RAPPORT D’EVALUATION SANME SECURITE ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE & MOYENS D’EXISTENCE

Département de la , Région de l’Est, Cameroun

Evaluation du 23 mars au 5 avril 2015 Rapport finalisé le 26 avril 2015 TABLE DES MATIERES

Table des matières ...... 2 Table des illustrations ...... 4 Resumé ...... 6 1. Introduction ...... 7 1.1. Présentation de PUI ...... 7 1.2. Activités de PUI dans la région/Pays ...... 7 1.3. Justification de l’étude ...... 8 2. Contexte ...... 9 2.1. Géographie ...... 9 2.2. Economie ...... 10 2.3. Politique et sécurité ...... 10 2.4. Démographie ...... 10 2.5. Agriculture & élevage ...... 11 3. Methodologie ...... 14 3.1. Objectifs de l’évaluation ...... 14 3.1.1. Objectif général...... 14 3.1.2. Objectifs spécifiques ...... 14 3.2. Méthodologie de l’évaluation ...... 14 3.3. Chronogramme détaillé ...... 18 3.4. Composition de l’équipe ...... 18 3.5. Sources de données secondaires ...... 18 3.6. Limites de l’étude ...... 19 4. Résultats de l’évaluation ...... 20 4.1. Facteurs liés à la sécurité alimentaire et nutritionnelle & aux moyens d’existence (SANME) ...... 20 4.1.1. Variations climatiques ...... 20 4.1.2. Evolutions démographiques ...... 22 4.1.3. Composition des ménages – Regroupement familial ...... 24 4.1.4. Activité économique des populations ...... 25 4.1.5. Accès aux ressources naturelles ...... 30 4.1.6. Aspects sécuritaires ...... 32 4.1.7. Systèmes - Moyens de production et accompagnement technique ...... 34 4.1.8. Mécanismes de prévention et de résolution des conflits agro-pastoraux ...... 42 4.1.9. Chemin de desserte agricole, acheminement des denrées agricoles ...... 44 4.1.10. Stockage, conservation, transformation des récoltes...... 45 4.1.11. Organisation des marchés ...... 45 4.1.12. Aspects éthniques, culturels et comportementaux ...... 49 4.1.13. Nutrition, Santé & Eau, Hygiène et Assainissement ...... 50

2 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.2. Acteurs SANME dans la zone ...... 53 4.3. Situation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle & des moyens d’existence dans la zone ...... 55 4.3.1. Consommation alimentaire ...... 55 4.3.2. Moyens de subsistance et stratégies d’adaptation...... 57 4.3.3. Capacité de résilience ...... 60 4.4. Sythèse des résultats ...... 61 4.4.1. Principaux points a retenir ...... 61 5. conclusion ...... 62 6. annexes ...... 63 Annexe 1 : Questionnaire Menage ...... 63 Annexe 2 : Body Condition Score ...... 65

3 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Principales zones agro-écologiques du Cameroun (Source MINADER) ...... 9 Figure 2 : Zone d'évaluation SANME dans la Kadey ...... 15 Figure 3 : Exemple UNICEF technique d'enquête "stylo" au sein d'un village ...... 16 Figure 4 : Diagrammes ombothermiques de ...... 20 Figure 5 : Diagramme ombrothermique Yaoundé, moyennes de 1961 à 1990 ...... 21 Figure 6 : Répartition des différentes activités sources de revenu mises en œuvre hors des sites ...... 25 Figure 7 : Répartition des différentes activités source de revenu dans les sites ...... 26 Figure 8 : Illustration du travail dans les mines d'or (Bengote) et petit maraichage (Lolo), ...... 27 Figure 9 : Revenus hebdomadaires en XAF selon les activités (hors site) ...... 28 Figure 10 : Illustrations de la mine aurifère artisanale de Bengote (proche de Timangolo), ...... 29 Figure 11 : Illustration de l'avancée de la Chomolaena orodata sur le pâturage en arrière-plan ...... 31 Figure 12 : Illustration du déboisement aux alentours et dans le site de Lolo, avril 2014 ...... 32 Figure 13 : Zones d'insécurités liées aux coupeurs de route/Zarguina ...... 33 Figure 14 : Cycle cultural principal dans le département de la Kadey ...... 35 Figure 15 : Représentation facteurs de destruction de culture, en pourcentage des ménages ayant subi des destructions en 2014 ...... 36 Figure 16 : Représentation de l'utilisation de différentes cultures dans la Kadey, ...... 38 Figure 17 : Illustration d’un pâturage clôturé et parc à bétail, Boubara, avril 2015 ...... 43 Figure 18 : Boutiques sur allée commerçante de (Avril 2015) ...... 46 Figure 19 : Schéma de fonctionnement des marchés locaux et transfrontaliers ...... 47 Figure 20 : Prévalence de la malnutrition aiguë (Globale, Modérée et sévère), selon l'indice poids/taille exprimé en score, chez les enfants de 6 à 59 mois par région ...... 52 Figure 21 : Répartition de la population hors site selon les Scores de Consommation Alimentaire (avril 2015)...... 55 Figure 22 : Répartition des populations hors sites selon SCA et statuts ...... 56 Figure 23 : Répartition des postes de dépense selon les statuts ...... 59 Figure 24 : Répartition des ménages selon les groupes de vulnérabilité SCNFI ...... 60 Figure 25 : Répartition des ménages selon les groupes de vulnérabilité SCNFI et en fonction des statuts (hors site) ...... 60 Figure 26 : Schéma stratégique global ...... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 1 : Evolution de la population de la région de l’Est par département...... 11 Tableau 2 : Calendrier agricole de la Kadey ...... 12 Tableau 3 : Calendrier d'élevage de la Kadey ...... 13 Tableau 4 : Projection de population des communes ciblées, début 2015 (sans sites) ...... 15 Tableau 5 : Répartition des enquêtes « population hors site » par commune et localité ...... 16 Tableau 6 : Liste des personnes rencontrées ...... 17 Tableau 7 : Chronogramme détaillé de l'évaluation...... 18 Tableau 8 : Données climatiques Bertoua, 2003-2013 / 2014 ...... 21 Tableau 9 : Evolution de la population de la région de l'Est par département, ...... 22 Tableau 10 : Exemples d'évolution de la population sur des localités des communes de Kette, Ouli, , ...... 23 Tableau 11 : Evolution du niveau de subsistance selon le nombre d'actif par ménage (hors site) ...... 24 Tableau 12 : Evolution des niveaux de subsistance selon le nombre de source de revenu ...... 26 Tableau 13 : Représentation des populations pratiquant les principales cultures, en fonction des statuts (hors site) ...... 30 Tableau 14 : Représentation de la pratique de différentes cultures selon le statut des populations (hors site) ...... 34 Tableau 15 : Répartition des éleveurs par statuts et types d'élevage (en pourcentage) ...... 39 4 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Tableau 16 : Effectifs bovins selon la nationalité d'origine des éleveurs ...... 40 Tableau 17 : Distances et temps de trajets sur la zone d’étude (en voiture 4x4) ...... 44 Tableau 18 : Relevé des prix des principales denrées sur les communes de Batouri et Kentzou ...... 48 Tableau 19 : Relevé des prix et de disponibilité sur différents marchés de la Kadey (avril 2015) ...... 49 Tableau 20 : Pratiques de défécation selon les statuts ...... 51 Tableau 21 : Tableau des acteurs du département de la Kadey (non exaustif) ...... 53 Tableau 22 : Niveaux de revenus hebdomadaires en avril 2015, selon les SCA et les statuts (hors site) ...... 57 Tableau 23 : Niveaux de CSI en avril 2015, selon les SCA et les statuts (hors site) ...... 58 Tableau 24 : Grille de lecture Score Card NFI ...... 59 Tableau 25: Score Card NFI et Score de consommation aliemntaire en fonction des niveaux de revenu (hors site) ...... 60

5 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale RESUME

e département de la Kadey entretien depuis longtemps des liens importants avec la République Centrafricaine voisine. Il a ainsi récemment été très marqué par les conflits de l’autre côté de la L frontière et notamment par l’arrivée massive de réfugiés. La Kadey est un département tirant ses avantages de son climat, d’une forêt et de sols généreux en ressources. Les principales activités sont l’agriculture, le commerce, l’artisanat, l’élevage et l’activité minière. La culture itinérante, tournée sur la main d’œuvre familiale, apporte les produits agricoles dont la population a besoin, l’élevage apporte viande/lait et une masse monétaire (avec les marchés aux bestiaux). Les conflits agro-pastoraux sont depuis toujours existants, surtout dans la partie nord du département, mais étaient auparavant d’une plus faible intensité. Le commerce est essentiellement tourné sur les échanges avec la RCA, notamment à Kentzou, Gbiti ou Tocktoyo. Il apporte aussi une masse monétaire mais surtout des biens manufacturés/importés globalement bons marchés par des volumes transitant importants.

L’arrivée massive de réfugiés, l’insécurité et les capacités limitées des services techniques des autorités étatiques ont petit à petit bouleversés ces équilibres. Avec l’arrivée de bétail de RCA, l’inaccessibilité des pâturages centrafricains et le développement progressif de la Chomolaena odorata, les conflits agro-pastoraux sont d’une régularité et d’une intensité accrus. De fait, les cultivateurs, principalement du nord du département, se sont progressivement détournés de l’activité agricole. L’augmentation de l’insécurité le long de la frontière, avec les coupeurs de route, a aussi contribué à ce désengagement progressif. De nombreux ménages se sont ainsi tournés vers des activités de commerce et aussi pour beaucoup dans les activités minières artisanales. Les liens commerciaux se sont réduits avec la RCA. La fuite des populations musulmanes a aussi réduit les besoins et liquidité dans le pays voisin. La partie nord du département est aujourd’hui déficitaire sur certains produits agricoles comme le manioc. Au sud, malgré une production largement excédentaire, les activités culturales sont très faiblement rémunératrices, et ne permettent pas un réel investissement de la part des populations.

L’arrivée massive de réfugiés en 2014 a aboutie, pour des raisons de sécurité et de facilitation de l’assistance à la création de trois sites de réfugiés (Timangolo, Mbile et Lolo) : avec une concentration de réfugiés inédite pour le département. Des concentrations assez fortes de réfugiés sont encore importantes dans les principales localités frontalières (Kentzou, Gbiti, Tocktoyo) et Kette. Cette concentration de réfugiés a induit une forte pression sur les infrastructures collectives et sur les ressources naturelles , qui est amenée à durer et qu’il est important de rééquilibrer. Les nouveaux réfugiés sont en majorité totalement dépendants de l’aide et ont besoin de retrouver progressivement des activités (culturales, commerciales, artisanales, etc.) pour attirer une masse monétaire dans les sites. Les conflits, notamment agro-pastoraux avec les villages riverains, sont nombreux et les autorités locales sont parfois dépassées dans la gestion des espaces (l’accès aux terres est difficile et source de conflits). Ainsi un soutien plus fort aux mécanismes de gestion des espaces / prévention des conflits et un soutien aux activités d’élevages permettrait de réduire cette pression. Avec le nombre de réfugiés qui à terme vont s’orienter vers des activités culturales, un accompagnement en intrant/technique (premier temps cultures à cycles court pour une amélioration rapide de l’autonomie) et à l’organisation paysanne (meilleure valorisation des productions) semble important. Dans les localités accueillant un grand nombre de réfugiés, la distorsion des aides apportées entre réfugiés et hôtes doit être réduite. La communauté hôte a par endroit un sentiment légitime d’être dépossédé de ces biens et doit aussi être accompagnée dans un maintien des services de base. Une plus grande intégration de ces communautés ainsi que des autorités locales et services techniques semble indispensable pour une intégration durable des populations réfugiées. 6 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 1. INTRODUCTION

1.1. PRESENTATION DE PUI

Première Urgence Internationale (PUI) est une organisation non gouvernementale de solidarité internationale, à but non lucratif, apolitique et laïque. L’ensemble de ses personnels se mobilise au quotidien pour couvrir les besoins fondamentaux des victimes civiles mises en péril, marginalisées ou exclues par les effets de catastrophes naturelles, de guerres et de situations d’effondrement économique. Née de la fusion de deux ONG françaises en 2011, PUI s’appuie sur plus de 30 ans d’expérience terrain dans 50 pays en crise, pour adapter ses programmes à chaque contexte et aux populations les plus vulnérables.

PUI soutient actuellement près de 3 millions de personnes dans une vingtaine de pays, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, dans le Sud Caucase, mais aussi en France. Ses équipes mènent en moyenne 250 projets par an, dans les domaines de la sécurité alimentaire, de la santé, de la nutrition, de la construction et réhabilitation d’infrastructures, de l’eau, l’assainissement et l’hygiène, ainsi que de la relance économique. Leur objectif commun est d’apporter une réponse globale aux besoins des populations affectées par des situations d’urgence, et de les accompagner afin qu’elles regagnent rapidement leur autonomie.

1.2. ACTIVITES DE PUI DANS LA REGION/PAYS

Présente depuis avril 2008 au Cameroun, PUI a jusqu’à présent concentré ses efforts dans les secteurs de la sécurité alimentaire et de l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Depuis 7 ans, l’organisation vient en aide aux réfugiés centrafricains installés à l’est du pays (Régions de l’Est et de l’Adamaoua) et à leurs populations d’accueil, en partenariat avec l’UNHCR, EuropeAid, BPRM, UNICEF, ainsi que ECHO.

Avec le désengagement du PAM en 2011 et de très faibles mouvements de retour en 2012, les programmes en sécurité alimentaire ont évolué vers un appui à l’autonomisation progressive des réfugiés centrafricains du point de vue alimentaire, à travers le développement de leurs activités en agriculture et élevage. Le volet eau, hygiène et assainissement suit également une logique de responsabilisation à différents niveaux (des usagers aux responsables communaux). Sur le volet accès à l’eau, en parallèle aux constructions et réhabilitations de forages, une grande part des activités est consacrée à la formation (des usagers, des Comités de Gestion de l’eau, des responsables locaux techniques et administratifs) et à un transfert de compétences vers les communes, impulsé par la loi de décentralisation. Sur le volet assainissement, des sensibilisations sont menées au plus près des populations avec l’application de la méthode ATPC, ainsi que des constructions de latrines.

L’aggravation de la crise en République centrafricaine fin 2013 a conduit PUI à lancer de nouvelles interventions d’urgence. En partenariat avec l’UNHCR, l’UNICEF ou ECHO, PUI assure la gestion de 5 camps, des activités de construction d’abris, d’Eau, Hygiène et Assainissement (EHA), et de livelihoods dans plusieurs points d’entrée frontaliers ainsi que dans 5 camps.

7 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 1.3. JUSTIFICATION DE L’ETUDE

Depuis sa présence au cameroun en 2008 et avec la gestion de « l’ancienne » vague de réfugiés, PUI a développé une importante connaissance des régions de l’Est et de l’Adamaoua. En intervenant aussi bien dans les domaines de l’eau, l’assainissement et la sécurité alimentaire, l’organisation a contribué à l’intégration des populations réfugiées.

Avec l’aggravation de la crise centrafricaine en 2014, provoquant l’arrivée de 134 145 nouveaux réfugiés ( Rapport Inter-agence Janvier 2015 ), le contexte de la région de l’Est et du département de la Kadey a totalement évolué. Les réponses apportées entre 2008 et début 2014 ne sont probablement plus celles qui permettront de répondre aux problématiques actuelles (sites, concentration des populations, dépendance à l’aide, etc).

Avec la reprise récente de la gestion du site de réfugiés de Lolo et la volonté de poursuivre l’assistance auprès des populations hors site, il convient de réactualiser notre connaissance de nos terrains d’interventions (sécurité alimentaire/moyens d’existence, vulnérabilités, connexions entre différents secteurs, problématiques de cohabitation, dynamiques locales), afin d’élaborer une stratégie d’interventions plus intégrées à court et moyen/long terme.

8 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 2. CONTEXTE

2.1. GEOGRAPHIE

La région de l’Est est limitée dans sa partie orientale par la République Centrafricaine, au sud par le Congo, à l’ouest par les régions du Centre et du Sud et au nord par l’Adamaoua. Elle possède une superficie de 109 002 km² représentant 23% du territoire nationale 1 avec une population de 801 968 habitants (2010) représentant 4,1% de la population de l’ensemble du pays. Elle compte quatre départements, dont celui de la Kadey ayant pour chef-lieu Batouri. Le Département de la Kadey dispose d’une population estimée en 2005 à 184 098 habitants 2 pour une superficie totale de 15 884 km 2 et compte sept arrondissements avec autant de communes (Batouri, Kette, Kentzou, Ndélélé, Ouli, Nguelebok et Mbang). Ce département est une zone de haute savane dans son extrême partie nord (commune d’Ouli), avec une pluviométrie de 1 500 mm/an. La grande majorité du département est une zone forestière bi-modale avec une pluviométrie variant entre 1 500 et 2 000 mm/an. Il existe quatre saisons (2 saisons de pluie et 2 saisons sèches), qui permettent de réaliser deux campagnes agricoles en cours d’année. Ces saisons sont moins marquées dans la partie nord du département.

Figure 1 : Principales zones agro-écologiques du Cameroun (Source MINADER)

1 MINEPAT,DRES, 2010, « Rapport régional des progrès des Objectifs du millénaire pour le Développement, Région de l’Est », 2 Institut National de la Statistique, Annuaire statistique du Cameroun, 2011. 9 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 2.2. ECONOMIE

L’économie de la région de l’Est est basée sur l’agriculture, le commerce, l’exploitation forestière et minière (Par loi n° 001-2001 du 16 avril 2001, signature du code minier). L’écotourisme et le tourisme cynégétique (de chasse et de pêche) constituent les autres composantes de l’économie régionale. La contigüité avec la République centrafricaine et la République du Congo est un atout, faisant de cette région un carrefour économique. Le réseau routier y est en développement, mais l’enclavement de nombreuses localités constitue encore un frein à l’essor de cette région. L’économie de la Kadey est basée sur l’agriculture, l’exploitation forestière et l’extraction minière (or et diamant). Frontalier à la RCA, ce département abrite des marchés à bétail d’une grande importance, notamment le marché à bétail de Gbiti. D’importants échanges sont réalisés avec la République Centrafricaine, notamment à partir de la ville de Kentzou (pour le sud-ouest de la RCA et notamment la ville de Berberati).

2.3. POLITIQUE ET SECURITE

Sur le plan national, la situation politique du pays est stable. Les prochaines échéances électorales sont les élections législative et municipale en 2016, puis présidentielle en 2018. Le département de la Kadey est dirigé par un préfet et les sept arrondissements ont chacun à leur tête un sous-préfet.

Comme l’ensemble de la région de l’Est, le département de la Kadey partage une importante frontière avec la République Centrafricaine. Elle subit les conséquences des crises centrafricaines successives. Les troubles qui ont précédé la prise de pouvoir de Bozizé en RCA ont poussé des populations centrafricaines à se réfugier en grand nombre dans les localités et villes camerounaises situés le long de la frontière. En 2014, les conflits intercommunautaires opposant populations chrétiennes et musulmanes qui ont suivi la prise de pouvoir de Michel Djotodia ont exacerbé la présence des réfugiés centrafricains dans région de l’Est.

L’arrivée massive de réfugiés a eu aussi pour conséquence une augmentation de la fréquence des vols (champs, concessions), des agressions et conflits (autour des points d’eau, fonciers, etc) et surtout de l’éclosion de la grande criminalité transfrontalière avec notamment le phénomène de prises d’otages et des coupeurs de routes, touchant essentiellement les éleveurs, commerçants et indirectement les cultivateurs itinérants. Cette situation impacte la mobilité des biens et personnes.

2.4. DEMOGRAPHIE

La population de la Kadey était estimée à 184 098 habitants lors du troisième Recensement Général de la Population et de l’Habitat en 2005. En 2012, elle est estimée à 194 526 habitants. On note dans ce département une augmentation sur 7 ans de 10 428 habitants, soit un taux de croissance annuel moyen de 0,8% par an (moyenne pays de 2,5 – 2,7%/an).

Du fait de la proximité avec la RCA, les départements de la Kadey, du Lom-et-Djerem et de la Boumba- et-Ngoko ont accueilli plusieurs vagues de réfugiés centrafricains notamment celles de 2003 et la récente vague de 2014. Ces réfugiés centrafricains sont composés presque exclusivement de populations musulmanes. Malgré cette hausse de la population, la densité de population de ce département fait partie des plus faibles du pays, la moyenne nationale en 2005 est de 38,4 habitants/km², elle est de 11,6 hab/km² dans la Kadey cette même année (3,8 hab/km² dans la Boumba et Ngoko, département voisin et 7,1 hab/km² pour la région de l’Est).

10 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Tableau 1 : Evolution de la population de la région de l’Est par département.

Population Population Estimation Estimation Poids Départements 1987 2005 2010 2012 démographique (RGPH)

Boumba et Ngoko 79 935 115 354 119 870 121 888 14,9%

Haut Nyong 148 475 196 519 204 212 207 651 25,5%

Kadey 132 146 184 098 191 305 194 526 23,9%

Lom et Djérem 156 642 275 784 286 581 291 406 35,7%

EST 517 198 771 755 801 968 815 472 100,0%

Source : Institut National des Statistiques (INS) ; Annuaire Statistique du Cameroun 2011.

En date du 15 mars 2015, la région de l’Est comptait officiellement 153 346 réfugiés centrafricains selon l’UNHCR (dont 76 385 dans la Kadey et 70 729 dans le Lom et Djérem ). Cinq sites de réfugiés ont été créés pour des raisons de sécurité, à plus de 50 kilomètres de la frontière avec la RCA : Gado (21 802), Timangolo (6 742), Mbile (10 053), Lolo (11 330) et Ngarisingo (875 ; dans la Bouma et Ngoko).

Il est à noter que la majorité (68%) des réfugiés présents dans la région de l’Est s’est installée dans les localités et villages, avec l’appui des populations hôtes. Dans la Kadey, 63% de l’ensemble des réfugiés sont installé hors des sites, 57% des nouveaux réfugiés sont installé dans les sites. Hors des sites, les principales localités accueillant des nouveaux réfugiés sont Kentzou (6 331), Gbiti (5 434), Kette (2 588) et Tocktoyo (1 218). Ce sont essentiellement des localités frontalières avec la RCA, ayant déjà accueilli des réfugiés avant 2014, relativement dynamiques au niveau commercial et offrant d’avantage de perspectives d’emploi pour les populations.

2.5. AGRICULTURE & ELEVAGE

L’agriculture et l’élevage sont des secteurs d’activités très importants dans l’Est et particulièrement dans le département de la Kadey.

On compte dans ce département deux saisons agricoles, où dominent les cultures de manioc, autres tubercules (macabo, igname), maïs ou encore arachide. Suivent d’autres cultures comme le haricot, la pistache (graine de courge), la patate douce, le plantain, l’ananas ou le maraichage (gombo, piment). C’est essentiellement une agriculture vivrière, mais des cultures de rente sont très présentes comme le tabac (avec auparavant la Société Camerounaise de Tabac, puis aujourd’hui la Fédération des Planteurs de Tabac du Cameroun), le manioc, la pistache ou le macabo. L’agriculture y est familiale, manuelle et souvent déconnecté de l’habitation principale (plusieurs kilomètres). C’est une agriculture itinérante.

L’élevage y est aussi familial. On retrouve dans le département essentiellement de l’élevage de bœufs (Mbororo, Goudali), de petits ruminant (ovins/caprins), de porcs, volailles et asins (très réduit). Seul l’élevage de bœuf est itinérant et généralement éloigné des localités. Les autres élevages se font proches des habitations principales et sont généralement très réduits. Ils constituent un capital, permettant de répondre à des besoins d’argent ponctuels : décès, rentrée des classes, problèmes de santé, etc. Les troupeaux de bœuf sont guidés par un berger la journée, parqués ou laissés en divagation la nuit. L’élevage est plus présent au nord du département qu’au sud. Le ord du département est aussi une zone de transhumance importante, les conflits agro-pastoraux y sont plus fréquents et leurs conséquences plus importantes pour les cultivateurs. 11 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Tableau 2 : Calendrier agricole de la Kadey

Saisons J F M A M J J A S O N D Observations 2 saisons des pluies et 2 saisons sèches. Première saison sèche entre décembre et janvier. Première saison de pluie deux phases : 50 à 100 mm/mois au début, Pluies puis 110 à 140 mm/mois Période sèche vers juillet avec quelques pluies, 50- 100mm/mois. Seconde saison de pluie plus intenses 150 à 250 mm/mois. Selon tailles des champs/ familles, et la disponibilité de bas -fonds (allongement Période de soudure de la période de culture durant l'année avec semis précoces et récoltes tardives). Pic de soudure en mai-juin avec rareté et hausse ponctuelle du prix des céréales. Cultural J F M A M J J A S O N D Observations Défrichage et brûlis avant pluies, peut se prolonger si pluies tardives, travail plus Défrichage/brûlis du champ important si ouverture d'un nouveau champ S'étale sur une grande partie de l'année selon les types de sols (bas fond) et avec Travail du sol/champ les deux saisons culturales, travail plus allégé pour la seconde saison Manioc disponible toute l'année, principalement dans la partie sud du piquage département. Cycle de 7-8 mois pour les variété améliorées (peu courantes) à un an – un an et demi (plus courant), Récolte étalée sur plusieurs mois et peut être MANIOC réalisée jusqu'à 1 an après le début de maturité pour les variétés traditionnelles, récolte Récolte manioc N+2 Récolte manioc N+1 et N+2 Plusieurs champs de manioc sont en récolte en même temps (N+1 et N+2). Le manioc est implanté durant les cultures annuelles. A l'arrachage, les boutures sont prélevées pour le piquage : travail continu durant les saisons culturales semis Culture de céréale dominante : différents types de maïs, maïs "blanc" (traditionnels) et "jaune" (améliorés). Les cycles vont de 80 à 100 jours. Il est MAÏS ainsi possible de pratiquer deux saisons dans l'année sans difficultés. Dans les récolte frais sec sols de bas fond, les semis sont plus précoces afin d'alléger la période de soudure semis Culture de protéagineux dominante, Cycle de 3 mois (90 jours), cycle callé sur celui du maïs. Récolte et séchage vers juillet correspondant à une diminution des ARACHIDE récolte frais sec pluies. Première saison plus difficile car séchage long et étalé en juillet (pluie encore présentes et incertaines) Cultures courantes aux abord s des champs durant les saisons culturales. CULTURES semis Pratiquées durant les saisons sèches dans les bas-fonds. On retrouve la morelle LEGUMIERES récolte noire, amarante, piment, gombo, melon, pastèque, tomate, etc MACABO piquage Culture courante dans la zone. Multiplication par bouturage/ou rejet. Cycle de 3 BLANC récolte mois piquage IGNAME Culture courante également, cycle plus long de 9 à 10 mois. Culture annuelle récolte semis PISTACHE Culture de rente essentiellement, pratiquée une fois par an récolte PATATE piquage Culture à cycle très court (2 mois), généralement réalisée deux fois par an. DOUCE récolte Multiplication facile par bouturage mise en place Semis Piquage Repiquage Culture de rente en perte de vitesse. Très courante il y a encore une dizaine d'année mais bouleversement régulier de la filière. Moins pratiquée aujourd'hui TABAC récolte (FPTC : Fédération des planteurs de tabac et autres cultures). Règle des 3 fois 45 jours, récolte en 3 fois

Tableau 3 : Calendrier d'élevage de la Kadey

Elevage J F M A M J J A S O N D Observations PATURAGES LOCAUX Pâturage de prairies naturelles POUSSE CULTURES Identique au cycle des prairies naturelles FOURRAGERES Cultures fourragères utilisées sur "pied" ou en foin. Coupe du foin vers juin - juillet et octobre/novembre, redistribution durant la soudure animale, UTILISATION CULTURES possibilité en juillet durant la petite saison sèche et surtout en janvier- FOURRAGERES février. (les parcelles fourragères sont clôturées pour éviter la destruction par les animaux) Petite transhumance habituellement vers la RCA qui n'est plus possible ou PETITE TRANSHUMANCE vers la partie nord de la région. Petite transhumance dans l'Est et vers l'intérieur du pays. Transhumance pas pratiquée par tous les éleveurs Pâturages encore présents en début de saison sèche en décembre, puis SOUDURE ANIMALE progressivement en baisse jusqu'à être presque nuls en février. Les pluies de février-mars viennent relancer les pâturages pour la saison suivante Vaches et génisses (femelles n’ayant pas encore mis bas une seule fois) peuvent mettre bas toute l'année : saillies non contrôlées. Toutefois, la fertilité est meilleure lorsque les animaux sont dans une bonne situation MISE BAS alimentaire depuis suffisamment longtemps. Ainsi, d'avantage de femelles débutent leur gestation vers avril-mai. Les pics de vêlages sont ainsi en février-mars de l'année suivante (cycle de 9 mois) Pics de production de lait après vêlages et lorsque l'alimentation est PRODUCTION DE LAIT suffisante. Toutefois, production de lait toute l'année Maladie plus ou moins étalées toute l’année. S aison sèche :péripneumonie, infections pulmonaires / saison des pluies : brucellose coccidiose (chez MALADIES veaux), fièvre aphteuse / toute l'année : tuberculose, douve, lymnée, charbon symptomatique, charbon bactéridien, maladie nodulaire, galle, otite Période de vaccination durant la présence des animaux dans la zone : VACCINATIONS souvent de mai à septembre-octobre Mise en vente toute l'année sur les marchés, mais pic avant saison sèche MISE EN VENTE ANIMAUX pour achat tourteaux ou fourrages

13 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 3. METHODOLOGIE

3.1. OBJECTIFS DE L’EVALUATION

3.1.1. OBJECTIF GENERAL

Identifier et analyser différents problèmes et besoins en SANME des populations du département de la Kadey, induits par l’arrivée de nouveaux réfugiés et identifier des opportunités d’interventions adaptées aux problématiques actuelles.

3.1.2. OBJECTIFS SPECIFIQUES

• Analyser la situation et les facteurs liés à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, moyen d’existence, des populations hôtes et réfugiés (focus sur les groupes vulnérables face à une dégradation de leur SANME).

• Réaliser un état des lieux des nouvelles problématiques impactant la SANME des populations hôtes et réfugiés et les organiser par importance.

• Identifier de nouvelles opportunités d’intervention, visant à limiter les impacts liés à l’arrivée de nouveaux réfugiés en 2014, en s’appuyant sur des ressources locales.

• Prioriser les actions à envisager, selon leurs faisabilités et leurs impacts sur les moyens d’existence des populations hôtes et réfugiés.

3.2. METHODOLOGIE DE L’EVALUATION

La zone évaluée s’étend sur les quatre communes du département de la Kadey accueillant le plus de réfugiés centrafricains : Batouri, Kette, Kentzou et Ouli. Cette zone comprend trois sites de réfugiés : Timangolo (Kette), Mbile et Lolo (Kentzou). La méthodologie adoptée utilise à la fois des outils d’enquête quantitatifs (questionnaires ménages) et qualitatifs (entretiens individuels et focus groups), afin de favoriser le croisement des données et leur analyse.

Elle s’oriente autour de principaux indicateurs de sécurité alimentaire et moyens de subsistance des ménages (Score de consommation alimentaire, composition des ménages, Coping Strategy Index, Score Card NFI, revenu et postes de dépense, etc.). Les indicateurs mesurés et leurs potentiel facteurs déterminants sont aussi abordées en entretiens de groupes/individuels dans le but d’affiner au mieux l’analyse des résultats finaux.

Afin d’avoir des résultats les plus représentatifs de la zone d’étude, il a été choisi d’orienter l’échantillon d’enquête sur les représentativités de populations des communes et selon les statuts des populations présentes (hôte, réfugié d’avant 2014 : « ancien réfugié » et nouveau réfugié : à partir de janvier 2014).

Figure 2 : Zone d'évaluation SANME dans la Kadey

Base PU-AMI

Zone d’étude

Source : PUI

La méthodologie employée se décompose de la manière suivante :

• Enquête ménage « population hors site » auprès de 410 ménages, variabilité de 50%, marge d’erreur de 5%. (Questionnaire en Annexe 3)

Enquête quantitative par statut des ménages, selon une projection de répartition de population sur les quatrecommunes (sources : Recensement de 2005, Plans de développement communaux et données HCR 15 mars 2015), sur un échantillon de 14 localités.

Tableau 4 : Projection de population des communes ciblées, début 2015 (sans sites)

Nouveau Estimation Ancien % % réfugiés hors Population Représentation % Autochtones réfugiés Anciens Nouveaux site TOTALE par commune Autochtones PDC 2015 (avant 2014) réfugiés réfugiés (depuis 2014) Ouli 16 000 2 323 1 661 19 984 11% 80% 12% 8% Kentzou 25 460 4 727 6 390 36 577 19% 70% 13% 17% Batouri 62 558 5 317 2 627 70 502 37% 89% 8% 4% Kette 38 000 14401 9 467 61 868 33% 61% 23% 15%

TOTAL 142 018 26 768 20 145 188 931 100% 75% 14% 10%

15 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale

Tableau 5 : Répartition des enquêtes « population hors site » par commune et localité

Anciens Nouveaux Total par Total par Commune Lieu d'installation Autochtones refugiés réfugiés localité commune (avant janvier 2014) (depuis janvier 2014)

Batouri Belita II 2 0 0 2 Batouri Kwele 15 1 2 18 70 Batouri Nyabi 40 4 1 45 Batouri Tapare 3 1 1 5 Kentzou Kentzou 29 14 7 50 Kentzou Lolo "village" 20 0 0 20 98 Kentzou Mbile "village" 20 2 0 22 Kentzou Sandji 3 3 0 6 Kette Gbiti 68 36 13 117 Kette Kette 29 11 7 47 Kette Timangolo "village" 20 3 0 23 209 Kette Boubara 8 5 2 15 Kette Ouro Idje 4 0 3 7 Ouli Tocktoyo 17 8 8 33 33 TOTAUX 278 88 44 410

• Enquête ménage « population des sites » auprès de 105 ménages, variabilité de 20%, marge d’erreur de 5%. (40 à Lolo, 38 à Mbile, 27 à Timangolo). Questionnaire identique entre enquêtes en sites et hors sites, avec les principaux indicateurs suivants : Sources de revenu / Activités, Scores de consommation alimentaire (SCA), Nombre de repas par jour, Stratégies d’adaptation mises en œuvre (CSI), Types de biens possédés, Etat et occupation des abris, Niveau d’accès aux NFI (Indicateur : Score Card NFI), Niveau d’accès aux services de base, Accès aux marchés. Les questionnaires sont administrés à partir de la méthode d’enquête du « stylo ». Afin d’enquêter des personnes au hasard, les enquêteurs se présentent au centre de la localité ou d’un quartier et doivent suivre la direction que leur indique leur stylo, jeté au sol. L’ensemble des ménages sur le côté droit de la rue emprunté sont ensuite enquêté. L’opération est ensuite renouvelée lorsque qu’il n’y a plus d’habitation, pour s’orienter vers une nouvelle direction.

Figure 3 : Exemple UNICEF technique d'enquête "stylo" au sein d'un village (Source: CSI: Field Methods Manual)

• Focus Groups (4) avec des groupes de femmes sur les marchés (Kentzou, Gbiti, Lolo et Mbile)

o Accès aux marchés o Stratégies d’adaptation mises en œuvre selon les zones o Pratiques alimentaires et saisonnalités

16 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Entretiens (30) avec autorités, services techniques, équipes PUI, commerçant, éleveurs et cultivateurs :

Tableau 6 : Liste des personnes rencontrées

N° Nom / Prénom Intitulé de poste Lieu Fonction enquête

1 Hodi Alidou Représentant des réfugiés site de Lolo Lolo Autorité traditionnelle 2 Ebwekoh Felix Ngwese Délégué départemental de l’élevage de la Kadey Batouri Service technique 3 Lucie Gilles Cheffe de sous bureau PAM Batouri Batouri Acteur Humanitaire 4 Dongmo Joseph Délégué départemental de l‘agriculture de la Kadey Batouri Service technique 5 Halpha Emmanuel Préfet du département de la Kadey Batouri Autorité étatique 6 Dairou Ardo de Kette / Agent PUI zone de Kette Kette Autorité traditionnelle 7 Mbassa Geremy Chef de 3eme degré Mbilé 1 Mbilé Autorité traditionnelle 8 Adrien Emangard Responsable de base PUI Batouri Batouri Acteur humanitaire 9 Boukar Bondo Sous-préfet d’Ouli Ouli Autorité étatique 10 Dangado Moussa Pierre Chef de 3ème degré de Tocktoyo 2 Tocktoyo Autorité traditionnelle 11 Oumarou Belo Chef de Poste Frontière de la sureté Nationale Tocktoyo Autorité étatique 12 Mouafo Solange Agent cadre communale de développement Kette Service technique 13 M Seini Ardo des anciens réfugiés de Kette Kette Autorité traditionnelle 14 Alaji Seyfou Eleveur sédentaire sur Kette Kette Acteur économique 15 Ardo Moussa Ardo des nouveaux réfugiés de Kette (Béthanie) Kette Autorité traditionnelle 16 Nicolas Mbonga Chef de 3eme degré de Lolo Lolo Autorité traditionnelle 17 Essama Clément Adjoint Sous-préfet de Kentzou Kentzou Autorité étatique 18 Jean Marie Aye Délégué d’arrondissement de l’agriculture de Kentzou Kentzou Service technique 19 M Galim Ardo de Kentzou Kentzou Autorité traditionnelle 20 Adamou Bamanga Représentant des réfugiés site de Mbilé Mbilé Autorité traditionnelle 21 Zana Oumar Représentante des jeunes sites de Mbilé Mbilé Autorité traditionnelle 22 Souleyman Mahamoudou Commerçant à Lolo Lolo Acteur économique 23 Wendy Pierre Responsable Technique PUI Batouri Batouri Acteur Humanitaire 24 Gbanga Emmanuel Maire de Kette Kette Autorité communale 25 Ardo Manu Ardo de Gbiti Gbiti Autorité traditionnelle 26 Abdu Idje Ardo d’Ouro Idje Ouro Idje Autorité traditionnelle 27 Mare Landry Chef de chantier / Mine de Bengote Bengote Acteur économique 28 Issa Moussa Chef des réfugiés de Timangolo Timangolo Autorité traditionnelle 29 Francine Badjeck Chef centre de santé par intérim Gbiti Service technique 30 Ardo Souleymane Ardo Gbiti Gbiti Autorité traditionnelle

o Fonctionnement des marchés (locaux/transfrontaliers) o Problèmes et difficultés de la zone selon les secteurs o Interactions entre les parties prenantes / organisations o Opportunités

• Sondage (15) sur les intentions de retour, mené auprès de ménages sur les sites de Lolo et Mbilé

• Observation et discussions informelles : réfugiés, population hôte, commerçants, cultivateurs, éleveurs, acheteurs sur marchés

• Relevé des prix (5) sur les marchés alimentaires : Gbiti, Kentzou, Mbile, Lolo, Timangolo

L’utilisation croisée de ces indicateurs permet une analyse de la situation et la formulation de recommandations d’interventions adaptées au contexte et aux caractéristiques spécifiques de la zone ciblée.

17 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 3.3. CHRONOGRAMME DETAILLE

La phase terrain de l’évaluation a durée du 16 mars au 15 avril, sur 20 jours.

Tableau 7 : Chronogramme détaillé de l'évaluation

Mars Avril ETAPES S12 S13 S14 S15 S16 Mission d'évaluation terrain Batouri

Première phase d'entretiens auprès des personnes ressources

Entretiens avec membres clés des équipes

Mise en place des focus groups

Recrutement et formation des enquêteurs (tests terrain)

Enquêtes terrain

Premières conclusions / synthèse des données manquantes ou à affiner

Seconde phase d'entretiens (opportunités, collecte données manquantes)

3.4. COMPOSITION DE L’EQUIPE

L’équipe d’évaluation était constitué de :

o Un Responsable Evaluation: ROTUREAU Vincent o Un Chargé d’Evaluation : GBOWE GBOWE Simplice o Une équipe de 8 enquêteurs terrain

3.5. SOURCES DE DONNEES SECONDAIRES

• Aperçu Des Besoins Humanitaires 2015, OCHA Cameroun, décembre 2014. • Rapport inter agences sur la situation des réfugiés centrafricains, OCHA Cameroun, janvier 2015. • Statistiques des refugies centrafricains dans l'Est, l'Adamaoua et le Nord du Cameroun - 15 mars 2015, UNHCR Cameroun. • Plan de réponse stratégique (SRP) Cameroun, juillet 2014 • Enquête Nutritionnelle et de Mortalité Rétrospective SMART, Rapport préliminaire, Ministère de la santé du Cameroun/UNICEF, septembre/octobre 2014. • MINACHIF, MINADER Cameroun, 2009. • Annuaire des statistiques du secteur agricole (AGRISTAT), MINADER Cameroun, 2009-2010. • Enquête sur les échanges transfrontaliers de marchandises au Cameroun : Bilan méthodologique et résultats, Institut national des statistiques, Cameroun, 2014. • Evolution de l’inflation au cours des neuf premiers mois (janvier-septembre) de l’année 2014, Département des statistiques démographiques et sociales, 2014. • Annuaire statistique du Cameroun, Institut national de la statistique, version 2013. • Development of a Standardized Body Condition Score for Native Cattle in Uganda, E.S Dierenfeld & Lukuyu, “non daté” • Population du Cameroun 2010, République du Cameroun, 2011. • Guide méthodologique : SCORE DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE (SCA), Fiche d’activité, PUI, GUIDE 2013. • Guide méthodologique COPIING STRATEGIE INDEX (CSI), Fiche d’activité, PUI, GUIDE 2013. • Guide méthodologique SCORE CARD NFI, Fiche d’activité, PUI, GUIDE 2013. • The Integrated Food Security Phase Classification (IPC), Technical Manual, IPC, Global Partners, 2012.

18 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • The Use of Cash and Vouchers in Humanitarian Crisis, DG ECHO funding guidelines, March 2013. • Méthodologie d’Evaluation de l’Aide extérieure de la Commission européenne, Direction Générale des Relations Extérieures, Direction Générale du Développement, EuropeAid Office de Coopération, Unité Commune Evaluation, Commission européenne, 2006 • Food Consumption Analysis, Technical Guidance Sheet, Programme Alimentaire Mondial, Version 1 2008 et mises à jour • Charte humanitaire des normes minimales pour les interventions lors de catastrophes, Le Projet SPHERE, www.sphereproject.org • The Coping Strategy Index, A tool for rapid measurement of household food security and the impact of food aid programs in humanitarian emergencies, Field Methods Manual, Daniel MAXWELL & Richard CALDWELL, Second Edition, January 2008 • Evaluation Multisectorielle, hors site aux villes points d’entrée à la frontière avec la RCA, PUI, décembre 2014 • CAR Refugees in East Cameroon, Danish Refugee Council (DRC), novembre 2014 • Rapport d’évaluation SAME / WASH, départment de la Kadey, Cameroun, ACF août 2014

3.6. LIMITES DE L’ETUDE

Les données récoltées viennent représenter la situation actuelle. Les mouvements de populations, l’évolution de la sécurité et les résultats des campagnes agricoles, vont de nouveau modifier les niveaux de vie des populations. Il est nécessaire de mettre à jour ces données, afin de mieux comprendre les évolutions du milieu.

Ensuite, la période d’enquête se situe en période de début de soudure pour de nombreux ménages, période encore non critique pour les ménages les plus vulnérables face à une insécurité alimentaire. Il sera donc important de considérer l’effet saisonnier des données recueillies, de même que pour les prix des denrées sur les marchés. Egalement, l’étude a été menées sur la base d’une estimation des données de population, la représentativité réelle de chaque groupe de population peut être légèrement différente, toutefois elle donne une idée assez précise de la répartition des groupes, selon des sources multiples et récentes. L’étude est aussi réalisée auprès de ménages ayant une habitation principale dans les localités, hors il arrive de trouver des hameaux de cultivateurs ou d’éleveurs plus éloignés qui n’ont pas été approchés dans l’enquête ménage.

Enfin, les statistiques des enquêtes ménages sont représentatives pour l’ensemble des groupes étudiés (population hors site / population des sites). Le croisement et filtrage des données (selon communes, etc.) vient réduire cette représentativité. Cela donne des orientations et tendances fiables, mais ne sont pas à considérer comme données véritables.

19 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4. RESULTATS DE L’EVALUATION

4.1. FACTEURS LIES A LA SECURITE ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE & AUX MOYENS D’EXISTENCE (SANME)

4.1.1. VARIATIONS CLIMATIQUES

• Une modification progressive des conditions climatiques

Le département de la Kadey évolue dans un climat tropical, avec une température moyenne du mois le plus froid (juillet) supérieur à 18°C. Les variations de température sont très faibles et le climat est humide, avec des précipitations globalement uniformément réparties. On y compte 2 saisons de pluies (mars à juin et août à novembre) et 2 saisons sèches (décembre à février et juillet).

Les diagrammes ombrothermiques (Bertoua 2014 et de 2004 à 2013) confirment le climat global, mais on y observe de réelles évolutions. Si les températures évoluent peu (amplitude thermique de 2,5°C de 2004 à 2013 et de 2,4°C en 2014), le niveau des pluies est en revanche très variable selon les mois et les années.

Le début de la saison des pluies connait sûr certaines années un retard de plusieurs mois, avec une irrégularité des pluies (des périodes sans pluies de plus d’une semaine). Egalement, la période sèche n’est pas toujours marquée en juillet. Enfin la seconde période de pluie se termine parfois quelques mois en avance. Depuis 10 ans, la moyenne de hauteur de pluie est de 1 420,2 mm. En 2010, elle était de 1 025,3 mm (1 171,2 mm en 2011 et 1 634,4 mm en 2013).

On ne constate pas un réel affaiblissement des pluies, mais une répartition plus inégale selon les mois et les années .

Figure 4 : Diagrammes ombothermiques de Bertoua 2004 à 2013 / 2014

2004 à 2013 2014

Source : Station météorologique Aérodrome de Bertoua

‹ Gauche : Bertoua de 2004 à 2013 : 1 420,2 mm, 24,3°C, amplitude thermique de 2,5°C ‹ Droite : Bertoua 2014 : 1 510,7 mm, 24,1°C moyenne annuelle, amplitude thermique de 2,4°C

20 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Figure 5 : Diagramme ombrothermique Yaoundé, moyennes de 1961 à 1990

Source : http://nom-des-nuages.perso.sfr.fr/ombrothermique

‹ Yaoundé de 1961 à 1990 : 1 628 mm, 23,8°C, amplitude thermique de 2,7°C

En observant le diagramme de Yaoundé (1961 à 1990, même référence climatique), les saisons sont bien marquées sur cette période de trente ans, ce qui n’est pas le cas sur les 10 dernières années.

• Des prévisions climatiques difficiles qui compliquent le travail des cultivateurs

Bien que le climat soit globalement favorable à la conduite d’activités agricoles, les cultivateurs ont relevé une plus grande difficulté à prévoir et anticiper le début ou l’arrêt des pluies.

Pour exemple, la première saison des pluies à tendance à réellement débuter en mars, permettant le début des semis pour les cultivateurs, s’en suit plusieurs mois de pluies régulières et abondantes. Or, les relevés des pluies des 10 dernières années (Station météorologique de Bertoua) indiquent en 2010 un réel début des pluies qu’en juin (104,3 mm). Les cultures, semées habituellement en mars ont pu connaitre un stress hydrique durant leur développement et les résultats de la campagne diminués. Sur 2014, on remarque une seconde partie d’année avec au mois de juillet 65,7 mm de pluie en moins par rapport à la moyenne, un mois d’août très pluvieux (+168,2 mm) puis une chute des pluies constante par rapport à la moyenne.

Tableau 8 : Données climatiques Bertoua, 2003-2013 / 2014

Janv Fev Mars Avr Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Dec Température moyenne mois/2014 23,1 24,48 25,3 24,69 24,58 24,17 22,92 23,85 24,7 24,26 24 23,5 Températures 23,8 25,3 25,8 24,4 24,8 23,9 23,4 23,3 24 24,2 24,3 23,4 moyennes/mensuelles (2003-2013) Ecart moyen -0,7 -0,82 -0,5 0,29 -0,22 0,27 -0,48 0,55 0,7 0,06 -0,3 0,1 Hauteur de pluies sur 2014 0 55,5 110 229,7 152,2 164,5 67,4 325,5 179,4 184,1 35,6 6,7 Moyenne de Hauteur de pluies sur 14,6 50,2 83,7 138,6 132 113,2 133,1 157,3 221,3 248,9 113,1 14,2 2004-2013 Ecart moyen - 5,3 26,3 91,1 20,2 51,3 -65,7 168,2 -41,9 -64,8 -77,5 -7,5

En conséquence pour les cultivateurs : ‹ Des semis étalés dans le temps pour limiter les risques => récoltes étalées ‹ Des récoltes dans des conditions humides et avec un séchage difficile en juin-juillet août. ‹ Des rendements amoindris en seconde saison pluvieuse ‹ Récoltes plus précoces en seconde saison et une maturité des graines pas toujours atteinte pour les dernières cultures semées

21 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale En conséquence pour les éleveurs : ‹ Bonne reprise des pâturages en début d’année ‹ Surpâturage et diminution des pluies en seconde partie d’années => forte pression sur les pâturages et arrêt précoce de la disponibilité en herbe ‹ Allongement de la période de soudure pour le bétail

4.1.2. EVOLUTIONS DEMOGRAPHIQUES

• Une hausse globale de la population importante en 2014

Le département de la Kadey connait comme l’ensemble de la région de l’Est un taux de croissance annuel de sa population d’environ 0.84% par an depuis 2005 (Recensement général de la population et Institut National de la statistique). C’est un taux très faible, bien en dessous de la moyenne nationale 2,7 – 2,5 %.

L’évolution démographique joue un rôle majeur sur la sécurité alimentaire. Il s’agit d’un des premiers facteurs car il donne une représentation à la fois des besoins en consommation et des capacités de production (nombre d’actifs). Une forte hausse provoque d’abord à court terme une hausse de la demande. La hausse de la production va dépendre de nombreux autres facteurs : activités économiques, marchés, accès aux terres, cadre juridique et taxes, accompagnement technique, infrastructures (marchés, routières), etc.

En 2014, la population de la Kadey a connu une hausse de 23% avec l’arrivée de 49 616 réfugiés centrafricains (11,39% pour l’ensemble de la région de l’Est). Cette hausse de population traduit clairement l’évolution des besoins alimentaires. Il est impossible que la production agricole locale ait pu suivre cette hausse et soit capable de répondre sur l’année 2014 aux besoins des populations, sans impacter les marchés (bouleversement des filières si excédents de production).

Tableau 9 : Evolution de la population de la région de l'Est par département, 2005 à 2015 (Estimation)

E 2014 Taux théorique E 2014 E 2015 Densité Population sur une de croissance avec anciens avec nouveaux théorique 2005 2005 2005 2005 Poids croissance de démographique Densité Densité réfugiés réfugiés 2015 0,84%/an 2014-2015 démographique démographique

Boumba et Ngoko 115 354 3,8 14,95% 122 912 123 061 128 383 4,32% 4,2 Haut Nyong 196 519 5,4 25,46% 209 395 209 395 211 154 0,84% 5,8 Kadey 184 098 11,6 23,85% 196 160 222 929 274 193 23,00% 17,3 Lom et Djérem 275 784 10,5 35,73% 293 854 325 099 367 051 12,90% 13,9

TOTAL 771 755 7,1 100,00% 822 322 880 485 980 781 11,39% 9,0

Source : RGPH 2005. E=estimation RGPH / Institut National de la statistique – Annuaire Statistique du Cameroun 2011.

En terme de répercussion sur l’espace, la densité de population passe de 11,6 à 17,3 habitants /km² pour la Kadey et de 7,1 à 9 habitants/km² pour l’Est (moyenne Cameroun de 40,6 habitants/km² pour le Cameroun). Le département de la Kadey reste donc très peu peuplé et les espaces cultivables peuvent paraitres facilement accessibles. L’inégalité de répartition de cette hausse de population pose cependant des limites.

22 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Une répartition géographique inégale

Au-delà de cette hausse, il est à constater que la répartition géographique globale de ces populations est assez inégale, notamment avec la création de 3 sites de réfugiés (Lolo, Mbile et Timangolo). Pour ces localités la population a été multipliée au minimum par 3,6 (Timangolo) et au maximum par 8,5 pour Lolo. Cette pression démographique n’est pas constatée que dans les sites, mais aussi dans certaines localités, souvent frontalières et représentants des points d’entrées et d’échange avec la RCA voisine : Kentzou, Gbiti, Tocktoyo.

Tableau 10 : Exemples d'évolution de la population sur des localités des communes de Kette, Ouli, Batouri, Kentzou

Total Taux théorique de Lieu Population Arrivees Population Arrivées en global croissance Commune d'installation locale jusqu'en Totale 2014-2015 Début démographique (localités) 2014 Janv 2014 Janv 2014 2015 2014-2015 Batouri Nyabi 7 095 2 817 9 912 467 10 462 5,6% Kentzou Kentzou 13 200 3 567 16 767 6 331 23 239 38,6% Kentzou Lolo 1 500 6 1 506 11 327 12 846 753,0% Kentzou Mbile 2 480 748 3 228 10 036 13 291 311,7% Kette Gbiti 5 270 8 359 13 629 5 664 19 407 42,4% Kette Kette 5 300 1 965 7 265 2 590 9 916 36,5% Kette Timangolo 1 960 667 2 627 6 816 9 465 260,3% Ouli Tocktoyo 3 500 2 202 5 702 1 218 6 968 22,2%

Pour ces localités (site et non site), les conséquences incontournables de cette hausse subite de la population sont : ‹ Pression sur les infrastructures collectives (centre de santé, écoles, points d’eau, marché, etc) ‹ Pression sur le logement (hausse des loyers) ‹ Pression sur les marchés (hausse au minimum ponctuelle des prix) ‹ Pression sur les activités économique (baisse du coût de la main d’œuvre, difficultés d’accès aux terres cultivables) ‹ Pression générale sur les ressources (bois, pâturages, terres, eau)

Selon les autorités et un sondage réalisé auprès des réfugiés des sites, cette répartition des populations est amenée à durer au moins à moyen terme (très faible volonté de retour en RCA, volonté de désengorger et sécuriser les localités d’entrée avec la création des sites de réfugiés, facilitation de l’aide humanitaire avec les sites). A terme, les sites n’offrant pas suffisamment de perspectives d’intégration économiques et sociales vont progressivement se réduire et les réfugiés désireux de rester au Cameroun vont privilégier des lieux permettant : ‹ un regroupement familial ; ‹ une meilleure intégration économique (travail journalier/accès au terres/pratique de l’élevage) ; ‹ pour certains, un maintien des échanges avec la RCA (localités frontalières) ;

La pression démographique est amenée à durer à long terme hors site pour les principales localités frontalières (Kentzou, Gbiti, Tocktoyo et Kette). A noter également qu’avec la forte présence de réfugiés, le regroupement familial et une amélioration progressive des conditions de vie (santé gratuite, couverture alimentaire, accès à l’eau, etc.), le taux de croissance de la population pourrait aussi augmenter sur la durée (taux de croissance d’environ 2% en RCA voisine).

23 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.1.3. COMPOSITION DES MENAGES – REGROUPEMENT FAMILIAL

Hors des sites, la taille moyenne des ménages est de 7,3 personnes. On retrouve une proportion d’actifs par rapport à la taille du ménage de 36% (2,3 actifs en moyenne). Ils sont en réalités plus nombreux, notamment pendant les pics de travaux aux champs (travail des enfants non négligeable). On retrouve en moyenne une femme enceinte pour cinq familles, une femme allaitante dans une famille sur 2 et 1,7 enfant de moins de 5 ans par ménage.

Dans les sites, la taille moyenne des ménages atteint 5,9 personnes. Le ratio actif/taille du ménage est naturellement plus faible que dans la population (27,3% ; avec une moyenne à 1,6 actif/ménage). On retrouve en moyenne une femme enceinte pour cinq familles, une femme allaitante dans une famille sur 3 et 1,4 enfant de moins de 5 ans par ménage.

• Un niveau de vie variable selon le nombre d’actif

Dans un environnement principalement agricole ou les besoins en qualification sont faibles, le nombre d’actif est très important pour le niveau de vie des ménages . Ce constat est encore plus prononcé hors des sites, où l’aide n’est pas aussi importante que dans les sites. Il est à penser qu’avec l’intégration progressive de populations réfugiées dans des activités agricoles journalières, cette tendance va aussi se confirmer pour les populations des sites (pas le cas aujourd’hui).

On remarque dans le tableau ci-dessous (pour les ménages hors site), l’influence de l’aide apportée par le PAM sur le score alimentaire des ménages avec peu ou pas d’actif (ancien réfugiés pour la plupart). Le niveau de revenu par membre du ménage n’évolue pas selon le nombre d’actif. En effet le ratio actif/dépendant n’est pas toujours plus élevé avec l’augmentation du nombre d’actif. Cependant, le revenu global des ménages avec plus d’actif est plus élevé, les charges fixes évoluant peu, l’effet est visible sur la consommation alimentaire et les biens non alimentaires possédés. Le recours et la gravité des stratégies d’adaptation (CSI) augmente avec un nombre d’actif plus élevé, cela ne traduit pas une vulnérabilité plus forte mais des « opportunités » plus importantes : plus le ménage est important plus « l’éventail » des recours possibles est importants (chasse, cueillette, envoyer un membre de la famille manger à l’extérieur, partage des repas, etc). Les stratégies misent en œuvre ont cependant des conséquences plus graves pour les ménages les plus « pauvre », le plus souvent avec un nombre d’actifs plus faible.

Tableau 11 : Evolution du niveau de subsistance selon le nombre d'actif par ménage (hors site)

Revenu Nombre SCORECARD REVENU Hebdomadaire/ Répartition SCA CSI d’actif NFI HEBDOMADAIRE membre du (1 à 5) ménage 0-0 1% 69,5 24,2 2,8 100 - 1-1 32% 54,9 20,3 2,2 6 213 1 215 2-2 32% 50,6 23,4 1,9 8 748 1 396 3-3 22% 53,7 21,6 1,6 9 753 1 206 4-5 8% 57,8 23,6 1,5 12 258 1 057 >5 4% 65,5 26,6 1,4 20 735 1 395 Total 100% 54,1 22,2 1,9 8 866 1 249

24 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Importance du regroupement familial pour les populations nouvellement réfugiés

Pour les populations nouvellement réfugiés, il est difficile de se lancer efficacement et sereinement dans des activités sans avoir une stabilité familiale (regroupement des membres, information sur l’état des membres). Des membres d’une famille ont parfois emprunté des trajets différents pour fuir la RCA et sont arrivés à des points d’entré différents / sites différents.

Les activités économiques sont essentiellement familiales (travaux des champs, artisanat, commerce, etc). Une famille entièrement composée va pouvoir se lancer plus facilement dans des activités, les chances de réussite seront plus fortes. Aussi, comme vu précédemment, avec un nombre d’actifs maximisé, le niveau de vie des ménages est amélioré : partage et rationalisation des charges fixes, part plus grande des revenus pouvant être consacrés aux biens alimentaires (qualité et quantités plus grandes) et non alimentaires, à la santé ou encore à la scolarisation des enfants.

4.1.4. ACTIVITE ECONOMIQUE DES POPULATIONS

• Une économie des ménages en majorité tournée vers l’agriculture, le commerce, le travail ponctuel/journalier

Dans l’ensemble des localités, 61% des populations pratique l’agriculture et 46% de la population en tire un revenu , en activité principale ou en activité annexe. Ce pourcentage est plus fort lorsqu’on s’éloigne des zones urbaines. Le commerce est la seconde activité, pratiqué par 32% de la population (1 famille sur 3). 27% pratique le travail journalier (travail aux champs, liés aux activités de commerce, etc.). Après ces activités principales, on retrouve l’artisanat (tissage des feuilles de raphia pour toitures notamment), la vente de bois de chauffe ou l’élevage.

Figure 6 : Répartition des différentes activités sources de revenu mises en œuvre hors des sites

25 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Une multiplication des activités qui permet de sécuriser les moyens de subsistance

De manière générale, plus un ménage met en œuvre des AGR différentes, plus ses moyens de subsistances sont importants. Cette diversification des activités est permise par une taille de ménage et le nombre de membre en capacité et en âge de travailler. Au-delà de 3 sources de revenu, on retrouve les ménages très nombreux (>10 en moyenne) mais avec un rapport actif / taille du ménage plus faible (25%).

Tableau 12 : Evolution des niveaux de subsistance selon le nombre de source de revenu

Revenu / Nb source de Revenu Taille Score % Pop SCA Pers menage Actif revenu hebdo (XAF) Menage Nfi (XAF) 1 Source de revenu 43,1% 51 6 003 6,2 2,1 968 1,8 2 Source de revenu 43,4% 55 10 056 7,4 1,8 1 359 2,4 3 Source de revenu 11,5% 63 14 414 9,8 1,5 1 471 3,5 4 Source de revenu 2,0% 56 13 375 10,6 1,4 1 262 2,6

• Un faible accès aux activités génératrices de revenu dans les sites

La répartition des activités génératrices de revenu est beaucoup plus faible dans les sites. 20,8% des ménages n’a accès à aucune source de revenu. Afin de répondre aux besoins de première nécessité, de diversifier l’alimentation, la vente d’une partie des vivres reçu par le PAM est une stratégie largement mise en œuvre pour ces ménages.

C’est le travail journalier qui domine en première activité (41,6%) : on retrouve ici le travail proposé par les ONG, mais aussi les travaux du champ (où les réfugiés représentent une main d’œuvre moins cher que les camerounais), les travaux dans les mines d’or sont aussi très courant, notamment sur Timangolo, suivent l’artisanat (couture, tissage raphia, etc), le commerce ou la vente de bois.

Figure 7 : Répartition des différentes activités source de revenu dans les sites

26 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Très peu de ménages entretiennent des activités agricoles, source de revenu (4%), cela s’explique en partie par le fait que beaucoup avaient auparavant des activités d’élevage ou de commerce. Certains ménages avaient un champ en RCA, mais faisaient beaucoup appel à la main d’œuvre. Les difficultés d’accès à la terre, le manque d’outils et de semences, les familles décomposées expliquent aussi le peu d’activités agricoles. 12% déclare cependant pratiquer du petit maraichage, le plus souvent pour de l’autoconsommation, l’accès à la terre étant plus facile sur de petites surfaces et proche des sites.

L’élevage est peu présent, 2% déclare le pratiquer comme AGR . Dans la réalité l’élevage (bœuf, petits ruminant, volailles) est pratiqué par 12% des ménages, mais ne représente pas des revenus réguliers. Environ 4% déclarent posséder des bœufs, ce pourcentage peut être légèrement supérieur en réalité, ce qui peut représenter environ 1 100 éleveurs/propriétaires de gros bétail dans les sites.

Dans la catégorie « autre » on retrouve les marabouts, berger, pêcheurs ou taxi-moto.

Figure 8 : Illustration du travail dans les mines d'or (Bengote) et petit maraichage (Lolo), avril 2014

• Un faible accès à l’emploi, notamment pour les jeunes

La chute progressive de l’industrie du tabac, la faible valorisation des produits agricoles et la forte hausse de population a engendré un très faible accès à l’emploi et de très faibles perspectives locales pour les jeunes. Ce problème qui touche les jeunes réfugiés est aussi très important chez les jeunes camerounais, qui doivent faire face à une main d’œuvre concurrente (réfugiés) bien moins cher.

Les conséquences globales dans la zone sont une hausse de la petite criminalité (vol), prise de stupéfiants (« tramol » ou « tramadol » notamment, surtout chez les réfugiés), le développement des mines aurifères..

La prise de Tramadol est très courante et inquiétante chez les jeunes réfugiés, le produit est bon marché : 25 XAF la pilule. Elle créer une dépendance et les effets secondaires sont nombreux : nausées, céphalées, vertiges, douleurs d'estomac, anxiété, crise d'angoisse, dépression (sur le long terme). Elle coïncide aussi avec une montée de la petite criminalité (vols, agressions) et des accidents de la route notamment.

27 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Focus sur les activités minières artisanales

L’activité aurifère est une particularité de la zone. Elle est source de conflits à proximité de cette zone côté RCA. Elle ne présente pas de conflits majeurs côtés camerounais, mais est aussi une source non négligeable de revenu pour de nombreux ménages. Elle est essentiellement développée sur la partie centre et nord du département.

L’activité minière est la source de revenu la plus rémunératrice demandant le moins de qualification. En termes de niveau de revenu hebdomadaire, c’est la seconde après les travailleurs salariés permanent.

Figure 9 : Revenus hebdomadaires en XAF selon les activités (hors site)

Tous les travailleurs dans les mines ne sont pas des vendeurs d’or, qui constitue l’extrémité de la chaine. Le vendeur est propriétaire d’une ou plusieurs tranchées, achetée auprès du chef de la mine. De nombreux journaliers sont ensuite employés pour le ramassage des graviers et le transport de l’eau notamment. L’activité minière crée une multitude d’activités annexes (vente d’eau potable, restaurant, salon de coiffure, bar, boutiques, moulins pour graviers) et c’est de vraies petites villes qui se développent autour d’un gisement.

Pour les vendeurs d’or, propriétaires d’une mine ou d’une « tranchée », les revenus perçu ne sont pas toujours synonymes de richesse, la fortune recherchée n’est bien souvent qu’une illusion. Les charges sont nombreuses (journaliers, cassage des graviers avec moulins, nourriture, eau potable) et l’argent récolté est bien souvent vite dépensé dans des biens de consommation (moto, NFI, etc) ou alcool, drogue, sans grandement améliorer les conditions de vie ou être réinvesti.

Dans les mines, la prostitution est importante, de même que la vente de drogue, d’alcool. Il n’y a bien souvent aucun forage, pas de latrines, les abris sont provisoires, l’eau potable vient par des porteurs des localités voisines. L’activité est « contrôlée » par les mairies, qui perçoivent une taxe annuelle (environ 5 000 XAF par tranchée, tarif non standard), mais surtout par le chef de la mine, prenant un pourcentage sur chaque « tranchée ». Le chef de la mine est celui qui a découvert le gisement.

28 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale La mine de Bengote située à 8 km de Timangolo est une vraie ville (population estimée à 2 500-3 000 personnes). Les travailleurs y viennent de tout le pays et les réfugiés centrafricains ont eu depuis peu l’autorisation de prendre part aux activités. Cette mine génère énormément de cash dans la zone ainsi que pour les réfugiés du site de Timangolo, ce qui explique en partie le fort développement du marché du site de Timangolo, et le faible dynamisme des populations dans la vie du site.

Il est difficile d’évaluer le nombre de ménages du site vivant directement ou indirectement de l’activité minière, on peut l’estimer de 30 à 50%. Sur le mois d’avril, les acteurs humanitaires ont constaté une réelle chute de fréquentation du site et des écoles en raison des activités de la mine.

Figure 10 : Illustrations de la mine aurifère artisanale de Bengote (proche de Timangolo), avril 2014

A gauche, habitations de la mine, plus de 2 500 personnes / A droite, extraction du gravier, vendu 80 000 XAF (122 euros) le sac.

A gauche, mine/tranchée abandonnée par éboulement / A droite, tranchées de parfois plus de 15m de profondeur, avec tunnels/galeries reliant les tranchées les unes aux autres

L’activité conduite de manière artisanale impose une vraie modification du paysage. Au vue de la taille de la mine et des sols encore non exploités, la mine va être exploitée pendant encore plusieurs années (mine découverte en 2010).

29 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.1.5. ACCES AUX RESSOURCES NATURELLES

• Le foncier : une propriété de l’état, une gestion traditionnelle, familiale et communale

Les terres agricoles sont dans la grande majorité des cas une propriété de l’état camerounais. Seuls les individus ou sociétés possédant un titre foncier de propriété peuvent se réclamer propriétaire d’une terre. Les terres restent toutefois sous la gestion des autorités traditionnelles, chef de 3 ème degré, 2 nd degré et chefferie de 1 er degré. Elles sont le plus souvent attribuées à des familles, pour la mise en place de cultures. Les mairies interviennent parfois dans la gestion du foncier, auprès de différentes chefferies, notamment pour l’aménagement d’espaces réservés à l’agriculture ou à l’élevage, ou à des espaces de transhumance. La gestion quotidienne des litiges et accès au foncier est de l’affaire des chefs de 3 ème degré (chefs de localités).

• Un accès au foncier très difficile pour les réfugiés : principalement pour les nouveaux

De manière générale, l’accès au foncier est assez difficile pour les populations réfugiées. Hors des sites, pour les anciens réfugiés désirant cultiver, l’accès se fait pour moitié par prêt ou don (facilité par les liens familiaux). Pour l’autre moitié, les ménages ont recours à de l’achat (28%) ou de la location (contre argent ou partie de la récolte : 20%), estimé à environ 20 000 XAF par an pour un champ moyen (0,75 à 1 ha). Avec le temps, l’accès semble satisfaisant pour les anciens réfugiés.

Pour les nouveaux réfugiés, l’accès au foncier est très difficile et est réellement . Sur la saison agricole 2014, très peu ont pu cultiver (sur des surfaces très modestes), aussi par manque d’intrants, matériels (outils/semences) et connaissances.

Tableau 13 : Représentation des populations pratiquant les principales cultures, en fonction des statuts (hors site)

Statut Culture du maïs Culture du manioc Culture de l’arachide Ancien réfugié (avant 2014) 18,8% 27,5% 8,8% Camerounais (hôte) 29,5% 64,0% 42,4% Nouveau réfugié (début 2014) 2,3% 4,7% 2,3%

En 2015, le problème d’accès au foncier reste persistant , les principales raisons sont les suivantes : ‹ Coût trop élevé pour les réfugiés (souvent les plus pauvres souhaitent s’engager dans les activités agricoles) ‹ réticence des autorités traditionnelles par peur d’être dépossédé des terres à long terme ‹ peur de devoir gérer les conflits avec les familles délogées ‹ pression accrue sur les ressources auxquelles les autorités souhaitent aussi se protéger

Ce problème est identique dans les sites. Le grand nombre de réfugiés rend les négociations difficiles, les autorités traditionnelles ne semblent pas en capacité de gérer seul ce problème. Certains chefs traditionnels comme celui de Mbilé, gèrent cela de manière individuelle, ménage par ménage lorsqu’ils sont sollicités. Avec environ 1 800 ménages sur le site, ce mode de gestion parait insurmontable. En conséquence, de nombreux nouveaux réfugiés : comme à Béthanie (Kette), Timangolo ou Mbile ont déclaré ne pas réaliser d’activité agricole par l’impossibilité de trouver des terres . Ce problème semble être le même dans les autres localités accueillant un grand nombre de réfugiés (Kentzou, Gbiti, Tocktoyo, etc). 30 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale La gestion des terres à Lolo semble avoir été plus efficace. Le chef de localité ayant délocalisé et relogé des cultivateurs locaux pour attribuer une surface globale aux réfugiés du site, dont la gestion revient à la charge des réfugiés eux-mêmes.

• Réduction du pâturage, pression sur les terres cultivables: impact de la « Chomolaena odorata ».

La « Bokassa Grass » scientifiquement appelée Chomolaena odorata, est une herbacée considérée comme invasive originaire d’Amérique du Sud et introduite sur le continent africain il y a une trentaine d’années. Elle est résistante à la sécheresse et se dissémine dans les espaces surpâturés.

La quasi-totalité des éleveurs se plaint de l’envahissement des pâturages par cette plante, surtout dans la partie nord du département, ce qui empêche le développement des graminées, en couvrant le sol. Cette plante est largement visible au bord des routes lorsqu’on parcourt cette région. Elle se dissémine par le passage des animaux (facilité par la transhumance) mais surtout par le vent (graines de type « planeur léger »).

La plante n’est pas tant détesté par les cultivateurs, la Chomolaena odorata a aussi une action fertilisante sur les sols (apport en matière organique et azotée) et n’est pas si difficile à éliminer en milieu plus humide (dessouchage plus facile en sol forestier).

La « Bokassa Grass » constitue un problème important pour les éleveurs, en perte de pâturage depuis plusieurs années.

Figure 11 : Illustration de l'avancée de la Chomolaena orodata sur le pâturage en arrière-plan (Ouro Idje sur la commune de Kette, avril 2015)

• Appauvrissement accéléré des sols et du bois de chauffe

La grande crainte des populations hôtes est la destruction progressive de leur environnement, notamment aux abords des sites, mais aussi des principales localités d’accueil. Bien que la forêt proche soit dense et vaste, les modifications de cet environnement en l’espace d’une annnée laisse craindre un réel recul des espaces boisés et cultivables.

31 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale L’arrivée massive des réfugiés dans les sites et certaines localités a provoqué une forte demande en bois de chauffe. Il faut aujourd’hui parcourir plusieurs kilomètres afin d’en trouver, également pour les ménages hôtes. Le défrichage et la coupe d’arbre pour le bois c’est du même coup accéléré.

Avec la concentration actuelle de nouveaux réfugiés (sites et localité d’accueil) et en estimant qu’à terme 20% des nouveaux réfugiés pratiqueront des activités agricoles : les besoins en terre peuvent s’évaluer à plus de 1 500 hectares .

Face aux importants besoins en espace cultivable et en bois de chauffe (coupe d’arbre), le risque est de voir dans ces zones un appauvrissement accéléré des sols .

L’allongement des distances pour accéder à ces ressources (à plusieurs kilomètres) réduit d’autant les moyens de subsistance des ménages vivant de l’agriculture ou de la vente de bois.

Figure 12 : Illustration du déboisement aux alentours et dans le site de Lolo, avril 2014

4.1.6. ASPECTS SECURITAIRES

• Des problèmes sécuritaires plus fréquents le long de la frontière

L’insécurité le long de la frontière avec la RCA est un problème ancien mais a été accentué au milieu des années 2000. Ceux-ci sont essentiellement concentrés à proximité de la frontière avec la RCA jusqu’à une dizaine de kilomètres à l’intérieur du Cameroun. Il s’agit en grande partie de coupeurs de route aussi appelés « Zaraguinas »ou Zarginas 3 (banditisme en brousse avec vol de bétail ou d’enlèvement de berger et demande de rançons). De fait, ces problèmes ont longtemps d’avantage concerné la partie nord du département, avec un cheptel plus important, notamment avec les marchés au bétail de Tocktoyo et Gbiti. Ces incidents ont aussi pris forme dans la zone de Kentzou avec l’arrivée des réfugiés. Le déplacement de réfugiés vers les camps de Lolo, Mbile ou Timangolo, le renforcement des barrages routiers (nombre de barrage et effectif forces de l’ordre), le renforcement des postes de frontière et surtout le déploiement du Bataillon d’Intervention Motorisées (BIM) et du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), ont permis une diminution du nombre d’agression. Les populations les plus touchées aujourd’hui restent celles les plus proches de la frontière, la frontière étant très poreuse et difficile à contrôler en dehors des points d’entrée.

3 Coupeurs de route agissantt généralement dans les zones frontalières de la République centrafricaine, bénéficiant ainsi des avantages liés aux frontières mal contrôlées par les États, et notamment de l'impossibilité d'être poursuivi une fois la frontière franchie. Leur zone de prédilection est donc située au point de jonction des frontières du Tchad, du Cameroun et de la République centrafricaine. 32 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Aujourd’hui il ne s’agit plus tellement de Zarginas que de groupes armés de RCA, difficilement identifiables et se disputant des territoires en RCA voisine (groupes d’appartenance Seleka, Anti- Balaka, sans appartenance mais groupes d’anciens « mercenaires » parfois étrangers, etc.). Ils sont parfois très jeunes et bien souvent peu entrainé, la consommation de stupéfiant semble forte.

Pour les localités frontalières de Tocktoyo ou Gbiti, les postes frontières sont parfois « testés » par les bandes armées voisines, par des tirs, afin de voir si une résistance est toujours effective. Les coupures de route, notamment sur la zone Nord se poursuivent encore aujourd’hui, mais sont peu fréquentes. La circulation sur Kette-Tocktoyo est toutefois perturbé, des brigades d’intervention accompagnent parfois les commerçants se rendant au marché de Tocktoyo.

Figure 13 : Zones d'insécurités liées aux coupeurs de route/Zarguina 4

Zone d’étude

4 Atelier de cartographie de science Po, octobre 2011. 33 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.1.7. SYSTEMES - MOYENS DE PRODUCTION ET ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE

• Un système cultural familial diversifié, tourné sur le manioc et le maïs

Le système dominant dans ce département du Cameroun est une agriculture itinérante d’abattis-brûlis et sur une rotation de quatre à cinq ans.

Les terrains cultivés sont généralement très éloignés des habitations principales et des habitats secondaires sont créés en forêt pour les pics de travaux. Les familles restent généralement jusqu’à une semaine au champ et reviennent pour le jour de marché de la localité. Les surfaces cultivées sont très variables et dépendent le plus souvent de la taille du ménage (plus le ménage est grand plus la surface cultivée est importante). Sur une année, un ménage cultive en moyenne, toutes cultures confondues environ 1 hectare. La moitié des ménages cultivant parvient à cultiver un hectare ou plus. Ceci n’est cependant qu’une estimation.

Les principales cultures sont le manioc (0,8 ha), le maïs (0,6 ha) et l’arachide (0,5 ha). Le manioc et les cultures annuelles (cycle pour maïs et arachide d’environ trois mois) sont le plus souvent cultivés dans le même champ. Après défrichage, maïs ou arachide sont plantés, à un mois environ, une fois la culture suffisamment développé, les boutures de manioc sont implantées. A la récolte du maïs ou de l’arachide, le manioc est déjà bien développé, cela limite l’avancée de mauvaises herbes et la récolte de l’autre culture vient jouer le rôle d’un désherbage. Les surfaces annoncées en manioc, maïs et arachide peuvent donc se superposer. Les cultures de tubercule sont assez importantes dans la zone. On retrouve le manioc, mais aussi le macabo (cultivé par 46,8% des ménages hôtes) ou la pistache.

Tableau 14 : Représentation de la pratique de différentes cultures selon le statut des populations (hors site)

Patate Haricot Macabo Maraichage Pistache Autre douce Ancien réfugié (avant 2014) 0,0% 10,0% 17,5% 8,8% 0,0% 0,0% Camerounais (hôte) 6,1% 46,8% 9,0% 3,6% 8,3% 6,1% Nouveau réfugié (début 2014) 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%

Des cultures légumières sont aussi souvent pratiquées, souvent à l’abord des habitations principales, durant la saison sèche, ou en plein champs avec les autres cultures durant la saison culturale.

Après défrichage, le labour n’est pratiqué que pour l’arachide, mais pas de manière systématique, les sols forestiers étant souvent assez décompactés pour un semis direct en poquet. Pour la partie nord du département, le recours au labour peut-être plus courant, avec une savane boisée d’avantage parcourus par du bétail.

Il n’y a pas de système d’amendement et de fertilisation, d’apports externes (fumier, engrais chimiques). Seule la jachère de moyenne-longue durée permet une régénération des sols. Toutefois, certains agriculteurs-éleveurs avec troupeaux restant sur place en saison sèche pratiquent le parcage nocturne (sur sol de savane), les déjections des animaux servent d’amendement et fertilisent le sol, sur lequel est implanté du maïs la saison culturale suivante. Ces parcs sont déplacés toutes les deux ou trois années si nécessaire (lors d’une baisse visible de la fertilité et des rendements).

34 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Figure 14 : Cycle cultural principal dans le département de la Kadey

2 ans

Maïs ou arachide avec manioc

1 an ou plus

Défrichage Macabo ou autres tubercules Jachère en sortie de cycle

Eventuellement fruitiers (bananiers, etc.)

2 à 3 ans

• Des cultures de rente en perte de vitesse depuis plusieurs années

Le climat et le potentiel agricole de la zone a permis le développement progressif de cultures de rente comme le tabac, le café, le cacao ou la canne à sucre.

La principale qui était le tabac est en perte de vitesse depuis plusieurs années . La faillite de la société camerounaise de tabac en 1992 a engendré la fin de la production. La Fédération des producteurs de Tabac est aujourd’hui présente par endroit, mais l’accompagnement, l’organisation de la filière et les rémunérations sont aujourd’hui très faibles. Les cultivateurs ont tendance à se désengager de cette filière peu rémunératrice.

Le constat est le même pour les industries du café ou du cacao . Pour le cacao, une chute brutale des productions a été connu dans les années 1980, après l’arrêt des subventions par l’Etat, les rémunérations actuelles ne permettent pas un développement de la filière. En ce qui concerne le café, la chute du prix d’achat au producteur a été la principale cause du déclin de cette filière, mais aussi dans une moindre mesure, le vieillissement des plantations et des producteurs. La superficie cultivée a été divisée de plus de moitié en une dizaine d’année.

Le projet d’installation d’une raffinerie sucrière sur la commune de Batouri est peut-être un signe encourageant pour les cultivateurs de la région, mais il ne semble pas que la responsabilité de la production soit remise à des producteurs locaux.

Aujourd’hui les principales cultures de rente sont les excédents de culture vivrières (maïs, manioc, macabo, plantain), qui sont exportées sur des localités plus importantes et dans le ord du département ou la production ne semble pas pouvoir à elle seule répondre à la demande (Kette, Ouli, etc).

On retrouve aussi la pistache (graine de courge), le piment, le macabo ou le maraichage.

• Principales problématiques rencontrées par les cultivateurs

Les principales problématiques techniques rencontrées par les cultivateurs sont (par ordre d’importance) :

35 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale ∑ Protection des cultures : Avec des champs subissant des destructions très fréquentes, la production est très irrégulière selon les années. Ce problème concerne essentiellement la partie nord du département, et l’axeKette/Ouli/Gbiti. Selon l’exposition du champ, les cultivateurs peuvent subir plus ou moins de dommages par le bétail en divagation, par des dégradations volontaires par le bétail, animaux sauvages, vol ou feux de brousse :

‹ 75% des cultivateurs de maïs déclare avoir subi des destructions en 2014, 68% des producteurs de manioc. ‹ 77% des cultivateurs ayant subi des destructions sur leurs cultures ont connu des dommages par du bétail. ‹ Animaux sauvages (rats, rongeurs, singes, etc) et les vols ont aussi un impact important sur les résultats des campagnes agricoles en 2014.

Figure 15 : Représentation facteurs de destruction de culture, en pourcentage des ménages ayant subi des destructions en 2014

Les moyens de lutte sont la réalisation de clôtures autour de la parcelle, mais qui n’est pas une garantie contre le bétail ou les animaux sauvages, certains éleveurs ouvrant parfois les clôtures des champs pour permettre au bétail d’y rentrer en l’absence du cultivateur.

La surveillance et la chasse sont aussi des moyens de protection contre les animaux sauvages, mais pas totalement efficace et surtout très chronophage. Les vols dans les champs ont connu une forte augmentation en 2014, par l’arrivée massive de réfugiés.

∑ Défrichage et travail du sol : L’ouverture de champ est aussi une phase rendue difficile, notamment par le développement de la Chomolaena odorata, mais aussi par effet indirect du piétinement accentué du bétail là où la plante ne s’est pas développée. Les sols très compactés deviennent difficiles à labourer manuellement. Les ménages plus grands, s’en sortent mieux.

36 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale ∑ Harmonisation / optimisation / vulgarisation des techniques : L'agriculture d'abattis-brûlis est généralement qualifiée de "traditionnelle", figée et archaïque par opposition à une agriculture mécanisée et chimisée "moderne". La modernisation des techniques et l’apport d’intrants est une demande même des ménages et des services de l’agriculture locaux. Ces attentes poussent à négliger l'importance du savoir-faire paysan. Le système cultural sur lequel repose la majorité des cultivateurs est complexe et très cohérent face aux environnements physiques, sociaux et économiques locaux (optimisation de l'emploi de la main-d’œuvre familiale, limitation des risques avec variation des cultures, choix des cultures de tubercules avec stock en terre, etc).

Que ce soit pour les cultivateurs camerounais ou les réfugiés (en majorité historiquement éleveurs ou commerçants), les échanges et la capitalisation faites des multiples techniques locales, culturales, de récolte ou de stockage sont faibles et sont très étalés dans le temps. En conséquence, les réfugiés en déficit de connaissances se découragent et se détournent rapidement de cette activité. Les camerounais, engagés dans des cultures peu efficaces et peu rentables se détournent progressivement des activités agricoles pour des activités minières, journalières ou commerciales, parfois tout aussi aléatoires.

L’accompagnement technique proposé par les services de l’agriculture est faible. Le personnel, peu nombreux et en manque de moyen, n’est pas en capacité de répondre aux attentes et besoins réels des cultivateurs (optimisation du système cultural familial, valorisation des excédents de production, etc). Les services jouent davantage un rôle de collecte de données (statistique) que d’accompagnement. Ajouté à cela, l’accompagnement proposé repose sur une « modernisation » voulu systématique des techniques et non une analyse croisée des problèmes et besoins des cultivateurs.

La référence locale est la filière du tabac ou l’accompagnement était assuré par une distribution systématique des semences et intrants (jouant un rôle de subvention aux cultivateurs) : modèle qui n’est pas applicable pour les cultures vivrières dominantes.

∑ Organisation des filières et valorisation des productions

La production agricole de la zone d’étude est excédentaire. Les importations de produits agricoles sont faibles, limitées aux productions centrafricaines, concurrentielles sur les prix par manque de liquidité en RCA (manioc essentiellement) et les produits importés, souvent transformés comme la farine, le sucre, etc.

Si de nombreux groupements existent localement (GIC : groupe d’initiative commune), ils ont le plus souvent été créés afin de pouvoir bénéficier d’aide (entreprises ou gouvernement) et sont essentiellement familiaux. Ils ont été en majorité constitués pour répondre à des attentes culturelles et économiques extérieures. Ces groupements sont aussi essentiellement liés à la production.

L’organisation collective, se limite aux travaux champêtres, le plus souvent familiaux. Les initiatives locales collectives, hors cadre familial ou spécifiquement commerciales, sont faibles ou quasi absentes, par manque de connaissances mais surtout par reproduction d’une culture collective reposant sur un environnement et d’une nature généreuse. Les valeurs de travail et d’entreprise (au sens s’essayer à de nouveaux mécanismes/systèmes) sont faiblement présentes, contrairement à d’autres régions du Cameroun.

37 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Aussi, toute initiative collective semble être inhibée par : - une organisation sociale verticale (aval de chefferies et corps familial) - une faible capacité d’accompagnement des services techniques locaux - de faibles infrastructures (magasins collectifs, praticabilité des pistes) - un manque d’organismes de finance adaptés.

Ainsi, les aspects culturels sont à ces niveaux très importants à considérer.

La vente des productions est faite de manière individuelle, les prix ne peuvent ainsi pas être négociés et sont fixés par les commerçants/grossistes. Les producteurs ne sont pas représentés et présent dans les filières locales comme le manioc (largement excédentaire), le maïs ou la banane plantain.

Figure 16 : Représentation de l'utilisation de différentes cultures dans la Kadey, Rapport d’évaluation SAME-WASH ACF, août 2014

Le manque d’organisation paysanne a un fort impact sur la valorisation des productions et la rémunération des producteurs. Ce problème contribue en grande partie au désintérêt progressif des activités agricoles, faiblement rémunératrice sans un travail sur de grandes surfaces et avec une main d’œuvre familiale importante.

Pour exemple : à Lolo ou Mbilé (localités), le manioc est vendu à ce qui est appelé le « dépôt », une case tenue par un représentant de grossiste/commerçant. Les producteurs en besoin de liquidité viennent se présenter au dépôt, individuellement et vendre leur production. Chacun tente une négociation des prix (2 500 XAF/bassin), le gérant n’accepte au final qu’un prix d’achat à 2 000 XAF le bassin. Une fois le dépôt plein, un camion est affrété par le grossiste pour exporter la production sur Bertoua ou le bassin est vendu à 6 000 XAF. Une marge importante est captée par les intermédiaires, à laquelle il faudrait enlever les coûts de transport, chargement, déchargement et taxes.

• Un système d’élevage traditionnel itinérant

L’élevage dans la Kadey est majoritairement traditionnel et repose sur la culture pastorale Peul, Mbororo. L’ensemble des groupes ethniques peuvent pratiquer l’élevage (Peul, Mbororo, Gbaya, Kako, Haoussa, Ewondo, Guiziga), mais on retrouve en très grande majorité des Mbororos/Fulbés pour l’élevage de bœuf notamment (88% des éleveurs appartient à ces groupes ethniques).

38 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale L’élevage de petits ruminants se concentre près des villages. Il s’agit essentiellement d’animaux laissés en divagation. L’élevage de volailles est également essentiellement familial.

L’élevage de bœuf est très important dans le département, un éleveur déclare en posséder en moyenne 29 têtes, mais ce chiffre peut être plus important dans la réalité (les éleveurs ne souhaitant généralement pas faire connaitre l’intégralité de son troupeau pour ne pas être perçu comme une personne fortunée). On y retrouve les races traditionnelles (bœufs Mbororo), mais aussi d’autres races comme le bœuf Goudali ou Akou.

C’est un élevage en majorité semi transhumant ou itinérant. Durant toute l’année, les animaux parcourent les zones de pâturages locaux. Une partie de la famille (souvent fils) suit le troupeau en déplacement, le reste est sédentaire, pratiquant parfois d’autres activités. La garde des troupeaux est aussi parfois confiée à des bergers rémunérés en argent ou en nature (bœuf pour constituer son troupeau). 50% des éleveurs (élevage en principale source de revenu) pratique aussi le commerce, 28% n’ont pas d’autres activités.

L’élevage de porc est présent, mais peu pratiqué (4,5%). Les porcs sont le plus souvent laissés en divagation, proche des habitations. Ils sont aussi parfois parqués non loin de l’habitation principale et sont nourris des résidus de cuisine ou de culture. Les éleveurs en possèdent en moyenne 6. L’élevage de petits ruminants (ovins/caprins) est d’avantage pratiqué (13,6%). Les animaux sont en divagation à proximité des habitations. Les éleveurs en possèdent en moyenne 8. L’élevage de volaille est pratiqué par 23% des ménages, les éleveurs en possèdent en moyenne 8 également.

L’élevage de bœuf est le plus pratiqué par les réfugiés à dominante Mbororo. Dans les sites, ils sont 4% à déclarer avoir des bœufs (ils sont en réalité probablement plus proche des 10%).

Tableau 15 : Répartition des éleveurs par statuts et types d'élevage (en pourcentage)

Eleveur de Eleveur de Eleveur de Eleveur de Boeufs Porcs Petits ruminants Volailles

Ancien réfugié (avant 2014) 26,83% 0,00% 9,09% 14,89% Camerounais (hôte) 65,85% 100,00% 81,82% 75,53% Nouveau réfugié (début 2014) 7,32% 0,00% 7,27% 8,51%

L’élevage dans la Kadey a été très fortement perturbé depuis ces dernières années (et décennies), par une hausse importante du cheptel, un bouleversement des aires de transhumance, une diminution des pâturages et des maladies venues des animaux de RCA.

Enfin la Kadey est aussi un département piscicole. On dénombre selon la délégation départementale du MINEPIA plus de 300 000m² de plan d’eau piscicole, soit plus de 30 hectares. Il s’agit le plus souvent de plans d’eau naturels ou de plans d’eaux de bas-fonds, par la réalisation de barrages et digues. Le potentiel de la région est important mais la filière est peu organisée et les infrastructures sont faibles. Les produits de la pêche locale sont le plus souvent destinés aux marchés locaux. Pour les marchés urbains, la concurrence des pêches de la mer est très importante.

39 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Principales problématiques rencontrées par les éleveurs

∑ Une hausse importante du cheptel bovin

On note, selon la délégation régionale de l’Est du MINEPIA (Ministère de l’Elevage, de la Pêche et des Industries Animales), une hausse moyenne 315,8% d’effectif bovin en plus par centre zootechnique avec les animaux des réfugiés centrafricains (un effectif multiplié par 4). Ce chiffre est à prendre avec précautions, en effet les troupeaux sont mobiles et ont pu se concentrer dans cette zone durant une période de l’année à la recherche de pâturage. Aussi, ces chiffres sont basés sur les déclarations des éleveurs, pas toujours fiables.

Cette hausse d’effectif n’est pas détaillée dans le temps. En se basant sur l’hypothèse que l’effectif de bétail est proportionnel au nombre de réfugiés, la hausse de cheptel en 2014 par l’arrivée des réfugiés s’évaluerai à 174% (multiplié par 2,7).

Tableau 16 : Effectifs bovins selon la nationalité d'origine des éleveurs

Centre Zootechnique Effectif Effectif Variation en % Vétérinaire (CZV) Camerounais Centrafricain Kette 3300 4250 228,8% Gbiti 1220 2300 288,5% Boubara 3050 5225 271,3% Ouli 2200 4308 295,8% Tocktoyo 1500 2500 266,7% Batouri 2300 3950 271,7% Gadji 2400 9777 507,4% Tapare 1000 2527 352,7% Nyabi 1637 5950 463,5% Kentzou 6379 7097 211,3% Variation moyenne 315,8% Source : MINEPIA EST 2015

∑ Un bouleversement des aires de transhumance

Depuis quelques années avec l’augmentation des troubles en RCA, les aires de transhumances ont dû évoluer pour les éleveurs camerounais transhumants afin d’éviter braquage, racket et vol de bétail. Les meilleurs pâturages se situaient auparavant le long de la frontière ouest Centrafricaine (côté RCA) et la majorité des pasteurs y laissaient leurs troupeaux durant la saison sèche, parfois même en saison des pluies. Ces éleveurs camerounais de la Kadey sont aujourd’hui contraints de laisser leur troupeau dans l’Est ou se diriger vers la région du centre.

Cette impossibilité d’exploiter les pâturages de RCA a aussi contraint les éleveurs d’autres régions à migrer, au moins durant la saison sèche. C’est ainsi que l’on retrouve dans l’Est et la Kadey des éleveurs de l’Adamaoua également. Ces bouleversements augmentent d’autant plus la pression sur les pâturages locaux.

∑ Une diminution des pâturages locaux

La forte augmentation des effectifs bovins (aussi depuis plusieurs années avec les réfugiés de la première vague), combinée à la réduction progressive des pâturages (par la Chomolaena odorata) a fortement diminué la disponibilité de fourrages pour les animaux. Ce qui n’était auparavant un problème qu’en saison sèche devient aussi problématique en saison des pluies, où les prairies n’ont plus le temps de se reconstituer.

40 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale ∑ Des maladies venues de RCA affectant les troupeaux

La migration des troupeaux centrafricains vers le Cameroun a également eu un impact sanitaire important. Bien que des services vétérinaires aient été positionnés à la frontière, il n’a pas été possible de bloquer l’entrée des animaux, au risque d’exposer les éleveurs à des exactions côté centrafricain.

Les services sanitaires étant faiblement présent en RCA, de nombreux animaux sont entrés avec des maladies et notamment la Péripneumonie 5 (ou PPCB : Péripneumonie contagieuse bovine). Une campagne de vaccination est organisée chaque année par les services de l’élevage mais l’ensemble des animaux n’est pas vacciné car pas toujours déclaré (éleveurs de RCA et camerounais).

Dans la culture Peul dominante, il est difficile pour les éleveurs de faire connaitre la totalité de leur troupeaux, déterminant de richesse, même si cela est au détriment de la santé des animaux (et de l’ensemble du cheptel de la zone).

Cette maladie est donc encore très répandue et a un impact sur l’état de santé des animaux déjà fragilisés par une sous-alimentation. D’autres maladies, qui étaient déjà présentes au Cameroun font aussi l’objet d’une surveillance et d’une vaccination des animaux : la pasteurellose, le charbon symptomatique, et les maladies nodulaires.

• Un système qui subit les modifications de son environnement et ne parvient plus à s’y adapter

L’élevage de cette zone a pu compter durant plusieurs décennies sur un environnement et des ressources naturelles très favorables. L’élevage traditionnel pratiqué repose sur une vision illimitée des ressources, avec une augmentation régulière des effectifs (comme un capital). Les pâturages sont plus importants sur la partie nord du département, En cas de manque ponctuel de pâturage, il suffit de se déplacer, en allant chercher une zone plus favorable. L’éleveur ne pratique traditionnellement pas d’agriculture liée à l’alimentation de son cheptel (il n’en a jamais eu le besoin) et n’apporte pas directement de modification à son environnement.

Depuis plusieurs années, les pâturages locaux sont en baisse progressive, avec le développement de la Chomolaena orodata. Les effectifs des animaux sont régulés par la vente et les maladies.

Selon les éleveurs locaux, les pâturages étaient suffisants avant l’arrivée massive des réfugiés. Aujourd’hui, les espaces disponibles sont surexploités (sur-pâturés) ce qui favorise dans le même temps le développement de la Chomolaena odorata . Au-delà de l’arrivée des réfugiés et de leurs troupeaux, l’impossibilité de migrer en RCA pour les pâturages contribue aussi fortement à la surexploitation des pâturages locaux . De nombreux troupeaux viennent aussi de régions plus au nord profiter d’une reprise des pâturages plus précoce dans la région de l’Est. Ceux-ci migraient également en RCA auparavant. La forte diminution des pâturages locaux oblige certains troupeaux à migrer vers l’intérieure du Cameroun, ou aux abords de la frontière avec la RCA, prenant des risques importants. Les autres restent profiter des quelques pâturages locaux et parfois accidentellement, parfois volontairement : des champs implantés par les cultivateurs, qui subissent indirectement cette crise.

5 Maladie très contagieuse, associée à un taux de mortalité pouvant atteindre 50%, provoquant une inflammation de la Plèvre : membrane qui revêt les parois du thorax et enveloppe les poumons. 41 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Cette crise impacte énormément les relations entre population hôte/anciens réfugiés (éleveurs et cultivateurs) et nouveaux réfugiés (éleveurs). Elles sont ainsi très conflictuelles par endroit, notamment sur la commune de Kette, où les conflits semblent plus importants qu’ailleurs.

Sans capacité de s’adapter à ce nouvel environnement, les nouveaux réfugiés, éleveurs, sont ainsi ancrés dans une vulnérabilité assez forte, face à la perte de leur troupeau. Sans grandes possibilités de se mouvoir, ils plongent à leur tour les populations locales dans une vulnérabilité alimentaire plus forte, avec la destruction des cultures par les animaux à la recherche d’alimentation.

4.1.8. MECANISMES DE PREVENTION ET DE RESOLUTION DES CONFLITS AGRO- PASTORAUX

Les conflits agro-pastoraux existent depuis longtemps dans ce département. Localement cultivateurs et éleveurs vivent pacifiquement et savent ce que chacun doit à l’autre. Le cultivateur apporte alimentation (vente production agricole) et revenus (achat de viande) à l’éleveur qui lui apporte une viande bon marché, lait, entretien la fertilité des sols et limite l’intensité des feux de brousse par le pâturage. L’arrivée massive de bétail avec les nouveaux réfugiés, l’impossibilité de profiter des pâturages côté RCA et la diminution progressive des pâturages ont fortement accentué les conflits agro-pastoraux par les destructions des cultures sur l’année 2014 Les cultivateurs qui ont déclaré la divagation du bétail comme première cause de destruction de leurs cultures estiment leurs pertes à 29% de la récolte. 19% d’entre eux ont perdu la totalité de leur champ. Ces destructions touchent à la même intensité les ménages hôtes et anciens réfugiés cultivateurs. Il est important de préciser que les nouveaux réfugiés ne sont pas les seules sources de ces conflits, éleveurs anciens réfugiés et hôtes sont aussi impliqués dans la dégradation des champs par leurs troupeaux.

• Un système de prévention quasi inexistant et inefficace

Bien que les conflits agro-pastoraux ne soient pas nouveaux, il semble difficile de mettre sur pied un système commun de prévention efficace. Les moyens actuels cités sont la définition de zones d’élevage et de cultures et la clôture des champs.

La première mesure n’est pas généralisée dans le département. La définition de ces zones est à la charge des chefs de localité (chefs de 3 ème degré). Les mairies y contribuent parfois (Kette). Pour les localités où cette mesure existe, elle est difficile à faire respecter, les éleveurs préférant braver les interdits plutôt que prendre des risques en brousse ou laisser leurs animaux errer sans pâturages. Les éleveurs, mobiles, ne sont aussi pas toujours identifiables. Ces zones ne sont aussi pas toujours connues, de même que les sanctions appliquées en cas de non respects (aussi pour les cultivateurs), il arrive ainsi parfois que des cultivateurs implantent les cultures en zones habituellement dédiées à l’élevage (exemple : anciens réfugiés à la recherche de terres).

Pour la seconde, elle est dépendante des capacités des cultivateurs et peu efficace. La clôture des champs, pour être efficace, doit se faire avec du fil de fer « barbelé » et être solidifiée avec des bois massifs (résistance aux feux et aux termites). La mise en place de ces clôtures impose aussi d’avoir une agriculture fixe et ainsi de sortir du système de rotation traditionnel (et indispensable à la régénération des sols), ce qui est difficile sans un système de régénération des sols. De plus, sans une surveillance des parcelles, les clôtures n’arrêtent pas les éleveurs mal intentionnés qui ouvrent parfois celles-ci pour laisser paitre leurs troupeaux. 42 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Les seuls capables de mettre en place une vraie protection sont les agro-pasteurs 6 possédant un niveau d’éducation et de formation agricole plus élevée. Ils profitent ainsi d’une clôture pour protéger leur culture durant la saison agricole (pour les éleveurs pratiquant aussi l’agriculture), puis de la même clôture pour parquer ses animaux en saisons sèche (la nuit) : qui ainsi amendent et fertilisent le sol pour la saison agricole suivante. Ces parcs sont par endroits construits à base d’arbustes « vivaces », dit végétalisés, repoussant après les avoir utilisé comme piquet. On trouve entre autre : Kabidje (« Jatropha curcas »), Lida (« Ficus Vogelii »).

Figure 17 : Illustration d’un pâturage clôturé et parc à bétail, Boubara, avril 2015

• Un mécanisme de résolution des conflits inégal, où le cultivateur ressort souvent perdant.

Deux mécanismes de résolution des conflits sont mis en œuvre dans la zone d’étude, selon le degré de gravité des conflits et de satisfaction des parties en conflit.

En premier lieu, c’est le chef de localité qui est sollicité par le cultivateur après la dégradation d’un champ. Celui-ci envoi une commission composée de notables de la localité pour évaluer les dégâts et selon la responsabilité, un montant de dédommagement est fixé (parfois en nombre de bœuf). Lorsque ce montant est jugé impayable par l’éleveur, s’ouvre la phase de négociation où est déterminé un prix acceptable pour l’éleveur. Une partie de ce montant revient au chef de localité et aux notables.

Les montants de dédommagement sont souvent dérisoires comparé à la perte réelle de revenu engendrée et de sécurité alimentaire que le champ procurait.

Il arrive aussi qu’un cultivateur ne soit pas satisfait de la compensation et choisisse de solliciter la sous- préfecture (autorité étatique compétente pour la résolution des conflits). Dans ce cas une commission doit aussi se déplacer, éleveur et cultivateur impliqués doivent en assumer les frais. Dans la réalité, le sous-préfet est très peu sollicité comparé au nombre de cas. Il y a parfois la crainte du cultivateur d’outrepasser l’autorité de son chef traditionnel et de devoir en assumer des représailles à plus long terme.

Les mécanismes de résolution des conflits sont très dépendant de l’intérêt et des orientations des autorités en place, et donc des localités. Ces mécanismes ne sont pas harmonisés. Ils semblent plus « sévères » à l’égard des éleveurs dans la partie sud du département, en majorité cultivatrice, qu’en partie nord ou l’élevage a une place plus importante.

6 Eleveur pratiquant également l'agriculture 43 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale En conséquence, les pratiques agricoles sont de plus en plus délaissées sur la partie nord du département.

• Des conflits accentués par la présence des réfugiés

Dans les zones à forte présence de « nouveaux » réfugiés, les conflits agro-pastoraux ont été d’une plus forte intensité. Les cultivateurs de ces localités ont plus fortement subi l’arrivée massive de population et de bétail : dégradation des cultures par vol et divagation des animaux. Les nouveaux réfugiés sont devenus majoritaire par endroit et les autorités traditionnelles sont moins reconnues. Dans l’ensemble, les principales limites des systèmes existants sont : ‹ La non harmonisation des règles et sanctions, subjectivité et partialité des jugements ‹ La faible capacité de diffusion des informations : délimitation des aires à respecter, règles pour les parties et sanctions prévues ‹ Faibles capacités des communes et localités pour le suivi et le contrôle du respect des aires pastorales : intervention qu’en cas de conflits ‹ Règle de clôture des parcelles non adapté aux capacités des cultivateurs et surtout au système cultural appliqué dans la zone (impossibilité de mouvoir une clôture solide avec la rotation nécessaire des parcelles)

4.1.9. CHEMIN DE DESSERTE AGRICOLE, ACHEMINEMENT DES DENREES AGRICOLES

L’ensemble des axes parcourus dans la zone d’étude sont praticables. Leur état de dégradation est cependant très avancé et certaines infrastructures (ponts et passages busés) sont aussi très dégradées. La circulation des camions est importante, principalement sur l’axe Batouri-Kentzou avec la présence de grumiers (camions de transport de bois) et de gros porteurs transport de marchandise. Des barrières de pluies sont présentes mais pas toujours fonctionnelles, certains camions poursuivent leur trajet durant et après de grandes pluies. Cela contribue à la dégradation accélérée des axes. Globalement, c’est sur l’axe Batouri – Kentzou que la circulation est la plus difficile, ainsi que sur l’axe Kette – Gbiti.

Tableau 17 : Distances et temps de trajets sur la zone d’étude (en voiture 4x4)

Axes Kilomètres Temps Minute/kilomètre Batouri -Kenzou 107 3 heures 1,7 Batouri -Kette 72 1heure 30 minutes 1,3 Kette -Gbiti 41 1 heure 20 minutes 2,0 Batouri -Mbile 70 2 heures 1,7 Batouri -Lolo 81 2 heures 30 minutes 1,9 Kette -Toktoyo 75 1 heure 30minutes 1,2 Kette -Ouli 65 1 heure 20 minutes 1,2

Source : Carnets de route – Parc véhicule PUI

L’acheminement des denrées agricoles et marchandises est possible toute l’année. Il est plus long et difficile en période des pluies, ce qui peut aussi expliquer des variations de prix à la hausse en période pluvieuse .

Des barrières douanières sont présentes, notamment à la sortie de Batouri en direction de l’Est, ainsi que au passage commercial de Kentzou. 44 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.1.10. STOCKAGE, CONSERVATION, TRANSFORMATION DES RECOLTES

• Des difficultés de stockage et de conservation engendrant une faible valorisation des récoltes.

Dans l’ensemble de la zone, le stockage et la conservation représente une limite pour les cultivateurs. Là où dans d’autres régions (comme dans l’Adamaoua) le stockage du maïs peut être fait en extérieur, cela est impossible dans la Kadey. Les conditions humides, la présence de nombreux insectes limitent les capacités de stockage. Le plus souvent, on retrouve les récoltes de céréales dans l’habitation principale, dans des sacs. L’espace est souvent limité et de nombreux cultivateurs préfèrent vendre une bonne partie de la production dès la récolte.

Pour les tubercules, le stockage en terre rend la conservation des tubercules bruts plus facile, ce qui explique en partie le l’importance de ces cultures. Pour le manioc, dès la transformation (produit avec meilleure valeur ajoutée), le stockage en habitation devient plus limité et la vente doit être opérée aussitôt le séchage. Sans espaces de stockage collectifs, les producteurs s’orientent individuellement vers les grossistes locaux, pour une partie dès la récolte, ce qui ne donne aucun pouvoir de négociation des prix. En conséquence, le pouvoir de spéculation et d’équilibre des prix sur les marchés est remis aux commerçants, grossistes. Malgré une production largement excédentaire, la valorisation des productions est faible et les cultivateurs doivent nécessairement diversifier les activités génératrices de revenu pour atteindre un niveau de vie suffisant.

• Des capacités de transformation parfois limitées pour le maïs

La transformation est par endroit problématique , principalement pour le maïs dans les petites localités. Dans les plus grandes localités, un notable, souvent le chef de localité, possède le plus souvent un moulin à maïs et un moulin à manioc motorisé qui est mis à disposition des populations contre une petite rémunération (environ 100 XAF le bassin). Dans les sites de réfugiés, la suffisance des capacités de transformation dépendent des cycles de distributions et des denrées distribuées. Lorsqu’il s’agit de maïs, les capacités sembles limitées. Pour le riz et les autres denrées, la transformation ne pose pas de problème.

4.1.11. ORGANISATION DES MARCHES

• Des marchés réguliers impactés par la crise en RCA mais fonctionnels

On distingue sur la zone 3 types de marchés . Le marché urbain (Batouri) les marchés locaux et les marchés transfrontaliers (Tocktoyo, Gbiti et surtout Kentzou).

∑ Le marché de Batouri Ce marché est une plaque tournante pour les marchés locaux du département. C’est un marché presque constant, avec boutiques, grossistes, négociants, magasins, transporteurs, artisans et transformateurs. On y retrouve tous les produits alimentaires locaux (manioc, maïs, viande, etc.), produits alimentaires importés (sucre, sel, huile, etc.) et bien non alimentaires manufacturés importés. Les produits importés viennent directement des grands centres (Yaoundé, Douala). La circulation y est fluide, le marché est fonctionnel toute l’année, avec peu de variations de prix . Les produits locaux sont relativement bon marché (proximité des producteurs), les produits importés également (accès relativement facile). 45 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale ∑ Les marchés locaux Comme ceux de Kette, Ouli, Lolo, Mbilé, etc. Ces marchés sont nombreux dans le département, presque autant que de localités. Ils se tiennent généralement une à deux fois par semaine. On y retrouve essentiellement producteurs locaux, boutiquiers et commerçants ambulants (de Batouri, Kette, etc.) commerçants/négociants locaux. On retrouve aussi des bouchers et étales à viande. Sont disponibles l’ensemble des biens alimentaires essentiels, locaux ou importés (manioc, tubercules, maïs, haricot, arachide, huile) et biens non alimentaires (savon, vêtements, matériel de cuisine, matériel de réparation et bricolage, etc). On distingue des particularités sur la provenance des produits alimentaires locaux selon les zones. Si sur l’axe Batouri-Kentzou, la production locale de manioc ou maïs est largement excédentaire, ce n’est pas le cas pour l’axe Batouri-Kette. Des commerçants réalisent ainsi des navettes régulières afin d’approvisionner les communes de la partie nord du département en produits agricoles de base. Aussi, selon la proximité avec les marchés transfrontaliers, l’approvisionnement en produits manufacturés se fait depuis ces marchés ou depuis Batouri. Les produits importés essentiels sont disponible en permanence en boutique (7 jour/7).

Figure 18 : Boutiques sur allée commerçante de Kette (Avril 2015)

∑ Les marchés transfrontaliers, Le plus important est celui de Kentzou. Ces marchés sont de véritables plaques tournantes régionales. Ils s’appuient sur des échanges importants avec la RCA. Celui de Kentzou est le plus important, avec les liens commerciaux entretenus avec la ville centrafricaine de Berberati et sa sous-région (Carnot, Gamboula, etc). Les volumes qui y transitent sont importants, ainsi les grossistes locaux s’approvisionnent directement à Yaoundé ou Douala. Par ce circuit commercial simplifié, les prix pratiqués sur ces marchés sont très bas, concurrentiels et du même coup abordables pour le marché centrafricain. Les ménages locaux profitent aussi de ces prix bas.

On y retrouve tout type de biens alimentaires importés manufacturés et produits non alimentaires (outils, pièces de réparation moto, vêtements, ustensiles de cuisine, etc). Les produits alimentaires locaux viennent en majorité du Cameroun, mais aussi avec la crise de plus en plus de RCA, en manque de demande solvable. Manioc, maïs, produits maraichers venant de RCA sont ainsi très bon marché.

Ces marchés ont largement été impactés par la crise en RCA, mais restent très fonctionnels. Ils s'adaptent très vite à la demande grâce à leurs circuits courts. La demande en RCA à diminué, avec la fuite des commerçants musulmans centrafricains. Cette perte est en partie compensée par la demande des réfugiés, installés dans la sous-région (axe Batouri-Kentzou : sites de Mbilé et Lolo). L’offre s’adapte très rapidement à la demande locale. 46 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Figure 19 : Schéma de fonctionnement des marchés locaux et transfrontaliers

Produits manufacturés

Produits agricoles Tocktoyo Meiganga X X Modifications des marchés

N’Gaoundéré X - Baisse des exportations et

Maroua Kette dynamisme des marchés transfrontaliers

-Tendance au maintien ou hausse des importations de produits Yaoundé Gbiti agricoles Douala X -Hausse des échanges vers X regroupements de réfugiés depuis Kentzou pour Sud / depuis Batouri/Bertoua vers Nord

X X Kentzou X X Berberati Batouri Sites / localités Bertoua CAMEROUN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

• Des marchés aux bestiaux diminués

L’ensemble des marchés locaux possède également un marché à bétail/animaux avec la présence d’agents vétérinaires accrédités. Les plus petits marchés ne possèdent que des petits ruminants et volailles. Les plus importants possèdent un marché bovin. Sur ces marchés viennent des bouchers locaux, éleveurs et négociants locaux ou des grands centres. Ils sont très cadrés et bien organisés. Les principaux membres de la communauté des éleveurs locaux sont aussi présents pour faciliter les négociations, les services vétérinaires également.

On retrouve notamment : - Le Sarki sanou : figure importante, représentant traditionnel des éleveurs, chargé de faciliter les négociations et est le surveillant des épizooties. Il est en lien direct avec les autorités sanitaires. - Le Ardo : chef des communautés d’éleveurs - Le Sakaïna : figure du marché seulement, c’est un négociateur chargé de faire l’intermédiaire entre acheteurs et vendeurs, apaiser les négociations ou aider à définir les prix. - L’agent vétérinaire : chargé de valider les transactions et l’état de santé des animaux échangés - Les services d’élevage : chargés de notifier toutes les transactions, établir les documents de validation de cession des animaux et d’autorisation de circulation ensuite pour les bergers.

Ces marchés sont un vrai atout pour le dynamisme économique des localités, chaque localité souhaite en avoir un. La tenue d’un marché à gros bétail doit être validée au préalable par les services de l’élevage.

Gbiti est un important marché au bétail local, de même que Tocktoyo. Ils ont été profondément impactés par la crise en RCA, les volumes échangés sont aujourd’hui beaucoup plus faibles qu’il y a 2 ans. La faute aux problèmes de sécurité et circulation des animaux . Cette perte de dynamisme impact économiquement ces localités qui attirent moins de personnes, le volume des autres échanges est alors aussi diminué. Cette perte de volume est néanmoins en partie compensée par les réfugiés installés dans ces localités. 47 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Une modification des circuits commerciaux

Comme présenté précédemment, la crise intervenue en RCA et l’arrivée massive de réfugiés ont bouleversé les mécanismes des marchés locaux. Ceux-ci ont néanmoins su s’adapter très rapidement à cette modification de la demande.

On distingue essentiellement les changements suivants : ‹ Baisse de la demande extérieure (RCA) en produits manufacturés importés ‹ Hausse de la demande locale en produits manufacturés importés et produits agricoles locaux. ‹ Hausse des importations de produits agricoles de RCA (manioc, maïs, arachide), à bas prix.

Ces changements de mécanique de marché laissent penser que les variations de prix ont été relativement faibles durant l’année 2014, malgré les modifications de la demande. L’offre s’adapte très vite à la demande, que ça soit pour les produits agricoles de base ou produits manufacturés.

• Des prix stables qui ont subi peu de variations notables

Dans l’ensemble, les prix ont subi peu de variations notables en 2014 - 2015. Elles sont parfois ponctuelles : liés à la création des sites, ou saisonnière : hausse normale du manioc en cossette en août : mois le plus pluvieux rendant le séchage difficile. Les hausses ponctuelles ont même dans l’ensemble profité aux ménages locaux, en majorité vendeurs de produits agricoles comme à Lolo ou Mbilé.

Tableau 18 : Relevé des prix des principales denrées sur les communes de Batouri et Kentzou Rapport d’évaluation SAME-WASH ACF, août 2014

Les faibles variations sont essentiellement dues à l’assistance du PAM auprès des réfugiés. Sans aide alimentaire, la demande additionnelle (réfugiés) serait aussi peu solvable (revente de vivres pour constituer un petit revenu chez les réfugiés). La disponibilité reste importante en vivre locaux, notamment sur les villes frontalières (Kentzou, Gbiti), avec des exportations de produits agricoles de RCA plus importantes (par la baisse de la demande en RCA) . On retrouve l’ensemble des biens alimentaires essentiels sur les marchés. Les prix des biens non alimentaires n’ont pas variés et restent accessibles. Les marchés des localités accueillant les sites se sont également fortement développés avec la création de nombreuses boutiques. Le nombre d’opérateurs a augmenté, les marchés (l’offre) s’adaptent vite à l’évolution de la demande.

48 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Tableau 19 : Relevé des prix et de disponibilité sur différents marchés de la Kadey (avril 2015)

Timangolo Mbile Lolo Articles Unité Kentzou Gbiti

Code (site) Code Code (localité) Code (Localité) Code Cosette de manioc cuvette 2 000 3 2 000 2 2 500 3 3 000 3 2 500 3 Arachide décortiqué Tasse 500 3 500 2 500 3 500 3 500 3 Haricot Rouge Tasse 100 3 - 0 100 3 - 0 - 0 Morelle noire (Zom) Paquet 50 3 50 2 50 3 50 3 50 3 Œuf Unité 100 3 100 2 100 3 100 3 100 3 Viande de bœuf avec os Kg 2 000 3 1 600 2 1 700 3 2 000 2 2 000 2 Viande de bœuf sans os Kg 2 200 3 2 000 2 2 000 3 2 200 2 2 200 2 Huile de palme Litre 800 3 - 0 0 1 000 1 1 000 1 Sucre en poudre Kg 800 3 850 2 800 3 850 3 850 3 Code vendeur : 0 (0 vendeurs; pas de prix), Code vendeur : 1 (1 vendeur), Code vendeur : 2 (de 2 à 4 vendeurs inclus), Code vendeur : 3 (de 5 à +)

4.1.12. ASPECTS ETHNIQUES, CULTURELS ET COMPORTEMENTAUX

• Un bouleversement des représentations ethniques

Le département de la Kadey abrite une diversité ethnique importante. Parmi la communauté hôte camerounaise on retrouve essentiellement des Gbaya (36%), Kako (16,5%) et Fulbé (15,4%). Depuis l’arrivée massive de réfugiés dans les années 2000 puis en 2014, les représentations ethniques ont évoluées. Hors des sites, on retrouve aujourd’hui essentiellement des Mbororo (33%), Gbaya (26%) puis Fulbé (17%).

En intégrant la population des sites à dominante (Mbororo, Fulbé puis Haoussa), les ethnies les plus représentées sont largement Mbororo puis Fulbé, de confession à dominante musulmane. Si cela ne semble pas avoir de conséquences immédiates, ces changements de représentations ethniques pourraient à terme peser sur la reconnaissance de l’autorité des chefferies et autres autorités traditionnelles notamment sur la partie sud du département à dominante Gbaya et Kako (gestion des ressources naturelles, des espaces, gestion des conflits, etc.).

• Des habitudes variables selon l’environnement, la religion et les ethnies.

Les activités économiques et les habitudes alimentaires sont fonction des aires géographiques. Le département étant constitué de savane et de forêts, les activités économiques et les habitudes alimentaires respectent ces spécificités écologiques. Les peuples habitant les zones forestières (Bangantou, Mézimé, etc), chrétiens pour la plupart sont souvent cultivateurs de tubercules et chasseurs. Dans cette aire géographique, les produits de chasse sont d’avantage consommés, avec des tubercules de manioc, de macabo, d’igname et du plantain. Les ethnies habitant les zones de savane à l’instar des Gbaya et les Mbossoukou cultivent manioc, igname et céréales. De manière générale, le couscous/farine de manioc et celui de maïs accompagnent toutes les sauces dans la zone de savane.

Le secteur commercial est beaucoup plus conduit par les Foulbé et les Bamiléké, venus parfois d’autres régions du Cameroun. Les peuples qui occupent les zones forestières consomment des tubercules, mais aussi du couscous (un mélange de la farine de manioc et du maïs). Ceux de la zone de savane accompagnent leur sauce quasi exclusivement avec du couscous (maïs ou manioc). Il n’existe pas de spécificité alimentaire selon les âges et les sexes. 49 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Une organisation sociale bouleversée dans les sites

Dans les sites, le non regroupement des ménages ainsi que les faibles opportunités économiques ont bouleversés les habitudes sociales pour certains ménages et notamment le rôle des femmes.

Avant la crise, les femmes des anciens et nouveaux réfugiés pratiquaient le petit commerce en milieu urbain et étaient surtout chargé des tâches quotidiennes dans le ménage (repas, ménage, enfants, eau, etc). Avec les difficultés d’accès à l’argent (cash), le rôle des femmes a évolué et elles s’engagent d’avantage dans les activités économiques comme des travaux journaliers aux champs, d’autres travaux journaliers (porteuse d’eau, travail en ONG, etc.), ou la vente de bois de chauffe.

Ces bouleversements d’habitudes désorganisent également le modèle familial, notamment dans les sites, où les représentants des réfugiés reconnaissent un grand nombre de conflits familiaux, d’éclatement de ménages et cas de divorces.

4.1.13. NUTRITION, SANTE & EAU, HYGIENE ET ASSAINISSEMENT

• Un accès à des Points d’Eau Modernes globalement satisfaisant, avec des inégalités

66.3% des ménages ont accès en premier lieu à un forage . (Couverture nationale de 70,8% en milieu mixte / 49.6% en milieu rural, source Institut National des Statistiques, EDS-MICS 2011). Les autres ont recours aux sources non aménagées (16%) ou eau de rivière (7,5%). La non utilisation de points d’eau protégés est principalement due à l’éloignement ou à l’absence de forages, parfois aussi à la discrimination autour des points d’eau. La collecte de l’eau est une tâche dédiée aux femmes ou aux enfants. En majorité (88%), les récipients ont été jugés propre par les enquêteurs, beaucoup ont recours à des bassines ou marmites (66%), puis des bidons (34%). La consommation d’eau est en moyenne sur la zone de 18 litres par personne par jour (selon déclarations des ménages). Un chiffre en deçà de la norme minimale selon l’OMS de 20l=L/personne/jour, mais qui n’a pas été relevé comme problématique pour les ménages. Ce niveau moyen de consommation est légèrement plus faible chez les nouveaux réfugiés (15L/personne/jour).

Dans les sites, 100% des réfugiés ont recours à l’eau de forage. Sur les localités souvent frontalières accueillant un nombre important de réfugiés, le taux d’utilisation de points d’eau protégés est très faible : 56% à Gbiti, 42% à Kette ou 33% à Tocktoyo. A Kentzou, malgré la présence encore importante de réfugiés, le taux d’utilisation de points d’eau protégés est satisfaisant, il a toutefois été relevé des conflits importants liés au temps d’attente et à la surcharge de certains forages.

• Une utilisation des latrines plus faible chez les ménages hôtes camerounais

Hors site, 70,2% des ménages utilise des latrines (71 % pour la moyenne en Afrique sub-saharienne en 2007 7) Ce sont les ménages camerounais qui ont un taux d’utilisation le plus faible (seulement 64,1%). Pour ces ménages hôtes, l’utilisation de trou / tranchée est importante ou la défécation à l’air libre. Chez les nouveaux réfugiés, la défécation à l’air libre reste importante, ce qui peut s’expliquer surtout par un manque de moyen de construction.

7 Source: Base de données – enquêtes AICD DH/MICS, 2007. 50 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Tableau 20 : Pratiques de défécation selon les statuts

Ancien réfugié Camerounais Nouveau réfugié Pratique Total général (avant 2014) (hôte) (début 2014) Latrine 88,5% 64,1% 76,9% 70,2% Air libre 5,1% 10,7% 15,4% 10,2% Trou-Tranchée 6,4% 24,8% 7,7% 19,4% Autre 0,0% 0,4% 0,0% 0,3% Total général 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Dans les sites, 90% des ménages utilisent des latrines. C’est sur le site de Lolo que la défécation à l’air libre est plus importante (23%) qui s’expliquerai par des sensibilisations moins importantes.

• Une répartition et un accès aux services de santé globalement satisfaisant

L’accès aux services de santé est globalement satisfaisant dans la zone d’étude. La distance moyenne entre l’habitant et un service de santé fonctionnel est de 3 kilomètres. Au vue de la très faible densité de population dans le département, ce chiffre est plutôt satisfaisant.

74% des personnes y ont recours en cas de problème de santé. 26% n’en ont cependant pas systématiquement recours, principalement par manque de moyen (75% d’entre eux). La fréquentation est bien plus faible pour les réfugiés que pour la population hôte (80% contre 50%). De nombreux réfugiés sont bloqués par le manque de moyens mais aussi par une discrimination qui est relevé dans les soins pratiqués auprès des réfugiés. Les maladies les plus courantes sont le paludisme (43% des familles avec au moins un membre touché le dernier mois), suivent les maladies diarrhéiques (23%).

Dans les sites, 90% des réfugiés déclarent se rendre systématiquement au centre de santé. Les 10% restant se déclarent insatisfait de la qualité des soins et du temps d’attente.

• MAG et MAS des enfants de 6 à 59 mois jugés « acceptable » et nul

Une Enquête Nutritionnelle et de Mortalité Rétrospective SMART a été menée en octobre 2014 (période de récolte), par le Ministère de la Santé Publique Camerounais avec l’appui technique de l’UNICEF. Les chiffres ont relevés une situation nutritionnelle des enfants de 6 mois à 5 ans pour la région de l’Est globalement « acceptable » (MAG : Malnutrition Aiguë Globale de 3% ; Malnutrition Aiguë Sévère de 0%). Chez la femme, l’Est présente un taux de 1,8% des femmes enceintes et/ou allaitantes en états de malnutrition aiguë.

Aucun lien n’a été établi dans le rapport préliminaire du Ministère de la Santé entre malnutrition et ses causes à l’Est. Selon les acteurs rencontrées et les résultats de l’évaluation, les causes de la malnutrition sont essentiellement sociaux économiques pour les ménages hôtes ou anciens réfugiés. On retrouve ainsi souvent de très jeunes mères, dans une situation socio-économique non stable (sans emploi, sans activité, sans cadre familial et un faible entourage). Elles se retrouvent en incapacité d’assumer seules leurs enfants. L’absence de planification familiale joue un rôle important.

51 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Les faibles revenus limitent aussi le traitement de certaines maladies, dont les maladies hydriques, plus fréquentes dans les lieux reculés avec une plus faible couverture en points d’eau protégés.

Figure 20 : Prévalence de la malnutrition aiguë (Globale, Modérée et sévère), selon l'indice poids/taille exprimé en score, chez les enfants de 6 à 59 mois par région (Source Ministère de la Santé, octobre 2014)

52 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.2. ACTEURS SANME DANS LA ZONE

Tableau 21 : Tableau des acteurs du département de la Kadey (non exaustif)

Conflits éventuels / points de vigilance dans Acteur Objectifs/rôles/Priorités Interlocuteurs locaux

la poursuite des Aire objectifs AUTORITES ETATIQUES - Représentant de l’état dans le département -Autorité étatique avec - L’UNHCR ; -Responsable des aspects sécuritaires - Commandant de compagnie de mutations régulières (4 ans -Gérer l’afflux des réfugiés ; Gendarmerie ; environ), ne sont jamais - Préfet -Collaborer avec le HCR et ses partenaires. - Commandants du BIR/BIM natifs des zones -Impulser le dialogue, la tolérance et l’entente entre - Délégué départemental MINEPIA ;

d’affectation (brassage Département refugiées et hôtes. - Délégué départemental de l’agriculture ; géographique volontaire) - Assure une coordination des services techniques de l’état.

- Services d’arrondissement -Assure l’effectivité de la politique sécuritaire dictée par le d’élevage/agriculture ; préfet dans sa circonscription administrative. - Les services de sécurité d’arrondissement -Est responsable de la gestion des mouvements des biens et (BIM/BIR/Brigade/Commissariat) ; - Sous-préfets personnes. - L’UNHCR/les ONG.

-Mise sur pieds d’une plateforme du dialogue - Les chefs traditionnels du 1er, 2ème et 3ème

agriculteurs/éleveurs Arrondissement degré. –Coordonne les services techniques sur le terrain. - Les représentants des réfugiés dans les sites (Timangolo, Mbile et Lolo) et hors sites.

- Commandant de Compagnie de gendarmerie - Commandants du BIM/BIR ; - Tracasseries auprès des - Gendarme Policier -Maintien de l’ordre ; - Commissaires spéciaux de police ; réfugiés (taxes illégales) Militaire -Garantir la sécurité des populations - L’UNHCR ; - Cas de corruption - Commerçants/acheteurs ; Transporteurs ; Village/localité - Populations hôtes. Refugiés AUTORITE TRADITIONNELLE -Fonction héréditaire / non basé sur compétences. - Service zootechnique/agricole basé dans la localité/village ; -Assure l’effectivité de la politique sécuritaire et sociale -Compréhension des - Les ONG réalisant des ouvrages dans le - Chefs de 1 er ,2 ème et dictée par le Sous-préfet dans son village. enjeux de la situation village/localité : 3ème degré -Facilité des actions des ONG dans son village. humanitaire pas toujours - Les populations hôtes ; -Garantir la sécurité de la population de son village claire, poursuite parfois Village/localité - Leaders des refugiés. d’intérêts personnels.

-Assure la cohésion le dialogue et la paix entre les mbororo - Autorité administrative et militaire - Ardo des Mbororo -Fonction héréditaire (centrafricains et camerounais), entre tous les musulmans. d’arrondissement et des localités. également -Défend les intérêts des mbororo. - Responsables du HCR et des ONG. - Représentant des Arrondisseme Localité nt/ éleveurs également - Ardo - Très écoutés par les - L’UNHCR ; Représente l’intérêt des refugiés face à l’administration populations / transmission - ONG anciens/nouveau camerounaise, au HCR et aux ONG. de messages - Le chef de la communauté hôte ; réfugiés - Le Sous-préfet. Sites/localités

SERVICES TECHNIQUES -Mutations régulières -Limiter la sous-alimentation dans le département de la -Faibles moyens et - Délégué - Le Préfet/les Sous-préfets ; Kadey et favoriser le développement de l’agriculture capacités d’action (impact) départementale - Le service départemental du commerce. -Encourager les activités agricoles dans le département par -Vision / conception d’agriculture - Les ONG. un appui direct. technique

-Faible supervision Département -Amener la production agricole locale à résoudre les gaps - Les responsables des GIC et Coopératives ; - Délégués locaux ; -Présence limitée sur le - Les agriculteurs ; d’arrondissements ; -Harmoniser les prix des produits agricoles sur les terrain malgré leur rôle - Les commerçants ; - Chefs de postes différents marchés, (capacités) - Les ONG. -Booster la production agricole à travers la formation des -Faibles effectifs agricoles - Les acheteurs

agriculteurs Arrondissement 53 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale -Mutations régulières -Capacités et moyens plus - Délégué - Veille et développement de l’élevage dans le département importants qu’agriculture - Préfet de la kadey ; départemental - Supervision des services techniques - Veille sanitaire et -Conception très technique - Délégué départemental MINEPIA de la Kadey d’élevage organisation de campagne de vaccinations centré sur la santé animale Délégués d’arrondissement/MINEPIA -Faible supervision Département (capacités) - Les délégués d’arrondissements et les chefs - Délégation - Veille et développement des techniques d’élevage dans les de postes zootechniques. - Sous-préfets d’arrondissement arrondissements et localités -Faible implication sur le - Les Bergers ; d’élevage ; - Veiller sur la santé des cheptels, remontée d’information, terrain - Les chefs des communautés hôtes et collecte de données, implication dans campagnes de -Faibles effectifs - Chefs de centre refugiés ; zootechniques vaccination - Les chefs de 1 er , 2 ème et 3 ème dégré du

Arrondissements département - Délégué départemental de la santé - Délégation - Veille sanitaire et développement des services de santé - Les directeurs des districts de santé départementale de dans le département d’arrondissements et les chefs de centre de

Santé pour le Kadey - Structuration des services et du personnel santé intégrés ; - Les ONG (AHA), MSF. - Les directeurs des districts de santé - Districts de santé d’arrondissements et les centre de santé Centres de santé -Limiter les cas de MAG/MAS ; Département intégrés intégrée de l’air de -Veiller sur la santé des populations hôtes et refugiés - Les CNTI (centre nutritionnelle santé thérapeutique) - Les ONG ACTEURS HUMANITAIRES

- Organismes non gouvernementaux - Coordination terrain réduite / par thématique ; - PUI dispersion des bureaux de (Première Urgence représentation Internationale)

- ACF - Fragilité de certains - Bailleurs (Action Contre la Faim) acteurs avec une faible - Maires - LWF stabilité d’implantation - Préfet de la kadey et les Sous-préfets (Lutheran, World - Assurer une assistance humanitaire aux populations - Stratégie globale à - Population réfugiés et populations hôtes Federation) réfugiés et hôtes du département de la Kadey. moyen/long terme réduite. - Ardos - AHA (Africa - Amélioration des conditions de vie des refugiés -Cohérence des activités - Chefferies Humanitarian Action) centrafricains présents dans le département de la Kadey. actuelles réduite par - Services techniques départementaux et - CRF/CRC rapport aux orientations d’arrondissement - Plan-Cameroun SRP 2014-2016 / Rapport - Gestionnaires de site

- FIRC (Fédération Département Inter agence sur Priorités Internationale de la 2015: : assistance hors des Croix Rouge) sites encore limitée ; - IEDA RELIEF assistance quasi- (International exclusivement en vivre ou Emergency and moyens de mouture pour Develppment Aid) sécurité alimentaire/ME) ; Agences des nations inclusion des ménages - Bailleurs - Assurer une assistance humanitaire aux populations unies hôtes ; coexistence - Préfet de la kadey et les Sous-préfets réfugiés et hôtes du département de la Kadey. - UNHCR / PAM / pacifique, renforcement - Population réfugiés et populations hôtes - Coordination de l’assistance / Accompagnement et ONU Femmes / des capacités de résilience. - Gestionnaires de site financement de partenaires d’intervention UNFPA - Autres autorités étatiques. SOCIETE CIVILE

- FEICOM (Fond Spécial d'Equipement et d'Intervention Intercommunale); Maires - Favoriser le développement de la collectivité, commune. - Préfets ; territoriale Collectivité - Sous-préfets ;

54 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.3. SITUATION DE LA SECURITE ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE & DES MOYENS D’EXISTENCE DANS LA ZONE

4.3.1. CONSOMMATION ALIMENTAIRE

• Un nombre de repas par jour satisfaisant

Le nombre de repas par jour est satisfaisant sur la zone. Il est en moyenne de 2,7 pour les adultes et 2,4 pour les enfants de 1 à 5 ans . Les ménages à 1 repas par jour (peu nombreux : 4,5%) le sont plus pour des raisons professionnelles (travail aux champs) que par manque de moyens. Pour ces ménages, les enfants de 1 à 5 ans sont eux à 2 repas par jour. Il n’y a pas hors des sites de différences notables selon les statuts. Dans les sites, la moyenne est de 2,6 repas par jour pour les adultes et 2,7 pour les enfants de 1 à 5 ans.

• Monotonie - faible diversité alimentaire pour les ménages les moins aisés

Il est remarqué de manière globale que moins les ménages sont aisés, plus ils ont recours aux même aliments, souvent autoproduits. Ce qui est appelé localement le couscous de manioc est le plat de base, souvent accompagné avec huile et feuilles. Lorsque les ménages manquent de moyens/recours (argent/entraide), il n’y a pas de variations, la consommation de produit animaux (et protéines en général) est presque inexistante, de même que celle de fruits et légumineuses.

• Score de consommation alimentaire globalement acceptable

Le Score de Consommation Alimentaire (SCA), ou Food Consomption Score (FCS), est un indicateur chiffré de mesures des modèles alimentaires des ménages sur une zone et dans une période précise, afin de déterminer le niveau de sécurité alimentaire. On distingue 3 seuils de consommation (dans l’étude avec consommation quotidienne de sucre et huile) : Inférieur ou égal à 28 (« Pauvre ») / Entre 28,5 et 42 compris (« Limite ») / Strictement supérieur à 42 (« Acceptable »).

Le SCA moyen de la zone, en avril (en début de période de soudure) est de 54, ce qui correspond à un seuil largement acceptable.

Figure 21 : Répartition de la population hors site selon les Scores de Consommation Alimentaire (avril 2015)

55 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • De faibles différences selon les statuts, induites par une aide alimentaire encore importante

Globalement on remarque que les différences de répartition, par classe de score de consommation sont faibles : - La situation alimentaire est presque identique entre anciens et nouveaux réfugiés . Cela s’explique essentiellement par le fait que 83% des nouveaux réfugiés ont été assistés en vivre début 2015. Egalement, 47% des anciens réfugiés ont été assistés en vivre début 2015. - La proportion de ménages en situation « Acceptable » est significativement plus importante chez les ménages camerounais et la proportion de ménages en scores « Limite » plus faible. - Les bons scores chez les réfugiés hors site (proche des communautés hôtes) semblent essentiellement dus au maintien d’une assistance alimentaire directe par le PAM. - Pour les score « limites » ou « pauvres », s’expliquent par une consommation de viande/poisson faible ou une faible diversité alimentaire (pas de sucres, peu d’huiles et légumes) et pas de produits laitiers.

Figure 22 : Répartition des populations hors sites selon SCA et statuts (avril 2015) 100% 90% 80%

70% 61% 64% 60% 75% 50% 40% 30% 20% 34% 31% 21% 10% 0% 5% 4% 5% Ancien réfugié (Avant 2014) Camerounais (hôte) Nouveau réfugié (Début 2014)

Inférieur ou égal à 28 Entre 28,5 et 42 Strictement supérieur à 42

A titre de comparaison, une évaluation multisectorielle a été réalisée par PUI mission RCA à la même période (avril 2015), dans le cadre du RRM (Rapid Response Mecanism) auprès de déplacés de Gamboula et Dilapoko (seulement quelques kilomètres de la frontière avec le Cameroun et la Kadey). La proportion de ménages en score « pauvre » est là de 39%. Seulement 14% des ménages se situent en catégorie « acceptable ».

• Une situation alimentaire satisfaisante dans les sites

Dans les sites, la situation alimentaire satisfaisante (SCA moyen de 50,6, 72,3% en score « acceptable » ; 4,9% en score « Pauvre ») est aussi permise par l’aide alimentaire directe du PAM. Mais elle n’explique pas à elle seule ces chiffres. L’implantation des sites en une zone agricole excédentaire et avec des flux commerciaux importants permet un achat-revente de vivre assez important et bon marché (bassin de manioc à 2 000 XAF contre 5 000 XAF à Bertoua). 56 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.3.2. MOYENS DE SUBSISTANCE ET STRATEGIES D’ADAPTATION

Les activités des populations ont été détaillées au sein de la partie « facteurs liés à la SANME » (page 24). Elles ne seront pas détaillées dans cette partie. Elles jouent un rôle déterminant sur les moyens de subsistance des ménages.

• Des revenus hebdomadaires moyens très faibles hors site

Le revenu hebdomadaire n’est pas toujours déterminant pour la sécurité alimentaire des populations. Les pics de périodes de vente de récoltes, ou de bétail peuvent correspondre à la constitution d’un capital, réutilisé ensuite durant l’année ou pour des imprévus. Le revenu hebdomadaire moyen de la zone en avril est de 8 898 XAF (projection non valable mais indicative à 462 696 annuel soit 705 euros). La disponibilité en cash est ainsi globalement très faible dans la zone d’étude. En comparaison, le revenu hebdomadaire moyen dans le Mbéré (Adamaoua) était en février 2015 de 13 879 XAF (+56%).

Tableau 22 : Niveaux de revenus hebdomadaires en avril 2015, selon les SCA et les statuts (hors site)

SCA Revenu hebdomadaire Statut (hors sites) Revenu hebdomadaire Pauvre 1 541 Ancien réfugié (avant 2014) 4 630 Limite 4 637 Camerounais (hôte) 11 120 Acceptable 10 682 Nouveau réfugié (début 2014) 2 700

De manière globale dans la population, les niveaux alimentaires sont très clairement dépendant des revenus des ménages. L’aide directe auprès des réfugiés (anciens ou nouveaux) permet le maintien d’une bonne situation alimentaire.

• Des opportunités économiques pour les réfugiés des sites assez faibles

Dans les sites, le revenu hebdomadaire moyen est de 4 479 XAF . Un chiffre là aussi très faible, mais dans une tendance inverse que dans les sites du Mbéré, où en février les revenus étaient plus faibles de 20% (3 630 XAF/semaine). Les opportunités économiques dans les sites sont plus nombreuses dans la Kadey que dans le Mbéré, s’expliquant par un travail journalier plus accessible (plus d’intervenants humanitaires, présence de mines aurifères, travaux champêtres plus importants avec deux saisons agricoles).

• Stocks alimentaires faibles pour les derniers réfugiés

Les stocks moyens sont de 8,9 semaines (+ de 2 mois) pour les populations hôtes, 2,4 semaines pour les anciens réfugiés, ils sont en revanche très faibles pour les « nouveaux réfugiés » (1,2 semaine). Dans les sites, les stocks moyens sont de 1,3 semaine.

57 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Un recours important à des stratégies négatives pour les ménages avec une alimentation plus faible

Le CSI, Coping Strategy Index, appelé aussi Indice des Stratégies d’Adaptation (ISA) ou Indice des Stratégies de Survie (ISS), est un indicateur chiffré qui mesure les stratégies d’adaptation des ménages mises en place en réaction à un problème d’insécurité alimentaire dans un contexte de choc ou de crise dans une zone et pour une période précise. Plus le score est élevé plus il traduit un recours important à des stratégies négatives pour le ménage. Certaines stratégies sont considérées comme très négatives (fortement pondérées) pour l’indicateur standard qui a été choisi et sont en revanche courantes et considérées comme peu négatives pour les ménages de la zone (exemple : demander de l’aide à amis ou famille ; envoyer un membre de la famille manger ailleurs). Un CSI élevé ne traduit ainsi pas toujours un recours à des stratégies si négatives pour le ménage, il ne distingue ici pas les pratiques et habitudes culturelles usuelles des stratégies « exceptionnelles ».

Le score moyen de 22 traduit une bonne situation globale, cohérente avec les scores de consommation alimentaire , dans l’ensemble : - On remarque que plus la consommation alimentaire est faible plus les ménages ont recours à des stratégies négatives. - Les ménages avec un CSA « Acceptable » vont également mettre en œuvre des stratégies (le SCA se mesure sur le type d’aliment consommé, non la qualité ou la quantité), souvent moins négatives pour maintenir leur niveau de vie et de consommation alimentaire ; acheter des aliments moins appréciés (1,9 jours), diminuer les portions des repas (1,7). - Pour les scores alimentaires « Pauvre », les ménages ne changes pas tellement de type de stratégie mais elles sont plus fréquentes voir quotidiennes : acheter des aliments moins appréciés (3,8 jours), diminuer les portions des repas (2,7 jours), Réduire ne nombre de repas par jour ou la portion des adultes pour les enfants (2,5 jours).

Tableau 23 : Niveaux de CSI en avril 2015, selon les SCA et les statuts (hors site)

SCA CSI Statut (hors sites) CSI Pauvre 42,0 Ancien réfugié (avant 2014) 22,9 Limite 27,4 Camerounais (hôte) 23,3 Acceptable 19,6 Nouveau réfugié (début 2014) 14,7

Pour les réfugiés des sites, le recours à des stratégies graves est faible également (score CSI de 20,9). Chez les nouveaux réfugiés, les scores plus faibles peuvent s’expliquer par des recours possibles aussi plus réduits : moins de possibilité de demander de l’aide, etc.

• Stratégies et intensions à plus long terme pour les réfugiés des sites

Le sondage effectué dans les sites a pu laisser entrevoir certaines tendances : ‹ Une grande majorité souhaite rester à terme au Cameroun ‹ Pour ceux désireux de rentrer, le retour est conditionné par le retour de la paix en RCA ‹ Une majorité souhaite quitter les sites pour s’installer dans les villages, conditions d’accueil dans les villages que les réfugiés jugent bonnes (hospitalité des habitants). ‹ Pour 2015/2016, les activités souhaitées par ces réfugiés sont par ordre d’importance la culture de manioc, de maïs et d’arachide (souhait d’un hectare/ménage), l’élevage et le petit commerce. Une minorité souhaite s’orienter vers l’artisanat.

58 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale • Une alimentation qui pèse plus dans le portefeuille des réfugiés malgré l’aide alimentaire

On remarque de manière générale que : - L’alimentation est le poste de dépense premier pour l’ensemble des ménages - La santé est le troisième poste de dépense - Le logement ne pèse pas dans les dépenses des ménages

Selon les statuts, les nouveaux réfugiés hors site vont avoir une part consacré à l’alimentation beaucoup plus forte que le reste du groupe , impactant les autres postes de dépense comme l’éducation ou l’épargne. Le remboursement de dettes est plus fort du côté des anciens réfugiés. Dans les sites, la situation des réfugiés est comparable aux anciens réfugiés hors site, avec des niveaux de dépense plus faible cependant dans le logement (0,1%) la santé (2,2%), une épargne plus élevée (en proportion des revenus : 7,4%) ainsi que le remboursement de dette (8,9%).

Figure 23 : Répartition des postes de dépense selon les statuts

• Une couverture en abris et NFI globalement bonne

Le Score Card NFI (Non Food Items ou AME : Articles Ménagers Essentiels) est un outil permettant d’évaluer la vulnérabilité des ménages en fonction de leur équipement ménager. Les scores sont attribués selon un barème standard de couverture en biens ménagers. Les scores sont attribués selon des familles d’article, ils vont de 0 à 5. Plus les scores sont élevés plus la vulnérabilité est jugée forte.

Tableau 24 : Grille de lecture Score Card NFI

La couverture NFI est globalement bonne sur l’ensemble de la zone d’étude avec un score moyen de 1,9, soit un seuil « Non Urgent ». La couverture en bidon est plus critique (score bidon de 3,1). Cela n’est pas une limite pour la collecte de l’eau, également assuré par des bassines (posant cependant des risques d’hygiène).

59 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale Figure 24 : Répartition des ménages selon les groupes de vulnérabilité SCNFI

A titre de comparaison, le score NFI des déplacés centrafricains de Gamboula (situé seulement à une trentaine de kilomètres de Kentzou) et Dilapoko en RCA (Evaluation multisectorielle PUI-RRM avril 2015) était de 4,2, soit dans seuil de crise .

Figure 25 : Répartition des ménages selon les groupes de vulnérabilité SCNFI et en fonction des statuts (hors site)

Nouveaux réfugiés (Début 2014) : moyenne 2,7 Anciens réfugiés (Avant 2014) : moyenne 2,4

4.3.3. CAPACITE DE RESILIENCE

Pour les nouveaux réfugiés (hors site), la différence marquante est au niveau de la couverture en outils, pour le travail du champ, ainsi que en habits enfants. 38,1% des nouveaux réfugiés hors site sont en seuil « urgent ». Dans les sites, le score moyen est de 2,4 (20 en seuil « urgent »). Le constat y est le même pour les outils, mais les couvertures en bidon, et habits sont meilleures. La couverture en casserole et équipements de cuisine est assez faible pour toutes les catégories. Dans les sites, la dégradation d’une majorité des abris rend les ménages très vulnérables face aux intempéries et la saison des pluies à venir.

La couverture en NFI est visiblement liée aux revenus des ménages et ainsi à la reprise d’activités économique. Plus les ménages ont des revenus faibles, plus ils se trouvent dans une vulnérabilité alimentaire forte (SCA faible), plus également leur couverture NFI est faible.

Tableau 25: Score Card NFI et Score de consommation aliemntaire en fonction des niveaux de revenu (hors site)

Revenu hebdomadaire Représentation en % Score Card NFI Score de consommation alimentaire 0-2 000 24% 2,4 45,9 2 000 -5 999 31% 1,9 51,1 6 000 -9 999 15% 1,6 56,9 10 000 -13 999 10% 1,5 59,2 >14 000 19% 1,5 64,1

60 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 4.4. SYTHESE DES RESULTATS

4.4.1. PRINCIPAUX POINTS A RETENIR

∑ Populations hors site dans une insécurité alimentaire grave évaluée à environ 4% soit une estimation pour les 4 communes étudiées d’environ 75000 - 8 000 personnes (1000 - 1 100 ménages). ∑ Parmi ces populations, peu de différences selon les statuts en proportion. En nombre, la population en insécurité alimentaire grave est majoritairement camerounaise. Cependant, 5,2% de la population, représentant des anciens et nouveaux réfugiés aidée par le PAM se situent dans la tranche « Limite » de score alimentaire. Certains sont encore très dépendants de cette aide et donc à terme également très vulnérables face à une insécurité alimentaire. On peut ainsi estimer l’ensemble de la population très vulnérable et extrêmement vulnérable à environ 6 – 7 % de la population globale hors site (soit environ 12 200 personnes ou 1 700 ménages. ∑ Population dans une insécurité alimentaire modérée évaluée à environ 24% soit une estimation à 45 684 personnes (soit environ 6 260 ménages) actuellement. ∑ La vulnérabilité alimentaire des ménages est très fortement influencée par leur intégration socio-économique (composition des ménages, chefs de ménages seuls, proportion d’actifs et accès à un revenu régulier). ∑ La détérioration progressive du milieu naturel laisse penser que les conflits agro-pastoraux sont amenés à évoluer à la hausse et détourner d’avantage les populations de l’agriculture, notamment sur la partie nord du département. ∑ Les petits éleveurs, réfugiés ou camerounais, ont un risque très important de basculer à court ou moyen terme vers une vulnérabilité alimentaire forte avec la diminution de leur cheptel, sous pression en absence de pâturage. ∑ L’accès à la terre et aux moyens de production est un facteur déterminant de la sécurité alimentaire des ménages réfugiés . Beaucoup souhaitent cultiver et n’y parviennent pas. ∑ A terme, de nombreux nouveaux réfugiés qui pourront se mouvoir devraient s’orienter vers les activités minières (aurifères) , la vente d’or ou le travail journalier dans les mines et ainsi accroitre les problèmes sanitaires et de protection dans ces sites. ∑ Le manque d’organisations paysannes et la faible valorisation des productions locales handicapent fortement le niveau de vie des cultivateurs locaux. ∑ L’environnement agro-écologique et socio-économique offre de nombreuses perspectives dans la zone. Bien qu’il y a une période de soudure marquée, il est important de préciser que hors site les recours possibles sont nombreux (variation de l’alimentation plus aisée avec les tubercules, la cueillette, les fruitiers et le travail journalier avec la saison agricole). Cela laisse à penser que les basculements de niveaux de vulnérabilités seront tout de même faibles durant la période de soudure. ∑ Pour les nouveaux réfugiés, les ménages n’ayant pas vu leur structure familial trop se modifier (perte d’actifs ou chefs de familles) et ayant conservé une proportion d’actif importante, ont des capacités de résilience importantes qu’il faut considérer. ∑ La majeure partie des nouveaux réfugiés des sites reste dépendante de l’assistance (alimentaire, éducation, santé, NFI). Le constat est le même hors site.

61 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 5. CONCLUSION

Le département de la Kadey subit actuellement une crise économique, sociale et environnementale assez profonde qui remonte à plusieurs décennies mais qui a été fortement aggravée par l’arrivée massive réfugiés en 2014. Si la précédente vague de réfugiés a été dans l’ensemble bien intégrée dans les populations locales, l’arrivée massive de réfugiés en 2014 a profondément bouleversé les équilibres locaux.

Sans pâturages en RCA et avec un cheptel en augmentation, la pression des éleveurs se fait forte et est insoutenable pour de nombreux cultivateurs. Principalement sur la partie nord du département, nombreux sont les ménages qui se détournent des activités culturales. Hors des sites constitués, les ménages les plus en difficulté sont les nouveaux réfugiés arrivés sans moyens ni capitaux, isolés : sans liens familiaux et les familles décomposés ayant perdu des actifs. Les femmes seules chefs de ménageet personnes âgées vivant seules sont particulièrement vulnérable aussi chez les communautés hôtes et globalement les ménages n’ayant qu’une seule source de revenu, qui a été impacté par l’arrivée des réfugiés en 2014 (dont les activités agricole avec la destruction des champs). La forte concentration de réfugiés dans les sites actuels ne parait pas soutenable sur le long terme. Les niveaux de vie et de sécurité alimentaire des nouveaux réfugiés dans les sites et hors sites sont globalement satisfaisants, mais ils restent en majorité totalement dépendants d’une aide alimentaire directe. Un nombre important de réfugiés va vouloir se déplacer à terme vers des localités d’accueil offrant d’avantage d’opportunités. Cependant, même avec une concentration de population moins forte, les sites actuels sont amenés à durer, de même que la présence importante de réfugiés sur les localités frontalières comme Gbiti, Tocktoyo, Kentzou ou Kette. Avec un processus de concertation à ces débuts en RCA, l’intégration de ces populations est un enjeu majeur. Les problématiques engendrées par l’arrivée massive de ces réfugiés (pression sur les infrastructures, pression sur les ressources, gestion des espaces, accès à l’eau, accès à la santé, bouleversement des équilibres sociaux, etc.) vont être longues à se dissiper. Au nord, c’est le système agro-pastoral qui semble devoir être repensé. La gestion traditionnelle des ressources est basée sur une vision illimitée des terres et pâturages. En cas de manque il suffisait de migrer sur d’autres territoires et le pays voisin pour les éleveurs. Les ressources sont aujourd’hui limitées par rapport au nombre de bétail et de cultivateur. Au sud, de nombreux ménages devraient se projeter dans des activités culturales et sans une valorisation plus importante des productions, une insécurité alimentaire forte va subsister pour les plus petits et plus faibles ménages.

L’aide directe est encore indispensable pour la majeure partie des réfugiés des sites. Elle le restera tant que la plus grande partie des réfugiés n’a pas accès à des revenus/productions suffisant(e)s. Des activités de cash for work, progressives, peuvent sérieusement être envisagées, dans cette zone agricole et avec une offre sur les marchés très réactive. L’organisation de l’accès aux terres et la cohabitation avec les communautés hôtes sont des priorités. Hors des sites, les problématiques agro- pastorales semblent aussi centrales et plus importantes sur la partie nord. Dans les localités accueillant une forte concentration de réfugiés, la pression sur les infrastructures doit être encore atténuée. De manière globale, il convient aussi de réduire d’avantage les inégalités d’aide encore population réfugiés et populations hôtes (par aide indirecte, ou inclusion modérée dans les activités), subissant parfois fortement l’arrivée des populations de RCA. Les opportunités locales sont nombreuses et laissent penser qu’il est possible de mener des activités concertées orientées sur une évolution positive du système socio-économique.

62 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale 6. ANNEXES

ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE MENAGE

63 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale

64 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale ANNEXE 2 : BODY CONDITION SCORE

Exemple source: Development of a Standardized Body Condition Score for Native Cattle in Uganda, E.S. Dierenfeld1 & B. Lukuyu, Novus International, Inc., St. Charles, MO USA, International Livestock Research Institute, Nairobi, KENYA

65 Avril 2015 / Rapport d’évaluation SANME, Kadey, Est, Cameroun/ Première Urgence Internationale