ZIBELINE 17.01 > 14.02.2020 CULTURE LOISIRS ciné mensuel culturel n° 1
- RD F: 2,50 - 53 L 11477 - 1 - F: 3,50 - RD 3€50 L 18754 J4 Exposition 22 janvier—4 mai 2020 Voyage Voyages Mona Hatoum, Hot Spot (stand) (detail), 2018 © Mona Hatoum. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris (Photo : Florian Kleinefenn)
Mucem
Avec le soutien de En partenariat avec edito J4 Exposition 22 janvier—4 mai 2020 Écologie : Voyage des liaisons dangereuses n s’évertue à entretenir voire à réa- calcul politicien. Pire, en artisan d’une recomposition nimer un modèle économique mar- politique reposant sur une opération de greenwashing chand qui est la cause de tous ces résolument libérale. À Marseille Sébastien Barles, « désordres », tranchait Nicolas Hu- représentant officiel d’EELV, n’a cessé ses appels du Voyages lot pourO légitimer sa démission du Gouvernement pied à l’égard d’un député En Marche jusqu’à ce que d’Edouard Philippe. Même son de cloche du côté du ce dernier rentre dans le giron du candidat adoubé Mona Hatoum, Hot Spot (stand) (detail), 2018 © Mona Hatoum. Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris (Photo : Florian Kleinefenn) photographe et documentariste Yann Artus-Bertrand par l’Élysée. Basses manœuvres qui n’honorent pas pour lequel « le capitalisme est en train de détruire la politique. Heureusement, Michèle Rubirola -sus- la planète complètement ». L’un et l’autre ne sont ni pendue d’EELV en représailles- affirme les valeurs marxistes, ni anticapitalistes, loin s’en faut. Ils af- sociales de l’écologie et donne la priorité au rassem- firment pourtant publiquement et sans tergiverser blement, portant les couleurs du Printemps mar- que le néolibéralisme n’est pas compatible avec l’ur- seillais, arc-en-ciel politique, social et citoyen des gence écologique et climatique. Une évidence qui ne forces progressistes. semble pas l’être aux yeux de certains représentants Mais ces valeurs de gauche sont-elles encore éco- de l’écologie politique. Particulièrement ceux qui in- lo-compatibles ? Jusqu’où peuvent aller leurs liai- carnent l’ambition électoraliste d’Europe Écologie - sons dangereuses ? L’exemple le plus glaçant nous Les Verts pour le scrutin municipal de mars. vient d’un pays de l’Union européenne. Un accord À Paris, c’est une tête de liste EELV qui propose, en de gouvernement a été conclu en Autriche, entre décembre dernier, une « large coalition » avec un dé- la droite conservatrice et le parti dit écologiste. Le puté LREM et candidat macroniste prétendument nouveau chancelier, précédemment allié avec l’ex- dissident. Si le nouveau secrétaire national du parti trême-droite, déclare de manière décomplexée vou- labellisé écologiste a on ne peut plus clairement ba- loir protéger à la fois le climat et les frontières. Or layé l’éventualité d’une telle alliance, son ancien chef justices sociale et environnementale sont deux enjeux de file aux européennes maintient l’idée de rappro- fondamentaux indissociables, répondant ensemble chements de circonstance et à géométrie variable à une exigence d’émancipation humaine en harmo- selon les villes. Au premier tour, l’autonomie, dans nie avec la planète. le but quasi-avoué de se compter plutôt que de ras- L’exacte antithèse du dessein libéral. sembler, reste la principale consigne. Au second, le LUDOVIC TOMAS tabou pourrait bien être levé et la ligne rouge franchie d’union avec des soutiens du président de la Répu- blique voire d’une main tendue aux Républicains et À bientôt ! alliés, enfonçant ainsi le clou de la dépolitisation des Impliquée dans la campagne municipale aux côtés du Prin- luttes écologiques. temps Marseillais pour y défendre (bec et ongles !) les ques- « Gérard Collomb a été un temps le maire qu’il fallait tions culturelles, il m’a semblé peu compatible de continuer à à Lyon, comme Chirac et Delanoë ont été celui qu’il exercer mon travail de journaliste. Je me mets donc en congé, fallait à Paris, comme Chaban-Delmas et Juppé ont du moins pour ce qui est des sujets marseillais et/ou politiques, été celui qu’il fallait à Bordeaux », a déclaré Yannick le temps de la campagne, et vous retrouverai d’une manière ou Jadot. Son score à deux chiffres aux élections euro- d’une autre en avril ! péennes a suffi à le transformer en lider maximo du AGNÈS FRESCHEL
Photo de couverture : © CC
ZIBELINE MAGAZINE, MENSUEL CULTUREL
CULTURE LOISIRS CINÉ Rédactrice en chef : Dominique Marçon Chargée des abonnements Rédaction : [email protected] [email protected] Mensuel paraissant le vendredi Contact diffuseurs : Commerciale Mucem Édité à 20 000 exemplaires Zoé Guillou A juste Titres - tél : 04 88 15 12 41 par Zibeline [email protected] 07 67 19 15 54 Titre modifiable sur www.direct-editeurs.fr BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Administration Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 RETROUVEZ TOUS NOS CONTACTS [email protected] Avec le soutien de En partenariat avec Imprimé par Rotimpress Directrice de publication SUR JOURNALZIBELINE.FR Imprim’vert - papier recyclé Agnès Freschel Salle des Musiques Actuelles du Pays d’Aix
UNE NOUVELLE ÈRE SONORE Votre salle de concert à Aix - Ouverture Mars 2020
160 rue Pascal Duverger 13090 Aix-en-Provence 6mic-aix.fr sommaire
Salle des Musiques Actuelles 1 du Pays d’Aix grand entretien (P.6-7) Edith Amsellem, Metteuse en scène
Politique culturelle (P.8-18) Marseille : les bibliothèques Nîmes : place de la culture, festival Flamenco Gardanne : Le Puits Morandat Toulon : Réhabilitation du quartier Chalucet Les Parallèles du Sud à Manifesta
Virginia à la bibliothèque cité queer (P.19) © Vincent Beaume Fêtes queer et politiques portrait (P.22-23) Emmanuelle Tirmarche, fondatrice du label Manivette Records société (P.20-21) Réensauvager le monde événements (P.24-36) Début d’année au Mucem Festival Parallèle, Marseille Héroïne(s) #3, Cie Les Passeurs Par les villages, Pays d’Aix Festival Les Elancées, Ouest Provence Avignon : Les Hivernales, L’Autre Festival, Fest’Hiver, Trajectoires, Carros
critique (P.38-53) Les Rencontres d’Averroès, la Criée, le Mucem, le Marché Noir des petites utopies, le Gymnase, l’Opéra de Marseille, la Meson, le 3bisf, le Théâtre des Ateliers, le GTP, le jeu de Paume, le Daniel Linehan, Café Zimmermann, le Pavillon Noir, le théâtre de Fontblanche, Body Of Work - Gardanne, le théâtre d’Arles, les 13 Vents, le théâtre Jean Vilar, les Festival Parallele 2020 © Danny Willems Ballets de Monte Carlo
arts visuels (P.96-97) AU PROGRAMME Nicolas Floc’h à la Fondation Camargo Spectacle vivant (P.54-81) Exposition Elles reviennent ! au Pavillon de Vendôme Musiques (P.82-93) Olivier Millagou à la Villa Tamaris et à la Friche la Belle de Mai Arts visuels (P.94-95)
LIVRES/CD (P.98-106) CINÉMA (P.107-109) Livres du mois : Croire aux fauves ; Dans la gueule de l’ours ; Le Annonces : Polar en lumières, Vitrolles UNE NOUVELLE lamento de Winnie Mandela ; Petites chroniques de printemps et d’automne ; Aires ; Terre brûlée ; Des gens comme nous ; Papa ; La Films de la semaine : La cravate ; Les siffleurs ; Aquarella ; vie de Gérard Fulmard ; Étranger dans mon pays ; Aux armes Histoire d’un regard Retours : Clôture de la fête du centenaire de la librairie Maupetit CD du mois : Modernisme, Totem Sismic
ÈRE SONORE BALADE (P.110-111) Votre salle de concert à Aix - Ouverture Mars 2020 La Villa Valmer, Marseille
(P.112-114) ÉCOUTES/ÉCRANS Histoire d'un regard 160 rue Pascal Duverger 13090 Aix-en-Provence 6mic-aix.fr de Mariana Otero © Jerôme Prebois Archipel 33 6 grand entretien
Virginia Woolf, la liberté d’être soi Depuis ses débuts, la compagnie ERd’O aime à défricher des lieux non dédiés à la représentation théâtrale. Sa nouvelle création convoque Virginia Woolf dans les rayonnages d’une bibliothèque
e nourrissant du contexte, la L’histoire de l’émancipation des femmes de l’auteure : Anne Naudon va se faire metteuse en scène Edith Am- est parallèle à l’arrivée des auteures en pénétrer par cette figure, puis devenir sellem s’attache depuis 2011 à littérature : c’est précisément ce que relate tour à tour tous les personnages, réels faire parler les lieux, pour mieux l’essai. Sur commande d’une conférence ou fictifs, qui traversent l’essai. faire résonner les textes : joutes pour l’université de Cambridge, Virginia Après des créations collectives, l’équipe de épistolaires de Laclos sur terrain Woolf y explique parfaitement pourquoi Virginia à la bibliothèque se resserre au- Sde sport, cruauté infantile de Gombrowicz les femmes n’ont pas écrit jusqu’au dé- tour de trois artistes. Pourquoi ce choix ? dans un château toboggan, symbolique but du XXe siècle. Elle n’y répond pas de J’avais envie d’un solo. C’est le spectacle du loup dans une forêt la nuit tombée… manière pontifiante, mais comme une où l’on se retrouve avec Anne Naudon, Avec Virginia à la bibliothèque, la com- artiste, une romancière, en amenant de présente depuis les débuts de la com- pagnie ressuscite les écrits de Virginia la fiction dans le réel. pagnie. Au fil des créations, nous avons Woolf, afin de questionner la posture Quel a été votre processus de travail construit ensemble ce rapport à l’espace de la figure féminine dans la littérature. pour adapter cet ouvrage ? et à l’extérieur, inventé des protocoles J’ai choisi la récente traduction de Ma- pour faire corps avec les endroits tra- Zibeline : Qu’a à nous transmettre Vir- rie Darrieussecq, publiée en 2016 chez versés… Avant de s’installer dans un es- ginia Woolf aujourd’hui ? Denoël, qui donne un coup de peps à pace, on lui fait l’amour -à la forêt, aux Edith Amsellem : J’ai connu Vir- l’écrit. Le langage y est moins ampoulé, châteaux toboggans comme aux terrains ginia Woolf par Une chambre à soi, lors les métaphores plus éclairantes pour un multisports. On ne se pose pas simple- de mon engagement au sein du Mouve- lecteur français. Elle rend notamment ment dans un espace, on se le fait ! (rires) ment HF, égalité hommes femmes dans au « room » originel sa vraie significa- Dans la douceur ou violemment, on le les arts et la culture. Plus récemment, le tion : un lieu à soi, et non une chambre ! prend ou il nous prend… Cette méta- bac français de ma fille a joué le rôle de Nous avons procédé à l’adaptation avec phore sexuelle constitue la base de notre déclencheur. Elle est en L, et sa liste de la comédienne Anne Naudon. Notre tra- travail. Anne est comme une alter ego. textes comportait 4 femmes parmi 38 au- vail à la table, nourri d’échanges et de Après avoir joué en salles pendant des teurs, dont 3 du Moyen Âge réunies au- réflexion, est fondateur du projet. Le années, elle nourrit elle aussi une fas- tour de la thématique Les femmes parlent spectacle suit le déroulé du livre -en cination pour les lieux non dédiés. La d’amour. Les bras m’en sont tombés ! J’ai conservant flash-backs et digressions musique de Francis Ruggirello, quant sondé autour de moi, et les femmes re- de la pensée de l’auteure- pour en tirer à elle, est fondamentale dans toutes nos présentent généralement moins de 10% le fil dramaturgique : pour devenir écri- créations. Il a cet inventif grain de folie de ces listes. On nous enseigne que la lit- vain, une femme doit posséder un lieu qui amène beaucoup d’humour, via un térature est masculine. Les professeurs à soi et l’indépendance financière. Au- univers très brut. Sa création sonore de français ont la responsabilité de trans- trement dit, la liberté d’être soi. Je me constitue ici l’enveloppe paranormale former la manière dont cette transmis- suis inspirée pour la mise en scène du du spectacle. sion opère ! Cette prise de conscience a principe narratif de Virginia Woolf, qui De quelle manière s’investit une constitué la porte d’entrée de mon nou- met le lecteur en position d’analyste. J’ai bibliothèque ? veau spectacle. En inspectant ma propre conservé cette position, ça me plaisait Je tenais à jouer dans une bibliothèque bibliothèque, j’y ai moi-même dénom- que le spectateur ait cette mission de trier vidée de ses usagers. Le soir venu, il y bré seulement 27% de femmes. Virginia ce qui lui est délivré. Il était nécessaire règne une atmosphère étrange. Mais on Woolf m’a alors sauté aux yeux, et j’ai de créer un cadre concret pour convo- ne transfigure pas le lieu. La scénogra- relu immédiatement Une chambre à soi. quer l’univers nébuleux et incandescent phie, c’est la bibliothèque ! Pour nous 7
Cette fois, nous l’avons imaginée avec la plasticienne Clémentine Carsberg, qui mène un boulot très intéressant dans l’es- pace public. Les participants sont invités à venir avec le livre qui a changé leur vie. Les jeunes ont du mal à en trouver un, les plus âgés du mal à n’en trouver qu’un ! À la lumière d’un petit questionnaire -si le livre était une texture, une couleur, une sensation, comment est-il arrivé entre vos mains…- chaque participant nous présente son ouvrage. Puis on fabrique ensemble des affiches à la manière des Guerrilla Girls, en reprenant ces infos de la manière la plus décalée possible, et on part les coller dans la rue. Les pro- chains ateliers auront lieu le 18 janvier à la Criée, et le 25 au Merlan. Comment la compagnie s’est-elle struc- turée au fil des années ? Le Théâtre du Merlan nous porte depuis 2015. Faire partie de la Ruche pendant trois ans nous a permis de bénéficier d’un bureau, d’un accompagnement à la diffu- sion… À l’issue du processus, Francesca Poloniato m’a proposé d’être artiste asso- ciée pour trois années supplémentaires. Six ans portés par une scène nationale, c’est précieux ! L’équipe sait accompa- gner un artiste sur le long terme, elle nous a permis d’inventer des choses un peu folles… Depuis le 1er janvier, je suis aussi artiste associée au Théâtre de Châ- tillon pour trois ans. Et les précédents spectacles continuent de tourner : nous avons remonté Les liaisons dangereuses, et J’ai peur quand la nuit sombre compte déjà de nombreuses dates pour la sai- Edith Amsellem © Lila Pithon son prochaine. adapter à ses contraintes, il nous fallait qu’il y avait peu d’intellos ! Mais des PROPOS RECUEILLIS PAR JULIE BORDENAVE inventer une forme légère, ne nécessitant étudiants qui travaillent, des mamans ni installation en avance, ni lumière, ni avec des enfants, et aussi beaucoup de machine à fumée… Pour convoquer le pa- gens qui ont froid, ne savent pas où al- ranormal, il nous a fallu avoir beaucoup ler, se lavent dans les toilettes… Cer- d’humour ! Au Merlan, nous jouerons au tains visiteurs passent la journée entière Virginia à la bibliothèque rayon Littérature. À l’Alcazar, au rayon au rayon presse, doté d’une machine à 28 et 29 janvier Lire autrement, dédié aux malvoyants et café à 50 cts ! À Marseille, comme à Gap Bibliothèque du Merlan, Marseille malentendants. Cet espace est bienvenu, ou Mulhouse, une bibliothèque ce n’est car le dévoilement constitue un autre fil pas que le lieu du savoir. C’est aussi un 4 au 8 février conducteur du spectacle : au fur à mesure lieu qui crée du lien et de la chaleur. Je Bibliothèque L’Alcazar, Marseille que Virginia avance dans sa quête, elle suis épatée par les bibliothécaires, l’at- dévoile la vérité. Elle prend conscience tention qu’ils donnent aux visiteurs, le 13 et 14 février La Passerelle, Gap que les femmes n’ont pas d’histoire. Ou- temps qu’ils leur consacrent, les conseils vrons les yeux, nommons les choses ! qu’ils délivrent… 5 mars Comment ce nouveau spectacle s’ins- Après Broder la ville, qui tissait les peurs Théâtre Marelios, La Valette-du-Var crit-il dans votre exploration des lieux collectives de laine rouge dans la ville, non dédiés au théâtre ? sur quel thème portera le nouvel atelier 30 avril La bibliothèque est l’un des rares lieux en marge du spectacle ? Médiathèque Boris Vian, Port-de-Bouc publics couverts. En y passant du temps, Pour chaque spectacle, j’essaie d’inven- on s’est paradoxalement rendu compte ter une action artistique rassembleuse. 06 61 40 90 95 enrangdoignons.com 8 politique culturelle Marseille, bonnet d’âne aussi pour les bibliothèques
La deuxième ville de France ne laisse pas que s’effondrer les immeubles, elle abandonne aussi sa mission de lecture publique. Entretien avec Alain Milianti, président de l’association des usagers des bibliothèques de Marseille
Zibeline : Pourquoi une association d’usagers ? Alain Milianti : On a créé cette association en réaction à toutes les difficultés que traversait le réseau. Il y a des syndi- cats qui agissent, des partis politiques qui prennent position mais il n’y avait pas d’usagers organisés. On pensait mener une activité de retraités plutôt tranquille, avec un travail de lien social, d’intermédiation. Mais ce qu’on découvre, au fil des mois, nous a fait tomber de notre chaise. Quel est le constat ? Il est catastrophique. Même des gens aussi mesurés que les inspecteurs des différents services ministériels ou de la Cour des comptes parlent de l’état de délabrement du réseau. Ré- seau littéralement figé depuis 25 ans. Quand Jean-Claude Gaudin accède à la mairie en 1995, il y a 8 bibliothèques à Marseille. Quand il en partira en mars, il y en aura toujours 8, là où toutes les autres villes de la même importance se sont dotées d’un réseau conséquent. Quand on prend les pa-
ramètres fournis par les cabinets d’études ou le ministère Alain Milianti © Ludovic Tomas lui-même, Marseille coche presque toujours la dernière case (lire encadré ci-dessous). rapport aux grandes capitales régionales, Marseille a deux fois Même en termes de fonctionnaires ? moins de lecteurs et emprunteurs que la moyenne. Oui, il y a aussi un déficit en personnels. On n’arrive même Les Marseillais n’aimeraient pas lire ? pas à accéder au nombre de personnes employées. En ad- Absolument pas. Comme on est dans cet état de fixation, sans mettant qu’ils soient 280, il manque environ 150 postes soit aucune dynamique de développement depuis 25 ans, ce n’est pratiquement 50% du personnel. C’est impossible à tenir. C’est pour ça que le réseau est en embolie avancée. Il a été littéralement vidé de sa substance par une conception qui considère l’activité salariée et humaine comme un coût, une charge qu’il faut réduire. Par exemple, le service jeunesse de La bibliothèque, un outil de socialisation l’Alcazar a perdu 50% de son personnel depuis sa création. Il u départ, je voyais surtout la bibliothèque comme l’en- y a surtout une volonté régulière d’affaiblir de l’intérieur -si «Adroit où on peut emprunter des livres sur des étagères. possible sans que ça se voit trop-, avec un véritable achar- Ce n’est qu’une partie du service rendu mais ce n’est pas le nement, les établissements de proximité de telle sorte qu’on plus important. Le cœur battant d’une bibliothèque, c’est sa puisse à un moment donné s’en défaire. capacité à mettre en place des actions de médiation pour ga- Les établissements sont-ils au moins bien fournis en livres ? gner les gens à la lecture. Car une chose est certaine : on ne Le nombre de documents mis à disposition par habitant est naît pas lecteur, on le devient. On a besoin de manger donc deux fois inférieur à Marseille par rapport à Lyon, Toulouse on va chercher automatiquement tous les jours sa nourriture. ou Nice. Plus grave, le budget d’acquisition des ouvrages est Le rapport au livre est une pratique sociale plus complexe. Si 2 à 3 fois inférieur à celui des autres villes. Les budgets pré- on ne vous y aide pas, rares seront les gens qui d’eux-mêmes vus ne sont même pas épuisés. Résultat : le taux d’inscrits seront portés vers la lecture. Si les bibliothèques sont des par rapport à la population est très faible. Grosso modo, par lieux sociaux. C’est pour ça qu’il faut plutôt parler de lecture 9 Marseille, bonnet d’âne aussi pour les bibliothèques
pas étonnant qu’il y ait une chute régulière de la fréquentation dans le temps. Mais admettons qu’on Les chiffres de la honte se pose vraiment votre question. Quand un éta- Nombre de bibliothèques blissement fonctionne bien comme l’Alcazar a pu Marseille : 8 ; Nice : 12 ; Lyon : 15 ; Toulouse : 21 à un moment donné bien fonctionner, les chiffres étaient supérieurs à la moyenne. Ce qui montre Surface par habitant au m² que lorsqu’on propose des horaires, des livres, de Marseille : 0,3, soit la moitié de la moyenne nationale ; la place, du temps, de la médiation, ça fonctionne. Grenoble : 0,12 ; Bordeaux : 0,9 ; Lyon : 0,8 Les Marseillais ne sont pas plus cons que les autres Prêts de livres par habitant en 2017 et ont le même besoin de lecture. Moyenne nationale : 3,24 Comment en est-on arrivé là ? Marseille : 1,58, soit le plus faible des grandes villes En 1994, l’Unesco publie un manifeste disant que la lecture publique est la condition de l’exercice dé- Taux d’inscrits actifs rapporté à la population globale mocratique d’une société. Cela signifie que s’il n’y Moyenne nationale : 17% a pas de lecture publique, il ne peut pas y avoir de Marseille : 7,7% ; Toulouse : 14,9% ; Lyon : 21,2% démocratie. La France, comme beaucoup d’autres Personnel équivalent temps plein pour 2000 habitants pays, signe ce document et agit pour rattraper un Recommandation du Ministère : 1 retard considérable. Le pays entier s’équipe au mo- Marseille : 0,69 ; Paris : 1,09 ; Toulouse : 1,82 ; Lyon : 1,86 ment même où Jean-Claude Gaudin devient maire de Marseille. Sur les premières années du mandat, on aurait admis qu’il avait d’autres priorités. Mais sur 25 ans, quand on ne fait rien, c’est qu’on fait l’apanage d’un courant, ce qui nous rend assez optimiste. quelque chose qui est de ne rien faire. On serait Le problème peut-être le plus important relève en effet de la aveugle de ne pas voir qu’il y a là la marque d’une dimension démocratique. Il y a une absence totale et absolue politique avérée et délibérée. Surtout qu’entre 1987 de démocratie à l’intérieur du réseau. C’est un service pu- à 1991, dans la même ville, avec la même composi- blic, on devrait savoir un petit peu ce qui se passe, il ne s’agit tion, la même fiscalité, cinq bibliothèques sortent quand même pas des sous-marins atomiques. Or le fonction- de terre. Et on ne peut pas dire que Vigouroux me- nement est totalement opaque et nous sommes dans l’impos- nait une équipe de gauchistes. sibilité d’obtenir une information en notre titre de citoyens, Vous dites que la défaillance démocratique est en- de contributeurs via l’impôt et la cotisation annuelle de 22 core plus grave que le sous-équipement... euros et tout simplement d’usagers. À l’hôpital, dans les uni- Le sous-équipement, on sait que ça peut se rattraper versités, dans les lycées il y a des usagers dans les instances et qu’il n’y a même pas besoin d’être de gauche pour ça. Dans de direction. On a mis un an à essayer de se faire accueillir. le panorama français, des villes dirigées par des équipes de Et il n’y a pas de date pour la deuxième rencontre. natures différentes, pour des raisons politiques qui leur ap- ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS partiennent, ont décidé de faire l’effort de doter leur ville d’un réseau conséquent. L’idée de créer des bibliothèques n’est pas
La bibliothèque, un outil de socialisation publique surtout si on est migrant, pauvre, famille isolée... vieux, des femmes et des hommes, des riches et des pauvres Ces publics dits éloignés ont pour autant les mêmes droits (beaucoup de pauvres), des gens qui lisent des livres, d’autres que vous ou moi. Une attitude volontariste est donc néces- le journal. Il devrait y en avoir une par arrondissement car saire pour aller les chercher et les gagner parce qu’on s’aper- cela permet une cohabitation possible entre les individus çoit que même les gens les plus loin de la lecture, socialement autrement que sur les modes marchand, consommateur et ou sociologiquement, quand ils rentrent en contact avec une concurrent. Sauf qu’à Marseille depuis 25 ans, on a arrêté de véritable activité de médiation, sont exactement comme les réfléchir à comment on pourrait être ensemble. Pourtant ce autres. Ils deviennent des lecteurs à leur rythme, à leur ma- n’est pas budgétivore, il faut juste en avoir le désir. » nière, avec leurs chemins de proximité. Le service rendu au PROPOS RECUEILLIS PAR LT public c’est ça, ce n’est pas entreposer des bouquins. La bibliothèque est à peu près un des seuls lieux de socia- bilisation où, dans le même espace, il y a des jeunes et des 10 politique culturelle
Le Carre d'Art © Ludovic Tomas
es monuments romains de premier rang et une Féria longtemps considérée comme l’une des plus grandes fêtes populaires d’Europe. Ce sont, pour une majorité, Dles marqueurs « culturels » auxquels Nîmes est identi- fiée. « Arles n’est pas connue que pour la tauromachie. Il y a les Rencontres de la Photo, les Suds...et l’intelligence de prendre en compte les acteurs locaux qu’il n’y a pas à Nîmes », tacle Patrice Loubon, président et directeur artistique de NegPos. Nîmes, du pain et des jeux L’association née en 1997 propose un programme d’exposi- tions photographiques, une manifestation annuelle (Les villes De la gestion du patrimoine invisibles), des résidences d’artistes, des collaborations à l’in- ternational mais aussi des ateliers de photographie dans les romain à l’organisation du quartiers populaires. « Nîmes a le même adjoint à la culture (Daniel-Jean Valade, ndlr) depuis 19 ans. On sature. Il faut Festival de la biographie en arrêter les projets pharaoniques et davantage se soucier des petites structures qui pourraient devenir grandes. Or ils n’ont passant par les gros concerts rien à faire de ceux qui font. » de l’été, la capitale gardoise Pas de politique culturelle Une appréciation partagée par Pierre Pelissier, fondateur s’abandonne aux marchands de Dynamogène, compagnie de théâtre de rue qui tourne dans le monde entier. « En 25 ans d’installation à Nîmes, nous culturels de divertissement n’avons été invités qu’une seule fois à participer à la Pégou- lade (le grand spectacle de rue en ouverture de la Féria de commerce. Et le capitalisme municipal conduit à tout déléguer Pentecôte, ndlr) ». Et le célèbre Monsieur Culbuto de qua- au privé. Même le prétendu Festival de Nîmes (une succes- lifier de « gâchis » la politique culturelle de la ville : « Nîmes sion de têtes d’affiche en concert dans les arènes l’été, ndlr) est très bien située, entre les Cévennes et la Camargue, près de est confié aux gros tourneurs ». Pour Denis Lanoy, fondateur deux capitales mondiales, celles de la photo et du théâtre. Mais du Triptyk-Théâtre, « il existe une programmation culturelle c’est une ville plus militaire qu’étudiante. Ici, c’est tout pour le pensée en termes d’événements, plus qu’une politique culturelle. 11
Or l’événementiel, qui est bien plus coûteux, ne donne la pos- regret l’évolution de la ville. « Une culture officielle de moindre sibilité que d’une fausse visibilité à travers des campagnes de qualité, la tradition des cafés concerts éteinte... Même les ex- communication. L’absence de mise en commun, de maillages positions temporaires sont devenus payantes les premiers di- avec les acteurs culturels qui vivent ici, créé de l’empêchement ». manches du mois dans les musées ! » Exemple, le Festival de la biographie, seul événement litté- Dans l’océan libéral dans lequel la cité boit la tasse depuis raire impulsé par une ville dont la particularité est de compter bientôt vingt ans, il y a tout de même une élue qui a tou- un nombre important de librairies indépendantes, et qui est jours fait preuve d’attention et de soutien au travail des ar- donné clés en main à une société extérieure sans la moindre tistes et associations culturelles nîmoises. Corinne Ponce réflexion commune avec les libraires nîmois. Casanova (Modem), un temps en charge du développement culturel, sorte de sous-délégation à la culture au conseil mu- Faire rester les artistes nicipal, a passé son temps à se battre voire s’opposer pour se L’état de quasi-abandon du vivier culturel et artistique local, faire entendre de l’adjoint de tutelle et du maire Jean-Paul la plasticienne Pierrette Gaudiat le constate elle aussi. Di- Fournier (LR), élu depuis 2001 et qui brigue un quatrième rectrice artistique de l’association Etant donné, lieu regrou- mandat. « Il faut plus de cohérence, une vision globale de la pant des ateliers partagés et une activité de sérigraphie, elle politique culturelle, du centre-ville aux quartiers, qui mette la relève un paradoxe : « En dépit du Carré d’Art (l’imposante culture à la portée de tous. Mais ils ne connaissent que le gou- bibliothèque conçue par l’architecte Norman Foster et qui dron et le béton », peste celle qui est en campagne pour Yvan abrite le musée d’art contemporain de la ville, ndlr) et d’une Lachaud (Nouveau centre, soutenu par LREM), président de École des Beaux-Arts réputée, les arts plastiques sont quasi- la communauté d’agglomération Nîmes Métropole et éternel ment inexistants. Pourtant beaucoup d’artistes issus du courant concurrent du maire. Supports-surfaces vivent à Nîmes. De jeunes créateurs partent à Montpellier ou à Sète. Le public aussi va voir ailleurs. De toute Précarisation des personnels évidence, ce qui manque, c’est une dynamique. Cela ronronne Blanc bonnet et bonnet blanc les vieux frères ennemis ? Une et ce n’est pas très stimulant. Pourquoi la Ville ne mettrait pas évidence pour Denis Lanoy qui situe le fond du problème au en place une friche pour fédérer tous les artistes qui cherchent niveau de l’absence de service public. Pour lui, il est logique, des espaces ? Des lieux ambitieux ont tenté d’émerger mais il quand une « municipalité confie à des délégataires privés des n’y a pas eu de soutien affiché de la part des pouvoirs publics ». pans entiers de la vie culturelle, que la démarche, puisque c’est « Faire rester les artistes », est l’une des priorités pour Denis l’essence même de leur activité, est de gagner de l’argent. Même Lanoy, par ailleurs responsable local du PCF. Il en soulève une société publique locale (SPL) comme celle à qui a été confiée deux autres : « reconnaître la mondialité culturelle de la ville » la gestion du Musée de la romanité est là pour faire du fric. De Nîmes, du pain et des jeux
qui n’est prise en compte qu’à travers les communautés reli- plus, la loi empêchant une SPL de recevoir des subventions de gieuses et « prendre en compte le changement climatique dans l’État, il n’y a donc aucun droit de regard du ministère de la la réflexion culturelle. On ne peut pas continuer le tout-tou- Culture sur un tel équipement ». Ces choix de non-gestion -c’est risme quand la température monte jusqu’à 46°C ». à la société Culture Espaces qu’incombe depuis 2006 la délé- gation de service public pour les arènes, la Maison carrée et Goudron et béton la Tour Magne- n’est pas pour rien dans l’échec inconcevable Ancienne comédienne, metteure en scène et aujourd’hui de la candidature à l’inscription au patrimoine mondial de auteure, Perrine Griselin est moins négative sur la réalité l’Unesco. Sans parler de la précarisation des personnels de nîmoise. « Il existe pléthore de propositions. Il faut sortir des ces établissements. sentiers battus et de l’entre-soi. Des gens organisent des choses Il y a pourtant une réalisation qui fait l’unanimité : la scène à domicile. Et quand tu vas chez eux, tu rencontres d’autres de musiques actuelle Paloma, financée par... la communauté personnes qui t’emmèneront ailleurs. Ce serait bien que les d’agglomération. Tant pour sa programmation que son action institutions nous demandent des choses et pas toujours le socio-culturelle et son ouverture aux musiciens régionaux, contraire. Soyons force de propositions », estime celle dont le émergents ou en devenir. Quant au passionnant festival de projet collectif et interdisciplinaire Portrait/autoportrait a flamenco (lire page suivante), il existe depuis 1991. récemment remporté un appel à projet du Conseil départe- LUDOVIC TOMAS mental (de gauche), accompagné d’une coquette subvention de 30 000 euros. Spectatrice assidue et impliquée dans tous les combats culturels, Annette Haas, 82 ans, observe avec suite p.12 12 politique culturelle Dans un quartier populaire en mutation, des espaces partagés hybrides se développent en marge des institutions. En 2013, le Spot a ouvert la voie Un spot de tiers-lieux
uand Nicolas Combis rachète l’im- meuble de l’ancien siège de la fé- Qdération départementale du Parti communiste, ce fils de militants était loin d’imaginer la suite. En attendant la concrétisation d’un projet immobilier dont il a hérité au décès de son père, il met à disposition des organisateurs de l’Expo de Ouf les 500 mètres carrés de locaux vides pour y accueillir, en sep- tembre-octobre 2013, la deuxième édition de ce festival dédié aux cultures urbaines et alternatives. L’événement mêle street art, expositions, musique, au cœur des quartier populaires Nord-Gambetta et Nicolas Combis © LT. Richelieu du centre-ville nîmois. Les cinq s’appuyer sur notre travail pour le déve- l’ouverture d’une librairie dédiée à la BD appartements prévus dans le bâtiment lopper », estime Nicolas Combis, 38 ans, indépendante et d’une épicerie. L’été, des ne verront jamais le jour, le propriétaire père de trois filles, et dont les investis- soirées sont proposés sur le toit-terrasse. des murs et les occupants éphémères sements immobiliers sont désormais Malheureusement, ce propriétaire-là est trouvent un terrain d’entente, un bail est destinés à l’émergence de tiers-lieux, sur le point de vendre son bien, mettant signé : le Spot était né. Rénové progres- dans la dynamique ouverte par le Spot. de fait un terme à l’expérience. « On le re- sivement, le site commence par accueil- « Mon but est d’acheter un bien le moins grette mais on cherche une solution pour lir des artistes, propose des expositions, cher possible pour permettre des loyers la suite », avance Nicolas Combis, dont des performances, des concerts, des ate- à bas coût ». De l’immobilier éthique et la dernière acquisition dans le quartier liers pédagogiques, des conférences... équitable en quelque sorte. Parti de rien, est devenue un nouveau tiers-lieu : la le Spot est sur le point d’engager un sep- Verrière. Ici, pas de bar mais une belle Économie sociale et solidaire tième salarié (dont des postes de média- bâtisse sur deux niveaux avec cour in- Aujourd’hui y résident également des as- teur), atteint 150 000 euros de un chiffre térieure, consacrée essentiellement au sociations culturelles et des travailleurs d’affaires et 75% d’autofinancement. Ré- travail et cogérée par les 23 locataires, indépendants portés par les valeurs de cemment, une société coopérative d’in- du plasticien au thérapeute, en passant de l’économie sociale et solidaire. On y térêt collectif (SCIC) a vu le jour, avec par un illustrateur et un designer social. trouve donc des bureaux et ateliers par- 120 sociétaires, entreprises et citoyens, Face à la transformation du quartier, la tagés, une salle de concert, une boutique y compris la communauté d’aggloméra- crainte d’une gentrification est légitime. autour du skate, une cantine, un bar et tion. Même la Caf imaginerait bien im- « Il y a de la marge. Les prix de l’immobi- même une microbrasserie. Et de se dé- planter un espace numérique. lier restent bas », affirme Combis qui voit finir comme « un lieu hybride et alterna- plutôt une opportunité de faire se ren- tif, pépinière de projets et vivier de com- Le petit Berlin nîmois ? contrer plusieurs types de population. pétences ». « Notre impact est bien plus En 2016, à quelques encablures, un petit Même si des annonces n’hésitent pas à fort que celui du centre social de quar- frère voit le jour, l’Archipel, dans l’an- vendre l’image d’un petit Berlin nîmois. tier. Nous avons peu de rapport avec la cien bâtiment d’une mutuelle cheminote. LUDOVIC TOMAS mairie même s’ils trouvent ce qu’on fait « C’est parti d’une personne qui voulait extraordinaire. Il n’y a pas la volonté de stocker ses bandes dessinées », jusqu’à 13 Alchimie flamenca
pas aisé -sauf à avoir assisté à la conférence dansée du lende- Nîmes accueille les artistes qui font le main- mais qu’importe. La succession de tableaux engendre des scènes d’une créativité fertile, des échanges dansés avec flamenco d’aujourd’hui et de demain. intensité, des moments de grâce comme d’inhumanité. La Nos premières impressions danse épouse les fulgurances humaines aussi bien que les faiblesses, à moins qu’elle ne les crée. Dommage de ne pas savoir conclure quand il est temps et d’imposer des redites es quatre premières soirées de cette 30e édition confir- inutiles en fin de spectacle. Annoncé comme la rencontre ment que le flamenco est un art en permanente réinven- improbable de trois figures du flamenco, la première mon- L tion. Et que le festival nîmois, avec son nouveau conseiller diale de Tres golpes laisse un goût frustrant d’inabouti voire artistique, le Sévillan Chema Blanco, se positionne comme de coup manqué que l’on préférera traduire par une étape de le lieu d’expression et de croisement des recherches les plus travail d’un projet discographique à la traduction scénique contemporaines. Pour la soirée d’ouverture, dans l’écrin mo- encore immature. De l’annonce initiale à la présentation, le derne de Paloma, les deux propositions attestent un esprit guitariste Alfredo Lagos devient quasiment absent, laissant aigu d’expérimentation, ouvertement inspiré de répertoires à Paco de Amparo le soin d’accompagner le chant incanta- traditionnels. La chanteuse Mariola Membrives offre un ré- toire et habité de Tomás de Perrate. cital électrique et déstructuré des chansons populaires écrites par le poète Federico Garcia Lorca et enregistrées une pre- Nuevo flamenco mière fois avec la voix d’Argentinita, en 1931. Exit le piano de Derrière son orgue, Raül Refree semble avoir rangé l’au- la version originelle pour laisser place aux guitares saturées dace qui l’a pourtant imposé comme l’un des artisans ac- de Javier Pedreira et Osvi Grecco et au bruitisme imperti- tuels du nuevo flamenco. Par chance, le percussionniste Bo- nent du tromboniste Vicent Pérez. bote ne contient pas son insolence créative. Il a fait lever la Lorca électrique Dans un univers musical désarçonnant, teinté de rock sombre et de free jazz, le souffle poétique de Lorca est intact. Si l’innovation bienveillante des adaptations est à saluer, le style d’interprétation, plus que la voix elle-même de Membrives, apparaît inadapté à ce type d’exploration. Quelques mala- dresses techniques, un public pas des plus ouverts et les crispations palpables de l’interprète contri- bueront à étouffer les vibrations extatiques que l’on était en droit d’attendre. Elle jaillira en deuxième partie de soirée grâce à la touche avant-gardiste de Hodierno, la réinterprétation par David La- gos de chants ancestraux. Accompagnée par son frère Alfredo à la guitare, portée par les créations sonores électro de Daniel Muñoz et stimulée par les saxophones de Juán Jimenez, la voix authen-
tique du maître de Jerez emporte le cante puro Eduardo Guerrero - Sombra Efímera II© Ana Palma au-delà des frontières établies. Il faudra décor- tiquer les nombreuses sources qui nourrissent El sombrero, salle comble du Théâtre Bernadette Lafont comme un seul œuvre inclassable des chorégraphes Rafael Estévez et Vale- homme. Eduardo Guerrero convainc par sa technique, un riano Paños pour apprécier cette relecture du Tricorne, bal- peu moins par son inventivité chorégraphique. Sans doute let créé en 1919 et réunissant la musique de Manuel de Falla, parce que Galván et Molina sont passés par là (et repasse- les ballets russes dirigés par Serge de Diaghilev et les décors ront par ici). Entre invitation onirique, ode écologique et et costumes de Pablo Picasso. jeux amoureux, Sombra efimera II (Ombre éphémère) relève de la performance quitte à dissiper l’émotion. Tout en restant Confrontation des genres époustouflant d’énergie et de précision. Comme leurs inspirateurs, les artistes espagnols se plaisent à LUDOVIC TOMAS bousculer les attendus de l’époque, à confronter les genres, à dépecer les symboliques. Classique, folklore et contemporain se frottent à l’universalité et l’intemporalité d’un flamenco qui Le Festival Flamenco se poursuit jusqu’au 19 janvier à Nîmes vire de la facétie d’une comédie musicale à l’angoisse d’une 04 66 36 65 10 theatredenimes.com descente aux enfers d’ordre psychiatrique. Le décryptage n’est Nos autres critiques sont à lire sur le site journal.zibeline.fr 14 politique culturelle Puits de scienceS Projet phare de la ville de Gardanne, le Puits de sciences qui ouvrira en 2022 dessine fortement sa volonté d’être un pont entre les publics
e 11 octobre 2017, la Ville de Gardanne recevait des mains de Sébastien Lecornu, Secrétaire d’État à la Transition L écologique et solidaire, le prix « Ville de demain, ville intel- Puits Yvon Morandat © Humans & Drones ligente » pour son projet de reconversion du Puits Morandat France, et en termes d’espace capable, nous serons le deu- à l’initiative du maire, Roger Meï, et piloté par la SEMAG*. xième centre scientifique de France. Le pôle Morandat s’étend Au cœur de ce dispositif, le Puits de Sciences qu’évoque pour sur quatorze hectares, le Puits de sciences occupera les 4000 nous Nicolas Fortuit, directeur de la SEMAG. m2 de bâtiments existants, et disposera de trois hectares de Zibeline : comment s’est décidée la reconversion du puits pinède, qui permettront aussi des activités en extérieur. Par Morandat ? notre position géographique, nous nous trouvons au bary- Nicolas Fortuit : En 2003, Gardanne a vécu le trauma- centre de la métropole et du département et nous sommes en tisme de la fin de la mine, avec mille personnes au chômage. complémentarité avec les structures existantes, Aix-Marseille Monsieur le maire a pleuré le jour de la fermeture et a dé- Université, l’Éducation Nationale, le Centre Départemental cidé de concevoir un plan d’aménagement qui créerait de Ressources en Sciences, les acteurs du réseau ré- au moins mille emplois pérennes en réponse à gional de CCSTI (Centre de Culture Scienti- cette perte dramatique. Au premier objectif fique, technique et industrielle), ceux des politique de mettre en place un nouveau réseaux nationaux et internationaux de parc industriel, s’est ajouté un deuxième CSTI (Conseil Stratégique des Techno- objectif, tout aussi capital, à vocation logies de l’Information), l’École des d’éducation, de formation, de culture. Mines installée à Gardanne sur le Le propos étant de rendre à ceux qui Campus Charpak, le technopole de avaient été touchés par la fin de la l’environnement de l’Arbois, The mine un travail, et à leurs familles Camp, mais aussi les associations, et donner les possibilités à leurs en- les institutions culturelles, les en- fants, qui par habitude travaillaient treprises innovantes, les start-ups, à la suite de leurs parents à la mine, comme Aix Marseille French Tech… de trouver un emploi pérenne. D’où Quatre axes de développement sont l’accueil du Centre microélectronique à noter : d’abord le Puits de Sciences de Provence Georges-Charpak (l’un des est conçu comme un lieu fédérateur, six centres de formation et de recherche de outil au service du réseau « Culture Sciences
l’école des mines de Saint-Etienne). Nous cher- Nic PACA », lieu de ressources, de coproduction, olas Fortuit © X-D.R chons à instaurer sur le site de Morandat une vraie d’hybridation des savoirs ; deuxièmement, il aura synergie entre les mondes économique et culturel. D’autre les caractéristiques d’un « living-lab », qui permet aux entre- part, un terreau très actif est déjà présent, Gardanne orga- prises de tester en situation réelle leurs innovations, l’usager nise depuis de nombreuses années la fête de la science, en est ainsi placé au centre de la conception du produit ou du relation avec le Centre Charpak. Ici, l’on passe à une autre service innovant ; troisièmement, il aura une dimension d’in- échelle, pour répondre aux besoins d’une population plus novation pédagogique en ce qui concerne la transmission large, venue de la métropole, du département, de la région, de la culture scientifique, technique et industrielle, vitrine de voire au niveau national et international. toutes ces initiatives au profit d’un large public ; enfin, un Une ambition de « Cité de la Villette » du Sud ? parcours d’interprétation ludique décloisonne le concept Nous ne sommes pas Paris, il ne s’agit pas de la même échelle, du musée, et rend accessible par l’expérimentation et le jeu même si nous sommes au cœur de la deuxième Région de des données scientifiques, technologiques et industrielles. 15
scientifique et d’orientation, constitué de chercheurs mais aussi de représen- tants des futurs utilisateurs dès 2020, travaille sur la programmation de cet outil qui ne se veut en aucun cas figé. Le montant de l’opération s’élève à 14,7 millions d’euros HT, avec la Mairie de Gardanne en maître d’ouvrage, secondée par l’ensemble des collectivités du ter- ritoire, Métropole, Territoire du Pays d’Aix, Département, Région, État. Puits Yvon Morandat © Humans & Drones Un projet éminemment citoyen… Un « Tiers-lieu », qui donne l’exemple… Exactement. Ce lieu, destiné à mettre Absolument, cet incubateur de projets en avant les initiatives des uns et des de culture scientifique se doit d’être irré- autres, repose sur des valeurs de solida- prochable dans sa conception, aussi nous rité, d’humanité, de partage, d’accueil. Il avons préparé un ensemble vertueux, s’agit d’une opération pour le plus grand basé sur l’implantation d’entreprises nombre, dans un esprit de la science innovantes sur le site du Pôle Yvon Mo- pour tous : multifonction, il n’est pas là randat, dont la conception doit répondre pour écraser d’un savoir surplombant, à une charte très stricte correspondant mais pour accueillir. Un restaurant gas- aux critères des quatre labellisations que tronomique et panoramique sera sur le le Pôle a obtenues, celle de Parc d’activité toit du chevalement, tandis qu’une res- Ecoquartier, celle de Quartier Durable tauration plus rapide sera proposée en Méditerranéen, le label PARC et le label bas, les produits venant du local. Une FLEXGRID. Le Puits de Sciences sera ex- réflexion a aussi été menée quant à la ploité selon des règles strictes, alimenté mobilité, le lieu est très accessible par la par un réseau d’énergie unique en son route, des offres alternatives de covoi- genre, entre la récupération de la géo- turage, de ligne de transports en com- thermie grâce au 35 millions de m3 d’eau mun sont mises en place. Il s’agit vrai- (l’équivalent du barrage de Bimont !) de ment de changer de modèle grâce aux la réserve souterraine formée dans les trois axes forts, écologie, emploi, éner- anciennes galeries de ce qui fut le plus gie. Déjà existent deux cents emplois grand puits minier d’Europe (à long terme sur les mille envisagés, alors que le site cette eau pourra aussi être rendue propre n’est pas encore lancé ! L’ouverture au à la consommation), les panneaux photo- public est prévue pour 2022. voltaïques en autoconsommation, la ré- Un concours de maîtrise d’œuvre a été cupération des énergies fatales, l’optimi- lancé… sation des consommations, les échanges Top secret ! Vous aurez les résultats le en blockchain entre les groupes de bâti- 27 janvier ! ments. Dans ce quartier solaire, les bâ- PROPOS RECUEILLIS timents suivent une conception biocli- PAR MARYVONNE COLOMBANI matique, 100% des bâtiments neufs sont labellisés Bâtiments Durables Méditer- ranéens, 100% des constructions du Pôle * SEMAG : Société d’économie mixte d’aménagement de Gardanne et de sa région seront producteurs d’énergies renou- velables. Et le Puits des Sciences aussi, avec des panneaux photovoltaïques sur le toit, son niveau or en bâtiment bio- climatique... D’autre part, un Comité ères 16 politique culturelle 1 DE CRÉATION ARTISTE DE LA BANDE COPRODUCTION ZEF Entre le Faron au nord et la mer au sud, le nouveau quartier Toulon fait entrer Chalucet, labellisé ÉcoQuartier, est un signe fort du renouveau le soleil dans la ville urbain de la préfecture varoise
ouxtant le Musée d’art et composition classique de de Toulon fraichement l’ancienne chapelle trans- Jrénové (lire sur journal- formée en espace d’expo- zibeline.fr), le quartier de la sition permanent, se déve- créativité et de la connais- loppe sur 5000 m2 et compte sance Chalucet offrira aux 70 000 ouvrages. Ses ho- habitants l’occasion de se raires d’ouverture ont été réapproprier cette partie amplifiés puisqu’elle ac- historique de leur ville pen- cueille désormais les lec- dant les journées portes ou- teurs le dimanche ! La Mai- vertes des 17, 18 et 19 janvier. son de la créativité, portée L’inauguration fait suite à par la Chambre de com- un méga chantier démarré merce et d’industrie du Var, en juin 2017 sous la houlette se tourne totalement vers de Corinne Vezzoni et As- les métiers du futur avec sociés. « Une femme du sud l’école de commerce Kedge et de la lumière, une femme Business School et l’école in- de dialogue, explique Hubert ternationale d’architecture Falco, Président de TPM, à Camondo qui double son an- qui j’ai demandé de dessi- tenne parisienne d’une deu- ner un quartier qui prenne xième en Méditerranée. Un en compte son histoire, no- © O. Pastor - TPM même bâtiment accueillera Interview de Virginia Woolf par Édith Amsellem tamment l’ancienne chapelle dès l’automne les étudiants © Vincent Beaume de l’hôpital Chalucet aujourd’hui détruit, et sa porte d’entrée. de l’École Supérieure d’Art et de Design TPM et TVT Inno- Elle nous a étonnés et elle va étonner ». vation, véritable pépinière d’entreprises du numérique. Sans Le projet était pharaonique (le site, situé dans un environne- oublier l’installation des services sociaux du Conseil dépar- VIRGINIA ment dense, compte trois hectares et demi) et ambitieux : faire temental du Var et la construction de logements car, comme de Chalucet un quartier dédié à la créativité et à la connais- le répète Hubert Falco, « la ville, c’est aussi la vie, et donc des À LA BIBLIOTHÈQUE sance. Le résultat est à la hauteur des espérances des sept logements dont on a l’impression qu’ils ont toujours existé ». Édith Amsellem Cie ERd’O partenaires publics et privés. Pour preuve, le label ÉcoQuar- MARIE GODFRIN-GUIDICELLI • tier décerné en 2018 par le ministère de la Cohésion des Ter- D’après Un lieu à soi de Virginia Woolf ritoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales et Portes-ouvertes ÉcoQuartier Chalucet le ministère de la Transition écologique et solidaire qui sou- 17 janvier dès 17h, 18 de 11h à 21h, 19 de 11h à 18h Édith Amsellem fait revenir Virginia Woolf de l’au-delà pour tenir une ligne la volonté de développement urbain durable et la tran- Médiathèque, jardin, Maison de la Créativité, Nuit de la conférence dans une bibliothèque. Virginia déambule ainsi au milieu lecture, exposition, conférences de Corinne Vezzoni (18 sition écologique du territoire métropolitain. Et qui a imposé des esprits qui sommeillent dans les livres, bousculant le quotidien et 19 janvier à 1’auditorium de la médiathèque). du lieu et provoquant d’insolites rencontres. une charte environnementale fondée sur vingt engagements. metropoletpm.fr Édith Amsellem, la comédienne Anne Naudon et le musicien Un quartier créatif dans un poumon vert scénographe Francis Ru irello, orchestrent, non sans humour et Séduit par « l’écrin de verdure somptueux », le cabinet Corinne avec une belle fantaisie ce texte puissant. Un vibrant hommage aux femmes et à la création ! Vezzoni et Associés a étendu le Jardin Alexandre 1er afin « qu’il encadré (on reçoit les chiffres détaillés lundi matin) colonise et réunifie les espaces du quartier, leur donnant en par- Coût de l’opération 120 M€ financés par tage fraîcheur, ombrage et confort urbain ». Aujourd’hui, le jar- la Ville de Toulon, la communauté Tarifs : 13 8 6 3 € MAR 28 MER 29 JANVIER � 20h30 2 d’agglomération Toulon Provence Méditerranée, le HORS ± 1 h din augmenté de 5000 m et les nouveaux bâtiments ne font LES À LA BIBLIOTHÈQUE DU MERLAN Conseil départemental du Var, la Région Provence-Alpes- MURS > 14 ans Avenue Raimu, Marseille 14e qu’un, ouverts sur la lumière qui les inonde de toutes parts, Côte d’Azur, la Chambre de Commerce et d’Industrie du et sur la ville par ses multiples connexions : placette, rues, Var (CCIV), l’État et l’Établissement Public Foncier PACA. Coproduction ZEF en coréalisation avec MAR 04 � SAM 08 FÉVRIER � 20h30 La Criée - Théâtre national de Marseille porte-pont, pavillon d’entrée, etc. Ce qui frappe le plus est la • En partenariat avec le Service des À LA BIBLIOTHÈQUE DE L’ALCAZAR blancheur éclatante de l’îlot où sont réunis des espaces dédiés Bibliothèques de la Ville de Marseille 58 Cours Belsunce, Marseille 1er à la culture, à l’enseignement supérieur et aux nouvelles tech- nologies. 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Photographie © Simon Gosselin 18 politique culturelle Riches Parallèles La sélection finale des projets du programme Parallèles du Sud de Manifesta 13 Marseille a été dévoilée en décembre. Un « off » qui met à l’honneur la richesse de la scène artistique locale
près les inaugurations de deux lieux d’accueil phares de la biennale d’art contemporain itinérante Manifesta A-l’Espace Manifesta 13 sur la Canebière et le Tiers QG dans le quartier de Belsunce-, Les Parallèles du Sud ont dé- voilé en décembre la programmation se déroulant conjointe- ment au programme « officiel » (du 7 juin au 1er novembre) et
dont l’ambition est de mettre en lumière la scène artistique Espace Manifesta 13 © Ange-Lorente - Ville de Marseille locale. Sur les 380 projets reçus après l’appel à candidature, 96 ont été retenus par le jury composé de Hedwig Fijen, di- Abraham Poincheval, Dania Reymond-Boughenou, Oli- rectrice de Manifesta, Colette Barbier, directrice de la Fon- vier Millagou (lire p 97), Rara Woulib, Geoffroy Mathieu, dation d’entreprise Ricard, Alya Sebti, membre de l’équipe Wilfrid Almendra, Jean-Baptiste artistique de Manifesta 13, et Michèle Sylvander, artiste, Sauvage… 75% d’entre eux émanant d’institutions, associations, Grâce aux partenariats passés avec galeries, artistes et commissaires de des festivals internationaux ou des la Région Sud. Chacun de ces institutions locales à la renommée projets « a une dimension inter- internationale, la programmation nationale et réunit un partenaire étend ses propositions sur l’en- local qui en est le coordinateur. À semble de la Région, avec des travers ces collaborations actives expositions collectives et mo- et durables, chaque projet fait écho nographiques de grande enver- à l’approche thématique de Mani- gure comme celles de Nicolas festa 13 Marseille, Traits d’union.s ». Floc’h au Frac Paca (lire p 96-97), et d’Ur- Avec une particularité notable, l’aide sula Biemann au MAMAC à Nice, des installations lors financière apportée par la Région, des Rencontres de la photographie d’Arles dans le cadre du directe et exclusive, au programme parallèle à Grand Arles Express, de Slavs and Tatars à La Villa Arson à hauteur de 500 000 € qui « confirme l’ambition de Manifesta Nice ou lors du festival ¡ Viva Villa ! à Avignon. 13 Marseille de créer un héritage qui subsistera au-delà de la Pluridisciplinaire, le programme ne se cantonne pas aux arts biennale en 2020, à travers la création et l’animation de ces visuels et à l’art contemporain, et présente aussi des événe- nouveaux réseaux de collaborations au niveau local, régional, ments musicaux, théâtraux, des performances et des confé- national et international ». rences, tables rondes, notamment lors du FIDMarseille, du Festival de Marseille (notamment avec Rara Woulib et son Richesse et diversité Mounfou), au Ballet National de Marseille ou à l’École supé- Si l’on ne connaît pas encore le programme de Manifesta 13, rieure d’art & de design Marseille-Méditerranée (ESADMM). celui des Parallèles du Sud a été annoncé en décembre. Elle Durant les cinq mois de la biennale, ces Parallèles se feront révèle une grande richesse, du fait du nombre de partici- créatifs, essentiels, indispensables ! pants, mais aussi des projets qui émailleront toute la région. DOMINIQUE MARÇON Sur les 350 participants, 200 sont des artistes, avec une parité respectée puisque la moitié sont des femmes. Citons parmi manifesta13.org elles et eux le Collectif Ildi !Eldi, Cari Gonzalez Casanova, actualité culturelle lgbt du sud-est 19 Quand la fête se fait queer, elle devient politique. Un phénomène grandissant Cité porté par plusieurs collectif dans le Sud-Est Queer Des nuits aussi rebelles que leurs jours
uand Paulo et Erika cherchent des soirées qui leur « res- Public, responsables du lieu accueillant et personnel de sécu- semblent », cela n’est jamais facile. Même à Paris. « Qui rité sont sensibilisés aux principes érigés en règle de bonne Qleur ressemblent », cela signifie un espace où une per- conduite. En cas de comportement déplacé, pas de recours, sonne transgenre et une femme racisée, amatrices de sono- c’est la porte. Inclusivité et intersectionnalité sont les deux rités hip-hop, se sentent libres et bienvenues. « Pouvoir dan- piliers du collectif. TPG mais aussi anti-raciste, anti-patriar- ser, s’embrasser, s’habiller ou se mettre torse nu sans se dire cal, anti-capitaliste et particulièrement remonté contre celles qu’on est dans la représentation et relâcher la pression infligée et ceux qui mettent à l’index des combats féministes les per- au corps dans une société hétéro-patriarcale occidentale ». Des sonnes trans ou travailleuses du sexe. « On a besoin de se serrer aspirations somme toute légitimes qui les décident à passer les coudes. » Et de pester contre les événements qui cherchent du constat à l’action. Le binôme s’installe à Marseille en 2016, à « s’acheter une conscience queer ». Eux ne sont « pas là pour créé l’association Baham Arts et lance, dès l’année suivante, faire de l’argent », les entrées étant à prix conscient et les bé- le festival Umoja. L’événement alterne avec Intersections, néfices reversés à des luttes. autre festival dans le même « esprit de valorisation des minori- tés des minorités, de ceux qu’on ne voit jamais, et pour rompre Plus alter qu’anti l’isolement des artistes pour lesquels il est difficile d’avoir accès C’est en faisant un sondage dans le fumoir d’un établisse- à une programmation », précise Paulo, 29 ans, « sorti du pla- ment gay de Nice, à quelques semaines de l’élection prési- card à 26 » et en transi- dentielle, que David Mus tion dès 27. a eu un déclic : « 100% des mecs interrogés avaient Queer versus LGBT l’intention de voter pour Pour lui, la différence Marine Le Pen. Je me suis entre des événements es- dit que je ne faisais pas tampillés LGBT et le cou- partie de cette commu- rant queer est la reven- nauté et qu’il fallait repoli- dication d’une « identité tiser tout ça ». On pourrait politique avec une remise qualifier cette mésaven- en question des genres ». ture d’acte de naissance Chacune des initiatives de Punk et Paillettes. Et est organisée en soutien à l’envie d’en découdre avec
une cause ou en mémoire Festival Umoja © SanSanTofland « la même mauvaise dance de victimes, de la TransPride du Pakistan au jeune Ibrahim music qu’on entend partout ». Parti de ce constat, et conforté Ali. À l’instar du collectif Error.TPG, également marseillais. par la dérive commerciale et consumériste d’une Gay pride TPG pour Trans Pédé Gouines, l’acronyme généralement uti- niçoise devenue Pink Parade, David organise des concerts lisé par les groupes alternatifs qui luttent contre l’aseptisa- chez lui où se retrouve un public militant, LGBT, féministe… tion et la dépolitisation du mouvement LGBT+. Noémie, Gaël Ambiance gauche libertaire. En intermèdes, des groupes de et Julien, pas encore trentenaires, sont « à la base trois potes parole, des lectures féministes, de la prévention sous forme réunis par l’amour de la musique et la de la techno en particu- de jeux et même des sketches. « Il y a une forte demande, on lier ». Doté d’un manifeste, le collectif porte une « démarche refuse à chaque fois du monde », témoigne cet éducateur spé- de renversement des rapports de force par une réappropriation cialisé de 47 ans, amateur de punk, de cold wave et de live de lieux qui ne sont pas à l’origine dédiés à la communauté, électro. « Je me sens plus alter qu’anti ». Déjà un début de ré- mais solidaires, pour en faire des espaces de fête sécurisés ». volution pour Nice. LUDOVIC TOMAS Combats féministes « Quand tu es une meuf, tu as sans cesse à dire non à quelqu’un. Il y a en a marre d’expliquer, de se justifier. Il n’y a pas de place L’actualité des collectifs peut être suivie sur pour le non-consentement dans nos soirées », explique Noémie. leurs pages Facebook respectives 20 société
Sortir du paysage Réensauvager le monde, une urgence existentielle. Dans notre vieille Europe, mitée par le béton, cela passe par le dessin d’un réseau ouvert à la circulation du vivant
IPBES1, considérée comme le GIEC de la biodiversité, a publié au printemps 2019 l’étude la plus exhaustive ja- L’ mais réalisée sur ce sujet. Le vivant s’effondre. Espèces animales, végétales... leur taux d’extinction est « sans précé- dent dans l’histoire humaine » et il s’accélère, conséquence directe de notre activité. « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsis- tance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier. » L’humanité se leurre si elle pense réchap- per à cette hécatombe, smartphone dernier cri à la main pour
filmer la débâcle. Il faut résolument desserrer notre emprise La Gimette © Herve Gasdon president de la societe Alpine de Protection de la Nature sur la planète et réapprendre à partager. Nous avons besoin du sauvage, et le sauvage, pour vivre, a besoin d’espace, d’in- coupe de bois ni chasse n’y seront autorisées, ce qui n’est pas teractions, de circulation. Dessiner des trames vertes, bleues systématiquement le cas dans nombre de secteurs protégés ou noires est un bon début. par décret, Parcs nationaux ou zones Natura 2000. Ce concept de trames a été formalisé lors du Grenelle Envi- Le botaniste Francis Hallé (lire sur journalzibeline.fr) a publié ronnement, comme un outil d’aménagement du territoire, en octobre dernier une tribune dans le quotidien Le Monde. à l’échelle nationale, « qui permette aux espèces animales et Il y clame « l’urgence absolue de reconstruire de grandes fo- végétales de circuler, de s’alimenter, de se reproduire, de se rêts primaires2 » en Europe, et détaille un projet ambitieux, reposer... en d’autres termes, d’assurer leur survie » (source : pour ceux qui dans 700 ans en verront les fruits, un « retour DREAL Paca). Il relie les réservoirs importants de biodiver- vers les forêts de haute qualité qui couvraient jadis le conti- sité, montagnes, littoraux ou zones humides, via des corridors nent », « tournant le dos à l’immédiateté qui guide nos modes écologiques, qui franchissent ou contournent les obstacles de vie actuels ». Une entreprise qu’il souhaite inscrire dans la dressés par l’homme, tels que barrages ou autoroutes. Le Constitution, et qui impliquerait le retour de la grande faune tout formant ce que l’on appelle une continuité écologique. forestière européenne, ours et bisons compris ! Même en milieu très dégradé, industriel ou urbanisé, ou sur Rendre à la forêt de petites surfaces, il est possible de faire quelque chose : son Le Grenelle a eu lieu en 2007 ; depuis les efforts consentis par confrère botaniste Akira Miyawaki a mis au point une mé- le gouvernement et les collectivités n’ont absolument pas suffi thode pour restaurer les sols pollués à l’aide de micro-forêts. à freiner la chute de la biodiversité. Mais l’idée fait son che- Denses, elles jouent pleinement leur rôle de forêt : abritent min, et certains collectifs écologistes, non contents de lutter plus de biodiversité, limitent la propagation des maladies, pied à pied contre les grands projets inutiles, fermes-usines climatisent les environs, enrichissent les sols et l’eau souter- ou centres commerciaux, qui vont à contre sens, explorent raine, fixent le carbone et sont beaucoup plus résilientes face d’autres voies. En utilisant parfois... l’un des piliers du ca- au réchauffement climatique, qu’elles contribuent à réguler. pitalisme, garanti en France par la Constitution : le droit de propriété. Cet hiver, l’ASPAS, Association pour la Protection Rendre à la rivière des Animaux Sauvages, a acheté 500 hectares dans le Vercors, Voilà pour les trames vertes, qui se densifient selon les ter- pour en faire une réserve « où arbres, plantes, insectes, loups, ritoires au gré des initiatives collectives ou individuelles... cerfs, renards, sangliers, aigles, vautours, etc. auront le temps ou s’étiolent, lorsque les Plans locaux d’urbanisme leur sont et l’espace d’évoluer librement, sans pression humaine » : ni défavorables. Les trames bleues quant à elles concernent 21
alliée à d’autres structures écologistes, dénonce le projet porté par la commune de Savines-le- Lac (Hautes-Alpes), pourtant signataire de la Charte du Parc national des Écrins, d’illumi- ner un pont traversant le lac de Serre-Ponçon. Coût initial évalué à plus de 325 000 €. Des Pénitents des Mées au Fort de Briançon en passant par la citadelle de Sisteron, les sites remarquables sont éclairés au bénéfice des automobilistes filant vers les sports d’hiver, mais au détriment des chauve-souris ou pa- pillons nocturnes. La FNE demande que la notion de trame noire puisse être enfin tra- duite dans les textes officiels, que de nouveaux projets ne soient pas entrepris, et a minima « que l’on gère l’existant de manière raisonnée : pas d’éclairage toute l’année, pas toute la nuit, en évitant surtout les périodes de migrations ». Hélas, à Nice le préfet des Alpes-Maritimes a délivré le 31 décembre 2019 le permis de construire de l’extension de l’aéroport, pour une augmentation de plus de 50% du trafic aérien. Avec les pollutions lumineuse, sonore et atmosphérique qui iront de pair. À proxi- mité immédiate d’une zone humide et d’un secteur classé Natura 2000. Une nouvelle décennie commence. Pour prendre la mesure de l’urgence, nous pourrions com- mencer par méditer un texte à paraître dans la revue syndicale Antidote, rédigé par un fo- 3 La Gimette © Herve Gasdon president de la societe Alpine de Protection de la Nature restier de l’ONF . Un agent qui pleure en par- courant les forêts exploitées pour le compte de comme leur nom l’indique les milieux aquatiques. À Velaux, l’État, et qui demande aux arbres « Pardon, pardon pour les commune des Bouches-du-Rhône où coule un petit fleuve, hommes... pardon pour tout ce carbone rejeté sans conscience, L’Arc, les habitants ont entrepris de remettre en service un pardon pour cette insouciante surconsommation perpétuelle, ancien moulin, pour produire leur propre énergie hydroélec- pardon pour cette chaleur implacable qui vous tue... On sa- trique (lire sur journalzibeline.fr). Denis Hoarau, président vait, depuis longtemps, mais on a continué, comme si de rien de Provence Énergie Citoyenne, est particulièrement satis- n’était… Pardon, pardon... On a tous, chacun, notre respon- fait d’un dispositif qui permet aux poissons de remonter ou sabilité. Parce qu’on n’a pas entendu, pas cru, parce qu’on a descendre librement le courant. « Le barrage de la Marie-Thé- pensé que c’était pour demain. » rèse a 500 ans. Jusqu’ici, les anguilles tentaient désespérément GAËLLE CLOAREC de le franchir en s’accrochant aux algues. À présent, des er- gots assurent facilement l’accès vers l’amont ; vers l’aval, on 1 Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité a construit un toboggan de dévalaison pour que les animaux et les Services éco-systémiques : ipbes.net arrivent dans une piscine sans se blesser. » 2 Forêt n’ayant jamais été ni défrichée, ni exploitée, ni L’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse a financé plus modifiée de façon quelconque par l’homme. de la moitié du budget de cette installation, soit 95 700 € de subvention. Malheureusement, comme nous vous l’expli- 3 Forestier de l’an 2000 (l’auteur a souhaité garder l’anonymat) quions cet été (lire sur journalzibeline.fr), le gouvernement a baissé l’enveloppe globale de la structure de 13%, sur son programme d’intervention 2019-2024. Autant d’argent qui manquera pour des projets de ce type, malgré la preuve de leur efficacité. Rendre à la nuit Pourtant, des sommes importantes il s’en dépense énormé- ment en France... à rebours de ce qu’il faudrait faire. Bernard Pour aller plus loin : Patin, de France Nature Environnement, déplore l’éclairage Association nationale pour la protection du ciel et artificiel qui perturbe de très nombreuses espèces animales de l’environnement nocturnes : anpcen.fr actives la nuit, au crépuscule ou au petit matin. L’association, rewildingeurope.com/what-is-rewilding/ (site anglophone) 22 portrait Manivette, une aventure indépendante ciotadenne
Dans l’ombre de la tribu a Ciotat, son Vieux-Port, ses chantiers navals, ses calanques et son label musical. S’il ne figure pas encore sur les do- Lcuments de l’office de tourisme,Manivette Records fait du Massilia Sound System, pourtant rayonner la cité devenue balnéaire sur bien des scènes françaises voire européennes. Sa fondatrice : Emmanuelle Emmanuelle Tirmarche se Tirmarche, que tout le monde appelle Manue (Maniveta en provençal). La Provence n’est pourtant pas vraiment dans son consacre depuis plus de vingt ADN. Picarde née dans l’Oise, département limitrophe avec l’Île-de-France, elle se forme à l’Institut des hautes études des ans à la valorisation de la scène communications sociales, à Bruxelles. C’est un stage prolongé en poste d’attachée de presse chez Bondage records, à Paris, occitane. Portrait qui la fera succomber au chant des cigales. « C’était la première fois que Bondage accueillait une stagiaire », se souvient-elle. C’est l’époque où le label indépendant porte des groupes em- blématiques de la bouillonnante scène rock alternative fran- çaise comme les Bérurier Noir, Ludwig von 88, les Satellites mais également Massilia Sound System qui sort son premier album au format CD en 1991. Tombés amoureux à Paris Cinq ans plus tard, Manue quitte la capitale pour Marseille -avant de s’installer à La Ciotat-, les yeux qui brillent et le cœur qui bat pour un certain Moussu T. « On est tombés amoureux à Paris. Comme c’était impossible de continuer comme ça, j’ai demandé à être licenciée. » Installée dans le Midi, c’est à la valo- risation de la nouvelle scène occitane, au croisement des mu- siques traditionnelles et actuelles, qu’elle souhaite se consa- crer en montant l’association MicMac. Gacha Empega, Nux Vomica, La Talvera, Dupain, Lo Còr de la Plana, Mauresca Fracàs Dub... De la Côte d’Azur au Tarn, c’est tout l’archipel musical d’héritage occitan que MicMac accompagne. Occitan mais toujours dans une démarche d’ouverture sur le monde, avec aussi des artistes comme Jagdish et Toko Blaze. « Tous des collègues et amis de Massilia Soud System. » Elle quitte l’aventure en 2004, en raison de « dissensions », sans imagi- ner qu’elle entreprendrait le grand saut. Le grand saut Le projet Moussu T e Lei Jovents est alors dans les tuyaux. « L’idée initiale était un trio mêlant le répertoire de la chanson marseillaise des années 30 aux musiques brésiliennes. Toutes les maisons de disque trouvaient ça super mais ne voulaient pas s’engager. » Toutes, à l’exception du Chant du monde, un label d’Harmonia Mundi, qui fait une proposition de licence, ce qui
Emmanuelle Tirmarche © Manivette records signifie qu’il fallait produire le disque et livrer le produit fini. « C’était un signe. Je ne pouvais pas m’arrêter là ! » Depuis, ce sont six albums de compositions, deux reprenant le répertoire 23
À La Ciotat de l’opérette marseillaise, un CD/DVD en concert, une com- Moussu T e lei Jovents pilation sortie en novembre dernier et une nouveauté à l’au- tomne en ballade et en duo entre Moussu T et le guitariste C’est Emmanuelle Tirmarche Blu. En 2010, Manivette Records produit le premier disque en (lire son portrait ci-contre), solo de Gigi de Nissa, chanteur de Nux Vomica. Elle convain- fondatrice du label Manivette cra ensuite Massilia Sound System, sans maison de disque Records à la scène et Madame ni album depuis 2007, de se remettre au turbin pour sortir Moussu T à la ville, qui a sélec- l’opus des trente ans du groupe, sobrement intitulé Massilia. tionné les 17 titres composant ce « best of ». Une combinai- 100 000 disques vendus son subtile entre les morceaux « Ils ne pouvaient pas passer à côté de cet anniversaire... », sou- qui ont connu le plus grand ligne comme une évidence celle qui gère à présent le fond de nombre de téléchargements, catalogue du groupe. Puis paraîtront le livre de Camille Mar- des chansons légères ou caustiques, des plus engagées, certaines tel et le film deChristian Philibert sur l’une des plus emblé- interprétées en français, d’autres en occitan. Quinze ans et six al- matiques et indéboulonnables formations marseillaises avec bums de compositions originales de Moussu T e lei Jovents dont IAM et Quartiers Nord. Car à côté du label, Emmanuelle Tir- l’essentiel est gravé sur cette première compilation du groupe, ex- marche créé les Éditions du Gabian, en charge des droits ception faite du répertoire de la chanson d’opérette marseillaise. éditoriaux des productions du label, qui contribue à la noto- On réécoute avec plaisir cet assemblage singulier de blues médi- riété des œuvres. Troisième volet du triptyque, l’association terranéen, d’accent provençal et de percussions du Nordeste bré- Salabrun pour la création et la diffusion des spectacles. Une silien. L’héritage portuaire des villes comme Marseille et La Ciotat, petite entreprise qui ne connaît pas la crise, comme le chan- leurs bastions de la solidarité ouvrière, le mesclun des cultures tait Bashung ? Manivette Records totalise près de 100 000 al- populaires transpirent de cette musique qui contient autant de bums vendus. « Sur les quinze années d’existence, je n’ai été saveurs des Amériques et d’Afrique que d’Occitanie. salariée que pendant deux ans. La crise du disque et le bas- LT culement vers le digital à partir de 2006 a provoqué une ca- tastrophe au niveau financier pour les petites structures. Un disque coûte toujours aussi cher à fabriquer. La vente d’un CD rapporte 2 euros et le streaming 0,0001 euros. Ensuite, il faut Mixtape reverser aux artistes. C’est Tatou (Moussu T, ndlr) qui ramène Massilia Sound System l’argent au foyer », conclut son épouse. C’était l’époque où les DJ À la punk envoyaient leur sélection Grâce à la combinaison des différentes activités et à une ges- musicale sur des cassettes. tion rigoureuse, Manivette et consorts maintiennent l’équi- L’époque des ghetto-blaster, libre. Sa condition de femme cheffe d’entreprise dans le mi- ces radiocassettes démesurés lieu musical ? « Il a certainement fallu que je fasse davantage des années 70 et 80 que l’on mes preuves sur le long terme mais j’ai été formée à l’école de baladait sur l’épaule, à New l’indépendance où les filles avaient leur mot à dire. À la punk, York comme à Marseille. C’est quoi ! » Vivre avec un artiste qu’elle défend ? « On discute mais dans cet esprit que DJ Kaya- chacun laisse l’autre mener sa barque. » Une barque amarrée lik, l’homme aux platines de depuis 22 ans dans la même maison à La Ciotat, où deux en- Massilia Sound System, éga- fants ont grandi. C’est peut-être avec la tribu Massilia qu’elle lement compositeur, a réalisé use surtout de son tact de facilitatrice du relationnel. « Ce n’est la Mixtape du groupe qui a passé la barre des trente-cinq années pas toujours facile à gérer. Ce sont tous des grandes gueules et d’existence. Une longévité rare qu’il était non seulement difficile il faut parfois s’imposer. Mais je les ai connus il y a très long- mais aussi réducteur de résumer en une banale compilation. D’où temps et il y a un respect mutuel. Le plus compliqué, mainte- ce choix véritablement artistique et original de la part de Kayalik nant qu’ils ont des projets parallèles, c’est de coordonner les de synchroniser les tempos, faisant de la succession de nombreux plannings pour rassembler tout le monde. » Cet été, elle sera titres -des plus célèbres aux plus rares- un morceau ininterrompu, à l’œuvre pour une tournée particulière puisqu’elle rassem- de fondus en refondus. Sélection, agencement et élaboration des blera des membres de Massilia Sound System et les cousins enchaînements et des extraits, le DJ exprime là son talent souvent toulousains Mouss et Hakim, piliers de Zebda et des Moti- minimisé en fond de scène. On ne pouvait guère trouver mieux vés. Le nom de cette rencontre de répertoires croisés : « Pas pour retranscrire l’esprit du Commando Fada. d’arrangements ». On s’en serait douté. LT LUDOVIC TOMAS 24 événements Voyager au Mucem Le programme de début d’année au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée
Exposition Voyage voyages. Mona Hatoum, Hot Spot (stand) detail, 2018 © Mona Hatoum. Galerie Chantal Crousel, Paris Photo Florian Kleinefenn 25 Voyager au Mucem
Exposition Voyage voyages. Barthelemy Toguo, Road to exile, 2007. Paris, Collection du Musee national de l'histoire de l'immigration © Adagp, Paris, 2019. > Photo Courtoisie Galerie Lelong Paris
Bilan 2019 était « une année exigeante et contrastée », selon le bilan accompagnée par un rythme électronique entraînant : Voyage publié début janvier par les équipes du Mucem. L’exposition Voyages. Elle est à l’origine du titre de la nouvelle exposition Jean Dubuffet, un barbare en Europe, la plus importante, a prévue au J4 du 22 janvier au 4 mai. Une centaine d’œuvres attiré près de 150 000 visiteurs. Le temps de l’île 127 000 ; On rassemblées par les commissaires danse ? quasiment 85 500 ; et celle qui a le moins rallié les Christine Poullain et Pierre-Ni- foules, parce que centrée sur une personnalité moins connue colas Bounakoff : peintures, sculp- du grand public, George Henri Rivière, voir c’est comprendre, tures, installations, dessins, photo- tout de même 46 500. Un bilan qui sera à affiner avec les graphies, vidéos issues de collections chiffres des expositions en cours qui ont « bien démarré » : publiques et privées, notamment Kharmohra - L’Afghanistan au risque de l’art et surtout celle des fonds du Musée national d’art consacrée à Jean Giono (lire sur journalzibeline.fr). moderne (Centre Pompidou) et des Si les visiteurs marseillais continuent à représenter près d’un collections modernes et contem- quart de la fréquentation, le Mucem étant un lieu qu’on aime poraines des musées de Marseille. à voir et à revoir, ne serait-ce que pour la prouesse architec- Car le thème du voyage a inspiré de turale de Rudy Ricciotti, la part du public étranger atteint un nombreux artistes : Paul Gauguin, autre quart. Un effet du tapis rouge déroulé par la munici- bien-sûr, attiré par les îles (et les palité aux croisiéristes, qui débarquent à proximité et n’ont très jeunes filles, malheureusement qu’un choix à faire entre les Terrasses du Port et la specta- pour elles), qui vécut et mourut à Ta- culaire résille en béton noir du bâtiment principal ? Ou bien hiti. Mais aussi Vassily Kandinsky, une attractivité internationale stimulée par les choix de pro- Paul Klee, Max Ernst, Andy Warhol grammation ? Notons en tous cas que le Centre de conserva- ou Henri Matisse, dont les œuvres tion et de ressources du musée, situé à la Belle de Mai, plus côtoieront celles de contemporains loin des circuits touristiques, a de son côté vu le nombre de comme Martin Parr, photographe ses visiteurs augmenter de 44%. 5416 personnes s’y sont dé- superstar du kitsch, Zineb Sedira placées en 2019, ce qui reste trop peu au regard de l’intérêt ou Mona Hatoum. que représentent ses réserves et sa bibliothèque spécialisée Cette confrontation, explique Chris- en ethnologie et sciences humaines, mais s’avère encoura- tine Poullain, est significative. « Le geant pour les expositions « atypiques, expérimentales et no- XXe siècle et le début du XXIe siècle vatrices », réalisées avec des établissements scolaires, qui s’y ont été jalonnés de multiples dépla- tiennent régulièrement. cements induits par des motifs très divers. Ils ont conduit les artistes à inventer une conception nouvelle de Voyage voyages l’art, une vision autre du monde, à Allons, que les plus de 40 ans se dénoncent ! Il y a fort à parier explorer toutes les techniques pos- qu’ils se rappelleront d’un tube interprété en 1986 par la chan- sibles et à métamorphoser le paysage teuse Desireless, une jolie voix sous une coupe improbable, artistique. » Des avancées qui selon 26 événements
Pierre-Nicolas Bounakoff « n’auraient jamais eu lieu si les mystérieuse notion qu’il prendra certainement le temps d’ex- artistes étaient restés tranquillement chez eux ». L’exposition pliciter aux novices. Le 20 janvier, c’est la plateforme de dif- ne fera pas pour autant l’impasse sur les aspects sombres fusion de documentaires d’auteurs Tënk qui invite les visi- du voyage : transit, exil, errance et migrations y seront aussi teurs du musée à assister à une double projection sur la Grèce abordés, à travers par exemple l’installation puissante de la en crise : Archipels, granites dénudés de Daphné Hérétakis japonaise Chiaru Shiota, une vague d’une centaine de valises (2014) et Athènes Rhapsodie d’Antoine Danis (2017). usagées suspendues par un fil rouge. Pour la quatrième fois, revient le temps fort Algérie-France, la voix des objets. Du 27 jan- vier au 10 février, Florence Temps fort cinéma Hudowicz, Camille Faucourt Une riche programmation (conservatrices) et Chris- culturelle se poursuit autour tian Phéline (historien) ont de l’exposition Giono. Jusqu'au prévu une sélection d’images 19 janvier, des projections au- et d’items visibles dans le ront lieu dans l’auditorium Forum, ainsi que trois tables Germaine Tillon, introduites rondes pour mieux comprendre par Jean-Pierre Darroussin. la forte mobilisation de la popu- Le comédien lira des extraits lation algérienne depuis un an. des chefs-d’œuvre de l’écri- Au moment où nombre de voix vain, Les âmes fortes, Un roi demandent une 6e Constitu- sans divertissement, Regain tion en France, elle envisage la
ou encore Le Hussard sur le Regain © CMF - MPC mise en place en Algérie d’une > toit, avant que le public ne redécouvre leurs adaptations au Deuxième République, plus démocratique. cinéma par Raoul Ruiz, François Leterrier, Jean-Paul Rap- Du 13 au 15 février, c’est autour de l’exposition Kharmohra peneau ou Marcel Pagnol. - L’Afghanistan au risque de l’art que le Mucem orchestre sa Le temps fort Jean Giono, artisan d’images sera également programmation culturelle. Le cycle Le temps des archives l’occasion de prendre la mesure de son talent de scénariste et reviendra sur l’invasion soviétique du pays en 1979, jusqu’à de cinéaste, puisqu’il a participé à un certain nombre de pro- son retrait 10 ans plus tard. Le documentaire La maison de jets cinématographiques, et réalisé lui-même Crésus, en 1960. l’histoire, tourné à Kaboul pendant la guerre civile des années Afin d’amorcer le cycle, qu’il animera tout le long,Jacques 1990, sera diffusé en présence du réalisateur et producteur Meny, conseiller scientifique de l’exposition et auteur du do- Siddiq Barmak. Une table ronde s’ensuivra, sur la question cumentaire Le mystère Giono, sera présent le 16 janvier pour de la sauvegarde du patrimoine afghan. Pour conclure, on la projection en version restaurée de son film. pourra voir une fiction plus récente, le film deSarah Mani, A Thousand Girls Like Me (2018), l’histoire d’une jeune femme qui ose évoquer l’inceste dans un pays très conservateur. Programmation d’hiver Par ailleurs, vous tenez l’occasion d’aller visiter le Centre de Comme toujours, des rencontres sont régulièrement organi- conservation et de ressources du Mucem à la Belle de Mai ! sées au Mucem. Le 17 janvier, l’Institut des méditerranéen des Le 25 janvier, en partenariat avec le Festival Parallèle (lire métiers du patrimoine propose une journée d’études en accès pages 28 et 29), il accueillera une performance sonore, recueil libre, en compagnie de l’historien Philippe Artières, sur le de paroles de personnes délogées à Marseille, par Adina Se- thème de L’accrochage de récits comme opération historienne, cretan (entrée libre). GAËLLE CLOAREC
Jean Giono, artisan d’images Jusqu'au 19 janvier
Voyage Voyages 22 janvier au 4 mai (portes ouvertes le 21 janvier)
Algérie-France, la voix des objets 27 janvier au 10 février
L’Afghanistan à l’épreuve de l’histoire 13 au 15 février
Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org
Les arcades. La rampe Magenta, Alger, Etienne Bouchaud, 1947, huile sur toile, mhfa2009.8.1. Depôt de Montpellier Mediterranee Metropole au Mucem © Frederic Jaulmes FéV MARS mer 12 fév • 19h SOIRÉE RÉCITS DU RÉEL : SAISON Du nord au sud Wilma Lévy ◊ Cie Les Passages Polices ! 19 Lecture de Sofiane Bennacer et Sonia Chiambretto 20 mar 3 sam 7 mars LE SAUT LA FICTION & d’après Les trois sœurs de Tchekhov LE DOCUMENT Olivia Corsini ◊ Création universitaire de la section Arts de la scène mer 11 mars • 19h théâtre-vitez.com KILLING ROBOTS 04 13 94 22 67 Linda Blanchet ◊ Cie Hanna R Aix-en-PRovence mar 17 mars • 15h et 20h Aix-Marseille Université Le Cube - Site Schuman LE RESTE... d’aprés Martin Crimp ◊ Angie Pict Cie L’Argile mer 25 mars • 20h LA PROMENADE Robert Walser ◊ Malte Schwind Théâtre Cie En Devenir 2 Antoine ven 27 mars • 19h OUI, OUI, JE SAIS. d’après État Civil de Sonia Chiambretto Vitez Gaspard & cie ◊ dans le cadre de la Biennale des écritures du réel Hors les murs au Théâtre de la Cité - Marseille
Cornillon-Confoux | Fos-sur-Mer | Grans Istres | Miramas | Port-Saint-Louis-du-Rhône
Festival des Arts du Geste
5 > 16 février 2020 www.scenesetcines.fr Partenaires institutionnels
Partenaires
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MARTIGUES-SOLIDAIRE-2020-1/4 ZIBELINE 100x140.indd 2 09/01/2020 15:03 28 événements Les formes contemporaines Si la pluridisciplinarité reste le socle en partage artistique de Parallèle, la 10e édition du festival international des pratiques émergentes amorce une nouvelle étape. Entretien avec Lou Colombani
Ce n’est donc pas une disparition mais un renouveau. Pas de disparition peut-être mais au fi- nal moins de dates tout de même. Cela demandait beaucoup d’énergie de porter nos projets respectifs. C’est donc le moyen trouvé pour maintenir une équipe au travail à l’année. Cela va aussi nous permettre de développer le pôle production. Les artistes avec lesquels nous travaillons explorent de nouveaux langages, de nouvelles formes et ont be- soin d’accompagnement pour trouver les bons interlocuteurs et partenaires. Le calcul et l’enjeu, c’est également de stabiliser des postes. Nous aboutissons donc à un projet renforcé et étoffé, dans un moment où il pouvait y avoir une fatigue et une diminution de moyens qui ne permettaient pas de maintenir deux festivals. Il s’agit aussi de sortir de la logique d’iceberg qui réside dans l’événementiel. Lou Colombani © X-D.R Vous avez prononcé le mot fatigue ? ondatrice historique du festival Pa- à la pérennisation des substances des Cela fait treize ans que j’ai fondé et que rallèle, Lou Colombani en assume deux projets. Cette fusion perturbe les je porte Parallèle. C’est important de le F désormais la codirection artistique deux parties. Si c’est le nom de Parallèle nourrir autrement car on peut finir par au côté de Francesca Corona, venue qui reste visible, son contenu ne va pas ne plus avoir le même moteur, la même de l’Officina et du festival Dansem qui rester intègre, il sera nourri différem- énergie à défendre les choses. En 2006, fusionnent dans un projet repensé pour ment avec une double direction artistique, c’est la première édition. En 2007, on se sa pérennité. Explications portée par Francesca Corona (qui a suc- demande comment on continue et en cédé à Cristiano Carpanini la direction 2008 la crise est là. Le projet est parti Zibeline : La fusion entre Parallèle et l’Of- de l’Officina, ndlr) et moi-même. Une de rien et a dû trouver sa place, avec ficina met fin au festival Dansem. Est-ce double direction artistique, c’est sortir sans cesse la nécessité de le redéfinir une conséquence voulue et assumée ? de la position hégémonique du program- et le redéfendre pour qu’il existe l’an- Lou Colombani : Comme tous mateur. C’est un double regard et une née suivante. les projets, Dansem, avec sa longue et double capacité à aller voir des choses, Votre installation à Coco Velten marque- belle histoire débutée en 1998, était ar- une mise en dialogue de ce qu’on pré- t-elle un autre tournant ? rivé à un moment où il avait besoin de sente et pourquoi on le présente. Nous Ce lieu est une base partagée entre des se réinventer. C’est un processus long, avons des valeurs au travail et des ma- associations actives dans divers secteurs démarré avec Cristiano Carpanini (le nières de collaborer avec les artistes qui de la société. C’est donc un espace ali- fondateur de l’Officina, ndlr), pour aboutir sont partagées, nous faisons ensemble. menté par des énergies et des points de 29 vue très différents. Une moitié du bâ- timent est dédié à l’habitat. On est en contact permanent avec des gens qui ont d’autres préoccupations, d’autres centres d’intérêt et d’attention. Nous touchons ici un enjeu fondamental de société : comment on se questionne sur le monde, comment on envisage d’autres manières de percevoir le monde que la nôtre, comment on fait tomber les murs physiques et dans la tête. Cela a-t-il des conséquences jusque dans la programmation ? Cela influe sur la façon de penser la pro- grammation et les dispositifs pour que les gens y aient accès. Cela nous per- met d’élargir la relation au public qui n’est pas forcément acquis à la cause de la culture contemporaine. Autrement La Tristura, Future Lovers © Mario Zamora dit, comment défend-on le fait que les formes contemporaines s’adressent à Inter, pluri et tous et comment on développe les ou- tils pour arriver à entrer en dialogue avec des personnes qui ne sentent pas transdisciplinarité concernés au préalable ? Par exemple, la soirée du 30 janvier est coorganisée onforté par la confiance d’un public Les thèmes de l’adolescence et la jeu- avec la Cloche Sud (association de soli- de plus en plus divers et curieux, le nesse sont particulièrement présents. darité et pour lien social avec les gens de Cfestival Parallèle se propose d’ex- D’abord avec Future lovers par la Tris- la rue, notamment à travers le Carillon, plorer les pratiques émergentes dans le tura (le 24), fruit d’un travail en labora- ndlr) autour des questions d’hospitalité, spectacle vivant comme les arts visuels. toire et en ateliers avec des adolescents de complexité et d’hétérogénéité. On en Dans ce domaine, le dispositif la Relève, pour travailler sur les singularités de peut pas parler d’hospitalité si nous, en à l’issue d’un appel à projet autour de leur rapport au monde, notamment à tant que microcosme socio-profession- la thématique « L’âge du faire », permet l’ère de la numérisation. nel, clivons les choses. pour la deuxième année consécutive la Ensuite avec Tu deuh la miss de Sara La dimension internationale de la mani- constitution d’une exposition collective Sadik (le 1er février) qui a travaillé sur la festation semble aussi s’affirmer. d’artistes issus de formation supérieure sensualité et l’émotionnalité des jeunes Notre projet de coopération internatio- et en phase de professionnalisation. Un corps masculins. L’artiste qui vit à Mar- nale « More than this », corédigé avec l’Of- jury de personnalités a sélectionné les seille est au programme de la soirée de ficina, a été retenu par la Commission artistes parmi 109 propositions reçues. clôture, composée avec (LA) Horde, aux européenne. Les notions d’hospitalité, Sur scène, on retrouve un certain nombre côtés d’Alessandro Sciarroni, Simon de déplacement et complexité consti- de fidélités respectives dans cette pre- Asencio Dustin Muchuvitz ou encore tuent la ligne de force de cette édition. mière édition commune à Parallèle et la DJ Moesha 13. La première occasion L’idée est de produire des projets d’ar- l’Officina : Nina Santes (le 25 janvier), pour le Ballet national de Marseille tistes avec cinq festivals associés, qui Adina Secretan (le 25), Anne Lise Le Gac d’accueillir du public depuis l’arrivée soit sont accueillis soit accueillent un (le 28), Maud Blandel (le 29), Radouan du collectif à sa direction. « Nos propo- autre festival. Parallèle a été accueilli Mriziga (le 30), Madeleine Fournier sitions d’artistes ont tout à fait résonné à la Saal Biannaal de Tallinn, en Es- (le 31), Daniel Linehan (le 31). Au pro- avec leurs désirs. Il y a beaucoup d’atten- tonie et nous accueillons le Ramallah gramme : performance et vidéo, pièce tions communes et de désirs de travailler contemporary dance festival à notre sonore, exposition, cinéma et une do- ensemble. Cette soirée acte les prémisses première édition commune. L’objectif minante danse marquée. « On est dans de belles collaborations », indique Lou est de ramener de la complexité et de un moment où les corps ont besoin de Colombani. la fluidité dans les identités. D’ailleurs, s’exprimer. Et nos partenaires interna- LT il n’est pas question de nationalité ou tionaux sont beaucoup tournés vers la de provenance des artistes dans le pro- danse. Mais de la même manière qu’il y gramme, afin de ne pas penser ces der- a beaucoup de femmes dans la program- niers comme des ambassadeurs de leur mation, on ne l’affirme pas comme un pays mais comme des êtres qui traversent préalable. Ça révèle des sensibilités, des Festival Parallèle des géographies et qui ont des histoires attentions, et beaucoup de choses sur ce 24 janvier au 1er février stratifiées et complexes. que sont les pratiques émergentes », ana- Divers lieux, Marseille ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS lyse Lou Colombani. festivalparallele.com 30 événements Le temps de la création
Zibeline : Pourquoi ce fait énormément de titre, Héroïne(s), Titre recherches, les au- provisoire permanent ? teurs aussi et tout a Lucile Jourdan : été mis en commun. Il s’agit de dépasser C’est un mode de tra- l’obstacle de la dé- vail original : au début pendance, porter ces je songeais à un projet textes, avoir un clin léger, vous vous ren- d’œil à la polysémie dez compte! Le hors sulfureuse du terme ; les murs m’intéres- mais aussi insister sur sait vraiment. On en le caractère provisoire a beaucoup discuté de toute chose, la pré- dans la compagnie, on carité des êtres, la fra- voulait travailler sur
gilité de l’humain, qui S. Lannefranque, S. Tamisier, D. Richard, L. Jourdan © A. Fillit le rapport à l’altérité, donne tant de sens à tout, et laisse sous la forme d’un kaléidoscope, ouvert le champ des possibles… Je d’où la structure en triptyque. Il n’aime pas quand on ferme ! La Cie Les Passeurs crée au est donné par bribes, le spectateur D’où le nom de votre compagnie, théâtre Joliette le dernier volet est convié à assister à l’élaboration Les Passeurs ? de quelque chose, on a les lectures, L’idée est de véhiculer les textes, de son triptyque Héroïne(s), les ateliers, les versions définitives, mais pas seulement dans un face à c’est étalé dans le temps. Cela fait face avec les spectateurs. Ainsi, avec Titre provisoire permanent partie d’une volonté de question- le triptyque nous partageons ateliers nement et d’esthétique que le dé- d’écriture avec collégiens, lycéens autour des addictions, Être ou vider comme cela en une sorte de et autres publics dans les lieux les ne pas. Entretien avec Lucile longue trame, de fresque tempo- plus divers, de la salle de classe au relle. Il y a une temporalité dans bar de quartier, avec les auteurs, Jourdan, directrice artistique la création qui nous est donnée à Sabine Tamisier, Dominique Ri- vivre en même temps. chard et Sophie Lannefranque, et de la compagnie Un mouvement de résistance contre les comédiennes qui interprètent la culture actuelle du zapping ? leurs textes, moi-même, Stépha- La première image que j’ai eue aux nie Rongeot et Gentiane Pierre. débuts du projet c’est cette image Pourquoi avoir choisi de travailler en triptyque sur ce thème d’un film de Pina Bausch, L’Impératrice, cette femme dans un et avec des portraits féminins et avec ces trois auteurs immense fauteuil au carrefour d’un boulevard urbain où les particulièrement ? voitures vont à fond et elle reste sereine… L’idée de se poser J’avais très envie d’avoir des femmes seules au plateau, là où dans le flux incessant, prendre notre temps est apparue es- je suis, Briançon, il y a beaucoup de femmes isolées. Ce qui sentielle : laisser germer tout ça… C’est pourquoi nous nous me plaît dans cette proposition c’est que l’on est à l’intérieur sommes détachés du temps des institutions. de la personne, un endroit extrêmement intime, et que cet en- Comment jouerez-vous le triptyque dans son entier ? droit intime a le droit de parler. Et j’avais très envie de l’avoir On aimerait le jouer sur deux jours : à 14h le volet 2, le soir au féminin. Nous avons choisi les auteurs en fonction des co- même dans les bars le volet 1, le 3e le lendemain dans des en- médiennes, afin qu’ils puissent vraiment travailler ensemble. treprises et le soir l’assemblage, c’est-à-dire la réunion des Cette connaissance entre auteurs et comédiennes a influé trois auteurs et des trois comédiennes. Cette dernière partie l’écriture ? Le jeu ? est encore sous forme de projet, il s’agirait de porter au pla- On a voulu créer de l’autonomie pour les auteurs et les ac- teau, sous forme de conférence, le récit de l’expérience de trices. Chacun a écrit de son côté, mais en connaissant la l’écriture et de la création théâtrale ainsi que notre rapport comédienne qui allait s’emparer de son texte. Cela ne les a au travail et au temps. pas guidés dans l’écriture, mais ils savaient quelle matière ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI ils avaient en face, quel volume, et lors de chaque résidence on a décortiqué le texte avec eux, les auteurs ont apporté des modifications, ou ont eu envie de réécrire autre chose. Pour un travail d’anthropologie aussi, aux multiples facettes ? Être ou ne pas Oui. On est allés chercher dans les rues. Quand Pierrette Mon- 11 au 14 février ticelli (codirectrice du théâtre Joliette, ndlr) nous a invités, Théâtre joliette, Marseille on a été ravis car cet endroit donnait du sens, nous y avons 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr 31 Cirque divers
e rendez-vous est très attendu sur le d’Aïcha Aouad-Sicre, menée par les acro- territoire Istres Ouest Provence en bates marocains de l’École de cirque Lfévrier : Les Élancées, festival des Shem’y et les musiciens du groupe AK- arts et du geste, dont c’est la 22e édition, SAK, l’expérience culinaire inédite et in- s’installe dans les communes de Cornil- solite imaginée par Johann Le Guillerm lon-Confoux, Fos-sur-Mer, Grans, Istres, et le chef Alexandre Gauthier (Encata- Miramas et Port-de-Bouc. Du cirque, de tion), les impressionnantes acrobaties des la danse, des formes pluridisciplinaires artistes virtuoses de la Cie Les 7 doigts portées par des artistes que l’on aime dans leur dernière création Passagers… retrouver au fil des années, créateurs Et en danse l’imaginaire débridé du cho- locaux ou internationaux, en salle mais régraphe suisse Philippe Saire qui fait aussi sous chapiteaux. Ces derniers sont apparaître ou disparaître les danseurs d’ailleurs à l’honneur cette année, avec dans Hocus Pocus, l’univers pop japo- cinq spectacles joués au plus près des ar- nais dont s’emparent les jeunes inter- tistes : le cabaret acrobatique et musical prètes de la Cie Grenade dans Kamuyot, du Cirque plein d’air qui remet au goût Strach A fear song © Laure Villain ou encore le sensible Et Juliette ! de la du jour le cirque d’antan (Baltringue) ; artistes rompus aux performances les Cie Didascalie qui suit l’apprentissage Entre chien et loup du duo complice de plus folles ; et l’intriguant Strach A fear d’une petite fille éprise de liberté. la Cie 3 X rien, deux frères rivaux mais song (Cie Théâtre d’un jour) qui réunit DO.M. complices qui partagent leur amour des trois circassiens (issus de la Cie XY), une acrobaties et équilibres ; les installations chanteuse lyrique et un pianiste pour Les Elancées brinquebalantes du Cirque sans noms mêler les différences et complémenta- 5 au 16 février qui rendent les numéros impressionnants rités des uns et des autres. Cornillon-Confoux, Fos-sur-Mer, Grans, et surprenants (Abaque) ; Born to be cir- En salles les propositions sont tout aussi Istres, Miramas, Port-de-Bouc cus du Cirque Zoé qui rassemble douze alléchantes ! La puissante Rose des Vents scenesetcines.fr
Vraiment pour tous
orté par les compagnies membres de Judith Arsenault, viole de d’Opening Nights (plus de vingt com- gambe Mireille Collignon), Ppagnies de théâtre, danse, conte, pro- abordera les œuvres d’Isabel fessionnelles ou amateures), le projet Par Allende, Deux mots, et Le rêve les villages arpente les communes du de l’homme blanc d’Ariane Pays d’Aix (et de la Métropole). Partant Buisset ; Saint-Savournin, du principe que l’art est indispensable où la Cie l’Auguste Théâtre et doit être accessible à tous, les troupes interprètera L’article 353 du s’installent dans les médiathèques, les code pénal de Tanguy Viel salles municipales et offrent ainsi une dans une mise en lecture de proximité rare avec les publics. Deux Claire Massabo avec Nicole temps forts en ce début d’année per- Choukroun et Nader Soufi. Pistou, récit d'adolescence © Remi Petit mettront de voir ou revoir des pièces Les 1er et 2 février seront fortes, dans une atmosphère de belle consacrés à un temps fort de spectacles scène de Gilles Le Moher avec Michel convivialité avec un verre partagé avec à Rognes où quatre spectacles se succé- Benizri. Enfin, pour clore ce temps d’ex- les artistes. Le 18 janvier, la Nuit de la deront. La Cie amateur Les Électrons ception, place à la création musicale et lecture se déroulera à Saint-Cannat où Flous se glissera par une lecture à trois aux musiques du monde avec Joulik et l’on écoutera Pascale Karamazov (Cie voix (Florence Demurger, Catherine ses ambiances métissées et poétiques. Fluid) accompagnée par la musique de Suty, Henri Tessandori) dans le ro- MARYVONNE COLOMBANI Sébastien Raimondo sur le texte de Da- man de Jón Kalman Stefánsson, Entre niel Pennac, L’œil du loup (dès 9 ans) ; ciel et terre. Amélie Chamoux (Cie Le puis Agnès Pétreau, Gilles Le Moher, pas de l’oiseau), quant à elle, évoquera Par les villages Maxime Reverchon mis en scène par Da- l’adolescence, en lisant son propre texte 18 janvier, 1er & 2 février nielle Bré (Cie In pulverem reverteris) Pistou. Avec la Cie Groupe Maritime de Divers lieux, Pays d’Aix dans Le poids du papillon d’Erri de Luca ; Théâtre découvrons Le K scénographié 06 74 71 51 15 / 04 42 29 53 20 à Meyreuil, la Cie Débrid’arts (lectures par Maïté Childéric dans une mise en parlesvillagesopn.com 32 événements
V Avignon l’hiver Avignon danse l’hiver depuis 42 ans, anime ses scènes fédérées depuis 12 ans, et se fait littéraire pour la 2e année. Sous le Palais des papes, la culture est permanente
La danse en émois Dix-neuf lieux d’Avignon entrent dans la ronde des Hivernales pour faire de la Cité des Papes un haut lieu de la danse en hiver
ci un théâtre, une chapelle, un musée ; là un centre social, un palais, un conservatoire. Pour sa 42e édition, le festival Is’aventure au-delà de sa maison-mère rue Guillaume Puy -qu’il espère de tous ses vœux conserver dans l’avenir- fai- sant éclore tous les courants de la danse contemporaine. Pour les « mômes » d’abord, qui ouvrent le bal avec un temps fort spécialement concocté à leur attention : Les HiverÔmomes (du 5 au 14 février). Six spectacles à découvrir dès 9 mois et même des séances en crèche pour les tout-tout-petits dès 3 mois ! Du numéro dansé et parlé de Marc Lacourt dans Tiondeposicom ou le sourire qui scotch sur la bave au loin à l’espace ludique et régénérant de I. Glu imaginé par le Col- lectif a.a.O ; des cartes postales sensorielles de Malgven Gerbes à l’approche sensitive de la question de la protection de l’environnement et de la nature par la Cie universitaire Hannah et Jean-Henri (deux créations 2020) ; de la danse organique de Nacim Battou, résolument hip hop, à la création Pompon inspirée des haïkus proposée en crèches par Noëlle Dehousse. Sans oublier Pierre Rigal qui fait Merveille dans son rôle de chef d’orchestre d’une odyssée autour de la voix humaine, entrainant danseurs, chanteurs et musiciens dans , Christian Rizzo © Marc Domage un opéra-ballet inspiré du mythe d’Orphée. Une maison 1# Bruxelles, l’artiste associée à l’ADC de Genève Cindy Van Programme kaléidoscopique Acker pour un ensemble de soli préfigurant sa création Wi- Même éclectisme du côté de la programmation tous publics thout References prévue en mai 2020, ou encore la Danoise qui prend le relais du 13 au 22 février avec Les Hivernales Mette Ingvartsen qui imagine Moving in Concert comme « une conçu comme une fenêtre ouverte sur le hip hop, le krump, forme de connectivité en mouvement ». À la croisée d’ici et le cirque, la performance, la danse abstraite ou narrative… d’ailleurs, n’oublions pas la rencontre scénique inédite de La La danse d’ici avec Petit bazar et grand déballage de la com- Ribot, Mathilde Monnier et Tiago Rodrigues qui déboucha, pagnie Naïf Production associée au CDCN pour sa troisième en 2019, sur la pièce Please, Please, Please coproduite par Les et dernière année, le Montpelliérain Christian Rizzo dont la Hivernales, à écouter comme une confession intime sur « une création Une maison résonne drôlement avec l’actualité du humanité qui court à sa perte »… CDCN (!), Arthur Perole avec Fool, une performance pour Cette vaste programmation est enrichie par la présentation sept danseurs, une chanteuse et un Dj créée en 2018, pré- d’une étape de travail de Mathilde Monfreux (en conclusion mices à sa toute dernière pièce Ballroom en tournée actuelle- d’un stage ouvert à tous, son nouveau projet Caring Banquise ment en région. La danse d’ailleurs avec, parmi tant d’autres, est pensé comme un événement participatif, entre exposition l’Espagnole Lali Ayguadé et sa pièce physique iU an Mi, deu- chorégraphique et performance collective), une installation xième acte d’une trilogie à venir, la trapéziste, danseuse et sonore (hEARt, parcours musical dans l’imaginaire du cœur de chorégraphe Franco-Espagnole Elodie Donaque qui trouve Christophe Ruetsch), la projection de TTT : Tourcoing-taipei- dans Bruxelles où elle vit la source d’inspiration à sa Balade tokyo de Christian Rizzo et Iaun-Hau Chiang, un atelier du 33 Avignon l’hiver U Avignon danse l’hiver depuis 42 ans, anime ses scènes fédérées depuis 12 ans, et se fait littéraire pour la 2e année. Sous le Palais des papes, la culture est permanente
À livres ouverts vignon rime avec Festival(s), on le pédagogique, culturel et social », explique sait depuis plus de 70 ans ! Pour au- sa directrice, Catherine Panattoni. Avec Atant, le tout jeune Autre Festival, qui un parrain membre de l’Académie Gon- n’a rejoint la cohorte que l’hiver dernier, court (l’infatigable passeur de culture ouvre un nouveau champ dans la palette haïtienne Dany Laferrière) et un Aca- des événements culturels de la ville : il démicien (passeur de vies, lui, puisqu’il est, comme l’indique son sous-titre, « ce- occupe une grande partie de la sienne à lui qui ouvre les livres ». Avec pas moins transmettre les biographies des autres : d’une centaine d’invités (beaucoup d’écri- Pierre Assouline) pour invité d’honneur, vains, mais aussi des journalistes, des la deuxième édition est en effet portée comédiens, des éditeurs), la littérature par deux plumes attachées au partage. fait son entrée dans la cité avec l’appui Deux nouveautés expriment plus encore de quatre librairies (Le livre gourmand, le désir d’inciter chacun à entrer dans la La mémoire du monde, Cultura et Livres danse des pages. La Grande dictée (7 fé- ensemble) et douze lieux partenaires (mu- vrier à l’Espace Jeanne Laurent) et l’or- sées, théâtres, bibliothèque). L’événement ganisation du Prix Cultura « Librinova ». est pensé comme une occasion de plonger Le 8 février sera dévoilé le nom du lau- dans les mots et l’écriture de façon convi- réat, parmi ceux qui ont d’ores et déjà viale. Ouvert à l’écoute et à la rencontre, soumis leur manuscrit ; il sera édité et il irriguera Avignon d’une multitude de vendu dans 5000 librairies en France conférences, causeries, débats, ateliers et sur 200 sites en ligne pendant un an. d’écriture, lectures -et bien sûr des es- De quoi se motiver pour l’an prochain ! paces de dédicaces : une façon en effet ANNA ZISMAN très concrète et naturelle de se gorger de livres, en écoutant parler les auteurs, en L’Autre Festival 7 au 9 février échangeant sans décorum entre passion- Une maison, Christian Rizzo © Marc Domage Divers lieux, Avignon nés et novices. L’Autre Festival « se veut lautre-festival.fr lendemain en compagnie de Florence Chantriaux et Jean-Noël Bruguière, un atelier parent-enfant animé par Malgven Gerbes et Margot Dorléans, et autant de trainings quotidiens et master-class. Car aux Hivernales, l’approche de la danse Michel Quint © X-D.R revêt des formes qui vont au-delà de la seule forme spectaculaire. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les Hivernales 5 au 22 février Divers lieux, Avignon hivernales-avignon.fr suite p.34-35 34 événements Scènes en réseau Le Transversal et la Factory rejoignent les Scènes d’Avignon pour un Festi’Hiver qui réchauffe les planches
arce qu’en hiver aussi, le spectacle est toujours vivant, parce qu’Avignon ne se résume pas, aussi flamboyants Psoient-ils, au IN et au OFF qui donnent à la ville l’un des plus beaux festivals de théâtre au monde, les scènes perma- nentes de la cité papale s’associent pour que janvier et février soient aussi synonyme de fédération autour des textes, des auteurs : Fest’Hiver s’étale cette année sur plus de trois se- maines, et accueille deux nouveaux théâtres. Ainsi, ce sont sept plateaux qui vibreront : les Scènes d’Avignon (Théâtres du Balcon, des Carmes, du Chêne Noir, du Chien qui fume, des Halles), et les petits nouveaux (théâtre Transversal et la Factory). Tout commencera par le célèbre « Non », premier mot de la pièce de Shakespeare, Antoine et Cléopâtre, mise en scène par Mélaine Catuogno. Au Théâtre du Balcon, la Cie Le Bruit de la Rouille sonnera le coup d’envoi du festival avec ce texte po- litique, psychologique, dramatiquement humain. Résistance, indignation, tout est dans ce cri, qui, loin de fermer la porte à l’espoir et même au rire, pose les fondements d’une pro- La memoire des ogres - Carmes © Delphine Michelangeli grammation qui porte l’acte théâtral comme une affirmation de liberté. Liberté de croire à l’impossible, avec le délirant Et Vol.2. Aussi musical que théâtral, le spectacle offre une vision si vous y croyez assez, peut-être il y aura un poney, par le Dé- documentée et tendrement irrévérencieuse du chanteur. Il tachement International du Muerto Coco aux Halles (lire sera question des années 1964-69, mythiques... La Cie avi- journalzibeline.fr), libre de se prendre pour un prédicateur gnonnaise Fraction nous invite, au théâtre des Carmes, à une de bonheur (Le Condor, de Nicolas Rochette avec Etienne rencontre troublante avec l’Ogre (Moloch, avec les textes de Delfini-Michel au théâtre Transversal), libres de dénoncer la Cormann, Gabilly, Goethe, Tournier, Stevanovic). Un spec- gabegie administrative qui parque les migrants dans le froid tacle dont on ne sort pas indemne, qui regarde en face le des Alpes avec l’hypothétique espoir d’être reconnus par une Monstre, à travers notre histoire récente. Le Collectif Ani- bureaucratie kafkaïenne (Lampedusa Snow, par la compagnie male (Avignon) nous emportera à La Factory dans une Fré- avignonnaise Erre au Chien qui fume)... nésie créative, performance qui se joue du temps qui file, des La Cie Vertiges Parallèles, égale- ment installée à Avignon, croise les Antoine et Cléopatre - Balcon © Caroline Orsinio langages du spectacle vivant, s’af- franchit des limites entre les disci- plines. Au théâtre des Carmes, Ana Abril proposera un libre adaptation de Des cow-boys de Sandrine Roche. La Mémoire des ogres aborde, à tra- vers des personnages monstrueux et fragiles à la fois, la loi du plus fort, la confrontation avec l’inconnu, en passant par un questionnement au- près des spectateurs. Le Chêne Noir accueillera la compagnie La Naïve (Pertuis) pour une Antigone mâtinée d’Almodóvar, qualifiée par le metteur en scène, Jean-Charles Raymond, de « mère de toutes les révoltées » (lire journalzibeline.fr). Les Musiciens Associés joueront au Chien qui fume la vie et l’œuvre de Serge, dans Gainsbourg Confidentiel 35
Parallèle 24.01—01.02.20 Festival international des pratiques émergentes
Marseille 10e édition plateformeparallele.com Danse, théâtre, performance, arts visuels