatter » n’est pas aisé d’interpréter. Faye ; huile sur toile, vers 1520, Bar-le-Duc, musée barrois. Compte tenu du lien avec le mot père ou compère, l’hypo- 71 Hérold 2005. PEINTURES MURALES ET MANUSCRITS ILLUMINÉS 139

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Sa thèse de doctorat portait sur la peinture Faye are the best documented and most eloquent. murale en Lorraine du XIIIe au XVIe siècle (Strasbourg, Université Marc Bloch). À la Bibliothèque nationale de This contribution aims to answer some questions about the France (Paris), elle a publié, avec Pascal Schandel, le cata- interpretation of the relationship between mural painting and logue raisonné des manuscrits enluminés dans les anciens manuscript illumination. Can they really be compared? Were Pays-Bas méridionaux conservés à la BNF (projet de la fon- models involved and if so, how did the painter use them? dation Getty). Elle est chercheure à l’atelier des peintures To what intent did the painter play a part in the creation of murales de l’Institut royal du Patrimoine artistique a work? And what were the specific roles of the patron, the (Bruxelles) et fait partie du Groupe de Recherches sur la designer and the painter? Peinture Murale (www.grpm.asso.fr). Ilona Hans-Collas est membre correspondant de l’Académie nationale des sciences, arts et lettres de Metz et de l’Académie royale d’archéologie de Belgique.