Journal de la Société des américanistes

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Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/jsa/14867 DOI : 10.4000/jsa.14867 ISSN : 1957-7842

Éditeur Société des américanistes

Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2017 ISSN : 0037-9174

Référence électronique Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017, « 103-1 » [En ligne], mis en ligne le 15 juin 2017, consulté le 29 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/jsa/14867 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/jsa.14867

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© Société des Américanistes 1

SOMMAIRE

Dimitri Karadimas (1966-2017) Philippe Descola

Les concours de beauté en Amérique latine

Des Miss à part. Les concours de beauté au prisme des différences en Amérique latine Grégory Deshoullière et Magda Helena Dziubinska

¿Unas elecciones de verdad? Autenticidad, representación y conflicto en los concursos de Reinas Indígenas de Gemma Celigueta

Devenir reine kakataibo. Performance, séduction et genre en Amazonie péruvienne Magda Helena Dziubinska

A Miss Kayapó: ritual, espetáculo e beleza André Demarchi

Depuis les podiums des reines de beauté : se produire comme femme trans en Bolivie Pascale Absi

Varia

Nuestra Madre Milpa Joven: una imagen de la totalidad efímera en un ritual wixárika Regina Lira Larios

On Yanomami ceremonial dialogues: a political aesthetic of metaphorical agency José Antonio Kelly Luciani

Note de recherche

Caractérisation physico-chimique de pigments de peintures murales mochica : San José de Moro (VIIIe-Xe siècles apr. J.-C.) Nicola Sardos, Nino Del-Solar-Velarde, Rémy Chapoulie et Luis Jaime Castillo Butters

Chronique

Con la ayuda de Dios. Crónica de luchas indígenas actuales por el territorio en la Sierra Nororiental de Puebla Pierre Beaucage, Leonardo Durán Olguín, Ignacio Rivadeneyra Pasquel et Claudia Marina Olvera Ramírez

Manifeste contre les attaques infligées aux droits des autochtones du Brésil Simone Dreyfus, Jonathan D. Hill et Lia Zanotta Machado

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Compte rendu

GONZÁLEZ Raúl, Estudio fonológico y morfo-sintáctico de la lengua toba hablada en el este de la provincia de Formosa (Argentina) Lincom Europa (Lincom Studies in Latin American Linguistics, 75), München, 2015, 246 p., bibliogr., mapas en blanco y negro, tablas, anexo. Cintia Carrió

GÓMEZ GONZÁLEZ Sebastián, Frontera selvática. Españoles, portugueses y su disputa por el noroccidente amazónico, siglo XVIII Instituto Colombiano de Antropología e Historia (Colección Espiral), Bogotá, 2014, 400 p., bibliogr., indice geográfico, indice onomástico, ill. Jean-Pierre Goulard

SENDÓN Pablo F., Ayllus del Ausangate. Parentesco y organización social en los Andes del sur peruano Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto de Estudios Peruanos/Centro Bartolomé de Las Casas, Lima, 2016, 367 p., bibliogr., cartes, tabl., graph. Laurent Segalini

HANKS William F., Converting words. Maya in the age of the cross University of Press, Berkeley/London, 2010, 439 p., bibliogr., index, ill., cartes, tabl., graph. Capucine Boidin

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Dimitri Karadimas (1966-2017)

Philippe Descola

1 Dimitri nous a quittés le 2 avril dernier et nous sommes nombreux à être dans le désarroi, sans savoir comment faire face à cette cruelle injustice autrement qu’en se remémorant les moments allègres que nous avons passés ensemble, notamment au conseil de rédaction du Journal de la Société des américanistes où son humour pince-sans- rire faisait merveille, ou en relisant les textes puissants et subtils qu’il n’a cessé d’écrire jusqu’à ses derniers moments. C’est un ami qui s’en va, mais c’est aussi un savant qui disparaît, une voix forte et originale dans le champ des études américanistes en même temps qu’un chercheur audacieux qui prenait au sérieux la mission de l’anthropologie de contribuer à une meilleure intelligence de la condition humaine en s’efforçant de dévoiler la logique des variations sous lesquelles elle s’exprime.

2 Dimitri Karadimas avait en effet développé au fil du temps tout à la fois une compétence sans équivalent dans son domaine de spécialité ethnographique, et une approche théorique inédite issue d’un développement de ses premières recherches de terrain : il était en même temps le meilleur connaisseur en France des sociétés amérindiennes du Nord-Ouest amazonien, un ensemble tout à fait singulier à l’échelle régionale, et l’artisan d’une démarche d’interprétation des images composites qu’il avait profondément renouvelée tant par la diversité des objets empiriques qu’il avait choisis – masques amazoniens, iconographie préhispanique mésoaméricaine et andine, images de la Renaissance et de l’Antiquité – que par l’audace des hypothèses qui la fondait. Pour tenter de le dire en un mot, Dimitri Karadimas explorait avec une constance remarquable la fécondité d’une intuition qu’il avait eue très tôt dans sa carrière, à savoir que l’interprétation de certaines images énigmatiques repose sur le fait qu’elles figurent en réalité de façon plus ou moins cryptée un objet naturel ou un organe servant à signifier un processus ; ces images seraient donc des métaphores visuelles qui déguiseraient en partie la référence analogique qui les constitue comme signes iconiques.

3 Sa première enquête, à laquelle il avait consacré sa thèse de doctorat, portait sur l’ethnographie des Miraña de Colombie, une population qui, comme ses voisins Bora et Witoto, présente une structure sociale, cosmologique et rituelle d’une complexité peu commune en Amazonie et qui fait l’objet en outre d’un travail réflexif véritable par

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certains de ses membres, une culture « savante » en somme. Exploitant la riche mythologie locale, les savoirs populaires sur les plantes et les animaux, les discours rituels et les indications linguistiques – notamment l’usage par les Miraña de classificateurs nominaux qui distribuent les objets du monde en fonction d’aspects liés à la perception par l’un des cinq sens – Dimitri Karadimas avait mis en évidence au cours de cette enquête la façon dont les catégories corporelles servent d’outils conceptuels pour penser des processus et des relations tant internes à la sphère humaine que caractéristiques des relations avec les non-humains. Poursuivant d’une autre manière la voie ouverte par La Pensée sauvage, sa thèse publiée en 2005 sous le titre La Raison du corps montrait ainsi comment, dans le registre du vocabulaire corporel, le sensible peut être converti en intelligible et servir d’outil conceptuel pour médiatiser les rapports à l’environnement.

4 La couverture de la monographie était illustrée par l’un des célèbres tableaux composites d’Arcimboldo, l’Eau, portrait d’un humain entièrement fait d’êtres aquatiques. La raison en était que les Miraña ont une théorie de la fabrication de la personne humaine qui rappelle les grands systèmes analogistes de la Renaissance : les corps sont réputés constitués pour l’essentiel d’animaux aquatiques. Ce qui aurait pu être pris pour un simple jeu de langage servit de tremplin à Dimitri Karadimas pour débuter un vaste et ambitieux projet de recherche sur l’analogie figurative dans les images et dans les discours, projet qui s’appuyait sur deux principes : d’une part, la tendance assez commune à la projection anthropomorphique sur les objets du monde, c’est-à-dire la disposition à les interpréter en y voyant quelque chose d’humain et, d’autre part, l’usage également commun d’images « cachées » dans des métaphores visuelles, c’est-à-dire le cryptage d’un terme-source de l’analogie dans un terme-cible qui présente avec le premier des similitudes morphologiques. Commença alors une longue quête dans des matériaux très divers, pour l’essentiel mythiques et iconographiques, qui manifestent des corrélations entre une vue anthropomorphique du monde et une vue cosmologique du corps. Qu’elles concernent la façon dont le thème de la constellation d’Orion se déplace en Amérique du Sud en variant les motifs iconographiques qui l’expriment ou qu’elles se réfèrent à la mise en image de processus naturels au moyen de « citations » discrètes d’attributs anatomiques de certaines espèces permettant de figurer, par exemple, la métamorphose ontogénétique ou les mécanismes de parasitisme de certains insectes, les analyses de Dimitri Karadimas manifestent de façon éclatante la combinaison d’une maîtrise érudite des matériaux, d’une intelligence incisive dans leur analyse et d’une originalité jamais démentie dans leur interprétation.

5 C’est dans son domaine de spécialité, celui des études amérindiennes, que ces qualités se sont données à voir de la façon la plus évidente. En témoigne notamment le volumineux manuscrit qui, sous le titre Dieux, guerriers, parasites. Perceptions, mythes et images en Amérique du Sud, constituait la pièce inédite du dossier que Dimitri Karadimas avait présenté à l’occasion de la soutenance de son Habilitation à diriger des recherches en juin 2016. Cet essai développait dans une synthèse audacieuse certains des thèmes qui constituaient la matière de ses recherches et en proposait une théorie générale fondée sur les mécanismes cognitifs de la perception. Il s’agit donc tout à la fois d’un savant ouvrage panoptique dans la tradition des grands pionniers de l’américanisme, de Nordenskjöld à Lévi-Strauss, et d’une contribution argumentée au champ contemporain de la réflexion sur les images. On n’aura garde enfin d’oublier un autre type d’audace dont Dimitri Karadimas témoignait. Non content d’explorer des pistes

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fructueuses dans le dédale des civilisations amérindiennes dont il était familier, il s’était aussi aventuré dans l’iconographie et le folklore européens, proposant des analyses stimulantes de l’histoire du Petit Chaperon rouge, d’une annonciation de la Renaissance italienne ou de l’iconographie d’Attis et Cybèle. Dans tous ces cas, il faisait preuve d’une grande rigueur dans l’analyse des documents et d’une indubitable originalité dans leur interprétation, exploitant au mieux pour ce faire la distance critique qu’un « regard éloigné » formé par les études américanistes permettait de construire.

6 Toutefois, ce qu’il faut ici saluer au premier chef c’est ce que le manuscrit apporte comme renouvellement aux études américanistes. D’abord en ce qu’il élargit aux images le grand système transformationnel panaméricain que Lévi-Strauss avait commencé à construire pour les mythes. Ensuite, parce que, dans l’étude de cette migration iconique, Dimitri Karadimas a su inclure les Andes et la région côtière précolombiennes, nous permettant ainsi de commencer à entrevoir comment des schèmes visuels peuvent se diffuser entre des aires culturelles a priori assez différentes pourvu que les motivations sur lesquels ils s’appuient – c’est-à-dire certaines des relations qu’ils établissent – continuent à être pertinentes. Enfin, parce que cette analyse, comme toutes celles que Dimitri Karadimas a consacrées aux images, permet de sortir d’un face-à-face un peu stérile entre les théories conventionnalistes et les théories réalistes des signes iconiques en ce qu’elle montre que des graphèmes simples – le baudrier d’Orion ou le dédoublement des orifices de la raie, par exemple – peuvent être à la fois mimétiques, donc reconnaissables à condition que le référent soit connu, et culturellement codés, c’est-à-dire fixés dans un type sous la forme d’un ensemble d’attributs visuels assurant la correspondance entre le stimulus et le référent. Dieux, guerriers, parasites est demeuré inédit car Dimitri a continué à amender ce manuscrit jusqu’à la fin. Il est urgent maintenant d’œuvrer à sa publication, tout à la fois pour honorer la mémoire de notre ami, mais aussi et surtout pour que, en continuant à penser avec lui, sa présence vive et chaleureuse continue encore pendant longtemps à nous accompagner.

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Les concours de beauté en Amérique latine

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Des Miss à part. Les concours de beauté au prisme des différences en Amérique latine

Grégory Deshoullière et Magda Helena Dziubinska

1 Les concours de beauté sont devenus aujourd’hui un élément central des festivités dont les Amérindiens sont les principaux acteurs – les anniversaires des communautés natives au Pérou, le Jour des nationalités en Équateur, les fêtes patronales au Guatemala ou le Jour de l’Indien au Brésil, pour n’en nommer que quelques-unes1. Pourtant, les concours de beauté en Amérique latine ont pendant longtemps été l’apanage des sociétés nationales, certaines en ayant même fait une industrie d’État2. La littérature régionale a en effet mis en lumière le lien entre la célébration de la nation et la promotion d’un idéal féminin issu des élites urbaines3. L’histoire de ces concours au sein des États-nations d’Amérique latine reste néanmoins mal connue. L’hypothèse la plus souvent émise fait remonter leur diffusion à partir des États-Unis aux années 1920, à travers le cinéma d’Hollywood, les journaux d’actualités, puis les différents concours américains auxquels ont été invités à prendre part les élites nationalistes des grands centres urbains latino-américains4. C’est toutefois dans le cadre des festivités du calendrier catholique, plutôt que dans une fête nationale, que l’explorateur Laurent Saint-Cricq (alias Paul Marcoy) fournit, non sans humour, l’une des premières descriptions des pérégrinations d’une « reine amérindienne », depuis la mission franciscaine de Sarayacu dans l’Amazonie péruvienne du XIXe siècle : La cérémonie ne commença qu’à neuf heures du soir. Au branle de la cloche, une femme désignée pour remplir les fonctions de reine de Noël entra dans l’église accompagnée de deux filles d’honneur, et alla s’agenouiller devant la balustrade du sanctuaire où l’attendait le révérend Plaza, entouré de vieux néophytes habillés en enfants de chœur et portant la croix et la bannière. La reine de Noël avait le visage bariolé de noir et de rouge. Un diadème de plumes de perroquet ornait son chef surmonté d’un immense peigne d’écaille. Des mouchoirs de cotonnade aux vives nuances, disposés en écharpe, rehaussaient la simplicité de son costume habituel. […] Après que la reine, toujours agenouillée, eut satisfait aux quatre premières questions du catéchisme qui lui furent adressées en quechua par le prieur, celui-ci lui remit une petite corbeille matelassée dans laquelle était couché un Enfant-Jésus

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qu’elle embrassa dévotement ; alors, se relevant et portant à deux mains son léger fardeau, Sa Majesté sortit de l’église, et, suivie de ses porte mèches, alla de maison en maison présenter le nouveau-né à l’adoration des fidèles. […] La reine christophore mit plus d’une heure à faire sa tournée. Quand elle reparut au seuil de l’église, sa démarche était titubante, son peigne de travers et ses yeux hébétés. Ses filles d’honneur, vierges folles, avaient répandu l’huile de leur lampion, dont les mèches s’étaient éteintes. À mes questions sur l’état dans lequel se trouvaient la reine et ses suivantes, on répondit qu’il était d’usage d’offrir à Sa Majesté, au seuil de chaque maison où elle s’arrêtait avec l’Enfant-Jésus, un verre d’eau-de-vie dont elle buvait quelques gouttes. Si l’on se rappelle que Sarayacu compte cent soixante- six maisons, et qu’on admette par maison une moyenne de vingt gouttes, on s’étonnera, comme je m’étonnai, qu’après avoir ingurgité chacune trois mille trois cent vingt gouttes d’eau-de-vie, la reine et ses filles d’honneur pussent se tenir encore sur leurs jambes. (Marcoy 1869, p. 67-68)

2 Dans ce dossier, c’est d’un autre genre de reines dont il est question. Celles-ci ne sont pas directement issues des festivités de la chrétienté coloniale, mais d’instances liées aux administrations territoriales des État-nations, dans le cas des concours officiels, ou à des organisations émanant de populations dites minoritaires pour les concours alternatifs. Dans les deux cas, les concours de Miss sont un spectacle parmi d’autres, emprunté à un large répertoire de performances – fanfares, parades, activités carnavalesques, etc. – souvent qualifié de « civil », pour le distinguer du répertoire cérémoniel ecclésiastique (messes, litanies, processions, etc.), bien que civil et religieux cohabitent ou fusionnent très régulièrement dans les célébrations populaires. L’expansion rapide des concours de beauté dans les régions les plus reculées de l’Amérique latine et la pluralité des façons dont les différents groupes sociaux, parmi lesquels des populations amérindiennes, se les approprient nous ont incité à nous pencher sur ces événements avec plus d’attention. Bien que tous les articles de ce dossier aient pour point de départ l’ethnographie d’un concours de Miss, chaque auteur a développé une problématique originale – historique, symbolique ou interactionniste. Cette introduction présente le dossier à partir d’une série de thèmes – ethnicité, représentation, patrimonialisation, beauté – qui traversent l’ensemble des textes. La diversité des références abordées vise à suggérer des pistes de réflexion et à provoquer des résonances au sein de cet objet de recherche peu exploré au carrefour du spectacle, de la politique, de l’esthétique et du genre. En effet, les articles composant ce dossier montrent que, dans les concours de Miss, la célébration de la beauté met en jeu une maîtrise de la représentation de l’identité collective et une production d’identités sexuées, tout en articulant certaines oppositions paradigmatiques des organisations sociales impliquées, tels que les pôles masculin et féminin, la tradition et la modernité, l’indigène et le Blanc.

La Miss indigène, avatar glamour du multiculturalisme

3 Dans le contexte latino-américain contemporain où les idéologies du métissage et les politiques assimilationnistes ont cédé la place – au moins officiellement – à une gestion de la diversité en termes de « droit à la différence », et par-là à la reconnaissance d’identités minoritaires avec lesquelles les relations sont reformulées selon le principe du multiculturalisme ou de l’interculturalité, les concours de beauté apparaissent comme un des lieux possibles de négociation des relations entre les différents groupes5. Remarquons tout de suite que cet aspect se concrétise le plus souvent sur les podiums à

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travers la figure stéréotypée de « l’Indienne » qu’incarnent pendant un court moment les candidates blanches ou métisses lors des concours officiels. De fait, si « l’Indienne » apparaît dans beaucoup de concours de Miss, la participation « en chair et os » de candidates s’auto-identifiant indigènes ou appartenant à un groupe autochtone particulier est, elle, plus rare dès qu’il s’agit de concours mettant en jeu la représentation officielle d’une ville, d’une région ou d’une nation. Dans ces concours officiels, c’est lors de l’épreuve dite du costume « traditionnel », « typique » ou « folklorique » que des candidates issues de la société nationale s’ornent de coiffes de plumes, de colliers de graines, de jupes de fibres tissées et d’étoles de fourrure plus ou moins inspirés de traditions ornementales amérindiennes (Dziubinska dans ce dossier pour les métis d’Amazonie péruvienne ; voir aussi Hendrickson 1991). Il n’échappe à personne que les vêtements portés pendant cette épreuve dite du « costume typique » sont « sexier than the “real” thing » (Gustafson 2006, p. 365). L’un des effets recherchés serait de figurer l’union entre un modèle de corps désirable – celui de la jeune candidate blanche ou métisse – et un érotisme associé à la prétendue lasciveté ou disponibilité sexuelle des « Indiennes » (Canessa 2008, p. 44-45). Cette incorporation d’éléments amérindiens stylisés dans les concours officiels sous contrôle de la société dominante nous apparaît aussi, à la suite de Rogers (1999), comme une des multiples façons de marginaliser l’identité politique des groupes dits minoritaires en leur refusant un accès réel à la représentation officielle de la communauté politique.

4 Les contributions de ce dossier montrent que l’exclusion des concours de beauté officiels et la folklorisation de leurs traditions ornementales et chorégraphiques ne laissent pas toujours indifférents les Amérindiens et les mouvements ethniques. En Équateur le principal instigateur du concours Ñusta Andina, qui se revendique premier concours ethnique à l’échelle du pays, déclarait ainsi en 2015 à la presse nationale : « Les femmes de notre culture ont une beauté physique, de l’intelligence, une posture… mais lors des élections de reines ils nous mettaient des obstacles déguisés en critères requis et ils ne nous prenaient pas en compte » (El Comercio, 19 mars 2015). L’organisation ou la participation à des concours de Miss alternatifs apparaît comme une possibilité de contourner l’exclusion de la représentation officielle et de disputer le monopole de la définition de la beauté féminine aux organisateurs des concours conventionnels. Dans les concours maya analysés par Gemma Celigueta dans ce dossier, les podiums servent un militantisme ethnique qui s’oppose à la persistance de stéréotypes racistes parmi les populations formant la société nationale. L’auteure décrit les différents moments de la conquête par les Maya de Quetzaltenango d’un concours de Miss autrefois appelé India Bonita, alors entre les mains de l’élite ladino du Guatemala. Elle montre que la maîtrise des concours de Miss Maya, une affaire qui pourrait apparaître de l’extérieur comme frivole, met en jeu des luttes historiques ayant contribué à la formation d’identités collectives et à la légitimation de ces identités par la réélaboration d’une tradition esthétique, en même temps que l’accès des Maya aux instances représentatives de la ville. Avec la mise en place de concours de Miss, c’est en effet souvent la maîtrise des deux sens – politique et symbolique – de la notion de représentation qui est en jeu, à tel point qu’à Quetzaltenango les concours ont servi d’initiation aux mécanismes de la politique électorale pour une partie des Maya de la région.

5 Dans un dossier où la différence est très souvent exprimée dans les seuls termes de l’ethnicité, la contribution de Pascale Absi sur les concours de Miss Trans dans la

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Bolivie plurinationale est la bienvenue. En effet, à l’instar des concours indigènes, l’auteure montre que les concours transsexuels sont des lieux de revendication d’une inclusion d’autres modèles de femme et de féminité dans les espaces publics du pays. Monter sur le podium est une étape centrale dans la trajectoire qui conduit de la clandestinité à une identité de femme transsexuelle publiquement assumée. Le concours de beauté apparaît comme un dispositif de valorisation dans l’espace public d’une identité subjective ou collective différenciée ; son but est d’atteindre une reconnaissance officielle de celle-ci.

6 Toutefois, comme le décrivent plusieurs auteurs de ce dossier, cette articulation entre des concours féminins et la revendication d’une identité singulière ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes liés à l’ambivalence entre la reproduction de processus de subordination – en particulier pour les femmes –, la production d’une identité collective, régionale ou ethnique, et la possibilité d’une politique de représentation alternative dans l’agenda public des relations interethniques.

La Miss, figure séduisante de médiation

7 L’intégration de ce spectacle dans les festivités des Amérindiens signifie généralement l’adoption d’un régime de relations entre collectifs où la production d’images du corps politique et la mise en scène de son unité présumée à travers et au-delà de ses diverses composantes sont des éléments clés de la solidarité collective et des luttes de prestige. Dans les villages amérindiens des basses terres, comme ceux des Kakataibo d’Amazonie péruvienne analysés par Magda Dziubinska dans ce dossier, la mise en place de concours de beauté – phénomène récent – témoigne d’une intégration de ces communautés dans un système régional plus ample où le mode de relation officiel entre villages de même stature administrative passe en grande partie par un répertoire de festivités civiles souvent associées à la célébration de la nation. Dans ce cadre-là, une fois par an, les concours de Miss ajoutent à la « représentation-mandat » de l’homme politique tirant sa légitimité des épreuves électorales, une « représentation- incarnation » du corps politique dans la figure féminine de la Miss6. À travers des concours de beauté exclusivement féminins, c’est un processus de division des fonctions honorifiques selon une valorisation hiérarchisée des modes de représentation qui se met en branle.

8 Celle qui porte le titre honorifique de Miss ou de reine a comme principale fonction d’incarner une effigie au service du prestige de son groupe social ou de son village, c’est-à-dire de représenter avec splendeur et sensualité le corps politique dans les espaces de sa vie publique et diplomatique. En cela, la pratique fréquente en Amérique latine consistant à désigner des marraines (madrinas, quelques fois appelées señoritas) lors des événements impliquant des organisations de la société civile (équipes de sport, syndicats, écoles, etc.), tout comme celle propre au Brésil consistant à choisir des muses (musas) et des reines de batterie (rainha de bateria) lors des carnavals relèvent de la même logique que celle des concours de Miss7. Les candidates des premiers concours de Miss Kayapó du Brésil central, analysés dans ce dossier par André Demarchi, reprennent d’ailleurs les codes de l’ornementation corporelle des jeunes filles qui occupent le rôle récemment créé de rainhas, sorte de dames d’honneur aux parures exubérantes qui accueillent dans les villages kayapó les autorités venant des villes voisines. En dotant de belles jeunes femmes célibataires d’une fonction honorifique de

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représentation du groupe, il s’agit de fournir à ce groupe une figure de médiation avec l’extérieur qui soit féminine, inclusive et particulièrement séduisante. Les jeunes Miss ou reines font office à la fois d’emblèmes du groupe et d’intermédiaires entre les organisateurs, les participants et les invités – c’est-à-dire généralement entre des hommes – dans les événements auxquels elles participent. Elles peuvent ainsi être placées en tête des cortèges et affublées d’une écharpe ornée des motifs héraldiques du groupe, accompagner les hommes politiques lors de la réception de visiteurs de marque ou encore figurer en premier plan dans l’iconographie officielle. Alors que dans sa relation avec l’extérieur l’homme politique a pour fonction d’entraîner les autres par ses discours, la Miss doit mettre en scène son propre corps afin de susciter admiration et sympathie. Dans son article sur les concours kakataibo en Amazonie péruvienne, Dziubinska va plus loin : les concours de beauté seraient une excellente occasion de présenter aux alliés, métis et indigènes, les futures candidates au mariage et d’attirer des hommes étrangers dans la communauté.

9 À cet égard, la priorité donnée aux ornementations corporelles des femmes dans les espaces publics représente pour beaucoup de sociétés amérindiennes, en particulier dans les basses terres, une rupture par rapport aux pratiques traditionnelles où ce n’est pas tant la beauté féminine qui s’expose publiquement que celle des hommes. Le foisonnement des parures et le chatoiement des couleurs peuvent alors être aussi bien un moyen d’impressionner de potentiels ennemis que d’indiquer son appartenance à une fonction ou un statut social8. On peut considérer l’apparition des concours de beauté parmi les populations amérindiennes comme l’indice de changements dans les manières de structurer les espaces publics avec l’instauration d’un champ de relations polarisé autour d’une dualité sexuelle, plutôt que d’un autre axe de différenciation (par exemple celui du couple affinité/consanguinité).

La Miss, figure de l’intégrité et de la continuité culturelle

10 Dans ces spectacles où l’enjeu principal pour les candidates est d’exhiber des qualités et des savoir-faire distinctifs considérés comme autant d’attributs d’une féminité idéale, la question des aptitudes déployées sur scène et celle des principes gouvernant la production des costumes, ornements et chorégraphies ne tardent pas à se poser. Ces questions apparaissent d’autant plus importantes que les différentes épreuves mettent en jeu des qualités et des valeurs souvent contradictoires. Typiquement, alors que pendant l’épreuve du « costume traditionnel » les candidates amérindiennes doivent faire la preuve d’une continuité avec des traditions chorégraphiques et ornementales locales, lors de l’épreuve du costume « de gala » ou « de soirée », c’est l’appropriation d’une esthétique urbaine, innovante et affriolante qui est valorisée. Dans la ville de Quetzaltenango, la question de l’adéquation des candidates et des reines à des canons esthétiques que les organisateurs imaginent comme ancestraux, notamment pour faire face au péril de l’acculturation, a nourri la plupart des conflits entre les groupes en charge du concours et se situe à l’origine des changements de règlement, d’épreuve et d’organisation. La classification par l’État guatémaltèque du concours de Quetzaltenango comme patrimoine culturel intangible de la Nation reflète certainement le poids accordé à la question de l’authenticité dans ce spectacle (Celigueta). On retrouve le même souci de présenter les performances des candidates

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comme une expression de la tradition chez les Kayapó du Brésil central. Dans cette société où l’ornementation corporelle constitue un patrimoine jalousement gardé, notamment parce que parures et peintures peuvent faire office d’emblèmes d’affiliation à des catégories sociales – dont la classe d’âge et le sexe –, le contrôle de la mise en scène du concours de Miss et des photos qui en sont prises sont de fait une priorité (Demarchi). Mais face à des membres du jury qui ignorent ce qu’il est acceptable de faire, selon les Kayapó, sur le tapis rouge du concours ou avec les photographies des candidates, ces derniers ont exigé auprès des organisateurs (une municipalité brésilienne voisine) un plus grand contrôle de l’événement, allant jusqu’à l’interdire. L’article de Dziubinska montre que les Kakataibo font preuve d’une plus grande souplesse dans l’épreuve du « costume typique ». La reprise des anciennes coutumes d’ornementation corporelle impliquerait de voir défiler les adolescentes à moitié nues. Cela provoquerait une stigmatisation en termes de « sauvagerie », stigmatisation dont ce groupe essaie de se défaire et qui serait peu compatible avec l’ambition générale de ces concours, où il s’agit moins d’affirmer la maîtrise d’une tradition ethnique distinctive que celle d’un glamour moderne et mondain. Les candidates puisent alors dans un imaginaire esthétique aujourd’hui partagé par les métis et les Kakataibo, fruit des rapports interethniques dans la région.

11 Bien que souvent organisés au nom d’une revitalisation culturelle ou d’une discrimination positive, les concours ethniques et genrés sont fréquemment en rupture avec les esthétiques propres aux groupes qui les organisent en copiant celles des groupes socialement dominants. Au Brésil, face aux polémiques engendrées par le concours de Miss Kayapó, la FUNAI (Fundação Nacional do Índio, agence étatique en charge des affaires indigènes) a produit un communiqué qui résume bien les critiques que suscite la tenue de concours de beauté indigène : « […]. De telles initiatives ne contribuent pas à la promotion de la diversité sociale brésilienne, mais renforcent plutôt des vues partiales sur les femmes, déconstruisent les savoirs autochtones et dévaluent la valeur symbolique des femmes dans les différentes sociétés autochtones » 9. Certains commentateurs des concours maya de Quetzaltenango ajoutent une dimension militante : en se focalisant sur des revendications d’ordre esthétique, les concours de reines de beauté détourneraient les populations des luttes plus fondamentalement politiques (Celigueta).

La Miss, figure de transformations

12 On peut penser que la représentation symbolique du corps politique produite par les concours de Miss vis-à-vis de l’extérieur participe à la transformation des attributs féminins au sein des sociétés amérindiennes. L’établissement d’un lien entre le destin d’un groupe dans sa totalité – hommes et femmes confondus – et une personne spécialement distinguée pour sa féminité est peut-être un des éléments les plus signifiants de cette transformation. Ce lien ne se constitue pas seulement à travers les défilés en costumes, mais pendant une épreuve où les candidates sont amenées à témoigner, par un bref discours, de leur engagement à défendre les intérêts du groupe et à faire la promotion d’une vie en communauté respectueuse des valeurs les plus consensuelles. Par-là, les concours apparaissent comme un premier pas dans la formation d’un leadership féminin10. « Tout a commencé quand j’ai été élue reine lors du concours de Miss indigène à Pucallpa », affirmait ainsi Diana Mori à Magda

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Dziubinska, pour expliquer son parcours de militante shipibo engagée dans plusieurs projets de défense des droits territoriaux des peuples indigènes au Pérou. Encore une fois, cet effet des concours n’est pas propre à ceux définis en termes ethniques : « le fait d’avoir gagné des concours de beauté m’a énormément aidé […] à ce que je me définisse comme femme transsexuelle et que je devienne une militante » confie une des premières Miss Bolivie Transexuelle à Pascale Absi dans ce dossier.

13 Au-delà de ces effets de subjectivation en vue d’un leadership se déployant dans les espaces intermédiaires entre le groupe et l’extérieur, la question de la promotion par les concours d’une esthétique hors du commun est également abordée par les auteurs de ce dossier. Chacun décrit à la fois les conceptions locales de la beauté et la manière dont les différents régimes du beau, souvent contradictoires, s’intriquent dans les concours de Miss indigène. En mettant en lumière les continuités dans les manières de percevoir le beau et d’embellir les corps féminins, Demarchi insiste sur les nombreuses analogies entre les concours de Miss et les rituels de nomination destinés aux jeunes filles. Il est vrai que les concours de Miss Kayapó ne ressemblent à aucun autre par l’ampleur du traitement corporel des impétrantes et qu’il existe déjà dans ce groupe un important appareil initiatique dédié à la polarisation homme-femme. Les deux cérémonies sont réservées aux filles pubères qui incarnent ce qui est considéré comme la perfection dans l’esthétique kayapó – le corps féminin jeune, ferme et sexuellement désirable. L’enjeu explicite de ces deux pratiques est de rendre encore plus beau le corps des filles, plus séduisant et surtout immanquablement féminin. À la différence de cette continuité que Demarchi a pu observer au Brésil central, Magda Dziubinska montre comment l’école et les concours de beauté organisés par les professeurs métis introduisent un nouveau canon de beauté parmi les adolescents kakataibo d’Amazonie péruvienne11. La minceur, qui en fait partie, est de plus en plus valorisée et recherchée par les jeunes femmes, alors que ce sont des corps féminins forts et robustes que préfèrent les Kakataibo plus âgés, la maigreur étant généralement associée à la maladie, au manque de force et à l’altération des rapports sociaux. Bien que les concours de Miss kayapó et kakataibo soient différents, tant du point de vue de l’organisation que de celui de la manière dont ils mobilisent et manipulent l’imagerie de l’indianité, les deux concours éclairent le lien entre la beauté et l’imitation de la gestuelle des mannequins professionnels. Les contributions de ce dossier insistent ainsi sur le travail et les techniques du corps visant à incarner une certaine beauté féminine – le « glamour » des Miss. En plus de l’ornementation corporelle, candidater à un concours implique en effet l’incorporation d’une série de dispositions, parfois laissées implicites, contrastant avec les habitudes ordinaires : démarche, postures, regards, expressions faciales, port de tête, mouvements des mains, autant de marqueurs de différenciation entre les sexes d’une part, et d’autre part entre les « femmes du commun » et les Miss. On retrouve d’ailleurs dans plusieurs photographies accompagnant ce dossier le fameux « bashful knee bend » identifié par Goffman (1976, p. 45) dans les annonces publicitaires américaines : une jambe avancée par rapport à l’autre et le genou légèrement plié, de sorte à produire une posture courbée dans laquelle le mouvement est arrêté afin de s'offrir aux regards. Mais il ne s’agit pas seulement de défiler en se déhanchant, l’enjeu est d’associer les mouvements sensuels à une certaine disposition affective combinant la joie et l’audace, transformant ainsi la performance en un exercice de séduction. Dans les deux cas amazoniens, cette mise en mouvement particulière du corps constitue un des critères de beauté décisif pour gagner la compétition.

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14 L’exemple le plus frappant de transformation corporelle présenté dans ce dossier est celui des femmes transsexuelles boliviennes décrit par Absi. Le principal enjeu de ces transformations est de produire un corps nouveau, exhibant une identité féminine, ce qui implique la prise d’hormones, des injections de silicone et souvent une réassignation génitale. Le concours de beauté offre ici un cadre idéal pour mettre en scène ces corps transformés et valider ainsi la transition. Une fois la ressemblance avec la femme « naturelle » établie, chaque candidate doit encore incorporer les codes esthétiques et comportementaux d’une femme glamour hypersexuée qui incarne le fantasme de ce que Deborah Elliston a désigné comme la « Global Femme »12. C’est ainsi que selon Absi le collectif LGBT bolivien reproduit dans ses concours de Miss la féminité dans ce qu’elle a de plus exacerbé et stéréotypé. Remarquons au passage que ce modèle de féminité mondaine et glamour n’est pas complètement absent des villages amérindiens mais, comme le montrent les articles de Dziubinska et Demarchi, il y parvient de manière indirecte, médiatisée par les autres populations locales, par exemple au sein de l’école ou, précisément, par le biais des concours de beauté. Dans la continuité de la pensée de Butler (1993), Absi suggère que la mise en scène de la femme « sur-produite » lors des concours de beauté transsexuels pourrait être perçue comme une stratégie adoptée par les femmes transsexuelles dont l’enjeu est de se faire accepter dans un premier temps en tant que femme, afin de subvertir ensuite cette catégorie en l’ouvrant à des expériences alternatives de la féminité.

15 Finalement, nous espérons que ce dossier thématique consacré aux concours de beauté témoigne, grâce à la diversité des cas étudiés et des perspectives adoptées, de la richesse et de l’intérêt de cet objet de recherche original, parfois déconcertant mais assurément flamboyant, où le politique s’entrelace avec l’esthétique dans un décorum gai et kitch. Si l’on en juge par l’enthousiasme manifesté tant par les intervenants à la journée d’étude que par le public nombreux venu les écouter, le pari d’aborder sérieusement les coulisses des concours de beauté a été gagné ; s’il y a des reines dans les sociétés sans roi, il y a mystère.

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NOTES

1. À l’exception du texte d’André Demarchi, ce dossier présente des travaux discutés lors d’une journée d’étude tenue au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative à l’université Paris Nanterre, le 11 décembre 2015, dans le cadre du projet ANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”. Mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd'hui » (ANR-12-CULT-005). Nous remercions particulièrement Valentina Vapnarsky, Anath Ariel de Vidas et Philippe Erikson pour leur soutien dans l’organisation de cet événement et de ce dossier thématique. 2. Edmondson (2003, p. 14), à propos du Venezuela. 3. Rahier 1998 ; Pequeño 2004 ; Moreno 2007 ; Ramírez 2007 ; Stanfield 2013, p. 220-230 ; Sierra Becerra 2017. Ces auteurs montrent que depuis la fin des années 1980 l’inclusion dans les concours de Miss nationaux de candidates dont la couleur de peau n’est pas blanche a posé un dilemme parmi les élites urbaines : celui de la construction d’une identité nationale unifiée et singulière qui tienne compte des différences. Cela n’est évidemment pas restreint à l’Amérique latine. À partir d’une ethnographie de plusieurs concours de Miss America aux États-Unis, Sarah Banet-Weiser voit dans les « classic liberal stories » – la réalisation individuelle, le pluralisme et la tolérance – répétées pendant les concours et dans les médias conventionnels, une tentative de résoudre le problème d’une représentation unifiée de l’identité nationale (1999, p. 208). 4. Remarquons que si cette hypothèse nord-américaine permet sans doute d’expliquer l’homogénéité actuelle des mises en scène des concours nationaux, elle ne nous paraît pas suffisante pour comprendre l’émergence des concours de reine de beauté tout au long du XXe siècle dans les villages des zones rurales peu connectées avec les médias nationaux et les structures politiques des grandes villes. La prise en compte des multiples festivités catholiques (patronales, paroissiales, decembrinas, etc.) et autres fêtes populaires où la dévotion mariale peut donner lieu à la désignation d’une « marraine » ou d’une « reine des fêtes » pourrait éclairer l’adoption rapide de ces concours dans les festivités des populations vivant à proximité des territoires amérindiens. Sur l’air de famille entre représentation de la Vierge et Miss, voir Celigueta dans ce dossier et López García (2015, p. 178, 207). 5. Rogers 1999 ; Borland 1996 ; McAllister 1996 ; Wroblewski 2014. 6. Nous devons les formules « représentation-mandat » et « représentation- incarnation » à la lecture des travaux de philosophie politique de Diehl, Sintomer et Hayat (2014). 7. Il est aussi possible de situer les concours de Miss dans la continuité de célébrations inscrivant les femmes dans un parcours de vie distinct de celui des hommes. Une des cérémonies familiales parmi les plus importantes dans les sociétés nationales latino- américaines, qui a fait l’objet d’une appropriation dans certains contextes autochtones, est la fête d’anniversaire des quinze ans (quinceañera, ou festa de debutante au Brésil), dont il n’existe pas d’équivalent masculin. À la charge des parents et de leurs alliés, ce

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rite de puberté célèbre sous la forme d’un « mariage sans fiancé » (Napolitano 1997) l’entrée dans la maturité sexuelle des jeunes filles qui ont atteint leurs quinze ans. 8. Nous renvoyons le lecteur à la littérature amazoniste qui a fourni de lumineuses analyses sur les modes d’apparence : Seeger (1975), Vidal (1981), Howard (1991), Turner (1995), Mentore (1993), Gallois (2002), Erikson (2003), Taylor (2003), Franchetto (2003), Alès (2010), Lagrou (2011) et Hugh-Jones (2014). 9. Communiqué officiel de la FUNAI : http://www.funai.gov.br/index.php/comunicacao/ notas/2791-nota-funai-miss-brasil-indigena, consulté le 01/03/17. 10. Le passage du concours de beauté aux compétitions électorales semble régulier chez les populations autochtones d’Amérique du Nord (Bousquet et Morissette 2014 ; Williams 2013 ; Cohen et al. 1996) et, dans une certaine mesure, dans les concours maya (Celigueta dans ce dossier ; McAllister 1996 ; Schackt 2005). 11. On retrouve là le rôle de l’institution scolaire en Amazonie dans la transmission des codes de célébration des États-nations, à travers l’enseignement des valeurs, hymnes et chorégraphies qui sont au cœur de ces cérémonies (voir Rival 1996 ; Collet 2006 ; Macedo 2009). 12. En résonance avec d’autres auteurs (notamment Asayag 1999, Alexeyeff 2000, Besnier 2002 et Balogun 2012), Elliston décrit ce modèle de féminité comme « a mass mediated Euro-American fashion-model feminity, beautiful in cover model ways – thin, ever- youthful, scantily clad, made up in cosmetics, glamorous, and white » (2014, p. 44).

AUTEURS

GRÉGORY DESHOULLIÈRE

EHESS/Laboratoire d’anthropologie sociale, 52, rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris [[email protected]]

MAGDA HELENA DZIUBINSKA

LESC/EREA, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre CEDEX [[email protected]]

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¿Unas elecciones de verdad? Autenticidad, representación y conflicto en los concursos de Reinas Indígenas de Guatemala True elections? Authenticity, Representation and Conflict at the Indigenous Queens Pageants in Guatemala De vraies élections? Authenticité, représentation et conflit dans les concours de reines indigènes au Guatemala

Gemma Celigueta

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2016, accepté pour publication en mars 2017.

Introducción

1 Hace ya algunas décadas que los concursos para elegir a Reinas Indígenas – o Representativas Mayas o Indígenas como prefieren llamarse ahora – se han convertido en parte esencial de los programas de las fiestas patronales y/o de las fiestas patrias de casi todos los pueblos de Guatemala. Proliferan, además de estos concursos locales, concursos temáticos1, por áreas lingüísticas2, departamentos3 o de ámbito nacional4 e incluso internacional, como la elección de la Princesa Ixchel que, desde el año 2011, tiene lugar en Florida (EEUU) entre las hijas de algunos migrantes indígenas guatemaltecos (Molina 2012, p. 121-122). Si a ello añadimos los concursos de niñas indígenas5 que se están expandiendo desde los años 2000, o bien los que también se organizan en las aldeas de algunos municipios, podemos considerar que, a pesar de su apariencia frívola y superficial, estos eventos han adquirido un significativo valor social en Guatemala.

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2 Ciertamente su abrumadora presencia no es del gusto de todo el mundo. Como señalan la mayoría de los autores, los concursos han sido y son criticados por algunos actores de Guatemala por no ser expresiones culturales auténticas de los pueblos indígenas (Molina 2012, p. 97, 99; Celigueta 2014, p. 74; Schackt 2005, p. 273, 284), por mostrar una visión tergiversada, turística y comercializada de la cultura maya (Schackt 2005, p. 273) o bien por faltarle el respeto a los pueblos indígenas en general y a la mujer maya en particular al exhibirla como a un objeto (López García 2015, p. 188; Molina 2012, p. 99). En la calle, en algunos artículos de la prensa o en las mismas redes sociales podemos apreciar críticas similares. Una joven k’iche’, por ejemplo, escribía en su perfil de Facebook, en 2015: « Sigo creyendo que todo esto de las Reinas es para distraer al pueblo de hacer algo verdadero. » Yo misma tuve serias dudas antes de prestarle atención académica a estos concursos y sólo lo hice cuando la historia del Xel-ju, la organización política indígena que estaba estudiando en la ciudad de Quetzaltenango, en el altiplano occidental de Guatemala, me llevó directamente hasta el concurso de Reina Indígena de Xelajú6. En el pasado, los clubes que postulaban candidatas a Reina se habían comportado como partidos políticos, haciendo campaña electoral por aspirantes que hasta 1969 eran elegidas mediante el voto popular en las urnas. Dichos clubes han sido considerados no sólo como precedentes del Xel-ju, sino también de las futuras organizaciones del movimiento indígena (Celigueta 2012, 2014).

3 En realidad, estos eventos son tomados bastante en serio por parte de la población. Prueba de ello es la emoción que despierta entre el público la aparición de las jóvenes en los escenarios, el apoyo de los grupos postulantes a su candidata con pancartas, silbatos, serpentinas y cánticos, el seguimiento de los medios de información, el lleno total de los espacios en donde se eligen a las futuras Reinas o bien las fotografías y recuerdos del reinado que inundan las casas de las antiguas Reinas. En la misma Quetzaltenango, una ciudad en la cual la memoria de su importante historia indígena – por no hablar de las mujeres – es poco visible, existe un parque de juegos infantiles con el nombre de la Reina de 1970, así como también un busto de la primera Reina Indígena Rosa de Paz Chajchalaj (1934-1935) junto a una placa conmemorativa con el nombre de todas las Reinas de la ciudad. Por si fuera poco, la comisión organizadora del concurso en 1984 y la Umial Tinimit Re Xelajuj Noj (Hija del pueblo de Quetzaltenango) de 2003-2004 han editado respectivamente dos publicaciones con los nombres, fotografías, biografía y actividades realizadas durante cada reinado (Tzunum 1985; López Quemé 2004). Podemos valorar negativamente el hecho de que estos concursos hayan sido uno de los pocos espacios de visibilidad de las mujeres indígenas, pero ciertamente no podemos ignorarlos.

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Fig. 1 – Homenaje a las Reinas Indígenas situado en la entrada del teatro municipal de Quetzaltenango. Fotografía de la autora, Agosto del 2006.

4 Es por estas razones que estos eventos han llamado la atención de varios autores nacionales y extranjeros que han clasificado y catalogado la diversidad de concursos existentes en el país (Molina 2012), han recogido la historia de algunos de ellos como el de Quetzaltenango (Tzunum 1985; López Quemé 2004; Celigueta 2012, 2014) o han analizado el importante papel político de las Reinas Indígenas del siglo XXI (López García 2015). Pero probablemente, el tema que más se ha problematizado en relación con las Reinas Indígenas de Guatemala ha sido el de la « autenticidad » (McAllister 1996; Konefal 2009; Schackt 2005). Como afirma Handler (1986), la autenticidad es una construcción cultural ligada a una noción de cultura como entidad única e individualizable. La existencia de una colectividad nacional depende, en cierta manera, de la posesión de esa cultura única y original. Por ello, al igual que en otros países de América Latina, las autoridades guatemaltecas buscaron distinguirse del resto de naciones a partir de su herencia indígena. Por ello, también, el movimiento indígena primero y maya después cuestionaron estas representaciones nacionales proponiendo modelos alternativos de lo indígena que han ido cambiando según contextos e intereses. La « indianidad », « indigeneidad » o « mayanidad » son performativas (Canessa 2012). Son encarnadas y representadas por individuos que dialogan de esta manera con representaciones defendidas por el Estado o por el movimiento indígena. El desafío es que, al mantener este diálogo en términos de autenticidad – es decir en términos unívocos y esenciales –, dichas representaciones suelen entrar en conflicto.

5 En este artículo quiero aportar ejemplos históricos y etnográficos de esta variedad de significados de lo indígena. He escogido mostrar esta diversidad a través de los conflictos y debates que provocan los concursos de Guatemala y que a menudo están relacionados con la autenticidad de los mismos. La mayoría de observaciones y entrevistas se realizaron en 1998, 1999 y 2006, durante mi trabajo de campo en

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Quetzaltenango para la tesis doctoral, aunque he realizado estadías más cortas en el 2009, 2010 y 2016 relacionadas con otras investigaciones. Como la elección de Umial Tinimit se realiza a finales de agosto, precediendo a las actividades de la Feria de la Independencia y coincidiendo también con mis vacaciones académicas, en mis viajes a Guatemala suelo coincidir con actividades asociadas con estos eventos. He asistido a la velada de elección de la Umial Tinimit de 1999 en el teatro municipal, a diversas presentaciones de las candidatas en el parque central de la ciudad, a varios talleres impartidos a las concursantes por las organizaciones mayas y he seguido también la elección de U mial Tinimit en la televisión local. Además, he asistido a los concursos de otros pueblos como por ejemplo Cantel, en el mismo departamento de Quetzaltenango. Quetzaltenango o Xelajuj Noj en k’iche’ está situada en la región más densamente poblada y con más población indígena del país, el altiplano occidental guatemalteco, y destaca por ser el centro administrativo y comercial del mismo. Según el último censo de población (2002), cuenta con 127.000 habitantes, de los cuales 63.714 se clasifican como indígenas y 63.855 como no indígenas. La mayoría de estos indígenas pertenecen al grupo maya-k’iche’, viven en el centro urbano y han sido considerados como una clase media o una pequeña burguesía indígena (Velásquez 2002).

6 Los concursos de Quetzaltenango proporcionan pues mi principal material de reflexión, aunque en este artículo busco generalizar el análisis dialogando con otros autores (McAlllister 1996; Molina 2012; Schackt 2005; López García 2015; Konefal 2009) que también han prestado atención a este tipo de eventos en Guatemala, especialmente el de Rab’in Ajaw en Cobán. Además de contar con abundante material sobre el mismo, el concurso de Quetzaltenango cuenta con la ventaja de ser uno de los más antiguos y conocidos del país. Tanto es así que el 18 de octubre del 2011 se declaró como patrimonio cultural intangible de la Nación. Sólo el Festival Folklórico Nacional de Cobán, cuya actividad principal es la elección de Rab’in Ajaw, ha recibido esa distinción. Al reflexionar a partir de este concurso, cuento asimismo con la ventaja de cierta perspectiva histórica que me permite observar las transformaciones de este tipo de eventos, aunque es importante aclarar que cada localidad tiene su propio ritmo y contexto.

De Indias Bonitas a Reinas y Princesas Indígenas. Belleza, Etnicidad y Nación

7 Los primeros concursos de belleza indígena de los que se tiene noticia en Guatemala datan de la década de 1930. Se trata de los concursos de India Bonita Cobanera en 1931 (McAllister 1996, p. 112), de India Bonita de Quetzaltenango hacia finales de los años 1920 (Tzunum 1985, p. 3) y de India Bonita del departamento de Sacatepéquez en 1933 (Molina 2012, p. 92). Al parecer, los concursos de belleza indígena llegaron a Guatemala desde el México revolucionario. En 1921, el gobierno mexicano y dos de los periódicos más leídos del momento organizaron en la capital un concurso de india bonita para elegir a la indígena más bella del país (Ruiz 2001; Molina 2012, p. 92; Konefal 2009, p. 58). Es probable que el concurso se haya difundido rápidamente a otros lugares, alentado por unas autoridades que vieron en él un espacio adecuado para promover el nacionalismo y la hasta entonces fallida integración del indio en la Nación.

8 En Guatemala, la década de 1930 coincide con la llegada al poder de Jorge Ubico (1931-1944), el último dictador liberal del país antes de la revolución democrática

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de 1944, conocido por promover una política populista, clientelar y paternalista con los grupos indígenas del país (Grandin 2007; Taracena et al. 2002). Entre otras medidas, Ubico promocionó espectáculos y exposiciones folklóricas como por ejemplo los llamados « pueblos indígenas », en los cuales se mostraban a personas de carne y hueso realizando actividades « típicas » como tejer, hacer canastos o tocar la marimba bajo rótulos con los nombres de sus comunidades de origen. Es también en ese entonces que se incrementó el interés por la civilización maya, erigiendo el pasado prehispánico y algunas de sus figuras, como el héroe resistente a la conquista española Tecún Umán, en símbolos específicos de la nación guatemalteca (Taracena 2002 et al., p. 107-126). Así, mientras por un lado se construía una idea de nación mediante imágenes del pasado prehispánico, por el otro se hacía necesario replantear el lugar y la relación con los indígenas del presente (López García, Celigueta y Mariano 2015, p. 162-165). En este sentido, los concursos de india bonita, en tanto que actos folklóricos, tendieron un puente entre pasado y presente indígena. Escenificaron una solución, ampliamente difundida por la prensa, que intentaba resolver el difícil equilibrio entre el deseo de ser una nación atractiva y moderna y la necesidad de mantener una tradición propia en base al pasado indígena (Ruiz 2001).

9 Según Cohen et al. (1995, p. 3-5), aunque los concursos de belleza pueden remontarse a la Antigüedad y especialmente a la Edad Media, en la cual se elegían a las reinas de mayo en el marco de las ferias medievales, su expansión está ligada al surgimiento de las naciones modernas. Según estos autores, en los años 1920 y 1930 se difundieron especialmente desde los EEUU hacia los países del sur impulsados por la descolonización y el nacionalismo asociado con este proceso. Hollywood y la prensa ayudaron en su difusión, homogeneizando su estructura. Los concursos de india bonita parecen responder por lo tanto a una doble influencia que es necesario diferenciar. Por un lado, las reinas de las fiestas patronales y las ferias, fuertemente asociadas con una localidad concreta y por el otro, las mises regionales, nacionales e internacionales, cuyo objetivo consiste en promover la unidad de la nación frente a la diversidad local existente (Kite 2014, p. 20). A esta doble influencia cabe añadir una tercera, propiamente indígena, que se iría desarrollando a lo largo del siglo XX. Aunque estos concursos fueron introducidos y promovidos por autoridades e instituciones ladinas7, pronto se convirtieron en una plataforma privilegiada de debate – con símbolos y discursos – sobre la cuestión indígena en la Nación. Por ello, autoridades, líderes y organizaciones indígenas lucharían por su representación en estos escenarios. Un ejemplo temprano lo encontramos en Quetzaltenango.

10 Durante la Feria Centroamericana de la Independencia, celebrada en la ciudad desde 1884, se acostumbraba a elegir a una belleza local entre las hijas de las familias de la élite ladina. En algún momento, suponemos que en la década de 1920, los organizadores comenzaron a escoger a una « india bonita » entre las hijas de las familias k’iche’ más prestigiosas de la ciudad (Tzunum 1985, p. 3). Sin embargo, la India Bonita no era elegida por indígenas8, no ostentaba su cargo más allá del período de la Feria y, sobre todo, no respondía a la representación que ciertos k’iche’de Quetzaltenango tenían de lo indígena. En 1934, la Sociedad El Adelanto9 organizó un concurso para elegir a una « representante de su raza » (Tzunum 1985, p. 3). Decidieron que el concurso se llamaría Reina Indígena de Xelajú porque el de India Bonita les parecía poco respetuoso y, lo que es más importante, decidieron que el concurso lo organizarían las autoridades indígenas de Quetzaltenango. También establecieron que las candidatas debían ser originarias y residentes en Quetzaltenango, hijas de padres

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indígenas y contar entre 18 y 25 años de edad. Además instauraron la elección mediante voto popular en las urnas electorales que montaron en uno de los barrios indígenas de la ciudad (Tzunum 1985; Celigueta 2014).

11 De esta manera, aunque el concurso respondía a los intereses de un gobierno que promovía la participación de los indios en las fiestas patrias mediante un acto folklórico, la elección y coronación de una Reina permitió, primero, que la élite k’iche’ de Quetzaltenango promoviera una representación de lo indígena más acorde a su gusto e interés y segundo, que continuara presentándose – en lugar de los especialistas e ideólogos de la Nación – como la encargada legítima de los asuntos indígenas (Celigueta 2014, p. 65-68). En las antiguas fotografías que nos han llegado de las Reinas de Quetzaltenango (Tzunum 1985; López Quemé 2004) se puede apreciar cómo los miembros de estas élites imaginaron esta representación.

Fig. 2 – Martha Elisa Cotí López, Reina Indígena de Xelajú 1959-1960. Fotografía cedida por Martha Elisa Cotí.

12 Las Reinas se muestran solemnes, soberanas y orgullosas, vestidas con sus mejores huipiles, adornadas con numerosas joyas y acompañadas de un cetro, una corona y un manto real fabricado con tejidos indígenas. A veces, también se fotografían en el desfile de carrozas de la Feria, sentadas en tronos majestuosos de reminiscencias mayas y rodeadas por una corte de honor; de hecho, las Reinas se parecen más a una bella imagen de la Virgen María que a una guapa Miss Mundo. Podríamos considerar incluso que muestran una belleza « espiritual », a diferencia de los cuerpos medidos y juzgados de los concursos de belleza a los que estamos acostumbrados actualmente. Esta asociación entre Vírgenes y Reinas es recalcada por un socio de El Adelanto que me explicaba, en 1998, los inicios del concurso: « Las Reinas tenían una corte de honor. Los caballeros de la corte tenían la responsabilidad de llevar en andas a la Reina Indígena como si fuera una Virgen hasta la exposición del Pueblo Indígena ». López García (2015,

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p. 178, 207) también ha destacado este « aire de familia » entre Reinas y Vírgenes, fijándose especialmente en el gusto de ambas por los vestidos ceremoniales y las coronas. Además de estas diferencias con los concursos ladinos, me parece importante subrayar que en ese entonces las Reinas de Quetzaltenango no representaban estampas « típicas » como tejer o hacer tortillas, tal y como se hacía en el caso de los pueblos indígenas de Ubico. Tampoco eran indias bonitas elegidas por un jurado ladino paternalista, racista y condescendiente, tal como refleja la prensa de la época10. Incluso en 1951, en medio de las múltiples reformas de la llamada década revolucionaria de Guatemala11, la sociedad k’iche’ de Quetzaltenango se opuso tajantemente a la propuesta de cambio de nombre del concurso, que durante un año se llamó Flor de Xelajú, para evitar, según las autoridades locales, la discriminación racial implícita en el término « indígena ». Además de reivindicar una identidad diferenciada frente a los discursos igualitarios de la época, es probable también que a la élite k’iche’ no le agradara convertir a sus solemnes Reinas en sencillas Flores. Las Reinas de Quetzaltenango fueron probablemente las primeras que intentaron escenificar otra manera « autorizada » de ser indígena dentro del proyecto nacional guatemalteco. Pronto las seguirían otras localidades que convertirían progresivamente a las Indias Bonitas de Guatemala en Princesas y Reinas.

Fig. 3 – Carroza de Maria Concepción Toc Rojas. Reina Indígena de 1962 a 1963. Fotografía cedida por Martha Elisa Cotí.

De Reinas y Princesas a Hijas del Pueblo. Cuestionando la autenticidad de la representación

13 A lo largo de las décadas siguientes, los concursos indígenas se propagaron y consolidaron por todo el territorio, alentados por autoridades, instituciones y

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organizaciones tanto locales como nacionales, especialmente el Instituto Guatemalteco de Turismo y el Instituto Indigenista Nacional. Además de la prensa escrita, otros medios de comunicación como la radio se sumaron a la transmisión de estos eventos, llegando incluso hasta la población analfabeta. En este sentido, los discursos de las candidatas se fueron convirtiendo en un elemento central de los concursos (Konefal 2009, p. 50). Esta centralidad del discurso puede apreciarse también en las frecuentes fotografías de las décadas de 1960 y 1970, que retratan a las Reinas Indígenas delante de un micrófono (Tzunum 1985). De hecho, las voces de las Reinas acompañaron críticas y demandas de un movimiento indígena que volvía a replantear en otros términos la todavía no resuelta relación de los indígenas con la Nación.

14 A diferencia de las Indias Bonitas, las Reinas se implicaron progresivamente en actividades realizadas más allá de las ferias y fiestas patronales en las que eran elegidas. Durante el año de su reinado organizaban campañas de beneficencia, montaban veladas artísticas e inauguraban obras de infraestructura y monumentos. Además las Reinas y sus acompañantes viajaban por todo el territorio nacional y a veces incluso a otros países, convirtiéndose en « embajadoras » indígenas de sus localidades. Es decir que durante el año de su reinado se las invitaba a asistir a otros eventos culturales – sobre todo a otros concursos de Reina Indígena – como invitadas distinguidas o bien como jurados. A partir de 1971, también viajarían a Cobán para participar en el Concurso de Reina de la Belleza Indígena Nacional, que al año siguiente cambiaría su nombre por el de Rabin Ajau (Hija del Rey), como se lo conoce actualmente (Molina 2012, p. 107). Estos encuentros entre Reinas y acompañantes a lo largo de todo el país les permitieron compartir ideas, experiencias e inquietudes, favoreciendo una identificación más allá de sus comunidades locales que sería muy importante a la hora de articular el movimiento indígena a nivel nacional. Schackt (2005, p. 270) afirma incluso que, en Guatemala, fueron las candidatas de estos concursos las primeras en identificarse como mayas.

15 Así, en los años 1970, los concursos de Reina Indígena de Guatemala ya se habían convertido en un lugar de encuentro y consolidación de relaciones sociales, en una fuente de legitimidad para la ganadora y su grupo postulante que sería utilizada por el movimiento indígena, en una manifestación autorizada de algunos aspectos de las culturas autóctonas como danzas, trajes e idiomas y en un lugar de aprendizaje para las mujeres que se presentan. Con la articulación y el desarrollo del movimiento indígena, los concursos también se convierten en blanco de críticas y debates sobre la autenticidad de la representación indígena.

16 Por un lado, se criticaron las representaciones folklóricas promovidas por el Estado y grupos afines en las cuales se valora a un indio de « estampa » sin tener en cuenta la opresión y la exclusión del indio del presente. En este sentido, Konefal (2009) narra la protesta, en 1978, de veintidós Reinas Indígenas contra el concurso de Cobán. En concreto, estas Reinas criticaron en la prensa la contradicción que suponía que estos concursos propusieran homenajear al indígena mientras los indios « genuinos » de Guatemala eran masacrados por el ejército, como había ocurrido recientemente en Panzós12. Lo interesante es que, con esta crítica, las Reinas confrontaban la representación que en Cobán se quería dar de lo indígena, « subvirtiendo » – según palabras de Konefal (2009, p. 44) – la noción de autenticidad. Si para los gobiernos militares de Guatemala los campesinos indígenas que protestaban por sus tierras no eran auténticos porque se habían politizado (supuestamente manipulados por grupos

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de izquierda), algunas Reinas Indígenas que sí habían sido autorizadas como tales ahora homenajeaban y legitimaban a estos indios, a su parecer ejemplares13.

17 Otro ejemplo de cuestionamiento de la autenticidad de la representación lo proporciona la revista Ixim , considerada como una de las revista pioneras del movimiento indígena. En agosto de 1978, el dirigente del Xel-ju Jorge Luís García de León publicó un artículo en esta revista titulado: « El despojo de nuestra identidad en el extranjero por falsos grupos indígenas folkloristas », en el que acusaba a un grupo de danza de Quetzaltenango de representar el folklore indígena sin que ninguno de ellos lo fuera: Nos indigna que falsos grupos se autodenominen indígenas y se den a la tarea de hablar en nuestro nombre, y lo que es más, se dicen representantes de nuestro folclor. Ya hace algunos años que algunos indios de pura cepa, venimos observando a estos depredadores de nuestra identidad… lo que es peor es que, según sabemos, la Municipalidad de Quetzaltenango, a través de la comisión de reina indígena de Xelajú, ha programado en la segunda parte de la velada, la actuación del ballet folklórico…, esto es lo más absurdo que pueda pensarse, el que en una velada de coronación de una reina indígena, actúe un grupo de farsantes de nuestra cultura… (García de León 1978, p. 6)

18 La desautorización de los ladinos y sus representaciones de lo indígena se convertirán, hasta el día de hoy, en una de las críticas más recurrentes de los activistas indígenas. Y los concursos serán, de hecho, uno de sus blancos preferidos. Primero, los concursos de señoritas no indígenas que demuestran su « guatemalidad », ya sea con sensuales trajes de fantasía de reminiscencias mayas14 o bien con trajes indígenas contemporáneos. Por ejemplo, en el evento de Miss Universo del año 2011, usó el traje ceremonial masculino de las cofradías de Chichicastenango, diseñado especialmente para la ocasión; es decir, una sensual y ajustada versión que diferentes organizaciones mayas criticaron por la falta de respeto que suponía para los pueblos indígenas.

19 Y en segundo lugar, los propios concursos indígenas que ponen en escena diferentes versiones de lo que es o no auténticamente indígena. Schackt (2005, p. 282-283) proporciona otro ejemplo contemporáneo de conflicto por la representación, cuyo contenido se parece muchísimo al de la revista Ixim: la « Rebelión de las Rabinas » en el 2001, durante el concurso de Rabin Ajau en Cobán. El descontento con la organización del concurso por las malas condiciones de la comida y el alojamiento de las candidatas se materializó en el discurso de la Rabin Ajau saliente, Mercedes Adelina García Marroquín, calentando los ánimos del público. Poco después, un error desafortunado del maestro de ceremonias al anunciar como ganadora a otra muchacha que la elegida por el jurado provocó que ninguna de ellas aceptara el cargo. El descontento del público causó la anulación del concurso y Mercedes acabó depositando la corona en la estación de policía. Ante los hechos, el comité organizador dimitió en masa y el nuevo comité realizó una consulta con las Reinas de Guatemala para repensar el concurso. El resultado fue una mayor mayanización tanto en el nombre del mismo, que pasó a escribirse según las normas de la Academia de Lenguas Mayas de Guatemala (Rab’in Ajaw), como asimismo en la proporción indígena de miembros del jurado y de espectáculos asociados con el concurso.

20 La Rebelión de las Rabinas fue la materialización de una serie de críticas contra el concurso de Rab’in Ajaw que circulaban desde hacía tiempo en el entorno de las Reinas. Ya en 1978, por ejemplo, la revista Ixim (agosto 1978) había publicado el discurso de la Reina de Quetzaltenango Elba Marina Soch Citalán, en el que criticaba el concurso de

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Rabin Ajau por utilizar el traje indígena con fines turísticos y folklóricos. En 1994, la representativa de Quetzaltenango, Clara Mariela Limatuj Ixcot, apoyada por la organización que la había postulado, decidió no participar en la elección de Rabin Ajau. En un campo pagado a la prensa comunicó al « pueblo maya » sus razones, basadas en el hecho de que se manipulaba, exhibía y se faltaba el respeto a la mujer maya y se exhibían como típicos y exóticos trajes, bailes y tradiciones para satisfacer intereses económicos y políticos de algunos, incluidos « hermanos mayas que no habían comprendido las auténticas aspiraciones del pueblo ».

21 El movimiento indígena trajo consigo una resignificación de la pertenencia grupal. Se revisó la historia de las instituciones indígenas, buscando dotarlas de un nuevo sentido cultural acorde con esta movilización. En este contexto, los concursos de Reina Indígena fueron cuestionados y sufrieron una nueva transformación. Uno de los primeros fue el de Quetzaltenango. En 1979 se creó una comisión encabezada por el entonces concejal del Xel-ju, Rigoberto Quemé, para reformar el concurso. Para ello se entrevistaron a personas « con conocimiento del Pop Wuj », como el intelectual indígena Adrián Inés Chávez15, y a « personas mayores de 80 años para establecer la indumentaria de la mujer indígena quetzalteca » (Quemé Sacor 2004, p. 4). El resultado fueron cambios tanto en la forma como en el significado del mismo. Así, se cambió el nombre del evento, que pasó a llamarse Umial Tinimit Re Xelajuj Noj (Hija del pueblo de Xelajuj). También se eliminaron el manto real, la corona y el cetro, que fueron sustituidos por un traje ceremonial consistente en un Nim Pot o huipil largo bordado utilizado por las cofradías quetzaltecas, el Ixcap o cinta de 8 metros de largo enrollada alrededor de la cabeza, el Chachal o medallón y el Pop Wuj. Otros concursos seguirían sus pasos como la Reina Indígena de San Cristobal Verapaz, que en 1986 pasó a llamarse Rixq’un Kaj Koj (Hija de Kaj Koj) o el de Princesa Maya Cobanera, que en 1994 pasó a llamarse Rab’in Kob’an (Hija de Cobán) (Molina 2012).

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Fig. 4 – Vitrina del Museo de la Casa de la Cultura de Quetzaltenango dedicada a los trajes típicos de Guatemala en la cual podemos observar el Nim Pot, el Ixcap y el Chachal utilizados en el concurso de Umial Tinimit Re Xelajuj Noj. Fotografía de la autora, Agosto del 2006.

22 Recordando aquellos tiempos, Rigoberto Quemé (concejal del Xel-ju por aquel entonces y alcalde de Quetzaltenango de 1996 al 2003) afirma que lo que más molestaba a los activistas del movimiento indígena era que el concurso se consideraba como una muestra de su cultura, distrayendo de la tarea de « desarrollar la verdadera cultura indígena ». El problema radicaba en saber justamente en qué consistía esta cultura « verdadera », ya que, como veremos, no todo el mundo parecía estar de acuerdo. Las publicaciones de Rigoberto Quemé dejan entrever qué podía ser auténtico para estos activistas: El evento de Reina Indígena empezó a ser cuestionado desde diferentes perspectivas. ¿Existieron reinas en la cultura Indígena? ¿Somos indígenas o somos mayas? ¿Los elementos simbólicos utilizados en el evento eran propios de la cultura autóctona? ¿Era la municipalidad y sus autoridades quienes debían organizarlo y dirigirlo? ¿Cómo darle más participación al pueblo maya en el evento? (Quemé Chay 2004, p. 2)

23 La mayanización de las instituciones existentes fue una de las estrategias escogidas para promover el desarrollo de esta cultura « verdadera ». Una mayanización con la que tratarían tanto de resignificar esta pertenencia como también de posicionarse como sus dirigentes legítimos, descalificando a otras posibles representaciones y representantes (Celigueta 2014).

Las Hijas del Pueblo como Representativas Mayas. La representación sentida

24 Numerosos autores coinciden en afirmar que, a diferencia de los concursos de belleza oficiales, los concursos indígenas tienen como objetivo celebrar la autenticidad cultural y/o racial (McAllister 1996; Schackt 2005; López García 2015; Konefal 2009). Ante el

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valor de la apariencia de los primeros, los segundos juzgarían la capacidad para representar una identidad específica según unos cánones que permiten calificar qué muchacha se acerca más y mejor a esta representación ideal. Estos cánones, así como la forma de valorarlos, han ido cambiando con el tiempo por más que mantengan el foco en la autenticidad. Si en 1934 las candidatas de Quetzaltenango debían ser hijas de padre y madre indígenas, en 1999 las bases del concurso de Umial añadían que debían además estar identificadas con la cultura maya-k’iche’. Informaban que el jurado estaría integrado « por personas idóneas con conocimiento sobre la coyuntura que está pasando el pueblo maya » y que, entre otros aspectos, valorarían « la conciencia cultural y la identidad » de la candidata. Ese mismo año, en cambio, las bases del concurso de Señorita Quetzaltenango, en el que compiten las muchachas ladinas de la ciudad, puntualizaban que las candidatas debían medir como mínimo 1,60 metros. ¿En qué consiste entonces esta conciencia cultural y esta identidad? Y, sobre todo, ¿cómo pueden ser representadas en el siglo XXI?

25 Las ceremonias de elección de U mial Tinimit comienzan con la entrada al Teatro Municipal de cada una de las candidatas bailando el son, mientras el maestro de ceremonias presenta a la joven, sus padres, abuelos, estudios así como también al grupo que la ha postulado. A continuación cada una de ellas pronuncia un discurso que suele versar sobre temas de « identidad maya ». En 1999, por ejemplo, se habló de la importancia de la mujer indígena y de los jóvenes en la conservación de esa identidad, pero también de los Acuerdos de Paz y de los derechos indígenas. Otra parte importante de la elección es la presentación de la « estampa cultural » cuyo tema es, según las bases del concurso, « libre siempre y cuando incluya aspectos de la cosmovisión de nuestra cultura maya ». En 1999, las candidatas escenificaron ceremonias mayas y bailaron en medio de mazorcas de maíz y tejidos mayas, mientras se oían voces de fondo recitando trozos del Popol Vuh o explicando lo que significaban los días del calendario maya.

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Fig. 5 – Presentación de candidata a Umial en el parque central de Quetzaltenango. Fotografía de la autora, Agosto del 2016.

26 El desenvolvimiento en el escenario de la candidata, y su forma de ser, hablar y bailar según la elaborada etiqueta k’iche’, también son criterios importantes a la hora de elegir a la Umial. Saludar a las autoridades y al público en el orden requerido, llevar correctamente el traje, « bailar bien el son » según el criterio quetzalteco – es decir en una posición semi-inclinada con las manos cruzadas en el vientre y siguiendo un vaivén armónico – son cualidades que no sólo aprecia el jurado sino el público en general. Si como afirma Blacking (1983, p. 95) la danza es un sistema de signos que expresa sentimientos culturalmente codificados, el « respeto, el orden, el equilibrio y la armonía », los cuatro valores fundamentales de los mayas según el discurso de una de las candidatas, son encarnados en esta forma de moverse y bailar.

27 Y sin embargo, estas cualidades no son todavía suficientes para el jurado calificador. En el cambio de siglo, tanto las ganadoras que entrevisté como el concejal de la municipalidad encargado de la organización del concurso parecían tener claro que las candidatas no solo debían representar « bien » su cultura, sino que además debían sentirla. Según la Umial Tinimit de 1999-2000, se valora « lo que la persona tenga en mente, que verdaderamente crea en su cultura, no que solamente se aprenda un papel para repetir lo que muchas veces se dice pero sin sentirlo ». El temor es « que sea una representativa que aparente algo que no sea ». El jurado del concurso de Umial en 1999 valoró esta identificación « verdadera » preguntando a la gente de Quetzaltenango, días antes del concurso, si las candidatas usaban cotidianamente el traje indígena.

28 Las Reinas del siglo XXI, por un lado, deben encarnar la comunidad que dicen representar pero, por otro lado deben tener cierta capacidad para la acción cultural y política (López García 2015, p. 189). Y esta capacidad se valora tanto con los estudios como con la « conciencia » de las candidatas. Si en la década de 1970 los propios activistas del movimiento afirmaban haber utilizado a las Reinas como la única voz

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autorizada con la cual plantear sus demandas (Konefal 2009, p. 54), a partir de la década de 1990 las mujeres indígenas reivindican su protagonismo en el activismo maya.

29 En este contexto, las Hijas del Pueblo (que nunca se refieren a ellas mismas con este nombre) rechazan el nombre genérico de Reinas Indígenas y en sus comunicados y discursos y en la prensa reclaman que se las identifique como Representativas Indígenas (o Representativas Mayas cuando no incluyen a mujeres garífunas o xinkas de Guatemala). En una búsqueda por distinguirse de los concursos de belleza usuales, enfatizan el papel representativo (local, regional o nacional) por encima de la valoración de la belleza que según ellas, continua sugiriendo el término de Reina. Molina (2012, p. 91) también argumenta que prefieren el nombre de Representativas porque primero, el concepto de Reina no existe en los idiomas mayas y, segundo, porque en tanto que señoritas electas representan la voluntad popular. Afirman por tanto que su labor actual es de « incidencia política y liderazgo » y se implican no sólo en actos culturales o de beneficencia, sino también en la memoria colectiva del conflicto armado guatemalteco, la defensa del medio ambiente, los derechos de las mujeres indígenas, el rechazo a las transnacionacionales o el juicio por genocidio al General Ríos Montt (López García 2015, p. 189). Así, resuelven, de momento y sobre todo desde esta nueva perspectiva maya, el difícil mandato con el que surgieron los concursos de India Bonita. Por un lado, representan el pasado indígena que los identifica ya sea como nación, como comunidad y/o como pueblo y, por el otro, representan las luchas, aspiraciones y demandas de los indígenas del presente.

Las diversas nociones de autenticidad y sus conflictos

30 A lo largo de sus casi cien años de existencia, estos concursos se han centrado en mostrar una representación auténtica de lo indio, lo indígena o lo maya. El problema radica entonces en saber en qué consiste esa autenticidad, ya que su definición cambia según los actores y el contexto. Como afirma McAllister (1996, p. 107), la cuestión reside en saber qué es lo auténtico, cómo se autentifica, quién lo hace, en qué contextos y con qué legitimidad. De hecho, como ya hemos señalado, los mayores debates sobre este tipo de concursos tienen que ver con la noción de autenticidad que vehiculan. ¿Muestran los concursos una imagen verdadera, correcta o auténtica de la cultura indígena o maya? ¿Y qué es en cada caso lo verdadero o auténtico? (Schackt 2005, p. 283). Como vimos, cierta noción de autenticidad parece delinearse claramente para la mayoría de los actores indígenas, enfrentándolos en diferentes momentos a las representaciones folklorizantes propuestas por los no indígenas: consiste en reivindicar que son ellos los que deben decidir y encarnar la representación de su propio grupo. Sin embargo, parece más difícil identificar las diferentes nociones de autenticidad que también existen dentro de los grupos indígenas. Este apartado quiere esbozar algunas de ellas a partir de los conflictos que ocurren en estos concursos.

31 Uno de los momentos más críticos del concurso de Reina Indígena de Xelajú tuvo que ver con el cambio en la forma de elección de la Reina. De elecciones por votación popular en las urnas se pasó en 1964 a elecciones por jurado calificador. Tzunum (1985) y López Quemé (2004) explican la forma en que los simpatizantes se habían acusado mutuamente de manipular los votos durante los años anteriores. Por ello la municipalidad comenzó, para disgusto de muchos, a regular el voto « como en unas elecciones nacionales » (Hupp 1969, p. 138), reclamando la cédula de vecindad de

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Quetzaltenango o tiñendo el dedo de los votantes para evitar el fraude electoral. En 1964, la comisión organizadora del concurso decidió instaurar el jurado calificador. Según Víctor Manuel Coyoy, octavo concejal de la municipalidad de Quetzaltenango y presidente de la comisión, esto se hizo para evitar « los conflictos entre los simpatizantes y familiares de las candidatas derivados de la confrontación electoral ». No obstante, su interés por eliminar las elecciones se debía también a otros motivos. Las bases del concurso de ese año especificaban que las candidatas debían hablar k’iche’ y vestir el traje indígena, justo en un momento en que gran parte de esta generación urbana estaba dejando de hacerlo. Coyoy recuerda: En la velada de calificación participó una señorita, de baja estatura, de rasgos mayas clásicos, hablando perfectamente el k’iche’, entonces resulta que ella es la triunfadora, pero la generalidad de la población indígena, incluso, ya su mente, no estaba fija en el sentido de belleza que tenían los mayas sino en el sentido de belleza occidental… y mire que la población de Quetzaltenango, sobre todo la indígena, que si más, me pegan.

32 El conflicto debió de ser importante porque al año siguiente se volvieron a instaurar las elecciones por votación popular. A pesar de todo, el concurso entró en crisis. Durante los años siguientes casi no se presentaron candidatas y en 1970 se estableció definitivamente el jurado calificador que a partir de entonces habría de elegir a las Reinas « auténticas » de Quetzaltenango. Sólo dos años después, en 1972, varios k’iche’ que también habían formado parte del entorno de las Reinas crearían una organización electoral indígena, el Xel-ju, que se presentaría a las elecciones municipales de 1974. Según afirma Víctor Manuel Coyoy: « Llegó un momento en que nos dijimos bueno, ya dejémonos de coronar y descoronar Reinas, entremos a algo más fuerte, y fue cuando nace Xel-ju » (Celigueta 2012, 2014).

33 Este conflicto me sirve para apuntar dos significados posibles de la noción de autenticidad. Por un lado, las elecciones « de verdad », es decir las elecciones municipales o nacionales, se parecían muchísimo a las elecciones de Reina Indígena, en las cuales también se pagaban anuncios de las candidatas en la radio y en los periódicos, se imprimían carteles y volantes con sus fotografías pidiendo el voto o se organizaban actos sociales de presentación de las mismas (Hupp 1969, p. 135-136). Las acusaciones por compra de votos también eran – y son todavía – corrientes en las elecciones municipales o nacionales. No obstante, a estos líderes indígenas les molestaba el conflicto derivado de la confrontación electoral, ya que impedía la unión de la población indígena y su movilización para causas más « verdaderas » como el acceso a la alcaldía municipal. Por otro lado, los líderes indígenas acusan a sus congéneres de no ser capaces de percibir la « auténtica belleza maya ». Es justo en el momento en que se quiere movilizar y resignificar la pertenencia indígena que se eliminan las elecciones de « mentiras » de la Reina, para concentrarse en la elección de « verdad » de sus posibles representantes políticos. No hace falta decir que las Reinas de Quetzaltenango participarían a menudo en las campañas electorales del Xel-ju pidiendo el voto a la población indígena.

34 Un segundo conflicto que también puede ilustrar esta posible tensión entre las diversas nociones de lo auténtico lo encontramos en el mismo concurso de Quetzaltenango. En 1984 (justo en las bodas de oro del certamen), descontentas con los cambios del concurso, algunas antiguas Reinas crearon una comisión para que el certamen retornara a su nombre original de Reina Indígena. Sostuvieron dos argumentos: por un lado esgrimieron la antigüedad del evento, que le confería ya cierta tradición a

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respetar, y por otro argumentaron que el título de Reina tenía más categoría que el de Umial, a su parecer demasiado « folklórico ». Demasiado folklórico, agregaban, para una época en la que nadie lleva el Ixcap, las mujeres indígenas de Quetzaltenango se tiñen el pelo y llevan zapatos de tacón alto. Reinas y Umiales muestran por lo tanto dos visiones distintas de lo que es auténticamente indígena. Por un lado, se observa cómo la autenticidad – « la verdadera cultura indígena » –, buscada por algunos intelectuales mayas en una historia descolonizada, no sería para las antiguas Reinas « verdadera », por ser demasiado idealizada. Por otro lado, se observa cómo la tradición, ligada con el colonialismo, tendría para estas Reinas un valor en sí misma que no compartiría esta nueva identificación maya (Celigueta 2014). Una identificación, según Bastos y Camus (2003, p. 18), que no es impuesta frente al origen claramente colonial de « indígena », que lleva implícito cierta carga de subordinación. Asumirse como « maya » significa superar la identificación comunal y la de los grupos lingüísticos. Significa orientarse hacia una identidad nacional o de pueblo que identifica una historia y una cultura comunes.

35 Hacia una dirección similar apuntarían las críticas sobre la autenticidad de la indumentaria y los objetos que portan las diferentes representativas indígenas. En este sentido, si el uso de mantos reales y coronas fue criticado por los mayanistas por no ser un objeto « propio » de su cultura (López García 2015), su sustitución actual por prendas ceremoniales utilizadas particularmente en las cofradías también ha sido censurada por algunos cofrades que consideran una falta de respeto que se utilicen prendas rituales en este tipo de eventos. Como le comenta un informante a Molina (2012, p. 97): « ¿En dónde se ha visto que una cofrade ande corriendo por el parque con una tinaja? »

36 Parte del malestar de las antiguas Reinas Indígenas de Xelajuj con los cambios ocurridos en el concurso también tiene que ver con el control que ejercen sobre el mismo las organizaciones mayas. Si anteriormente la mayoría de las Reinas formaba parte de cierta clase indígena acomodada de la ciudad, con los cambios ocurridos en el concurso muchas de estas familias creen que ahora tienen pocas oportunidades de ganar. La hija de una de estas familias me comentaba en 1998: « Como se pusieron así los mayas más radicales y nosotras nos maquillamos y sólo usamos el traje en las fiestas, pues ya sabemos que eso no les gusta y no hubiéramos salido. Ellos quieren gente así, natural, natural16. » Es decir que ellas no responden a la representación maya propuesta por las organizaciones. Como apunta Rogers (1999, p. 58) en su análisis de los concursos indígenas de Ecuador, los concursos tratan de formalizar cómo deben ser las mujeres indígenas y por extensión la identidad indígena en general, pero esto no tiene por qué ser aceptado necesariamente por la totalidad de la audiencia. Así parecen demostrarlo los frecuentes rumores que se escuchan sobre las candidatas y sus familias durante el mes de agosto en Quetzaltenango, durante los días previos y posteriores a la velada de elección: que si se ha comprado al jurado calificador, que si a la gente no le gustó que el jurado no fuera de Quetzaltenango, que si tal candidata tenía el pelo corto y las trenzas eran en realidad postizas, que si la que quedó hablaba mejor pero había otra que en realidad era más bonita, que si ésta no pronuncia bien el k’iche’, no es de Quetzaltenango o no tiene apellidos indígenas. Los rumores afectan a todas las aspirantes y cada quién propaga el que más le interesa según la candidata de su preferencia. Como me dijo una señora de una familia de la élite: « los miembros del

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jurado pueden conocer sobre identidad y cosmovisión pero no sobre qué señorita debe representar a los indígenas de Quetzaltenango ».

Conclusión

37 A lo largo de estas páginas hemos visto cómo han ido cambiando representaciones y aspiraciones de los indígenas de Guatemala, pero también hemos demostrado la forma en la cual estos concursos sirven para legitimar su autenticidad. Una autenticidad, eso sí, que siempre es cuestionada en la arena política que constituyen estos – en apariencia – inofensivos concursos de belleza. Los cuerpos vestidos de las Reinas Indígenas con símbolos identificadores – discursos, bailes, mazorcas de maíz o el mismo Popol Vuh – parecen haber sido buenos comunicadores de estas ideas abstractas que son las naciones, las culturas, las razas y los pueblos. Por lo tanto, analizar estos concursos significa la posibilidad de analizar las representaciones de lo indígena en diferentes momentos de su historia. Pero, lejos de imaginarnos a los indígenas como sujetos pasivos que se prestarían a una interesada incorporación folklórica a los Estados- Nación, sabemos que han cuestionado esta folklorización proponiendo representaciones alternativas. Además, estos grupos no son homogéneos y las diferentes formas de representar lo indio, lo indígena o lo maya que hemos identificado en los concursos son buena muestra de ello.

38 En la actualidad, las Representativas Mayas de Guatemala ya no son Reinas Indígenas ni tampoco son Indias Bonitas. Es decir, ya no son valoradas exclusivamente por su familia o por su belleza. Ya no se valora únicamente que sea bonita sino, como se dice en Guatemala, « que hable bonito ». Ya no se valora una representación elitista de la etnicidad, según la cual las candidatas son hijas de familias respetables y conocidas, sino que se valora la identificación y la conciencia de las concursantes. Por ello es la candidata la que debe de estar identificada con los valores que se quieren resaltar: debe estudiar, debe vestir el traje indígena, debe participar en la vida social de la ciudad y sobre todo debe afirmar públicamente su pertenencia. Así, aunque se trate de resaltar valores comunitarios, étnicos o nacionales, se premian también opciones individuales que se muestran como ejemplos a seguir. Ya no basta con ser indígena. Ni tampoco con parecerlo. La representación debe ser verdadera y auténtica según los parámetros de las organizaciones mayas. Debe ser capaz de encarnar cierta noción de pueblo maya, pero sobre todo debe ser capaz de mostrar las aspiraciones de dicho pueblo. 17

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NOTAS

1. Por ejemplo, el concurso de Nim Ali Rech Tinimit Rech Kakaw (Reina Nacional del Cacao), que elige a la representativa de las regiones productoras de cacao desde el 2010 (Molina 2012, p. 106). 2. Por ejemplo, Ka’tu Suckchij (Flor del Maguey) como representativa del área ch’orti’ desde 1985, Rukotz’i’j Kaqchikel Tinamit (Flor del pueblo Kaqchikel) desde 1985 o Rixq’uun Poqom (Princesa Poqom) del área poqomchi’ (Molina 2012, p. 104-106). 3. Por ejemplo, el concurso de Princesa Tezulutlán en el departamento de Alta Verapaz desde 1969, Princesa Xinabajul en el departamento de Huehuetenango desde los años 1970, Nim Ali Re Xochiltepetl (Gran Muchacha de Suchitepéquez) desde 1977, Ixkik Uk’ux K’iche’ (Muchacha Alma de la Cultura K’iche’) en el departamento del Quiché o Rum’ial Tinamital B’oko (Hija del departamento de Chimaltenango) desde el 2012 (Molina 2012, p. 101-104). 4. Además del concurso de Rab’in Ajaw (Hija del Rey), que desde 1971 elige en Cobán a una representativa indígena a nivel nacional, se celebran los concursos nacionales de Rumi’al Yum Kax (Hija del Maíz) en Chimaltenango desde 1989, Reina Diosa Ixchel en Suchitepéquez desde 1993, Tixel Tenamit (Tenanza o mujer de la cofradía del pueblo) en San Pedro Sacatepéquez desde 1998, Reina Indígena Nacional Cotz’i’j Iximulew en Chichicastenango desde el 2000, Uko tzijal Ri Maya Tinamit Re Paxil Kayala (Flor Nacional del Pueblo Maya) en Quetzaltenango desde el 2005 o Princesa de los Cuatro Puntos Cardinales en San Lucas Sacatepéquez desde el año 2007 y en la Antigua Guatemala desde el 2011 (Molina 2012, p. 106-121). 5. Como el concurso de Alaj Ukotzij Tinimit Re Xelajuj Noj (Pequeña Flor del Pueblo de Quetzaltenango), que tiene lugar desde el 2005 o el de Ri’ Man Ajaw (Nieta del Rey) en Cobán (Molina 2012, p. 122). 6. Podemos encontrar escrito el nombre k’iche’ de Quetzaltenango como Xelajú, Xelajuj, Xelajuj Noj o Xelajuj No’j, dependiendo de si se aplica o no la normalización lingüística. En este artículo he escogido escribirlo en cada ocasión según aparece en las fuentes, porque refleja el momento que atraviesa el concurso. 7. El término clasificatorio « ladino », utilizado en Guatemala para designar a la población que no es indígena, sugiere más bien una identidad cultural hispanizada que un mestizaje biológico aunque su significado cambia con el tiempo y el contexto en el que se usa. Actualmente se observa cierta tendencia a usar el término como si fuera un pueblo o grupo étnico más de Guatemala. 8. Según uno de los socios de El Adelanto: « En tiempos de Ubico, el alcalde ladino veía entre las indígenas una patoja bonita y consultaba quien era la familia, entonces enviaba una nota oficial al padre de la señorita ». 9. La sociedad de El Adelanto es la primera sociedad de ayuda mutua y beneficencia indígena de Quetzaltenango creada en 1894 por 52 k’iche’ de la ciudad, principales y miembros destacados de la sociedad indígena quetzalteca con la finalidad expresa de llevar el progreso a los indígenas, especialmente mediante la educación (Grandin 2007; Quijivix 1998). 10. « Tarea dura del jurado calificador el de escoger entre tanta belleza indígena. Hay que advertir que en Cobán hay inditas muy bellas producto ya sea de la mezcla de lo

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sajón y del español, pero esta vez fueron descartadas. La competencia fue de inditas puras » (Nuestro Diario, 6 de agosto de 1936 citado en Molina 2012, p. 93). 11. En octubre de 1944, un movimiento cívico-militar derrocó al gobierno inaugurando un período reformista que duraría hasta 1954. La más conocida de todas fue la reforma agraria de 1952, cuyo ataque a los intereses de la United Fruit Company precipitó la invasión militar desde Honduras con ayuda de la CIA. 12. Apenas dos meses antes, el 29 de mayo de 1978, cientos de campesinos ocuparon la plaza mayor de Panzós, un pueblo del mismo departamento que Cobán, protestando por la ocupación de sus tierras. El ejército abrió fuego contra la población matando por lo menos a 35 personas e hiriendo a muchas más. Esta masacre marca el inicio del período más sangriento de la política de « terror » contrainsurgente del estado guatemalteco (Konefal 2009). 13. Me parece importante señalar el papel destacado que parecen haber desempeñado los militares en estos concursos de Guatemala. Otros autores ya han señalado su relación con el de Rab’in Ajaw en Cobán (Konefal 2009). Tengo conocimiento de que, en Quetzaltenango, la zona militar 17-15 presentó candidatas al concurso por lo menos en 1990, 1996, 1999 y 2000 (López Quemé 2004), aunque seguramente lo hiciera en más ocasiones. En 1999, la candidata de la « zona » tenía una beca de estudios del ministerio de defensa y en su discurso habló de la importancia de la reconciliación. Lo más interesante es que todos mis informantes coincidieron en que era imposible que ganara. Afirmaron rotundamente que jamás había ganado ni ganaría una candidata de la « zona ». 14. Estos trajes de fantasía con numerosas plumas, faldas cortas y bikinis parecen responder a la misma fantasía erótica que Canessa (2008) señala para las siempre blancas Misses de Bolivia: se trata de unir el apreciado cuerpo blanco, considerado por criollos, mestizos y ladinos como más bonito, con la accesibilidad sexual que éstos proyectan a las indias. 15. Maestro originario de San Francisco el Alto (Totonicapán) y fundador de la Academia de la lengua maya-k’iche’ en 1959 (Guzmán Böckler 1997, p. XXIII). Es conocido como estudioso de la lengua k’iche’, precursor de la normalización lingüística de las lenguas mayas y sobre todo por la publicación de una versión del Popol Vuh que él llamaría Pop Wuj, escrita a 4 columnas en k’iche’ y en castellano. 16. En Guatemala, a los indígenas se les llama también « naturales », y por ello la expresión « natural, natural » significa aquí indígena auténtico. 17. Este artículo fue presentado en unas Jornadas de estudio del Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative de l'université Paris Nanterre, el 11 de diciembre del 2015, como parte del proyecto ANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”. Mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui » (ANR-12-CULT-005). Este artículo forma parte del proyecto « Etnicidad Material: expresiones culturales tangibles y propiedad intelectual » (CSO2015-62723-ERC) financiado por el Ministerio de Economía y Competitividad de España.

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RESÚMENES

En este artículo me interesa analizar las diversas maneras de representar la autenticidad indígena a través de los concursos de Reinas Indígenas de Guatemala. El análisis permite mostrar cómo se ha representado lo indígena o lo maya en este país. He escogido reflexionar sobre esta diversidad a través de los conflictos y debates que despiertan estos concursos en relación con su autenticidad. Mediante el análisis queremos plantear la relación existente entre una representación « estética » y una representación « política » de lo indígena.

In this article I will delve into de history of the Indigenous Queens Pageants in Guatemala. The analysis reflects on different ways of representing what is Indigenous and what is Maya in this country. My focus will be on the conflicts and debates these contests arouse in relation to their authenticity. I want to question the relationship between an « aesthetic » representation and a « political » representation of the Indigenous People.

Dans cet article je m’intéresse à l’histoire des concours de reines indigènes du Guatemala. Mon analyse montre les différentes façons de représenter ce qui est indigène et ce qui est maya dans ce pays. J’ai choisi de réfléchir sur cette diversité à travers les conflits et les débats que suscitent les concours à propos de leur authenticité. L’interrogation porte sur la relation entre une représentation « esthétique » et une représentation « politique » de l’indigène.

ÍNDICE

Keywords: Indigenous peoples, beauty pageants, Guatemala, representation, authenticity Palabras claves: Pueblos Indígenas, concursos de belleza, Guatemala, representación, autenticidad Mots-clés: Peuples Indigènes, concours de beauté, Guatemala, représentation, authenticité

AUTOR

GEMMA CELIGUETA

Departament d’antropologia Social, Universitat de Barcelona [[email protected]]

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Devenir reine kakataibo. Performance, séduction et genre en Amazonie péruvienne Becoming a Kakataibo Queen. Performance, seduction and gender in Peruvian Amazonia Convertirse en reina kakataibo. Performance, seducción y género en la Amazonia peruana

Magda Helena Dziubinska

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en avril 2016, accepté pour publication en octobre 2016.

1 « Voici devant vous Saida ! Elle a quatorze ans et son plat préféré est la patarashca avec des bananes cuites. Elle aime jouer au volley et écouter des chansons romantiques à la radio. Plus tard elle voudrait devenir avocate ! » – s’exclame un jeune animateur chargé de présenter les candidates pour le titre de reine kakataibo lors du concours de beauté à Mariscal Cáceres1. Cette compétition dont le but est d’élire la plus belle fille (upira xanu) de la communauté native2 est devenue, à côté du football, l’élément central de la grande fête annuelle. Au cours d’une soirée haute en couleurs, plusieurs filles pubères rivalisent pour le titre de reine en défilant sur la scène sous le regard du jury3. Malgré l’engouement des Kakataibo pour ce spectacle, les candidates sont plutôt réticentes à l’idée d’y participer. Face à la honte de défiler en public, ce n’est que sous la pression du chef de la communauté (apu) qu’elles décident finalement de se présenter. Son prestige étant en jeu, il déploie des moyens conséquents pour les convaincre (visites régulières, promesses de récompenses). Pour autant le chef n’est pas le seul à tirer les ficelles du concours. Celui-ci est organisé par les professeurs et les infirmiers métis et aucun Kakataibo n’est invité à faire partie du jury. De surcroît l’événement se déroule généralement en présence du maire d’Aguaytía, venu spécialement pour l’occasion

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accompagné des autres membres de la municipalité. De toute évidence, à Mariscal Cáceres, le concours de beauté est intimement lié au pouvoir politique, lien qui a déjà été signalé par plusieurs chercheurs ayant étudié ces performances dans d’autres contextes culturels (Cohen 1996 ; Celigueta Comerma 2014 ; Rogers 1999 ; Wroblewski 2014)4.

2 Tandis que certains auteurs, en adoptant une perspective féministe matérialiste, ont insisté sur les effets dégradants des concours de beauté, y voyant un dispositif non seulement de réification et d’assujettissement de la femme mais aussi d’acculturation (Lieu 2013 ; Masi de Casanova 2004), d’autres considèrent au contraire les concours comme un moyen d’émancipation et d’empowerment (Wu 1997 ; Williams 2013 ; Bousquet et Morissette 2014). Bien qu’ils soient largement inspirés par les concours nationaux, les concours de beauté amérindiens font souvent apparaître des logiques et des enjeux singuliers. Plus que séduire le jury par leur beauté, les candidates doivent faire preuve d’une maîtrise parfaite de la langue vernaculaire et démontrer l’attachement à leur culture ainsi que leur engagement politique en faveur de leur groupe (Bousquet et Morissette 2014 ; Wroblewski 2014 ; Schackt 2005 ; Wu 1997 ; Cohen 1996). C’est ainsi que certains concours de beauté indigènes sont devenus l’espace privilégié d’une réaffirmation identitaire, du fait de leur imbrication avec les processus contemporains de revitalisation culturelle et de patrimonialisation, et de leur inscription dans le courant féministe autochtone émergent (Bousquet et Morissette 2014, p. 389). À l’inverse de ces concours de beauté « indigénisés », l’élément ethnique est presque entièrement évacué des concours kakataibo. Plutôt que d’exposer et d’affirmer la différence culturelle, l’objectif est au contraire de mettre en scène la figure de la femme blanche idéalisée et transformée en objet de désir. Comment aborder ce spectacle mimétique sans le réduire à un effet d’acculturation ? Quelles en sont les implications sociologiques ? Que peut-il nous apprendre sur la manière dont les Kakataibo conçoivent aujourd’hui la féminité et dans quelle mesure est-il révélateur de nouveaux modes de subjectivation en Amazonie péruvienne ?

3 En adoptant une approche interactionniste et en m’inspirant des études nord- américaines sur le genre (notamment Newton 1979 ; Butler 1990 ; Mahmood 2005 ; Berger 2013), je propose de considérer le concours de beauté comme une des pratiques à travers lesquelles est construite, vécue et négociée aujourd’hui la féminité par les adolescentes kakataibo. Je montrerai en outre que le concours est une manière de rendre publiquement visibles les processus de transformations en cours dans les communautés natives. Ces processus, impulsés la plupart du temps par les professeurs métis, sont étroitement liés à la construction du genre et plus généralement aux politiques du corps. Ce constat invite à repenser également le concept de beauté et son rapport avec l’éducation, en l’envisageant non plus comme une valeur purement esthétique, mais comme une valeur éthique, c’est-à-dire une certaine manière d’être et d’agir. Le genre offrira ici un angle pertinent pour aborder les relations interethniques dans la région et les processus toujours complexes et ambigus de l’intégration des groupes indigènes à la société nationale. Cet article s’inscrit ainsi en partie dans la continuité de la démarche adoptée par Casey High dans son étude sur la masculinité waorani (2010). En prenant ses distances à la fois par rapport aux études féministes articulées autour de la notion d’hégémonie masculine et aux travaux amazonistes dans lesquels le genre occupe souvent une place secondaire, Casey High montre de manière très juste l’importance des imaginaires trans-locaux et des processus historiques de

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transformation de la production de la masculinité contemporaine waorani. Nos approches divergent en revanche dès qu’il s’agit d’inscrire ces transformations dans la perspective plus large des rapports entre les Amérindiens et les Blancs et dans l’attitude plus générale que les Amérindiens adoptent face au changement. Tandis que Casey High met l’accent sur la continuité entre les modèles contemporains et anciens de la masculinité en insistant sur les analogies entre Bruce Lee et le guerrier waorani ou entre le leader politique et le chasseur, j’analyse le concours de beauté, la sociabilité urbaine et l’intériorisation par les Kakataibo de certains discours ou fantasmes trans- locaux sur le genre en termes de rupture par rapport aux anciens modes de vie.

4 L’enjeu ici n’est pas de construire un modèle de la féminité amérindienne. Parmi les femmes kakataibo concourent des femmes mariées ou divorcées, des mères célibataires, des étudiantes, des employées, des femmes qui ont sept enfants, d’autres qui se sont volontairement fait stériliser après le deuxième accouchement, ou encore des femmes qui vivent toujours dans la communauté native et d’autres qui sont parties en ville dès que l’occasion s’est présentée. Les trajectoires féminines sont de plus en plus diversifiées notamment grâce à la banalisation de la contraception, à l’étendue de la pratique du fosterage et à la migration urbaine. Au lieu de tenter de schématiser les expériences qui par leur diversité se prêtent mal à cet exercice, l’objectif de cet article est de réfléchir sur la place que le concours de beauté occupe dans ces trajectoires diverses, les fantasmes sur la féminité qu’il véhicule et les reconfigurations relationnelles qu’il entraîne. Une description du concours dans ses traits généraux et dans sa dimension spectaculaire et mimétique permettra de l’inscrire ensuite dans le schéma relationnel plus général unissant les Kakataibo et les Métis. Les notions de séduction et de « passer pour » permettront alors d’en tracer les contours. Pour finir je mettrai en avant d’une part la manière dont les techniques corporelles enseignées et jugées lors du concours de beauté sont articulées avec les pratiques kakataibo plus anciennes de production des personnes adultes et belles, et d’autre part le rôle actuel de la scolarité dans la formation des sujets féminins.

Les Kakataibo, les Métis et les Blancs

5 Le groupe Kakataibo5, de langue pano, compte aujourd’hui 3 500 individus répartis en trois sous-ensembles qui correspondent à trois dialectes différents sur les fleuves Aguaytía, San Alejandro et Sungaruyacu en Amazonie péruvienne. Même si la pêche, souvent à l’aide de dynamite ou de plantes ichtyotoxiques (Clabadium sp.), et la culture du manioc continuent à jouer un rôle important dans l’économie de subsistance kakataibo, la principale source de revenus pour ce groupe est la banane plantain, vendue sur les marchés d’Aguaytía. Au début des années 1950, les missionnaires du Summer Institute of Linguistics (SIL) se sont installés parmi les Kakataibo et ont ouvert les premières écoles. Depuis, un contact régulier s’est également établi avec la société nationale. L’incorporation des Métis à la communauté par le biais des intermariages, ainsi que la mobilité des jeunes Kakataibo qui poursuivent de plus en plus souvent leurs études en ville, ont accéléré leur intégration à la société péruvienne. Pour répondre à la forte demande d’« ethnicité visible » venue de l’extérieur, à laquelle font face aujourd’hui de nombreux groupes indigènes, les Kakataibo sont en quête de traits culturels susceptibles de devenir emblématiques de leur indianité. Ce besoin les a amenés à réactiver récemment différentes techniques artisanales.

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6 La catégorie kakataibo « no6 » embrassait autrefois une multiplicité de figures différentes (les étrangers, les ennemis, les autres groupes indigènes, les Blancs) qui toutes représentaient l’extériorité et l’hostilité. Aujourd’hui ce terme est surtout utilisé pour qualifier les Métis, autrement dit la population péruvienne non-indigène installée dans la région, qui incarne la figure de l’altérité pour les Kakataibo. Ils attribuent aux Métis la maîtrise et le contrôle de différents artefacts et savoirs qu’ils associent plus généralement au monde des Blancs. Bien que les uns et les autres soient désignés par des termes distincts, les Blancs étant appelés « mirikanu » (les gens du marché) ou « gringos », la différence entre les deux n’est pas de nature : elle est corrélée au degré d’altérité qu’ils représentent, degré qui augmente proportionnellement à l’éloignement7 géographique, linguistique et culturel. L’image que les Kakataibo ont des Métis et des Blancs est profondément ambivalente. D’un côté ils leur attribuent des connaissances, des richesses matérielles et des technologies dont ils sont friands et de l’autre ils leur reprochent d’être avides, violents et mesquins, ce qui les place aux antipodes de l’humanité idéale que les Kakataibo considèrent incarner.

Mimèsis : apprendre à être autre

7 Les concours de beauté kakataibo sont avant tout une expérience mimétique pendant laquelle les candidates au titre de reine reproduisent des gestes, des paroles et des apparences des Métis (no). Le terme grec mimèsis, qui dans sa première acception signifie « imitation », renvoie ici autant à une stratégie de communication qu’à une appropriation et à un apprentissage. Bien que le terme trouve ses origines dans la tragédie grecque dont les règles ont été fixées par Aristote dans sa Poétique au IVe siècle, et qu’ensuite il fût utilisé exclusivement dans le domaine de l’art et de la littérature, il a été introduit au cours du XXe siècle dans les sciences sociales pour désigner certains types d’interactions entre personnes ou entre sociétés dans un contexte colonial (Bhabha 1994). Ce déplacement a eu un impact sur la sémantique du terme. Comme le souligne Christoph Wulf (1998), la mimèsis n’est pas une simple imitation : Mimèsis signifie aussi : être l’émule de quelqu’un, se faire semblable à une chose ou à un être humain, s’exprimer, figurer quelqu’un ou quelque chose. La mimèsis indique une mise en forme après-coup et selon des moyens propres. Ce qui fait que se mêlent harmonie et changement, égalité et différence. (1998, p. 153) Dans son essai « On the Mimetic Faculty » (1979), Walter Benjamin soutient que la capacité de se comporter comme quelque chose d’autre est l’une des plus fortes pulsions propres à l’espèce humaine. Ses idées ont été largement reprises par la suite dans le travail éclectique de Michael Taussig pour qui la « faculté mimétique » de l’homme, autrement dit son aptitude primaire à copier, imiter et explorer la différence, sont autant de moyens de devenir autre (1993, p. XIII). Cette passion mimétique est particulièrement prégnante en Amazonie. Tout en faisant écho à « l’altérité constituante » (Erikson 1986), à « l’extraordinaire ouverture à l’Autre » (Lévi- Strauss 1991), à « la voracité idéologique » (Viveiros de Castro 1993) et au « consumérisme effréné » nourri par la fascination pour l’exotisme (Hugh-Jones 1992 ; Gordon 2006) qui caractérisent de nombreuses sociétés amérindiennes, elle permet aussi d’explorer des dimensions de la vie sociale moins étudiées, comme la mise en spectacle de soi. Comment ce jeu consistant à « être un autre » se met-il en place chez les Kakataibo ?

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8 Même si toutes les filles pubères peuvent se porter candidates au titre de reine, la participation au concours exige un entraînement préalable de deux jours, dispensé par des professeurs et des infirmiers métis. Les autorités du village attendent que les entraîneurs se manifestent de manière volontaire. Il s’agit souvent de personnes qui ont déjà une certaine expérience dans l’organisation de ce type d’activités. Toutes les candidates assistent au même entraînement et les filles qui sont les plus à l’aise apportent systématiquement leur aide aux plus timides. Pendant la préparation, elles doivent apprendre à marcher sur la scène (esp. modelar), à s’y tenir correctement (une jambe avancée par rapport à l’autre avec le genou légèrement plié, une main appuyée sur la hanche tandis que l’autre tombe le long du corps), à parler fort, à saluer le public coquettement et à lui envoyer des baisers tout en continuant de sourire (Figure 1).

Fig. 1 – L’entraînement : les candidates apprennent à marcher et à se tenir sur la scène (Dziubinska, 2016).

Le sourire est l’élément central de l’entraînement dans la mesure où toutes les candidates ont d’abord des mines très sérieuses, parfois même effrayées, devant les difficultés que pose ce type d’exercice. Les entraîneurs encouragent donc tout au long de la journée les filles à sourire plus, voire à adopter « le sourire attirant » (esp. sonrisa atractiva), et à se montrer joyeuses (esp. alegres). Lorsqu’une reine récemment élue est sortie sur la scène avec un visage de marbre au moment de son couronnement, un membre du jury s’est exclamé désespéré : « mon Dieu, Kati, s’il te plaît, souris ! »

9 Assistées par les organisateurs, les candidates préparent également la présentation qu’elles réciteront lors du concours, dans laquelle elles évoquent la fierté, la joie et la gratitude qu’elles ressentent à participer à l’événement. Cette déclaration contraste avec leurs attitudes habituelles puisqu’au quotidien les émotions ne sont jamais exprimées de manière aussi ouverte par les Kakataibo. En réalité ce sont les entraîneurs qui conçoivent et écrivent ces discours qui sont ensuite mémorisés, avec beaucoup de difficultés, par les jeunes filles. Elles apprennent par là même à parler « comme les Métis », ce qui n’est pas sans importance compte tenu du fait que la langue et plus précisément les modalités d’énonciation sont pour les Kakataibo un facteur puissant de différence sociale. Parler comme les Métis signifie parler de manière forte, directe et osée tout en fixant l’interlocuteur dans les yeux. Style d’expression qui diffère

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nettement de celui des Kakataibo qui, au contraire, parlent bas, d’une voix monotone, en évitant le regard de leur interlocuteur et en se couvrant souvent la bouche avec la main en signe de respect. En général timides (katëkë), les filles kakataibo sont lors de l’entraînement sans cesse encouragées par les Métis à être particulièrement expressives : bouger plus, s’arrêter plus longtemps au bord de la scène, être plus « sensuelles » (esp. sensuales), manifester de la joie, applaudir, danser, etc. « Les filles indigènes sont toujours très timides, elles ne savent pas sourire, se montrer heureuses, elles ont peur, ne veulent pas parler… C’est pour cela que le plus important est qu’elles arrivent à desenvolverse. Celle qui a le plus de chance pour gagner c’est celle qui se desenvuelve, qui n’est pas timide, qui sourit et qui reste attirante (esp. attractiva) » – m’a expliqué l’infirmière de la communauté Mariscal Cáceres, chargée d’organiser un des concours. Desenvolverse, terme qui n’a pas son équivalent en français, désigne la performance accomplie de la manière la plus naturelle, aisée et habile qui soit. C’est sans aucun doute le terme clé de la préparation au concours de reine indigène. En somme, il est demandé aux candidates de rompre radicalement et publiquement avec leur mode d’être ordinaire où avoir honte (katë-) et maîtriser, ou dissimuler, des émotions sont des attitudes formellement prescrites, tout comme l’évitement des hommes étrangers. Pour devenir reine, il faut en quelque sorte réussir à « désindianiser » son corps afin qu’il ressemble le plus possible au modèle métis.

10 Malgré les efforts et l’enthousiasme des organisateurs, cette métamorphose reste impossible à réaliser pour certaines jeunes filles kakataibo. Stressées et intimidées, elles n’arrivent pas à marcher comme des modèles, ni à imiter les autres gestes de séduction que la future reine devrait pourtant maîtriser avec aisance. La partie de la compétition qui semble poser le plus de difficultés aux candidates est la prise de parole en public. Souvent un long silence s’impose avant que l’on puisse entendre la candidate angoissée réciter sa présentation, au cours de laquelle des mots appris par cœur s’enchaînent de manière hasardeuse et parfois incohérente. Il n’est pas rare d’ailleurs que la candidate oublie son âge ou qu’elle reste complètement muette, incapable de prononcer le moindre mot. Une sorte de condensation d’émotions contradictoires est ainsi propre à ce spectacle : la timidité et l’embarras ressentis par les filles (parfois à tel point qu’elles refusent de se présenter sur la scène) se combinent avec l’assurance et l’audace données à voir avec plus ou moins de succès. Le concours de beauté devient ainsi une sorte de parabole des transformations corporelles que l’on peut observer chez les adolescents kakataibo dont le quotidien se déroule désormais autant dans la communauté native qu’en ville. Chacun de ces espaces possède ses propres codes de sociabilité qui imposent des attitudes corporelles singulières, et qui sont souvent, comme c’est le cas ici, antinomiques.

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Fig. 2 – Une candidate en train de défiler devant la table du jury (Dziubinska, 2012).

11 Si l’on peut penser que le jury, dont la tâche est de départager les jeunes filles et de choisir une gagnante, introduit un sentiment de rivalité entre les candidates, celui-ci n’est en fait que factice. Les concurrentes sont la plupart du temps des cousines du même âge et passent beaucoup de temps ensemble, aussi bien à l’école qu’en dehors des cours. Pendant le concours, elles font surtout preuve d’amitié et de solidarité mutuelle, en s’aidant par exemple à changer de costume ou à se maquiller, plutôt que d’une attitude réellement antagoniste. Toutes les jeunes filles étant gênées et intimidées, l’épreuve devient ainsi une sorte de jeu d’équipe.

Les costumes

12 Bien qu’au cours de l’événement les jeunes filles revêtent entre trois et cinq costumes différents selon l’année – de ville (esp. traje de la ciudad), de sport (esp. traje de deportes), d’étudiante (esp. traje de estudiante), d’indigène (esp. traje nativo ou traje típico) et de soirée (esp. traje de noche ou traje de gala) –, il s’agit essentiellement de mettre en scène l’image de la femme blanche promue dans la communauté par les professeurs métis. Parmi ces costumes, deux ont particulièrement attiré mon attention car ils se distinguent nettement des autres : le costume de l’indigène et le costume de gala. Voyons dans un premier temps la performance associée au premier d’entre eux. Pendant cette représentation, les prétendantes portent généralement des mini-jupes, des shorts et des tops en coton peints avec des dessins (kené) kakataibo (Figure 3).

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Fig. 3 – Les candidates kakataibo en costume d’indigène lors du concours Miss indigène à Aguaytía (Dziubinska, 2016).

Il est toutefois arrivé qu’une candidate, fille d’une femme shipibo et d’un homme kakataibo, défile en habits shipibo « traditionnels »8 et qu’une autre, une jeune Métisse de Huánuco dont la famille s’était installée récemment dans la communauté, soit vêtue d’un costume à plumes aux couleurs éclatantes. Le concours de beauté met ainsi en avant les identités multiples à l’intérieur de la communauté tout en laissant transparaître d’anciens antagonismes interethniques. Lors du dernier concours auquel j’ai assisté, aucune candidate ne possédait de costume indigène, il leur fallait donc le louer ou l’emprunter. Ces habits ne font effectivement pas partie des possessions strictement personnelles et circulent souvent entre les jeunes filles de deux communautés qui se les prêtent et se les empruntent à différentes occasions. J’ai alors suggéré à une candidate de se présenter en costume shipibo, comme l’avait fait sa sœur quelques années auparavant. Elle m’a répondu catégoriquement : « C’est pas possible, ils n’aiment pas quand on met le costume shipibo ici, il faut que quelqu’un m’en prête un kakataibo9 ! » Les costumes natifs sont souvent assortis de peintures faciales et de différents accessoires, choisis au hasard, comme des flèches, des arcs, des hochets ou des couronnes. Par ailleurs, les candidates défilent obligatoirement pieds nus, ce qui correspond à la représentation nationale de l’Indien dépossédé et misérable. Il est important de souligner que cette esthétique est partiellement empruntée à celle mise en scène par les Métis lors des concours de beauté en ville. Bien que dans ce cas-là, le costume ne soit pas qualifié d’« indigène » mais d’« allégorique » (esp. alegórico) ou de « typique » (esp. típico), la même symbolique est mobilisée lors de leur conception pour mettre en scène la femme indigène sauvage, guerrière, chasseuse et séductrice.

13 Dans le cadre de la performance « indigène », les candidates kakataibo sont encouragées par les organisateurs métis à revêtir les costumes traditionnels de leurs ancêtres. Or les Kakataibo sont unanimes : leurs ancêtres étaient nus (kalatos) et ne connaissaient pas le vêtement. Dans sa chronique rédigée au début du XXe siècle, Günter Tessmann évoque seulement des étuis péniens et des jupes peintes en rouge portés par les Kashibo-Kakataibo (1999 [1930], p. 71-72), accessoires visibles également sur la photo prise par le photographe et explorateur allemand Charles Kroehle, lors de son expédition en Ucayali à la fin du XIXe siècle (Figure 4).

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Fig. 4 – Les Kashibo-Kakataibo à la fin du XIXe siècle. Auteur : Charles Kroehle. Source : Günter Tessmann (1999 [1930], p. 78).

Ainsi, pour confectionner leur costume indigène, les candidates puisent dans un imaginaire esthétique hybride aujourd’hui partagé par les Métis et les Kakataibo, fruit des rapports interethniques de la région. Plus qu’une tentative de reconstruction, ce costume illustre la négociation d’une nouvelle identité visuelle, dont l’un des enjeux est d’être immédiatement compréhensible par les Métis.

14 Après chaque défilé les candidates disparaissent derrière la scène où, dans la pénombre, elles se préparent pour un nouveau passage, aidées par leurs sœurs, cousines et professeurs. Généralement un local leur est réservé, transformé en une garde-robe dans laquelle règne un chaos total à chaque changement de costume. Le public est alors diverti par l’orchestre, mais il n’hésite pas à montrer son mécontentement dès que les candidates se font attendre trop longtemps. Le concours dure peu de temps : les défilés s’enchaînent rapidement, l’alcool coule généreusement et le public est impatient de connaître la reine et de commencer la fête qui durera jusqu’à l’aube. Pour leur dernière entrée sur scène, et en contraste avec la précédente, les jeunes filles se présentent en tenues de gala. Telles des princesses, elles portent des robes étincelantes et décolletées, assorties de chaussures à talon, de gants et de bijoux en imitation or, que le chef de la communauté a loués auparavant dans la ville. Les peintures ethniques du visage laissent place à un maquillage de soirée clinquant et pailleté. Les cheveux laissés libres lors de la performance indigène sont idéalement attachés en chignon et ornés de brillants.

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Fig. 5 – Les candidates kakataibo en costume de gala (Dziubinska, 2016).

Ce costume suscite les plus vives émotions et est parfois l’objet de disputes entre le chef et les jeunes filles de la communauté. Alors que pour diminuer le coût de la fête le chef tente de convaincre les candidates de préparer elles-mêmes leurs costumes, ces dernières menacent de ne pas participer au concours si le chef ne loue pas les robes en ville10. C’est l’un des rares moments où ce sont les candidates qui revendiquent le contrôle sur la forme que devra prendre l’événement. Les robes de gala authentiques sont en effet un objet de convoitise pour toutes les jeunes filles kakataibo. Elles garantissent non seulement le sérieux et la crédibilité de l’événement, mais rendent également le jeu d’imitation plus excitant.

15 Le costume de gala et le costume natif sont particulièrement signifiants du fait de leur caractère fantaisiste. Avec ces deux tenues, les jeunes filles mettent en scène la vision primitiviste que les Métis ont des Indiens, vision qui est partiellement adoptée par les Amérindiens eux-mêmes, ainsi que la vision idéalisée et glamour que les Indiens ont généralement des Blancs. À travers un étrange jeu de miroir et de perspectives, elles matérialisent des images quelques fois grotesques et obsolètes. En mettant en scène le décalage qui existe entre deux univers, celui de la ville et celui de la communauté native, ces performances amusent tout le monde, notamment grâce au caractère stéréotypé et hyperbolique des représentations dont l’original n’existe pas, créant ainsi un climat de réjouissance aussi bien chez les Kakataibo que chez les Métis invités.

16 Cette dimension burlesque du spectacle permet un rapprochement avec le rituel dami des Kashinahua, un autre groupe Pano, au cours duquel certains se déguisaient autrefois en Inka. Dans la version plus contemporaine, c’est le patrón soûl qui est l’objet de l’imitation : sa gestuelle à la fois agressive et maladroite divertit le public (Lagrou 2006, p. 45). La parodie des Blancs était en effet au programme des fêtes pano dès le XIXe siècle. À titre d’exemple, Paul Marcoy a assisté, lors de son séjour dans la mission de Sarayacu fondée sur le territoire des Shetebo11, à une mascarade pendant laquelle les Indiens imitaient les explorateurs britanniques Smith et Lowe (Marcoy 1869, p. 70-74). Les parodies ridiculisant les personnes auxquelles est

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ordinairement attribué un pouvoir particulier ont souvent un potentiel subversif. Néanmoins, la mimèsis de la femme métisse ou blanche lors du concours de beauté s’écarte partiellement des autres parodies par son caractère plus sérieux. Sans que le grotesque soit complètement évacué du spectacle, le rire et l’amusement du public étant recherchés, la représentation faite de la femme blanche inspire une certaine estime et une certaine admiration, en incarnant une manière nouvelle d’être au monde.

La notion d’« authenticité »

17 Tous les costumes portés lors du concours permettent aux professeurs de montrer les filles indigènes telles qu’ils veulent les voir. L’enjeu de la performance est à la fois de créer une illusion de similitude et de convaincre le jury de la capacité des filles à endosser un nouveau mode de vie. Bien qu’une ambiguïté demeure quant à l’importance accordée par les organisateurs du concours à l’apparence physique des candidates, celle-ci ne semble pas constituer le principal critère de sélection. Interrogés sur les critères qu’ils prennent en compte lors de leur évaluation, les membres du jury mettent davantage l’accent sur la qualité de la performance des jeunes filles (la capacité de desenvolverse, la manière de bouger, l’expression de la joie et de l’envie d’être sur scène) et les résultats scolaires, plutôt que sur un canon de beauté qu’ils apprécieraient plus qu’un autre. Avant le concours, un des évaluateurs a avoué que le corps de la jeune fille ne devrait pas être « trop gros », ce qui n’a toutefois pas empêché la plus ronde des candidates d’emporter la couronne quelques jours plus tard. L’année précédente, ce fut au contraire une candidate très élancée par rapport aux autres filles kakataibo qui a été élue. Dans les deux cas, ce sont les filles qui ont le mieux réussi à maîtriser leur timidité et à dissimuler leur gêne tout en se montrant très à l’aise sur scène qui sont devenues reines. Lors d’une conversation avec Rosa (16 ans), ex-reine de la communauté de Yamino, je lui ai demandé s’il y avait une recette pour gagner, s’il importait par exemple d’être mince, grande ou d’avoir de longs cheveux. Elle a répondu sans réfléchir : « Non pas du tout, ça n’a aucune importance ! Le plus important c’est comment la fille bouge sur la scène, comment elle danse, comment elle marche… C’est sûr qu’ils ne vont pas en choisir une qui est très timide, très nerveuse et qui a honte du public. Ils vont choisir la fille qui bouge bien et qui parle bien. » Plus que de l’apparence physique des candidates, la beauté relève ici d’une technique du corps (Mauss 1936), des mouvements que les filles apprennent en imitant les mannequins professionnels.

18 Le passage sous silence des aspects physiques des candidates ne signifie pas pour autant qu’ils soient sans importance, mais indique plutôt le rapport subjectif qu’entretient chaque individu vis-à-vis de la beauté. Dans le contexte amazonien où les critères de sélection des reines de beauté ne sont pas toujours standardisés (comme c’est le cas par exemple dans les concours nationaux), l’évaluation des prétendantes dépend dans une large mesure de critères et de caractéristiques propres à chaque membre du jury, comme ses goûts personnels, son genre, le rapport qu’il entretient avec les candidates en dehors du concours, ou encore son attirance sexuelle envers elles. Autant de critères qu’il est difficile d’expliciter et de communiquer à une ethnologue. Il est généralement admis dans le village que les professeurs métis, hommes ou femmes, entretiennent des rapports sexuels avec leurs élèves, mais il s’agit la plupart du temps de relations éphémères et « secrètes » qui prennent fin avec le contrat annuel de l’enseignant(e).

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19 La notion d’« authenticité », mobilisée de manière récurrente dans les différents travaux sur les concours de beauté indigènes (Rogers 1999 ; Schackt 2005 ; Wroblewski 2014), est un critère de sélection prédominant dans de nombreux contextes autochtones d’Amérique du Sud et du Nord. La candidate la plus authentique est celle qui maîtrise non seulement la langue vernaculaire mais aussi les savoirs traditionnels et les techniques artisanales. Dans le cas kakataibo, la notion d’authenticité est présente de manière inversée. Elle ne renvoie pas à une particularité culturelle visible, mais au contraire à la capacité de se fondre et de paraître comme les autres. Sous cet aspect, le concours de beauté kakataibo se rapproche plus des fameux bals gays new- yorkais filmés dans les années 1980 par Jennie Livingston12 que des autres concours de beauté indigènes. Pendant ces bals gays, les jeunes homosexuels et transgenres des communautés noires et latinos défilaient avec les habits du « rich white world », les costumes d’homme d’affaires, de militaire et de femme au foyer. Comme l’affirme l’un des participants au bal dans le film Paris is burning : « être “vrai” c’est être capable de se fondre. Si tu peux passer devant un œil inhabitué, ou même devant un œil habitué, sans révéler que tu es gay, c’est ça être vrai. L’idée de “vraisemblance” c’est de ressembler le plus possible à ton alter ego hétéro ». C’est précisément cette authenticité qui est évaluée par le jury métis qui d’ailleurs n’autorise aucun kakataibo à en faire partie. Cette authenticité-là est également celle que recherchent les Kakataibo eux-mêmes dans différentes situations d’interaction avec des étrangers.

20 Les données recueillies sur le terrain ne me permettent pas d’affirmer que les vêtements occidentaux sont un instrument grâce auquel les Kakataibo adopteraient le point de vue des Blancs (Santos-Granero 2009). En revanche ils semblent à leurs yeux faciliter les interactions dans lesquelles ils sont engagés. Lors de déplacements en ville, souvent motivés par des formalités bureaucratiques, l’élément vestimentaire qui préoccupait le plus les Kakataibo était les chaussures (taxaca) alors même qu’ils considèrent souvent qu’elles empêchent de « bien marcher ». Le port des chaussures n’était donc pas associé à une fonction de confort ou de protection des pieds. Mes interlocuteurs kakataibo étaient persuadés que l’imitation (tana-13) du comportement des fonctionnaires métis et l’adoption de leur code vestimentaire rendraient la communication plus aisée tout en ayant un impact direct sur l’efficacité de leurs démarches. La situation dans laquelle se retrouva un homme kakataibo lors d’un voyage à Lima est particulièrement révélatrice de ce rapport aux vêtements. L’une de ses semelles s’étant décollée, cet homme m’expliqua avec humour comment il avait dû l’attacher à son pied en se servant de lacets afin que personne ne se rende compte qu’en réalité il marchait pieds nus (comme un Indien !). Cet exemple montre que les chaussures et plus globalement les vêtements doivent être considérés comme un masque qui doit dissimuler la réalité et camoufler (sans effacer) la différence entre les Kakataibo et les Métis, plutôt que comme l’expression de leur identité multiple.

21 Aborder un événement tel que le concours de beauté amérindien en mettant en avant la notion de mimèsis permet de dépasser la perspective binaire et réductrice (acculturation passive versus indigénisation active) que l’on retrouve généralement dans les études sur la mondialisation en Amazonie. Elle laisse entrevoir la place centrale de l’altérité dans la construction du soi, sans passer sous silence les rapports de pouvoir avec la société nationale dans lesquels les Kakataibo sont engagés depuis fort longtemps, et sans faire appel à l’attirail ontologique mobilisé régulièrement pour aborder l’expérience de l’altérité dans les basses terres. La mimèsis n’est pas le simple

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acte d’imiter et de reproduire un modèle car elle laisse une place importante à la négociation, la créativité, l’insubordination et l’humour. C’est ainsi qu’elle permet de découvrir de nouvelles dimensions des phénomènes dits « globaux » qui ont peiné à trouver leur place dans les monographies amazoniennes. Dès lors la question qui se pose concerne la dimension performative du concours : qu’est-ce qu’il produit et en quoi consiste son efficacité ?

Pouvoir de séduction

22 La sexualisation du spectacle, les gestes effectués par les jeunes filles et la place centrale qu’occupe le public masculin réuni devant la scène ne laissent aucun doute quant au fait que c’est aux hommes que cette performance est en priorité destinée. À noter que ce n’est pas le seul moment de la fête de la communauté où apparaît la figure de la femme hypersexualisée. Elle est également présente lors des concerts nocturnes de cumbia14 pendant lesquels les danseuses (esp. bailarinas) en bikini doré accompagnant l’orchestre gémissent et simulent des rapports sexuels sur scène. Les exploits provocants des danseuses fascinent et attirent l’attention de tout le public, y compris des Kakataibo les plus âgés. Les rires ne cessent tout au long du spectacle et les applaudissements accompagnent chaque encouragement de l’animateur.

Fig. 6 – L’orchestre accompagné par deux danseuses (Dziubinska, 2016).

Cette performance est d’une telle importance dans les festivités amérindiennes contemporaines que l’orchestre s’est une fois vu refuser l’animation du concert au motif que l’année précédente il avait omis de venir accompagné de danseuses.

23 Les bailarinas aussi bien que les candidates au titre de reine incarnent à des degrés différents la même image de la féminité provocante et érotisée. Bien que l’appétit sexuel démesuré soit certainement en lien avec le manque de contrôle de soi dont les Kakataibo accusent les Métis, il s’agit d’une caractéristique qu’ils associent plus généralement à la féminité. C’est ainsi qu’ils attribuent par exemple aux femmes la

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maîtrise des plantes piri-piri avec lesquelles elles peuvent influencer les sentiments et les intentions des hommes en les rendant amoureux ou dociles. En lisant certains récits de femmes kakataibo sur l’époque du caoutchouc recueillis par Abner Montalvo Vidal dans les années 1950, j’ai été surprise par la confusion pour le moins déconcertante entre les atrocités de la guerre (assassinats, rapts, viols) et les plaisirs sexuels. Une des narratrices raconte : Los mozos me llevaron a la playa y detrás de los cañaverales me tendieron en el suelo y « me chutaron15 ». Así hicieron varias veces durante los siguientes días. Ellos me querían y yo también llegué a quererlos. A mí me gustó mucho. Por eso los días siguientes iba con ellos sin ser amarrada. Todos los días « me chutaban ». Mi marido y mis paisanos me decían: « No hagas con ellos, porque tienen un pene muy largo y que me harán daño, pero a mí me gustaba mucho y así se los dije. » (Montalvo Vidal 2010, p. 76) Dans le contexte contemporain, plusieurs ethnographies évoquent les relations sexuelles que les élèves indigènes entretiennent avec les enseignants métis (notamment Rival 2002 ; High 2006). Bien que ces rapports soient généralement condamnés dans les discours que les Amérindiens ont l’habitude de tenir face à un ethnologue, cela ne change en rien le fait qu’ils existent et que le sexe est l’un des ressorts tout à fait usuel par lequel les femmes indigènes interagissent avec les étrangers, et ce depuis fort longtemps. Il est évidemment possible d’inscrire ces rapports dans la problématique plus large de la colonisation et de la domination que la société nationale exerce sur les peuples indigènes, mais cette approche n’épuise pas tous les aspects de ce type de rapports. Foucault a insisté tout au long de son travail sur le lien intime entre la sexualité et le pouvoir mais c’est Butler qui a constaté que « le pouvoir est une dimension très excitante de la sexualité » (Fassin et Feher 2003, p. 46) en ramenant cette question vers une sphère nouvelle et sans doute moins explorée en anthropologie (voir cependant Kulick 1998). Cette dimension s’illustre au regard des nombreux mariages entre les femmes kakataibo et les hommes métis. En plus du fait que la majorité de mes interlocuteurs s’accordent à dire que les femmes indigènes ont des rapports sexuels avec les hommes métis car ils sont capables de travailler plus que les autres, gagnent beaucoup d’argent et peuvent leur acheter les choses qui leur plaisent, certaines femmes kakataibo ont également évoqué le fait que les Métis sont de meilleurs amants car plus « affectueux » (esp. cariñosos) que les hommes indigènes. C’est donc leurs comportements érotiques ainsi que leur richesse matérielle qui rendent les Métis séduisants et désirables.

24 La séduction est un schème relationnel privilégié par les Amérindiens pour interagir avec les autres, aussi bien humains que non-humains (voir par exemple Yvinec 2005 ; Keifenheim 2002 ; Taylor 2000 ; Lagrou 1998 ; Rubenstein 2004). Elle constitue souvent une étape préliminaire au rapport de prédation. Les techniques d’attraction sont très nombreuses en Amazonie néanmoins celle qui me semble intéressante pour le propos de cet article est l’imitation. Celle-ci peut être visuelle et/ou sonore, l’objectif de l’agent étant de tromper l’autre en lui faisant prendre pour vrai ce qui est illusoire. Il s’agit d’une tactique très répandue parmi les chasseurs qui séduisent leurs proies non seulement grâce aux odeurs mais aussi avec les chants en imitant la voix du gibier pour l’attirer à soi. Lors de mon travail de terrain, j’ai été mise en garde à plusieurs reprises contre les mauvais esprits ñushin qui attaquent les humains solitaires. Une des ruses qu’ils utilisent pour séduire leur victime est de se présenter devant elle sous l’apparence d’une personne qui lui est familière et chère. « Un jour tu vas voir ton mari. Tu penseras que c’est ton mari, mais ce ne sera pas ton mari. Il te dira : “viens, on va se

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promener à la chacra16”. Tu le suivras et là, quand vous serez très loin, il te laissera et tu ne sauras pas comment revenir, et tu pourrais mourir » – m’a prévenue une jeune femme kakataibo. Le séducteur est avant tout un trickster se faisant passer pour quelqu’un d’autre. Son pouvoir consiste à contrôler l’expérience perceptive d’une personne par le biais d’images familières. En étudiant les pratiques de chasse chez les Yukaghir en Sibérie, Rane Willerslev a constaté : […] the success of the seducer rests on his ability to create an image of the seduced – which, however, is not an exact image of how his victim experiences herself, but rather an ideal representation, a fantasy image of what she could become. (2007, p. 101) Dans la première partie de cet article, ont été évoqués les efforts entrepris conjointement par les professeurs métis et les jeunes filles kakataibo pour préparer ce spectacle mimétique et mettre en scène un modèle de la femme conforme aux fantasmes, aux normes et aux valeurs nationales, un modèle pensé comme spécifiquement attirant pour les Métis. La dimension initiatique de cet événement me semble très importante. Une fois le concours terminé, commence le bal qui durera jusqu’à l’aube. Les jeunes filles gardent leur tenue de gala qui les différencie ostensiblement des autres femmes présentes dans le village en leur conférant un statut particulier. Il est inutile de préciser que ce sont les candidates du concours qui attirent l’attention des jeunes hommes, aussi bien indigènes que métis. Ils font la queue pour pouvoir les inviter à danser ou se prendre en photo avec elles. Puisque seules les filles pubères en passe de terminer l’école secondaire et bientôt prêtes à se marier peuvent participer au concours, celui-ci devient une excellente occasion de présenter aux alliés, métis et indigènes, les futures candidates au mariage et d’attirer des hommes étrangers dans la communauté. Ainsi l’un des effets de l’incorporation par les candidates d’un modèle de femme converti en objet de désir pour les Métis est de les rendre elles- mêmes désirables à leurs yeux.

25 Si par le passé le mariage préféré était celui contracté entre des cousins croisés, aujourd’hui les Kakataibo les distinguent de moins en moins des cousins parallèles. Les uns comme les autres sont désormais désignés par le même terme espagnol « primo » et le mariage avec ces derniers est souvent perçu comme incestueux. Comme l’a constaté une jeune femme kakataibo : « On doit aller à la ville trouver un mari car ici nous sommes tous cousins et cousines ! » Le mariage autrefois prescrit risque dorénavant de provoquer un grand émoi. Pendant mon travail de terrain, j’ai eu l’opportunité d’observer les péripéties d’un jeune couple (des cousins croisés au deuxième degré) dont l’alliance a été dès le départ très mal vue par les parents du jeune homme. Sa mère m’a expliqué que la jeune fille était une parente trop proche de son fils et que le risque était trop grand de voir les familles se disputer : Je préfère que mes fils se marient avec des femmes d’ailleurs. Après le mariage, les jeunes s’ennuient rapidement ensemble, ils commencent à se disputer, à s’insulter. Toute la famille commence à se disputer. Je ne veux pas que mes fils se marient avec des paisanas17, pour que les familles ne souffrent pas.

26 L’exogamie locale est posée ici comme une garantie de l’ordre social. Bien que les tensions et les disputes permanentes au sein de la communauté préservent les divisions et l’autonomie des unités co-résidentielles qui la composent, il paraît aujourd’hui plus facile de chercher les affins à l’extérieur pour pouvoir les incorporer ensuite au village. Dès lors les intermariages avec les Métis ne doivent pas être considérés comme le signe d’un abandon des anciens principes de l’organisation sociale mais au contraire comme un moyen permettant de perpétuer l’organisation dualiste « traditionnelle » et

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l’uxorilocalité dans une forme plus radicale. Les fêtes annuelles kakataibo et les concours de beauté permettent de réactualiser les contacts avec les Métis et de les attirer vers la communauté. Précisons toutefois que les grandes fêtes amérindiennes ont toujours été l’occasion de contracter des mariages. Ce sont les gendres qui ont changé, du moins en partie, et avec eux les codes du divertissement et de la séduction.

Savoir, beauté et corps : produire les personnes en Amazonie

27 Prétendre que l’unique enjeu de la performance des candidates au titre de reine est de séduire les hommes métis pour en faire leurs maris est évidemment inexact. En revanche il est possible d’inscrire le concours dans le plus vaste projet des professeurs métis visant l’intégration des groupes amérindiens au reste de la société péruvienne en les transformant en citoyens « civilisés et modernes ». Le concours de beauté permet notamment de rendre publiquement visibles ces processus de transformation qui ont actuellement lieu dans les communautés natives. La figure du « professionnel18 » (esp. profesional) est emblématique de ce qui pourrait être vu comme une nouvelle forme de subjectivité. Du point de vue des Kakataibo, l’école constitue un lieu qui devrait donner accès à leurs enfants à l’univers fantasmé des professionnels salariés, idéal lié à l’abondance et au prestige. L’accès à ce statut se fait par l’incorporation, pendant de longues années, de savoirs et de conduites enseignés par les professeurs étrangers. En étudiant le mouvement des mosquées de femmes au Caire, Saba Mahmood (2005) constate que c’est par la réitération de diverses pratiques corporelles, comme le port du voile, qu’est produit un « soi pieux ». Dans cette logique le voile n’est pas un signe identitaire transmettant un message aux autres mais un instrument qui sert à produire une disposition intérieure à la piété. De manière analogue l’exercice mimétique qu’illustre le concours de beauté kakataibo est non seulement une façon d’explorer l’altérité sur un mode ludique, mais il pourrait également être considéré comme un apprentissage corporel des différentes pratiques (la prise de parole en public, le respect de codes vestimentaires spécifiques, l’attitude osée, les soins corporels) qui produisent in fine des sujets « modernes ». Cette intégration résulterait également de l’emprise des professeurs étrangers, des infirmiers et des médecins sur les corps des adolescentes indigènes, notamment par le biais des nouvelles règles d’hygiène, d’alimentation et de contraception, ainsi qu’à la disposition des filles à se laisser affecter. Comment ce projet s’articule-t-il avec les conceptions amérindiennes du corps et plus généralement de la personne ?

28 Le thème de la corporéité est désormais classique en anthropologie amazoniste. Plutôt que d’être considéré comme une donnée biologique, le corps est pensé comme le résultat des interactions que la personne entretient avec les autres et, ainsi que le suggère Viveiros de Castro (1996, p. 478), comme un assemblage de savoirs, d’affects et de dispositions constituant l’habitus. La fabrication sociale du corps peut prendre des formes très diverses : par le biais de pratiques rituelles mais également au quotidien à travers les rapports de commensalité ou les soins que les parents apportent à leurs enfants. « Le corps humain est la chose la plus valorisée dans cet univers [amérindien] parce qu’il matérialise la sociabilité » (Taylor et Viveiros de Castro 2006, p. 149). De ce fait sa beauté ne peut être jugée sans considérer cette dimension relationnelle. Ce constat est particulièrement intéressant en ce qui concerne le concours de reine

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kakataibo dans lequel s’entremêlent non seulement deux conceptions de la beauté mais plus généralement du corps.

29 Comme déjà évoqué, la minceur peut être un critère de sélection. De nombreuses jeunes filles amérindiennes vivant à proximité de la ville souhaitent être maigres (bëtsin), ce qui pousse certaines d’entre elles à avoir des comportements anorexiques. C’est le cas de l’ex-reine kakataibo. Étudiante en ville, elle a horrifié ses parents lors de sa visite dans la communauté en se forçant à vomir après le repas. La jeune fille a ouvertement avoué qu’elle ne pouvait plus manger comme sa famille indienne de peur de grossir. L’attitude de la jeune fille a préoccupé toute sa famille qui craignait qu’elle devienne très faible (ñusma) et tombe malade. Le refus de la jeune fille de manger avec ses parents était également angoissant pour d’autres raisons liées à l’importance du rapport nourricier dans la construction des liens de parenté. Malgré les apparences, l’attitude de la jeune fille n’a pas été interprétée comme relevant uniquement de sa volonté, ainsi que le suggèrent les explications de sa mère : « son estomac n’accepte plus notre nourriture ». Il s’agirait donc d’un changement plus profond qui s’est produit dans le corps de la fille, d’une altération due à un séjour prolongé parmi les Métis.

30 En opposition à l’idéal forgé par les adolescents, les Kakataibo plus âgés n’apprécient pas les corps maigres qu’ils associent généralement à la maladie et à l’altération des rapports sociaux. L’un d’entre eux m’a dit un jour : « Nos femmes s’appellent o xanu [femme tapir] ou ñoia xanu [femme pécari]19 parce que nous aimons les femmes grosses (xua) et fortes (kushi) comme ces animaux. » Les beaux corps sont les corps qui sans être obèses sont robustes, forts, capables de travailler, de produire des choses pouvant être partagées et par conséquent produire de belles relations avec les autres. Autrement dit, rien ne peut être beau chez une personne qui vit mal avec ses semblables. La fille élue reine est appelée en kakataibo « upira xanu », soit « la plus belle femme » (« -ra » est un intensificateur). Néanmoins le terme « upi » renvoie aussi bien à ce qui est beau qu’au bon et au correct. C’est ce modèle relationnel et processuel de la personne que l’on retrouve en Amazonie dans la mesure où la personne est indissociable des rapports qui la constituent.

31 Devenir une personne adulte kakataibo est conditionné par l’acquisition d’un savoir traditionnellement transmis par le biais des conseils. Les Kakataibo désignent cet apprentissage éthique par le verbe « ’ësë- » qu’ils traduisent habituellement par « conseiller ». Les prescriptions moralisantes ont pour but de produire de belles personnes, soit des personnes qui savent comment bien vivre avec leurs proches tout en étant heureuses (kuënkë). Il s’agit d’un dispositif puissant à travers lequel les Kakataibo construisent la parenté idéale. L’idée de produire des vraies personnes par la transmission d’un certain type de discours n’est pas récente chez les Kakataibo. Elle a constitué une partie essentielle de l’ancien rite de passage masculin « chanin bana ati » (« être réuni en parlant ») abandonné depuis plusieurs décennies. Tandis que les Kashinahua « cuisinaient » leurs enfants pendant le rituel Nixpo Pima pour en faire de vraies personnes (Lagrou 1998 ; McCallum 2001) et que les Matis, pour des raisons analogues, fouettaient et tatouaient les leurs (Erikson 2003, 2004), les Kakataibo attachaient plus d’attention à leur transmettre des prescriptions. Le contenu de ces enseignements, qui au premier abord paraît tout à fait prosaïque, résume les grands principes de la sociabilité kakataibo, largement partagés par les autres groupes amérindiens : éviter les disputes et la montée de la colère, respecter les parents et les

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grands-parents, partager la nourriture avec les proches, ne pas parler en mal des autres, ne pas être paresseux, travailler dans l’essart, etc. Les conseils prennent en général la forme de monologues nocturnes pendant lesquels les enfants interviennent très rarement. À dire vrai j’ai souvent eu l’impression que les destinataires des conseils étaient endormis, ce qui n’empêchait aucunement les grands-parents de continuer à parler. Dans ce cas, sans être entendus par ceux qui devraient les écouter, ces conseils deviennent une sorte de remémoration des prescriptions transmises par les aïeux. Ce qui n’est pas sans rappeler ce que Pierre Clastres (1974, p. 135) a écrit sur la parole « vide » du chef qui « n’est pas dite pour être écoutée » (ibid.). Cette interprétation du discours du chef a été critiquée par Peter Gow (1991, p. 227-228) qui a suggéré que l’existence même du groupe est le fruit de ce discours. Gow soutient que malgré sa banalité apparente, il permet au chef de rappeler aux membres de son groupe pourquoi ils doivent vivre ensemble. À une autre échelle, il est possible de dire que les conseils kakataibo produisent le groupe de parents en indiquant aux jeunes les conduites à adopter pour en faire partie. Et c’est en premier lieu cet engagement relationnel qui fait d’eux de belles personnes.

32 Les transformations sociales qui se sont produites récemment dans la vie des Kakataibo – la préférence pour les maisons nucléaires qui ont éloigné les grands-parents de leurs petits-enfants, l’apparition de l’école qui à son tour sépare les enfants de leurs parents pendant une grande partie de la journée, ou encore l’omniprésence de la radio diffusant sans arrêt des nouvelles locales et mondiales – ont évidemment bousculé le régime des savoirs traditionnels en modifiant le contexte de transmission des conseils. Néanmoins ces derniers restent complémentaires des connaissances transmises à l’école. Comme me l’a expliqué l’un de mes interlocuteurs kakataibo : « l’école permet de devenir moderne et professionnel, mais c’est grâce aux conseils que les jeunes savent comment vivre heureux ». Il est intéressant de souligner que dans les deux régimes, le savoir n’est pas genré au départ. Autrement dit les filles et les garçons, désignés jusqu’à la puberté par le même terme « tua » (enfant), reçoivent les mêmes conseils et fréquentent les mêmes cours à l’école. Tout change à l’âge de la puberté lorsque la construction des sujets genrés commence, l’école jouant à partir de ce moment un rôle fondamental dans cette formation.

École : apprendre à être hommes et femmes modernes

33 Le genre ne doit pas être ici compris en termes identitaires et essentialistes, mais comme un mode d’agir lié à des agentivités spécifiques (Strathern 1988). Selon Judith Butler : If gender is a kind of doing, an incessant activity performed, in part, without one’s knowing and without one’s willing, it is not for that reason automatic or mechanical. On the contrary, it is a practice of improvisation within a scene of constraint. Moreover, one does not « do » one’s gender alone. One is always « doing » with or for another. (2004, p. 42) Comment concrètement ce mécanisme produisant le masculin et le féminin normatifs est mis en place chez les Kakataibo ? L’école a contribué à forger un nouveau modèle de masculinité, en particulier en intégrant la pratique du football dans l’apprentissage scolaire20. Les enfants sont initiés au jeu en entrant à l’école primaire. L’entraînement ( « kwaiti unanti », littéralement « savoir jouer ») est perçu comme la transmission d’un savoir corporel particulier et est composé d’un ensemble de gestes appris depuis l’enfance de la même manière que l’écriture ou la lecture. Le statut de ces différents

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savoirs est comparable non seulement par la manière et les conditions dans lesquelles ils sont acquis, mais aussi par le caractère performatif que les Kakataibo leur attribuent dans les rapports avec les autres (Dziubinska 2013). Au-delà de cet aspect interrelationnel, le football constitue l’élément clé d’un nouveau modèle de virilité en Amazonie (Vianna 2008 ; Acuña Delgado 2010 ; Walker 2013 ; Dziubinska 2014a), mais plus encore il est une nouvelle manière d’être homme. Autrefois cet idéal était fondé sur l’exaltation des vertus guerrières et cynégétiques des jeunes hommes, mais désormais ce modèle tend à devenir obsolète, les jeunes kakataibo sachant sans doute mieux manipuler un ballon et un ordinateur qu’un arc ou un fusil. Bien que sur le plan technique les différences entre un joueur de football, un chasseur et un guerrier soient nombreuses, force est de constater que dans ces trois cas les hommes doivent faire preuve des mêmes vertus – force, habileté, rapidité et maîtrise de soi – qui s’acquièrent progressivement par la diète (sanan-)21 et surtout par la pratique. Le football sert de cadre reconnu et hautement valorisé pour exprimer et réaffirmer les valeurs liées à la masculinité globalisée. Non seulement il rend le corps plus fort et donc plus beau mais il permet aussi de gagner de l’argent par le biais des paris obligatoires et de démontrer sa supériorité face aux autres. Que se passe-t-il du côté féminin ?

34 Marina, une jeune enseignante kakataibo de Mariscal Cáceres m’a souvent parlé avec nostalgie du temps passé à accompagner ses professeures de l’école secondaire après les cours. « Je dormais souvent avec elles et elles me surveillaient tout le temps ! Pour que je fasse bien mes devoirs et surtout pour que je ne voie pas mes amoureux. Je devais toujours les rencontrer en cachette ! Dès qu’elles voyaient un garçon m’approcher, elles allaient directement le dire à mon père et là les problèmes commençaient… » – m’a-t-elle raconté amusée. Très souvent les professeures de la ville qui arrivent à la communauté ont peur de dormir seules dans les maisons qu’elles louent au village. Elles demandent régulièrement à leurs élèves préférées de les accompagner la nuit. De forts liens affectueux peuvent se nouer entre elles et se poursuivre longtemps après le départ des enseignantes. Dans le cas de Marina, ce sont ses professeures qui l’ont amené visiter Lima et Arequipa quand elle était adolescente et qui l’ont soutenue financièrement afin qu’elle puisse terminer ses études à Pucallpa. Cet exemple montre l’importance du rôle que les professeures métisses peuvent jouer dans la vie des jeunes filles indigènes, rôle qui dépasse largement les seuls cours.

35 L’apprentissage dispensé lors du concours de beauté n’est qu’un prolongement de la « formation » qui se fait au quotidien à l’école. Ce sont en effet les enseignantes métisses qui ont récemment introduit dans la communauté le catalogue de vente « Avon ». Il s’agit d’un répertoire d’objets jugés indispensables à la vie des femmes modernes et dans lequel, à côté de produits de beauté, sont présents des ustensiles de cuisine et des fournitures scolaires. Bien qu’elles en soient très friandes, toutes les femmes kakataibo ne peuvent pas se permettre de les acheter. Néanmoins le catalogue n’est pas, à mon sens, un simple outil de vente. Il remplit également une fonction didactique en se présentant comme une sorte de manuel. Lors de plusieurs soirées auxquelles j’ai assistées et qui réunissaient les jeunes filles de la communauté dans le patio d’une enseignante métisse, j’ai pu observer comment le catalogue était feuilleté et manipulé, comment il circulait de l’une à l’autre. Chacune admirait la beauté des objets et des modèles féminins, et planifiait de futurs achats tout en se projetant dans l’univers parfait que les photos du catalogue leur inspiraient. Cela dit, la transmission

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de la conception métisse de la manière dont une femme devrait être et paraître peut aussi parfois prendre une tournure plus acerbe.

36 Lors d’une nuit passée à l’hôpital de Pucallpa auprès d’une femme kakataibo et de son enfant malade visiblement dénutri, l’une des médecins venue voir l’enfant dit à la mère : […] l’enfant est malade et triste car sa maman ne prend pas soin de lui ni d’elle- même. Pour que l’enfant se sente bien, la maman doit prendre soin d’elle, elle doit bien manger, oui ou non ? Elle doit penser à se laver, à laver ses cheveux, à peigner ses cheveux, à mettre de jolis vêtements, oui ? Quand la maman a mauvaise allure, avec des cheveux gras [en touchant les cheveux de la femme], des cheveux qui tombent n’importe comment, l’enfant devient triste. Quand l’enfant voit sa maman belle, soignée et heureuse, il est bien aussi, le bébé devient heureux. Cette pression extérieure sur l’apparence des femmes indigènes a un impact d’autant plus important sur leurs conduites qu’elle est exercée par des personnes qui ont un statut élevé (professeurs, médecins) et qui de ce fait jouissent d’une certaine autorité. Dans sa thèse de doctorat, Jamie Shenton (2014) décrit une expérience réalisée avec quelques femmes kichwa d’Amazonie équatorienne. L’expérience consistait à leur présenter plusieurs photos de stars hollywoodiennes en leur demandant si elles voudraient être comme elles. Ce qui me semble particulièrement intéressant dans cet exercice est l’argument mis en avant par les femmes adultes qui ont répondu positivement à l’anthropologue. Ce qui leur a plu le plus chez ces actrices, c’est que ces femmes avaient fait des études et pouvaient à présent assurer l’éducation de leurs enfants (ibid., p. 147). Ces vignettes ethnographiques laissent entrevoir une conception de la beauté où le paraître n’est pas une simple qualité ou attitude mais une forme d’agentivité. Les soins corporels font partie des « techniques de soi » à travers lesquelles l’individu se transforme, seul ou aidé par les autres, afin d’atteindre un autre statut, le bonheur, la perfection, etc. (Foucault dans Martin 1998, p. 18). Dans le cas qui nous intéresse ici, l’objectif est de devenir une professionnelle salariée. Remarquons toutefois que ce n’est pas l’autonomie individuelle qui est alors mise en avant par les jeunes kakataibo aspirant à faire leurs études en ville, mais le désir d’être en mesure d’aider leur famille (enfants, parents, grands-parents).

37 Le concours de beauté ne fait qu’affirmer le lien étroit qui existe chez de nombreux groupes amérindiens ayant fait l’expérience du même système éducatif, entre la beauté et l’éducation. Mais ce n’est pas la seule chose que crée le concours. Il ne produit pas uniquement le rêve d’être professionnelle, mais il est susceptible de produire les professionnelles elles-mêmes. En effet la candidate élue reine obtient non seulement une couronne qu’elle garde chez elle une année durant, mais elle gagne surtout une aide financière qui devrait lui permettre de s’installer en ville pour y continuer ses études. Devenir reine offre donc une opportunité à la jeune fille de devenir cette femme mise en scène lors du concours de beauté et, pour cette raison, il pourrait être considéré comme une source d’empowerment pour les femmes indigènes. En quoi pourrait consister l’empowerment au féminin du point de vue des Kakataibo ? Les propos de Belinda, 26 ans, mère de deux filles, avec laquelle j’ai pu m’entretenir à de nombreuses reprises, l’expliquent particulièrement bien : Mon mari voulait avoir beaucoup d’enfants, il voulait en avoir cinq ! Mais je lui ai dit dès le départ : « n’imagine pas que tu me rempliras d’enfants (no te imagines que me vas a llenar de hijos), que tu vas aller par ici par là et que je resterai avec mes enfants à la maison, en pensant, en souffrant ». Moi, Magda, j’ai ce truc de femme, moi j’aime la liberté, j’aime aller voir d’autres endroits, participer à des ateliers

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(talleres), travailler. Quoi, je ne saurais pas travailler, moi ? Une fois il m’a fait la crise de jalousie, mais rapidement je l’ai remis à sa place. Il doit accepter ça et si cela ne lui plaît pas : au revoir ! On ira par des chemins séparés.

Conclusion

38 Plutôt qu’une réelle compétition, le concours de beauté kakataibo est un jeu d’équipe entre les candidates, une expérience ludique et esthétique assez éprouvante qui concerne de plus en plus de filles amérindiennes arrivées à l’âge de la puberté. Symptomatique de l’intégration des groupes indigènes à la société nationale et de leur plus grande intimité avec l’espace urbain et les outils technologiques modernes, l’adoption du concours par les Amérindiens n’est pas une simple conséquence de l’acculturation. L’objectif de cet article était d’inscrire cet événement dans un contexte relationnel et politique plus large, en questionnant d’un côté la nature des rapports que les Kakataibo entretiennent avec d’autres Péruviens et, de l’autre, le statut que le groupe réserve aujourd’hui aux femmes.

39 Les études sur les rapports entre les Amérindiens et les Blancs mettent généralement en avant les concepts d’appropriation et de prédation. Bien qu’elles soient aussi présentes dans les rapports considérés ici, le concours de beauté permet de les regarder de manière différente et de mettre en lumière des aspects longtemps restés dans l’ombre. Grâce aux notions de séduction, de performance et de mimèsis, il est possible de saisir la dimension ludique de ces rapports, le plaisir que peut procurer le jeu consistant à être un autre et la satisfaction que les Kakataibo ressentent en réussissant à tromper l’autre en l’imitant. La séduction, tout en constituant une forme de pouvoir alternatif, laisse entrevoir simultanément la surenchère qui caractérise les rapports entre les Kakataibo et les Métis. Il ne s’agit pas seulement de séduire les jeunes hommes étrangers, les époux potentiels, mais aussi les hommes politiques d’Aguaytía et les villages voisins invités à festoyer. Ils viennent attirés par des intérêts personnels (femmes, terre, électorat) mais aussi par l’amusement que ces fêtes indigènes offrent en suivant les codes du divertissement métis. Or l’enjeu pour les Kakataibo n’est pas simplement d’imiter les fêtes de leurs voisins mais de les faire encore plus grandes, plus riches et plus bruyantes. Nous sommes ici plus dans une logique de la symétrie (Bateson 1977) que dans celle de la domination.

40 Il est encore tôt pour discerner l’impact durable que le concours de beauté peut avoir sur la vie des jeunes filles kakataibo. On peut toutefois d’ores et déjà affirmer qu’il s’inscrit pleinement dans un processus de « professionnalisation », aspiration largement partagée dans la communauté native. Au-delà des transformations corporelles qu’il entraîne, le concours permet à la reine de s’installer en ville, de continuer sa scolarité avec les Métis et d’expérimenter de nouveaux modes de sociabilité et de subjectivation. Cette expérience urbaine, souvent temporaire et parfois ratée, constitue une étape extrêmement importante dans la vie des adolescents amérindiens. Ils y puisent par la suite pour construire leur propre autobiographie.

41 Le concours de beauté constitue donc un bon point de départ pour réfléchir à la question du genre dans l’Amazonie contemporaine : d’une part au genre comme manière de paraître ou comme performance réalisée au quotidien par chaque individu pour se conformer au modèle de l’expérience féminine (et masculine) véhiculé par la société nationale, et d’autre part au genre comme système constitué des différentes

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institutions détentrices du pouvoir imposant ces modèles par le biais de diverses politiques du corps. L’ethnographie du concours de beauté fait ressortir non seulement la manière dont les Métis contribuent à forger ces modèles dans les villages kakataibo, mais aussi plus généralement l’ambiguïté et la pluralité des rôles qu’ils jouent à l’intérieur de la communauté native et dorénavant à l’intérieur du réseau de la parenté kakataibo. 22

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NOTES

1. Les données présentées dans cet article ont été recueillies dans les communautés Mariscal Cáceres et Yamino où j’ai séjourné pendant 14 mois entre 2009 et 2016. Mes enquêtes de terrain ont été financées par des bourses du Legs Lelong. 2. La communauté native est une entité territoriale et politique mise en place au Pérou au début des années 1970 par le gouvernement révolutionnaire de Juan Velasco Alvarado. Ce dernier a préconisé une politique en faveur des indigènes exploités, dont l’action essentielle a été la titularisation des territoires indigènes. Les communautés natives ont été organisées selon le modèle des autres communes de paysans péruviens et sont donc dirigées par un chef, un agent du gouvernement et un agent municipal. Il existe sept villages kakataibo, officiellement reconnus comme comunidades nativas. 3. Au total j’ai assisté à cinq concours de beauté : trois kakataibo (en 2010, en 2012 et en 2016), un shipibo (en 2012) et un concours de Miss indigène à Aguaytía en 2016 dans lequel participaient les candidates kakataibo et shipibo de différentes communautés. 4. À noter que le lien étroit entre le concours de beauté et la politique n’est pas une particularité amérindienne mais américaine. Sarah Palin, troisième au concours de Miss Alaska en 1984, gouverneur de cet État entre 2006 et 2009 et candidate au poste de vice-président auprès de John McCain lors de l’élection présidentielle de 2008, est loin d’être un cas isolé. 5. Aussi connu dans les sources comme Cashibo-Cacataibo. Le terme pano « cashibo » signifie « chauve-souris », une allusion aux buveurs de sang et donc à l’anthropophagie. Ce nom insultant fut attribué aux Kakataibo par leurs ennemis Shipibo-Conibo et est aujourd’hui complètement abandonné par les Kakataibo. 6. Le terme « no » correspond à la catégorie « nawa » qu’on rencontre ailleurs chez les groupes pano. Voir à ce sujet Keifenheim 1990 ; Erikson 1996. 7. D’après Frank, dans les années 1980 les Kakataibo du fleuve Santa Marta appelaient les Blancs « bëtsi no », qu’on traduirait aujourd’hui par « autres Métis », mais qui signifie plus exactement « un autre type d’étrangers » (1990, p. 115). 8. Encore aujourd’hui certaines femmes shipibo portent une blouse composée de différentes pièces aux couleurs éclatantes (rakóti) et une jupe (chitónti) brodée de dessins géométriques (kené).

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9. Sur les rapports antagonistes entre les Kakataibo et les Shipibo, je renvoie le lecteur à ma thèse de doctorat (Dziubinska 2014a). 10. J’ai ailleurs décrit plus en détail les rapports entre le chef kakataibo et son groupe, et plus spécifiquement le rôle qu’il joue dans la fête annuelle (Dziubinska 2014b). 11. La mission a été fondée par les franciscains vers 1767 au bord du fleuve Sarayacu (Bas Ucayali) et comportait une majorité de Shetebo (groupe de langue pano qui a fusionné avec les Shipibo, un groupe voisin), ainsi que quelques familles shipibo, konibo, kashibo [kakataibo], omagua et kokama (Marcoy 1869). 12. Livingston Jennie, Paris is burning [film], 1991, 78 min. 13. Tana- signifie également goûter quelque chose, par exemple un aliment. 14. Il s’agit d’un genre musical et d’une danse répandus dans toute l’Amérique latine, particulièrement populaires au Pérou. La cumbia avec ses chansons romantiques rythme aujourd’hui toutes les grandes fêtes en Amazonie péruvienne. 15. Le terme d’origine pano « chuta- », qui désigne les rapports sexuels, fut incorporé à l’espagnol local, raison pour laquelle il est employé la plupart du temps dans sa forme hispanisée « chutear » y compris par les locuteurs pano. 16. Proposition à très nette connotation sexuelle. 17. Les Kakataibo emploient le terme espagnol « paisano » pour désigner d’autres Kakataibo. Ici il s’agit de Kakataibo du même village qui ont des liens de parenté, mais le terme peut aussi être employé pour qualifier des Kakataibo habitant sur les autres fleuves. La langue semble constituer le principal critère pour identifier une personne en tant que « paisano ». 18. Le « professionnel » n’est pas un simple salarié. Pour le devenir il est obligatoire de faire une formation de plusieurs années au sein d’une école supérieure, le prestige que ces études procurent étant proportionnel à la taille de la ville où elles sont réalisées. Une fois les études achevées avec succès, l’étudiant peut tenter de trouver un emploi au sein d’une institution publique. En général les professions d’enseignant et d’infirmière sont les plus prisées par les jeunes indigènes, mais force est de constater qu’il est encore rare qu’ils réussissent à terminer leurs études. 19. Il s’agit de noms propres exclusivement féminins. « O nami » (la viande/corps du tapir) constitue l’aliment préféré des Kakataibo et le terme est également utilisé par les hommes pour désigner le vagin des femmes. 20. Bien que les filles apprennent aussi à jouer au football à l’école primaire, elles arrêtent de le pratiquer à la puberté et n’y joueront plus qu’occasionnellement lors des fêtes. Pour une analyse plus détaillée sur la pratique genrée du football, voir Dziubinska 2014a. 21. Chaque joueur est obligé de respecter une diète qui comprend aussi bien des restrictions alimentaires (alcool, tabac, viande de tapir et de porc) qu’une prohibition des relations sexuelles. Ces dernières sont considérées comme particulièrement dangereuses pour un joueur dans la mesure où non seulement elles réduisent brutalement sa force et sa vitalité mais aussi font qu’il « ne pense plus au jeu ». 22. La version préliminaire de cet article a été présentée le 11 décembre 2015 lors de la journée d’étude « Les concours de beauté dans les Amériques indiennes : performance, glamour et patrimonialisation » que nous avons organisée avec Grégory Deshoullière au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative à l’université Paris Nanterre dans

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le cadre du projet ANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”. Mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui » (ANR-12-CULT-005). Je tiens à remercier les deux évaluateurs du Journal de la Société des américanistes pour leurs commentaires éclairants qui m’ont permis d’améliorer la version finale de ce texte.

RÉSUMÉS

À travers l’ethnographie des concours de beauté organisés dans une communauté native kakataibo (Amazonie péruvienne), cet article interroge d’un côté l’expérience du féminin que font aujourd’hui les jeunes filles kakataibo et de l’autre les rapports que le groupe entretient avec la population non-indigène de la région. Par contraste avec les concours de beauté organisés dans d’autres contextes autochtones, l’objectif du concours kakataibo n’est pas tant d’exposer et d’affirmer la différence culturelle ou ethnique que de mettre en scène la figure de la femme blanche transformée en objet de désir. Cette performance peut être analysée à partir de certaines transformations étroitement liées à la scolarisation, à la construction du genre et, plus généralement, aux nouvelles politiques du corps, qui se sont développées dans les villages amérindiens au cours des dernières décennies. En privilégiant une approche pragmatique et interactionniste, nous nous intéressons dans un premier temps aux aspects spectaculaires et mimétiques de l’événement (répétitions, costumes, chorégraphie) pour passer ensuite à l’analyse de la dimension performative de ce jeu singulier consistant à « être un autre ».

Through an ethnography of beauty contests organized in a Kakataibo Native Community (Peruvian Amazon), this article examines on the one hand the young Kakataibo women’s experience of femininity, and on the other hand, the relations of Kakataibo with the non- indigenous population of the region. In contrast to the beauty contests organized in other indigenous contexts which expose and affirm cultural difference or ethnicity, the Kakataibo version aims to stage the figure of the white woman transformed into an object of desire. This performance can be understood through the transformations that are taking place in Amerindian villages, and related closely to education, modes of gender construction and more generally to the new politics of the body. Privileging a pragmatic and interactionist approach, we initially focus on the spectacular and mimetic aspects of the event (training, costumes, choreography), and then proceed to examine the performative dimension of this specific play of being the Other.

A través de la etnografía del concurso de belleza organizado en una comunidad nativa kakataibo (Amazonia Peruana), este artículo cuestiona por un lado la experiencia de lo femenino que tienen hoy en día las jóvenes kakataibos, y por otro las relaciones que el grupo mantiene con la población no indígena de la región. A diferencia de los concursos de belleza organizados en otros contextos autóctonos, el objetivo del concurso kakataibo no es tanto de exponer y afirmar la diferencia cultural o étnica, sino más bien de poner en escena la figura de la mujer blanca transformada en objeto de deseo. Esta performance puede ser interpretada a partir de ciertas transformaciones estrechamente ligadas con la escolarización, la construcción del género y, más generalmente, con las nuevas políticas del cuerpo que han tenido lugar en las últimas décadas. Privilegiando un enfoque pragmático e interaccionista, se tratará en primer lugar de los aspectos espectacular y mimético del evento (ensayos, trajes, coreografía), para pasar luego al análisis de la dimensión performativa de este singular juego a ser otro.

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INDEX

Palabras claves : Amazonia, concurso de belleza, performance, mímesis, seducción, feminidad, genero Keywords : Amazon, beauty contests, performance, mimesis, seduction, femininity, gender Mots-clés : Amazonie, concours de beauté, performance, mimèsis, séduction, féminité, genre

AUTEUR

MAGDA HELENA DZIUBINSKA

LESC/EREA, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre CEDEX [[email protected]]

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A Miss Kayapó: ritual, espetáculo e beleza The Miss Kayapó: ritual, spectacle and beauty Miss Kayapó : rituel, spectacle et beauté

André Demarchi

NOTA DO EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2016, accepté pour publication en mars 2017.

Para Terence Turner (In memoriam)

Apresentação

É noite em Môjkarakô. Preparo a janta na cozinha da farmácia da aldeia onde estou hospedado, quando escuto a voz metálica do cacique Akjabôro saindo do « boca de ferro » (alto- falante). Ele faz um discurso habitual de despedida. Pede que tudo permaneça em paz na aldeia, pois amanhã está partindo para mais uma viagem à Brasília, para continuar a luta pelo seu povo mebêngôkre. Encerrado o discurso, o alto- falante toca o « Rebolation », o último sucesso musical do carnaval baiano, seguido de um vozerio de crianças. Acabo o jantar e sigo o som. Chego até a casa de Jàtire (filho do cacique velho Moté) que está repleta de crianças e jovens. Sou o

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único kuben (não indígena) ali. Bepdjá, o mestre de cerimônias, improvisa um corredor no centro do pequeno salão, à guisa de passarela, para que duas meninas de aproximadamente cinco anos desfilem ao som do funk que agora contagia o ambiente. As meninas andam na passarela rebolando e imitando o jeito das modelos vistas na programação televisiva. A cada parada delas, o público amontoado grita, aplaude, tira fotos com celulares e câmeras digitais. Num canto do salão o pai e a mãe de uma das meninas sorriem e acenam para ela, comentando e elogiando a performance. Depois do desfile, dois meninos mais velhos de aproximadamente sete e oito anos entram em cena dançando complexas combinações de passos de dança ao som de música eletrônica. Continuando a programação da noite, três meninas mekurerere (adolescentes) entram pela « passarela » rebolando e dançando os passos coreografados do ritmo tecnobrega tocado pela banda D’Javu, grande sucesso no norte e nordeste do país. Com os cabelos cortados à moda kayapó e trajando o tradicional vestido das mulheres mebêngôkre, elas se requebravam, subindo e descendo diante dos gritos dos meninos. Ao fim da apresentação das mekurerere, o local se transformou em salão de forró. Quando se apagou a luz, casais se formaram para dançar ao som dos ritmos paraenses « tecno-melody » e « pisadinha ». Do lado de fora da casa jovens flertavam no escuro. Dentro do salão, uma índia, mulher casada, me tirou para dançar. Sem graça, fitei seu marido, que concordou com um aceno de cabeça. Nhak-ê me disse algo no ouvido que eu não entendi por causa do alto volume do som. Ela repetiu e eu entendi apenas quatro palavras: mebêngôkre, metoro, nhipêjx, forró. Algo que poderia ser traduzido como « nós mebêngôkre também sabemos fazer festa de forró ». (Diário de campo1, setembro de 2010).

1 Esse trecho do meu diário de campo descreve uma breve cena da incessante produção cultural contemporânea do grupo indígena Mebêngôkre (Kayapó), localizado na floresta amazônica. Dentre os personagens que estão em cena nesse « forró mebêngôkre », merecem destaque as duas pequenas meninas que desfilam na passarela improvisada. Lembro-me que, embora já tivesse visto outros concursos de beleza, foi naquela noite que percebi a dimensão da importância destes eventos para os Mebêngôkre2 da aldeia Môjkarakô, afinal, estavam ensinando e incentivando suas

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crianças a desfilar como as candidatas do concurso de Miss Universo e as modelos das passarelas de moda.

2 Naquela noite de verão amazônico, percebi com clareza a oportunidade de pesquisar o processo de aquisição e performatização de uma cerimônia que passava a fazer parte do vasto corpus ritual mebêngôkre e por isso, talvez, de seu kukràdjà (patrimônio cultural3). O concurso de beleza Miss Kayapó, por mais exótico que possa parecer aos olhos « ocidentais », encontra um sentido de coerência com as concepções nativas de beleza e mimesis. Talvez seja por causa dessa estranha coerência que a ideia de fazer um concurso de beleza kayapó, vinda da Secretária de Educação do município de São Félix do Xingu, tenha sido aceita tão rapidamente e se espalhado por várias aldeias com a mesma velocidade.

3 Neste artigo, proponho uma etnografia desse concurso de beleza, considerando, antes de tudo, os processos próprios dos Mebêngôkre de produção ritual, de produção de beleza e de suas formas de apreciação, o que, como veremos, está relacionado com as formas mebêngôkre de fazer política intra e interétnica. Argumento, seguindo os trabalhos de Terence Turner, que a disputa do prêmio de Miss Kayapó envolve o poder de controlar, política e imageticamente, esse grande espetáculo interétnico. Como afirma Turner, a auto-representação dramática kaiapó, em contextos atuais de confrontação interétnica, dá continuidade às formas culturais tradicionais de representação mimética. É importante reconhecer esta continuidade para entender como a crescente objetivação da consciência que os kaiapó têm de sua cultura e identidade étnica, no contexto interétnico contemporâneo, não é meramente um efeito dos meios de comunicação ocidentais ou de influências culturais, mas se relaciona a fortes tradições culturais nativas de representação e objetivação mimética. (1993a, p. 99) Com essa citação quero dizer que me afasto das afirmações que diminuem a agência e o interesse dos Mebêngôkre em relação ao concurso de beleza. Ouvi, por exemplo, de um funcionário da Funai (Fundação Nacional do Índio), que « os índios só fazem esse concurso por causa da Secretaria de Educação ». Acredito que, para compreender esse complexo ritual interétnico, há que se ter uma visão menos passiva das motivações e da participação dos Mebêngôkre no processo. Afasto-me também de uma abordagem que entende esse fenômeno como hibridismo4 ou como colagens pós-modernas, embora todo o contexto dos concursos da Miss Kayapó possa parecer tema de certo « surrealismo etnográfico » (Clifford 1998). Seguindo Turner, acredito que a chave para entender o concurso de beleza está em reconhecer que « a autorrepresentação dramática kaiapó, em contextos atuais de confrontação interétnica, dá continuidade às formas culturais tradicionais de representação mimética ». Assim, sigo a hipótese de que no concurso de beleza ocorre uma incessante produção mebêngôkre de imagens belas e poderosas que capturam os espectadores indígenas e não indígenas, envolvendo-os na disputa e estabelecendo um perspicaz controle dos padrões e imagens de beleza apresentados durante o ritual e em suas várias edições.

4 Os dados etnográficos apresentados neste artigo advêm de uma sequência de concursos de beleza da Miss Kayapó ocorridos nos anos de 2009, 2010, 2011, 2012 e 2013, como parte da programação da festa do dia do índio, realizada no mês de abril, na cidade de São Félix do Xingu. Esse aspecto cronológico não deve esconder, contudo, a natureza fragmentária desses dados. Presenciei somente o concurso de 2010 sem, contudo, estar pesquisando diretamente este tema. Em 2011 e 2013, o concurso foi fotografado e

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gravado em vídeo por cinegrafistas kayapó5, o que me permitiu ter acesso a esse material fílmico. Quando retornei ao campo, em abril de 2012, com o objetivo principal de acompanhar o concurso, ele não ocorreu6. Contudo, como o cancelamento do evento gerou alguma repercussão entre as aldeias participantes, considero o concurso de 2012, mesmo que ele não tenha ocorrido. Busquei preencher essas lacunas com dados etnográficos coletados na aldeia Môjkarakô7, tanto sobre a preparação de uma das candidatas que iria concorrer como representante da aldeia na cidade, quanto sobre o que denomino as « prévias do concurso »: momentos em que garotas de uma determinada aldeia disputam internamente o direito de representar essa aldeia no concurso que se realizará na cidade.

Os Mebêngôkre e seu contexto relacional

5 Falantes de uma língua do tronco linguístico Jê, os Mebêngôkre habitam territórios ao sul do estado do Pará e ao norte do estado do Mato Grosso8. Estão divididos em diversas aldeias que se por um lado constituem universos políticos relativamente autônomos (Turner 1992; Gordon 2006), por outro estão conectadas por extensas redes de relações. Como afirma Gordon, existem entre as aldeias « profundas conexões de todas as ordens que indicam a necessidade de pensá-las não isoladamente, porém compondo um regime relacional mebêngôkre » (2006, p. 40).

6 Tomados em conjunto, os Mebêngôkre somam quase dez mil indivíduos. É difícil precisar a quantidade de aldeias existentes atualmente devido à contínua dinâmica faccionária mebêngôkre que leva a também contínuas cisões entre aldeias. No mapa que se segue (ver Figura 1) apresentam-se as aldeias localizadas ao sul do estado do Pará, bem como as cidades presentes no entorno da Terra Indígena Kayapó, dando destaque para a aldeia Môjkarakô.

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Fig. 1 – Mapa com a localização das aldeias do sul do estado do Pará e das cidades do entorno da Terra Indígena Kayapó (Robert et al. 2012, p. 343).

7 Para compreender o concurso da Miss Kayapó deve-se ter em mente que as relações existentes entre as aldeias mebêngôkre são marcadas por rivalidades mútuas, muitas vezes decorrentes dos processos de cisão característicos desse povo. Assim, é preciso lembrar que as fissões intergrupais ocorreram, historicamente, com a concomitante deflagração de guerra entre grupos que outrora habitavam uma mesma aldeia. O concurso de beleza, bem como a própria festa do dia do índio, apontam para uma transformação nas relações de rivalidade entre as aldeias9. Se « no tempo dos antigos » o processo de cisão redundava necessariamente em guerra (Verswijver 1992; Turner 1991; Gordon 2006; Cohn 2005), agora ele é feito por outros meios: performáticos, imagéticos, estéticos. Ao invés do enfrentamento bélico como recurso para aquisição de glória e para demonstração de beligerância e bravura (Verswijver 1992; Gordon 2006), os modernos Mebêngôkre se enfrentam em eventos culturais, competições esportivas, associações indígenas10 e concursos de beleza.

8 Assim, o concurso da Miss Kayapó é um evento de disputa política e simbólica intra e interétnico envolvendo, por um lado, as tensões e conflitos relativos ao processo histórico de cisões existentes entre os Mebêngôkre e, por outro, as relações históricas estabelecidas com os habitantes da cidade de São Félix do Xingu. O fato de que apenas indígenas dessa etnia participem tanto do concurso quanto da festa do dia do índio expõe a amplitude das relações interétnicas constituídas pelos grupos mebêngôkre do sul do Pará com os habitantes da cidade e os políticos locais, o que se nota na própria história da festa e do concurso, ambos os eventos sendo mediados por autoridades locais.

9 As origens míticas da festa do dia do índio11 remontam, assim, à violenta história de contato entre os diversos subgrupos Mebêngôkre e os moradores do vilarejo outrora

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chamado, em fins do século XIX, de São Félix da Bôca do Rio (Nimuendaju 1952; Turner 1993b; Verswijver 1992). Conta-se na cidade que os ataques mútuos e as escaramuças entre moradores e indígenas perduraram durante praticamente todo o século XX, até que, na década de 1980, um prefeito decidiu fazer uma festa para os Kayapó, em um ato de diplomacia. E não haveria melhor forma de fazer diplomacia, senão por meio de uma festa paga pelo prefeito.

10 Aqui é preciso lembrar, com Terence Turner, que a política mebêngôkre, tal como realizada a partir da pacificação de « índios » e « brancos », é uma política interétnica, cujo cerne está « na habilidade dos líderes kayapó […] [em] obter presentes e concessões políticas da sociedade envolvente externa » (Turner 1992, p. 334).

11 A festa continua sendo uma concessão política, eivada de presentes. A contar por suas últimas edições, ela pode ser considerada um grande evento, pois recebe na cidade aproximadamente dois mil indígenas. Toda a estrutura de transporte, alimentação e alojamento de cada uma das dez aldeias12 participantes é paga pela prefeitura. Durante os quatro dias de festa, a cidade recebe turistas vindos de longe, bem como equipes de reportagem dos principais jornais do estado do Pará e de algumas redes nacionais de televisão, além de visitas de autoridades políticas, como deputados, senadores e governadores. Todos estão ali por causa dos índios. E isso demonstra a clara consciência que os Mebêngôkre têm do impacto de sua presença na cidade e dos ganhos políticos que ela produz no contexto local.

12 Não por acaso, desde 2009, o concurso de beleza é a principal atração noturna da festa, assistido por uma vasta plateia de indígenas e não indígenas e por um corpo de jurados. O concurso foi proposto aos indígenas de diversas aldeias por Viviane Cunha, então secretária de educação do município, como parte da programação da festa do dia do índio. Em entrevista, a secretária afirmou que se inspirou nos concursos de beleza « ocidentais » como Miss Universo, com o intuito de dar visibilidade à « beleza kayapó » 13. Sua proposta teve imediata adesão das lideranças indígenas, um posicionamento que, como veremos, se transformou com o decorrer dos concursos.

13 Para vencer o concurso, como de praxe entre os Mebêngôkre, é necessário um longo processo de preparação da candidata; é preciso produzir e aperfeiçoar as técnicas corporais (Mauss 2004) e a tecnologia do encantamento (Gell 2005) que serão postas em prática durante o concurso. É desse processo corporal que falo agora.

A preparação de uma candidata a Miss

14 Antes de tudo é preciso destacar que não são quaisquer mulheres que podem ser candidatas a Miss Kayapó. Existem restrições muito específicas a respeito daquelas que disputarão o concurso. Em primeiro lugar, elas devem ser mekurerere, isto é, moças púberes e pós-púberes, que ainda não possuem filhos. Mas a escolha da candidata parece não estar vinculada apenas a uma questão de idade. Trata-se, sobretudo, de uma questão de beleza14. Como alguns autores já registraram (Vidal 1977; Gordon 2006), as mekurerere, assim como os menoronure (sua contraparte masculina), « são a epítome do corpo mebêngôkre », o ápice da beleza kayapó, « a mais perfeita tradução corporal, a forma mais plena de um corpo humano » (Gordon 2006, p. 321). Elas são o auge do processo de corporificação, e por isso são consideradas bonitas, atraentes e sexualmente desejáveis.

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15 Como se sabe, entre os ameríndios não existe automatismo biológico ou natural (Viveiros de Castro 2002). Corpos são produtos de ações de pessoas e a beleza nada mais é que o resultado da fabricação corporal da pessoa (Viveiros de Castro 1979), não sendo considerada inata. Não existe a possibilidade, para os Kayapó, de uma pessoa nascer bonita. Antes, ela é feita bela por meio de uma série de ações que se iniciam antes mesmo de seu nascimento e se prolongam por diversas fases da vida (Vidal 1992; Demarchi 2013). Gordon (2006, p. 320), qualifica esse processo como um movimento de constituição e desconstituição corporal, segundo o qual « a primeira fase da vida de uma pessoa é aquela em que, a partir de um estágio informe, ela vai ganhando um corpo, e literalmente encorpando ». Simultaneamente a este processo de corporificação, ocorre o processo de endurecimento corporal, que não é coetâneo ao anterior. Assim, se as mekurerere e os menoronure são a epítome da beleza corporal, isso não quer dizer que seus corpos estejam plenamente (ma)duros. […] Se eles, de um lado, são o ápice do ideal de corpo, de outro, ainda não atingiram a maturidade e a dureza necessárias para estabelecer e operar diversos tipos de relação e ação, sobretudo quando essas relações envolvem possíveis contatos com agências não mebêngôkre (animais, espíritos, inimigos). Já os mekrare, adultos com filhos, são mais maduros e capazes dessas operações, porém não mais estão no auge corporal. (Gordon 2006, p. 321)

16 Certa vez, em uma conversa na casa dos homens, Bepunu me explicou que as mekurerere são consideradas belas porque seus corpos ainda não foram modificados pela gravidez, seu corpo expressa proporções e formas valorizadas socialmente15, seus seios são firmes e pequenos e não moles e grandes como os das mulheres mais velhas. Isso porque a gravidez e a produção de filhos podem ser entendidos como um processo de descorporificação, cujo auge é a velhice, quando homens e mulheres velhos já criaram muitos filhos e netos, e « foram como que se excorporando progressivamente ao longo da vida, fazendo filhos e transferindo sua substância aos filhos e aos netos » (Gordon 2006, p. 321).

17 É esse fato (não ter filhos) que faz de uma mekurerere uma possível candidata a miss. Tanto que no concurso ocorrido em 2010, a vencedora foi acusada por pessoas de outras aldeias de já estar grávida durante o desfile, não podendo, portanto, receber o título de miss naquelas condições, com seu corpo já alterado. A gravidez invalidava sua participação e, consequentemente, o título a ela concedido. Seguindo o mesmo princípio, em 2011, a candidata da aldeia Môjkarakô não pôde desfilar na cidade e teve de ser trocada às pressas depois que se descobriu que ela estava grávida.

18 Inicialmente suspeitei que outro critério para a escolha das candidatas pudesse estar relacionado ao fato de elas serem escolhidas entre aquelas mekurerere que já haviam sido homenageadas em determinado ritual de nominação16. Assim, suspeitava que somente as mekurerere honradas cerimonialmente, ou seja, consideradas pessoas belas (mereremejx) e cujos nomes tivessem sido confirmados nos rituais, é que poderiam ser escolhidas como candidatas. Essa suspeita foi desfeita por meus interlocutores, que disseram que qualquer mekurerere poderia se candidatar a miss, desde que fosse considerada bonita e não tivesse vergonha de se mostrar publicamente.

19 No que tange à beleza física, é preciso dizer que existe uma preocupação e uma apreciação constante dela no cotidiano da aldeia. Como entre os Xikrin, descritos por Gordon,

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aqui também os critérios da harmonia, simetria e proporção estão presentes. Preza- se a distribuição harmoniosa dos órgãos pelo corpo: membros superiores e inferiores não podem ser excessivamente curtos, tampouco longos demais. Observa- se atentamente as proporções corporais e, até mesmo, um jeito de caminhar ou mover-se pode ser considerado bonito ou feio, correto ou impróprio (mejx ou punure). (2009, p. 14)

20 Destaque-se a afirmação do autor a respeito da apreciação estética do jeito de caminhar, também de suma importância para a apreciação das candidatas a miss. Ele pode ser relacionada à desinibição17, o segundo critério definido pelos interlocutores indígenas como fundamental para que uma mekurerere se torne uma candidata a miss. Pois que os desfiles são momentos em que é justo o jeito de caminhar, não apenas corretamente, mas com desenvoltura, que está, também, sendo avaliado. A vergonha, ou a « falta de jeito », são avaliados negativamente; as candidatas devem se mostrar seguras no seu caminhar e, além disso, demonstrar alegria. Deve-se, enfim, seduzir18 a plateia, por meio não somente da beleza física, mas também da desenvoltura no caminhar, da desinibição, da demonstração de alegria.

21 Essas eram qualidades caras à Nhak’tyk19, a moça que havia ganhado o concurso na aldeia Môjkarakô, durante os Jogos Tradicionais20. Ali ela já havia mostrado sua graça ao sorrir para os jurados e para o público, diferentemente de suas concorrentes que pareciam estar com vergonha de desfilar. Nhak’tyk mostrava desenvoltura também no caminhar molejado e ritmado, concretizando em seu desfile um dos critérios anotados pelo júri, que dizia respeito ao « jeito » das candidatas. Pelo menos, foi com essa palavra que Bepdjá afirmou aos dois jurados não indígenas (a enfermeira da aldeia e um antropólogo), quando estes lhes perguntaram sobre como deveriam julgar as candidatas. « É para olhar o jeito delas », respondeu Bepdjá, sucintamente, em português.

22 No contexto dos discursos cerimoniais ouvi diversas vezes a palavra « jeito » como tradução de kukràdjà, a forma como os Mebêngôkre denominam « cultura ». Ao referir- se à aldeia Môjkarakô, um dos meus interlocutores traduziu o termo kukràdjà como o « jeito » de uma coletividade, como sendo aquilo que diferenciava Môjkarakô das demais aldeias, no sentido da produção de uma comunidade (Demarchi 2014). No caso da apreciação das candidatas a miss, o jeito, o kukràdjà de cada candidata, também as distingue umas das outras, mas ele o faz por outros princípios estéticos. Aqui, como em quaisquer rituais, o kukràdjà mostrado é também de outro, nesse caso, o das kubenire (mulheres não indígenas), aquelas que desfilam nos concursos de Miss Universo, ou nas passarelas de moda. É essa a ação mimética performada durante os concursos da Miss Kayapó. Mas os desfiles das candidatas não são pura imitação das formas de desfilar das kubenire: o jeito delas não se constitui somente disso. O desfile é, antes de tudo, uma interpretação pessoal desse « jeito » de caminhar característico das modelos ocidentais. Assim, o título de Miss não é concedido àquela menina kayapó que imita mais perfeitamente essa forma de andar, mas àquela que melhor personifica o desempenho dessa técnica corporal21.

23 Foi para apurar o seu « jeito » que Nhak’tyk passou a ter aulas de desfile com uma professora, justamente no período em que toda a aldeia se preparava ritualmente para a festa do dia do índio. Durante todo o mês de março e o início do mês de abril, a professora Ilda22 se encontrava com Nhak’tyk de noite, na escola da aldeia, para treinar o seu desfile a ser realizado na cidade. Em muitos desses ensaios, fui solicitado a colocar o som para que elas treinassem e pude assistir a algumas aulas.

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24 Os ensaios eram vedados a todas as pessoas da aldeia, estando somente professora e aluna (e às vezes eu) na sala de aula. Primeiro, Ilda solicitava, à guisa de aquecimento, que sua aluna desfilasse sem som e de olhos fechados, para que imaginasse seu desempenho. Outra parte da aula era dedicada somente às poses, ou ao que a professora denominava « paradinha ». Trata-se dos movimentos que Nhak’tyk iria fazer diante dos jurados e do público, depois de caminhar pela longa passarela montada na quadra da cidade. Esses movimentos eram treinados exaustivamente durante os ensaios. Segundo ouvi da professora, sua aluna deveria fazer « paradinhas » em três momentos de seu percurso: ao meio da passarela, ao fim dela, e mais uma vez ao início, diante dos jurados. Em todas as paradas ela deveria sorrir para o público e, na última, reverenciar os jurados com um leve movimento do corpo. Na passarela, a aluna não deveria simplesmente andar, mas caminhar com rebolado. A professora então executava o que julgava ser o caminhar correto para a aluna assistir e depois imitar. Quando o som era ligado, a professora incentivava sua pupila com afirmações do tipo: « muito bom », « rebola mais », « olha o sorriso », « agora, paradinha para o público », « os jurados estão te olhando », « lembra do molejo », « isso, agora é a paradinha final, sorriso para os jurados », « muito bom, muito bom, agora vamos fazer de novo ». E assim o ensaio se repetia por mais de uma hora.

25 O aprendizado desse kukràdjà (conhecimento), o desempenho pessoal de Nhak’tyk, seu jeito, e a eficácia dessa tecnologia do encantamento produzida durante o ensaio foram postos à prova alguns dias antes da partida para a cidade. A professora combinou com os chefes da comunidade uma apresentação a ser realizada na casa dos homens, para toda a aldeia. O som fora instalado e luzes iluminavam o local. Uma passarela foi improvisada com palha de babaçu. Por volta das sete da noite, para um grande público de crianças, jovens e adultos, Nhak’tyk, amparada pela professora, fez seu desfile arrancando salvas de palmas e gritos da plateia a cada « paradinha ». Ela estava pronta para desfilar na cidade (ver Figura 223).

Fig. 2 – Nhak’tyk desfila na cidade durante o concurso de beleza de 2010. Foto capturada da gravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2010).

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Sobre a evolução da indumentária ritual: da rainha à miss

26 Propositalmente, deixei para analisar em separado a composição da indumentária ritual das candidatas a miss, com suas combinações e relações entre conjuntos de enfeites e de elementos de vestuário como as calcinhas, e também com o corte de cabelo e os padrões de pintura corporal. Isso porque, e como não poderia deixar de ser, a indumentária ritual das candidatas é uma transformação de outros trajes rituais, mais propriamente daqueles vestidos pelas « rainhas ». A rainha, assim nomeada em português, é uma personagem ritual contemporânea que se faz presente nos encontros interculturais e políticos vivenciados pelos Mebêngôkre. As rainhas são responsáveis por recepcionar na aldeia os convidados ilustres que chegam de avião, transformando a pista de pouso em espaço ritual. Suas aparições têm a ver com a produção de uma grande e bela recepção para estes convidados, uma forma de envolvê-los no ritual, fazê- los participantes do estado emocional que o ritual mebêngôkre proporciona.

27 As rainhas são, assim, personagens que trazem à cena ritual certos estrangeiros de prestígio, por isso, para assim fazê-lo, elas devem portar a máxima beleza mebêngôkre, em termos de enfeites e da produção de sua indumentária, concretizados em uma abundância de enfeites de miçanga simetricamente sobrepostos ao corpo, sobre a pele pintada de jenipapo, tudo isso envolvido no grande arco de penas que conforma o diadema krokroti24 (ver Figura 3).

Fig. 3 – As rainhas à espera do diretor do Museu do Índio. Foto: André Demarchi (Aldeia Môjkarakô, Pará, Brasil, 2012).

28 A indumentária ritual das rainhas é similar àquelas usadas pelas meninas que estão sendo honradas em uma cerimônia de nominação. Digamos que não há somente uma relação de semelhança entre as roupas, mas também de contiguidade entre os personagens, pois as meninas honradas naquele contexto de nominação personificam o ápice da beleza mebêngôkre, concretizada pela transformação ritual. E não seria o caso

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de transfigurá-las para os contextos interétnicos, de fazer das meninas ritualmente belas aquelas que trazem as autoridades não indígenas para o ritual? As rainhas são, assim, a personificação da beleza mebêngôkre, dentro da aldeia, cuja eficácia está garantida na captura dos kuben (não indígenas) para a cena ritual, engajando-os emotivamente naquele contexto. Seguindo essa lógica, não é por acaso que as rainhas, diferentemente das candidatas a miss, são escolhidas dentre aquelas meninas que já foram honradas em um ritual de nominação, podendo ser mekurerere ou meninas mais novas, ainda crianças.

29 No primeiro concurso da Miss Kayapó, realizado em abril de 2009, as candidatas se vestiam como rainhas, ou, se preferirem, como garotas cujos nomes estão sendo confirmado nas cerimônias de nominação. Não presenciei esse primeiro desfile. O único registro que possuo do concurso são duas fotografias presentes no folder da festa de 2010 (ver Figura 4).

Fig. 4 – O concurso da Miss Kayapó em 2009 (folder da festa do dia do índio de 2010. São Félix do Xingu, 2010).

30 Na primeira foto observa-se em primeiro plano a candidata da aldeia Môjkarakô, reconhecível graças ao fato de a bandeira da aldeia25 estar tecida no pingente do colar. Não há dúvidas que sua indumentária é similar à das rainhas. Na segunda foto, nota-se um plano mais aberto, onde quatro candidatas desfilam no ginásio da cidade para um grande público. Como nota-se, somente a candidata de Môjkarakô porta o diadema krôkrôti. Fora esse elemento de destaque, intencionalmente inserido na indumentária, os demais adornos das diferentes candidatas são similares uns em relação aos outros, tendo a combinação de cores como elemento diferenciante.

31 Em fins de 2009, uma nova indumentária fora produzida para uma candidata e sua disseminação entre as aldeias deve-se ao circuito imagético existente atualmente entre as aldeias do sul do Pará e à posição privilegiada que a aldeia Môjkarakô ocupa neste circuito. O novo traje fora criado pelas mulheres da aldeia Kikretum durante as prévias do concurso de 2010, realizadas naquela aldeia. Os moradores de Kikretum realizaram o concurso durante a programação de uma reunião política sobre os territórios

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etnoeducacionais implementados pelo Ministério da Educação (MEC). Além de representantes do Ministério, estava presente na reunião Viviane Cunha, secretária de educação de São Félix do Xingu, e criadora do concurso da Miss Kayapó. Os moradores de Kikretum acharam por bem realizar o concurso naquele contexto para homenagear a secretária, apresentando as quatro candidatas da aldeia, para que ela e os demais convidados julgassem qual seria a representante da aldeia na cidade. Quando as candidatas entraram na passarela, uma delas se destacava das outras pela indumentária diferenciada. As pesadas tipoias trançadas de miçanga, item primordial das rainhas e das meninas honradas em cerimônias de nominação, haviam sido removidas, e seu corpo estava coberto apenas com a pintura corporal feita de tinta de jenipapo. Um único colar se destacava sobre o busto da candidata, tendo seus pingentes característicos alongados até a cintura. Por cima da calcinha colorida um cinto de miçangas fora meticulosamente amarrado. Outro elemento de destaque eram os longos brincos de miçanga que pendiam de suas orelhas. Braçadeiras, pulseiras, jarreteiras e tornozeleiras também de miçangas e de cores homogêneas completavam o traje da candidata. Perto das outras, que se vestiam como rainhas, seu traje era visivelmente minimalista. E, além disso, desfilava com desenvoltura, sorria para a plateia e para os jurados, fazendo « paradinhas » na frente deles. A secretária ficou visivelmente empolgada com o desfile da moça e ao fim do concurso ela foi decretada vencedora. Depois deste evento, as indumentárias das candidatas a miss não seriam mais as mesmas.

32 Todo este evento descrito acima foi filmado por Axuapé, um dos cinegrafistas de Môjkarakô, solicitado pelos chefes de Kikretum a trabalhar no registro audiovisual do encontro com as autoridades. Tão logo Axuapé retornou à aldeia Môjkarakô, as imagens foram exibidas para um grande público, na casa de Jàtire, o filho do cacique velho Moté. O resultado do visionamento das imagens do concurso realizado em Kikretum se fez notar, muito rapidamente, nas prévias realizadas em Môjkarakô, em janeiro de 2010.

33 Nesta ocasião, como que para testar o público e os jurados diante da novidade, o concurso fora organizado em duas partes. Na primeira etapa, as candidatas desfilaram com o traje das rainhas, similares àqueles exibidos na primeira versão do concurso na cidade. Na segunda parte, elas exibiam versões distintas da indumentária da vencedora do concurso de Kikretum que elas tinham visto na televisão.

34 Momentos antes de o desfile começar, Bepdjá, o organizador do concurso, convocara os jurados, em sua composição interétnica, ao palco, cujo chão estava coberto com uma lona azul, à guisa de passarela. Compunham o júri: os dois caciques da aldeia e o presidente de uma associação; uma enfermeira, e um antropólogo26. Os jurados tomaram assento na extremidade direita do palco, onde estava também o cinegrafista Bepunu, com sua inseparável câmera no tripé. Logo abaixo do palco várias pessoas da aldeia com suas máquinas digitais e celulares em punho esperavam o início do desfile. O clima era de grande expectativa.

35 Enquanto isso, a casa do cacique Akjabôro, atrás do palco, havia se transformado num salão de beleza mebêngôkre. Ali estavam as quatro meninas candidatas a miss, sendo produzidas e enfeitadas por suas mães, avós, tias e irmãs. Enquanto uma passava óleo de babaçu no cabelo de uma das meninas, as outras debatiam qual motivo iriam desenhar com urucu no rosto dela. Faziam isso e, ao mesmo tempo, enrolavam linha de algodão amarela nos antebraços, para depois dispor em camadas diversas tipoias de miçanga, com suas intermináveis voltas coloridas, colocadas em diagonal,

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transpassando e encobrindo os seios, para alcançar as coxas, sem cobrir por inteiro a calcinha. Nos braços e pernas foram dispostos pulseiras, braçadeiras e pesados braceletes de miçanga, enfeitados com penas de arara. O traje se encerrava com o grande diadema krokroti de penas de arara preso na cabeça por um fio de corda delicadamente escondido por uma tiara de miçanga amarela.

36 Lá fora, Bepdjá aumentara o som, e a música eletrônica, típica dos desfiles de moda, ecoou pela aldeia. Se colocando no centro do palco e com o microfone em punho, ele anunciou a primeira candidata. Ela subiu ao palco por uma escadinha com a ajuda de um dos jovens organizadores e iniciou sua performance totalmente paramentada da cabeça aos pés, portando o grande diadema nas costas, « vestida » com toda a riqueza mebêngôkre, como se estivesse saindo de um ritual de nominação. A garota andou até a frente do palco e parou fazendo pose com as mãos na cintura. Andou novamente na direção dos jurados para mais uma pose, fez a volta e dirigiu-se ao centro, virando-se para o público e para os jurados antes de sair do palco. Tanto a segunda a ser chamada para desfilar quantos as outras duas que viriam a seguir repetiram um percurso similar ao da primeira candidata. Se o percurso foi o mesmo, cada uma, contudo, impôs um « jeito » de desfilar diferente. Um desempenho específico e pessoal, imitando o caminhar das modelos profissionais na passarela dos desfiles de moda.

37 Depois que todas haviam saído, Bepdjá anunciou que elas voltariam uma vez mais. Atrás do palco, mulheres retiravam das meninas cada um dos bens cerimoniais que compunham sua indumentária. Permaneceram como enfeites apenas um colar de miçanga, além dos brincos e braçadeiras. Era assim, com o corpo totalmente pintado com grafismos e realçado pelo colorido da calcinha, que as meninas, uma a uma, faziam o mesmo trajeto, novamente desempenhando, cada uma a seu modo, o caminhar das modelos não indígenas, o kukràdjà apreendido das kubenire. Dessa vez, o público vibrava ainda mais a cada pose. A empolgação do público parecia ser inversamente proporcional à vergonha das meninas. Depois dos desfiles, elas foram chamadas ao palco uma vez mais para que desfilassem em conjunto. Haviam ensaiado essa apresentação, pois executavam movimentos coordenados no momento da pose, virando o corpo, sincronizadamente, ora para um lado, ora para o outro. Após essa última apresentação, as meninas desceram do palco. Era a hora de saber o resultado final.

38 Mas não era apenas a candidata que iria representar Môjkarakô no concurso da cidade que estava sendo escolhida naquele contexto. Também a indumentária que ela usaria na cidade estava sendo decidida. Pela animação do público e pelas notas dos jurados, ficou claro que na próxima festa do dia do índio Nhak’tyk seria a candidata de Môjkarakô, e que ela desfilaria como Miss e não como Rainha.

Sobre algumas formas cruzadas de apreciação

39 Antes de chegar ao concurso realizado na cidade, como grande atração da festa do dia do índio, permitam-me fazer um pequeno exercício argumentativo sobre as possíveis formas de apreciação estética mobilizadas pelos integrantes do júri do concurso na aldeia, quando as candidatas desfilaram, primeiro com o traje de rainhas e depois com aquele que se fixou como a forma de apresentação das misses. Utilizo nesse exercício as categorias de cultura e « cultura », tal como definidas por Carneiro da Cunha (2009), a primeira enquanto um esquema interiorizado particular a cada povo; e a segunda

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enquanto efeito da apropriação pelos povos nativos do conceito antropológico de cultura nos embates políticos e interétnicos contemporâneos.

40 Citando o crítico literário Lionel Trilling, Carneiro da Cunha formula « uma definição simples e prática de cultura sem aspas », como sendo […] um complexo unitário de pressupostos, modos de pensamento, hábitos e estilos que interagem entre si, conectados por caminhos secretos e explícitos com os arranjos práticos de uma sociedade, e que, por não aflorarem à consciência, não encontram resistência à sua influência sobre as mentes dos homens. (Trilling, s/d, apud Carneiro da Cunha 2009, p. 357)

41 Sobre a relação entre cultura e « cultura », a autora afirmara algumas páginas antes: Acredito firmemente na existência de esquemas interiorizados que organizam a percepção e a ação das pessoas e que garantem um certo grau de comunicação em grupos sociais, ou seja, algo no gênero do que se costuma chamar de cultura. Mas acredito igualmente que esta última não coincide com « cultura », e que existem disparidades significativas entre as duas. Isso não quer dizer que seus conteúdos necessariamente difiram, mas sim que não pertencem ao mesmo universo de significação, o que tem consequências consideráveis. (2009, p. 313)

42 São essas consequências que serão consideradas no exercício que se segue.

* * *

43 O fato de as meninas desfilarem na aldeia primeiro com os bens cerimoniais mebêngôkre e depois sem eles, com os corpos cobertos apenas com os grafismos, e de calcinha, decorre certamente da intenção de apresentar ao público e aos jurados duas possibilidades distintas de apreciação das candidatas. Nota-se, assim, a conformação de dois contextos diferentes de julgamento: um onde as meninas desfilam com o corpo enfeitado pelos bens cerimoniais, outro onde seus desempenhos são realizados com o corpo à mostra. O que há em comum aos dois contextos é o andar mimetizado das modelos profissionais, suas poses e seus rebolados.

44 Considerando a formação interétnica do júri – formado por dois não indígenas e três indígenas –, são acionados no momento da apreciação valores culturais diversos que conformam um interessante cruzamento de pontos de vista. Assim, no caso do primeiro desfile, do ponto de vista dos jurados mebêngôkre trata-se de avaliar a miss a partir de valores dados pela sua cultura, sem aspas, pois embora estejam diante de sua « cultura » (com aspas), não podem escapar da sua própria cultura na hora de julgar. Algo semelhante ocorre com os jurados não indígenas: a avaliação da « cultura » mebêngôkre é realizada segundo valores da sua cultura referentes às concepções de indianidade. No segundo desfile, outros elementos embasam o julgamento, pois a apreciação das garotas desliza dos bens cerimoniais para seu corpo e seu desempenho na passarela. Para os jurados não indígenas, não se trata mais de julgar a « cultura » mebêngôkre segundo os critérios ocidentais de indianidade e autenticidade, mas de escolher a miss, mobilizando suas concepções de beleza. Também neste contexto, a apreciação dos jurados mebêngôkre passa da apreciação dos bens cerimoniais para o julgamento do corpo, da pintura corporal sobreposta à pele e do caminhar das meninas segundo os padrões de beleza mebêngôkre.

45 No primeiro desfile, os jurados mebêngôkre olham para as meninas com olhos de mebêngôkre, julgam seu desempenho, e julgam também os bens cerimoniais e sua distribuição ordenada pelo corpo, não apenas no sentido de suas quantidades, mas

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também e, sobretudo, de suas qualidades: do material de que foram feitos, da habilidade das artistas que os fizeram, da disposição ordenada nas partes corretas do corpo. O julgamento desses aspectos só pode ser feito pelos Mebêngôkre, segundo sua cultura. Esta entendida como esquema interiorizado que organiza a percepção e a ação das pessoas e que garante « um certo grau de comunicação, em grupos sociais » (Carneiro da Cunha 2009: 313).

46 A apreciação dos jurados não indígenas, por sua vez, parece mostrar a outra lâmina da « faca de dois gumes » que é a « cultura », em sua versão com aspas, objetificada. Nos termos « marxistas » propostos por Carneiro da Cunha (2009, p. 313), trata-se, no primeiro desfile e do ponto de vista dos jurados mebêngôkre, de um julgamento segundo a « cultura em si ». Do ponto de vista dos jurados não indígenas, trata-se diferencialmente de um julgamento da « cultura para si ». Esta última é, justamente, a forma objetificada (patrimonializada) da cultura, o modo como os Kayapó escolheram exibi-la performaticamente diante do mundo. Como os não indígenas não têm elementos para julgar a miss a partir da cultura mebêngôkre, eles o fazem acionando as categorias de autenticidade, de « indianidade » que embasam nossa cultura quando se trata de apreciar índios e julgá-los, muitas vezes, como « verdadeiros » ou « falsos ».

47 Quando as meninas voltam ao palco sem os bens cerimoniais, surge um interessante encontro de perspectivas, onde outras ênfases são dadas. Pois agora, livres dos bens cerimoniais, a beleza física e o desempenho das candidatas tornam-se mais evidentes. Prestar-se-á muito mais atenção ao seu corpo, aos grafismos e à sua performance. Sugiro que os jurados não indígenas não têm outra opção senão a de julgarem a miss segundo sua concepção específica de beleza. Esta concepção, se possui, sem dúvida, um lado pessoal, possui certamente também outro lado, formado por um esquema interiorizado distinto daquele mobilizado pelos Mebêngôkre. Os jurados mebêngôkre mobilizam, por sua vez, os valores e princípios estéticos de sua própria cultura, que se são diferentes daqueles dos não indígenas, levam a um resultado similar: jurados, brancos e índios, deram, no concurso em questão, praticamente as mesmas notas para Nhak’tyk, a candidata que naquele contexto ficara em primeiro lugar.

48 Aqui, como já salientava Bateson (1972, p. 101), a graça, enquanto forma de expressão, « puede ser percibida por encima de las barreras culturales ». Pois que toda tecnologia do encantamento (Gell 2005) mobilizada na preparação da miss visa produzir, justamente, esse encontro de perspectivas, uma vez que é composto para ser executado em um contexto interétnico, para que públicos diversos possam apreciar as candidatas. A eficácia do desfile, tal como apropriado pelos Mebêngôkre, parece estar em fazer coincidir, em um mesmo corpo e em uma mesma performance, elementos que possibilitam julgamentos estéticos baseados em lógicas culturais distintas.27

49 Os concursos da Miss Kayapó evocam, neste sentido, a noção de condensação ritual, tal como formulada por Severi (2007) e segundo a qual sujeitos (mas também objetos) são eficazes por serem constituídos no contexto ritual formando figuras complexas, denominadas pelo autor como seres quiméricos. Seguindo Severi, Fausto (2008, p. 343) afirma que a fonte mesma da eficácia desses personagens está no fato de que nestes contextos contraintuitivos « elementos antagônicos condensam-se na forma de uma imagem ao mesmo tempo singular e múltipla ».

50 A meu ver, não existe forma melhor para caracterizar essa figura singular e múltipla que é a Miss Kayapó. Ela é de tal modo quimérica que consegue reunir em torno de si formas de apreciação culturalmente distintas que se cruzam, se somam e se tocam justo

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no contexto ritual do concurso. A beleza da miss, da forma como é produzida; seu jeito, do modo como é apreendido e treinado; sua graça, do jeito que é mostrada pelos sorrisos e paradinhas, visa à interculturalidade, visa à justaposição de pontos de vista e formas de julgamento distintas. Talvez, nesse sentido bem especifico, e para evocar um famoso debate no campo da antropologia da arte (Overing 1996), a estética possa ser pensada não como uma categoria, mas como uma forma de apresentação transcultural, como uma « indumentária quimérica » que captura olhares diversos.

51 Completando esse ciclo de pontos de vistas cruzados, poderíamos nos perguntar: como veriam os jurados kayapó certos elementos da cultura dos « brancos » sendo imitados por suas meninas? Não seria errado dizer que estariam julgando a « cultura » dos kuben, em sua forma objetificada pela performance da miss. Não seria, não fosse pelo fato de que a « cultura » kuben (não indígena), em seu estado performado pelas candidatas, passa a fazer parte da própria cultura mebêngôkre. Em outros termos, a cultura mebêngôkre, aquilo que denominam seu kukràdjà, seu « patrimônio cultural », parece ser a soma do que é a « cultura » (com aspas, objetificada) dos outros. Isto porque além de absorver elementos da cultura dos outros, os Mebêngôkre parecem ter uma predileção por aquilo que esses outros mostram ritualmente, suas formas objetivadas de beleza. Assim o fazem não apenas com os concursos de Miss Universo, onde as mais belas candidatas de todo o mundo mostram sua beleza em uma grande cerimônia pública e internacional, onde os padrões de beleza ocidentais são objetificados; mas o fazem também com outras formas expressivas dos não indígenas como os forrós e bailes de sábado à noite, vistos e apreendidos por diversas gerações nos mais variados contextos e épocas (Demarchi 2014); ou como o kwôre kangô, o já famoso ritual apreendido dos Juruna (Vidal 1977); ou mesmo como o são praticamente todos os seus rituais de nominação, apreendidos, segundo contam os mitos, de diversos seres animais e mitológicos (Lea 2012).

52 Não apenas apropriadas e apreendidas, estas formas expressivas precisam necessariamente ser performatizadas, tornadas visíveis durante os rituais, muitas vezes justo para aqueles de quem as copiaram. No caso do concurso da miss, e também de outros contextos rituais e interétnicos, como a própria festa do dia do índio, ou como as recepções às autoridades na aldeia, não se trata somente de uma demonstração ou simplesmente de « fazer festas bonitas para os brancos verem ». Trata-se de subordiná- los à própria lógica cerimonial (Guerreiro Júnior 2012), de colocá-los a serviço da máquina ritual mebêngôkre, produtora de beleza e diferença. Afinal, somente uma candidata será escolhida como a Miss Kayapó.

O concurso da miss e sua espetacularização

O espetáculo não é uma coleção de imagens; ao contrário, ele é uma relação social entre pessoas mediada por imagens. (Guy Debord 1997, p. 14)

53 Este tópico se destina a descrever e analisar algumas transformações percebidas na análise comparativa de uma sequência de concursos de beleza kayapó. Desde o primeiro, realizado em 2009, ao mais recente, realizado em 2013. Uma análise diacrônica, ao inserir um movimento temporal em seu escopo, permite acompanhar o processo de espetacularização do concurso da miss, e da própria festa do dia do índio,

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bem como a eficaz e consciente ação dos Mebêngôkre nesse processo, notadamente por meio de seus chefes. Estamos aqui diante de contextos rituais, cujo valor e beleza giram em torno da produção, apreciação e circulação de « indigenous body images » (Conklin 1997, p. 711) em redes interétnicas midiatizadas.

54 A indigenização da modernidade, como quer Sahlins (1997), ocorre nas diversas partes do globo em meio « a um mundo superpovoado por imagens » (Gonçalves 2011, p. 17), um mundo espetacularizado, se lembramos da definição original proposta por Guy Debord (1997). Como se lê na epígrafe, o espetáculo não se configura pelo simples acúmulo de imagens, mas por mediar relações sociais através delas conectando pessoas que exercitam a mediação imagética como uma nova forma de se apropriar do mundo ao redor, talvez se sobrepondo à oralidade como forma de conhecimento desse mundo (Gonçalves 2011).

55 Os próprios Mebêngôkre têm cada vez mais tecido relações por meio de imagens rituais, criando um amplo circuito imagético que percorre aldeias longínquas. Os trabalhos de Turner (1992, 1993) mostram que desde os anos de 1980 os Mebêngôkre têm se apropriado das máquinas e tecnologias de produção de imagens, colocando-as para funcionar em prol de uma concepção própria de visualidade e visibilidade tão cara à sua noção própria de cultura, às suas concepções de beleza e às suas formas rituais. Mas em um mundo superpovoado por imagens, quando elas podem ser infinitamente multiplicadas, copiadas, compartilhadas, poder-se-ia perguntar sobre como ocorre o controle indígena de suas próprias imagens em circulação? Por meio de que processos e estratégias políticas esse controle é exercido? Que mecanismos éticos e estéticos são acionados nestes contextos? Como se constitui, enfim, a espetacularização da indianidade, justamente em um contexto de indigenização da modernidade?

56 Essas questões podem aqui ser entendidas à luz das transformações operadas nas diferentes edições dos concursos de beleza, com sua crescente espetacularização. Para começar, retornemos ao ano de 2009, quando o desfile foi executado pela primeira vez.

* * *

57 As poucas informações que possuo desse primeiro concurso me inclinam a considerá-lo um experimento improvisado, um primeiro contato dos Mebêngôkre com a ideia de colocar a beleza de suas adolescentes (e de suas aldeias) em disputa no centro da cidade. Tão logo essa ideia foi sendo compreendida, disseminada e, mesmo, apropriada pelos Mebêngôkre, seu grau de espetacularização aumentou consideravelmente. Não que de início o concurso não tenha surgido já sendo filmado, gravado e visto por um grande público. No primeiro concurso, realizado em 2009 (e a confiar nas únicas fotos que temos desse evento), já está presente certo coeficiente de espetacularização. Nota-se um grande público presente no desfile e, por trás das candidatas, é possível ver um cinegrafista com sua câmera em punho (ver Figura 4).

58 Mas o grau de reprodução e circulação dessas imagens não alcançou, por exemplo, a rede mundial de computadores, como passou a ocorrer nos concursos posteriores. Faça o leitor o experimento de digitar as palavras « miss kayapó » no buscador de imagens do Google e ele verá imagens de diferentes edições do concurso, mas não de sua primeira edição. Esse baixo grau de dispersão dessas primeiras cenas do concurso é coerente com sua ainda incipiente espetacularização. E também com o aspecto ainda improvisado do evento: não havia, em 2009, as passarelas vermelhas presentes nas edições seguintes do

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concurso, adornadas com tochas de fogo, palmeiras e esculturas de frutas; e, além disso, só quatro candidatas participavam dessa primeira versão, representando as quatro aldeias, cujas delegações estavam presentes na festa do dia do índio daquele ano: Môjkarakô, Kikretum, Pykararãkre e Kôkraimôro.

59 Note-se ainda que no primeiro concurso todas as candidatas se vestiam como rainhas, sendo a representante de Môjkarakô, vencedora da edição de 2009, a única a usar o traje completo, com o grande diadema krokroti. A derrota no primeiro concurso parece ter motivado as mulheres de Kikretum a inventar uma nova indumentária a ser apresentada em 2010, posteriormente pela totalidade das candidatas. Assim, de 2009 para 2010, não somente a indumentária havia se transformado, mas também essa transformação impôs outra forma de julgamento, deslizando de uma apreciação dos diversos enfeites sobrepostos ao corpo, para as formas e volumes dele próprio, o corpo, bem como para o desempenho das candidatas, seu jeito e sua graça. Essa transformação certamente contribuiu para a crescente espetacularização do evento.

60 O concurso da Miss Kayapó realizado em 2010 representou um passo a mais nesse sentido. Agora ele vinha impresso nos fôlderes e cartazes distribuídos pela cidade como a atração principal do sábado à noite. A festa e o concurso foram divulgados nos meios de comunicação das cidades do sul do Pará. Repórteres, cinegrafistas e fotógrafos dessas agências ocupavam a quadra do ginásio, onde o desfile seria realizado. Ao centro da quadra, uma grande passarela fora montada com um longo tapete vermelho, adornado em suas bordas com luminárias de palha trançada. Em uma das extremidades da passarela, estava a tribuna de honras e, à frente dela, a bancada dos jurados. Na outra extremidade estavam posicionados os fotógrafos e cinegrafistas. Ao redor da passarela, aproximadamente mil índios estavam sentados no chão observando a cena que se formara. Atrás do público mebêngôkre, as arquibancadas estavam lotadas pela população da cidade, com algumas pessoas, inclusive, por cima dos alambrados.

61 Uma música eletrônica percorreu o ambiente e os apresentadores do concurso anunciaram seu início. Cada uma das seis candidatas foi convocada a desfilar, tendo seu nome e sua aldeia de origem anunciados repetidas vezes pelos locutores. Durante os desfiles, o apresentador repetia as seguintes frases: « Miss Kayapó 2010. É a beleza kayapó na passarela ». A cada pose das candidatas, o público aplaudia, gritava, assoviava e tirava fotos.

62 Em 2010, as proporções da festa do dia do índio haviam aumentado. Duas novas aldeias (Aùkre e Apêjti) haviam sido convidadas a participar da festa, e com elas vinham duas novas candidatas a miss. Assim, foram seis (e não apenas quatro como no ano anterior) as garotas que se apresentaram para o público e para os jurados. Dentre elas estavam Nhak’tyk, a candidata de Môjkarakô, treinada pela professora Ilda, e Panh’ôk, a moça de Kikretum, cujas parentes femininas haviam criado o novo traje, vestido agora por praticamente todas as candidatas, com exceção da representante da aldeia Aùkre. Esta menina portava a indumentária antiga, de rainha, destoando claramente das outras candidatas nos termos da nudez de seu corpo. Enquanto todas as outras tinham os corpos realçados pelos padrões de pintura corporal, a candidata de Aùkre tinha o seu corpo coberto de enfeites de miçanga. A estratégia das mulheres da aldeia Aùkre, de enfeitar o corpo de sua candidata com pesados enfeites de miçanga, não deu certo. Naquele ano, em conjunto com a indumentária, os padrões de apreciação haviam se transformado. Assim, durante os desfiles as candidatas mais aplaudidas pelo público foram Nhak’tyk e Panh’ôk. As duas mostravam desenvoltura no caminhar e nas

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paradinhas, sorrindo e reverenciando público e jurados. Encerrados os desfiles, e depois de apreensivos trinta minutos, os jurados, todos não indígenas, consagraram Panh’ôk como a Miss Kayapó do ano de 2010. Nhak’tyk, embora tenha treinado exaustivamente suas « paradinhas » e poses, ficara em segundo lugar. Em terceiro ficou a candidata da aldeia Apêjti (ver Figura 5).

Fig. 5 – As três vencedoras do concurso de 2010. Panh’ôk ao centro com a faixa de miss; Nhak’tyk à esquerda, em segundo lugar; em terceiro, a candidata da aldeia Apêjti. Foto capturada da gravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2010).

63 A faixa de miss foi solenemente colocada em Panh’ôk pelo prefeito da cidade. Muitos fotógrafos se amontoavam para conseguir o melhor quadro. Em uma demonstração clara da disputa estética e política que envolve o concurso, o principal chefe de Kikretum adentrou o quadro da cena. Ali estavam os três: o prefeito de um lado, a miss ao centro e o sorridente cacique de Kikretum do outro lado. Permaneceram imóveis por mais de um minuto para saciar a vontade imagética dos cinegrafistas e fotógrafos. O mesmo ritual imagético foi repetido para as vencedoras do segundo e terceiro lugares. Entregaram os prêmios para elas, respectivamente, a secretária de educação e a primeira-dama do município. E lá estavam os caciques de Môjkarakô e Apêjti posando com suas candidatas e sua respectiva autoridade. As relações entre estética e política nunca estiveram tão objetificadas e espetacularizadas como nessas fotos (ver Figura 6).

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Fig. 6 – Estética, ritual e política. Imagens da premiação do concurso Miss Kayapó 2010. Foto capturada da gravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2010).

64 As proporções da festa do dia do índio de 2011 foram ainda maiores. Agora, mais três aldeias (Krinu, Gorotire e Krenmajti) foram convidadas a participar do evento, totalizando nove delegações e, consequentemente, nove candidatas a miss. O sucesso da festa de 2010 e a disseminação de suas imagens nos mais diversos meios de comunicação transformaram a festa daquele ano em um evento de massas, espetacularizado do início ao fim. Afinal, dois mil Kayapó iriam ocupar a cidade naquela semana do mês de abril. A cobertura jornalística aumentara, o mesmo ocorrendo com a participação de políticos e autoridades locais. Esperava-se a presença, no dia do concurso, da governadora do estado do Pará. O movimento de turistas vindos para participar da festa se fazia presente nos poucos hotéis e lan houses da cidade. Além do concurso da Miss Kayapó, outra grande atração estava prevista: tratava-se de um show do cantor Pykatire, e programava-se o lançamento de seu CD com versões e composições próprias de canções sertanejas e bregas em língua mebêngôkre.

65 Esse show merece um comentário à parte. Embora não o tenha presenciado, pude ver a gravação em vídeo feita pelos cinegrafistas de Môjkarakô. Pykatire não cantava com uma banda. As batidas de seu som entoavam pelos alto-falantes, enquanto ele punha por cima delas sua voz ao cantar em mebêngôkre, lembrando as apresentações dos cantores de músicas bregas e seus inseparáveis teclados eletrônicos. Pykatire não apenas havia criado as músicas, mas também inventara uma dança particular que executava durante sua apresentação. Ele apresentou cinco canções, sendo que seu sucesso Bà ikaprire (« Estou triste »), cuja letra narra as algúrias de amor vividas pelo eu-lírico depois de ser abandonado por sua amada, teve que ser repetida como bis, ao fim do show e a pedido do público.

66 O sucesso dessa canção foi tamanho que os organizadores resolveram adotá-la como a música tema do concurso daquele ano, sem antes solicitar a um DJ que fizesse uma versão remix, inserindo em seu arranjo batidas de música eletrônica, como pedia a ocasião. E foi assim, ao som de Pykatire, que as nove candidatas a Miss Kayapó 2011 foram convocadas uma a uma à passarela, desta feita adornada com diversas esculturas de abacaxi e uma grande tocha acesa em seu início. Dessa vez, acompanhando o

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aumento no número de candidatas, o júri também havia aumentado, sendo composto por seis jurados. Dentre eles, estava a primeira-dama do município, a vice-prefeita, a diretora da maior escola da cidade, uma representante da FUNASA (Fundação Nacional de Assistência a Saúde), um professor de Educação Física e um estilista da cidade de Marabá convidado especificamente para ocasião.

67 A presença do estilista famoso na região do sul do Pará fazia jus ao aperfeiçoamento dos trajes das candidatas daquele ano. As diferentes mulheres kayapó que os desenvolveram criaram peças que combinassem entre si nos detalhes coloridos, formando combinações de cores próprias para cada uma das candidatas. Assim, trajes predominantemente azuis se contrastavam com aqueles cujas cores sobressalentes e relacionadas eram o verde e o amarelo, ou o preto e branco, ou o vermelho e branco, ou simplesmente branco. Certos enfeites haviam chegado a formas tais que acompanhavam o molejar das candidatas no desfile. Os longos brincos de miçanga, os também longos pingentes dos colares e as franjas das jarreteiras e dos cintos acompanhavam os movimentos corporais das candidatas, sacolejando no ar a cada pose para os jurados. A calcinha colorida dava o tom assimétrico da indumentária. Desta vez, não havia sequer uma menina usando o traje de rainha, todas as nove participantes mostravam versões estilizadas daquele inventado em 2010 pelas mulheres de Kikretum. O que ressaltava a beleza física e a performance das candidatas, mas também os diferentes padrões de pintura corporal que cada uma delas trazia na pele do corpo e do rosto (ver Figura 7).

Fig. 7 – Candidata a Miss Kayapó 2011. Foto capturada da gravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2011).

68 O resultado daquele concurso foi, contudo, motivo de polêmica. Pela primeira vez houve discordâncias claras entre o resultado apresentado pelos jurados e aquele percebido por boa parte do público mebêngôkre. A candidata vencedora, representante

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da aldeia Gorotire, não agradara os participantes de outras aldeias, embora tenha agradado tanto os jurados como o grande público não indígena que lotava as arquibancadas do ginásio. A discordância dos Mebêngôkre não parecia estar nos enfeites de miçanga que eram similares aos das outras candidatas, tampouco no uso da calcinha e da pintura corporal. Ela se concentrava em um único sinal diacrítico de sua indumentária: a candidata de Gorotire não tinha seus cabelos cortados ao modo feminino mebêngôkre, tal como o exibiam todas as demais candidatas. A tradicional faixa raspada ao centro da cabeça dava lugar a uma distinta franja que lhe cobria parte da testa. Além desse detalhe muito comentado negativamente, a candidata apresentava um caminhar diferenciado, um molejo de tal forma natural que se levantou suspeita sobre sua identidade étnica. Falava-se após o desfile que a vencedora não era Mebêngôkre, que era filha de kuben, que por isso tinha vergonha de cortar o cabelo como as mulheres kayapó.

69 Não soube se estas informações procedem, mas o fato de elas serem enunciadas talvez aponte para um momento chave do concurso, quando os Mebêngôkre se viram diante do fato de estarem perdendo o controle sobre a imagem de beleza apresentada naquele contexto. Talvez houvessem percebido que naquele ano a vencedora do concurso rompia os limites de certos padrões éticos e estéticos nativos, desequilibrando o tênue encontro de perspectivas entre índios e kuben (não indígenas) que as candidatas a miss, esses seres quiméricos, produzem no contexto daquela cerimônia. Talvez porque, em 2011, a festa do dia do índio e, consequentemente, o concurso da miss, haviam atingido um alto grau de espetacularização, justo no momento em que ocorrera a vitória de uma candidata considerada por grande parte do público mebêngôkre como sendo por demais kuben (não indígena).

70 Esse desencontro de perspectivas estéticas, até então inédito no evento, acarretou consequências consideráveis nas edições seguintes do concurso. De fato, ele parece ter exigido um momento de reflexão por parte dos Mebêngôkre. Não foi por acaso, portanto, que às vésperas do início da festa de 2012, os caciques das dez aldeias participantes decidiram por bem cancelar o concurso da Miss Kayapó durante uma reunião com a equipe executora. Ainda não me perdoei por não ter participado dessa reunião, pois as discussões ali envolvidas seriam de grande importância para a compreensão dessa decisão. Como modo de compensá-lo, apresento um relato concedido por Akjabôro no primeiro dia da festa, a partir de meu questionamento sobre a notícia do cancelamento do concurso da miss, que rapidamente se espalhara pela cidade. Akjabôro disse as seguintes palavras: Foi eu que proibi o concurso da miss. Porque os kuben [não indígenas] estavam fazendo sacanagem com as imagens das meninas do meu povo. Isso não pode acontecer não. Eu não gosto disso. Tem que respeitar meu povo. Estavam tirando foto e colocando em site de sacanagem. Fazendo brincadeira feia com a nossa imagem. Isso eu não gosto. Por isso, foi proibido. Três caciques queriam fazer. Na votação eles perderam.

71 Quando perguntei sobre as reações da equipe executora a essa proibição, Akjabôro disse: Eles tiveram que aceitar. Porque essa festa aqui na cidade é dos Mebêngôkre, não é dos kuben, não. Se a secretária faz o concurso, a gente cancelava a festa, não tem mais festa. Por isso, ela tem que aceitar. Eu falei pesado na reunião e aí ela aceitou.

72 Essas palavras de Akjabôro, se sem dúvida justificam o cancelamento do concurso, não deixam de evocar o resultado do concurso anterior, quando a candidata vencedora não

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agradara aos índios, sendo considerada kuben (não indígena) por muitos deles. A reação à circulação indevida das imagens na internet foi uma boa justificativa para que os Mebêngôkre, sobretudo por meio de seus chefes, retomassem o controle das imagens e dos padrões de beleza nativos apresentados na festa. Tanto que, além do concurso da miss, fora cancelado também o novo show do cantor Pykatire, sucesso na edição de 2011, bem como qualquer apresentação em que índios performatizassem a « cultura » dos kuben. O espaço deixado por essas atrações na programação noturna do evento fora ocupado pelas apresentações coletivas das delegações participantes da festa, entremeadas por discursos de seus chefes na língua mebêngôkre.

73 Em 2012, a festa do dia do índio voltara a ser uma festa mebêngôkre, como afirmou acima Akjabôro. Voltara, porque novamente eles controlavam suas imagens e, sobretudo, retomavam a condução da própria festa. Neste sentido, é digna de destaque a contínua participação de Akjabôro durante a execução de todo o evento. Além de proferir o discurso da chegada, quando as delegações aportavam em São Félix, exigindo respeito dos habitantes da cidade, lembrando a eles da violência dos seus antepassados – justamente para com as mulheres –, Akjabôro geriu toda a programação das apresentações noturnas, fazendo discursos de exaltação da cultura mebêngôkre e concedendo, ele mesmo, entrevistas para diferentes canais de televisão.

74 Uma das cenas protagonizadas por Akjabôro naquele ano exemplifica com clareza a retomada do controle imagético da festa e revela alguns de seus princípios éticos e estéticos, bem como suas intenções. Em uma das apresentações noturnas da aldeia Môjkarakô, com o ginásio da cidade lotado, Akjabôro, em um gesto performático, retirou do centro da quadra dois jovens dançarinos calçados com seus reluzentes e coloridos pares de tênis all-star. Levou-os para um canto do ginásio e gesticulou com os braços, no movimento característico de quem está mandando alguém embora. Foi seguidamente aplaudido por todos, inclusive pelas centenas de não indígenas que lotavam as arquibancadas. Mokuká, que acompanhava a cena ao meu lado, com sua inseparável filmadora, me explicou a performance de Akjabôro com as seguintes palavras, afirmadas imediatamente após o ocorrido: Ele não está aceitando que os jovens dancem assim com o pessoal. Quando tem tradição boa como essa, não pode usar tênis, não pode usar aqui na festa. Aqui só pode tradição de verdade. Por isso que ele fez isso. Ele não gostou. Ele está mostrando para os outros como é que tem que ser. Para a nossa imagem ficar mejx kumrenx (bonita e correta).

75 A explicação de Mokuká não poderia ser mais clara: a atitude performática de Akjabôro, perante os dois adolescentes de Môjkarakô, consistia no uso da espetacularidade daquele evento como uma forma de transmitir um conjunto de princípios éticos e estéticos necessários à forma correta de reprodução das imagens capturadas na festa. Os pares de all-star calçados pelos rapazes, assim como a franja do penteado da Miss Kayapó de 2011, demarcam o que não deve ser reconhecido como cultura mebêngôkre em contextos específicos. A reação de Akjabôro a essa forma indevida de enfeitar o pé agradou àqueles que defendem a « boa tradição », misturando índios e brancos em um mesmo gesto de aplauso. Sua ação foi a de quem está em uma disputa espetacular, cujas formas de embate se dão por imagens. Sua performance – quando pensada segundo um contexto no qual « as imagens vêm se apresentando como “armas culturais” por meio de uma luta ambígua que tanto produz como destrói imagens, ícones e emblemas » (Latour 2008, p. 112) – pode ser vista como um duro golpe estratégico no inimigo, tomando como arma o infortúnio dos dois adolescentes de Môjkarakô que dançavam

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com seus parikà (tênis); e como glória, os aplausos que encheram o ambiente. Mas quais seriam os objetivos dessa performance dentro da performance? Destacar, arrisco dizer, Môjkarakô enquanto aldeia que segue « a tradição boa », que forma uma imagem correta e bela de um corpo coletivo, enfeitado, produzido, nos mínimos detalhes de « um retrato compósito ». Eis o sentido da atitude iconoclasta de Akjabôro. Afinal seu gesto parecia dizer que: se os outros parentes aceitam esse item de indumentária, nós, de Môjkarakô, não aceitamos! E seria melhor que eles, ao menos naquele contexto, também não aceitassem.

76 Aqui, como em outros contextos imagéticos, tudo se passa « como se a desfiguração de um objeto pudesse inevitavelmente gerar novas faces; como se o desfiguramento e o “refiguramento” fossem necessariamente coetâneos » (Latour 2008, p. 114). E de fato o são: a atitude iconoclasta e desfigurativa de Akjabôro ao expulsar os dois menoronure da quadra refigura a imagem de Môjkarakô enquanto aldeia que segue « a tradição boa » e, consequentemente, faz dessa refiguração um gesto que angaria status, valor e beleza à performance da aldeia naquele contexto de competição interaldeão. Ao mesmo tempo, no plano interétnico, e não mais intraétnico, a performance de Akjabôro não deixa de ser um aviso aos kuben sobre quem controla o espetáculo. Mesmo que não se controle as formas de reprodução, dispersão e circulação das imagens, é claramente possível, nos ensina mais uma vez Akjabôro, exercitar sua administração segundo princípios estéticos próprios (Turner 1992).

77 Para encerrar este artigo, bem como a sequência de concursos (e suas transformações recentes) que me propus a analisar, é preciso esclarecer ao leitor que em 2013 as candidatas a miss retornaram à cena ritual e o concurso voltou a ser a atração principal da festa do dia do índio. Mas, agora, novas transformações ocorreram. Se, por um lado, as indumentárias permanecem semelhantes àquelas apresentadas no concurso de 2011, por outro, não se pode mais desfilar sem o corte tradicional das mulheres mebêngôkre. Contudo, e para além dessa exigência, a alteração mais profunda concretizada no concurso de 2013 – e que possui relações diretas com o controle dos padrões de beleza expostos pelas candidatas em um evento que continua sendo espetacularizado – diz respeito à nova formatação do corpo de jurados. O júri passou a ser composto não mais por autoridades locais, estilistas famosos ou funcionários públicos. Agora, são cinco chefes de diferentes aldeias mebêngôkre que julgam a beleza das candidatas a miss.

78 Essa transformação nada mais é que uma estratégia política nativa de retomada do controle imagético e estético da cerimônia. Uma estratégia que visa demonstrar, como já explicitado, que nestes contextos rituais contemporâneos e interétnicos a espetacularização da indianidade é governada por processos de indigenização da modernidade. Uma estratégia que visa, enfim, deixar claro para os kuben (não indígenas) que patrocinam e participam desse grande ritual quem de fato comanda o espetáculo.

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NOTAS

1. O presente trabalho não seria possível sem o apoio financeiro para a pesquisa de campo concedido pelo Museu do Índio (FUNAI – RJ), no âmbito do Projeto de Documentação das Línguas e Culturas Indígenas Brasileiras, realizado em convênio com a UNESCO. Durante a realização da pesquisa também recebi bolsas da FAPERJ e do CNPq. O desenvolvimento dessa pesquisa também contou com benefícios do « Programa Novos Pesquisadores », da Universidade Federal do (UFT/PROPESQ). Agradeço à Els Lagrou, Suiá Omim, Magda Dziubinska, Gregóry D., e também aos pareceristas anônimos do Journal de la Société des américanistes, pelos comentários às versões anteriores desse artigo. 2. Embora o grupo indígena conhecido na literatura etnológica como Kayapó se autodenomine Mebêngôkre, utilizo estes termos como sinônimos neste artigo. 3. O conceito complexo de kukràdjà, a forma como os Mebêngôkre traduzem o nosso conceito de cultura, foi descrito por Terence Turner da seguinte maneira: « [Kukràdjà] é todo conhecimento de qualquer tipo, desde cantos cerimoniais até instruções para dar

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partida em motor de popa » (1991, p. 299). Gordon por sua vez afirma que « sendo um conjunto de partes de um todo não finito, kukràdjà pode ser entendido como um fluxo de conhecimentos, saberes e atribuições que povoam o cosmo e podem ser adquiridos e apropriados em diversos níveis, do indivíduo a uma coletividade mais larga. Pode, portanto, receber sucessivos aportes (ou perdas), isto é, novas partes, novos conhecimentos ou atribuições, que passam a compor, então, uma nova parte de alguém (o apropriador: xamã, guerreiro, chefe) e, eventualmente, uma nova parte de todos os Mebêngôkre » (Gordon 2009, p. 11). 4. Neste ponto diferencio minha abordagem daquela proposta por Glenn Shepard e Richard Pace no artigo « Miss Kayapó: Filming Through Mebengokre Cameras ». Ao fim do artigo, os autores concluem: « Miss Kayapó […] é um exemplo rico e fascinante de uma cultura híbrida em construção » (Sheppard e Passe 2012, p. 3). 5. Essas gravações não foram editadas e fazem parte do acervo audiovisual do « Projeto de documentação da cultura Kayapó », realizado pelo Museu do Índio (FUNAI – RJ) em parceria com a UNESCO e coordenado por mim entre os anos de 2008 e 2014, em parceria com os cinegrafistas Bepunu Kayapó, Mokuká Kayapó, Pawire Kayapó e Axuapé Kayapó. Existe, contudo, um filme sobre o concurso de beleza Miss Kayapó, realizado por cinegrafistas indígenas em parceria com pesquisadores do Museu Paraense Emílio Goeldi (cf. Shepard e Pace 2012), ao qual eu não tive acesso. 6. Não posso deixar de me referir aqui à dificuldade de conversar sobre o tema do concurso com os Mebêngôkre durante o evento de 2012, o que justifica a ausência de narrativas das candidatas a miss. No último tópico do artigo trato das razões pelas quais eles resolveram não participar do concurso nesta ocasião específica e as consequências dessa escolha para as próximas edições. 7. A aldeia Môjkaràkô, onde realizei dez meses de pesquisa de campo entre 2009 e 2011, está localizada ao sul do estado do Pará, próxima à cidade de São Félix do Xingu, às margens do Riozinho, um afluente do rio Fresco, por sua vez um afluente do rio Xingu. Sua população é de aproximadamente 700 pessoas. Realizei também curtos períodos de trabalho de campo nas aldeias Kikretum e Kokrajmoro, a primeira no rio Fresco, e a segunda às margens do rio Xingu, além de entrevistas com moradores da cidade de São Félix do Xingu. 8. Nota-se que somente as aldeias do sul do Pará participam do concurso de beleza na cidade de São Félix do Xingu. Não há notícia de evento semelhante na região do norte do . 9. Para uma análise dessas transformações, ver Demarchi (2014). 10. Sobre o deslocamento das antigas guerras internas para os movimentos associativos atuais e suas alianças com não indígenas, ver Robert (2004). 11. No Brasil, o dia do índio, na data de 19 de abril, foi promulgado pelo presidente Getúlio Vargas, no ano de 1943, em referência à participação dos povos indígenas no « I Congresso Indigenista Interamericano », realizado em 1940, no México. Além do Brasil, vários países da América Latina adotaram essa data como referência. 12. São elas, Kôkraimôro, Kremaiti, Kawatire, Môjkarakô, Apêxjti, Kikretum, Ngômejxti, Gorotire, Pykararãkre e Aùkre. É importante mencionar que a festa do dia do índio tem participação tão somente dos grupos kayapó, ou seja, não há participação de outros grupos indígenas na festa.

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13. Embora a Secretária tenha mencionado sua inspiração no concurso de Miss Universo, não se pode deixar de notar que concursos de beleza indígena têm sido realizados em diversas cidades da Amazônia brasileira e também da América Latina. Enquanto no Brasil a literatura etnológica sobre esses concursos ainda é tímida e praticamente inexistente (excetuando-se o trabalho de Reis e Silva (2012) que trata brevemente do concurso de beleza entre os Paresi), na América Latina existem diversos estudos sobre concursos de beleza indígena, dentre os quais destaco: Rogers 1999; Shackt 2005; Wroblewski 2014. 14. O conceito de beleza mebêngôkre é expresso pela palavra mejx. Segundo Gordon: « mejx […] não exprime somente valores estéticos, senão igualmente valores morais ou éticos. O campo semântico da palavra cobre uma série de atributos que poderíamos glosar como bom, bem, belo, bonito, correto, perfeito, ótimo. Além disso, mejx pode ser contraposto, dependendo do contexto de enunciação, aos seguintes termos antonímicos: punure (“ruim, feio, mau, errado”) e kajkrit (“comum, ordinário, vulgar, trivial”), ou simplesmente mejx kêt (onde kêt = partícula de negação). De todo modo, mejx (belo, o bom, a perfeição) designa um conjunto de valores essenciais […]. Produzir ou obter coisas, pessoas e comunidades (enfim, a sociedade) mejx parece ser a finalidade última da ação no mundo, que se revela tanto no plano individual quanto no coletivo » (2009, p. 8). 15. Tanto Vidal (1992) quanto Gordon (2009) ressaltam a valorização da simetria e da proporção na conceituação da beleza mebêngôkre. 16. Os rituais de nominação mebêngôkre já foram amplamente descritos na literatura etnográfica deste povo (Ver, por exemplo: Turner 1965; Vidal 1977; Lea 1986, 2012; Verswijver 1992; Gordon 2006; Cohn 2005; Demarchi 2014). Entre os Mebêngôkre, nota- se a existência de uma diferenciação entre duas categorias de nomes: os nomes comuns (nhidji kakrit) e os nomes bonitos (nhidji mejx). Os últimos são destacados por serem formados por oito classificadores cerimoniais: Bep e Takáak, de uso exclusivo dos homens, e Kokô, Ngrenh, Bekwynh, Iré, Nhàk e Pãnh, utilizados majoritariamente por mulheres e, com menos frequência, pelos homens (Lea 1986). Para cada um desses nomes existe um ritual de nominação específico. Outra constante na literatura é o caráter de embelezamento que o ritual proporciona à pessoa que tem seu nome confirmado em uma festa. Tanto Lea (1986, 2012) quanto Turner (1965, 2009) afirmam que a confirmação cerimonial de nomes e prerrogativas divide internamente as pessoas de uma determinada comunidade entre aquelas que são consideradas belas (merereméxj ), pois que tiveram seus nomes e prerrogativas confirmados em uma determinada cerimônia, e aquelas consideradas comuns (mekakrit), pois que não tiveram seus nomes e prerrogativas confirmados cerimonialmente. 17. Em Mebêngôkre vergonha ou respeito se diz pi’am e pode ser definido como uma categoria de evitação. Diz-se que os genros têm respeito pelos sogros, dirigindo a palavra a eles somente em momentos específicos. O mesmo se diz dos amigos formais que se respeitam mutuamente. Em relação às gerações tanto as mekurerere quanto os menoronure, possuem muito mais pi’am do que os adultos e velhos dos dois gêneros. Assim, se são o ápice da beleza feminina mebêngôkre, as mekurerere também são seres tímidos por excelência. Durante os rituais, são as únicas a terem vergonha de mostrar os seios, sendo continuamente exortadas pelas mulheres mais velhas a descobrir essa parte do corpo no momento de dançar. Sua timidez torna-se ainda mais evidente quando estão diante dos kuben (não indígenas). Durante a pesquisa de campo, foram

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raras as ocasiões em que as mekurerere dirigiram a palavra a mim, como faziam as mulheres que já possuíam filhos. Por isso, ser desinibida, ou seja, não ter vergonha de se mostrar publicamente, conta e muito para ser escolhida como candidata a miss. 18. Falando das qualidades das mekurerere, Vidal (1977, p. 163) evoca a imagem da coquetterie, afirmando que em conjunto com o charme e a ternura, a coquetterie é uma qualidade feminina apreciada pelos Xikrin. Em outra passagem de seu livro, Vidal se pergunta: « o que é a coquetterie? Pode talvez dizer-se que é um comportamento que deve sugerir que a aproximação sexual é possível, sem que essa eventualidade possa ser tida como certa ». 19. Todos os nomes das candidatas a Miss Kayapó mencionados neste artigo são pseudônimos. 20. Os Jogos Tradicionais consistem em um torneio esportivo e cultural realizado pelos moradores da aldeia Môjkarakô. Durante os jogos, os habitantes da aldeia se dividem em quatro equipes compostas pelos moradores de cada uma das quatro linhas de casas que compõem a planta retangular da aldeia. As equipes disputam competições de futebol, voleibol, atletismo, dentre outros. É durante a programação noturna dos jogos que ocorre o concurso de miss da aldeia. 21. Falando sobre o processo mimético levado a cabo pelos Mebêngôkre durante o ritual de nominação Kôkô, quando as máscaras do Tamanduá bandeira se fazem presentes no pátio de dança, Turner faz uma afirmação bastante interessante para o caso em questão. Segundo o autor « a dança das duas máscaras de tamanduá imita, supostamente, os movimentos reais do tamanduá. A imitação aqui precisa ser entendida no sentido aristotélico de mimesis, como a imitação da essência, ao invés de cópia naturalista. Os movimentos das máscaras representam a ideia kaiapó da essência do movimento do tamanduá » (Turner 1993a, p. 96). 22. Ilda era professora na escola da aldeia há mais de um ano e se dizia especialista em moda devido a trabalhos anteriores realizados « quando era mais jovem » na cidade de Belém (PA). 23. As fotos das candidatas a miss presentes neste artigo foram capturadas das gravações em vídeo produzidas pelos cinegrafistas indígenas do Projeto de Documentação da Cultura, mencionado acima. 24. O diadema krokroti é um grande cocar de penas de araras utilizado por homens e mulheres, principalmente, durante os rituais de nominação e, mais contemporaneamente, nos rituais interétnicos como a festa do dia do índio e o concurso de Miss Kayapó. 25. A bandeira da aldeia Môjkarakô foi produzida por Mokuká Kayapó com o intuito de divulgar a aldeia em eventos internos e externos à Terra Indígena Kayapó. Rapidamente as mulheres de Môjkarakô reproduziram este desenho em diversos enfeites de miçanga. Sobre o contexto da criação da bandeira da aldeia, ver Robert (2004). 26. Aqui nota-se claramente a preocupação dos organizadores do evento em constituir um júri interétnico com apreciações distintas sobre as candidatas, vislumbrando o concurso realizado na cidade que conta com um júri predominantemente não indígena. Para uma análise das diferentes apreciações dos jurados indígenas e não indígenas ver o próximo tópico. 27. Corroborando esse argumento, é preciso dizer que as normas para a avaliação das candidatas não são explicitadas durante o concurso, ou seja, não há quesitos específicos

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de avaliação que os jurados deveriam responder, como ocorre nos concursos de Miss Universo.

RESUMOS

O presente artigo propõe um estudo etnográfico do evento denominado « Miss Kayapó », um concurso de beleza cujas participantes são moças que pertencem ao grupo indígena Mebêngôkre (Kayapó), localizado na floresta amazônica e falante de uma língua Jê. Realizado na cidade de São Félix do Xingu, estado do Pará (Brasil) e com um grande público indígena e não indígena, o concurso de beleza é um importante ritual para se compreender as relações interétnicas contemporâneas existentes entre os Mebêngôkre e os outros brasileiros habitantes da região. Trata-se de analisar os regimes de apropriação estética e ritual mobilizados pelo grupo, bem como as formas de controle imagético exercidas pelos indígenas no âmbito do concurso. Para tal, descreve-se as diferentes edições do concurso, evidenciando as transformações ocorridas tanto nas técnicas corporais apreendidas pelas candidatas, quanto na criação e composição da indumentária das diversas participantes. Finalmente, compreende-se a produção ritual da Miss Kayapó enquanto um personagem complexo, capaz de aglutinar em si perspectivas estéticas distintas.

The present article proposes an ethnographic interpretation of the event called « Miss Kayapó », a Beauty Contest, whose participants are indigenous women from the Mebêngôkre (Kayapó) people, located in the Amazon forest, who speak a Jê language. Held in the city of São Félix do Xingu, in the State of Pará (Brazil), before a large number of indigenous and non-indigenous people, the Beauty Contest is an important ritual to understand the inter-ethnic relations between the contemporary Mebêngôkre and the other Brazilian inhabitants of the region. The idea here is to analyze the aesthetical and ritual forms of appropriation mobilized by the group, as well as the ways by which imagery control is exerted by indigenous peoples in the Contest. Another aim is to ethnographically describe the different editions of the Contest, in order to highlight the transformations occurred both in the body techniques apprehended by the candidates, and in the creation and composition of their costumes. The final proposal is to understand the ritual production of Miss Kayapó as a complex character, who holds the ability to embody different aesthetic perspectives.

Cet article propose une étude ethnographique de l’événement « Miss Kayapó », un concours de beauté dont les participantes sont Mebêngôkre (Kayapó), un groupe de la famille linguistique Gê d’Amazonie brésilienne. Organisé dans la ville de São Félix do Xingu (État du Pará) devant un public nombreux d’Indiens et de non-Indiens, le concours de beauté est un rituel clé pour comprendre les relations interethniques contemporaines entre les Mebêngôkre et les autres Brésiliens qui habitent la région. Il s’agit d’analyser les régimes d’appropriation esthétique et rituelle mobilisés par les Mebêngôkre, ainsi que les formes du contrôle sur l’image de soi qu’ils exercent dans le cadre de cet événement. Pour cela, on décrit les différentes éditions du concours afin de mettre en lumière les transformations observées à la fois dans les techniques du corps adoptées et dans les manières de créer et de composer les costumes des participantes. Enfin, la production rituelle de Miss Kayapó est analysée en tant que figure complexe, capable d’incorporer différentes perspectives esthétiques.

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ÍNDICE

Mots-clés: rituel, spectacle, concours de beauté, techniques corporelles, Mebêngôkre, Kayapo Palavras-chave: ritual, espetáculo, concurso de beleza, técnicas corporais, Mebêngôkre (Kayapó). Keywords: ritual, spectacle, beauty contest, corporal techniques, Mebêngôkre (Kayapó)

AUTOR

ANDRÉ DEMARCHI

Universidade Federal do Tocantins (UFT), Porto Nacional, TO/Brasil [[email protected]]

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Depuis les podiums des reines de beauté : se produire comme femme trans en Bolivie Desde las pasarelas de los concursos de belleza: producirse como mujer transgenero en Bolivia Production of identity as a transgender woman in Bolivia, from the beauty pageant catwalk

Pascale Absi

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en avril 2016, accepté pour publication en octobre 2016.

1 Depuis une dizaine d’années, les femmes transgenres de Bolivie organisent des concours publics de Miss. Ceux-ci sont largement inspirés des événements qui mettent en scène des femmes cis, c’est-à-dire non trans1. Dans une ambiance hantée par le glamour et le stress, des reines sont élues dans chacun des neuf départements qui concourent ensuite pour la couronne nationale. L’exhibition se fait en trois tenues : maillot de bain, tenue « typique » – un agencement stylisé d’éléments caractéristiques du département représenté ou l’uniforme d’une danse folklorique de la région –, puis robe de soirée. Parfois, la veille est consacrée à une démonstration de talents (danses, chants, récitations, etc.) et à l’élection des Miss secondaires : Miss photogénie, Miss visage, Miss sympathie, etc.

2 Organisés chez les uns, les unes et les autres ou dans des discothèques, ces concours étaient au départ des événements confidentiels (Aruquipa et al. 2012). Puis, dans les années 1990, les collectifs homosexuels et transgenres qui venaient de s’institutionnaliser commencèrent à les prendre en charge. Les concours de beauté sont alors devenus des performances officielles qui clôturent des journées d’actions et de formation politiques. Transformés en plateforme publique de revendications, ils ont

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évolué pour accompagner le surgissement de la catégorie « transgenre »2. Les premiers concours se présentaient en effet comme des événements au cours desquels des personnes, identifiées comme hommes par l’état civil, s’exhibaient en femmes, indépendamment de leur adhésion subjective à l’un ou l’autre sexe. Le fait de se sentir appartenir à un sexe tout en étant assigné à l’autre était alors vécu comme un avatar de l’homosexualité. Puis, au milieu des années 2000, les concours de Miss transexual, dont les candidates doivent assumer au quotidien une identité féminine, se sont séparés des concours dits de « transformistes » qui s’identifient comme des hommes homosexuels occasionnellement travestis en femmes (Aruquipa et al. 2012, p. 183-184).

3 Cette rupture a été décisive pour la consolidation et l’affirmation d’une subjectivité transgenre distincte de l’homosexualité et du travestissement ponctuel. Elle a accompagné l’élaboration d’un agenda politique propre dont la grande victoire est le vote de la loi dite « d’identité de genre », en mai 2016. Cette loi, une des plus favorables au monde pour les personnes transgenres, permet de changer la mention de son sexe à l’état civil grâce à une simple procédure administrative d’une quinzaine de jours, sans nécessité de modification corporelle, ni d’un diagnostic médical3. Début octobre 2016, trois mois après l’entrée en vigueur de la loi, 64 personnes avaient fait leur demande.

4 Cet article se propose d’analyser la contribution des concours de beauté au surgissement d’un sujet politique trans, à la fois comme subjectivité individuelle et comme identification collective. À l’image des Miss Black nord-américaines qui, dès la fin des années 1960, ont utilisé les podiums pour lutter contre l’hégémonie de la beauté et de la citoyenneté blanches exaltées par les concours traditionnels (Cohen et al. 1996), les concours de trans revendiquent l’inclusion d’autres modèles de femmes et de féminité dans les imaginaires de la Nation. Cette revendication rejoint celle des élections de Miss indigènes, dont la multiplication, à la fin des années 1990, est contemporaine en Bolivie de l’institutionnalisation des élections trans4. Ceci n’est sûrement pas dû au hasard. Sur le continent sud-américain, au-delà de la diversité des contextes nationaux et de l’histoire particulière des catégories sociales représentées, les concours de Miss trans et de Miss indigènes semblent surfer sur une même vague de fond : la reconnaissance, par des instances internationales, de droits spécifiques à des populations identifiées comme « minoritaires » (« minorités nationales, ethniques, religieuses et linguistiques » dans la convention de l’ONU de 1992 ; « minorités sexuelles » dans la foulée des principes de Jogjakarta présentés au Conseil des droits humains des Nations unies en 2007).

5 Ces reconnaissances ont renforcé la tendance à la prise en charge étatique des inégalités en termes de droits différentiels ; une tendance qui a accompagné les réformes néolibérales des années 1980-1990 en Amérique latine. En Bolivie, où l’accès au pouvoir d’un gouvernement identifié avec les populations indigènes en 2005 et le passage de la République bolivienne à l’État plurinational ont reconfiguré le rapport entre « minorités ethniques », État et nation, la gestion politique des minorités – entre- temps accolées au concept de « diversité » – s’est conjuguée avec un programme idéologique de décolonisation porté par le vice-ministère du même nom. Celui-ci est censé assumer conjointement la défense des victimes de racisme, de l’homophobie et de la transphobie. Réunies dans le programme du vice-ministère de la décolonisation, les femmes trans et les femmes indigènes s’y retrouvent partagées par une même ambivalence entre le désir d’une égalité de fait et de droit (conformément au programme libéral de la gestion de la diversité) et celui de transformer un système qui

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les oppresse structurellement (c’est-à-dire un projet de décolonisation comme renversement des hégémonies dans la perspective des études subalternes et postcoloniales).

6 Cette tension est également la marque de fabrique des concours de beauté alternatifs. Le désir d’y être reconnue comme l’égale d’une Miss cis « conventionnelle » limite en effet la remise en question des canons dominants de la beauté et de la féminité. Plus encore, les imaginaires ethniques et sexués sont aménagés pour faire place aux nouvelles venues, mais leur rôle dans les agencements hiérarchiques de la nation et des rapports sociaux n’est pas contesté. Comme les Miss indigènes, les concours de Miss transsexuelles tendent ainsi à reproduire certains processus (la compétition, la promotion de canons de beauté quels qu’ils soient, la revendication d’authenticité en tant que « femme » ou qu’« indigène ») qui fondent l’oppression qu’ils souhaitent subvertir. D’ailleurs, les organisatrices des concours trans boliviens s’interrogent elles aussi sur l’ambivalence des élections de beauté. Mais elles choisissent de jouer sur le désir des concurrentes d’exalter publiquement leur féminité dans ce qu’elle a de plus stéréotypée pour gagner leurs paires au combat pour les droits civiques, avant de révolutionner le contenu de la catégorie « femme » et la place du sexe dans les agencements sociétaux (voir Figure 1).

Fig. 1 – Miss Transexual et Señorita Transexual Bolivie 2015, Oruro (photo : Pascale Absi).

7 Afin de restituer le rôle des concours de beauté dans la production identitaire des femmes trans boliviennes, comme sujets individuels et comme acteurs politiques, j’interrogerai tout d’abord la manière dont ces élections viennent prendre place dans des trajectoires qui conduisent de la clandestinité à une identité publique de transgenre et, pour certaines, de militante. J’interrogerai ensuite le modèle de femme trans véhiculé par ces concours, et ce qu’il peut représenter de contraignant pour le surgissement d’autres subjectivités. Je reviendrai finalement sur les tensions entre les

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revendications identitaires des femmes trans et le projet décolonisateur de l’État bolivien. Ces réflexions sont issues d’une enquête ethnographique que je mène depuis une dizaine d’années sur les établissements de prostitution dans la ville minière de Potosi, au sud des Andes boliviennes. C’est à cette occasion que j’ai rencontré les femmes trans que j’ai accompagnées, d’abord fortuitement, lors de certains concours de beauté. Ce numéro du Journal de la Société des américanistes a été l’occasion de m’immerger plus systématiquement dans l’univers des concours et des collectifs LGBT (TLGB en Bolivie)5 ; les entretiens ont été réalisés entre août 2015 et juin 2016.

8 Les personnes qui assument une identité transgenre ne sont pas très nombreuses en Bolivie. Selon une dirigeante du collectif trans OTRAF (Organización de Travestis, Transgeneros y Transexuales Femeninas de Bolivia), elles seraient un millier sur les 10 millions d’habitants que compte le pays ; la très grande majorité sont des femmes trans. Les événements, y compris nationaux, auxquels j’ai assisté, n’en réunissaient pas plus de quelques dizaines ; jamais des hommes, également absents des collectifs6. À la différence de ce que Kulick (1997) a observé au Brésil, les transgenres ne sont pas non plus une figure familière du quotidien des habitants de la Bolivie, ni de leur imaginaire érotique ; le pays ne connaît pas non plus de catégorie sociale traditionnelle qui altère le binarisme des sexes comme les hijra en Inde, les kathoey de Thaïlande ou les muxe du Mexique. Plus qu’à leur nombre ou à leur visibilité dans l’espace public, leurs victoires se doivent à l’engagement de leurs collectifs et au fait que plusieurs militants LGBT, dont une femme trans7, occupent – ou ont occupé – des postes dans le gouvernement actuel.

Miss transsexuelle, travesti ou transgenre ?

9 De l’enfant dont on attend qu’il se comporte comme un petit garçon et qui, bravant son intense sentiment de culpabilité, revêt à la dérobée la robe de sa sœur ou de sa cousine, à la femme trans qui d’un pas assuré traverse l’estrade en tenue de gala sous les crépitements des flashs et, parfois, le regard de sa famille, le chemin est long, semé de doutes, de souffrances et de ruptures. Monter sur le podium d’un concours de Miss trans couronne un parcours qui débute par la découverte de la transsexualité (au départ quasi toujours pensée comme homosexualité) jusqu’à son acceptation, la construction d’une identité de femme et son expression publique. Cette trajectoire passe par la production d’un nouveau corps que les concours de beauté viennent mettre à l’épreuve.

10 Les règlements stipulent que les participantes ne doivent pas être « transformistes », c’est-à-dire qu’elles doivent assumer au quotidien une identité visible de femme8. Selon les codes en vigueur en Bolivie, ceci implique au minimum de porter les cheveux longs, les perruques étant interdites lors des concours. Si la réassignation génitale n’est pas obligatoire, on attend implicitement des candidates qu’elles aient subi des interventions qui rendent la transition quasiment irréversible : des traitements médicamenteux pour inhiber la testostérone, la prise d’hormones féminines ainsi que l’injection de silicone ou l’insertion de prothèses dans les fesses, les hanches et les seins. Dans un second temps, certaines trans se font remodeler le visage pour le féminiser. C’est à ce processus de rétablissement de la coïncidence normative entre corps et genre que renvoie le terme transexual dans le nom des concours.

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11 Issu du vocabulaire psychiatrique des années 1950 (Alessandrin 2014), le transsexualisme a peu à peu remplacé la catégorie « travesti » qui s’est recentrée sur les personnes qui assument ponctuellement une identité de genre distincte de celle qui leur a été assignée à la naissance. La séparation des deux catégories est contemporaine d’un plus grand accès aux interventions médicales de féminisation et masculinisation des corps, à partir des années 1950. On tend ainsi à nommer « transsexuelles » les personnes qui ont durablement modifié leur apparence sexuée. En Bolivie, la première opération de réassignation génitale remonte aux années 1960 (Aruquipa et al. 2012, p. 321) mais le recours à la chirurgie ne s’est vraiment répandu qu’à la fin des années 1990. La distinction désormais opérée par la médecine entre travesti et transsexuel et la popularisation de la chirurgie ont favorisé la naissance des concours de Miss transexual comme manifestation d’une identité et d’une position politique distinctes des transformistes. À la différence des transgenres qui, pour la plupart en Bolivie, se définissent comme des femmes hétérosexuelles, les concours transformistes revendiquent une identité masculine homosexuelle inscrite dans l’appellation usuelle de Miss gay transformista. Il s’agit donc de s’y produire dans un genre qui n’est pas le sien ; comme le résume lapidairement Maya Vasquez, présidente trans du collectif LGBT national : « Tu enlèves toutes tes bricoles [artifices] et tu es à nouveau un homme. » « La différence » précise sa collègue Macacha qui n’a pas subi d’opération, ni d’ailleurs participé à un concours, « c’est que nous autres [trans], nous démontrons la beauté d’une femme enfermée dans un corps d’un homme. C’est interne, et les transformistes, c’est externe ». En cela, l’enjeu d’un Miss transexual est plus proche de celui d’un concours de femmes cis que de transformistes. C’est ce qui permet à Antonella, médecin qui oriente les novices dans la prise d’hormones féminines et les interventions chirurgicales, d’envisager qu’un même concours réunisse les unes et les autres : « L’idée est de ressembler le plus possible à une femme biologique. Un moment arrivera dans l’histoire où nous, les femmes transsexuelles, nous concourrons sur un pied d’égalité avec les femmes biologiques. »

12 Beaucoup de participantes profitent ainsi de l’occasion pour présenter le résultat de leurs premières transformations corporelles tandis que la volonté de participer en motive d’autres à franchir le pas. Quelques jours avant l’inauguration du Miss transexual Bolivia 2015, quatre concurrentes se sont fait injecter à la chaîne de la silicone chirurgicale dans les hanches et les fesses par une consœur coiffeuse. Parfois même, le premier prix consiste en une injection9.

13 Jusqu’aux années 2000, qui correspondent à l’organisation des premiers collectifs trans et à la séparation des concours transsexuels et transformistes, la catégorie « trans » était subsumée par la catégorie « homosexuel ». Non seulement elle ne possédait pas de représentation politique propre, mais les travestis – comme on nommait alors les personnes assignées au sexe masculin qui féminisaient leur apparence au quotidien – s’identifiaient comme homosexuels. Dans le langage populaire (maricón en espagnol, q’ewa dans le quechua de Potosi), cette catégorie regroupe encore tous ceux qui ne remplissent pas tous les critères de l’équation : homme = viril = hétérosexuel. Les travestis boliviens ressemblaient alors à ceux rencontrés dans les années 1990, au Brésil par Don Kulick (1997) et au Mexique par Annick Prieur (1998), dans leur identification comme homosexuels et une identité féminine qui ne se confond pas (ni dans le corps, ni dans l’esprit) avec celle de femme, mais qui serait plutôt de « non-homme »10. La naissance des concours transexuales reflète ainsi le surgissement d’une nouvelle

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catégorie identitaire qui, en Bolivie, regroupe aujourd’hui des femmes qui se sentent prisonnières d’un corps d’homme. Partant de leur propre expérience, la catégorie trans tend à devenir la vérité de celle d’homosexuel. La plupart de mes interlocutrices décrivent en effet les homosexuels comme des trans qui s’ignorent ou ne s’assument pas. Aujourd’hui, l’usage du terme « travesti » subsiste uniquement dans l’autodénomination des personnes de plus de 50 ans et de celles qui n’ont pas subi de modification chirurgicale ou hormonale mais qui, pour la plupart, aspirent à devenir transsexuelles. Préféré – avec celui de trans-identité – par les associations internationales de personnes trans, l’apparition du terme transgenre est récente en Bolivie et le terme est utilisé uniquement parmi les militants. À la différence de « transsexuel », il met à distance l’autorité des psychiatres du ressenti des individus et permet de déconnecter l’identité sexuée des organes génitaux. Cette démarche n’est donc pas celle de la plupart de mes interlocutrices qui désirent plutôt un ajustement anatomique avec leur identité de femme. En proposant à leurs candidates d’assumer cette identité, les concours de beauté vont ainsi consolider cette identité trans, comme catégorie politique et comme identification subjective, distincte de l’homosexualité.

Les plateformes publiques de la production d’une femme transgenre

14 Personne ne se décide du jour en lendemain à s’habiller en femme, ni à demander à ses proches et collègues de renommer Madame ou Mademoiselle la personne qu’ils avaient l’habitude d’appeler par son nom masculin. À chacune son rythme, notamment face à l’administration. Le coming out est précédé par une période d’apparence androgyne qui va peu à peu se féminiser, parfois sur des années, y compris en masquant sous des habits amples les premières interventions corporelles11. En attendant, les fêtes, la page Facebook, et bien sûr, les concours de beauté offrent aux transgenres l’occasion d’être visiblement elles-mêmes, ne serait-ce que l’espace d’une soirée. Présenter ces événements, qui en sont autant d’étapes, permet de mieux comprendre la place des concours de Miss dans la production de soi comme femme transgenre. Le premier d’entre eux, dans la chronologie des trajectoires, est une spécificité bolivienne12 : le couronnement de reines bufa. Il témoigne d’une tradition locale de travestissement rituel13 avec laquelle vont jouer les trans pour s’ouvrir les portes de la société bolivienne. À leur occasion, nombre d’entre eux expérimentent pour première fois le travestissement public.

Le couronnement des Reinas bufas

15 Les Reinas bufas sont incarnées par des garçons habillés en filles. Comme leur nom l’indique – l’étymologie de bufa est celle de bouffon – ces reines sont des caricatures de femmes, vulgairement maquillées et attifées. Selon une inversion typique du carnaval, elles sont le miroir grotesque des reines du carnaval mais leur couronnement s’organise également à d’autres époques, notamment à l’entrée ou à la sortie d’un cycle de formation (l’année du bac, l’entrée à l’université ou la conscription militaire où il prend alors le sens d’un bizutage). Avec leurs poils aux pattes, leurs perruques de travers, leur rouge à lèvres dégoulinant et leurs noms pseudo-érotiques (Espota Verbona la défonceuse de lit, Miguelina la coquine, etc.14), les reines bufas ne

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prétendent pas passer pour des femmes. Les garçons qui les incarnent ne sont d’ailleurs a priori pas efféminés, même si ce critère peut s’avérer décisif dans le choix du jury. Participer à l’élection de la reine bufa autorise ainsi de jeunes transgenres à donner légitimement libre cours à leur féminité.

Les concours de Miss transformista

16 La participation aux élections transformistes organisées par les collectifs homosexuels et LGBT constitue un autre antécédent, plus immédiat, aux concours de Miss transexual. L’organisation des deux événements est d’ailleurs similaire, à l’exception donc des conditions de candidature qui excluent des concours transformistes les personnes qui assument au quotidien une identité féminine15. Nous l’avons évoqué, ce qui est évalué n’est pas l’ancrage corporel d’une identité de femme mais la transformation ponctuelle d’un corps d’homme en corps féminin. Les organisateurs définissent ce travestissement comme un art, la capacité à créer l’illusion grâce à de nombreux artifices : maquillage, perruque, mousse pour modeler les seins, les fesses et les hanches, collants pour tenir la mousse et masquer la verge, etc. Les concours, désormais publics et couverts par la presse, participent des opérations de visibilité des populations LGBT et de leurs revendications. À Potosi, par exemple, le défilé 2014 s’est prolongé dans les rues de la ville et un podium a été dressé devant une des églises du centre. Les transformistes n’y ont pas paradé en robe de gala ou en maillot de bain mais en costume régional ; un accoutrement plus à même de susciter l’identification et la sympathie du public.

17 Les frontières entre les Miss transformistes et les Miss transsexuelles sont poreuses. Nous avons vu qu’historiquement les premiers concours de transformistes étaient ouverts aux transgenres. Surtout, nombre de candidates au titre de Miss transexual sont d’abord passées par des concours de transformistes parce que, comme la plupart de leurs consœurs, elles se sont d’abord pensées et présentées comme homosexuels avant d’assumer leur identité de femme. Souvent d’ailleurs, c’est à l’occasion d’un concours de transformistes qu’elles ont, pour la première fois, éprouvé une apparence de femme hors du secret de leur chambre à coucher et vécu, comme une révélation, cette rencontre publique avec une vérité d’elles-mêmes.

La marche de l’Orgullo gay

18 La sortie collective du placard qui a accompagné l’organisation des concours de beauté transformistes puis transsexuels, sur fond d’organisation des collectifs LGBT, s’est également appuyée sur les marches de l’Orgullo gay. Les premières versions se sont déroulées dans les deux plus grandes villes du pays : Santa Cruz en 2000, puis La Paz en 2001 ; les collectifs des villes moyennes ont ensuite suivi (à Sucre en 2007, à Potosi en 2010, etc. ; Aruquipa et al. 2012, p. 219-241). L’Orgullo gay partage avec les concours de beauté trans une manière de se produire comme collectif en unissant le contestataire à l’esthétique, au festif et au ludique. Au milieu d’homosexuels plus ou moins déguisés et masqués et de quelques drag-queens, les transgenres (y compris celles qui ne se présentent pas comme femmes au quotidien) y étrennent des tenues – vêtements régionaux, folkloriques ou robes de soirée – qui font écho à celles des élections.

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19 Les premières marches ont affronté des agressions et des railleries, qui émaillent encore certains défilés. Malgré tout, elles ont rapidement rallié les institutions et les autorités régionales, notamment à La Paz où, dès 2008, une ordonnance municipale décrète le 28 juin « Journée de la non-discrimination aux diversités sexuelles et de genre ». Cette même année, le maire a pris la tête du cortège. Surtout, les défilés de l’Orgullo gay ont su gagner l’intérêt et la bienveillance d’un public populaire. La passion des Boliviens pour les manifestations festives et costumées joue en faveur de l’Orgullo gay, comme des parades dans les rues des candidates des concours de beauté trans ; a fortiori lorsque les participants mobilisent le langage consensuel du folklore.

Les fraternités folkloriques

20 Ce qui permet aux expressions folkloriques d’être un des principaux instruments d’inclusion des transgenres, c’est qu’elles les mettent sur un pied d’égalité avec les autres participants : tous se travestissent en l’incarnation d’une culture nationale partagée, faite d’appartenances régionales, nationale et d’autochtonie.

21 Les travaux de David Aruquipa (2012 ; Aruquipa et al. 2012, p. 53-74) ont montré comment le carnaval d’Oruro est devenu la première scène populaire investie par des femmes trans. Jusqu’à la fin des années 1960, toutes les femmes étaient exclues des fraternités de danseurs. Les figures féminines (chinas, « femelles » en quechua et aymara) des danses de la diablada et de la morenada étaient interprétées par des hommes masqués dont le vêtement s’inspirait de celui des cholas16. Beaucoup étaient probablement homosexuels, mais ils ne le revendiquaient pas. Puis, au début des années 1970, alors que les cortèges s’ouvraient timidement aux femmes, Carlos Espinoza – un des premiers danseurs transformistes – introduisit une nouvelle esthétique, franchement marica (« pédé ») pour reprendre le qualificatif d’Aruquipa (et al. 2012, p. 59) dans le personnage de la china morena. Inspirées du glamour des vedettes du music-hall, ses robes courtes aux couleurs vives, ses bottes montantes à talons compensés et l’érotisme de ses pas de danse contrastaient joyeusement avec l’apparence des autres chinas. Carlos Espinoza a également bien vite tombé le masque traditionnel qui figurait les traits féminins de la china pour affirmer sa propre féminité. Il fut rapidement rejoint pas d’autres trans (transformistes et transgenres, voir Figure 2) et les femmes cis s’approprièrent de sa proposition esthétique pour consolider la figure actuelle, ultra féminisée et sexy, de la china morena aux côtés des danseuses cholas. Alors que l’organisation en fraternités folkloriques du carnaval d’Oruro s’imposait dans la plupart des fêtes patronales boliviennes, la présence des trans s’est faite populaire et attendue. La foule se presse désormais pour se prendre en photo avec ces danseuses d’un genre particulier, y compris lors des festivités rurales où sont invitées les fraternités urbaines. Au début des années 2000, la Familia Galan, célèbre collectif transformiste17 auquel appartient Aruquipa (dont les travaux sont cités ici), a également imposé son propre personnage drag-queen dans la danse de la kullaguada.

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Fig. 2 – Personnage féminin de la morenada, célébration de saint Georges, patron des prostitués, Potosi, 2016 (photo : Miquel Dewever Plana).

22 Au début des années 1990, l’anthropologue Thomas Abercrombie (1992) interprétait les fraternités de danseurs comme une expression de l’imagerie multiculturelle de l’identité métisse de la nation bolivienne revendiquée par la révolution nationale de 1952. Depuis, l’identité de la nation s’est « indigénéisée » (du métis « blanc » avec un zest de sang indigène, on est passé à l’idée d’une population indigène partiellement métissée) et « pluri-nationalisée ». Cependant les danses folkloriques continuent de fonctionner comme l’expression esthétique de son unité, subsumant la diversité régionale et ethnique. Y compris les danses inspirées de rites indigènes (comme les tinku du nord de Potosi ou les pujllay de Chuquisaca) se sont détachées de leur ancrage territorial pour exprimer une patrie indigène délocalisée, c’est-à-dire nationale (voir Figure 3).

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Fig. 3 – Costume inspiré du personnage féminin du tinku, Orgullo gay, Potosi, 2014.

23 La tradition de travestissement et d’inversion du carnaval héritée d’Europe a ainsi permis aux transgenres de s’associer à la célébration de la bolivianité. Mais c’est lorsqu’ils ont arrêté d’avancer masqués, lorsque « trans » n’a plus qualifié le personnage de la china mais celui qui l’incarne, que les fêtes patronales folkloriques sont devenues une scène inclusive. Mettre en œuvre son appartenance à la nation en s’associant au folklore est un langage qui parle au grand public, mais aussi à l’État bolivien qui l’utilise pour construire l’identité nationale. Ainsi, les gouvernements successifs se sont longuement battus pour faire reconnaître les danses de la diablada (en 2008) et du pujllay de Tarabuco (en 2014) comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Les conflits récurrents qui opposent la Bolivie au Pérou et au Chili quant à l’origine de la diablada confirment que le folklore, comme l’inclusion des transgenres, est une affaire d’État. Même si leur cause déborde évidemment la simple reconnaissance bienveillante de leur existence, la connivence historique des homosexuels et des transgenres avec les expressions de la culture nationale est aujourd’hui stratégiquement mobilisée lors de toutes leurs manifestations publiques (performances, Orgullo gay, concours de beauté, etc.). Et c’est presque sans surprise qu’on a entendu un ministre de la Culture qualifier la Familia Galan de patrimoine de la ville de La Paz (Aruquipa et al. 2012, p. 247). Cette reconnaissance flatteuse n’est pas dénuée d’ambiguïté. Être reconnu comme patrimoine tend en effet à rabattre sur l’identité et la culture les revendications politiques des collectifs LGBT qui sont des associations militantes, pas un groupe ethnique ou culturel.

24 À un niveau plus intime, éprouver l’inclusion dans la liesse est une expérience forte pour les femmes transgenres qui, du moins les plus jeunes, ne ratent pas une occasion d’intégrer une fraternité de danseurs. Macacha, qui ne se produit qu’en chola lors des événements publics du collectif LGBT de Potosi, relate avec émotion l’accueil réservé au

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défilé de rue des participantes du Miss transformiste Potosi 2014 : « Cela m’a rendue fière quand une femme indigène, vêtue d’une pollera18, nous a lancé des confettis en disant “Félicitations !” » Les fraternités jouent un rôle important dans l’établissement de réseaux sociaux mobilisés pour trouver un emploi, faire du négoce, trouver un parrain ou une marraine, ou tout simplement compter sur un allié avocat ou médecin (Tassi 2010). Y participer permet aux femmes trans de nouer des alliances avec des personnes qu’elles n’auraient sûrement pas connues hors des groupes de danseurs.

La page Facebook

25 Désormais, toutes les femmes trans de Bolivie possèdent une page Facebook, à laquelle elles accèdent constamment depuis leur téléphone. Il y a une dizaine d’années, lorsque la possibilité d’une identité trans était encore très confidentielle au sein de la société bolivienne, c’est souvent par le biais d’internet qu’elle s’est révélée à mes interlocutrices. Grâce à Facebook, elles ont pris leurs premiers contacts avec leurs paires et les collectifs. Déterminer s’il s’agit d’un média privé ou public est complexe, vu l’usage qu’elles en font et le nombre d’amis, souvent deux à trois milles, qu’elles acceptent. C’est cette ambivalence qui donne à ce support son rôle particulier dans la transition du privé au public. Les femmes trans qui s’assumaient déjà publiquement comme telles lors de l’ouverture de leur page Facebook s’y présentent, évidemment, sous leur identité de femme. En revanche, celles qui n’ont pas franchi le pas possèdent généralement deux pages. La première, sous leur identité masculine, est destinée à garder le secret auprès des cercles proches (famille, amis d’enfance, collègues de travail, etc.). L’autre, ouverte sous leur identité de femme, est partagée avec les consœurs, les membres des collectifs ainsi qu’un nombre incroyable d’hommes rencontrés par internet (des amis d’amies, des internautes qui fréquentent les sites de rencontres trans, etc.). De sorte que la trans-identité de la personne est d’abord rendue publique auprès de parfaits inconnus avec lesquels les interactions se limitent à quelques échanges sur le net. Une fois la transition devenue publique, la page masculine est appelée à disparaître.

26 Carol, 25 ans, qui se définit comme travestie et s’habille en homme au quotidien – y compris pour son travail de serveur dans une maison de prostitution de Potosi – pour ne pas affronter ses parents avec lesquels elle vit, possédait en septembre 2015 plus de 2 000 amis sur sa page. Comme beaucoup d’autres, celle-ci aligne des autoportraits : en tenue chic, de china morena ou, d’allure plus décontractée, lors de sorties ou de voyages entre amies. Renversant l’idée que les profiles affichés sur le web permettent aux internautes de se construire une identité en partie fictive, la page Facebook stabilise et renforce une identité trans vécue comme réelle, par opposition à une identité masculine perçue comme virtuelle : un état civil et social vide d’investissement subjectif. Elle permet de réunifier une identité disjointe par la famille et la loi. Comme lors des concours de beauté, ce soi parfois encore secret est publiquement mis à l’épreuve au travers des likes et des commentaires des « amis ». « Que tu es belle ! (sexy, en forme, etc.) » : la page Facebook fonctionne ainsi comme un miroir sous-titré où les femmes apprennent à s’accepter au travers du regard des autres. Elle constitue évidemment aussi un laboratoire d’essai et de publicité des tenues et des performances des concours de beauté qui y sont amplement relayées.

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Une université de la cause transgenre

J’ai été une des premières transexual en 2008. En réalité, nous faisons cela comme un acte de revendication parce qu’il s’agit d’une manière – peut-être pas la plus correcte – de dire : « Nous sommes ici, nous existons. » Lors des Miss des femmes biologiques, on élit la plus belle, point barre. En revanche, celle d’entre nous [qui gagne le concours] devrait être un peu plus [que belle] : posséder une force politique, un discours, n’est-ce pas ? C’est d’abord une manière de devenir visible auprès de la société. C’est aussi une manière d’augmenter l’ego. Personnellement, le fait d’avoir gagné des concours de beauté m’a énormément aidé à avoir plus d’estime de moi-même ; et aussi à ce que je fasse ma transition plus rapidement, à ce que je me définisse comme femme transsexuelle et que je devienne une militante. Cela m’a donné de l’assurance pour sortir du placard, pour me montrer en public, en tant que Miss, lors d’entretiens, à la télévision, lors de conférences de presse, etc., et à maitriser un discours […]. Cela m’a aussi énormément aidé avec ma famille. Lorsque j’ai participé au concours Miss La Paz, j’étais alors interne à la maternité, ils [ses proches] savaient déjà que je vivais comme une fille. Je les ai donc invités. Ma mère, mes sœurs… tous sont venus me soutenir. Ils m’ont fait des prospectus, des banderoles… La trajectoire d’une femme transsexuelle qui possède le soutien de sa famille est très différente de celle de qui ne l’a pas, n’est-ce pas ?

27 Antonella, médecin d’une trentaine d’années qui participe aujourd’hui à l’organisation des concours de Miss, les décrit ici comme une véritable école pour les femmes trans, tant pour l’affirmation de leur identité de genre que pour leur implication dans le militantisme collectif.

28 Premières apparitions publiques, exhibition des transformations corporelles, apprentissage des codes esthétiques et comportementaux de la culture trans locale : la participation à un concours de beauté est décisive dans la construction de soi comme femme trans. Ce d’autant que le concours s’adresse d’abord aux plus jeunes qui, pour beaucoup, s’habillent encore de manière androgyne. Chaperonnées, coiffées, maquillées, vêtues et guidées par les anciennes, les novices vont expérimenter cette féminité démonstrative et éclatante (« glamour » disent les organisatrices) qui tient lieu d’horizon identitaire. Les participantes parlent de « producirse », qui signifie ici se préparer, s’apprêter. L’expression restitue bien cette transformation à la fois physique et subjective à laquelle se réfère le témoignage d’Antonella. S’autoriser, et être autorisée socialement, à se produire comme femme est le processus le plus intime de la dimension politique des concours de beauté trans. Pour les novices, c’est le prélude de la conquête d’un espace public où elles ne passeront jamais inaperçues. Comme le souligne Maya Vasquez, la simple présence d’une trans dans la rue est en soi un acte subversif auquel les concours vont préparer les femmes : Nous n’attendons pas la loi [d’identité de genre, votée après ce témoignage], nous avons déjà changé notre nom, notre corps, nous exerçons déjà en tant que femme. C’est très beau d’être une femme, mais pour nous c’est un acte politique. Au-delà de leur impact sur la subjectivité des candidates, les concours vont ainsi donner un sens militant à l’effet provoqué par l’intrusion publique des corps trans et leur interpellation visible à la non-coïncidence du sexe anatomique et du genre. Ils le légitiment en lui offrant un cadre officiel et ils le publicisent. L’attraction n’est pas totalement grand public – ceux qui font le déplacement sont généralement des amis ou des parents – mais des journalistes sont toujours au rendez-vous et des séances photos et des conférences de presse sont organisées dans des lieux fréquentés de la ville qui

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accueille le concours. Par ailleurs, la constitution du jury est l’occasion d’inviter des autorités publiques et d’en faire des alliés de la cause trans. Ainsi, le jury de Miss transexual Bolivia 2015 à Oruro était composé d’une ancienne Miss cis, d’une élue de l’assemblée législative départementale, d’une présentatrice d’une chaîne de télévision locale, du directeur du département Justice et égalité sociale de la mairie et d’un représentant du Comité de lutte contre le racisme et toutes formes de discrimination du gouvernement départemental.

29 Les candidates sont préparées à communiquer avec la presse et répondre aux questions du jury sur la situation et les revendications des femmes trans. Désormais, les élections sont couplées avec des congrès et des ateliers. Ainsi, l’élection nationale 2015 organisée par l’OTRAF à Oruro a été précédée d’un débat avec les conseillers juridiques du collectif et d’un exposé de Rosario Aquim, une philosophe féministe lesbienne, sur le caractère socialement construit du sexe. Les concours permettent ainsi aux collectifs de mobiliser des femmes qui n’auraient peut-être pas fait le déplacement pour un événement uniquement politique. Des personnes dispersées dans tout le pays peuvent alors communiquer, se tenir au courant des projets des organisations, construire un discours et un destin communs.

30 Le contexte des années 1990, quand la cause trans se confondait encore avec celle des homosexuels, était celui du retour à la démocratie (1982) et de l’appropriation par l’État de la question des droits humains. Consolidés par les organismes internationaux de lutte contre le sida (qui finançaient les premiers concours, Aruquipa et al. 2012, p. 18819) et les organisations de défense des droits humains, avant de rejoindre la mouvance LGBT internationale, les collectifs se centraient alors sur l’inclusion sociale ; c’était l’époque des premiers Orgullo gay. Traduites en termes de lutte contre les discriminations, ces demandes se sont cristallisées dans l’article 14 de la nouvelle constitution de 2007 et dans la loi contre le racisme et toute forme de discrimination de 2010 qui condamnent la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Deux décrets suprêmes ont déclaré en 2009 et 2011, le 28 juin « Dia de los derechos de la población con orientación sexual diversa en Bolivia » puis le 17 mai « Día de lucha contra la homofobia y la transfobia ».

31 D’autres revendications postérieures ont encore du mal à s’imposer face aux conservateurs, notamment certains courants indigènes et les puissantes Églises catholique et évangéliques. En 2006, profitant de leur présence dans les comités préparatoires à la refonte de la constitution promise par le gouvernement d’Evo Morales, les collectifs LGBT ont tenté de reformuler, sans succès, le mariage comme une union entre deux personnes, indépendamment de leur sexe.

32 Entre temps, les transgenres ont constitué leurs propres lignes d’action et leurs propres collectifs sur la base des organisations informelles existantes : OTRAF en 2007 et TREBOL (Trans Red Bolivia) en 2008. Leur principal objectif est la loi d’identité de genre qui sera votée moins de 10 ans plus tard. Le premier congrès de l’OTRAF (2007) s’est clôt par la première élection de Miss transexual Bolivia (Aruquipa et al. 2012, p. 271-274). Désormais, les congrès et les concours de beauté trans ont lieu au moins tous les deux ans et, en 2011, Potosi accueillait le premier Congrès latino-américain de femmes transgenres, avec l’appui du PNUD.

33 L’ouvrage d’Aruquipa et al. (2012) sur l’histoire des organisations homosexuelles et transgenres de Bolivie témoigne du chemin parcouru depuis les années 1980. Le harcèlement policier et les arrestations arbitraires étaient alors incessants, les insultes

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et les agressions constantes. En 2001, une bombe explosait dans le cortège de l’Orgullo gay à La Paz faisant six blessés. Certaines familles parvenaient encore à enfermer les homosexuels dans des institutions psychiatriques. Les femmes trans, plus visibles et vulnérables, notamment celles qui exercent la prostitution, sont des cibles faciles. Dans ce contexte, les concours de beauté trans ont été à la fois le reflet et le moteur de la sortie de la clandestinité. D’événements privés, interrompus par les descentes de police, ils sont devenus publics, sponsorisés par les autorités locales. L’interdiction de filmer et de prendre des photos a désormais cédé la place aux conférences de presse. Rien n’est cependant totalement acquis : lors de l’élection de Miss transformista Sucre 2015, les candidates ont été prématurément évacuées du patio de la préfecture par des fonctionnaires homophobes.

Le modèle de femme revendiqué

L’OTRAF Bolivia s’est définie ces dernières années par l’organisation des Miss. On m’objectera : « Tu te contredis, parce que les Miss sont la représentation typique de l’objectivation de la femme. » On m’a critiquée pour cela : « Comment peux-tu organiser ces choses ? Tu chosifies la femme trans, tu exaltes le stéréotype de la femme Barbie, jolie, 90, 60, 90, qui provoque l’homme, et tu renforces la structure du patriarcat. » Et moi je réponds : « Une minute, il y a un [concours] Miss Bolivia, un Miss Universo de la femme qui n’est pas trans, où elle n’a pas besoin de dire “je suis une femme”. On ne remet pas en question qu’elle est une femme. Lors d’un Miss travesti ou d’un Miss transexual, je dois dire à la société que je suis une femme ». Comme en témoigne Laura Alvarez, ex-dirigeante du collectif LGBT national qui n’a jamais souhaité être candidate, au sein même des organisations, certaines voix s’élèvent pour adresser aux concours de beauté trans les mêmes reproches qu’à leurs homologues cis ; c’est-à-dire de consolider les processus de domination au sein des rapports de sexe en exacerbant la chosification de la féminité et en promouvant des canons de beauté qui laissent bien des femmes, cis et trans, au bord du chemin. Silhouette élancée, cheveux longs, fesses et seins rebondis, pommettes, nez fin et droit, ovale du menton : les concours renforcent les archétypes qui guident également les interventions esthétiques des femmes trans et leur désir de réassignation sexuelle. S’y ajoute une féminité comportementale stéréotypée qu’Antonella décrit comme : « principalement une question d’attitude, de mouvement, de voix, de douceur, de délicatesse, de sensibilité. Tu peux être une femme trans très belle physiquement, mais si tu as des attitudes masculines, brusques, de macho, tu n’es pas féminine, et vice- versa, n’est-ce pas ? » Pour que leur démonstration soit probante, les candidates vont donc sur-jouer les consignes du machisme quant à l’hyper-sexualisation des corps féminins (voir Figures 4 et 5). L’âge épaississant les traits, l’équation officialisée par les concours trans entre féminité, beauté et jeunesse est particulièrement cruelle pour les femmes trans, poursuit Antonella : Une femme biologique se laisse parfois grossir, elle se laisse aller… une femme naturelle, tu comprends ? Alors qu’une femme transsexuelle, non. Nous, les femmes transsexuelles, nous sommes toujours dans l’hystérie d’être belles, parfaites, opérées, d’être de petites divas pour [entendre] : « Waouh, quelle beauté ! » La femme biologique, quelle qu’elle soit, est femme depuis sa naissance parce qu’elle a un vagin. Alors que le fait d’être une femme transsexuelle est en soi discriminant, pire encore si tu es moche.

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Fig. 4 – Durant l’élection Miss Transexual Bolivia, Oruro, 2015 (photo : Pascale Absi).

Fig. 5 – Durant l’élection Miss Transexual Bolivia, Oruro, 2015 (photo : Pascale Absi).

Le besoin d’expérimenter une féminité plus exacerbée que celle d’une femme cis selon les codes dominants n’est pas propre aux concours de beauté. C’est une étape presque incontournable des trajectoires trans ; comme si l’assignation de départ au sexe

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masculin requérait un traitement de choc avant que les femmes s’autorisent à exprimer leur féminité de manière moins démonstrative. La capacité du corps trans de susciter le désir désinhibé des hommes est un élément clef de cette prise de confiance20, que Laura Alvarez associe au passage du travestissement occasionnel à une identité de femme au quotidien : L’esthétique travestie, plus que l’esthétique transsexuelle, est très extravagante, non ? Une femme super irréelle, super produite, avec les seins ici, les cheveux je ne sais quoi, du maquillage, des talons, c’est-à-dire habillée comme une pute, pour attirer l’attention : plus la personne nous regarde, plus elle nous apprécie. C’est mal, mais nous sommes toutes passées par cette esthétique à un certain moment de nos vies, y compris moi-même. Au final, le modèle des reines de beauté cis va en quelque sorte domestiquer cette hyper féminité travestie pour la rendre plus conventionnelle. Au moins jusqu’à un certain point ! Lors du Miss transexual Bolivia 2015 dédié à l’insertion professionnelle des femmes trans, il a été demandé aux candidates de se produire dans l’habit représentatif d’une profession. Malgré la recommandation de ne pas sexualiser la tenue, l’esthétique trans a vite repris le dessus et l’on assista à une parade de secrétaire, de soldate et de papesse en mini-jupe ; celle de la travailleuse des mines découvrait de hautes bottes en caoutchouc rose à talons compensés !

34 La reproduction des codes esthétiques dominants est également raciale : l’idéal est la plastique d’une femme blanche. De fait, il n’est venu à l’idée d’aucune concurrente de se présenter en vêtement indigène, sauf lors de la présentation des costumes régionaux, et ce, alors que certaines revendiquent pourtant une origine indigène. De fait, je n’ai rencontré qu’une seule transgenre qui s’assume au quotidien comme chola : Diana qui a hérité ses premières polleras de sa grand-mère. Son usage de la jupe large, du châle et du chapeau typiques des cholas de La Paz renvoie cependant plus à son statut de commerçante d’origine populaire et au succès de sa florissante boutique de polleras (s’habiller en chola urbaine est plus cher que les vêtements à l’occidentale) qu’à une identification indigène et encore moins paysanne. À Potosi, deux des huit ou neuf femmes trans qui vendent du sexe – en tant que femmes cis « conventionnelles »21 – dans les établissements de prostitution réglementés utilisent également la pollera pour attirer une clientèle masculine populaire, mais elles ne s’habillent pas comme cela au quotidien. La pollera est alors un habit de travail dont les trans n’ont pas le monopole puisque beaucoup de femmes cis utilisent le même stratagème pour séduire leurs clients.

35 La volonté de démontrer que les femmes trans ne sont pas des monstres mais des femmes – presque – comme les autres (voire les meilleures d’entre elles, du point de vue du paraître) soumet donc les femmes trans aux mêmes injonctions que les Miss cis. L’objectif est de contredire l’étiquette de locas (folles), soulardes et délinquantes qui leur colle à la peau. Ce n’est évidemment pas la figure d’une transgenre rebelle que les concours mettent en exergue. En adoptant le répertoire conventionnel, esthétique et comportemental, des Miss cis, les concours trans mettent en quelque sorte au pas les concurrentes. C’est à ce prix, pensent-elles, que leurs revendications deviendront recevables auprès de la population. La démarche est à double tranchant. Non seulement les concours trans utilisent le langage de l’hégémonie esthétique machiste et raciste, mais ils limitent aussi le surgissement d’autres constructions du féminin et du masculin. Ils entérinent une manière qui n’est pas la seule possible de penser le transgénérisme : celle, très majoritaire parmi les trans boliviennes, selon lesquelles la

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nature se serait trompée en distribuant les cartes, les emprisonnant dans un corps d’homme. Ce postulat est également celui d’une grande partie de la psychiatrie qui prône une réassignation sexuelle chirurgicale totale visant à rétablir la coïncidence entre sexe anatomique et genre. Une coïncidence qui est pensée comme naturelle et nécessaire à l’équilibre psychique. Résultat de cette colonisation du genre par le modèle anatomique, les interventions chirurgicales, stimulées par les concours de beauté, fonctionnent dans le milieu trans bolivien comme des preuves d’authenticité qui distinguent les vraies transgenres. Les novices sont sommées de « passer à l’acte » sous peine d’être considérées comme de fausses femmes ou « juste » des travestis. Beaucoup refusent de ce fait l’idée de se présenter comme femme trans ; c’est-à-dire de reconnaître leur passé de femme assignée au sexe masculin à la naissance, comme un paramètre de leur identité.

36 En cherchant à gommer tout ce qui renvoie les candidates à la physionomie masculine (notamment en aplatissant et scotchant leur verge sur l’entrejambe), la figure idéale de la Miss consolide donc une vision du transsexualisme qui, bien que légitime et majoritaire, heurte la multiplicité des subjectivités possibles. Il dénie notamment la possibilité de se sentir femme au-delà de son anatomie génitale et de sa sexualité, ce que dénonce Laura Alvarez qui clame haut et fort son identité de femme avec pénis et son désir de pénétrer un partenaire masculin. Conforté par ses lectures de la philosophe Judith Butler (2005) et sa démonstration du caractère socialement et historiquement construit de la sexuation, ce choix est incompréhensible pour la plupart de ses consœurs. Conserver sa verge est pour elles un pis-aller face aux coûts économiques et physiologiques d’une vaginoplastie. Comme l’écrit si justement Susan Stryker (citée par West 2014, p. 10), la catégorie transgenre se réfère plus un point de départ – une assignation sexuelle contestée – qu’à une destination identitaire unique.

37 On peut comprendre que, aujourd’hui, se présenter comme une femme à barbe ou laisser transparaître sa verge au travers d’un collant moulant – voire la mettre en valeur comme lors des concours de Mister Univers – n’apparaissent pas comme de bonnes stratégies pour revendiquer l’inclusion sociale. Il n’empêche que l’adhésion aux canons des concours cis de Miss maintient les revendications trans dans un binarisme sexuel qui ne correspond pas à l’expérience des trans qui, dans la lignée queer, réclament l’invention de nouvelles catégories et d’autres esthétiques ; c’est-à-dire de décoloniser notre manière de penser le sexe, le genre et l’orientation sexuelle. C’est à l’occasion du mandat de Laura Alvarez comme vice-présidente puis présidente du collectif national LGBT entre 2012 et septembre 2016, qu’ont eu lieu les premières tentatives d’articuler cette perspective au projet décolonisateur de l’État bolivien.

Les ambivalences de la dépatriarcalisation : transgenres versus État

38 Dans le langage des études subalternes et postcoloniales, le concept de « colonial » s’est extrait du contexte de la mise sous tutelle par un État étranger d’un territoire et ses populations pour exprimer la nécessité de libérer les subjectivités de l’emprise hégémonique de certaines logiques. Dans le champ du transgénérisme, certains auteurs (par exemple Simakawa s. d.) qualifient ainsi de « colonial » le fait d’assigner les nouveau-nés au sexe masculin ou féminin, en fonction de leur apparence génitale et de considérer que ces catégories sexuées possèdent un contenu fixe, unifié et cohérent.

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Inspirée par Butler (2005), la décolonisation des sexes et du genre consiste donc à déconstruire l’hégémonie cisgenre (également hétéro-normative) et à affranchir d’une supposée nature le contenu social et anatomique des sexes. Forgé par la féministe bolivienne Maria Galindo (2013), en écho aux analyses de Silvia Rivera (synthétisées en 2010) du lien entre colonialisme interne et patriarcat, le mot d’ordre « despatriarcalizar » est aujourd’hui utilisé par certaines militantes trans comme synonyme de « descolonizar ». Lors d’un colloque sur la sexualité, que nous avons organisé avec Céline Geffroy, à Sucre, en juillet 2015, Laura Alvarez mobilisa ce concept pour expliquer son choix de montrer la photo d’un homme sodomisé par une femme trans : Au moment où la société voit un homme pénétrer un autre homme, c’est là que je propose de dépatriarcaliser la structure [sociale] bolivienne, en questionnant ce patriarcat où seul l’homme est le dominant, le pénétrant. Beaucoup de trans n’acceptent pas cela, et me questionnent : « Laura, comment vas-tu montrer ces photos ? » Je leur réponds : « Ce n’est pas la réalité peut-être ? » C’est une réalité. Nous, la majeure partie des trans, nous sommes comme ça, actives et passives. Beaucoup sont même uniquement actives mais elles le nient : « Non, non, non ! Je suis une jeune fille et je me fais seulement pénétrer. » C’est un mythe, un secret de polichinelle… Depuis quelques années, le gouvernement bolivien s’est lui aussi saisi du concept de dépatriarcalisation pour en faire un des objectifs de la décolonisation, projet central de la refonte de la République de Bolivie en État plurinational. La décolonisation est désormais inscrite au programme de la Constitution (art. 4) et possède son propre vice- ministère (dépendant du ministère des Cultures et du Tourisme). Depuis 2010, le vice- ministère de la Décolonisation héberge une « unité de dépatriarcalisation ». Son mandat en faveur de l’équité entre les sexes est complémentaire de celui du vice- ministère de l’Égalité des chances, dépendant du ministère de la Justice. La présence de l’unité de dépatriarcalisation au sein du ministère de la Décolonisation répond à l’idée selon laquelle le patriarcat, dans sa forme machiste actuelle, est un héritage de la colonisation espagnole et de la christianisation, infiltré comme un virus exogène au sein de sociétés indigènes où il était inexistant22.

39 En tant que porteur de la lutte contre toutes les discriminations, le vice-ministère est un des interlocuteurs étatiques des organisations de ce que l’on appelle désormais la diversité sexuelle. Le rapprochement avec une entité qui, au départ, pensait principalement la discrimination en termes raciaux ne se serait pas fait sans la personne du militant LGBT David Aruquipa et son lien avec le ministère des Cultures, dont dépend la décolonisation. Aruquipa a en effet été directeur du Patrimoine de ce ministère, avec lequel son groupe de transformistes, la Familia Galan, a par ailleurs coordonné certaines activités. Aujourd’hui, le ministère des Cultures est, avec celui de l’Éducation, censé appuyer l’organisation de l’Orgullo gay. En novembre 2015, plusieurs membres du collectif LGBT national, dont Laura Alvarez, qui en était alors la présidente, et David Aruquipa se sont rendus au « Premier sommet planétaire de décolonisation, dépatriarcalisation, contre le racisme et toutes formes de discrimination »23 organisé au Cercle des officiers de La Paz. L’atelier sur la dépatriarcalisation organisé par la coordinadora de la mujer (une fédération d’ONG) lors du Congrès national du collectif LGBT de 2013 avait auparavant favorisé la diffusion auprès des femmes trans d’un projet de dépatriarcalisation comme lutte contre l’idéologie machiste qui fonde l’homo- et la transphobie.

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40 La manière dont les fonctionnaires du ministère entendent la dépatriarcalisation a, on s’en doute, peu à voir avec l’interprétation de personnes comme Laura. Même si les textes fondateurs du vice-ministère dénoncent l’assignation des femmes aux tâches domestiques, sa vision de ce que sont un homme et une femme est loin de révolutionner les normes de genre, a fortiori les identités sexuelles. Au nom de la décolonisation, les intellectuels du vice-ministère prônent un modèle issu de la cosmovision andine où l’individualisme chrétien céderait la place à un concept spirituel autochtone : la dualité complémentaire. Inspiré par les travaux d’anthropologues andinistes des années 1980-199024, ce concept serait le patron de l’organisation d’un monde où chaque être et chaque chose possède son double complémentaire sexué : le jour/la nuit ; le soleil/la lune ; le haut/le bas ; les montagnes masculines/les montagnes féminines, etc. Par un court-circuit sémantique abusif, ce modèle symbolique est plaqué sur les rapports sociaux entre homme et femme (chacha/warmi en aymara, langue indigène dominante au sein du gouvernement actuel)25. Comme l’indique le titre de l’ouvrage coordonné par le vice-ministre Cardenas (2013), Despatriarcalización y chachawarmi qui fusionne homme et femme sous un concept unique, c’est depuis ces couples structurants, et non depuis des positions individuelles et sexuées, que doit être menée la dépatriarcalisation comme recherche d’harmonie : La dépatriarcalisation exige la lutte en forme duelle, depuis la cosmovision andine qui se base sur la parité, la complémentarité, et donc en équilibre26. […] la dépatriarcalisation, comme concept de base, nous a permis de fonder l’idée de décolonisation autour de sa substance propre, plutôt que de celles héritées d’une abstraction universalisante, en partant de l’histoires des pays pan-andins qui ont décidé de parcourir leur propre th’aquí (en aymara) ou chemin. (Cardenas et al. 2013, p. 10) Cette vision a-conflictuelle et dépolitisée des rapports sociaux de sexe se démarque ouvertement du féminisme, pensé comme la manifestation impérialiste et universalisante de l’individualisme occidental. Le bulletin 2014 du vice-ministère de Décolonisation27 explique : « la dépatriarcalisation n’est pas la lutte de la femme à l’encontre de l’homme, la lutte de la femme pour obtenir les mêmes droits que l’homme, femme contre homme. Ceci n’est pas de la dépatriarcalisation mais du féminisme ». Ou bien encore : « le point de départ de la dépatriarcalisation se situe dans la spiritualité, c’est ce qui nous différencie essentiellement du féminisme. Le féminisme est individuel, individualiste, il part des postulats occidentaux. Pour nous, l’unité n’est pas le un, l’unité est le deux ».

41 Hors du couple point de salut ! La femme ne peut compter que sur les hommes pour la débarrasser du machisme. L’usage, par le ministère, du terme de dépatriarcalisation comme synonyme de décolonisation pour se référer à l’ensemble des dominations, au- delà des rapports de sexe, finit ainsi par poser l’homme indigène (entendu comme synonyme de subalterne) en allié naturel des femmes28. Fondée sur la lutte contre les discriminations et l’idéologie globale de la diversité, la conjonction des femmes trans avec le monde indigène est donc extrêmement ambiguë. Depuis que les indigènes ne sont plus en Bolivie une minorité sociale et politique, il ne peut y avoir de complicité de position entre une minorité trans et une minorité indigène qui s’adresserait à un ennemi commun, l’État. Mais plutôt que d’affronter de plein fouet la rhétorique du vice-ministère, Laura Alvarez a choisi de se l’approprier, non sans humour. Lors du premier sommet de décolonisation, après avoir expliqué aux femmes indigènes venues du Pérou, du Chili et de l’Argentine que les trans sont elles aussi victimes du machisme, elle prit soin d’expliquer à une assemblée qui s’identifie par son rapport à la terre, que

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si la nature est une inspiration légitime, elle est plus ambivalente qu’il n’y parait. C’est le cas, rappelle inlassablement cette ancienne agronome, lorsque certaines plantes, comme les pommes de terre, se passent de la reproduction sexuée ! Par ce tour de passe-passe, les trans purent finalement inscrire leurs revendications au sein de l’assemblage hétéroclite qui servit de déclaration finale à la rencontre.

42 Moins subversive et plus en accord avec le désir d’autochtonie de la perspective étatique, une autre manière, pour les femmes trans, de s’approprier la matrice idéologique décolonisation/dépatriarcalisation a été de débusquer les vestiges d’une époque préhispanique fantasmée où le sexe n’était pas facteur de discrimination. Ainsi, Antonella a pour habitude de débuter ses interventions publiques – ici lors de Miss transexual Bolivia 2015 – en citant Domingo de Santo Tomás et Pedro Cieza de Léon qui, à leur arrivée en Amérique, auraient rencontré des « hommes habillés en femme, qui se comportaient et riaient comme des femmes. Cela veut dire qu’il existait des transsexuels dans les cultures inca, aymara, quechua. Et c’était normal. C’est la religion judéo-chrétienne qui refuse d’accepter les personnes avec une diversité de genre ». Il est aisé de retrouver sur internet, dans les publications de sites homosexuels péruviens, les références au travestissement et à la sodomie homosexuelle de l’un et l’autre chroniqueurs29. Il s’agissait de pratiques correspondant à des cultes et à des individus précis qui, comme la pédérastie grecque, ne présagent absolument pas de la tolérance de ces sociétés hors de ce cadre. Plus encore, dans ses Comentarios reales [1609], Garcilaso rapporte que l’Inca châtiait de mort l’homosexualité non-rituelle. Dans leurs formes préhispaniques, l’homosexualité et le transgénérisme ont donc peu à voir avec les revendications en termes de droits et de liberté individuelle des actuels collectifs LGBT. Le recours à l’histoire permet cependant de rappeler qu’aucune forme de pensée n’est naturelle, ni figée. Les expériences venues d’ailleurs confirment que d’autres manières d’appréhender la trans-identité sont possibles. Les travaux de Laurence Hérault (2005, 2009) ont par exemple montré que, à l’inverse de la biomédecine qui influence tellement les trans boliviennes, les sociétés amérindiennes ont souvent pensé l’existence d’une personne trans comme une question sociale plus que d’identité personnelle, soit selon les termes de l’auteure (2009, p. 51), « quel est son statut ? » et non « qui est-elle ? » Plus immédiatement, la rencontre avec une activiste mexicaine auto-identifiée comme muxe – le troisième sexe de la culture zapotèque – lors de l’élection internationale de 2011 à Potosi, a confirmé à ses paires boliviennes que l’autochtonie n’est pas fondamentalement trans-phobique et qu’une articulation avec le projet décolonisateur de l’État reste possible, même si certains leaders indigènes persistent à penser les homosexuels et les transgenres comme une invention contre- nature de l’Occident, à décoloniser donc. Il n’y a pas si longtemps, en 2010, le président Morales lui-même déclarait durant la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la mère terre, organisée à Cochabamba, que le poulet aux hormones des Occidentaux était l’origine de l’homosexualité30.

En guise de conclusion

43 Rares sont les femmes transgenres qui n’ont pas participé à un concours de beauté. Rares sont également celles qui, à la faveur du faible nombre de candidates, n’ont pas remporté une couronne. L’engouement pour ces événements – et pour les concours conventionnels de Miss (cis) suivis à la télé et abondamment commentés – témoigne,

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j’espère l’avoir montré, de leur centralité dans les trajectoires personnelles et subjectives des femmes transgenres. Ils ont également structuré la naissance et la consolidation des collectifs trans boliviens. La prise de distance avec l’homosexualité fonde ces deux processus. Nous l’avons vu, la séparation des élections de beauté trans des Miss gay transformista a accompagné le surgissement de la catégorie transgenre, à la fois comme position politique propre au sein des collectifs LGBT et comme identité personnelle disponible. Cette identité possède en Bolivie son propre imaginaire que peu de trans contestent : les trans féminins sont des femmes prisonnières d’un corps d’homme. De même que le désir de chirurgie, les critères des concours de beauté trans témoignent d’une volonté d’adéquation avec les stéréotypes dominants de la féminité dans le respect du binarisme homme viril avec pénis/femme féminine avec vagin31. En Bolivie, à la différence de l’Inde, de la Thaïlande ou du Mexique, la catégorie transgenre ne possède pas d’antécédent culturel ; les traditionnels travestis rituels et festifs ne renvoient pas à l’identité subjective de ceux qui les incarnent. Il est possible que ceci ait contribué à limiter le questionnement – par exemple depuis un troisième sexe – de l’hégémonie de la catégorie « transsexuel » qui, comme le prouve le nom des Miss et des collectifs trans, constitue leur horizon immédiat. L’évolution de la catégorie « travesti », qui regroupait il y a quelques années des personnes qui se considéraient comme des hommes féminins et désigne aujourd’hui une étape d’un processus appelé à libérer les femmes trans de leur corps d’homme, prouve cependant que les subjectivités ne sont pas figées. En témoignent également les efforts de certaines trans, comme Laura Alvarez, pour « dépatriarcaliser » le carcan binaire du sexe et de la sexualité depuis une identité de femme avec pénis. Face à l’apparent conventionnalisme des Miss trans, Isaac West (2014) rappelle opportunément que des demandes qui peuvent sembler assimilationnistes – souhaiter une réassignation génitale ou changer de sexe à l’état civil, plutôt que de chercher à supprimer cette mention, ou bien vouloir être l’égale d’une Miss cis – ne sont pas forcément aussi conservatrices qu’il n’y paraît. Les demandes d’égalité et d’inclusion sociale possèdent, montre West, un potentiel transformateur qui échappe à une interprétation – qui a parfois été la mienne – qui oppose complicité et reproduction de la domination au rejet des normes et à la subversion. Je l’ai compris en repensant à l’une des discussions que j’avais eues avec la dirigeante Maya Vasquez, depuis peu enregistrée en tant que femme à l’état civil. Alors que nous évoquions son projet de réassignation génitale, elle me glissa en riant que, une fois opérée (et donc confortée dans son sexe, au-delà de ce que semble en dire sa sexualité), elle pourra devenir lesbienne. Cette remarque n’a rien d’anecdotique. Devenir une femme comme les autres permet aux femmes trans de s’autoriser à redéfinir cette catégorie, après avoir surjoué, notamment lors des élections de beauté, leur adhésion à son contenu le plus conventionnel et hétéronormé. 32

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NOTES

1. Dans les termes « cisgenre » et « cissexuel », le préfixe « cis- » (du latin « du même côté ») se réfère à des personnes dont l’identité subjective de genre coïncide avec le sexe attribué à la naissance. Il est l’antonyme de « trans ». Issu du vocabulaire des études sur le sexe, il est parfois utilisé par les militants trans en Bolivie. 2. L’usage du terme « transgenre » se répand en Bolivie, mais il n’est pas – encore ? – l’autodénomination la plus courante. De même que son abréviation « trans », il permet ici de regrouper des personnes qui s’identifient comme travesti – c’est-à-dire qui n’ont pas subi d’opération de féminisation –, transexual – parce qu’elles ont modifié médicalement leur corps – et les quelques militantes qui préfèrent se dire transgenero. 3. Ce qui est requis est le certificat d’un psychologue qui atteste la capacité du ou de la requérant(e) de prendre des décisions responsables. 4. Miss Cholita Bolivia surgit au milieu des années 2000 et il existe aujourd’hui pléthore de concours locaux de Miss et de Ñustas – titre des femmes de la noblesse inca – indigènes. À quelques années près, ce constat est valable pour d’autres pays d’Amérique latine et les concours boliviens de Miss transformiste et transsexuelle se sont inspirés de leurs homologues argentins et péruviens (Aruquipa et al. 2012, p. 183). 5. Depuis 2008, les collectifs LGBT boliviens se sont rebaptisés TLGB par reconnaissance de la militance et la visibilité des transgenres. 6. Les hommes transgenres s’affilient aux collectifs lesbiens. En septembre 2016 a eu lieu, à Potosi, le premier Mister lesbiana. 7. Tamara Nuñez del Prado, ancienne fonctionnaire du ministère de la Justice, assistante directe du Défenseur des droits (Defensor del Pueblo) depuis juin 2016. 8. Ces conditions sont issues de l’appel à candidatures pour Miss transexual Bolivia, Oruro, 2015. 9. L’élection de Miss Tiffany’s Universe en Thaïlande, où devait concourir la Miss transexual Bolivia 2015, offrait à sa gagnante une réassignation génitale. 10. Don Kulick (1997) a montré comment ces subjectivités font écho à la manière dont les sociétés définissent les genres. Au Brésil, ceux-ci renvoient moins au sexe anatomique qu’à la sexualité ; la distinction entre pénétré et pénétrant sépare les hommes non pas des femmes mais des « non-hommes » qui regroupent les femmes, les homosexuels et les trans. À l’inverse, la sexualité n’apparaît pas comme première dans la reconstruction de leurs trajectoires identitaires par les femmes trans que j’ai

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rencontrées et qui évoquent surtout leurs travestissements infantiles. Contrairement aux récits reçus par Annick Prieur (1998), les expériences homoérotiques ne sont presque jamais mentionnées. 11. Dans le contexte français, les étapes subjectives et de cette transition ont été décrites, avec des processus proches de ceux observés en Bolivie, par des auteurs comme Laurence Hérault (2005). 12. Je n’ai pas réussi à trouver la trace des Reinas bufas dans d’autres pays latino- américains, où elles prennent peut-être un autre nom. 13. Y compris hors des festivités du carnaval, et dans les régions andines rurales (Geffroy 2013) où les rites funéraires mettent fréquemment en scène des travestis. 14. Description d’une élection organisée par des résidents boliviens en Espagne : http://blogs.periodistadigital.com/emigrantes.php/2009/02/09/p217872, consulté le 18/05/2017. 15. Il est également parfois spécifié de ne pas exercer le travail sexuel, comme lors de Miss transformista gay Sucre, 2015. La mention du travail sexuel est en revanche absente des convocations transgenres, qui éliminent également les limites d’âge (18-25 ans pour les transformistes) afin de ne pas trop réduire le nombre de candidates. 16. Chola qualifiait à l’époque coloniale les femmes vêtues selon l’usage des métisses urbaines des Andes : un chapeau et une jupe large (pollera) à la facture caractéristique d’une région particulière ; un corsage et le tressage des cheveux en deux nattes. Cette tenue se distingue des vêtements ethniques des paysans indigènes. Aujourd’hui cependant, la plupart des jeunes femmes d’origine rurale préfèrent s’habiller en chola voire à la mode occidentale si elles résident en ville. 17. Née en 1998, la Familia Galan est réputée pour ses performances de rue artistico- politiques en habits drag-queen visibles sur son site : https://www.facebook.com/ groups/263760620423637/, consulté le 18/05/2017. 18. Voir note 17. 19. Déjà, en juin 1995, la première rencontre gay nationale coïncide avec l’élection de Miss gay Bolivia, à Santa Cruz (Aruquipa et al. 2012, p. 204). 20. Éprouver son pouvoir de séduction est également un attrait majeur de la prostitution auprès des femmes trans, auxquelles elle permet l’expérience d’une sexualité féminine légitimée par des hommes, les clients, qui se définissent comme hétérosexuels. 21. Même après une passe, l’alcool aidant, beaucoup de clients ne découvrent pas l’identité trans de la femme avec laquelle ils discutent, dansent, boivent et s’embrassent. 22. Voir les bulletins du ministère de l’année 2014. 23. Une conversation entre David Aruquipa et Laura Alvarez au sujet de cette rencontre est en cours de publication dans le Bulletin de l’Institut français d’études andines. 24. Notamment Olivia Harris, Tristan Platt et Thérèse Bouysse-Cassagne. 25. http://www.descolonizacion.gob.bo/descolon-pdf/boletin-3.pdf, p. 2, consulté le 18/05/2017. 26. Discours prononcé le 8 juin 2015 ; http://minculturas.gob.bo/index.php/prensa/ noticias/1762-viceministerio-de-descolonizacion-organiza-ii-encuentro-nacional-de-

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despatriarcalizacion-y-descolonizacion-con-estudiantes-de-educacion-superior, consulté le 18/05/2017. 27. http://www.descolonizacion.gob.bo/descolon-pdf/boletin-3.pdf, consulté le 18/05/2017. 28. « […]. El poder patriarcal no se limita a la opresión hacia las mujeres, sino también hacia otros sujetos sometidos al poder. Tal es el caso de las niñas, niños, la juventud y los pueblos indígenas originarios que son minoritarios o diferentes al grupo dominante », Caminos de la Despatriarcalización, boletín informativo, Unidad de Despatriarcalización, juin 2012, http://www.ipas.org/es-MX/Resources/Ipas%20Publications/Caminos-de-la- despatriarcalizacion.aspx, consulté le 18/05/2017. 29. Par exemple, https://www.facebook.com/notes/joe-ramirez-roggero/el-ejercicio- de-la-sodom%C3%ADa-en-el-antiguo-per%C3%BA/809954769033540/, consulté le 18/05/2017. L’existence de préposés masculins au culte qui s’habillent et se comportent comme des femmes se retrouve dans le chapitre LXIV des Crónicas del Peru de Cieza de León [1553]. Je n’ai en revanche pas retrouvé l’original de la citation attribuée à Santo Tomás par ces sites péruviens, selon laquelle : « entre los serranos las prácticas homosexuales estaban cobijadas por una especie de santidad ». 30. http://www.elmundo.es/america/2010/04/21/noticias/1271833317.html, consulté le 18/05/2017. 31. Lors de notre rencontre à Paris, en décembre 2015, Giovanna Rincon, présidente colombienne de l’association Acceptess-Trans, racontait qu’en France, les élections de Miss trans sont toujours organisées par des latinos. Elles sont d’ailleurs plutôt mal perçues par les autres transgenres qui s’efforceraient plutôt d’accepter leur anatomie de naissance. 32. Cet article a été présenté lors d’une journée d’étude tenue au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative à l’université Paris Nanterre, le 11 décembre 2015, dans le cadre du projet ANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”. Mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui » (ANR-12- CULT-005).

RÉSUMÉS

Depuis une dizaine d’années, les organisations de femmes transgenres de Bolivie réalisent des concours de beauté. Inspirés des élections de Miss conventionnelles, ces concours en prennent le contrepied pour revendiquer l’existence et les droits d’une autre catégorie de femmes. Pour les participantes, ils constituent une véritable école politique. Monter sur le podium est également une étape centrale dans la trajectoire qui conduit de la clandestinité à une identité de femme trans publiquement assumée. Le désir d’être reconnue comme l’égale en beauté et en féminité d’une Miss limite cependant la remise en question des attributs hégémoniques de la catégorie « femme ». De manière analogue aux Miss indigènes, les concours de beauté transgenres apparaissent ainsi traversés par la tension entre la reproduction de certains mécanismes d’oppression et le projet d’une subversion véritable.

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Desde hace unos diez años, las organizaciones de mujeres transgenero de Bolivia auspician concursos de belleza. Inspirados de las elecciones de Miss convencionales, estos concursos apuntan a reivindicar la existencia y los derechos de otra categoría de mujeres. Para las participantes, constituyen una verdadera universidad política; subirse a la tarima es también una etapa central en la trayectoria que conduce de la clandestinidad a una identidad de mujer trans asumida públicamente. El deseo de ser reconocida como igual, en belleza y feminidad, de una Miss limita, sin embargo, la posibilidad de cuestionar el contenido hegemónico de los atributos de la categoría « mujer ». Así, de manera análoga a las Miss indígenas, los concursos transgenero aparecen atravesados por la tensión entre la reproducción de ciertos mecanismos de opresión y el proyecto de una verdadera subversión.

For about ten years now, transgender women’s organizations in Bolivia have been holding beauty pageants. Inspired by the conventional Miss competitions, the aim of these contests is to assert the existence and claim the rights of another category of women. For the participants, these events represent nothing less than a political university; getting up on stage is also a milestone in the journey that leads from hiding to a publicly embraced identity as a trans woman. Nevertheless, the desire to be recognized as equal in beauty and femininity to a Miss limits the possibility of questioning the hegemonic man/woman binary. Thus, in a similar way to the indigenous Miss pageants, the transgender contests seem permeated by the tension between the reproduction of certain means of oppression and a genuinely subversive project.

INDEX

Mots-clés : Bolivie, concours de beauté, décolonisation, LGBT, transgenre Keywords : Bolivia, beauty pageants, decolonisation, LGBT, transgender Palabras claves : Bolivia, concurso de belleza, descolonización, LGBT, transgenero

AUTEUR

PASCALE ABSI

IRD (CESSMA, UMR 245) [[email protected]]

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Varia

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Nuestra Madre Milpa Joven: una imagen de la totalidad efímera en un ritual wixárika Notre Jeune Mère champ de maïs : une image de la totalité éphémère dans un rituel wixárika Our Young Mother Corn Field: an image of ephemeral totality in a Wixárika ritual

Regina Lira Larios

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2015, accepté pour publication en octobre 2016.

Agradecimientos – Agradezco al Programa de Becas Posdoctorales de la Universidad Nacional Autónoma de México por el apoyo brindado a los jóvenes investigadores. Agradezco de manera especial a Isabel Martínez, Johannes Neurath y Federico Navarrete por sus comentarios durante la elaboración de este artículo. Y también a los lectores cuyos dictámenes acertados e impecables me permitieron refinar la versión final de este artículo, primer producto derivado de mi tesis doctoral.

1 En el curso de mis estancias de trabajo de campo entre los wixaritari (o huicholes, pl.) del occidente de México, tuve la oportunidad de presenciar una « fiesta » del ciclo agrícola de la temporada seca en varios templos familiares de la comunidad de Cuexcomatitlán o Tuapurie1. Luego de una larga noche de canto, al punto casi de culminar, se produce una escena que siempre capturó mi imaginación: sobre la piedra circular que marca el centro del patio ritual y conecta con el mundo de abajo, y en dirección al oriente, se coloca una silla; se sienta una mujer, y sobre ella se coloca una caja de ofrendas que contiene jícaras, flechas, velas, discos votivos, partes de un venado cazado y de una res sacrificada; sobre ésta se extienden velas encendidas a manera de un abanico y al zénit brilla el sol de mediodía. Todos los ejecutantes del

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ritual se concentran en torno de este conjunto heteróclito, el cantador-chamán de frente, los hombres ungiendo sangre y las mujeres rociando agua sobre las ofrendas; todos guardan contacto los unos con los otros con lágrimas en los ojos. Sobre este ensamblaje perfectamente ordenado he preguntado en diversas ocasiones: «¿qué es? », y cada vez se me respondió: « Nuestra Madre Joven Milpa. »

2 ¿Cómo es que las partes heterogéneas que la componen pueden ser concebidas como un todo? ¿Cómo se atribuye de una identidad a algo tan efímero? ¿Bajo qué principios se produce este reconocimiento? ¿Por qué produce tanta tristeza? ¿En qué radica el efecto que produce? En fin, ¿cómo nombrar y entender lo que a mis ojos resultaba une ensamblaje tan extraño y perfecto? Intentaré responder a estas preguntas al demostrar que la Madre Milpa Joven es la imagen heterogénea, plural y efímera que la sociedad wixárika (huichol, en sg.) crea de sí misma, basada en dos propuestas. La primera en una noción de imagen formulada desde una perspectiva relacional y performativa a partir de la etnología melanesia, que ha puesto de relieve las formas específicas en las que las personas se presentan « a sí mismas ante sí mismas », sea en forma artefactual, corporal, en performances u otras (Strathern 2013, p. 157; Gell 1998; Schieffelin 1985)2. La segunda, en la exploración de los procesos de construcción de una representación social o identitaria que no se remiten a la elaboración de un discurso, sino a la puesta en forma y en acto de relaciones particulares (Severi 2003, p. 8; Houseman 2006, p. 413), como ha demostrado la teoría del ritual enfocada desde la pragmática (Bloch 1974; Schieffelin 1985; Humphrey y Laidlaw 1997; Houseman 2000, 2012; Severi 1996, 2007)3.

3 Como vía para examinar el ensamblaje Madre Milpa Joven desde la complejidad ritual, veremos cómo cada una de las partes que la componen es creada y manipulada a lo largo de un ciclo ritual. Con base en la etnografía presentada en un primer apartado, veremos el papel de los artefactos que la componen en la producción de personas en el ritual, primero en el seno de las interacciones entre participantes en el patio del templo, después en el seno de las interacciones entre los antepasados en el canto ritual. Los artefactos serán diferenciados entre sí a partir de las relaciones que estos ponen en juego entre personas del mismo sexo, entre personas de sexo diferente y entre huicholes y no huicholes (Lira 2014). Así entenderemos a la Madre Milpa Joven como emergente de un campo relacional que implica a todos los participantes humanos y no humanos, a sus actos e interacciones, y opera como nodo integrador de los distintos registros de la acción que le dan su aparente soporte, y son tanto paralelos como independientes en la medida en que cada uno hace el ritual (Houseman y Severi 1994; Bateson 1958).

4 Pondremos especial atención en los siguientes aspectos. En primer lugar, en su forma arquitectónica (Bakhtin 1990 [1920-1923], 1990 [1924]), es decir la manera en que el ensamblaje es construido y las relaciones que éste ordena, abordando cada uno de sus componentes como índice visible de relaciones invisibles emergentes de la interacción entre personas en el tiempo y en el espacio que cumplen una función composicional y organizativa de la práctica ritual. En segundo lugar, en el modo en que produce una imagen efímera de la totalidad, que hemos llegado a entender como un modo de actuar en el mundo y de conocerlo, en cuyo efecto altamente emotivo reside tanto su novedad como su poder y sus posibles significados (Kindl 2007; Freedberg 1989, p. 432). Como creador y contenedor de tiempos, este objeto complejo va más allá del tiempo anacrónico que la obra de arte suele generar (Moxey 2013), y nos remite en cambio a una temporalidad múltiple al involucrar una técnica de coordinación y de

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sincronización de espacios-tiempo en la acción colectiva, abriendo preguntas sobre los modos de transmisión dados a partir de la imagen, el tiempo y el cuerpo.

La cacería y la agricultura desde el enfoque relacional al ritual

5 He dedicado un análisis detallado a este ritual centrado en los actores, sus prácticas y en la enunciación de un canto ritual (Lira 2014), retomando una de las grandes preguntas antropológicas en la etnología del Gran Nayar: las relaciones entre la cacería y la agricultura, que en el caso wixárika han sido abordadas especialmente en el estudio de los rituales comunitarios con base en el análisis sobre las estructuras simbólicas y las prácticas sacrificiales (Furst y Schaefer 1996; Gutiérrez del Ángel 2002; Kindl 2003; Neurath 2002). En mi experiencia, la práctica etnográfica en los templos comunitarios tukipa es limitada por las autoridades tradicionales, pues se trata, en palabras suyas, de « su secreto ». Si bien se me permitió presenciar los rituales comunitarios, se me negó la participación a la peregrinación al desierto de San Luis Potosí, y fue en el ámbito familiar de diversas rancherías que pude realizar mis investigaciones. En mi observación de los rituales en ambos ámbitos ceremoniales – el familiar del templo xiriki y el comunitario del conjunto tukipa – constaté que en el familiar se ejecutan las secuencias que se realizan en la mayoría de los rituales que implican la cacería de venado y el sacrificio de una res (vaca o toro); es decir, aquellas secuencias ligadas al ciclo agrícola que en el ámbito comunitario implican un mayor número de participantes, días, sacrificios y una mayor elaboración en su ejecución, lo que dificulta la posibilidad de ser etnografiadas de manera individual. La etnografía a nivel familiar resultó adecuada ya que el xiriki es la base de la estructura social como red de relaciones de parentesco y de intercambio4. El xiriki es un nodo dentro de una red de rancherías que en la dimensión político-territorial se liga con una agencia y con su cabecera, y en la religiosa se liga con una red de xirikite (-te marca del plural) parentales, con los templos ceremoniales (tukipa) y con los sitios sagrados (kakaiyarite). Es en la ranchería que la vida cotidiana transcurre y los miembros de una familia extendida atienden sus responsabilidades rituales, incluso cuando han emigrado o rechazan la participación en los templos comunitarios (Liffman 2011, p. 97)5.

6 La westa (huicholización del término « fiesta ») que aquí analizaremos forma parte del ciclo ritual de la temporada de secas (tukari) que se celebra – en principio – cada año, y ocurre después de la cacería de venado y la quema del coamil y antes de la siembra de maíz6 (ver Figura 1). En ella participan miembros de una familia extendida convocados por el jefe de una ranchería donde se mantiene el templo familiar-xiriki en el que se veneran los ancestros comunes, tanto los ancestros deificados que fundan el culto familiar xiriki – Hermano Mayor Venado Tamatsi Kauyumarie y la Madre Maíz Tatei Niwetsika7 –, como los ancestros genealógicamente demostrables que pueden remontar a hasta cinco generaciones y están presentes en su forma « enfriada » al interior de las jícaras-ancestros conservadas en el templo. La participación dependerá del grado de proximidad parental a los ancestros venerados, del nivel de aprendizaje ritual adquirido en su participación en el sistema de cargos, así como también de la edad y el sexo.

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Fig. 1 – Cronología del ciclo ritual durante la temporada de secas en un templo familiar.

7 El cantador-chamán (mara’akame) es escogido por el jefe de la ranchería con acuerdo del grupo familiar por un ciclo de cinco años. Dirige la sesión ritual con un canto que dura aproximadamente desde antes de la medianoche hasta el atardecer del día siguiente, auxiliado a sus costados por dos dirigentes de la cacería (‘awatamete) que son sus « segunderos » (kwinepuwamete) y por los músicos que intervienen por lapsos, un guitarrista kanareru y un violinista xawereru. Como guía del grupo tiene la importante responsabilidad de cumplir con las expectativas de un auditorio compuesto por personas con distintos grados de aprendizaje, que no dudarán en cuestionar su autoridad si no cumple con los objetivos del ritual: cazar venado, hacer crecer maíz, traer lluvias, propiciar la salud de los familiares, los animales y la milpa. Su naturaleza paradójica involucra una identidad que es simultáneamente humana y no humana, que en el canto resulta en una identidad múltiple casi abrumadora (Severi 2002; Hanks 2009). Los dos niños haakeri, también designados por cinco años, son los aprendices de la tradición y « como venados » (una hembra y un macho) portan en su oreja una vara de plumas que simboliza su cuerno; y a la vez, su proximidad con la res destinada al sacrificio en las secuencias preparatorias del sacrificio los vincula simbólicamente con ella. A diferencia de los demás niños que se encuentran al margen de la escena ritual, y se ocupan de ayudar con las actividades manuales (acarrear agua y leña, preparar y distribuir alimentos), ellos gozan de una perspectiva interna del trabajo ritual, situados al lado del cantador y de los segunderos, quienes les indican cuándo deben manipular los objetos más « delicados »: las ofrendas, las herramientas agrícolas y, para la cacería, los utensilios para el sacrificio. La pareja de casados que « entregan la ofrenda » (timawamete, de mawari ofrenda, o mawarixa, sacrificio) es nombrada por un ciclo entero (aguas y secas). Son los responsables de comprar la res y de todo lo necesario para la realización del ritual, así como de depositar las ofrendas en los « ancestros-topónimos » de mayor jerarquía en las semanas subsecuentes.

8 Los hombres del grupo serán nombrados de manera diferente según las etapas del ciclo: Animales Cazadores (‘Awatamete) durante los cinco días de cacería, Coamileros (Watakamete) en los días dedicados a la preparación del campo de cultivo con la quema del coamil, o Hermanos Mayores Venado (Tamatsima) durante la fiesta 8. Su modo de hacer implica destreza y precisión: para cazar con rifle, manipular el fuego en la quema del coamil o para sacrificar y destazar la res. Para tener éxito en cada una de estas etapas los hombres deben actuar de manera colectiva, en estricta coordinación y con alto control de sí, a pesar del cansancio y las abstinencias impuestas. Las mujeres del grupo son las madres genitoras, nombradas a su vez de manera diferente en cada etapa del ritual: como Madres de la lluvia y de la noche (Tateteima) durante la cacería (espacio del cual son excluidas), y como Madres Maíz (Niwetsika) durante la preparación del coamil y la fiesta. Su modo de hacer contrasta significativamente con el de los hombres: ejecutan sus actos de manera extremadamente ordenada y sigilosa. Llevan consigo las jícaras-ancestros heredadas de los antepasados venerados en el templo familiar, que

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manipulan a lo largo del ritual entre el interior del templo, el centro del patio y frente al fuego (simbólicamente asociados con el mundo de abajo, el de en medio y el de arriba). Según la exégesis masculina, las mujeres « están más cerca de los dioses » y no necesitan « ni hacer tanto ni ir tan lejos » en su proceso de aprendizaje, ya que su poder genésico está dado de antemano.

9 La configuración relacional de este rito se organiza en torno de tres posiciones ocupadas por dos hombres y una mujer, con lo cual he introducido el papel femenino al análisis de las relaciones rituales. Estas serán ocupadas por todos los miembros de la familia en los años venideros, ya sea por suerte o por designación del cantador-chamán, y de ellas depende la transmisión intra (horizontal) e inter (vertical) generacional del trabajo ritual.

10 Las identidades rituales de estas tres personas sólo son comprensibles al interior de una red modificada de relaciones de parentesco de las que emergen por condensación de términos contradictorios (Houseman y Severi 1994). Estos términos son proporcionados por los participantes que se nombran a sí mismos en el curso de las secuencias rituales (por ejemplo al ser cazadores y venados), y por el canto ritual que proporciona nuevos términos que complejiza sus identidades y nos permite reconstruir los vínculos de parentesco entre ellas: una mujer madre-jícara (tei xukuri), un hombre hermano mayor venado (Tamatsi Kauyumarie) que a la vez es hermano menor tigre (Wawatsari nemuuta)9, y un hombre hijo-flor (nuiwari10) que a la vez es hermano menor tigre (-muuta), el joven sacrificador que será simbólicamente sacrificado al amanecer y es identificado con el nacimiento del sol.

11 La familia nuclear primigenia es restituida mediante la instauración de relaciones rituales plurales que, tal como ha señalado J. Neurath (2008a, 2008b), se remiten a distintas esferas de intercambio – de cacería y de agricultura –, pero que analizadas en el seno de las relaciones sociales son la expresión de una doble diferencia – de género y de alteridad – y se expresan en el lenguaje del parentesco – colateralidad (afinidad potencial) y consanguinidad. Las relaciones rituales emergentes entre estas tres posiciones no son solamente esenciales para la definición de sus identidades, sino que coinciden con su gestación, extendiendo los lazos entre participantes más allá de las fronteras biológicas al aludir al origen ancestral y a la procreación. Estas mismas actualizan y hacen visible el vínculo entre Nuestra Madre Maíz y Nuestro Hermano Mayor Venado: el vínculo primordial que funda el culto a los ancestros practicado en el templo-xiriki familiar que se renueva en cada ritual « como si fuera la primera vez ».

12 Del campo relacional en el que todos los participantes se encuentran implicados emerge la identidad mujer-maíz, posición ocupada por la mujer con el cargo de timawame (« que entrega la ofrenda »), llamada madre-jícara (tei xukuri) en el canto, sobre la cual se forma el ensamblaje Nuestra Madre Milpa Joven (Tatei Waxa ‘iimari), objeto de este análisis. Veamos ahora cómo se crean los demás artefactos, las jícaras, flechas, discos votivos y objetos sacrificiales, que compondrán este ensamblaje durante la secuencia « se prenden las velas » (haurimantiyani).

La puesta en forma y en acto de la Madre Milpa Joven

13 Un día, durante una ceremonia, se me dijo: « ¿Cómo ves la costumbre de los huicholes? Tenemos que usar mucho la cabeza y ver cómo vamos a acordarnos. Hay que memorizar y memorizar. Entonces ya hacemos la fiesta, y ya está. » Sobre este

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« memorizar y memorizar » la observación y la participación que me fue permitida me llevó a entender que los artefactos son el núcleo en torno al cual se organiza la acción ritual: la fiesta comienza con su fabricación al atardecer, prosigue con su manipulación en el altar ubicado al interior del templo familiar (Este), el patio (Centro) y junto al fuego (Oeste) durante la madrugada, y culmina con su ensamblaje al mediodía, para finalmente ser desagregados y entregados a cada sitio sagrado-ancestro en las semanas subsecuentes (ver Figura 2). En el canto, los artefactos también cumplen una función arquitectónica tanto a nivel micro como macro del texto ritual. A nivel de pasajes que se distinguen por su contenido narrativo estructurado por desplazamientos, manipulación y depósito de artefactos, que producen un subsecuente « retoño » (de la raíz verbal -weni « retoñar, desplegar, ofrendar »). Y a nivel de bloques, asociando artefactos con entidades y regiones del mundo que esbozan los principios generales de un arte de la memoria wixárika (Yates 2004 [1975]). Tanto en la escena ritual como en el canto, las secuencias de acciones en las que participan los actores humanos y no humanos ofrecen perspectivas dispares, discontinuas y fragmentarias, que parecen crear una experiencia del tiempo y del espacio característica del rito. A la inversa, la manipulación de los objetos permite reconstruir una trayectoria continua del trabajo ritual, lo que a su vez produce una experiencia espacio-temporal también propia al ritual y que coexiste con la anterior. Mientras por un lado los humanos se inscriben en la escena ritual como objetos, por el otro los objetos se comportan en el canto como humanos. En fin, el modo en que ambas configuraciones se imbrican y articulan le confiere a los artefactos y a las imágenes que de ellos se desprenden un papel central en la producción de simbolismo y en la circulación y transmisión de conocimientos en el ritual.

Fig. 2 – Croquis del espacio ritual en una ranchería de la comunidad de Tuapurie.

14 Al ser el núcleo en torno del cual se estructura el rito, nuestra atención sobre la fabricación y manipulación de artefactos nos llevó a apreciar el cuidado con el que las mujeres crean los diseños al interior de las jícaras, los colores empleados en el dibujo de las flechas fabricadas por los hombres, el orden levógiro con el que el cantador dibuja

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los motivos en los discos votivos, o el modo en que todos decoran y nombran las velas. En este cuidado al hacer, se demuestra si una persona « tiene corazón » o ‘iyari, concepto que remite tanto a la entidad anímica común a todos los seres existentes como también a la habilidad de una persona para recordar. Gracias a un proceso de sensibilización de la mirada estimulada por los interlocutores, entendemos que cierto tipo de imágenes crean las condiciones de posibilidad para la comunicación con los ancestros (de manera inversa, las imágenes inducidas por el consumo ritual de peyote o en los sueños se conciben como el recurso por excelencia de los ancestros para comunicar con los humanos). Esta « comunicación » con los ancestros se traduce en la expresión « un solo corazón » del discurso ritual, en la cual corazón o ‘iyari también designa una memoria compartida que reside en el corazón y se transmite (Schaeffer 2002, p. 53), la cual remite al pensamiento y al entendimiento que se adquiere con un « corazón límpido » (Negrín 1985, p. 35)11. Esta memoria compartida por humanos y ancestros se crea y se transmite en la manufactura y manipulación de los artefactos, que crean a su vez un espacio compartido articulado en torno de la mujer-jícara, como veremos a continuación.

15 Tanto por su técnica de fabricación, materiales, significados y como herramientas de poder, los artefactos rituales huicholes han sido uno de los objetos de reflexión recurrentes en una producción de conocimiento etnográfico que rebasa los cien años (Lumholtz 1904a y 1904b; Preuss 1998 [1907], 1998 [1908]; Zingg 1982 [1938]; Furst 1972; Negrín 1985; Kindl 2007; Neurath 2013; Lira 2014). Aquí nos dedicaremos a mostrar sus contextos de uso en el ritual.

Producción de personas como artefactos en el patio ritual

16 En la primera secuencia, « se fabrican las ofrendas » (metehauwewieni) se inaugura el ritual. Convocados al atardecer, todos los familiares se reúnen en el centro del patio ritual y terminan de decorar las ofrendas: los hombres hacen las flechas, las mujeres las jícaras, el cantador los discos votivos y las velas son distribuidas a todos los familiares y adornadas con una flor en papel de china. Según lo documentó K. Preuss, los objetos de uso ritual que llamaba « instrumentos para ver » pertenecían originalmente a los antepasados, y los hombres no hacen más que tomarlos « prestados » al « renovarlos » (1998 [1907], p. 183; 1998 [1908]). En el hacer como los antepasados se produce un desdoblamiento de la identidad del participante que es a la vez pariente y actor ritual, y los objetos se convierten en índice de su nueva posición: al hacer flechas son hermanos mayores venados, al hacer las jícaras son madres maíz, al hacer los discos votivos el cantador es abuelo fuego (entre otros). En el acto de su inscripción al ritual se opera la transferencia de agencia – secundaria en términos de A. Gell (1998) – sobre el objeto, y en el marco del ritual esto conduce a que humanos y antepasados no sólo se llamen de la misma manera sino a que hagan lo mismo; es decir, se trata de una paulatina sincronización y coordinación de actividades que producen un espacio compartido, o bien lo que entre los mixe de Oaxaca P. Pitrou ha llamado el establecimiento de un régimen de co-actividad (2012, p. 80)12.

17 Durante la cacería que se llevó en una etapa previa a la westa se cazó un venado gracias a la suerte y destreza de un cazador. De este acto se produjo el rostro de venado, llamado nierika13, que el cantador sostiene en su mano mientras canta y orienta hacia

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las direcciones cardinales con su vara de plumas (muwieri), y manipula con el resto de las ofrendas. En el amanecer de la fiesta el sacrificador empuña un cuchillo en la yugular de la res por instrucción del cantador. De este acto se produjeron unos cuernos de res, que junto con el corazón y el hígado se colocan con el resto de las ofrendas. El rostro de venado y los cuernos de res son el índice de una relación condensada que engendra la identidad ritual de Cazador-venado que adquiere diversos nombres en el canto, entre los cuales figuran el hermano mayor cazador-venado Tamatsi Paritsika, y el de Sacrificador-res, que en el canto se designa flor-xuturi y será identificado con el nacimiento del sol, Nuestro Ancestro Takaiye14. Todos estos artefactos son colocados en una caja en el altar, al interior del templo.

18 Este modo de fabricar artefactos puede ser entendido como un sistema ritual de producción de personas según lo propuso M. Strathern entre los hagen, donde hay relaciones que producen objetos (cross-sex) y objetos que producen relaciones (same-sex) (Strathern 1990; Gell 1999). Pero hay que notar que aquí no todos los objetos comparten el mismo estatus de agencia o persona, y que hay tanto relaciones directas como indirectas al objeto. Por ejemplo el cantador, por su naturaleza paradójica que pre- existe al ritual, establece relaciones directas con los ancestros – de uno a uno – a través de los discos votivos en los cuales dibuja el rostro de cada uno (para él cada nierika es el « rostro » de un ancestro con sus ojos, boca, nariz, orejas, « como una persona »), mientras que para el resto de los participantes su relación con los ancestros es mediada por el cantador, los objetos, sus acciones e interacciones. Aquí tenemos objetos que producen relaciones (simétricas o de rivalidad) entre personas del mismo sexo: las flechas inscriben a los hombres como cazadores por un lado, y las jícaras a las mujeres genitoras por el otro. Y de la relación (asimétrica o de diferencia) entre ambos se producen objetos como personas, con lo que tenemos a la categoría de objetos vinculados con el sacrificio (velas, rostro de venado, cuernos de res) (ver Figura 3).

Fig. 3 – Relaciones acumulativas que dan forma a la Madre Milpa Joven.

19 Si hasta el momento la configuración relacional ha dado cuenta de la identidad ritual de la mujer-maíz (« la que entrega la ofrenda ») y mujer-jícara en el canto como emergente de un campo relacional que implica a todos los participantes y sus interacciones, los artefactos fabricados en el marco ritual son el índice visible de las relaciones invisibles entre personas del mismo sexo, de sexo diferente, y con sus antepasados mediante procesos de identificación directos e indirectos. Sin embargo, el orden que adquiere este entramado relacional dado por la diferencia sexual no es

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suficiente para dar cuenta de la complejidad que los objetos sacrificiales adquieren en el canto, y que concierne la relación con los no indígenas, es decir los mestizos.

Producción de artefactos como personas en el canto15

20 En su inserción en el mundo-otro en el curso de la enunciación del canto ritual, los artefactos orientan la imaginación de los ejecutantes del rito. Por él transcurren una diversidad de objetos/imágenes: nierika-rostro, vara de plumas, mazorcas de maíz, equipal, cruces, tapete, flechas, jícaras, vela, flor, cirio, título y otros. Entre estos sólo algunos son mencionados de manera recurrente y dotados de atributos humanos: nacen, crecen, hablan, ven, se desplazan, se colocan. A veces son designados como plantas que crecen, frutos que maduran, flores que retoñan, o bien como venados enlazados que quedan suspendidos en el aire como plumas. Acompañados de posesivos en 1a (mi o -ne), 2a (tu o -a) y 3a (su -0) persona, son atribuidos a distintas entidades en distintos planos espacio-temporales (derecha/sur, izquierda/norte, arriba/este o abajo/poniente), que terminan por confluir en el posesivo « nosotros » y en un « centro » que es el aquí-ahora de la enunciación. Entre los mencionados recurrentemente, un tratamiento lingüístico especial nos ha revelado los principios de funcionamiento de un pensamiento taxonómico poniendo en evidencia relaciones paradigmáticas entre artefactos que son reforzadas por el uso de deícticos que los agrupa en tres categorías: la categoría-jícara, manipulada por las entidades femeninas; la categoría-vara de plumas, manipulada por las entidades masculinas; y la categoría- flor-xuturi, que se vincula con los anteriores y con las entidades mestizas y agrupa artefactos ligados con el sacrificio. La manipulación e intercambio de algunos de estos artefactos tiene como consecuencia un acto de « transformación » o « retoño » que, según me explicaron, evoca la emergencia o el nacimiento de cosas animadas tales como el retoño de una flor, el brote de un manantial, y también el acto de dar algo en ofrenda.

21 El modo de hacer femenino, tanto en el canto como en la escena ritual, se vincula con la manipulación de las jícaras (xukuri o sukuli según su pronunciación en el canto), sean las ofrendas o las jícaras-ancestro. En el patio ritual las mujeres ejecutan una secuencia que se repite en distintos momentos con pequeñas variaciones, desplazándose entre el altar, el centro del patio y el fuego con una jícara que contiene una mazorca de elote que llaman teiyari, « la Madre Maíz » que acogen con su manto y en el pecho (-wima). A modo de una secuencia paralelística, las variantes de esta secuencia establecen relaciones analógicas entre la cacería de venado, la fertilización del campo agrícola, la secuencia de barrer el patio y el sacrificio de la res, que produce un simbolismo que remite a la muerte, a la fertilidad y a la procreación16. En la primera parte del canto ritual, el hacer de las entidades femeninas (Tateteima) es descrito acto por acto a manera de una secuencia cinematográfica en cámara lenta, con una jícara en su manto que va adquiriendo rasgos humanos en pleno crecimiento (se le llama niña, joven, madre) en el curso de su desplazamiento desde el mundo de abajo o el lugar de la noche (Tikaripa) hacia el plano medio del mundo en el centro (Hixiapa). La función genésica femenina es acentuada en pasajes que insisten sobre el motivo del nacimiento (nuiwari) y en la mención del gesto femenino (-wima) con el que las mujeres « acogen en su manto » la teiyari o el venado cazado, según la etapa del ciclo ritual. Este modo de hacer mimético crea las condiciones para la sincronía entre humanos y no humanos en el

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marco del anacronismo característico del ritual. La jícara descrita en su proceso de crecimiento conforma lo que llamamos la categoría-jícara ordenada en una estructura paralelística identificada a nivel macro del texto ritual, con la repetición sistemática de un término y la variación de otro (ver Figura 4).

Fig. 4 – Estructura paralelista de la categoría-jícara y sus variaciones.

Segmento Término en wixárika Término en español

30 sukuli jícara

31 tei masa sukuli madre venado jícara

72 ‘iimali sukuli joven jícara

108 nemuuta sukuli tiilí sukuli mi hermano menor jícara niños jícara

150 tuutuli sukuli flor jícara

150 tasukuli nuestra jícara

175 tatei sukuli nuestra madre jícara

22 El canto recrea el paralelismo observado en el plano de las secuencias, en el tratamiento lingüístico que produce el crecimiento de la mujer-jícara que hemos identificado como la mujer « que entrega la ofrenda » (timawame) en la escena ritual. La mujer-jícara, con su modo de actuar sigiloso y contraído, opera como contenedor de los artefactos que dan forma al ensamblaje de la Madre Milpa Joven y tanto en el patio ritual como en el canto se desenvuelve en interacción con su « retoño » (yirari), el hijo- flor xuturi cuya identidad se atribuye al joven sacrificador. La descripción acto por acto – de un tipo narrativo poco frecuente – toma una aparente linealidad que hemos abordado como una serie evolutiva que produce una temporalidad orientada por los términos lingüísticos en torno de las categorías polisémicas del wixárika tikari (temporada de lluvias, noche, oscuridad) y tukari (temporada de secas, luz, vida), con las que el cantador-chamán describe los procesos de transformación de los ancestros que emergen de la oscuridad para descubrir sus rostros con el nacimiento del sol y que hemos llamado el cronotopo de la agricultura (Lira, en prensa).

23 A la segunda categoría-vara de plumas pertenecen los artefactos que median las relaciones entre las entidades masculinas (Kakaiyama), con las que el cantador se identifica y cuyas identidades acumula en el curso de desplazamientos entre la región de en medio/Centro (Hixiapa) y de arriba/Este (Hixiata), y entre la derecha/Sur (Tserieta) y la izquierda/Norte (‘Utata). Por ejemplo, en un pasaje dos artefactos, el tapete (‘itari) sobre el cual el cantador esparce sus herramientas chamánicas, y el nierika, que designa una diversidad de objetos presentes en la escena ritual (el espejo que el cantador tiene frente a sí como parte de sus herramientas, el rostro del venado cazado que manipula en su mano, la piedra circular tepari que marca el centro del patio), son colocados simultáneamente en el centro. Al desplazamiento y depósito de artefactos les sucede un « retoño » – en lenguaje del canto – y el enunciador se designa a sí mismo « Yo soy Kauyumarie » (Kaunemarie)17. Con el uso de posesivos el contraste de perspectivas entre las entidades que manipulan tapete y nierika es acentuado, hasta que al final del canto se emplea el posesivo en plural « nuestro » (ver Figura 5).

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Fig. 5 – Contraste de perspectivas en la categoría-vara de plumas.

Segmento Término en wixárika Término en español

0 tanierika nuestro rostro

24 yu’itari – nenierika su tapete – mi rostro

59 ‘itari – nenierika tapete – mi rostro

86 ‘itari – nierika tapete – rostro

120 ne’itali – senierika mi rostro – sus rostros

133 yunierika – ne’itari su rostro – mi tapete

134 ta’itari nuestro tapete

153 tanierika nuestro rostro

24 Este contraste de perspectivas que distingue las intervenciones de las entidades masculinas es acentuado con el uso de deícticos de espacio (aquí, ahí, allá) que producen una espacio-temporalidad discontinua, que nos permite entender la cacería en términos de cronotopo central (Bahktin 1981 [1937-1938]), que a su vez cumple funciones tanto organizativas como composicionales del canto al centrarse en la relación simétrica (o de rivalidad) entre el venado presa y el tigre cazador en esta primera parte. El acto de caza que sucede, sucedió y sucederá de manera indefinida en el canto es el momento cronotópico por excelencia: el nudo de la trama. En este contraste de perspectivas figura el elemento inestable de la concepción de persona, que en el caso del enunciador implica que pueda asumir las identidades de las entidades con las que se identifica directa (en primera persona) e indirectamente (en segunda o tercera persona) – venado Kauyumarie, tigre Wawatsari, fuego Tewatsi18, sol Nekaiye –, o bien que estas identificaciones sean tanto acumulables como reversibles en el curso de sus desplazamientos en el mundo del canto que es transitable en múltiples sentidos y a diversas escalas (Lira, en prensa). Sin embargo esta acumulación no se realiza al infinito sino es mediada por una operación que al cabo de acumular o fusionar identidades, produce un desdoblamiento o fisión (López Austin 1983). Por ejemplo, en el curso del nacimiento y manipulación de una vela (hauri), el tigre Wawatsari se desdobla en león ‘Ututawi y se completa la serie de identificaciones. Manipulados en el mundo invisible de los antepasados, los artefactos que conforman las herramientas chamánicas del cantador se acumulan progresivamente en la región de en medio (el centro), y son visibles en el patio ritual frente al cantador que los tiene extendidos en su tapete (‘itari): su vara de plumas (muwieri), su espejo y rostro de venado (nierika), su estuche (takwatsi), sus velas (hauri) y su cirio (‘iteiri), restituyendo su identidad plural y compleja.

25 La tercera categoría-flor xuturi engloba los artefactos sacrificiales (mawari). En primer lugar, este término se traduce por « flor » aunque no tiene un referente botánico particular y es exclusivamente un término ritual que designa una diversidad de cosas asociadas con el sacrificio: las velas empleadas en las secuencias preparatorias del sacrificio, las flores en papel de china que decoran las velas y la res que será sacrificada. La xuturi o sutuli – según la pronunciación del canto – nace (múltiples veces) en lugares donde hay agua, camina, es entregada en ofrenda, es flechada, retoña, toma la voz, y al mismo tiempo se asocia con artefactos como las velas (hauri)19, la jícara (xukuri), y las cruces (kuruxi)20, los niños dios (yusi tiiri), un « Ancestro tierno » (kaiye wenima) y

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entidades del mundo mestizo como Jesucristo (Kesusi), San José (Sakutsé), el Vaquero (Wakeru) o la Virgen de Guadalupe (Wirken Walalupi). Entre los artefactos que conforman esta tercera categoría-flor xuturi destaca un comportamiento que tiende a la acumulación y a la contracción, desplegando sobre todo relaciones de analogía y de oposición (ver Figura 6).

Fig. 6 – Acumulación y contracción en la categoría-flor xuturi.

Segmento Término en wixárika Término en español

42 masa hauli kikii haulieya venado vela kikiia su vela

73 masa hauli tiwekari hauli venado vela tigre vela

78 matsi hauli kulusi hauli hermano mayor vela cruz vela

94 tikari hauli noche vela

95 yusutuli/’anierika su flor-xuturi tu rostro

97 nesutuli tuutuli mi flor-xuturi flor

100 nekulusi/nesutuli mi cruz mi flor-xuturi

103 sesukuli sesutuli su jícara su flor-xuturi

128 nesutuli hauli mi flor-xuturi vela

130 ‘arí ‘asutuli ‘arí misewí ya tu flor-xuturi, ya es uno

131 kikii hauli kikii vela

138 turi kikii flor kikii

149 tuli sukuli flor jícara

a. No encontré este término en otras traducciones. Lo dejé en lengua original porque hasta le fecha no lo comprendo cabalmente. De su contexto de aparición en el canto se infiere su importancia, ya que su asociación con la flor-xuturi es una constante. Entre las interpretaciones obtenidas está la de venado, venado cazado, ofrenda, vaca que será sacrificada, vaca sacrificada, y animal doméstico.

26 De manera semejante a la escena ritual, la xuturi se engendra de la relación entre relaciones. Es decir que la diferencia sexual (vía la vela y las jícaras) detona otro nivel relacional que establece un vínculo con las entidades del mundo mestizo (vía las cruces). El canto finalmente dice « tu flor-xuturi ya es uno » y con ello, se atribuye a la Madre Maíz Niwetsika (Niwetsika sutuliyu). En la primera parte del canto se vislumbra lo que llamamos el cronotopo del sol, si bien apenas es la medianoche. De este campo de transformaciones y de sus constantes se propuso que la xuturi u ofrenda en sacrificio (mawari) es simultáneamente ancestro (-kaiye), descendiente (-nuiwari) y también mestizo, lo que nos remite al mito del nacimiento del sol (huichol y mesoamericano) en el que un niño « pobre e inválido » se auto-sacrifica en la hoguera y asciende al cielo como Takaiye o « Sol Mayor » trayendo enfermedades, según la traducción de R. López de la Torre (2006, p. 34), y que en otros relatos es concebido como foráneo o vecino mestizo (Lemaistre 1997, p. 251). Vale recordar las concepciones mesoamericanas que asocian la guerra con la cacería y también con el parto femenino, lo cual permite considerar que el sol pueda ser concebido como enemigo engendrado (Olivier 2011, p. 78-79)21.

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27 Los artefactos-persona producidos colectivamente en el curso de las interacciones en el patio ritual, así como las personas-artefacto complejizadas en el curso de la enunciación del canto que serán ensamblados sobre la mujer-jícara, dan cuenta por lo tanto de un complejo entramado socio-cósmico. En estos artefactos están implicadas relaciones de depredación y afinidad potencial entre cazador y presa, de consanguinidad y de guerra entre madre e hijo, o bien de alteridad entre hijo-sol y entidades mestizas. Pensar en la Madre Milpa Joven en términos de imagen-persona, como la antropología del arte reciente nos ha enseñado a entender, eclipsaría las relaciones acumuladas e implicadas en su uso y los modos de hacer que las han producido, el cual conduce hacia la co-actividad entre humanos y antepasados acentuada en el uso del posesivo del plural « nuestro » (nuestra jícara, nuestro tapete) y que da cuenta de la complejidad ritual en juego. A este proceso de sincronización se superpone el de la simultaneidad de los espacios-tiempo multiplicados en el canto, que crea las condiciones para que el cantador alcance uno de sus grandes retos: el de articular – enlazar o tejer según el lenguaje del canto – los distintos centros del canto (el patio ritual, la fogata, el altar, la milpa, el lugar de caza, la flecha, el nierika, el tapete, etc.) en un mismo tiempo-espacio que es el aquí-ahora del ritual (Lemaistre 2003, p. 184; Benzi 1972, p. 107-108)22. Esta habilidad chamánica de ordenar el axis mundi como « síntesis del mundo » es una de las múltiples definiciones de nierika que O. Kindl (2007, p. 2254-2255) ha propuesto desde el arte ritual, y que en el canto se llama hixiapa, el lugar del centro, el punto origo del canto, punto de partida y también de llegada. Este centro-aquí-ahora de la enunciación forja un presente « fecundo », según la expresión de J. Negrín (1985, p. 29-30), del que emerge la Madre Milpa Joven como un momento de síntesis, siguiendo a O. Kindl, pero que es, y debe ser, irremediablemente efímero. Volvamos al patio ritual.

El mediodía « se prenden las velas »

28 La puesta en forma y en acto de la Madre Milpa Joven se produce en la última secuencia « se prenden las velas » (haurimantiyani), casi al final de la fiesta. Al medio día y en el centro del patio ritual (centro del mundo, hixiapa), los elementos heterogéneos que la componen son colocados uno sobre otro: sobre la piedra (tepari – nierika) en el centro del espacio ritual se coloca la mujer-jícara timawame hincada y mirando al Este. Sobre su cabeza se coloca la caja que contiene las ofrendas: las flechas (hombres venado), las jícaras (mujeres maíz), los discos votivos (cantador chamán) y las velas, y también los cuernos y rostro del venado cazado, los cuernos de la res, su corazón e hígado recién extirpados en el amanecer (víctimas sacrificiales sol-mestizo). Sobre la caja y a manera de abanico se colocan verticalmente velas que se prenden. En el zénit está el sol de mediodía. El cantador, frente a ella, prosigue su canto, el Cazador-venado y el Sacrificador-res esparcen sangre de sus víctimas sacrificiales (o de sí mismos) sobre cada una de las ofrendas, y el conjunto de mujeres-madres rocían agua proveniente de los manantiales sagrados con polvo de maíz azul en las ofrendas. Todos estos elementos guardan contacto entre sí, y las personas cuidan de mantener contacto físico entre ellas. A este conjunto se le atribuye la identidad de Nuestra Madre Milpa Joven o Tatei Waxa ‘iimari « o la Virgen de Guadalupe ó la Madre Maíz Niwetsika, pues es lo mismo », según se me ha dicho en repetidas ocasiones (ver Figura 7).

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Fig. 7 – Configuración en torno a la mujer-jícara « que entrega la ofrenda ».

29 En el momento de su conformación provoca llantos entre sus creadores y una mirada triste entre sus observadores, quienes me han comunicado las inquietudes que les susita: « ¿por qué la Madre Maíz Niwetsika se nutre de tanta sangre?, ¿cómo vamos a hacer para pagar más vacas? » Como la cristalización en imagen de todo un ciclo, sus partes son eventualmente desagregadas y la fiesta casi ha llegado al final. En unas horas se comparten alimentos y bebida en abundancia y al día siguiente se concluye en el coamil en el cual se vierten caldos, agua con chocolate, sangre y peyote. El coamil/ milpa es también centro del mundo – el lugar de inicio y de término de todo ritual – la quinta dirección, hixiapa. En las semanas siguientes las ofrendas y partes sacrificadas serán entregadas a los distintos ancestros-topónimos, manteniendo el « andar » wixárika, concepto con el que las sociedades wixaritari designan « el costumbre » (yeiyari, « andar/caminar »).

30 Si humanos y ancestros hacen lo mismo, o son lo mismo, ¿quién es entonces el creador de esta imagen de la transformación? Hemos mostrado cómo cada parte de este objeto complejo es índice de relaciones directas e indirectas que se afectan de parte a parte y de parte a todo: un « objeto de arte » que A. Gell designa como dotado de « agencia intencional compleja » (1998)23. Su autonomía aparente, que de manera concomitante funda su autoridad, se explica no a partir de la intervención directa de uno u otro participante, sino más bien por una serie de identificaciones parciales que animan el conjunto de relaciones implicadas por su uso (Severi 2008, p. 117). Como objeto estrictamente relacional, resultante de la configuración de diversos registros de acción y de una superposición de planos relacionales, las relaciones que en ésta se han acumulado se han colapsado sobre ella misma, mostrando su forma única que todos reconocen de manera inequívoca: se trata de la Madre Milpa Joven.

31 En el ensamblaje de la Madre Milpa Joven se han acumulado relaciones a diversas escalas que la acción colectiva ha enlazado, lo cual nos lleva a entenderla como la imagen que la sociedad wixárika forja de sí misma al englobar a las personas y a sus antepasados en un « solo corazón-memoria »24. Si en el acto creativo se originan las condiciones de posibilidad para la coexistencia efímera de los mundos humanos y no humanos, es en la experiencia colectiva de su creación en donde reside su potencia y se difuminan sus contornos. Como lo expresaba justamente J. Negrín en uno de sus textos clásicos sobre el arte ritual huichol, en las ceremonias « los Antepasados son invocados,

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atraídos por los cantos de los maracate, las libaciones, el sacrificio animal, y complacidos por los esfuerzos de sus descendientes humanos; les prestan nuevas fuerzas al ‘iyari y les refrescan el alma cupuri con rocío. En esta forma se fusionan el espíritu inmanente de los Antepasados y el espíritu latente de los hombres, en una correspondencia entre el macrocosmo y el microcosmo que se sostienen mutuamente, inyectándose lo eterno dentro del fecundo presente » (1985, p. 29-30).

La Madre Milpa Joven como totalidad efímera

32 Como me ha explicado un amigo de la comunidad de Tuapurie: « el mundo es uno aunque lo percibamos como dividido, en partes: en montañas, ríos, nubes, etc. ». A la pregunta sobre cómo esas partes – heterogéneas a mis ojos – conforman un todo, el arte ha intentado responder de múltiples maneras. Entre los formalistas rusos, M. Bakhtin (1990 [1920-1923], 1990 [1924]) planteaba esta pregunta en sus escritos tempranos, enfatizando la heterogeneidad antes que la unidad del objeto estético que perfiló en su definición de arquitectónica como actividad que ordena las relaciones entre el yo y el otro en un estado de tensión dinámico; posiciones que son tanto relativas como simultáneas, dadas en el marco de la experiencia a partir de la cual desarrolla su concepto de dialogismo. Esta reflexión que enfatizaba el carácter plural de la creación artística pareciera lejana o ajena a la huichola. Más me ha estimulado cuestionar cómo este ensamblaje « enlaza » la unidad o completitud que no es el estado ordinario de las cosas, sino algo que se busca y se alcanza de manera irremediablemente efímera. El concepto de nierika como modo de conocimiento indígena – siempre riesgoso – comprende en sí esa pregunta: la de ver (del verbo nieriya), conocer, comprender « la totalidad » (Kindl 2007, p. 329).

33 El ensamblaje Madre Milpa Joven nos ha permitido hacer un recorrido por todo un ciclo y ha puesto en evidencia su vínculo con la concepción nativa de ‘iyari o corazón- memoria. Primero como dispositivo mnemónico, al ser una construcción sinóptica de todo un ciclo ritual, y en segundo lugar como espacio de experiencia y de conocimiento compartidos y ordenados. Esta experiencia remite a los riesgos compartidos entre los hombres durante la cacería, entre las mujeres que los esperan y los apoyan, entre familiares que viven dispersos en rancherías lejanas y que se reúnen para la ocasión, y también de la experiencia con los otros: la otra mujer, el otro depredador, el otro enemigo, el otro mestizo. Como « imagen », ésta colapsa o condensa el contexto en sí misma, lo cual detona su reconocimiento y al mismo tiempo se vincula con los « eventos » más valorados en la historia wixárika, transmitidos en el ritual que es la historia de cómo los antepasados crean, crearon y crearán el mundo en cada ritual « como si fuera la primera vez ». Como creadora de su propia temporalidad, las partes de este entramado permiten hacer un recorrido por esta historia que es historia en presente, pasado y futuro, pero que no se restringe a una lectura lineal sino que puede recorrerse en sentido reversible o a manera de un fractal pasando de un nivel micro al macro. Como imagen anacrónica que es muchos tiempos a la vez, surge la pregunta del tiempo de su creación: esto es un tiempo colapsado en un presente, fecundo y desmultiplicado.

34 Finalmente, las jícaras, las flechas, la velas, el venado, los cuernos, etc. son parte de un repertorio gráfico presente en la gran mayoría de cuadros de estambre huicholes realizados para la venta. Con esto se sugiere que estos artefactos-imágenes conforman

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un repertorio exclusivo que pueden combinarse en configuraciones cada vez más complejas, y cuyo contexto de uso orienta sus posibles interpretaciones. En el orden impuesto por este ritual agrícola en torno de una madre-jícara « que entrega la ofrenda », su interpretación como Madre Milpa Joven detona otra memoria transmitida en los cantos y el discurso mitológico. La de la madre dadora de vida, la que sacrifica a su hijo, la que porta una falda de estrellas, la que es maíz, virgen y mexicana25. Las ideas warburguianas que tanto J. Assman (1995, 2006) como C. Severi (1996, 2007) han retomado en torno de la imagen como huella mnémica convergen en el aspecto trágico o doloroso que juega en su pervivencia. En este sentido, el maíz es efectivamente un detonador de una historia de sacrificios sin fin que involucra a cada persona en el presente y la vincula con el pasado. Posiblemente esta fuerza trágica que se prolonga en la imagen haga del nacimiento del maíz uno de los grandes temas gráficos representados en el arte huichol de tablas de estambre, y también del arte mesoamericano, que a manera de figura intermedia entre el arte y el ritual se transmite restituyendo el continuo vivencial entre el presente y el pasado.

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NOTAS

1. Las sociedades wixaritari o huicholas viven en los estados de Jalisco, Nayarit, Durango y Zacatecas, entre la costa del Pacífico, los márgenes del río Santiago y el sur de la Sierra Madre Occidental, territorio que habitan desde tiempos prehispánicos. Las comunidades indígenas agrarias conforman aproximadamente 400 mil hectáreas y se organizan en cinco gobernancias, además de los ejidos adyacentes, las poblaciones desplazadas y los territorios en disputa. El huichol o wixárika pertenece a la familia lingüística yuto-azteca, dentro del cual forma un sub-grupo con el cora. Las reglas de ortografía del wixárika son aún objeto de debate entre especialistas y hablantes que disputan las variantes regionales. Me he apegado a la ortografía aplicada en la comunidad de Tuapurie Santa Catarina Cuexcomatitlán (municipio de Mezquitic, estado de Jalisco), donde he realizado la mayor parte de mi investigación durante estancias de trabajo de campo realizadas entre los años 2007 y 2010 gracias al apoyo del Programa Becas en el Extranjero del CONACYT y al Laboratorio de Antropología Social del Collège de France. El trabajo de transcripción y traducción del canto ritual se llevó a cabo gracias al apoyo de la Firebird Foundation Project for Oral Litterature. La redacción de este artículo se elaboró gracias al Programa de Becas Posdoctorales de la Universidad Nacional Autónoma de México. 2. Me baso en la definición de imagen de sí que M. Strathern ha desarrollado en el contexto etnográfico melanesio, quien dice « People objectify or present themselves to themsleves in innumerable ways, but must always do so through assuming a specific form » (2013), p. 157). En la etnología melanesia la performance como forma de auto- representación, como medio de transmisión o como objeto de arte que actúa en el mundo desde la perspectiva citada ha sido elaborada por M. Strathern, pero también por E. Schieffelin y A. Gell.

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3. Es de M. Houseman de quien he tomado la traducción del inglés enactment al francés (« mise en forme et en acte ») que he traducido al español como « puesta en forma y en acto » (2012). 4. Sobre la etnografía a nivel del xiriki parental, K. Preuss documentó fragmentos en distintas rancherías de comunidades en Nayarit y Jalisco (1998 [1908]), R. Zingg fue el primero en documentar todo un ciclo ritual en una ranchería y en el centro ceremonial de Ratontita en los confines entre Tuxpan de Bolaños y San Sebastián Teponahuastlán en 1938, pero es J. Neurath quien logró articular el ciclo ritual anual celebrado a nivel familiar xiriki, comunitario tukipa y en la cabecera, en su tesis de doctorado publicada en 2002. 5. P. Liffman atribuye una importancia particular a los rituales del xiriki ya que en San Andrés Cohamiata, la comunidad donde ha realizado sus investigaciones, la legitimidad de ciertas instancias de poder está en declive y ha perdido la capacidad de englobar simbólicamente a la comunidad entera, un proceso que desde los años 1960 era observado en San Sebastián Teponahuastlán por P. Weigand (1992, p. 48). Según P. Liffman, como consecuencia de esta crisis de legitimidad, la vida ritual en los xiriki ha cobrado mayor importancia, y « la jerarquía se ha invertido » (2011, p. 89). No es el caso en Santa Catarina, donde de hecho la jerarquía de los templos comunitarios (tukipa) se mantiene por encima de la cabecera, si bien las relaciones de poder alternan según los periodos del año. 6. Este ciclo se complementa con otro ciclo que se ejecuta durante la temporada de aguas o tikari. 7. El culto a estos ancestros es común a todos los templos familiares-xirikite (-te, marca del plural), y además cada uno se ocupa de la renovación de un número de relaciones rituales que puede variar entre templos al haber sido adquiridos por herencia o bien porque el responsable de hacer la fiesta las ha adquirido como nuevos pactos o deudas a lo largo de su vida. 8. Los términos en español no son traducciones literales de los términos en huichol, sino que son los que me proporcionaron mis interlocutores. Por ejemplo, ‘Awatamete es literalmente personas-cuerno, pero designa a los cinco cazadores míticos que son guardianes del fuego. 9. No nos detendremos en la demostración de las reglas matrimoniales implícita en el ritual. Precisamos sin embargo algunos elementos claves para su comprensión. -Matsi es un término de parentesco correspondiente a un hermano mayor y/o primo mayor bilateral, y -muuta corresponde a hermano menor y/o primo menor bilateral. Ambos designan una relación de hombre a hombre. El matrimonio preferencial se realiza entre miembros de una misma familia, no en línea directa sino entre ego y primos/as, tío/a, sobrino/a. Por ello -matsi puede designar al hermano mayor, al primo mayor o al esposo potencial de hermana o prima de -muuta. En consecuencia, - muuta puede designar a hermano menor o primo menor de la esposa de -matsi (o la madre de -niwe). Al llevar la regla a su extremo, se designa una relación de afinidad potencial con lo cual se completa la condensación de términos contradictorios de parentesco: el joven sacrificador se identifica con el tío materno y el cazador se identifica con el hermano/ primo menor de esposa, implicando la transgresión de la regla matrimonial que prohíbe el incesto en línea directa. Los términos de parentesco, que por lo general son acompañados de un posesivo como prefijo, pueden aparecer sin ellos en el canto, como sucede en el caso de matsi. En el texto no añadí el posesivo en la traducción: -ta es

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« nuestro » y -ne es « mi ». Los términos de parentesco fueron tomados de A. Manzares (2003, p. 81) y cotejados en B. Grimes y J. Grimes (1962). 10. Este término es traducido por el lingüista G. Pacheco como « nacimiento », y en los cantos trabajados por D. Lemaistre (2003, p. 35) su traductor propuso hacerlo como « descendiente ». 11. El ‘iyari se entiende en relación al kipuri traducido como « alma vital » o « rocío » que anima a los seres existentes, sean personas, plantas, minerales, animales o ancestros deificados. Este concepto ha sido abordado por la mayoría de los autores que han estudiado el chamanismo huichol, y coinciden en su traducción como corazón y memoria (ver, entre otros, Negrín 1985; Lemaistre 2003; Kindl 2007). O. Kindl además lo designa como una « facultad conceptual y emocional » (2007, p. 367). S. Schaefer describe ‘iyari como « a kind of inherited memory that resides in the heart and is passed down from the ancestors. The ‘iyari is an entity that exists independently of an individual human being, and is associated with thought, experience, and understanding » (2002, p. 53) 12. P. Pitrou (2012, p. 80) encontró entre los mixe de Oaxaca entidades a los que se les atribuyen actividades que « inventan o moldean las formas del mundo », como lo haría un ceramista o un tejedor. En esta organización dada por actividades específicas, que P. Pitrou analiza en la creación de depósitos mixe, es que propone lo que llama « régimen de co-actividad » y dice: « Lors de la réalisation d’un dépôt, l’extension de la sociabilité à un partenaire ontologiquement différent ne s’effectuerait donc pas seulement selon la logique de l’échange réciproque, elle correspondrait également à un désir d’initier des mouvements afin qu’un autre, réputé les observer, puisse les réaliser à son tour » (p. 98). Esta idea cobra sentido en la etnografía huichola y podría desarrollarse más. 13. Regresaremos sobre este concepto nativo particularmente complejo que designa tanto un tipo de artefactos de uso ritual, como un modo de conocimiento propio al aprendizaje chamánico. 14. El término « -kaiye » quiere decir literalmente « ancestro », y lo encontramos en el canto con los posesivos -ne (mi) o -ta (nuestro). Es el término ritual para designar al sol según me indicaron los especialistas rituales. Así lo confirma R. López de la Torre (2006) en su libro sobre mitología wixárika, donde señala que un niño « pobre e inválido » se entregó el fuego en el poniente y tomó el nombre de Tamatsi Xautarika, pero que al emerger en el oriente se convirtió en el « vocero del sol » y tomó el nombre de Tamatsi Parikita Muyeika, pero cuando finalmente ascendió en el cielo fue nombrado Takaiye, que traduce como « nacimiento del gran poder » (p. 24-25) y como « Sol mayor » (ibid., p. 34). 15. Los análisis derivados del canto ritual (wawi) se basan en la transcripción y traducción de la primera parte de un canto (de un total de cinco partes), realizada con la autorización del cantador-chamán en su templo familiar, ya que el registro de cantos en los centros ceremoniales tukipa está prohibido por las autoridades tradicionales. La transcripción y traducción fueron realizadas gracias a la colaboración con los lingüistas Gabriel Pacheco y Angélica Ortiz, el traductor Totupica Candelario y asimismo en consultas específicas con especialistas rituales. 16. La relación entre el barrido en el ritual y la fertilidad se ha destacado en la literatura mesoamericanista durante la fiesta de Ochpaniztli dedicada a la diosa Toci, en la cual la escoba figura como símbolo de la feminidad (Sahagún 2000 [1577], p. 250). Según un testimonio citado por S. Schaefer, el cargo de « tenantsi » se ocupa de barrer

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el patio ritual, y en tiempos antiguos correspondía a las mujeres aprendices de mara’akame (2002, p. 67, p. 83). 17. Es importante destacar que, entre los cantos de la comunidad vecina de San Andrés Cohamiata, D. Lemaistre encontró la misma fórmula (1997, p. 142). 18. La traducción de Tewatsi como abuelo no es común. Esta traducción dada por los especialistas rituales que consulté se encuentra en un artículo del lingüista J. L. Iturrioz donde analiza el término tewa que considera « palabra clave para entender la estructura social tradicional y las relaciones de parentesco » (2002, p. 80). Ahí nos dice que tewari se emplea como término de parentesco religioso, para las entidades de « segundo rango », después de los bisabuelos como el « dios del fuego »: el « perfil mítico de la figura del abuelo como transmisor de conocimiento »; y con el honorífico - tsi conforma el término tatewari que designa en una relación simétrica tanto a abuelos reales como a nietos (ibid., p. 80-81) y señala que esta palabra deriva probablemente del tewa-kari « llamarse » y el término tewa también se aplica a todos los animales domésticos y máquinas semovientes (ibid., p. 81-82). 19. La asociación entre la flor y la vela está registrada en el mito del sol registrado por R. Zingg (1982, II, p. 168-169). 20. Kuruxi puede ser traducido como « cruces » y también como « monedas ». Según J. L. Iturrioz (2004, p. 27), éstas son el « principio vital » o « alma » de las entidades cristianas. 21. En un canto de la ofrenda (mawarixa), D. Lemaistre encuentra que el sol se designa como teiwari (1997, p. 251), es decir vecino o foráneo, y en un mito documentado por R. López de la Torre se describe como el que trae enfermedades como la varicela o el sarampión entre otras (2006, p. 24-25). Esta interpretación del sol como enemigo es parte de una discusión mesoamericanista. En un libro sobre la cacería de venado y la guerra en el México prehispánico, Olivier reproduce una imagen del Códice Borgia en la cual la entidad de la gestación Tlazoltetol se representa como un prisionero en forma de un niño y que porta en un collar (2011, p. 78-79). 22. Por medio de analogías a distintos niveles, se enfatiza este esfuerzo por unir y enlazar. Las diferencias acentuadas entre actores rituales al inicio del ritual van dando paso a una imbricación progresiva en el plano de las acciones que exaltan la totalidad grupal. Esto se realiza por ejemplo durante la secuencia anterior al sacrificio, en la que la cuerda con la que se ató la vaca durante toda la noche ata simbólicamente a todos los participantes del ritual, rodeando al grupo familiar y el espacio ritual, primero en sentido levógiro y en seguida en sentido horario. Así, el grupo familiar, el joven sacrificador, los niños haakeri, entre otros elementos, son asociados simbólicamente en distintos momentos con la ofrenda sacrificial mawari. 23. Me he basado en un ejemplo proporcionado por A. Gell en Art and agency, en el cual propone que el principio que anima una « pirámide humana » formada por un equipo de acrobacia que designa como « self-made index » se basa en las relaciones agente/ paciente a niveles « part-to-part » y « part-to-whole » que se afectan al interior del objeto (1998, p. 41-45). En su célebre ensayo de 1996 (2006, p. 233) define objeto de arte: « I would define as a candidate artwork any object or performance that potentially rewards such scrutinity because it embodies intentionalities that are complex, demanding of attention, or perhaps difficult to reconstruct fully. » Si ahora reconocemos que la aproximación relacional a la imagen es una aportación de la etnología melanesia, el análisis se ha

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refinado gracias a su puesta a prueba en otros contextos etnográficos y desde la teoría sobre el ritual, como por ejemplo en Amazonía (Fausto y Severi 2014). 24. Esta idea se encuentra en el discurso ritual. J. Negrín lo explica en los siguientes términos: « En esta forma, las familias de las rancherías dispersas entran también en comunión tribal; su sangre, gruesa de siglos de unión espiritual, fluye de cuerpo en cuerpo, como fluyen los ríos al mar, todos se forman “de un solo corazón”: “ta iyari yari” » (1985, p. 30). También está la idea de « un solo camino » (Mata Torres 1974, p. 24-26), que remite al andar wixárika. 25. Según distintas fuentes encontramos que Tatei Waxa ‘iimari es una madre que lleva una falda de estrellas (Lumholtz 1907a, p. 14) y sacrifica a su hijo en Teupa, lugar donde se arrojó el niño a la hoguera que emergió del otro lado del mundo como niño sol (según canto de San Francisco registrado por D. Lemaistre 1997, p. 304), o bien que abandona a su hija la lluvia del oriente, Niariwame (Medina 2012, p. 22, comunidad de Durango). Además, en D. Lemaistre (1997, p. 49) se dice que es la hermana del ancestro Cola de Venado – Maxa Kwaxí quien logra robar los primeros peyotes a los guardianes del desierto, los namakate. En J. Ramírez de la Cruz (2003-2004, p. 102) se la asocia con la Virgen de Guadalupe, como creadora de la música estilo regional. Está a la vez próxima a Tatei ‘Utianaka, a quien también se atribuye ser madre del niño venado que se sacrificó para que saliera el sol (¿su « hermana » o su « doble »?) vía Werika ‘iimari (Kindl 2003, p. 91; Lemaistre 1997; Lumholtz 1907a, p. 11), y tal como constaté en el trabajo de campo.

RESÚMENES

En un ritual agrícola, celebrado en un templo familiar en una comunidad wixárika del occidente de México, se produce un ensamblaje en una secuencia organizada de actos compuesto por elementos heterogéneos, artefactos, partes de animales sacrificados y personas, al que se atribuye la identidad de Nuestra Madre Milpa Joven (Tatei Waxa ‘iimari). Analizaremos la forma en que cada una de sus partes es creada y manipulada a lo largo de un ciclo ritual en el seno de las interacciones entre humanos en el patio ceremonial, y entre no humanos en el canto ritual, instaurando relaciones plurales y contradictorias entre personas del mismo sexo, de sexo diferente y entre indígenas y no indígenas. Mostraremos cómo este ensamblaje opera como nodo integrador de los distintos registros de la acción, creando las condiciones para la coexistencia entre los mundos humano y no humano en el acto creativo, con lo que reflexionamos sobre los modos de transmisión indígena a partir de la imagen, el tiempo y el cuerpo.

Dans un rituel agricole célébré au sein d’un temple parental dans une communauté Wixárika à l’Ouest du Mexique, un assemblage hétérogène composé d’artefacts, de parties d’animaux sacrifiés et de personnes se produit lors d’une séquence organisée d’actes, auquel on attribue l’identité de Notre Jeune Mère champ de maïs (Tatei Waxa ‘iimari). Nous verrons comment chacune de ses parties est créée et manipulée au cours d’un cycle rituel au sein des interactions entre humains sur la scène rituelle et entre non humains sur le plan du chant rituel, en instaurant des relations plurielles et contradictoires entre personnes du même sexe, de sexes différents, ainsi qu’entre Amérindiens et non Amérindiens. Nous montrerons comme cet

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assemblage opère comme noeud intégrateur de registres d’action différents en fournissant les conditions pour que les mondes humain et non humain coexistent dans l’acte créatif. À partir de cela, nous réfléchirons sur les modes de transmission amérindiens dans les rapports entre l’image, le temps et le corps.

During an agricultural ritual celebrated in a family shrine in a Wixárika community of West Mexico, an assemblage composed by artefacts, parts of sacrificed animals and persons is produced in the course of an organized sequences of acts and recognized as Our Young Mother Corn Field (Tatei Waxa ‘iimari). We will show how each of its parts is created and manipulated throughout a ritual cycle, during interactions among humans in the ritual patio and among non humans in the ritual chant, while establishing plural and contradictory same sex, cross sex and Indian and Non-Indian relations. We will show how this assemblage operates as an integrating node, while establishing the conditions for human and non-human worlds to coexist in creative act. We will thereby reflect on the modes of indigenous transmission in the links between image, time and body.

ÍNDICE

Mots-clés: assemblage, complexité rituelle, image de soi, relations rituelles, temporalité complexe Palabras claves: ensamblaje, complejidad ritual, imagen de sí, relaciones rituales, temporalidad compleja Keywords: assemblage, ritual complexity, self image, ritual relations, complex temporality

AUTOR

REGINA LIRA LARIOS

Becaria Programa de Becas Posdoctorales de la UNAM, Instituto de Investigaciones Históricas [[email protected]]

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On Yanomami ceremonial dialogues: a political aesthetic of metaphorical agency Sobre los diálogos ceremoniales Yanomami: una estética política de eficiacia metafórica Sur les dialogues cérémoniaux yanomami : une esthétique politique de l’efficacité métaphorique

José Antonio Kelly Luciani

EDITOR'S NOTE

Manuscrit reçu en avril 2016, accepté pour publication en octobre 2016.

Introduction1

1 The Yanomami live on a vast territory straddling the Venezuela-Brazil frontier in some 400-500 communities, dispersed through lowland forest and highland savannas. Communities vary in size from a few households to a couple of hundred people living in a circle of domestic places around a central plaza, either under a single circular roof, or in a number of extended-family houses. Inter-village visiting is constant for quotidian affairs and regular for more ritual occasions like funerary ceremonies. From the standpoint of any given community, the network of material, marital and ritual reciprocity defines a group of allied communities. Further afield, the exchange of harm in the form of raids, sorcery or shamanic attacks is sustained with a number of present and past enemies. In these crudest of terms, Yanomami inter-community politics revolves around the administration of these relations, through all forms of exchange (for a fully fledged analysis, see Albert 1985).

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2 The wayamou ceremonial dialogues play an important role in this political field. They are a ritualized form of verbal exchange aimed at the resolution of conflict between communities whose status as allies or enemies has become blurred, and is hence at issue. This means that those who engage in the dialogues normally live at a remove, but still within the range of mutual influence. A contrast with the dialogues is offered by the morning and evening harangues of influential elders, called patamou – meaning to do or behave as an elder – directed at co-residents. These monologues’ moralizing content looks to create a collective disposition for economic affairs; air and defuse local grievances; and, in general, orient relations within the community, as well as its standing facing other ones (Carrera 2004). Whilst the patamou monologues seek to avoid the degradation of conviviality into strife, conflict and division, the wayamou dialogues seek to convert suspect exchange relations into mutually profitable ones, or at least settle the mutual status of socially and geographically distant communities.

3 The wayamou dialogues and their variations (himou, teshomomou) can take place in the context of the elaborate funerary ceremonies where allied communities arrive at the residence of the deceased by invitation.2 Alternatively they can occur independently, in which case the visitors arrive, perhaps after one or more days’ walking, engage in the dialogue during the night, have a restorative meal in the morning, exchange goods and leave swiftly.

4 The wayamou dialogues are a strictly nocturnal affair. After the visitors are received, as darkness settles, the first pair of visitor-host participants begin. The earliest to participate are the youngest and least experienced. As the night proceeds, more versatile speakers succeed the inexperienced, and towards dawn the elders display their virtuosity. The morning light puts an end to the verbal exchange and inaugurates the exchange of goods, invariably a topic of the dialogues themselves.

5 In each dialogue, one participant takes the lead, speaking or chanting his phrases, whilst the other, closely crouched in front of him, responds by repeating his words identically or with a slight variation. The phrases can be sung or spoken, they can be broken into multi-syllable part-phrases, or even monosyllables. The response has to be fast, to the extent that sometimes an interlocutor guesses the lead’s phrase before he finishes. The voice – spoken or chanted – is usually very vigorous, often intimidating, as the speaker harmonizes his words with the slight swinging of his body and the slapping of his hands on his crouched legs, punctuating the force of his words. He may also be standing up, moving side to side facing his contender, perhaps brandishing his bow and arrow. The respondent must repeat the words of the lead, even if what is said is a recrimination; he may at times just acknowledge the rightfulness of the lead’s words. He may repeat phrase by phrase, or syllable by syllable, depending on the lead’s format, or await a separated multi-syllable sequence to end and then utter the reconstructed phrase. At times, a witty response may, for a few phrases, switch the lead of the exchange to the respondent, but in general the convention is that after the lead has finished, it will be his turn to listen and repeat the words of his interlocutor. As the two interlocutors consume themselves in this verbal duel, which tests their physical and vocal stamina to an extreme, everyone else listens from their hammocks.

6 Visitors relay each other, as do hosts, although these successions need not be simultaneous, and depend both on individual stamina and ability, and on the number of able speakers present (Lizot 1994b). A bid to replace a fellow participant is initiated

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from one’s hammock with an itʰouwei « descending » (from the hammock) chant, consisting of longer phrases sung at a slower tempo.

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7 In very general terms the wayamou is functionally, aesthetically and linguistically of a kind with other Amerindian ceremonial dialogues, as analyzed by Urban (1986): it occurs within a context of potential social disruption among socially distant peoples (but see Alès 1990, p. 228 for caveats); it semantically and pragmatically recalls culturally specific means to achieve social cohesion; it is a distinctive, recognizable and stylistically marked form of dialogue; it stages the mutual implication of verbal with more generally social forms of solidary interaction; and host-visitor pairs take alternate « semantic » and « responsive » turns. Additionally, this Yanomami example shares several more specific characteristics with its functional homologues elsewhere in Lowland South America: it is revelatory of principles, and participates in the negotiation, of the contours of wide-scale social organization, as is the case among the Trio, Waiwai and Wanano (Rivière 1971; Fock 1963; Chernela 2001); it is an artful and competitive duel-like speech genre that takes time to master and thus distinguishes the younger from the elder in terms of quality of performance, as is described for the Trio (Rivière 1971) and Jivaro ensemble cases, with which it also shares the importance assigned to vocal potency and vehement expression (see Gnerre 1986; Descola 1996, p. 165-172).

8 There are also important differences either accountable to the phenomenon itself or to the way it has been analyzed. In contrast to what Rivière (1971) and Fock (1963) say about the language used in Trio and Waiwai dialogues, respectively, wayamou does not use archaic words or those that are otherwise distinct from those used in everyday talk, though certain metaphorical constructions and a few words would appear to be specific to or at least most common in wayamou (see examples in Lizot 1994b). Despite the use of stereotyped, formulaic forms, as I shall try to show in the examples below, it is hard to characterize wayamou as void of communicative content, that is, where the phatic as opposed to message-bearing function is definitely overriding, as is said of the Jivaro cases (Gnerre 1986; Descola 1996; Surrallés 2003). Last but not least, the weight of improvisation in the expert execution of wayamou places Yanomami wayamou on the improvisatory pole of formalized speech genres when compared, for example, with Xinguano « chiefs’ conversation » (Franchetto 2000) or Tukanoan ceremonial chants (Hugh-Jones, pers. comm.) based on the recital of memorized canonical and/or esoteric knowledge, with little or no room for improvisation.

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9 Before laying out the structure and argument of this paper, it is best I describe the context that made it possible. Most of the wayamou sessions I have witnessed occurred during assemblies of the Brazilian Yanomami organization Hutukara (2008, 2010, 2012), involving Venezuelan Yanomami invited to the meetings in the role of visitors, and a mixture of Brazilian Yanomami in the role of hosts. In the last two of these meetings held at Tʰootʰotʰopɨ (2010) and Watorikɨ (2012), I recorded the wayamou dialogues of Marcelo Borges and Alfredo Silva, Yanomami elders from the Parima highlands, and

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members of the newly created (2011) Venezuelan Yanomami organization Horonami. In fact, the visit to the 2010 Hutukara assembly served as a catalyst for creating Horonami. These wayamou sessions are held on the first night of the four-day meetings that during the day are engaged in discussing different aspects of Yanomami-state relations (health, education, illegal gold mining, land invasions, etc.) among the Yanomami themselves, and with state representatives. In 2010, the discourses of the Parima Yanomami focused on demanding information as to how to create an organization and secure financial aid from White (napë) allies for this purpose. In 2012, with Horonami just being created, their requests were for advice and mediation with Whites from their more experienced counterpart (Hutukara).

10 Between early 2013 and late 2015, I transcribed and translated fragments of these dialogues with three Yanomami collaborators: Marcelo Borges, Donaldo Silva and Bruno Borges. Part of this work yielded a Yanomami-only publication (Borges et al. 2015). All the wayamou extracts presented below are taken from this book and are the fruit of this collaborative work, from which I have benefited greatly, not least because my collaborators’ comments as we transcribed/translated provide me with an indigenous perspective on wayamou that I could have hardly elicited or noticed otherwise. On the other hand, an indigenous organization’s assembly is a novel scenario for the holding of wayamou. Beyond its more conventional socio-political context, this creative extension of wayamou performance gives all the examples I present below a particular inflection, where an inter-community ritual form comes to include an inter-ethnic content.

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11 In this paper I describe and analyze the wayamou dialogues, taking a closer look at the following: 1. The significance of their tropic nature. Although the use of the whole field of verbal resources and the densely metaphorical character of wayamou is evident in Lizot’s previous translations/interpretations of segments of these dialogues (1994b, 2000), I want to dwell on the Yanomami understandings of metaphorical and circumventing language and how it does its work. It is also true that trope is given little consideration in the wider field of comparable ceremonial dialogues (see Urban 1986; Monod Becquelin and Erikson 2000; Rivière 1971; Fock 1963; Gnerre 1986; Surrallés 2003; Chernela 2001). This metapragmatic approach shows how trope is associated with conflict resolution; indexes highly valued knowledge and skills contributing to political persuasion; and indexes past relations and exchange expectations with the necessary diplomatic indirection. 2. The role played by knowledge and skills acquired in dreams. The importance of dreams that comes vividly forth in Kopenawa’s auto-ethnographic account (Kopenawa and Albert 2010) has, somewhat surprisingly, not been matched by its analysis in Yanomami studies. As with other influential aspects of Yanomami life like shamanism and hunting, the ability to « dream afar » is fundamental to excel in wayamou. Dreaming is the source of knowledge of distant places, peoples and things to be displayed in « naming the forest », as it is of the verbal skill to aspire to expert performances. 3. The manner in which « naming the forest » socializes space. Urifi wëyëɨ, glossable as « naming the forest » or « naming places », is a fundamental aspect of wayamou discourse, where all sorts of features of the landscape and its associated peoples and resources are named. Whereas Lizot (1994b) shows this topographic naming to be a way of socializing the forest, in concentrating on the intrinsic relation between places, peoples and resources

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condensed in the notion of urifi, I want to show how such socialization is achieved mainly by indexical means. I draw here also on Alès’ work (1990) to suggest that the inter-indexicality between place, people and resources also allows for the referencing of events and peoples gone by, a necessary form of diplomatic indirection among a people who hold a strict prohibition on naming the dead.

12 Attention to wayamou’s metaphorical efficacy in conflict resolution and its dependency on dream-derived knowledge and skill provide evidence for an argument I will only spell out in full in the conclusion: this combination of features in wayamou discourse delineates an aesthetics of political agency of a kind with that of Yanomami and other forms of horizontal shamanism (Hugh-Jones 1994) in Amazonia. Such proximity suggests lines of continuity between political and religious agency and comes as an invitation to bridge the gap Amazonianist anthropology has carved between the analysis of intra-human politics and that between humans and non-humans.

13 Further reinforcing the argument that wayamou and shamanism share discursive aesthetics and knowledge practices (dreaming) is the premium placed on various forms of improvisation as well as the perspectival person deictics deployed in the dialogues. Both these topics are dealt with in specific sections.

14 All the examples presented also demonstrate how expert wayamou speakers can metaphorically translate the contents of inter-ethnic politics into the language of exchange, myth, cosmos and Yanomami everyday life. This ability to make the novel resonate with the known has been recognized as a particularly shamanic expertise deployed within the ongoing transformations of colonial and post-colonial Amazonia (Carneiro da Cunha 1998).

15 To my knowledge, this connection between ceremonial dialogues and shamanism has not been as clearly stated in the literature, even though Alès (2006) has rightly noted the use of gender shifting as demarcating a special ritual context in both wayamou and shamanic discourse. Elsewhere, Erikson (2000) has analyzed ordinary salutations among certain Amerindians as means to resolve the suspect ontological status of visitors. The tension surrounding formal visits among the Candoshi also leads Surrallés (2003) to think of the non-linguistic performative aspects of this welcoming ceremony in terms of laying an ontological common ground as the precondition for communication among equals (human/Candoshi). In both cases, it is the renowned Amerindian mistrust of appearances (spirits and people are not always easily told apart) that calls for measures to dispel ontological doubts.

16 Comparatively, I don’t think wayamou intends to clarify the ontological status of visitors, mainly because any such suspicions will have been resolved in the « presentation dances » involving war mimicry and sexual bantering with which Yanomami enter host communities in formal visitations. Wayamou only commences after dusk, once visitors have settled in, and thus should not, strictly speaking, be considered a welcoming ceremony. Neither is the tension surrounding the dialogues tied to ontological concerns. The danger of wayamou lies in people having to talk about delicate subjects – past grievances, hostilities, the dead – and recriminate and make claims on each other – current problems, requests of exchange or alliance – the outcome of which is highly uncertain. Wayamou constitutes a political edge between peace and conflict.

17 Ethnographic differences notwithstanding, with Erikson and Surrallés I want to approximate human and inter-specific politics, but whereas they deal with discursive

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and aesthetic practices to reduce the ontological ambiguity of others – are these visitors human or spirits? – my tack, complementary to theirs, posits a single set of discursive and aesthetic practices to influence others – be they human or spirits.

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18 Given that previous analyses of wayamou (Lizot 1994a, 1994b; Alès 1990, 2003) 3 have already established its correspondence with Yanomami social organization; its role in the regulation of conflict, and hence in defining the relevant social categories of allies and enemies; the importance Yanomami place on exchange in the establishment or breakdown of alliance, and hence the continuity between verbal and physical violence; my concentration on these sociological aspects will be limited.

19 My approach is semiotic and performative, detailing how trope effects the sociological work attributed to the dialogues, that is, I focus on metaphorical and indexical processes (semiotics) deployed in hope of influencing interlocutors according to the speakers’ political expectations (in this sense performative). This contrasts with the general trend in which the absence of content in similar ceremonial dialogues has led analysts, in line with Urban’s (1986) comparative study, to understand their pragmatic effects mainly in terms of achieving social cohesion in situations of tension.4

Metaphorical language and conflict resolution in wayamou

20 Working with the wayamou dialogues, my friends conjured the expression ã wã poapou to match my sense of « metafora » in Spanish. Ã wã poapou conveys the sense of circumventing speech. The key part of the expression is the root poa-. When asked to exemplify its use, the first image offered was that of a creek from which a new arm is born after heavy rain, circumventing a piece of higher ground. As he spoke, Marcelo’s hands described a skirting move. As transcriptions proceeded, it became clear ã wã poapou included all sorts of linguistic devices that avoided straightforward ways of saying things. Considering it is circumvention that Yanomami emphasize, I shall be referring to metaphor in this very wide sense, subsuming, as Wagner (1972) does, all forms of trope as against lexical denotation. It is important to note from the outset that the use of metaphor in wayamou should not be understood as a way of hiding true intentions or related to a general « distrust of language as a medium for knowing personal intentions or social states », as it has been described for New peoples (Stasch 2011, p. 168). For example, it is conventional that desired objects in wayamou may not be requested explicitly; instead, they must be obliquely alluded to, in short metaphorical sequences. Talking quite off-handedly about this characteristic way of asking for things, one Yanomami described the circumlocution involved in the following terms: one must lie to (nasi-), but not deceive (mɨrã-), one’s interlocutor. As we shall discuss below, metaphor is about diplomatic appropriateness, political persuasion and artful display all conjoined in an aesthetic efficacy.

21 My colleagues concur that only elders know how to metaphorize well in wayamou. When youngsters participate, they name things, places and animals directly. These words are considered « worthless » (tʰë ã kua pëa, tʰë ã nowã kuami). The clarity of

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youngsters’ words is their demise. Elder’s wayamou, in contrast, is true and important (peheti). In the context of wayamou, « clear words » (tʰë ã wararawë) are inadequate, whilst metaphor is the mark of correct performance.

22 When Yanomami comment on the wayamou in the abstract, it is conflictive contexts and their resolution they presume and emphasize. In a generic rendition, when communities in conflict come together for wayamou, from the beginning, one host after the other will reprimand the visitors for their wrongdoings; this is forceful, dangerous, effective talk (wã wayu). The belting of criticism continues through the night and only towards dawn, after people have spoken their minds without restriction, will the more experienced seek to bring the dialogue to a compromise for the maintenance of peace. This phase of friendship talk is characterized in terms of okeprou « calm oneself down » or okemayou « to calm each other down ». The wayu/oke- opposition is important. Wayu designates powerful substances like hallucinogenics, tobacco and poisons as well as enemies and dangerous situations. Okewë designates tasteless food, substances without effect over the body, and more generally harmlessness. What is at stake is the transformation of affective states. The aggressive criticizing is necessary to appease people, disposing them for reconciliation once they have become oke « calm » (for similar renderings of this sequence, see Kopenawa and Albert 2010, p. 397 and Alès 2003, p. 212).

23 The ability in wayamou is referred to as being aka hayu, an expression that more generally refers to the ability to speak the Yanomami language correctly. The term is opposed to aka porepɨ, literally « to have the tongue of ghosts », and refers to small children who don’t yet speak properly, mutes and those who don’t know how to participate well in wayamou. Not having the skill for wayamou is thus likened to not being able to speak at all. In a sense wayamou epitomizes language and speech, which is why the staccato style of wayamou, with the predominance of incisive short phrases and agile use of linguistic resources, appears, though to a lesser extent, in elders’ evening and morning harangues (patamou), as well as in any serious conversation (see Lizot 2000). In this way of talking, ideas are uttered as a monologic enchainment of verses, as in a poetic declamation. This contrasts with everyday talk, which is closer to the format of a conversation, being more dialogic, straightforward, and with a different tempo.

24 But aka hayu also refers to a person’s adroit handling of exchange relations and is an accolade of influential elders who exemplify Yanomami exchange morality. In contrast, aka porepɨ may also indicate a person who gives things away without return and hence doesn’t know how to make him/herself respected (Lizot 2004 p. 8). In myth, Pore « Ghost » – the key term in aka porepɨ – is the master of plantains and incarnates anti- sociability on several accounts: he is stingy, doesn’t speak well, and scolds the Yanomami for stealing from his garden (Lizot 1994b; Carrera 2004). The linguistic and mythological connection between speaking well and the morality of exchange is very explicit. As Lizot says, Yanomami « establish an equivalence between the exchange of goods and oral communication, that is an exchange of words » (1994b, p. 64). So whereas with Urban we can say wayamou is a « “model for” ordinary conversation, and, indeed, social interaction more generally », more than « conveying a message about solidary linguistic and social interaction » (1986, p. 371), what wayamou does is reflect the solidarity Yanomami pose between linguistic and social interaction.

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25 We have mentioned that it is youths who initiate the wayamou when night falls, and that the clarity of their words makes for crude, disappointing performances. Youths initiate the wayamou to gain experience. Not knowing what to say, they anxiously limit themselves to conventionalized formulas, void of communicational content (Lizot 1994b). Voidness notwithstanding, my colleagues stressed that youngsters basically screw things up: they may instigate violence or deny exchange and assistance. It is left for the elders, later during the night, to mend their words and push for peace: Oshe pë rë kui, pë ã wariaɨhe, « pë niya sheɨ, pëfë topëimi », ma kui, pata pënɨ pë wayamou nomihɨo tëhë, pë ã wayamou sharirou. Youngsters speak badly/mess things up with their words, [they say] « we will hit you », « we won’t give you anything », but when elders speak in turn, they straighten the wayamou (they offer things and assistance; they respond to demands). Pata pë rë wayamowei tëhë, oshe pënɨ tʰë ã rë warianowehei tʰë ã niya katehaihe. Oshe pë pufi taomi ha. When elders do wayamou, they will mend the ugly/wrong words of the younger ones, because youngsters are not wise/hospitable (they don’t foresee the consequences of their acts).

26 From these descriptions, I want to stress the link between metaphorical skill and pacifying competence ascribed to elders’ aka hayu speech in contrast with that of youngsters, who, like Ghost, exemplify the link between bad speech and anti- sociability.

Dreaming and naming the forest

27 How does one become aka hayu? For starters there is individual talent and personal interest. To learn wayamou one must live with expert speakers and pay attention to their chants. It is said eating hot peppers prepares the throat for forceful and fluid speech in wayamou. Alès mentions that having the spirit of the short-tempered « Lightning Woman », Tʰafirayoma, is essential to being aka hayu. Her lightning/fire is associated with « eloquence, volubility and phonic potency » (1990, p. 238).

28 On the other hand, there is dreaming. In general, dreams in which one sees, listens to, or engages with animal masters, mythical ancestors or other forest spirits are a fundamental source of knowledge and capabilities. Oneiric visions and travel are central to shamanism and hunting. In relation to wayamou, I was told that in mythical time Yanomami ancestors approached amoa hii, the « tree of songs », attracted by the beautiful melodies that sprang from it and that they had never heard. The ancestors retained these songs, acquiring the ability for wayamou. Today one may dream with this scene to do well in wayamou.

29 Certain birds are considered aka hayu, and thus are good dream-targets to become aka hayu oneself. Three bird-spirits – shitipaririwë, perhaps the buff-throated saltator;5 ayakorariwë, the yellow-rumped cacique; and kirakira moku, the red-fan parrot – were listed to me as aka hayu birds who retain their vocal ability of mythical times, speaking Yanomami language and holding wayamou among themselves. According to Kopenawa, shitipaririwë and ayakorariwë, among other birds-spirits, are « masters of chants » and have a prominent role in bestowing vocal ability on shamans (Kopenawa and

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Albert 2010, p. 95, 142). Alès (2003, p. 222-223) also mentions yarapiariwë, a kind of sparrow, and arimariwë, a species of parrot, as bird-spirits that enhance speaking abilities.

30 But perhaps the most relevant connection between dreams and wayamou is related to urifi ã wëyëɨ, « naming the forest ». The first time I asked Marcelo, point blank in Tʰootʰotʰopɨ, why Yanomami engage in wayamou, he simply said they want to name the forest. Wayamou dialogues are replete with socio-geographic references: present and past places of residence, rivers, rapids, large rocks, mountains, bamboo groves, etc., along with their associated peoples. As Lizot (1994b) says, naming the territory socializes space. In this connection all sorts of Yanomami groups are mentioned. Apart from specific communities, more generic social categories like the shamatʰari and the waika are recurrent. These terms form part of the Yanomami sociological landscape and constitute a relational opposition: the former refers to peoples living south or west of the speaker’s community, the latter to those living north or east (Lizot 2004, p. 456). Specific peoples such as the parafiri (a term associated with groups in the Parima highlands) and the napë (Whites) are also frequent sociological references.

31 In naming the forest, one mentions not only the regions one inhabits or visits, but also those one knows only in dreams. In effect, dreams with distant places are the veritable source of the ability to name the forest, as they are for shamanism and success in hunting. One of the terms for dreaming, tʰapimou, linguistically includes this reference to distance, its root tʰapi- also appearing in tʰapi ha, meaning « further away » (Lizot 2004, p. 434). Correspondingly, tʰapimou means to have a premonitory dream, often about the proximity of visitors or enemies, or to dream about distant places or people (Lizot 2004, p. 434).6 It is not enough, then, to recite places one has heard about, my colleagues insist; one must see them close in dreams, to know and then name them during wayamou. It is as if dreams had a superior capacity to fixate knowledge. 32 Let us now turn to Marcelo’s Itʰouwei chant, for it is a good example of naming the forest and its links with people and resources. 1. « rafaka shiiwë këkɨ upraa fe rë weyape, ei këkɨ fe ã nɨ watupapɨ rãɨ fe rë weyape, ya e ãfã wëaɨ yaio sho », wamaekɨ pufi kuu hõã hokëprou yaiwë ha « The rafaka shiiwë bamboo grove that stands afar, the vultures raising flight indicate its presence, I will name it at once » you (second-person plural, refers to all hosts in the community) are thinking this as you rise for the wayamou 2. « ha, ei rafaka si koropirimi, ei oru këkɨ upraa fe rë weyape, ya e ãfã ta wëa sho, yoyo a wãri tʰarema a wãri wapë » yamare nofi tʰapou yaio ta përa sho « The rafaka si koropirimi bamboo grove, this snake that stands afar, I will name it immediately, he will kill a yoyo toad and eat it », what does it matter [if] you really regard us like this?

33 Lines 1 and 2 find Marcelo impersonating his hosts, who will name (ãfã wë-) two bamboo groves. These bamboos, generically called rafaka, are used as arrow points, and are correspondingly also called rafaka. To mention the grove is also to name the arrowhead. In 1, rafaka shiiwë, glossable as « shitting point », is a type of arrowhead said to cause a victim to excrete after it has been struck. In 2, another arrow point, rafaka si koropirimi, is named. This bamboo has a slightly rough surface and is thus likened to the skin of a snake, emphasizing its deadly efficacy. In saying his hosts will « name » these places, Marcelo is in fact asking them to offer that of which they have plenty, for the arrow points metaphorize any exchange object, and in this particular case, they stand for an explanation about Hutukara. Line 2 is a variation of 1, repeating the request but

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adding its motive. « He will kill a toad and eat it » means, at a first level of trope, that, having obtained arrow points, Marcelo will hunt game – mentioning a toad is an understatement. The real sense is that, having had Hutukara explained to them, he and his fellow Yanomami will create an organization in Venezuela (as in fact happened). Marcelo’s impersonation is a friendly request: Hutukara tʰë ã niya wëaɨ … rimɨmayou tʰë ã, pufi topramayou tʰë ã. « [The interlocutor] will explain about Hutukara … this is alliance talk, words to content one another. »

34 Two important metaphorical correspondences appear in these lines: first, arrowheads may stand for anything one may desire; and, second, naming an object or the place where it flourishes is tantamount to offering it (or alternatively demanding it). In fact, the term wëyëɨ means to give or offer something, whereas ã wëyëɨ, where ã means sound/voice, is to talk about or explain something, and in urifi ã wëyëɨ is to name specific territories. Finally, ãfã wëyëɨ, in which ãfã means « name », is to « promise, assign a name » (Lizot 2004, p. 453). 3. ha, waika wamakɨ përɨprainɨ, waika wamakɨ përɨprainɨ, wama ãfuku pëfi kãi kemarema, e ãfuku hukukuaaɨ yai ya ta përahe You (second-person plural) waika who live dispersed, you waika who live dispersed, you have arrowed a toucan (lit. you have made the colored tail of the toucan fall), what does it matter [if] you pluck the tail feathers (to offer them)? 4. ha, waika wamakɨ rë përɨprai, wamakɨ rë përɨprai, wama ãfuku pefi kãi kemarema, e ãfuku niya huuaɨ yai a ta përahe You waika who live dispersed, you waika who live dispersed, you have arrowed a toucan, what does it matter [if] you place the tail feathers in my earlobe?

35 The general sense of lines 3 and 4 is glossable as « you people gathered here, you are well supplied with manufactured objects and aid from Whites, you have Hutukara: let us know how we can achieve such wellbeing with an organization ». In my colleagues’ terms: wamare shiroko shimatihe, wamare topëɨ totihiopë, matohi a nakaimi, organización a nakaɨ. « Don’t send us home empty handed, give us plenty, he [Marcelo] is not demanding things, he is asking for the organization. »

36 Several tropes are involved. First, ãfuku, the red and yellow feathers of the toucan (mayepɨ), is a metonymic reference to the bird whose feathers are used for adornment. Second, the adornment substitutes for objects and, again, the information on Hutukara’s process and success. The waika in these phrases refer to the Brazilian Yanomami, given the latter’s location (to the east of Parima). 5. waika pë rë përɨprai pë rë kuinɨ, hokoro a tʰaɨ totihia mrahei, waika pë përɨhou totihia pëta The waika living dispersed, they don’t make bird-hides, the waika just live without reason 6. pë nɨ hëɨmɨpɨ si fa niyaonɨ, pë rë riyëhape They kill many cotinga birds with arrows and beautify themselves

37 Lines 5 and 6 point to hosts’ having an organization and material wellbeing. But line 5 is an antiphrasis. Although it is said the waika don’t make bird-hides, implying they don’t have adornments, quite the opposite is meant. « Wamakɨ nɨ◌̃hɨ◌̃te… paushi tʰ arëwë. Wamakɨ sinap ɨ t ʰë hirimaou kuwë ma kui, nɨ◌̃hɨ◌̃te wamakɨ… wamakɨ matofip ɨ waikiwë!… wamakɨ hori ma rë mrai, yamarëkɨ ta topë rë! » « You (waika) are good hunters, you are people with adornments. It sounds like “you are bad hunters” but it means “you are good hunters” … you are full of goods … it is clear you are not in want for them, give us! » The inversion of 5 is evidenced in 6. The bright blue breast skins of the cotinga are used as earlobe adornments by Yanomami men. Again, the adornment

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substitutes for objects, and these in turn for the organization. In Marcelo’s rendering: « Wamakɨ napëprou wakirayoma, kafë wamakɨ iropɨ si rë taowei naha ya kuaaɨ mɨ fetuopë. Organización ya tʰë warɨ. » « You have already become like Whites [you have their objects that have come from stable relations with them], just like you have clothes, I, on my part, want to have them too. I am asking about the organization. » 7. niyayopë u katɨa payëkëa fe rë weyape The river Niyayopë that lies afar 8. wetinɨ pei wã tʰë pë hapa hõã shurukaɨ yaio ma ta tʰawë I wonder who really started the war there a long time ago? 9. urifi ã wã nofi kuo mrãõpë ha ya përɨa totihia yai ya kuteenɨ there is no longer war there, because I live there [I can explain our situation] 10. kihi shokekere tʰë parɨkɨ praa fe rë weyarati the Shokekere mountain range that lies afar 11. kihi hatakuatʰari pë rë përɨhorati those chachalaca spirit-people who live afar 12. kihi rafaka warowaropɨwei këkɨ rë uprape that warowaropɨwei bamboo grove that stands afar 13. ɨ◌̃hɨ◌̃ rë ya kɨ ãfã wëkei tʰawë I am to name/offer it?

38 From line 7, Marcelo begins to name his region (Parima). The niyayopë, « shooting arrows at one another » creek, crosses the savanna home to several communities. It lies « afar » because Marcelo is speaking at Tʰootʰotʰopɨ, which is far from Parima. Lines 8 and 9 refer to the region being named after prolific warring in the past (I am unsure about a precise translation for line 9). In line 10, Shokekere, the « circular » range, refers to an arc-like range of mellow hills in Parima. In line 11 the chachalaca spirit-people who live at Shokekere is an oblique reference to the Yanomami who live there. Why the specific reference to spirits and why the chachalaca, I could not discern. My colleagues said this is simply pata tʰë ã, aka hayu tʰë ã, « elders’ speech, experts’ speech. » Line 12 names another bamboo grove, this time a specific place in the region of Momoi (north of Parima). At this point Marcelo is implicitly asking his audience: « Do you know this place? » My colleagues add: pë rë hekuramouwei pë rë kuinɨ t ʰë shirõ niya taɨhe. Wayamorewë pënɨ tʰë taɨhe. « Only shamans will know this place. Those who excel in wayamou will know this place. » Shamans and expert wayamou performers dream a lot, which is why they will not only name many places but also recognize them when spoken by others. In line 13, asking whether he will name this region brings us again to the intrinsic link between naming places and offering their resources. Marcelo is saying the visitors to the assembly have brought nothing to exchange. How is he to name a place if he has nothing to offer? Yamare wayamomaɨ yaro, ya hore kuu pëtao, ya nofimou pëtao, urifi ya wã wëyëɨ pëtao. « Given they incited us to wayamou, I mention this in vain, I am just being friendly, I am just naming the forest (in vain). » In broader terms, this lack of objects refers to the dire situation the Parima Yanomami find themselves in. An overgrown population has drastically reduced game available and induced deforesting, making the land infertile for gardens. A relative bonanza of goods and food previously coming from New Tribes Mission missionaries, and then directly from the government after their expulsion in 2006, has also dwindled in the last few years. My colleagues comment: ya tʰë ã tʰapou pashiami, matohi ya tʰapoimi, organización ya tʰapoimi « I have little information to offer, I have no objects [to exchange], I have no organization », yamakɨ nɨ rë prëaɨwei, ya tʰë ã niya wëaɨ, wama tʰë ã tapë, « I will explain to you how we suffer [in Parima] for you to know. » 14. kihi hiomari pora rë yaupe

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The Hiomari bird falls that hang afar 15. kihi shamatʰari pë përɨprawënɨ the many Shamatʰari who live there 16. këkɨ nɨ shamapɨ fa waahenɨ they eat plenty of tapirs 17. ɨ◌̃hɨ◌̃ pë waɨ ma yokaaɨhe tëhë but they eat by themselves (away from us, because they live in another region) 18. ũasi, kamiyë shamatʰari yamare hõã hore hore rë hiraporayoi younger relative, you have being calling us Shamatʰari mistakenly 19. kamiyë shamatʰari ya mrai I am not Shamatʰari 20. kamiyë fei pɨrɨsɨ tʰeri ya rii I am from the savanna 21. kihi horomopë këkɨ pepi ha at the foot of the Horomopë (whistling) mountain 22. kihi mõrõ a wai rë titirati the small armadillo in his burrow afar 23. fesi wai ma shuwëo tëhë despite its shell being small and thick 24. « ya e fesi ã wai yupo sho » « I will request a small shell at once » 25. awei ũasi, wamakɨ pufi kuu waikiwë rë Yes, younger relative, you (second-person plural) are already thinking this

39 Lines 14-25 continue naming toponymic features of Marcelo’s region but establishing a contrast with people living down-river from Parima, people they call Shamatʰari. It is said they eat many tapirs because they live in a game-rich forest, and not the savanna. The contrast is introduced to stress Parima people’s lack of game, but also because the host Yanomami were calling their Parima visitors « Shamatʰari ». There is an issue of perspective here. Whilst the hosts consider the visitors Shamatʰari, the visitors use Shamatʰari to refer to this aforementioned down-river people. Here again my colleagues comment on dream knowledge: « In Tʰootʰotʰopɨ Yanomami also dream, they also know distant places. When Marcelo names the Shamatʰari region [in his audience some] will say “oaoaoa, I have been there in dreams, Marcelo is speaking the truth”. They will think “he is either a warrior, a good huntsman or a shaman”. He is a dreamer. »

40 After naming elements of Shamatʰari topography he then refers again to a hill in his region, Horomopë, « whistling mountain ». The reference to the small armadillo in lines 22-24 is again a reference to the Yanomami who live at the base of this mountain, that is, themselves. The small and thick-shelled armadillo makes for a poor exchange object and is a metaphor for the undignified way the Parima Yanomami are living. The final lines refer to how Marcelo imagines that his hosts are eager to learn about how they live, even if they as visitors have really not much to offer in terms of goods or information.

* * *

41 Let us take stock on some of the connections already visible in this segment. First: on exchange and its metaphorical and sociological dimensions. Marcelo mentions many exchange objects: different arrowheads, ornaments, a shell. Lizot (1994b) underscores that items requested during wayamou are to a large extent « imaginary », for they do not correspond to what actually changes hands in the morning. This in part is due to

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the indexical function of many (surely not all) requests: my colleagues insist such demands are « alliance talk » uttered not in pursuit of the often trifle object mentioned, but as an indication of the general disposition to exchange and aid each other. On the other hand, they insist that in reality they are after more valuable items (see Alès 1990), which suggests that specific phrasings of demands form part of the poetic conventions of wayamou. Furthermore, in the segments presented (here and below), we see speakers have a given objective, they state over and over, enchaining metaphorical sequences, couching their demand with a variety of assertive, subtle, and witty overtones. The language of exchange lends itself as a meta-metaphor for such objectives.

42 The recursiveness of « exchange talk » and « exchange do », the intrinsic implication of expert oratory and adroit handling of exchange relations, are mutually reinforcing statements about exchange itself. As Lizot (1994b) and Alès (1990) both state, the meaning of all the exchange talk in wayamou requires taking a step back to grasp its overall sociological dimension, which is none other than to reiterate the importance of reciprocal exchange for the sustenance of a peaceful relations. Whilst it can be said, following Urban, that wayamou conveys, in semantic and pragmatic terms, « a message about how cohesion is and should be achieved » (1986, p. 371), we cannot forget that it also exhibits the very opposite of social cohesion without leaving the register of exchange talk. I am referring to the vehement airing of grievances that precedes and conditions alliance talk. In a very Maussian and Lévi-Straussian sense, wayamou exhibits the conceptual continuity Yanomami pose between war and peace, different in the « valence » of exchange, but not different in kind (Lizot 1994b; Alès 1990).

43 Second: on the connection between naming the forest, its people and resources. The first thing to note is that there appears to be a naming sequence: topographic reference, people, things. Bamboo groves – Waika – adornments River – mountain – chachalaca-spirit people – bamboo grove (arrow points) Water fall – Shamatʰari – tapirs Savanna – mountain – armadillo – armadillo shell

44 This may or may not be a conventional sequence, but what is more important is that naming the forest exhibits an inter-indexicality between place, people and resources, whereby naming one element can index another. This feature of urifi ã wëyëɨ « naming the forest » is attuned with the way urifi is conceived by Yanomami, not just as a chunk of nature, but as a territorialized conjunction of specific human and spiritual presences, the outcome of which is a place with given characteristics.

45 We knew that naming the forest socialized it (Lizot 1994b). Now this notion of urifi and the inter-indexation of is components allows us to suggest a way in which this comes about. If the equivalence between the exchange of words and goods hinges on both being forms of exchange, I think the one between naming and offering/demanding hinges on both presenting something absent, on making it visible, and, for that very reason, available or subject to request. In Yanomami everyday life, objects in sight expose their owners to exchange (hence desired objects are kept hidden), but naming people is offensive (and hence avoided) because, as Lizot and Clastres (1978) analyze, the individuation that comes with naming invokes death (see Erikson 2000 for the opposite correlation of naming with life among Pano-speaking peoples). Naming the dead is an even greater breach of norms. In both cases, naming is indicative of ill feelings, and in the latter case (naming the dead) is taken as a challenge to fight. In

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general, verbal or visual presentification, avoidance and concealment are important performative forms of displaying appropriate comportment and means of compelling others to moral action (Kelly 2011). In naming a place, one may be indexing things and hence exchange possibilities. I was told as an example amid transcriptions: « If I name Puerto Ayacucho, I am speaking of the things they have there » (paraphrase). But in naming places one may be indexing people, which is crucial to bring the past to bear upon the visitor-host relation, for as Alès (1990) suggests, given the dead cannot be named, topographic naming is also a way of alluding to the past, evoking the memory of people and events gone by. We may add that features of the landscape are also testimonies of mythical events. This indexing rests on the intrinsic relation between place, people and things condensed in the notion of urifi and is achieved by circumlocution – making one thing present (things or people) by means of another (place). Part of the delicate art of naming the forest depends on a skillful play of allusions within the realms of exchange and of past relations according to the current political expectations of the speaker.

46 Third: on the importance of dreams knowledge and skills. One who does not dream with the tree of chants, with the eloquent birds-spirits, with distant places, will remain aka porepɨ – unfit for wayamou. Whereas wayamou stages a verbal contest, it is not only virtuosity that is at stake, but also knowledge itself: of the forest, distant places, mythical events and cosmological planes. Some phrases seem to have no other purpose than to display this knowledge, sometimes to challenge one’s opponent, and here there is reputation to be gained and lost.

* * *

47 In my colleagues’ comments on this wayamou there is a telling connection between « indigenous organization » and manufactured goods that requires some context for interpretation. At the time these Yanomami had no experience whatsoever of indigenous organizations, whilst they have been the object of political parties’ and government agencies’ attention for a couple of decades. In fact, during the assembly one of the Venezuelan Yanomami asked me whether Kopenawa was a representative of the governor or the mayor – the most well-known political figures among the Yanomami, who engage with them mainly through clientelistic exchanges of goods and salaries for votes. There is little doubt that this political party model was lingering in the Yanomami’s initial understandings about an indigenous organization. Since the creation of Horonami, these same Yanomami have been involved in struggles for a demarcated territory and a better health system. A clear-cut differentiation is being made between « politics » – associated with obtaining things from the government – and « organization » – linked to defending rights and defined in opposition to « politics ». Moreover, we have seen « things » can metaphorize a wide range of requests. My colleagues insist that what was being asked from Hutukara were explanations, not things or money. This does not mean that Parima Yanomami are not interested in manufactured goods, nor that the entanglement between indigenous and party politics has been resolved. What I am saying is that it is misleading to read the connection between « organization » and manufactured goods as the latter being the sole expected outcome of the former.

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Improvisation

48 Wayamou dialogues contain a range of blends of conventionalized and improvised metaphors, phrases and rhetorical devices (e.g. contrastive comparison, antiphrasis, synecdoche). Young participants repeat stereotypical formulas, whilst elders mix more or less metaphorical statements in creative sequences adjusting for the occasion. I dwell on improvisation for two reasons: 1. it is clear from my conversations that Yanomami consider this inventiveness key to being aka hayu and thus to performing well in wayamou; 2. the improvisatory and metaphorical character of wayamou are both important features of Yanomami shamanism, clearly of the horizontal type in Hugh- Jones’ (1994) terms. The connection is not lost on the Yanomami, who, as we worked, commented on how those who excel in wayamou « speak like shamans », meaning they can talk knowledgeably about all sorts of things, mundane or obscure, passing from one subject to the other seamlessly.

49 The following segment from Marcelo’s wayamou is a good example of metaphorical flair and careful choice of words. Pursuing the main interest of the visitors to the assembly, Marcelo metaphorizes the request for explanations about Whites’ financial assistance through the figure of a woman whom Kopenawa has obtained in marriage from Whites of Caracas.7 In this context Marcelo again impersonates what he wants to hear from his hosts: 1. ai prowëhëwë a pufi hatukëwëweinɨ Some elder (lucid, knowledgeable person among the hosts) 2. « hai! kamiyënɨ ya nowã ta tʰa sho » [Will say] « hai! I will explain [about Hutukara] at once » 3. « awei, fei suwë a rë ɨpɨrefe » « Yes, that [white Caracas] woman [Kopenawa] has taken/married » 4. « ai shomi shamatʰari wamakɨnɨ » « you (second-person plural) Shamatʰari from another community/unknown to us » 5. « ëyëmɨ yãrimona wama hikɨ kãi fa kuaaɨmanɨ » « you have come here with yãrimona hikɨ love magic substance » 6. « napë wama tʰou fa yãĩ koropoimanɨ » 8 « you have approached us carrying Whites’ love magic (perfume) » 7. « eha a fiõkasi niya ta yãriyohe » « here they will cover the women’s nose and mouth (with the love magic) » 8. « ya e niya kuu ma mrãõ tëhë ma kui » « even though I was not thinking of saying this » 9. « ei wa e ɨtëtëtou waikia ha » « given that you have already approached us [host community/Hutukara] » 10. « mori a ta wamoru, mori, mori, mori, mori, mori » « make love to one, [only] one, one, one, one » 11. nowã niya tʰamou kë yaro, ei kë ya, ei, ei, ei Because you will inform us [about Hutukara], here I am, here you have me (ready to listen)

50 The general idea of this sequence is that the Parima visitors have come with friendly intentions to learn about Hutukara in order to create an organization themselves. The woman referred in line 3 is a Caracas woman who stands for Whites’ aid. Line 4 refers to the fact that the Parima visitors are strange to their hosts at the assembly. Lines 5 and 6 mention the visitors have come, first with yãrimona hikɨ love magic (5) and then with perfume (6), which is assimilated to a kind of Whites’ love magic for both substances seek to attract women. Line 7 refers to the way such love magic is applied to

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reluctant women. From 8 to 10 the imagined elder says he will indeed explain about Hutukara. Making love to the woman in line 10 is a metaphor for the explanation. Line 11 states this is what Marcelo wants to be informed about.

51 All this is « alliance talk » among people who consider each other shomi « different, other » and who would not normally visit each other. Indigenous politics has brought them together in the assembly. Marcelo thus evokes both their status as mutual strangers and the visitors’ desire to help each other out. Several subtleties in his words convey this context. It is assumed that Hutukara has not gained the favor of Whites easily and hence the Caracas woman has been obtained by force (ɨpɨ-). Whites normally don’t care for Yanomami and their aid doesn’t come about without a lot of convincing. In the same way, visitors’ recourse to love magic to obtain a reluctant women (the advice and mediation with Whites they expect from Hutukara) conveys the sense that, just as Whites’ aid has not come easy to Kopenawa, neither will it be effortless for the visitors to obtain the favor of their hosts. The impersonated host who changes his mind and accepts to provide the sought explanation reiterates the hope that friendship struck during the assembly will persuade the hosts into offering advice. Finally, this host’s insistence on making love only to one woman indicates the visitors are not after Hutukara’s money, just their advice. So whereas the demand of a woman may be a conventionalized metaphor, Marcelo’s choice of words couches the demand carefully, displaying heightened awareness to context.

52 The following fragment shows how metaphorical sequences are not just embellishing devices, but ways of evoking deep signification, which requires knowledge of history, myth and cosmology. 1. fei Surucucus tʰë rë praope The community/people of Surucucus (a Yanomami region in Brazil, east of Parima) 2. fei sipara watanamo rë tape those long machetes like the fruits of the watanamo9 tree that abound there 3. weti ipa a ma rapahawë ma mrai give me one, it doesn’t matter if it is only a short one 4. weti ipa a ta pufio give me mine 5. kihi shokekere tʰë parɨkɨ paimi rë praorati On the thick [with fern] flanks of the Shokekere mountain that lies afar (in Parima) 6. moromoroma ya pë pafetimape I will slash the ferns (to make a garden) 7. ipa a ta yefimapa place [my machete] on my back

53 These lines were explained as follows: ipa organización ya tʰapraɨ mɨ fetuopë. Organización fikari a … Moromoroma ya kɨ fa hoyar ɨni, ya iyaɨ kãi toprao përɨopë. Organización tʰë ã tʰaɨ ha, organización tʰë a nakaɨ ha. I will make my organization on my part [when we go back to Parima]. An organization is like a food garden. Having cleared the ferns, I can live well eating plenty. He [Marcelo] is talking about the organization, he is asking for/about it.

54 The connection struck between an indigenous organization and a food garden is not a capricious trope. The ferns mentioned are part of Parima people’s strife. Having replaced the forest in much of the surrounding hills, it has left the Yanomami with no nearby fertile grounds. The ferns thus epitomize hunger. That an organization can supplant the ferns with food gardens is a powerful trope: it is the food that can put an end to hunger. Moreover, on several occasions and in several places, I have heard

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Yanomami equate gardens with what Whites work for (money, salaries). At some level of analogy it is an inter-cultural metaphor for what sustains wellbeing.

55 A final form of witty improvisation key to aka hayu-ness is the introduction of slight variations in the responses to the interlocutor in the lead. An experienced speaker improvises variations in several ways: changing locative suffixes; introducing synonyms; emphasizing the lead’s phrase with an added word or morpheme; commenting on the lead’s phrase; sometimes simply acknowledging what the lead has said. A short example suffices to illustrate the subtlety of these variations. Lead Response 1. ha, pitʰariwë ikaprarotihe Spirit of the ground/earth: don’t begin laughing 2. pitʰariwë a kafikɨ ta humɨparu Spirit of the ground/earth: keep your mouth shut 56 Lines 1 and 2 are addressed to Pitʰariwë, a demon associated with the ground who causes disease. They are invocations for him not to pay attention to the Yanomami. Avoiding his interest is a way of keeping disease at a distance. It is implicit that if he laughs it is because he is capturing or devouring human souls. Note the change from « begin laughing » to « keep your mouth shut ». 3. Ha, amoa kë a ta yuru Retain the/my chant 4. amoa ã wã shinõ ta tërɨ Always/only retain the/my chant

57 In line 4, the response is a synonym: wã të- = wã yu-. Both mean to « retain chants » or formulas of wayamou discourse (Lizot 2004, p. 472, 478). « Shinõ », meaning « always » or « only », adds emphasis. « Chants » refer more generally to what is being said in the wayamou. […]10 10. ha, titiriwë ikatiho Spirit of the night: do not laugh 11. titiriwë a rë kui a ikaprarotihe Spirit of the night (and not any other): don’t begin laughing

58 From 10 to 11, there are two modifications: a rë kui is a way of particularizing « this one, as opposed to any other ». Next, the infix -praro- is added to ikatihe (laugh, prohibitive), which becomes the prohibitive of « begin laughing » (see Lizot 2004, p. 328). Titiriwë is the spirit of the night, another demon intent on capturing human souls. As in lines 1 and 2, the objective is to keep disease at a distance. 12. Ha, ei henakɨ rë kui o These flowers (not any other) 13. ei henakɨ rë kui These flowers (not any other) 59 There is no change from 12 to 13. Henakɨ is a contraction of kõe henakɨ, a plant whose flowers women use as ear adornments (Lizot 2004, p. 169). It is a metaphor for women. 14. ha, henakɨ ikaprarotihe Flowers: don’t begin laughing 15. henakɨ kasi wateatihe Flowers: don’t smile

60 From 14 to 15, « smile » kasi wate-, replaces « laugh » ika-.

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16. ha, hei yuri a rë huoyahi The fish that live nearby 17. fei a pata parimi rë fuope Those who live forever (in the water)

61 From 16 to 17 there are several variations. Parimi refers to things eternal, and in this context means that fish live on as long as there is water. Pata is added as an intensifier. The locative suffix -yahi, to be in front of, or near, the place of enunciation (Lizot 2004, p. 489), is replaced by the locative -pe, which in this context refers to something taking place « near or below the water, below the ground, in a burrow » (ibid., p. 308). 18. Ha, ei a totori rë yërëawei The turtle stays still (crouched on the ground) 19. ei a tikukuprou mrai, ei a yërëo rë kõõpe That one doesn’t go to live elsewhere, it [will be] there again, still/it is always there, still (crouched on the ground)

62 Lines 18 and 19 refer to the stillness of the turtle. Yërë- in this context refers to being in a crouched position on the ground (ibid., p. 506). Marcelo reinforces its stillness by saying it will not go to live elsewhere.

63 Even this briefest of samples is enough to realize the ability involved in quickly introducing variation in one’s response. It is this variation that testifies to the skill and wit of aka hayu performers. This appreciation sheds some doubt as to the adequacy of a clear-cut distinction between semantic and non-semantic utterances of the « back channel » type, such as Urban (1986) adopts in his analysis of South American ceremonial dialogues (see Monod Becquelin and Erikson 2000, p. 16). To be sure, responses like those presented add little in semantic terms, but for the Yanomami these slight alterations are what counts, « metacommunicatively » conveying aka hayu skill. Furthermore, the wit in responding not only evidences that one has understood the lead’s words (as in back-channel « yes » or « that’s it » or simple repetition of the lead’s statement), but it also shows that one has correctly inferred an often oblique insinuation – about a mythical event, a distant place, a spirit’s habits – and, when uttered as a challenge, it additionally demonstrates one’s knowledge on the matter.

Personal pronouns, kin terms and gender shifting

64 The last two features that are dense in wayamou are the common gender and personal pronoun shifting. There are two reasons for this examination. On the one hand, I propose that the use of kin vocatives and gender shifting are means of indexing the status of visitor-host relations or effecting their transformation. This is a novel explanation of this notable feature of wayamou, and one that situates this phenomenon alongside other tropic devices drawn upon to achieve desired political outcomes. On the other hand, speakers in wayamou occupy multiple enunciative positions, another feature reminiscent of Yanomami and other forms of shamanism that further illustrates the proximity between political and shamanic discourse.

65 Kin terms such as « my brother-in-law » and « my father-in-law » are often substituted by « my wife » and « my mother-in-law », respectively. Equally, « I » may be substituted by « he/him » and « you » by « you two (dual) » or « you (plural) ». What do these shifts achieve? Lizot (1994b, p. 60-61) suggests they are means to distance the speaker from

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his addressee, avoiding a direct and too frontal address. This is in accordance with what I was told about certain kin usages in non-ritual circumstances. For example, it is inappropriate to address your father-in-law as such, shoape; instead, one must say pata « elder same-sex relative », leaving the relation wawëtoimi, « unclear ». So if in general Yanomami manipulate personal pronoun use to avoid directness, it is expectable for the delicate circumstances that call for the wayamou to require augmented care with such diplomatic devices.

66 It is also true that a wayamou participant is often not just speaking his mind but also stating a collective position, in which case substitutions of the first-person singular for the dual or plural could be related to representativity. Likewise the use of the third person in self-reference may pursue the detachment of impersonal expressions (see Lizot 2000, p. 172). Finally, a speaker may address specific people in the audience, a specific category of people or all those present. In these latter cases, pronouns used cannot be considered substitutions, for what is at stake is a shift of addressee.

67 Alès (2006, p. 268-273), on her part, analyzes gender inversion in wayamou together with its occurrence in shamanic curing. Both wayamou and shamanic performances are imbued with inverted contexts, articulating important oppositions: day and night, living and dead, in the first case; human and spirit worlds, in the second. In Alès’ view, gender inversion is of a kind with the general tropic environment of wayamou and participates in its ritual efficacy by way of transforming ordinary language. Whilst I fully concur with her analytical approximation of features of wayamou and shamanic discourse and her attention to trope and ritual efficacy, I want to suggest gender shifting and vocative kin term use do more than signal ritual, or draw heightened attention to a particular context of intra-human or inter-specific politics.

68 A more comprehensive understanding of gender shifting and the use of specific vocatives in wayamou requires a brief examination of their use in normal circumstances. Vocative kin terms, as opposed to terms of reference, are extremely varied because they can carry overtones of estrangement or endearment, contributing to the performance of « affinal civility », to borrow from Basso (2000). From a thorough conversation on the subject with one of my Yanomami colleagues it can be said that appropriate vocatives change mainly according to social distance and age.

69 For example, among co-residents, the use of shori or heriyë (brother-in-law) is estranging, the term being more appropriate for outsiders one is not well acquainted with. Terms for a co-resident brother-in-law include suwëpiyë (my wife), ama (sister-in- law), ou (wë) (brother-in-law friendly), wariti (lit.: ugly) and yai tʰa (lit: strange, different). The latter two terms appear to be playful inversions, joking affinal terms that connote proximity or affection. These terms are nofimou tʰë ã « amicable terms » and also pata tʰë ã « elder’s talk ». 70 Combining these comments with Alès’ (2006) analysis, it can be said that affinal kin terms of address among same-generation or elder co-residents are inappropriate and hence are diluted with more generic terms (shoape –> pata) or replaced with either « friendly affinal terms », terms involving gender shifting or joking expressions. Shoape, shori, heriyë, fekamayë, prahawë tʰë ã, yafitʰërimi pë riha wa kuimi, tʰë hirimamou kirihiwë. « Father-in-law, brother-in-law, son-in-law, are terms that distance, you don’t use them among co-residents, it sounds shameful. » Among youngsters, more direct vocatives are unproblematic. So whilst youngsters and outsiders are addressed more directly, elder co-residents play with the options just mentioned. It follows that the use of different

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vocatives indexes the state of a relation or the tone one wishes to convey in addressing someone.

71 In the wayamou sessions I transcribed, the most common substitution is that of brother- in-law for wife. Pursuing the issue, it was clear that the use of « wife » for « brother-in- law » is considered nofimou tʰë ã « friendly talk » or tʰë ã okewë « harmless talk », whilst the use of shori « brother-in-law » is not. Moreover, to an extent, this use is an invocation of conjugal harmony. Ipa suwëpiyë ya ahetepou rë kurenaha tʰë kua yaro, suwëpiyë ya kuu. « Because I regard him [interlocutor] in the same way in which I am close to my wife, I say “my wife”. » Another common term for brother-in-law was ama, or amawë, which Alès considers a term of address between sisters-in-law, and yet I was told it was used between (real) sisters-in-law and (real) brothers-in-law. Following Alès, I am led to conclude that ama is primarily used among sisters-in-law and secondarily may be used among brothers-in-law. Without discounting this order of primacy, it essentially signifies same-sex, same-generation affinity. This is what I could tell from my discussions, and is in accordance with Alès’ analysis for the term ote, which in her analysis is a close – though not identical – equivalent of ama (ibid., p. 265). Ama appears to connote proximity or affection among sisters-in-law and brother-in-law alike, as Alès points out in relation to ote, a usage attuned to the companionship typical among same-sex, same-generation affines (ibid., p. 265-266). 72 If this analysis is correct, the use of ama (sister-in-law) alongside suwëpɨyë (my wife) in wayamou are almost equivalent means to connote amicable intentions through a gender shift that evokes the conviviality of long-term co-residence. Amawë, okewë tʰë ã, hawe yafitʰerimi, a yafitʰerimi mrai ma kui. « Amawë is harmless talk, as if [your interlocutor] were a co-resident, even though he is not. »

73 More generally, it can be said that wayamou dialogues intent on strengthening ties may be more prone to these substitutions than those where people are treating each other as shomi « strangers », where the terms for brother-in-law, such as shori, shoriwë and heriyë, index this social distance. In a more conflictive context, terms for brother-in-law are dropped in favor of more insulting expressions: « coward », « incestuous », and the like. Even this incomplete examination is enough to suggest that wayamou incorporates the meaning and function of different vocatives and gender shifts used in quotidian circumstances to index the state of visitor-host relations or stimulate their transformation.

74 In a different context, the use of a given kinship vocative is integral to a metaphorical situation that has been set up, or is otherwise linked to the context of the discourse. For example, when Marcelo is requesting to be informed about Hutukara, at one point he metaphorically demands a woman from his hosts (see above). In that context, he addresses an imagined host as shoape « father-in-law », and uses fekamayë « my son-in- law » as the vocative the impersonated host should use to address him. Later in the same discourse, he addresses the audience: « Elder brothers, shaman elder brothers, listen! » He then switches to impersonating their thoughts: « This is what my younger brother is saying. » Appealing to be heard, Marcelo puts himself in the position of a younger brother of his hosts.

75 A final ingredient of wayamou’s pronominal play involves de-centering or perspectival linguistic techniques. We have already seen how interlocutors put words in each other’s mouths as a form of requesting a particular regard for themselves. Whilst reported speech is characteristic of the Yanomami language, our examples refer to

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desired responses – « not yet reportable speech », as it were. Note that this form of citation is not an attempt to draw on the authority of mythical, historical or other forms of « traditional » discourse reframed in a contemporary political context, as Parmentier (1994) shows to be the case in the Belauan case he analyzes. This is more a matter of impinging on the interlocutor’s disposition by way of (semantically) anticipating what one hopes to (pragmatically) effect.

76 There are other teknonymic ways of self-reference, such as referring to oneself as suwëpɨfë (your wife) or amafë (your sister-in-law, your affine). In more conflictive contexts, where the assimilation of warfare to hunting is common, a speaker may position himself as an enemy’s potential predator or prey using ɨra (jaguar) or yarohe (your game) as self-reference (Lizot 2000, p. 176, 173).

77 In the variety of ways we have just examined, taking the other’s point of view seems to be a way of impinging on his thoughts: impelling interlocutors to accede to one’s demands evoking an imaginary kinship tie, a prospective response or the gravity of possible conflict through images of predation. In short, speakers enunciate from a multiplicity of kin and pronominal positions and switch addressees to different relationship-engendering effect.

78 Whereas some tactics seem to « neutralize the self » (Franchetto 2000, p. 483), and deflect directness, at other moments the self is forcefully reinstated: « Thus I speak! » In addressing the interlocutor, similar switches from deflecting to focusing statements are recurrent; people in the audience are addressed collectively, partially or individually. Exchange items merely alluded to in poetic fashion are then vehemently demanded: « Give me mine! » All I can say is that, some times the pronominal environment eludes the self and the other, obviating the directness of the face-to-face setting, at other moments, interlocutors situate themselves back in the « you » and « I » of their one-to-one interaction. A similar play between circumvention and directness holds if we consider how the metaphorical content of the dialogue is cast through very potent vocal expression. With such an oscillating relation involving diffusion and focus, circumlocution and directness, it is not possible to characterize wayamou in terms of a fixed or characteristic relation between speakers and the content of their speech, a relationship that students of speaking have shown to be analytically important when considering verbal arts in political discourse (Stasch 2011).

79 At this point we can also review a number of ways in which trope is performatively used to influence and persuade: oblique references to a historical and mythical past; imaginary situations set up to stage others’ responses; de-centering pronoun shifts to skirt overly direct expression; kinship manipulations and gender shifts to invoke appropriate relationship contexts; tangential evocations of desired objects; mobile enunciative positions. In line with Chernela’s (2001) analysis of a Wanano ritual dialogue as a performative event as a whole, we could say wayamou’s performative character is achieved by myriad component performative utterances, repeated and diverse attempts to impinge on interlocutors/opponents that return an evaluation of one’s efficacy in driving the relationship in a desired direction.

Conclusion

80 I shall conclude in two steps. First, I shall recapitulate the ground we have covered in our description of the « total social fact » of wayamou, with an aim to hone my

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argument that expert wayamou discourse exhibits a particular aesthetics of political agency, one that it shares with shamanism. Having done so, I shall next show how this invites us to rethink longstanding distinctions within the political anthropology of Lowland South America between headman and shaman, political and religious influence, and inter-specific and intra-human relations.

81 Expert (aka hayu) discourse is metaphorical (ã wã poapou), forceful and effective in transforming conflictive relations into peaceful ones – the passage from dangerous/ angry (wayu) to calm (oke-) affective states. Here we already have an indication of aka hayu discourse in wayamou having a specific aesthetic, semantically metaphorical and pragmatically forceful, which is the form of political efficacy. 82 Next, we saw how naming the forest, urifi ã wëyëɨ, one of the indispensable features of wayamou, has the capacity to index exchange expectations and past events so as to bear on the specifics of the visitor-host relation. Let us recall that Yanomami have a strict prohibition on naming the dead, and, to a lesser extent, on personal names. Uttering one or the other is an invitation to conflict. I think the necessity of allegoric, circumventing words in this context of wayamou discourse is of a kind with these avoidances: their efficacy to resolve conflict hinges on a delicate artistry that must compensate for the danger of exposing people to saying and hearing things that, if peace is to be sustained, might best remain unrecalled. Here metaphor works mainly through diplomatic indirection, an aspect of much verbal art and situations of conflict (Brenneis 1987, 1988), but more interestingly recalls the care with words in the Yaminahua shaman’s description of his chants, where « twisted language brings me close but not too close… with normal words I would crash into things » (Townsley 1993, p. 460).

83 Naming the forest along with other wayamou procedures also give cues as to knowledge (of distant places, mythical events, cosmological planes) and skills (eloquence and virtuosity) acquired in dreams. My impression is that with these displays of knowledge and skill, and with the strength with which they are uttered, a speaker earns for himself the acceptance of his interlocutor/opponent. Wayamou participants each have a worth that may only be overcome in its recognition, such is the work of an artful performance. At issue is a measuring up of regards. In this case metaphor participates in indexing the high-valued, and eminently shamanic, ability to « dream afar » and recalls the role of verbal arts in persuasive oratory (Caton 1987) and so many forms of « crooked » or « veiled speech » in achieving social and political influence (see Rosaldo 1973; Strathern 1975).

84 Finally, we have seen that improvisation, a valued requisite for aka hayu-ness and characteristic of Yanomami horizontal shamanism (Hugh-Jones 1994), takes several forms: the ability to talk knowledgeably about anything, seamlessly switching from one theme to another; witty enchainment of meaningful multilayered metaphorical sequences; and quick alterations to lead phrases in the speaker’s responses. The multiplicity of enunciative positions speakers adopt in wayamou also place it well within the discursive register of shamanism.

85 Considering the set of features of aka hayu discourse, I think we have a case for suggesting a. that it is a chief means of influencing others, that is, an aesthetics of political agency; and b. that circumlocution/indirection seems to be particularly relevant to this aesthetics. Considering other ethnographic reports that stress the importance of indirection as a mode of appropriate relating in diverse political, ritual and everyday

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contexts (see Graham 1993 for the Xavante, and Schuler Zea 2010 for the Waiwai), a more systematic investigation into indirection in diverse contexts beyond those of language would appear to be a profitable line of inquiry for Amazonian political anthropology. I think we also have a case for suggesting c. that this aesthetics shares with shamanism many of the discursive devices and a knowledge practice (dreaming afar) at the base of its efficacy. Let us not forget how in many of the metaphors deployed in the Hutukara wayamou sessions (2010 and 2012) what we find are Yanomami signifiers pointing to non-Yanomami signifieds: a woman in marriage stands for financial aid; love magic is assimilated to Whites’ perfume; a falcon-spirit that blows magic substances over a powerful man in Caracas stands for a request made to Hutukara, soliciting they intercede on behalf of their Venezuelan counterparts with President Chávez, thus predisposing him to being generous when Horonami representatives meet him subsequently (see Kelly 2015). Wayamou can metaphorically account for any aspect of inter-ethnic politics or the non-indigenous world. As a political device it is primarily a form that, like shamans themselves, can engage with any content, however foreign.

* * *

86 At least since Clastres and Lowie, the role of oratory in Amerindian politics has been acknowledged and developed. One such development was to question whether it was chiefs/headmen – powerless owners of a word without audience – or shamans – controlling symbolic life-giving and life-taking resources – who really possessed the political means to exert collective influence (Descola 1988). Descola rightly queries whether we should not consider shamans’ power « political ». Not in Clastres’ terms, he says, but Oui si on pense que la faculté d’apparaître comme la condition de la reproduction harmonieuse de la société est une composante fondamentale du pouvoir dans toutes les sociétés prémodernes. (Ibid., p. 825)

87 Considering the political aesthetics involved in wayamou’s efficacy, can we not flip Descola’s query round and ask whether the political is not also shamanic? Is it not up to aka hayu men to mend exchange relations and secure alliances? Is it not the knowledge and skills derived from dreams and displayed in wayamou that is put to the service of harmonious inter-community relations? Are we not faced with a horizontal shaman- like personage?

88 Following Descola’s lead, part of the discussion about power in Lowland South America shifted from the realm of politics to that of religion, where, to the political role of shamans, that of the more priest-like prophet was added (Hugh-Jones 1994; Santos- Granero 1993; Stuztman 2005). In this latter religious sphere, the power of words uttered in metaphorical language comes into view as a key ingredient of shamanic efficacy in all its curing, « world creating » and transformative capacity (e.g. Townsley 1993; Overing 1990; Cesarino 2015).

89 What is striking about elders’ aka hayu discourse is that it brings to the political sphere the metaphorical efficacy we are used to seeing mainly in shamanic discourse. If we can think of metaphor/circumvention as an aesthetics of political agency, this can breach the gap between anthropological analysis of inter-specific relations and intra-human ones.

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90 First, if the mark of inter-specific agency is the reversal of a perspective or subject position (see Viveiros de Castro 1998), is this not what aka hayu discourse does? Impinge on and, if successful, revert initially distinct positions? Align peoples’ disparately oriented minds to « live well » among allies? Imbricated with dream knowledge, metaphorical agency and the regulation of social organization, is aka hayu discourse not a form of shamanism?

91 Second, if we consider the perspectival play that proliferates in wayamou, we are reminded of, for example, the Araweté shaman’s chants that Viveiros de Castro (1992, p. 226-248) describes, mentioning its metaphorical content, multiple enunciative positions, dialogic character, emphasis on originality and, ultimately, insertion in the exchange of life and death sustained between humans and gods. The device of adopting the other’s point of view is as recurrent in Araweté shamans’ and killers’ songs, as it is in wayamou. This comparison serves to reiterate my point that wayamou deploys in the intra-human sphere a number of metaphorical and deictic devices that have become commonplace in the analysis of inter-specific shamanic negotiation. In a sense, in wayamou, human others are treated in the same way as spirits, which, on the one hand, suggests the anthropologically acknowledged continuity between humans and non- humans when considering their position as Others, and, on the other, suggests a much less perceived use of a common political aesthetics across ontological boundaries.11

* * *

92 Two brief excerpts from Davi Kopenawa’s auto-ethnographic tour-de-force offer insights as to the connection between verbal aesthetics and political efficacy. On the wayamou and yãɨmou, Kopenawa says they are « le cœur de notre parler » (Kopenawa and Albert 2010, p. 398), and continues: Lorsque nous disons les choses seulement avec la bouche, durant le jour, nous ne nous comprenons pas vraiment. Nous écoutons bien le son des paroles que l’on nous adresse, mais nous les oublions avec facilité. En revanche, durant la nuit, les paroles du wayamu et du yãɨmou s’accumulent et pénètrent profondément dans notre pensée. Elles se révèlent dans toute leur clarté et peuvent être véritablement entendues. (Ibid.)

93 It is telling that such a trope-ful form of language is what Yanomami use to reveal the « clarity of words » and make themselves understood. Further on: Si [les] [Whites’] anciens [des Blancs] connaissaient le parler de nos dialogues yãɨmu, je pourrais leur dire véritablement ma pensée. Accroupis l’un en face de l’autre, nous nous disputerions longuement en nous frappant les flancs. Ma langue serait plus habile que la leur et je leur parlerais avec un telle vigueur qu’ils en seraient épuisés. Je finirais ainsi par empêtrer leurs paroles d’hostilité! Malheureusement, les Blancs ignorent tout de nos manières de dialoguer. (Ibid., p. 414)

94 Whites are without doubt the mightiest of enemies and stubborn minds to change, if only Yanomami could dialogue with them in their terms …

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NOTES

1. For fieldwork in 2010, 2012, and 2014 I counted with the aid of Instituto Brasil Plural (IBP) and Grupo Socio-Ambiental de la Amazonia Wataniba. Fieldwork in 2015 was carried out as part of my post-doctoral project « Two Yanomami devices for political mediation with alterity: indigenous organizations and ceremonial dialogues (Amazonas, Venezuela) », financed by the CAPES foundation of the Ministry of Education of Brazil, Project No. BEX: 0026/15-8. I would like to acknowledge the most valuable comments Stephen Hugh-Jones and Javier Carrera made on the initial draft, as well as those of the anonymous reviewers. 2. Himou and teshomomou are carried out by day and are stylistically one with wayamou. The former take place when making formal solicitations in other communities; the latter consists of short discourses given on the occasion of the entry of visitors into a community during a feast (Lizot 2000, p. 165). 3. Earlier, less exhaustive works that deal with the wayamou at different lengths include: Cocco (1972), Shapiro (1972), Eibl-Eilbesfeldt (1971) and Migliazza (1972). For a critical appraisal see Lizot (1994b). 4. Lizot (1994b, 2000) himself is hesitant on this subject. On some occasions he stresses the absence of message transmission; on others he simply states that the analysis of wayamou as a sociological fact and the semantic interpretation of the dialogue are, to an extent, separate exercises. 5. Lizot has Shitiparimɨ as an unidentified small bird with « a very melodious and varied chant » (2004, p. 396). A similar bird name Sitipari si, most probably the same bird but pronounced differently due to linguistic variations among Yanomami groups, appears as saltator maximus in Kopenawa and Albert (2010, p. 657). 6. Kopenawa insists on shamans’ ability to dream afar, in opposition to normal Yanomami, who dream close – making the exception for good hunters. The contrast is sharper when compared with Whites, who don’t know how to dream afar. Dreams are Yanomami people’s specific source of knowledge in contrast with Whites’ writing and formal education (Kopenawa and Albert 2010, p. 490-503).

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7. Marcelo explained that had he known more of Brazil he would have mentioned its capital. 8. This translation requires additional commentary. The expression yãĩ koropoima- refers to the specific way this love magic/perfume is carried by the approaching Yanomami. It was explained to me as a person carrying a small stick with a cloth or cotton tied to one end, which has been soaked in the perfume contained in a bottle. The decomposition of yãĩ (tie) koro (bottom) -po- (hold) -ima- (approach) conveys this information, whereas napë tʰou is the referred bottle of perfume. 9. I was told this tree has pods like those of the krepõ tree (Guama in local Spanish, inga edulis [Lizot 2004, p. 176]), only longer. The metaphor hinges on the length of the pods. 10. Lines 5-9 are missing in this extract. 11. A similar point is made by Ramo y Affonso (2014) when comparing Guarani (mbya) inter-specific politics and those that they undertake with Whites. The author’s political reading of a people known in the literature for their religiosity is also suggestive of the appropriateness of looking for analytical threads between inter- and intra-specific politics, and hence religion and politics, in Amazonianist anthropology.

ABSTRACTS

The Yanomami ceremonial dialogues (wayamou) are a ritualized form of verbal exchange aimed at inter-community conflict resolution. This paper is devoted to describing and analyzing these ceremonial dialogues, taking a closer look at a. the significance of their tropic nature; b. the role played by knowledge acquired in dreams; and c. the manner in which « naming » the forest socializes space, peopling it not only with communities, but also with resources and exchange possibilities. I shall demonstrate that this combination of features delineates a political aesthetics reminiscent of shamanic form and efficacy. Such proximity suggests lines of continuity between political and religious agency, helping to bridge the gap Amazonianist anthropology has carved between the analysis of intra-human politics and that between humans and non-humans.

Los diálogos ceremoniales yanomami (wayamou) son una forma ritualizada de intercambio verbal orientada a la resolución de conflictos intercomunitarios. Este trabajo describe y analiza estos diálogos enfocándose en a. el significado de su carácter metafórico; b. el papel del conocimiento adquirido en sueños; y c. la forma en que el nombramiento del territorio socializa el espacio, poblándolo no solo de comunidades, sino también con sus recursos y posibilidades de intercambio. Trataré de demostrar que esta combinación de características nos coloca frente una estética política propia del chamanismo. Esta proximidad sugiere una continuidad entre tipos de agencia politíca y religiosa que puede ayudar a acortar la distancia que la antropología amazonista ha creado entre el análisis de la politica intra-humana y aquella que se lleva a cabo entre humanos y no-humanos.

Les dialogues cérémoniaux yanomami (wayamou) sont une forme ritualisée d’échange verbal destinée à la résolution des conflits entre les communautés. Ce travail décrit et analyse ces dialogues en tenant compte : a. du sens de son caractère métaphorique ; b. du rôle des connaissances acquises lors des rêves ; et c. de la façon dont les dénominations données au

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territoire socialisent l’espace, tout en le peuplant non pas seulement de communautés mais aussi de ressources et de possibilités d’échanges. J’essaierai de montrer que cette combinaison de caractéristiques relève d’une esthétique politique propre au chamanisme. Cette proximité suggère une continuité entre différents types d’agence politique et religieuse. On pourra ainsi tenter de réduire les distances que l’anthropologie amazonienne a crée entre l’analyse de la politique entre les humains et celle qui se tient entre les humains et les non-humains.

INDEX

Mots-clés: dialogues cérémoniaux, Yanomami, métaphore, politique amérindienne, puissance d’agir Palabras claves: diálogos ceremoniales, Yanomami, metáfora, política amerindia, agencia Keywords: ceremonial dialogues, Yanomami, metaphor, Amerindian politics, agency

AUTHOR

JOSÉ ANTONIO KELLY LUCIANI

Universidade Federal de Santa Catarina [[email protected]]

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Note de recherche

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Caractérisation physico-chimique de pigments de peintures murales mochica : San José de Moro (VIIIe-Xe siècles apr. J.-C.) Physico-chemical characterization of Mochica mural paintings: San José de Moro (8th to the 10th century AD) Caracterización fisico-química de pigmentos de pinturas murales: San José de Moro (siglos VIII-X d.C.)

Nicola Sardos, Nino Del-Solar-Velarde, Rémy Chapoulie et Luis Jaime Castillo Butters

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscript reçu en décembre 2015, accépté pour comme note de recherche publication en octobre 2016.

Remerciements – Cette étude n’aurait pu être réalisée sans l’autorisation, accordée par le ministère de la Culture du Pérou, de sortie du territoire des échantillons pour les analyses au laboratoire IRAMAT-CRP2A de Bordeaux ; qu’il en soit remercié. Les institutions françaises, l’université Bordeaux Montaigne et le CNRS sont à remercier également pour l’aide qui a été apportée par les personnels techniciens et ingénieurs notamment dans la préparation des échantillons avant analyse. Nous tenons à remercier également le programme IdEx de Bordeaux (Initiative d’excellence de l’université de Bordeaux) qui a soutenu le travail par un contrat doctoral international. Cette recherche a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du Programme investissements d’avenir portant la référence ANR-10-LABX-52/Laboratoire des sciences archéologiques de Bordeaux.

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1 Cette étude préliminaire sur les peintures murales du site de San José de Moro est réalisée en lien avec le projet de recherche et programme archéologique « San José de Moro » qui participe à l’étude archéologique de la société mochica dans la partie basse de la vallée de Jequetepeque, sur la côte nord du Pérou.

Introduction et problématique

2 La peinture murale est l’une des expressions clés de la culture mochica (Bonavia 1959, 1974, 1985). En effet, en l’absence d’écriture, elle joue un rôle de vecteur idéologique et possède un pouvoir symbolique fort, accessible à tous, et encadré par les élites dirigeantes. Cette étude s’inscrit dans la continuité d’autres travaux de recherches, tels ceux de Duccio Bonavia (1959, 1985) et de Véronique Wright (depuis les années 2010), où l’apport de l’outil archéométrique a permis, grâce aux analyses physico-chimiques de la polychromie murale, d’apporter une meilleure compréhension de la technique picturale et des savoir-faire des artisans mochica.

3 La problématique de cette étude est d’identifier les matériaux utilisés dans la composition de la couche picturale, de découvrir comment ces couches ont été préparées et de contribuer à la connaissance de la société mochica entre les VIIIe et Xe siècles de notre ère dans la vallée de Jequetepeque. Cela permet également de retracer une partie de la « chaîne opératoire » mise en œuvre dans l’élaboration des peintures murales.

4 L’archéométrie, par ces méthodes d’investigation, permet de répondre à ces problématiques grâce à l’étude de la technologie picturale et la caractérisation des matériaux employés. Les méthodes de l’archéométrie sont ainsi indispensables pour aborder l’archéologie péruvienne, notamment pour l’étude des céramiques et des pigments utilisés, comme l’ont montré certaines études (Vaughn 2000, 2006a ; Wright 2008 ; Del-Solar-Velarde 2011, 2014 ; Dollwetzel 2014).

5 Cette étude s’inscrit dans un programme de recherche plus vaste concernant le site de San José de Moro, un centre mochica d’échanges humains et technologiques importants, possédant une forte dimension religieuse dans la vallée de Jequetepeque (Castillo et al. 2009). Les pigments analysés sont issus de deux zones du site. La première est une sépulture dite de « prêtresse », personnage appartenant à l’élite. La seconde zone échantillonnée est une huaca, un édifice pyramidal typique de la culture mochica dont les murs intérieurs présentent des vestiges de peintures murales.

6 La gamme picturale utilisée pour la réalisation des peintures murales de San José de Moro est constituée de rouge, de jaune, de blanc, de noir et de violet. Les couleurs rouge, jaune et blanc se retrouvent fréquemment dans la palette chromatique des décors muraux mochica (Wright 2010).

La peinture murale mochica

7 Les peintures murales se retrouvent principalement dans l’architecture cérémonielle notamment les pyramides mochica, les huacas. Afin d’avoir un maximum d’impact sur le public, les murs étaient peints au niveau des façades externes. Les parois des espaces internes, réservés aux officiants du culte étaient également décorées.

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8 Ces décorations murales polychromes étaient réalisées à l’aide de pigments minéraux et végétaux appliqués avec des pinceaux en poils de lama, sur une base et un enduit d’argile. Cette technique confère leur spécificité à ces décorations murales mais elles présentent aussi une grande fragilité (Morales et al. 2002 ; Wright 2008, 2010).

9 Cette pratique artistique est présente sur de nombreux sites mochica. C’est le cas par exemple dans l’aire Mochica sud pour les vestiges des sites de Pañamarca, El Castillo de Huancaco, Huaca de la Luna et Huaca Cao Viejo et dans l’aire Mochica nord pour les sites de Dos Cabezas, La Mina et Sipán (Wright 2010).

10 L’art constitue une source majeure pour la compréhension de l’évolution politique et historique d’une société. Il reflète à la fois l’aspect technique du travail de l’artisan et la transposition de la vision que l’homme a de la nature et du réel. De cette manière, la peinture murale présente sur des monuments publics permet de véhiculer des idées et des valeurs et peut être perçue comme un moyen efficace de communication. Les sujets communs comme les thèmes religieux reflètent la structure de la société et favorisent sa cohésion (Wright 2010). Par ailleurs, cet art peut être également perçu comme un moyen de contrôle par l’intermédiaire d’images visuelles à forte valeur symbolique. Pour la société mochica, qui n’a jamais développé d’écriture, l’art et son expression revêtent une dimension particulière (Wright 2010).

11 Les peintures murales se retrouvent majoritairement sur les édifices sacrés monumentaux, à la fois centres cérémoniels et bâtiments représentant l’autorité à travers des concepts idéologiques religieux précis. Mais des peintures murales ont également été retrouvées en contexte funéraire, comme en témoigne le site de San José de Moro.

12 L’archéométrie représente un moyen efficace d’appréhender la peinture murale mochica (Bonavia 1959 ; Donnan 1972 ; Bourgès 1998 ; Scott et al. 1998). Bonavia fut le premier à réaliser des analyses physico-chimiques sur les peintures murales mochica sur le site de Pañamarca en 1959 (Bonavia 1959). En 1972, la fluorescence de rayons X a été utilisée afin d’identifier les pigments des peintures murales de Huaca Facho (La Mayanga) (Donnan 1972). Donnan détermina ainsi que le rouge était composé de cinabre, le jaune de goethite ou de limonite, le noir de pyrolusite, et le blanc d’oxyde de calcium. Sur le site de La Mina (vallée de Jequetepeque), des pigments furent également analysés (Scott et al. 1998). Le jaune était composé d’ocre jaune, le blanc de calcite, le rouge d’ocre rouge, le noir de charbon de bois et le vert de chrysocolle

[(Cu,Al)2H2Si2O5(OH)4.xH2O]. À la fin des années 1990, David Scott analysa neuf fragments de peinture murale provenant de Huaca Cao Viejo et démontra que le rouge était constitué d’ocre rouge, les pigments rosâtres d’un mélange d’hématite, de calcite, de charbon et de quartz, le blanc de calcite, le noir de charbon de bois et le vert d’un mélange de charbon, de calcite et d’ocre rouge et jaune (Scott 1999). Pour la vallée de Moche, la polychromie du site de Huaca de la Luna fut étudiée dès 1996 (Sabana et Reyna 1998), révélant que les pigments blancs étaient constitués de talc

[Mg3Si4O10(OH)2], le rouge d’hématite, le jaune de limonite, le bleu de disthène (SiO4Al2),

le noir de magnétite (Fe3O4) et le marron d’oxyde de fer. En 1998, Ann Bourgès analysa une série de peintures murales montrant que les pigments blancs contenaient du gypse et du quartz, les rouges de l’hématite et de la goethite, les jaunes des oxydes de fer et les noirs du graphite (Bourgès 1998).

13 La recherche en archéométrie dans le cadre de l’étude des peintures murales a été particulièrement développée dans les années 2000 et 2010. Plusieurs sites ont été

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analysés par la caractérisation physico-chimique des mélanges colorants et des supports de terre crue afin d’identifier les outils et les matières premières employées ainsi que leur provenance. C’est le cas à Huaca de la Luna et sur d’autres sites où les différentes analyses ont permis de mettre en évidence la présence des mêmes « recettes » dans l’élaboration des mélanges colorants (pigment, charge et liant) dans quatre vallées avec des particularités propres à chaque site, évoquant une transmission des savoir-faire dans tout le territoire mochica avec des adaptations locales (Wright 2008, 2010).

San José de Moro

14 Le site de San José de Moro est situé sur la rive droite du fleuve Chamán dans la vallée de Jequetepeque (district de Pacanga, province de Chepén, département de La Libertad) et abrite l’un des plus importants sites funéraires et centres cérémoniels régionaux de la société mochica (Figure 1). Les occupations du site sont comprises entre la période Mochica Moyen (400-700 apr. J.-C.) et la période Transitionnelle (850-950 apr. J.-C.) (Castillo et al. 2009). Deux édifices présentent des peintures murales : la Huaca La Capilla et la sépulture M-U2111. Dans le premier cas les murs extérieurs et intérieurs du bâtiment présentent comme couleurs, du blanc et du noir. Dans le second cas, les niches et les murs de la sépulture sont peintes en rouge, jaune et violet.

Fig. 1 – Carte de la répartition du territoire mochica et des différentes vallées occupées (Dollwetzel 2014 d’après Castillo 2006).

15 La Huaca La Capilla est le vestige d’une huaca, une structure pyramidale typique de la culture mochica construite en adobe (briques de terre crue séchées au soleil). Les huacas sont souvent décorées de peintures et associées à des pratiques rituelles, comme la Huaca de La Luna (site de Moche) ou funéraires à l’image du site de Sipán.

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16 Celle de San José de Moro présente une élévation à un seul niveau, probablement due à son état de conservation. Elle est considérée comme faisant partie d’une structure rituelle plus vaste datant également de la période Mochica tardive. Aucune sépulture n’y a été découverte actuellement. La structure présente deux murs porteurs dont l’un est percé d’une série de niches. Les deux murs présentent des traces d’un enduit clair (blanc-beige) et des traces de peinture murale noire (Muro 2014).

17 La sépulture M-U2111 est une tombe dite de « prêtresse », la huitième mise au jour sur le site et la seule présentant des traces de peintures murales (Saldaña et al. 2013). Il s’agit d’une tombe à chambre funéraire constituée d’une pièce quadrangulaire construite en adobe avec un plafond en poutres de bois. Des niches ornées de peintures murales sont insérées dans les murs (Figure 2).

Fig. 2 – Tombe M-U2111 (extrait de Saldaña Campos et al. 2013).

18 Les tombes de « prêtresses » constituent la particularité de ce site et sont interprétées comme telles suite aux comparaisons du mobilier funéraire découvert associé aux corps avec l’iconographie de la céramique à ligne fine mochica. La découverte de peinture murale dans une tombe d’élite est sans précédent dans l’archéologie mochica.

19 Cette étude permet d’approfondir les premiers résultats obtenus sur les pigments, pour ce site, par fluorescence de rayons X portable (Del-Solar-Velarde 2014). Son intérêt est d’apporter de nouvelles informations sur ce site par l’étude de la technologie picturale employée, afin de compléter l’approche archéologique et anthropologique des recherches effectuées sur les sépultures.

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Méthodologie et protocole analytique

Les échantillons

20 Au total, douze échantillons provenant de San José de Moro ont été prélevés sur la couche picturale elle-même ainsi que sur le support de terre crue. Ces échantillons présentant différents degrés de fragilité, certains n’ont pas pu supporter des analyses complètes.

21 Le prélèvement des échantillons a été effectué en 2014 par Nino Del-Solar-Velarde dans le cadre du programme archéologique San José de Moro, sous la direction des archéologues Luis Muro et Luis Jaime Castillo. Ceci a permis un échantillonnage dans deux secteurs différents : la Huaca La Capilla (aire 51) et la sépulture M-U2111 (aire 47) (Figure 3).

22 Les murs de la tombe M-U2111 présentent des traces de peinture polychrome rouge, jaune et violette (Figure 3).

23 Trois échantillons proviennent des niches de la sépulture M-U2111 (aire 47) et présentent une gamme de trois couleurs (BDX17230 rouge, BDX17231 jaune et BDX17232 violet).

Fig. 3 – Niches de la sépulture M-U2111 (Del-Solar-Velarde 2014).

24 La seconde zone où des échantillons ont été prélevés est la Huaca La Capilla. Il s’agit de neuf échantillons : trois de couleur noire issus des parois intérieures (BDX17221, BDX17222, BDX17223), un de couleur noire issu de la façade extérieure (BDX17224), un échantillon de blanc qui correspond à l’enduit (BDX17225) et quatre du prélèvement du support en terre crue (BDX17226, BDX17227, BDX17228 et BDX17229) issus des parois intérieures et extérieures (Figure 4).

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25 Tous les échantillons se présentent sous forme de fragments de petite taille (de l’ordre du millimètre pour la plupart).

Fig. 4 – Présentation des données de l’échantillonnage des peintures murales de San José de Moro.

Référence Secteur Sous-secteur Couleur

BDX17221 Huaca La Capilla A – Niche Noir

BDX17222 Huaca La Capilla A – Mur interne Noir

BDX17223 Huaca La Capilla A – Mur interne Noir

BDX17224 Huaca La Capilla A – Mur façade Noir

BDX17225 Huaca La Capilla C Blanc

BDX17226 Huaca La Capilla B – Mur façade Couche support

BDX17227 Huaca La Capilla B – Mur façade Couche support

BDX17228 Huaca La Capilla A – Mur interne Couche support

BDX17229 Huaca La Capilla A – Niche Couche support

BDX17230 Aire 47 M-U2111 (niche 2) Rouge

BDX17231 Aire 47 M-U2111 (niche 4) Jaune

BDX17232 Aire 47 M-U2111 (niche 2) Violet

Protocole analytique

26 Afin de réaliser ces analyses, plusieurs techniques d’investigation ont été utilisées. Elles ont été appliquées aux supports et à l’ensemble des couches picturales.

27 Une partie du corpus d’échantillons a fait l’objet de prélèvements qui ont été enrobés dans de la résine polyester autopolymérisante Sody 33. Ils ont été découpés en lames épaisses afin d’obtenir une vue en coupe stratigraphique. Cette préparation concerne cinq échantillons (BDX17222 noir, BDX17225 blanc, BDX17230 rouge, BDX17231 jaune et BDX17232 violet). En premier lieu, une analyse colorimétrique a été effectuée in situ en utilisant le système Munsell qui permet de coder la couleur de chaque échantillon. Les données obtenues ont été converties en coordonnées RGB et L*a*b* afin d’identifier les couleurs en présence. Les échantillons ont ensuite fait l’objet d’observations à la loupe binoculaire et au microscope optique polarisant. L’utilisation de ces techniques a permis de disposer d’informations préliminaires sur les supports et les couches picturales concernant leur aspect général, leur texture et leur granulométrie.

28 Des analyses élémentaires ont été réalisées. La fluorescence de rayons X portable a été employée in situ et constitue une analyse élémentaire préliminaire. Les résultats ont fait l’objet d’un traitement qualitatif et semi-quantitatif (Del-Solar-Velarde 2014).

29 L’analyse élémentaire a été poursuivie en laboratoire (IRAMAT-CRPAA) par la spectrométrie de rayons X à dispersion d’énergie en microscopie électronique à balayage (MEB-EDS). L’appareil utilisé est un JEOL JSM en mode Low Vacuum (LV) avec une tension d’accélération de 20 KeV. Les résultats ont été traités avec le logiciel INCA

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(Oxford Instrument). Deux protocoles ont été utilisés. Le premier consiste à sélectionner des zones d’analyse globale sur la surface de l’échantillon (entre 5 et 10) à un grandissement jugé faible de 250. Le grandissement est ensuite porté à 800 pour choisir des zones de granulométrie homogène ou présentant un intérêt particulier comme la présence de certaines inclusions. Des analyses ponctuelles et globales sont effectuées (entre 5 et 12) avec un temps d’acquisition de 60 secondes. Le second protocole a majoritairement été utilisé sur les coupes stratigraphiques des échantillons enrobés. Il consiste à réaliser des cartographies des éléments détectés par leurs rayons X.

30 Les échantillons ont également fait l’objet d’analyses structurales par diffraction de rayons X afin d’identifier les différentes phases minérales en présence. L’appareil utilisé est un BRUKER D8 Advance. Le protocole appliqué est celui développé par Dollwetzel (2014) pour des analyses de pigments de décors céramiques mochica. Les paramètres d’analyse de diffraction prennent en compte les angles de 10 à 70° en 2θ qui sont enregistrés par incrémentation de 0,0133° en 2θ et 8 secondes par incrément. 31 Enfin, les échantillons ont été analysés par micro-spectrométrie Raman. Les analyses ont été menées sur des grains représentatifs de la couche picturale et de la couche support afin d’apporter des informations sur leur structure. L’appareil utilisé est un spectromètre Raman Renishaw RM 2000 associé à un microscope Leica DMLM. Le laser utilisé est un laser rouge de 632,8 nm. Six accumulations de 20 secondes avec un grandissement de 50 ont été réalisées. Les spectres ont été traités avec le logiciel GRAMS 32.

Résultats et discussion

La couche picturale noire

32 Les échantillons de pigment noir prélevés à San José de Moro sont au nombre de quatre (BDX17221, BDX17222, BDX17223 et BDX17224). L’épaisseur de la couche picturale est d’environ 340 μm mais présente de nombreuses variations, due à l’état général des échantillons. La surface de la couche picturale présente une granulométrie fine mais irrégulière constituée de grains noirs avec des inclusions nombreuses et grosses (pouvant mesurer jusqu’à 200 μm), blanches ou translucides (Figure 5).

33 Les analyses préliminaires de peintures murales de l’aire 51 (Huaca La Capilla) par XRF portable ont montré la présence importante de manganèse.

34 Les résultats qualitatifs et semi-quantitatifs obtenus par MEB-EDS ont confirmé que les grains noirs contiennent en moyenne environ 20 % d’oxyde de manganèse.

35 Les analyses structurales ont démontré que la présence des oxydes de manganèse se

retrouvaient sous forme de manganite [MnO(OH)] et de pyrolusite (MnO2). Des

inclusions riches en fer (hématite, Fe2O3), en carbonate de calcium (calcite, CaCO3) et en

sulfate de calcium (anhydrite, CaSO4) ont été également identifiées ainsi que des grains

de quartz (SiO2).

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Fig. 5 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17222 (noir). La zone encadrée représente la couche picturale.

La couche picturale rouge

36 L’échantillon rouge, BDX17230 présente une couche picturale d’environ 110 μm d’épaisseur. Elle est constituée de grains irréguliers et hétérogènes de couleur rouge avec beaucoup d’inclusions noires, jaunes, translucides et quelques inclusions blanches. Il est également important de remarquer une couche picturale jaune sous-jacente d’une épaisseur d’environ 30 μm composée de goethite [FeO(OH)]. Sa présence peut davantage s’expliquer par l’interaction des deux zones (rouge et jaune) au sein de la niche que par un éventuel repeint (Figure 6).

37 La cartographie de rayons X réalisée au MEB démontre que les concentrations en oxydes de fer sont importantes dans la couche picturale et plus particulièrement dans la couche sous-jacente jaune. Le pigment est constitué d’hématite, ce qui confère sa couleur rouge. Les inclusions présentes dans la couche picturale sont des grains de

quartz, de calcite avec la présence d’anorthite (CaAl2Si2O8) (probablement due à l’interaction avec la couche support).

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Fig. 6 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17230 (rouge).

La couche picturale jaune

38 Le jaune de San José de Moro a une couche picturale plus fine que les autres couleurs avec une épaisseur moyenne d’environ 65 μm. La granulométrie est comparable au décor rouge avec des grains jaunes assez irréguliers et de nombreuses inclusions noires, blanches et translucides. De rares inclusions rouges sont également présentes (Figure 7).

39 L’ensemble des analyses a permis de comprendre que la couleur jaune est due à la goethite, constituant majeur de la couche picturale. Des inclusions d’hématite, de

quartz, de calcite et de gypse (CaSO42H2O) sont également présentes. Les analyses en diffraction de rayons X ont également permis de constater la présence de natrojarosite

[NaFe3(OH)6(SO4)2].

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Fig. 7 – Surface de l’échantillon BDX17231 (jaune).

La couleur violette

40 Le pigment violet provient d’une couche picturale constituée de grains rouges et de grains de couleur sombre au-dessus (Figure 8). L’épaisseur totale moyenne de la couche picturale est d’environ 220 μm. La granulométrie est très irrégulière et hétérogène avec beaucoup d’inclusions, nuisant à la lisibilité et à la compréhension de l’assemblage des différents grains.

41 Les analyses ont montré que la couche rouge était due à l’hématite. Les grains jaunes présents dans le mélange pictural correspondent à de la goethite et les grains noirs ont

été identifiés par diffraction de rayons X comme étant de la magnétite (Fe3O4). La

présence d’oxyde de titane (rutile, TiO2) a également pu être observée. Jusque-là, ces composants se retrouvaient dans les pigments utilisés pour la décoration de céramique (Dollwetzel 2014 ; Del-Solar-Velarde, communication personnelle). La couche picturale violette n’est donc pas composée d’un élément chromogène violet mais d’un mélange de minéraux rouges, jaunes et noirs.

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Fig. 8 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17232 (violet).

La couche picturale blanche

42 La couche picturale présente une granulométrie fine mais relativement hétérogène de cristaux blancs avec la présence d’inclusions mesurant jusqu’à plusieurs dizaines de micromètres, de couleur noir, jaune, rouge ou translucide. L’échantillon analysé ne présentant pas de support, il n’a pas été possible de mesurer l’épaisseur de la couche picturale (Figure 9).

43 Les analyses en diffraction X et en micro-spectrométrie Raman ont révélé que la couche colorée était constituée de calcite, de gypse et de quartz.

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Fig. 9 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17225 (blanc).

La couche support

44 Pour l’ensemble des échantillons provenant de San José de Moro, la couche support, d’un point de vue texture et granulométrie est similaire, que ce soit par observation macroscopique ou microscopique, bien que les prélèvements aient été effectués dans deux secteurs différents.

45 La couche support présente de nombreuses inclusions de couleur jaune, noir, blanc, orange ou translucide dont la taille varie de quelques dizaines de micromètres jusqu’à 200 μm pour les plus grosses.

46 La granulométrie n’est pas uniforme et présente une porosité importante.

47 Les analyses élémentaires et structurales ont permis de démontrer que le support est majoritairement composé de quartz, d’aluminosilicates calcosodiques (albite) et d’illite.

Fig. 10 – Synthèse des résultats obtenus par micro-spectrométrie Raman pour chaque couleur d’échantillon.

Échantillon Phase Pics observés (cm-1)

BDX17222 (noir) Manganite 575 649

Pyrolusite 300 377-397 550 632

BDX17225 (blanc) Calcite 283 1 085

BDX17230 (rouge) Hématite 222 292 405 601

BDX17231 (jaune) Goethite 300 392 1 001

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BDX17232 (violet) Hématite 224 291 406 604

Rutile 230 448 611

Fig. 11 – Synthèse des résultats obtenus par MEB-EDS et moyenne de la composition élémentaire des couches picturales pour chaque échantillon.

Na2O MgO Al2O3 SiO2 P2O5 S K2O CaO TiO2 Mn2O3 Fe2O3 Cu2O Total BDX17222 Moyenne 2 2,9 14,4 43,4 0,9 2,3 4,5 4,2 0,5 19,8 5 N/A 100

Ecart type 0,7 0,3 1,8 3 0,2 0,1 0,8 0,5 0,2 2,2 0,5 N/A

N/ BDX17224 Moyenne 0,8 9,7 14,4 37,8 0,7 A 2,4 5,8 0,4 1,2 26,8 N/A 100

Ecart N/ type 0,3 3,9 1,2 3,4 0,3 A 0,8 1,9 0,4 0,9 3,9 N/A

BDX17225 Moyenne 0,9 2,3 7,5 22,6 N/A 1,7 2,2 55,3 0,5 1,9 4,4 0,1 100

Ecart type 0,5 0,4 1,5 2,9 0,1 0,3 0,4 3,3 0,3 0,4 1,3 0,3

BDX17228 Moyenne 1,6 2,5 17 50,8 1 4,1 4 9,9 0,7 0,1 7,4 N/A 100

Ecart type 0,4 0,4 1,2 3,2 0,2 1,8 0,5 2 0,2 0,1 1,2 N/A

BDX17230 Moyenne 5,7 2,8 20,3 42,2 0,7 10,4 2,2 5,1 0,2 N/A 10,3 N/A 100

(couche Ecart rouge) type 1,5 0,3 4,7 3,5 0,1 4,3 0,2 2 0,1 0,1 2,3 0,1

N/ BDX17230 Moyenne 1,3 4,2 18,7 56 0,5 A 2,5 1,6 0,3 N/A 14,9 N/A 100

(couche Ecart N/ jaune) type 1,1 2,9 3,3 1,5 0,1 A 0,3 1,9 0,6 N/A 3,1 N/A

BDX17231 Moyenne 7,1 2,7 11,9 36,7 0,7 14,3 1,8 8,5 0,5 0,1 15,7 N/A 100

Ecart type 1,4 0,2 0,9 3,3 0,1 4,5 0,2 1,5 0,1 0,1 3,8 N/A

BDX17232 Moyenne 3 1,7 25,8 57,1 0,8 0,9 3,8 3,5 0,3 N/A 3,2 N/A 100

(couche Ecart rouge) type 3 0,9 3,2 3,6 0,8 0,4 3,2 3,1 0,3 N/A 1,3 N/A

N/ BDX17232 Moyenne 0,7 1,2 23,6 59,7 0,9 A 2,7 3,2 N/A N/A 8,2 N/A 100

(couche Ecart N/ noire) type 0,9 1,7 5,2 0,9 1,3 A 0,2 1,4 N/A N/A 0,8 N/A

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Discussion

48 L’ensemble des analyses archéométriques réalisées dans le cadre de cette étude a permis d’identifier les éléments chromogènes à l’origine des couleurs des peintures murales du site de San José de Moro.

49 Les pigments mochica sont constitués de grains fins ou relativement grossiers, ce qui se traduit par des couches picturales hétérogènes. Cet aspect est probablement dû aux méthodes de préparation des pigments et au broyage peut-être insuffisant des minéraux.

50 Ainsi, le rouge constitué d’hématite et le jaune de goethite se retrouvent à la fois dans les décors mochica de plusieurs sites (Sipán, El Brujo, Huaca de la Luna, Castillo de Huancaco, San José de Moro). Cette technique se retrouverait donc dans les différentes régions mochica.

51 Des particularités régionales peuvent également être mises en évidence. C’est le cas pour l’usage de pigments à base d’oxyde de manganèse, qui semble se retrouver uniquement à La Mayanga et à San José de Moro. Cela est peut-être dû à l’exploitation de ressources et de gisements locaux ou à des relations d’échange de technique, de savoir-faire ou tout simplement de matériaux.

52 Les résultats obtenus confirment la présence de manganèse, décelée par les analyses XRF portable effectuées in situ. Selon les précédentes études (Del-Solar-Velarde 2011 ; Dollwetzel 2012, 2014 ; Nickel et al. 2013), l’hypothèse de possibles échanges de techniques ou de matériaux bruts entre les cultures mochica et huari pourrait être à l’origine de la présence de manganèse dans les peintures noires à Huaca La Capilla. Signalons par ailleurs qu’en 1972 Donnan avait déjà mis en évidence des peintures murales polychromes de style hybride mochica-huari à Huaca Facho, un site où de la céramique mochica, huari et hybride a également été retrouvée.

Bilan

53 En tant que centre cérémoniel régional majeur, San José de Moro montre que la peinture murale est fortement liée à l’élite politique et religieuse. Souvent associée au contexte administratif, la peinture murale est liée au pouvoir, au culte et à son idéologie (Wright 2010). Le contexte funéraire des peintures murales de San José de Moro n’est pas un cas isolé. Sur le site de Huaca Cao Viejo, la sépulture de la Señora de Cao est associée à un patio décoré de peintures murales de différentes couleurs dont le rouge à base d’hématite (Wright 2010). La couleur participe activement aux activités cultuelles et possède un aspect symbolique indéniable, probablement lié à la fonction de l’individu, à des rites et/ou au culte dans le cas des décors étudiés à San José de Moro. De plus, il est intéressant de remarquer que la couleur violette (couleur rare de la palette mochica) retrouvée à Sipán est également associée à un contexte funéraire. En effet, celle-ci se situe sur la plateforme funéraire et est attribuée à la période Mochica tardive comme la sépulture MU-2111 de San José de Moro. Le violet pourrait être le marqueur d’un symbolisme lié au contexte funéraire. Bien que la composition des deux violets soit différente, la technique de fabrication est proche, avec le mélange de grains d’hématite et de grains noirs dans les deux cas (magnétite pour San José de Moro et charbon de bois pour Sipán). Cependant, aucune conclusion ne pourra être tirée

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définitivement tant que le corpus de sépultures décorées de peintures murales restera aussi réduit.

54 L’apport de l’archéométrie à l’étude des peintures murales précolombienne permet une approche pluridisciplinaire, mêlant l’archéologie et l’étude physico-chimique des matériaux. Les méthodes mises en œuvre dans cette étude ont permis d’apporter des informations d’ordre technique sur la mise en forme des peintures murales tout en replaçant l’étude dans le contexte plus large de l’archéologie précolombienne et des travaux précédents réalisés sur le sujet. Grâce aux résultats obtenus, des informations peuvent être mises en évidence sur les techniques des artisans précolombiens et sur l’usage et le choix des couleurs.

55 Les analyses des pigments effectuées jusqu’ici présentent des lacunes quant à l’approvisionnement en matière première et aux sources des minerais utilisés dans les mélanges colorants, en particulier pour la vallée de Jequetepeque où se situe San José de Moro. Trop peu de travaux ont été réalisés sur le contexte géologique et sur les carrières de matières premières pour répondre à des problématiques de provenance ou de circulation des matériaux. La présence et la teneur en éléments traces pourraient fournir également un marqueur important de l’origine des matières premières minérales et permettraient de les relier à une source. Dans le cadre de cette étude des analyses quantitatives par MEB-EDS auraient pu apporter cette information. L’objectif serait d’exploiter ces données quand des sources locales éventuelles seront proposées.

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RÉSUMÉS

Pour la culture précolombienne mochica qui se développa au Pérou sans écriture, la peinture murale est un vecteur idéologique fort qui implique aussi bien les exécutants de ces décors, des artisans spécialisés, que leurs commanditaires appartenant à l’élite dirigeante. L’archéométrie permet de répondre à des problématiques liées aux technologies picturales employées et peut apporter des informations sur les artisans qui ont réalisé ces décors. Dans cette étude, un corpus de 12 échantillons de peinture murale a été analysé. Ils sont issus du centre cérémoniel et d’échanges culturels et technologiques, San José de Moro (site mochica de la vallée de Jequetepeque), daté du VIIIe au Xe siècle apr. J.-C. où des vestiges de peintures murales ont été mis au jour dans les niches décorant une sépulture d’élite et sur les murs intérieurs d’une huaca (la Huaca La Capilla), un édifice pyramidal associé au culte. Des analyses par MEB-EDS, diffraction de rayons X et microspectroscopie Raman ont été réalisées sur les échantillons, venant compléter les analyses par fluorescence de rayons X portable réalisées in situ. Les résultats obtenus ont permis de retracer une partie de la chaîne opératoire et d’apporter des informations sur les anciens artisans précolombiens et leur place dans la société mochica.

To the pre-Columbian Mochica culture, a culture that did not develop through writing, mural painting is a strong ideological vector that involves the implementers of those decorations and specialized craftsmen, as well as their sponsors, members of the ruling elite. Archaeometry allows us to answer questions regarding the pictorial technologies that were employed and to bring about pieces of information on the craftsmen who designed those decorations. A corpus of twelve samples of mural paintings has been analyzed in this study. They are from the ceremonial center of cultural and technological exchanges of San José de Moro (Mochica site of the Jequetepeque Valley), dated from the 8th to the 10th century (AD), where remains of mural paintings were uncovered in the alcoves of an elite entombment and on the interior walls of a huaca (Huaca La Capilla), a pyramidal building associated to worshipping. Analyses by SEM-EDS, X-ray diffraction and Raman spectroscopy were conducted on the samples, completing the analyses by portable X-ray fluorescence made in situ. The results obtained allowed us to chart part of the chaîne opératoire and to bring about pieces of information on ancient pre-Columbian craftsmen and their role in Mochica society.

Para la cultura precolombiana mochica que se desarrolló en el Perú sin escritura, la pintura mural fue un vector ideológico que implicó tanto al ejecutante de estas decoraciones, artesanos especializados, como a sus comanditarios que pertenecieron a la élite dirigente. La arqueometría permite responder a problemáticas vinculadas a las tecnologías pictóricas empleadas. En este estudio, un conjunto de 12 muestras de pinturas murales ha sido analizado. Ellas vienen del centro de intercambio cultural y technológico y centro ceremonial de San José de Moro (un sitio mochica del valle de Jequetepeque). En este sitio, ocupado por sociedades Mochica entre el siglo VIII y el siglo X d.C., vestigios de pinturas murales han sido descubiertos en los nichos y paredes que decoran una sepultura de élite y sobre las paredes interiores de una huaca (la Huaca La Capilla), un edificio piramidal asociado a expresiones rituales y de culto. Análisis por MEB-EDS,

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difracción de rayos X y microespectroscopía Raman han sido realizados sobre las muestras, completando las análisis por fluorescencia de rayos X portable realizados in situ. Los resultados obtenidos permitieron reconstituir una parte de la cadena operativa.

INDEX

Palabras claves : arqueometria, pigmentos, pintura mural, Perú, Mochica, Inca, arte precolombino Keywords : archaeometry, pigments, mural painting, Peru, Mochica, Inca, pre-Columbian art Mots-clés : pigments, caractérisation, peinture murale, Pérou, Mochica, Inca, art précolombien

AUTEURS

NICOLA SARDOS

Université Bordeaux Montaigne [[email protected]]

NINO DEL-SOLAR-VELARDE

Université Bordeaux Montaigne [[email protected]]

RÉMY CHAPOULIE

Université Bordeaux Montaigne [[email protected]]

LUIS JAIME CASTILLO BUTTERS

Pontificia Universidad Católica del Perú [[email protected]]

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Chronique

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Con la ayuda de Dios. Crónica de luchas indígenas actuales por el territorio en la Sierra Nororiental de Puebla

Pierre Beaucage, Leonardo Durán Olguín, Ignacio Rivadeneyra Pasquel y Claudia Marina Olvera Ramírez

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en février 2017, accepté pour publication en avril 2017.

1 Los cuatro autores de este texto hemos intercambiado mucho durante una estancia de Pierre Beaucage en la Sierra Nororiental de Puebla en septiembre-octubre 20161. Hemos recorrido sitios de proyectos hidroeléctricos, hemos asistido a varios encuentros y hemos dialogado con los principales actores populares que participan en la lucha contra la construcción de represas y de líneas de alta tensión. El texto que sigue resume nuestras observaciones y nuestras reflexiones; su redacción ha sido la ocasión de intercambios constantes entre los autores.

2 En las páginas que siguen haremos la crónica de un proceso social actual: la lucha por los ríos que se libra en la Sierra Nororiental de Puebla entre los pueblos nahuas (maseualmej) y totonacos (totonakú), por una parte, y las empresas hidroeléctricas y el Estado mexicano por otra. Primero, relataremos brevemente dos eventos cargados de significado que el azar hizo coincidir el día 29 de septiembre 2016: la Fiesta de San Miguel y un encuentro de alto nivel en la Ciudad de México.

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La fiesta patronal en San Miguel Tzinacapan, Cuetzalan, Puebla

3 Como todos los años en los últimos dos siglos, el 29 de septiembre de 2016 se celebró en el pueblo nahua de San Miguel Tzinacapan la fiesta del santo del pueblo. Meses de preparación tuvieron su apogeo en ese día. Desde julio pasado, a cada domingo, en las casas de los tenientes o bajo los portales del palacio municipal o en el patio de la escuela primaria, ensayaron los músicos y los grupos de danzantes rituales: Migueles, Santiagos, Negritos, Cuetzalines, Toreadores, Voladores, Tejoneros, Moros y Españoles. Desde enero, el mayordomo de San Miguel (designado por el regidor de costumbres entre los varios aspirantes) buscaba ya, entre sus familiares, amigos y compadres, a quienes podían apoyarlo para sufragar los enormes gastos de la fiesta a la que le tocaba convidar al pueblo. Durante semanas se cosieron los vistosos trajes, se tallaron las máscaras de madera, se encargaron cientos de cohetes en el vecino pueblo de Xochitlán, famoso por sus pirotécnicos. Se criaron y se compraron pollos y guajolotes. El 26 de septiembre, en procesión, se les llevó la ropa nueva a San Miguel y a sus dos socios inseparables, el Ángel Custodio y San Francisco. El día 27, ya se alistaban los danzantes en casas de los tenientes para ir a ofrecer las danzas al santo en la iglesia cuando empezó a llover, obligándolos a cuidar sus trajes y penachos preciosos para que no se mojaran. En la noche del 28, momento de la « entrada de las ceras » a la iglesia, la lluvia había transformado las calles en arroyos: no hubo procesión y las danzas se realizaron en la iglesia2. Por fin, llegó el día 29, el día de la fiesta. Era aún de noche cuando estallaban los primeros cohetes para despertar a todos. Amaneció lloviendo, pero San Miguel, sin duda conmovido por la devoción de su pueblo, suspendió la lluvia entre las diez y las veinte horas, como para que pudieran bailar y bailar durante horas en el atrio los danzantes enmascarados, luciendo sus trajes y penachos de colores vivos, donde dominan el rojo y el verde, al son de tambores, flautas, violines, guitarras, maracas y cascabeles. Dejó de llover lo suficiente como para que los cuatro audaces Voladores se pudieran echar una y otra vez al vacío, colgados con cuerdas, desde lo alto de un mástil de veinte metros, y dar las imprescindibles trece vueltas hasta tocar el suelo, mientras que su « caporal » seguía tocando la flauta y el tambor, parado en la punta. Luego pudo desplegarse la procesión a lo largo de la calle principal, con el santo cargado a hombros, desde la iglesia hasta la casa del mayordomo, donde los cientos de danzantes y acompañantes estaban convidados a una comida de pollo con mole.

4 Las danzas conllevan dos grandes conjuntos de significados. Un primer grupo, Voladores, Cuetzalines y Tejoneros, de origen precolombino, representan la integración de la comunidad con el cosmos. La más cargada de sentidos es sin duda la Danza de los Voladores (Koujpapatanij)3. Para González Álvarez (en prensa), el mástil (también presente en los Tejoneros y en una versión de los Cuetzalines) representa el eje cósmico, que reúne los tres pisos del Universo (Semanauak): el inframundo (Talokan), la superficie de la tierra (Taltikpak) y el cielo (Iluikak). Se integra también el tiempo cíclico: las cincuenta y dos vueltas que dan los Voladores son las cincuenta y dos semanas que separan una fiesta de la siguiente4.

5 A diferencia de esas danzas de integración cósmica, las de origen colonial expresan el conflicto, el mismo que se advierte en la estatua de San Miguel: entre el Bien y el Mal. En la figura que domina el altar central, San Miguel aplasta con su pie la cabeza del Diablo que hace muecas. Es el mismo Diablo que vencen los Migueles después de una

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complicada coreografía; es el « rey de los Pilatos » que logran tumbar Santiago; es la víbora que pica a uno de los Negritos, curado después por la Mariquilla; son los « Españoles » que luchan contra unos « Moros » que llevan curiosos penachos de plumas y cuyos sarapes portan consignas como « ¡Viva México! » o « ¡Viva la Virgen de Guadalupe! ». Aquí el Bien aparece como un « Nosotros » y el Mal como un « Ellos ».

6 Al final del rito, que incluye la misa, las danzas, la procesión y el banquete en casa del mayordomo – ritual que San Miguel aceptó quitando la lluvia –, el Mal está vencido temporalmente, aunque no eliminado. Habrá que seguir repitiendo los rituales y respetando las normas sociales para mantener esa frágil victoria. Proponemos aquí que esta cosmovisión y estos rituales proporcionan una matriz cultural para entender la lucha actual de los pueblos nahuas y totonacos de la Sierra por sus territorios y por sus ríos, así como también otras luchas que la precedieron.

Un encuentro de alto nivel

7 Ese mismo 29 de septiembre 2016, la Secretaría de Energía (SENER) y el Banco Interamericano de Desarrollo (BID) celebraron en la Ciudad de México la 1ª Reunión nacional de beneficios sociales compartidos de proyectos de energía para « examinar los beneficios » que traen a las comunidades locales los grandes proyectos hidroeléctricos. El moderador de la reunión era el señor Mauricio Justus, presidente de Comexhidro, empresa que se dedica a la explotación de recursos hidráulicos, que también es el maestro de obras del proyecto Puebla I, sobre el río Ajajalpan, en la Sierra Nororiental, a través de su filial Deselec. A ese encuentro (no público) se invitó a la Unión de Cooperativas Tosepan (UCT), con sede en Cuetzalan, Puebla. La invitación causó sorpresa en la Tosepan, en vista de sus posiciones muy explícitas en contra de la realización de megaproyectos en la región. El Consejo Altepe Tajpianij (cuyos miembros pertenecen a la UCT) obtuvo un amparo contra la Minera Autlán, cuyas concesiones mineras cubren una amplia zona en el sur del municipio de Cuetzalan y en áreas contiguas de los vecinos municipios de Tlatlauquitepec y Yaonahuac. También es miembro de Tiyat Tlali, que agrupa a los pueblos nahuas y totonacos opuestos a los proyectos hidroeléctricos en la región.

8 La Tosepan mandó a tres representantes para expresar el punto de vista de la organización. El moderador la presentó como una « empresa exitosa », cuyo punto de vista tenía que ser escuchado. En su intervención, un representante de la Tosepan empezó denunciando la Ley de Reforma Energética5 del gobierno de Enrique Peña Nieto, cuyo fin es abrir la producción de energía al sector privado. Después analizó más en detalle el proyecto Puebla 1, que desarrolla Comexhidro en el río Ajajalpan, en territorio totonaco. El vocero de la Tosepan señaló que, en este proyecto, la empresa violó la propia Constitución Mexicana, que reconoce el principio de la autonomía de los pueblos indígenas. También mostró que contradice los acuerdos internacionales ratificados por el Gobierno Mexicano, como el Convenio 169 de la Organización Internacional del Trabajo (OIT). Éste estipula que no se puede llevar a cabo proyectos de desarrollo en los territorios indígenas sin una consulta previa, libre e informada: no fue el caso de Puebla 1. Nunca se mencionaron los riesgos asociados con este proyecto, que implica la entubación completa del río, su canalización subterránea durante cuatro kilómetros y medio y su reemergencia en una « casa de máquinas », donde están las turbinas. Para obtener los datos reales, e incluso para obtener los propios protocolos de

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la consulta, los indígenas totonacos de las comunidades que serían afectadas tuvieron que ampararse en la ley de acceso a la información (Durán Olguín 2016).

9 Esas declaraciones obviamente no correspondían a las expectativas de los organizadores, pero sí al punto de vista de un grupo de indígenas zapotecos y huaves del Istmo de Tehuantepec, Oaxaca, opuestos a la instalación masiva de eólicas en sus tierras: informados de la reunión, se habían « autoinvitado ». Viendo la toma del encuentro por opositores, los representantes de la SENER y del BID optaron por retirarse. ¿Qué significa este encuentro en la coyuntura actual de México y de las tensiones entre organizaciones indígenas y empresas extractivas? ¿Qué relación tiene con la resistencia obstinada de los pueblos indígenas de la región?

Un poco de historia: la región y las organizaciones indígenas

Primero vinieron los españoles: en once años, once meses y once días los sacamos. Luego llegaron los analtecos6 y los devolvimos del otro lado del mar, de donde venían. Por fin fueron los villistas7 y los eliminamos hasta el último. Y si vienen otros, les va a pasar lo mismo. Porque los jóvenes están más preparados y tienen buenas armas. Pedro de los Santos, en Taller de Tradición Oral 1994

10 La Sierra Nororiental de Puebla forma parte de la Sierra Madre Oriental, que separa la meseta central, seca y fría, de la llanura tropical de Veracruz (Mapa 1). Es una zona extremadamente accidentada, con lluvias durante la mayor parte del año; en algunos puntos, la precipitación anual alcanza los cuatro metros. A nivel ecológico se distingue la sierra alta (entre 1400 y 2000 metros de altura), fría y húmeda, y la sierra baja (menos de mil metros), de clima sub-tropical. En la región viven unos 600 mil habitantes, en su gran mayoría indígenas: 400 mil nahuas (maseualmej) y 100 mil totonacos (totonakú) (Serrano Carreto et al. 2002, p. 66, 68). Los nahuas ocupan el norte, el centro-oeste y el oriente de la Sierra; los totonacos ocupan el centro (Mapa 2).

Los nahuas de la Sierra Nororiental (maseualmej)

11 A fines del siglo XIX, aprovechando las leyes de desamortización, grupos mestizos de la meseta se implantaron en la zona nahua. A pesar de una fuerte resistencia se hicieron de tierras para ganadería y plantaciones, y se asentaron en las cabeceras municipales donde controlaron el comercio, el gobierno municipal y las profesiones. Los indígenas, mayoritarios, se replegaron hacia los pueblos y las rancherías, donde pudieron conservar cierta autonomía a nivel de las presidencias auxiliares y de los juzgados de paz. Cada pueblo tiene su iglesia propia, su santo patrón y su identidad propia se expresa simbólicamente, con fuerza, a través de sus fiestas patronales, particularmente elaboradas en la sierra baja.

12 En la sierra alta, la base de la economía campesina siguió siendo el cultivo del maíz, completado por la ganadería a pequeña escala. La concentración de la tierra en pocas

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manos obligó tempranamente la migración estacional de los hombres hacia el vecino estado de Veracruz (Beaucage 1974). En la sierra baja, durante el siglo XX, la adopción del café como principal cultivo llevó a la sustitución progresiva del bosque original por un policultivo arbóreo: entre estos vergeles predominan el café y el chalahüite (su sombra), con un gran número de plantas asociadas: la pimienta gorda, los cítricos, los plátanos así como frutales, plantas ornamentales, etc. La constitución del cafetal tradicional indígena permitió la preservación de una biodiversidad notable, tanto vegetal como animal: avifauna, pequeños mamíferos, insectos y arácnidos (ver Beaucage y Taller de Tradición Oral 2013, p. 100-121). A la vez, la extensión de este cultivo comercial trajo la subordinación económica creciente de los campesinos a los intermediarios, los mestizos de la cabecera, compradores de café y proveedores de alimentos e insumos.

13 A partir de la década de 1970, con la asesoría de unos cristianos comprometidos con el cambio social8, y de agrónomos progresistas, y aprovechando políticas gubernamentales favorables al desarrollo rural, los nahuas de Cuetzalan crearon y consolidaron organizaciones locales y regionales de tipo autogestionario y cooperativo. A nivel regional, se crearon la Sociedad Cooperativa Agropecuaria Regional Tosepan Titataniske (Mora 1985 y Aguilar Ayón 1986) y la Maseualsiuamej Mosenyolchikauanij (Carcaño 2013). Estas organizaciones permitieron una reapropiación de la comercialización de los productos agrícolas y de las artesanías, así como del abasto. En la base del movimiento cooperativo encontramos la reciprocidad, dimensión fundamental del sistema de valores indígenas: « No está bien que los koyomej pongan el precio de lo que nos venden y también de lo que nos compran. » La cooperativa regional quebró este monopolio comercial, haciendo transacciones directas con el mercado nacional e internacional. En cuanto al abasto, se surtió de granos básicos a precio subsidiado en CONASUPO y luego en DICONSA. Una breve incursión directa en la política municipal (1986-1989) convenció a los cooperativistas de que, si bien podían ganar sus candidatos, una vez en el puesto verían mermada su capacidad de acción por el bloqueo financiero de las instancias superiores. Después de esta experiencia, optaron por quedarse fuera de la lucha partidaria y apoyar a los candidatos que aceptaban retomar sus propias reivindicaciones.

Los totonacos de la Sierra (totonakú)

14 En el país totonaco, la penetración de los mestizos sucedió más tardíamente que en Cuetzalan y en un contexto diferente9. Durante la Revolución (1910-1917), el general Gabriel Barrios, después de eliminar a sus rivales, estableció en el conjunto de municipios totonacos familias mestizas a sus órdenes (Ellison 2013, p. 74-75) y una red telefónica con fines político-militares. Los ricos cañeros y destiladores de Zapotitlan controlaron la mayor parte de la producción de caña de los pueblos vecinos, asociándose con propietarios locales. Durante el siglo XX, el café sustituyó progresivamente a la caña. Como en Cuetzalan, la transición de la agricultura de subsistencia a la comercial hizo que los pequeños productores dependieran cada vez más de comerciantes y usureros, que les compraban su cosecha en pie, a bajo precio, o bien les proporcionaban víveres e insumos agrícolas a crédito, a pagar con la cosecha. En una región montañosa y mal comunicada, esa burguesía de comerciantes y ganaderos ejercía un control casi absoluto sobre la circulación de los productos básicos, transportados a lomo de mula.

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15 La fuerza económica de los recién llegados fue acompañada por una dominación política férrea, más centralizada que en Cuetzalan. Por ejemplo, el último presidente municipal indígena de Huehuetla dejó el poder en 1928. Sus sucesores mestizos suprimieron el Consejo de Ancianos que reglaba la vida interna de la comunidad, en particular la distribución de las tierras que habían logrado sustraer a los mestizos (ibid., p. 111, 498). A partir de ese momento, los indígenas se vieron confinados a los cargos religiosos, como el mantenimiento de la iglesia y la organización de la fiesta de San Salvador, santo tutelar del pueblo y del municipio (ibid., p. 83 y sig.).

16 Unas monjas carmelitas llegaron a Huehuetla en 1965 y fundaron una escuela para la educación de adultos. Luego llegaron sacerdotes igualmente influenciados por la Teología India10. Como en otras parroquias de la Sierra, formaron catequistas y se creó lentamente en las parroquias un conjunto de Comunidades Eclesiales de Base (CEBs). Mientras se alfabetizaba a los adultos, se los concientizaba a través de discusiones con los catequistas. Las CEBs formadas en los distintas rancherías reunieron un número cada vez mayor de campesinos indígenas (Hernández García 2012, p. 49-138).

17 Uno de los frutos concretos de este proceso fue la creación, en Huehuetla, de la Organización Independiente Totonaca (OIT), que ganó las elecciones del 1989, quebrando el monopolio del poder que detentaban los mestizos. Se mantuvo al frente del municipio durante tres trienios consecutivos y realizó grandes reformas a nivel de la infraestructura (caminos, luz eléctrica) y de la educación. Sin embargo, cierto distanciamiento con las bases, combinado con las maniobras de gobernador de Puebla, llevaron a que la OIT fuera derrotada en la elecciones del 1999. Le sucedió UNITONA (Unidad Indígena Totonaca Nahuatl), una red de activistas presente en muchos municipios (Beaucage y Rivadeneyra 2016).

Los años 2000: llegan los megaproyectos y se organiza la resistencia

Las mineras en la sierra alta

18 En años recientes, los territorios indígenas de la Sierra Nororiental han suscitado la codicia de poderosos actores externos a la región y los pueblos han tenido que adaptar sus estrategias de defensa a este nuevo contexto.

19 El gran capital minero, nacional y transnacional, ha detectado allí importantes yacimientos de metales preciosos. Amparándose en la nueva Ley Minera de 1994, que da la prioridad a la explotación minera sobre cualquier otro uso del suelo, las transnacionales canadienses, Almaden Minerals y Gold Corp obtuvieron vastas concesiones, al par de grandes empresas mexicanas, como Minera Plata Real y Frisco, propiedad de Carlos Slim, que la revista Forbes considera el hombre más rico del mundo11. En la sierra alta, varias comunidades nahuas vieron llegar, a partir de 2007, ingenieros mineros y equipos de perforación. Así fue como se enteraron que el gobierno federal había otorgado concesiones « para exploración y explotación » en siete municipios12, totalizando 56 mil hectáreas. Para explotar esos yacimientos con la técnica de « tajo abierto », que exige enormes cantidades de agua, las empresas cuentan con abastecerse en las reservas locales. Por ejemplo, en Ixtacamaxtitlán, zona semi- árida, Almaden Minerals utiliza para sus barrenos las fuentes de agua potable13. Más al

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noreste, la empresa mexicana Autlán Minerales obtuvo hace tres años concesiones mineras de cientos de hectáreas que le aseguran suficiente agua, a la vez que ponen en riesgo el abasto del municipio de Cuetzalan (47 mil habitantes).

20 Las mineras no contaban con las organizaciones indígenas de la región, tradicionales y nuevas. En Tetela de Ocampo, la minera Frisco obtuvo en 2009 una concesión de 10 mil hectáreas, válida por 50 años, para explotar el oro y la plata del cerro de La Espejera. Los vecinos formaron entonces « Tetela hacia el Futuro », y las autoridades declararon La Espejera « zona protegida » de cualquier explotación minera. Hasta la fecha, Frisco no llevó adelante su proyecto. En el municipio vecino de Zautla, una empresa china, JDC Minerales, compró un yacimiento de oro y plata, además de cobre y níquel, en La Lupe, cerca del pueblo de Tlamanca. Pero Zautla tiene una tradición fuerte de organización comunitaria. Se formó una vasta coalición de organizaciones, desde los grupos de artesanos hasta los productores biológicos. Se descubrió que los permisos de explotación de la empresa eran inválidos o incompletos. El 22 de noviembre 2012, cuando venció el ultimátum impuesto a JDC, más de cinco mil campesinos marcharon sobre la mina. Arrancaron la valla de protección y expulsaron a los cuadros y a los trabajadores chinos. En Ixtacamaxtitlán, los ejidatarios de Tecoltemic, cuyas tierras estaban incluidas en la enorme concesión de Almaden, obtuvieron un amparo contra la empresa. Cuando, en abril 2017, a pesar de la oposición ésta decidió ampliar sus exploraciones, los campesinos bloquearon la brecha de acceso con un poste y una trinchera. Se detuvo la exploración.

21 En 2008, para hacer frente a un proyecto turístico de gran escala que promovía la Secretaría de Desarrollo Social (SEDESOL – Puebla) para la región, las organizaciones locales se unieron a otros actores y formaron la CORDESI (Coordinadora Regional de Desarrollo con Identidad) (Rojas Mora 2014, p. 6). La llegada casi simultánea de las mineras hizo que los integrantes de Cuetzalan crearan el COTIC (Comité de Ordenamiento Territorial Integral de Cuetzalan). Con la ayuda de « expertos solidarios » se redactó un Plan de Ordenamiento, que propuso apoyar el turismo a pequeña escala, a la vez que la agricultura, las artesanías y el pequeño comercio y prohibió los megaproyectos mineros, hidroeléctricos y petroleros. El Plan fue adoptado por las autoridades municipales y luego, estatales. Cuando llegó Autlán Minerales a Cuetzalan, se creó el Consejo Maseual Altepe Tajpiyani (« guardianes del territorio ») para demandarla. En mayo 2015, la asociación obtuvo un amparo contra la minera que no puede ni explorar in explotar su concesión, por estar situada en un territorio indígena donde no hubo consulta previa, libre e informada tal como lo prevé el Convenio 169 de la Organización Internacional del Trabajo, ratificado por México.

22 Hasta la fecha, gracias a la acción organizada de las comunidades indígenas y municipios, ninguna empresa minera ha llegado a la fase de explotación en la Sierra Nororiental de Puebla.

Las hidroeléctricas

« Quieren hacer nuestra tierra más pequeña » (un campesino totonaco de Olintla)

23 Mientras que las zonas altas se enfrentaban con los proyectos mineros a gran escala, los ríos caudalosos de la sierra baja suscitaban el interés de las empresas hidroeléctricas y del Estado mexicano, cuya Ley de Reforma Energética busca incluir el sector privado en

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una transición a la « era post-petróleo ». En la sierra nororiental, se planeó instalar unas diez « centrales de nueva generación ». En lugar de colocar las turbinas inmediatamente debajo de la represa, se entuba el agua del río que recorre así varios kilómetros antes de mover la turbina en una casa de máquinas; así se aprovecha la fuerte desnivelación para aumentar la fuerza motriz del agua. Las consecuencias más directas son que, mientras que se inunda el valle arriba de la represa, abajo, el río desaparece durante kilómetros. En toda la zona, se destruirían milpas y plantaciones para abrir las vías de acceso y construir las líneas de alta tensión en las empinadas laderas.

24 En 2011, la empresa mexicana Comexhidro, por medio de su filial Deselec 1, obtuvo del gobernador de Puebla un permiso para construir tres represas en el río Ajajalpan, en territorio totonaco. En 2012, en el valle vecino del río Zempoala, la Secretaría de Medio Ambiente y Recursos Naturales (SEMARNAT) autorizó la construcción de la Generadora de Energía San Antonio (GESA) por la empresa Ingdeshidro, « a condición de realizar una consulta de la población ».

25 Cuando se supo de los proyectos hidroeléctricos, las primeras respuestas se dieron a nivel local14. El 6 de octubre 2012, en Zapotitlán de Méndez, pueblo totonaco situado a orilla misma del rio Zempoala, y que estaría directamente amenazado por cualquier disfunción de la hidroeléctrica GESA, mil vecinos reunidos en asamblea se opusieron al proyecto. (Hernández Alcántara 2012).

26 En el Ajajalpan, en el 2012, la situación no parecía muy favorable a la resistencia indígena. Río arriba, la empresa Comexhidro (socia de la canadiense Innergex Renewable Resources) tenía tres años gestionando el proyecto Puebla I, que implica dos represas: una sobre el afluente principal del río y otra sobre un afluente tributario. El municipio ribereño de Tlapacoyan, donde tiene su sede, parecía ganado a la causa, mientras que en los otros dos municipios afectados, Aguacatlán y San Felipe Tepatlán, la oposición se veía débil y fragmentada. La resistencia activa se manifestó primero río abajo, en el municipio de Olintla, cuyas autoridades eran muy favorables a un proyecto similar de Grupo México. En diciembre 2012, los habitantes de la comunidad de Ignacio Zaragoza, de ese mismo municipio, pararon con un plantón la apertura de una brecha para la construcción de la represa y retuvieron la maquinaria durante varias semanas.

27 En Cuetzalan (nahua), el comité fundado para el ordenamiento territorial (COTIC) se reorientó hacia la defensa física del territorio, amenazado tanto por las concesiones mineras de Autlán como por las represas en el Apulco. Lo primero fue la difusión de información, por las radios comunitarias y el periódico local Kuojtakiloyan. Luego se realizaron asambleas regionales para la Defensa del Agua y del Territorio, donde miles de campesinos indígenas reafirmaron su oposición a los megaproyectos15.

28 En el mismo año 2012, doce organizaciones indígenas de la región, tanto nahuas como totonacas, vieron la necesidad de coordinar sus fuerzas a nivel regional: se creó el Consejo Tiyat Tlali, (« Tierra », en los dos idiomas indígenas). Uno de los primeros gestos de Tiyat Tlali fue mandar un grupo de apoyo a los protestatarios de Ignacio Zaragoza. Las autoridades municipales de Olintla respondieron violentamente, secuestrando a los manifestantes durante 24 horas. Esa represión dio un alcance imprevisto a la lucha: la prensa nacional habló de ello. Un mes más tarde, Grupo México anunciaba el abandono del proyecto (Rojas Mora 2014, p. 68-69). Marcó la primera victoria indígena clara frente a las hidroeléctricas en la región (Consejo Tiyat Tlali 2016).

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29 En 2014, un activista totonaco de Ignacio Zaragoza, miembro de Tiyat Tlali, fue a tomar el pulso de las comunidades de Altica y San Felipe Tepatlán, situadas más arriba en el Ajajalpan. Encontró mucha gente descontenta con Puebla 1, que les « iba a quitar su río » del cual sacan peces y acamayas, y cuyas orillas bañan sus cafetales, sin mencionar la arena que les trae cada creciente y que usan para la construcción de sus casas. Con el apoyo logístico de Tiyat Tlali se formó un comité y se organizaron asambleas de información. En una de ellas, el 6 de junio 2015, después de escuchar los argumentos presentados por el mismo presidente de Comexhidro, Mauricio Justus, y otros empleados de la empresa, se decidió rechazar el proyecto; el presidente municipal revocó por escrito el permiso otorgado por su predecesor para cambiar el uso del suelo (Ánimas 2015). En el mismo mes de junio 2015, a nombre de tres comunidades afectadas, se presentó contra el proyecto de Comexhidro una demanda de amparo, que hasta la fecha sigue siendo estudiada por las autoridades judiciales.

30 Los proyectos hidroeléctricos no se limitan a la construcción de represas. Para sacar la energía producida por las turbinas de Puebla 1, se ha diseñado una línea de alta tensión de cuarenta kilómetros entre San Felipe y el vecino estado de Veracruz. Otra línea cruzaría el territorio de Cuetzalan desde el extremo noreste hasta la cabecera, en el centro oeste, donde estaría localizada una subestación. En más de la mitad de su recorrido esta línea de alta tensión atraviesa zonas rurales densamente habitadas, incluyendo el pueblo de Xiloxochico. Estudios recientes muestran el peligro para la salud que representa el campo electromagnético que emiten esos tendidos eléctricos de alto voltaje: una incidencia mucho mayor de leucemia entre los niños de cero a cuatro años que viven a menos de cien metros del tendido eléctrico, así como un aumento de frecuencia de la enfermedad de Alzheimer entre los adultos que trabajan dentro de un campo electromagnético (ver Gauvin et al. 2006; Hakansson et al. 2003). A pesar de estos graves peligros para la salud, en septiembre 2016 la presidencia municipal de Cuetzalan autorizó la construcción de la línea, argumentando que no era uno de los megaproyectos que prohíbe el Plan de Ordenamiento Integral (minas, represas y extracción de hidrocarburos). Frente a la inutilidad de sus gestiones, en la última semana de octubre las organizaciones que integran el COTIC tomaron las instalaciones de la Central que se estaba empezando a construir en Cuetzalan. Allí instalaron un campamento, que se mantiene hasta hoy, donde se turnan para impedir el paso de la maquinaria.

La segunda batalla del río Apulco

31 El caudaloso rio Apulco corre en pleno territorio nahua, en una zona intermedia entre la sierra alta y baja. En 1862 fue el escenario de una importante victoria de los indígenas de la Sierra, bajo el mando de Juan Francisco Lucas, sobre las fuerzas de la Intervención. En 2013, la empresa Galla anunció la construcción de una represa cerca del pueblo de San Juan Tahitic (Municipio de Zacapoaxtla).

32 En noviembre 2014, la empresa ICA (Ingenieros Civiles y Asociados) anunció un proyecto de mayor envergadura aún en el Apulco, unos kilómetros más arriba. Consiste en un conjunto interrelacionado de cuatro represas, que afectaría un total de 26,5 km del cauce. Para ello presentó una Manifestación de Impacto Ambiental (MIA). Como en el Ajajalpan y el Zempoala, se trata de « hidroeléctricas de nueva generación » con entubación del río.

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33 La movilización en el alto Apulco empezó más tarde que en la sierra baja. Primero se hizo a nivel comunitario. Los habitantes de San Juan Tahitic tienen la reputación de ser muy combativos16. En cuanto supieron del proyecto de Galla, fueron a « recibir » a los ingenieros encargados del estudio, bloqueándoles el camino. En un segundo intento de éstos, les pincharon las llantas. Galla paró – hasta ahora – las obras. Frente al proyecto de ICA, Cuauhximaloyan, del municipio de Xochiapulco, fue la primera en movilizarse. Recibieron apoyo de UNITONA, de Tiyat Tlali y de la pastoral social, en particular de la parroquia de Huahuaxtla, que comprende a varios pueblos cercanos al río. Se adoptó una estrategia similar a la del Ajajalpan. Así se crearon, en varias comunidades riberanas, Comités de Defensa del Río Apulco, que se integraron a Tiyat Tlali.

34 En un documento que mandaron a la Secretaría de Medio Ambiente y Recursos Naturales (SEMARNAT), estos Comités de Defensa criticaron fuertemente la MIA presentada por ICA, por sus insuficiencias evidentes en cuanto a los daños al medio ambiente. La empresa reaccionó presentando un proyecto « mejorado », en el que suprimía la línea de alta tensión a Cuetzalan (por el Plan de Ordenamiento Territorial) y la reemplazaba por otra, hacia Zacapoaxtla. En septiembre 2016, la SEMARNAT rechazó la MIA, por no tomar suficientemente en cuenta el medio ambiente natural muy específico del valle del Apulco.

35 La siguiente etapa consistió en pasar de una oposición comunitaria al nivel municipal. En cabildo abierto, las autoridades de Zacapoaxtla y Xochiapulco declararon sus municipios « libres de megaproyectos ». Llama la atención el caso de Xochiapulco, donde el presidente, en su declaración del 30 de abril 2016, recordó el papel central que tuvieron los indígenas en la victoria sobre los invasores franceses, en los años 1860: « ¡Recuperamos el protagonismo histórico! »

36 La lucha por la defensa el alto río Apulco ha tenido hasta ahora un carácter menos masivo que la que se desarrolla en la sierra baja adyacente. Entre otros factores explicativos, se puede observar que la población de los municipios afectados es más heterogénea culturalmente que los territorios nahua y totonaco de la sierra baja. Buena parte de la gente del alto Apulco se define como mestiza, habla solamente español y algunos parecen más sensibles al discurso del « progreso » que transmiten los medios masivos y el gobierno acerca de las represas. Además, durante los siglos XIX y XX, algunas comunidades participaron directamente de duras luchas agrarias que dejaron la zona muy dividida. Los nahuas de Huahuaxtla no olvidan que los fundadores del pueblo mestizo vecino les arrebataron las tierras que Juan Francisco Lucas les había entregado en recompensa por su valor en la guerra contra la Intervención francesa. Y los de Atzalan recuerdan las décadas de lucha épica contra el cacique de Apulco para conseguir su ejido (Paré 1975). Participar en un movimiento junto con los descendientes de estos adversarios, entonces, puede parecerles contradictorio con su memoria histórica. Además, una experiencia más reciente de movilización, en los años 1970-1980, fue desalentadora. Dos grupos con discursos radicales y que no rechazaban prácticas violentas, la Unión Campesina Independiente (UCI) y Antorcha Campesina (AC), libraron una lucha acérrima por el control de los ayuntamientos. Resultó eliminada la UCI y AC retuvo entonces el poder en Huitzilan de Serdán. Los municipios vecinos, desmovilizados, regresaron a los partidos tradicionales. Por eso el trabajo de concientización y organización frente a las hidroeléctricas tuvo que empezar desde cero. Y fue decisivo el apoyo de las organizaciones regionales preexistentes como UNITONA y Tiyat Tlali, así como también del sector progresista de la Iglesia.

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Características de la lucha por los ríos y el territorio en la Sierra Nororiental

37 Cada una de las cuatro micro-regiones que se están uniendo ahora en contra de los megaprojectos tiene sus rasgos específicos y su historia propia. La sierra alta, zona de agricultura de subsistencia y de fuerte emigración, sufrió el primer embate del extractivismo bajo la forma del capital minero transnacional. La respuesta se dio a nivel local, utilizando tanto la protesta legal (Tetela contra Frisco, el ejido Tecoltemic contra Almaden) como la acción directa (la expulsión de JDC Minerales de Zautla). Este tipo de lucha fue suficiente – hasta ahora – para detener la ofensiva: el único proyecto minero que sigue operando, aunque parado en su fase exploratoria, es el de Almaden en Santa María, municipio de Ixtacamaxtitlán.

38 En la sierra baja, tanto totonaca como nahua, los proyectos hidroeléctricos, de capital nacional, resultan de mayor impacto, puesto que afectarían a muchas comunidades en más de un municipio. En los pueblos afectados, las organizaciones y redes preexistentes buscaron una respuesta global: la Tosepan, el COTIC y UNITONA se coordinaron con otros en Tiyat Tlali. A nivel discursivo, se logró asociar la lucha por los ríos con la defensa del territorio, que en la región tiene profundas raíces tanto cósmicas como históricas. A nivel organizativo, en la zona nahua, la realización de asambleas de información y la creación de Comités de Defensa del Agua y del Territorio, así como de Altepe Tajpiani, fue facilitada por la presencia de una red bien establecida de cooperativas locales. Las asambleas multitudinarias, que se celebran por turno cada dos meses en cada una de las comunidades donde hay comités, permiten reforzar los eslabones más débiles, mostrando la fuerza del movimiento. En esas asambleas se votan acuerdos, que implican recursos legales o acciones directas hacia el Gobierno, municipal, estatal o federal (Ánimas Vargas 2016a).

39 En los pueblos totonacos de los valles del Ajajalpan y del Zempoala, la red preexistente de catequistas y de Comunidades Eclesiales de Base (CEBs), construida a partir de los años 1960, tuvo y tiene un papel similar. En la zona media (el valle del Apulco), más heterogénea, la movilización se funda tanto sobre las energías propias (en particular el trabajo pastoral del clero y de laicos del lugar) como sobre el apoyo del movimiento de la sierra baja.

40 En toda la región, las acciones incluyen tanto una amplia gama de trámites legales como presiones políticas o acciones directas. Los trámites legales están generalmente relacionados con el cuestionamiento de las Manifestaciones de Impacto Ambiental (ICA en el río Apulco) o las demandas de amparo, fundamentadas en la ausencia de consulta previa (Autlán en Cuetzalan, Comexhidro en el Ajajalpan).

41 En cuanto a las presiones políticas, sabiendo la poca posibilidad de influenciar las autoridades de nivel superior, las organizaciones dedican mucho esfuerzo al nivel municipal. Según la ley mexicana, la puesta en marcha de un proyecto minero, hidroeléctrico o petrolero exige que el presidente municipal firme un documento autorizando el cambio de uso de suelo. En seis municipios17, las presentaciones a la autoridad fueron suficientes para que se declararan « municipios libres de megaproyectos ». En otros, como en Olintla, donde las autoridades eran irreductiblemente favorables a la construcción de la presa, los opositores esperaron a

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las siguientes elecciones. Propusieron su apoyo a uno de los candidatos que se comprometió por escrito a no permitir los megaproyectos dentro de la jurisdicción. Gracias al trabajo de concientización efectuado, ése fue el elegido. Sin embargo, los alcaldes son sujetos a muchas presiones, tanto políticas como económicas, y pueden cambiar de idea. Así, el presidente municipal de San Felipe Tepatlán, quien en 2015 había rechazado por escrito la represa de Comexhidro-Deselec, decidió, el 10 de octubre 2016, firmar el permiso de cambio de uso del suelo. En respuesta, el 23 de octubre siguiente, para dejar bien claro que la lucha sigue, el Frente de pueblos náhuas y totonacos en defensa del Ajajalpan realizó allí el Encuentro Makxtum kgalhaw chuchutsipi, para « festejar la vida defendiendo nuestros ríos » (Ánimas Vargas 2016b).

42 Una acción directa, como la anterior, se hace para apoyar los trámites legales cuando se ven paralizados o bien para aumentar las presiones políticas cuando las mismas resultan insuficientes. Ya relatamos cómo, en diciembre 2012, activistas de toda la región fueron a apoyar el plantón realizado por los indígenas de Ignacio Zaragoza contra la represa de Grupo México; a pesar de la represión inmediata, por su impacto en los medios, esta acción contribuyó a que la empresa abandonara el proyecto unos meses después. Tal es también el objetivo de los que tomaron el futuro sitio de la sub- estación eléctrica de Cuetzalan, frente a la aceptación por las autoridades municipales de la construcción de una línea de alta tensión en el municipio.

43 Es importante notar que, a pesar de algunos tropiezos, la estrategia adoptada por los pueblos indígenas de la Sierra ha funcionado. En toda la zona nororiental, los megaproyectos están parados. Frisco interrumpió sus exploraciones mineras en Tetela y Autlán Minerales en Cuetzalan. Grupo México abandonó su proyecto hidroeléctrico en Olintla, Galla suspendió el suyo en San Juan Tahitic, e ICA ve los suyos rechazados por SEMARNAT. En la actualidad, ningún proyecto ha llegado a la etapa de puesta en marcha.

44 No todos se abandonan, por cierto. A pesar del movimiento de oposición en el municipio de Ixtacamaxtitlán y del amparo logrado por el ejido de Tecoltemic, Almaden Minerals no solamente continúa sus barrenos de exploración, sino que incluso contrató un importante bufete de abogados para sustraerse a su obligación de aceptar una consulta previa así como también de pagar los impuestos previstos (7,5 por ciento). La patronal descarga su ira, echando pestes contra esos inconformes que « impiden la inversión y el desarrollo ». En una entrevista al periódico Reforma, Jacobo Meckler, presidente de Amexhidro, (Asociación Mexicana de Empresas Hidroeléctricas) se quejaba amargamente: « Hay proyectos detenidos, cuatro hidroeléctricos en Puebla y Veracruz, 240 megawatios ». Su colega Adrián Escofet, presidente de la Asociación Mexicana de Energía Eólica, va más lejos, acusando a « grupos ajenos » de causar los conflictos (Suárez 2016).

Una nueva estrategia de las empresas extractivas en México

45 Más allá de lo anecdótico, la reunión del 29 de septiembre 2016 en México bien puede marcar el intento, por parte de las empresas extractivas nacionales y transnacionales, de superar el embate de fuerzas que resulta de la movilización de los campesinos indígenas en defensa de sus territorios y de sus ríos.

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46 Un número creciente de esas empresas parece advertir que los acuerdos « desde arriba », que daban tan buenos resultados en tiempos de la « dictadura perfecta » del PRI y a principios de los años 2000, claramente ya son ineficaces. Ni el aval de SEMARNAT, ni el permiso de las autoridades estatales convencen ya a los pueblos indígenas de aceptar la destrucción del entorno del que obtienen su subsistencia hace siglos, donde están enterrados sus muertos y que comparten con poderosas fuerzas sobrenaturales. Por su parte, el Estado mexicano, que ya tiene en sus miras las elecciones del 2018, quiere evitar que estallen conflictos regionales muy costosos en términos de imagen y de votos.

47 En este contexto, las empresas y el Estado decidieron acudir a una estrategia ya empleada en otros países, como Canadá y Perú: es decir, « asociar a las comunidades a los beneficios de los megaproyectos ». Al respecto, es interesante seguir la trayectoria zigzagueante de Comexhidro, socia de la canadiense Innergex y maestra de obra del proyecto hidroeléctrico Puebla 1 sobre el río Ajajalpan. Durante cinco años (2009-2014), se limitó a estudios técnicos a partir de su base local en Tlapacoyan, y a obtener los permisos de las instancias federales y estatales. En 2015, se enfrentó al descontento creciente de la población de San Mateo Tlacotepec y San Felipe Tepatlán, donde pretende hacer la represa y las turbinas (casa de máquinas). Asimismo, frente a una solicitud de amparo depositada ante los tribunales, la empresa quiso realizar su propia « consulta ». Para ello, conjuntamente con la Secretaría de Energía (SENER) y la Comisión para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas (CDI), convenció al presidente municipal de San Felipe convocar una reunión, el 24 de abril 2015, a la que asistieron unas 300 personas, para que firmaran una consulta por la empresa (Méndez 2015). Rechazada la misma por los habitantes de San Felipe en mayo 2016, la empresa quiso nulificar la solicitud de amparo componiendo sospechosas listas de gente que « desistía » del amparo18.

48 Frente a estos fracasos, las empresas hidroeléctricas, antes indiferentes a la opinión local, ahora quieren « entablar un diálogo » con las organizaciones sociales. De allí la reunión selecta del 29 de septiembre 2016. ¿Por qué invitar a la Tosepan, organización conocida en la región e incluso en el país por su oposición a los megaproyectos? Tal vez porque su importancia económica (comercialización de productos agrícolas, ahorro y crédito, vivienda social) hizo pensar a los funcionarios de la Secretaría de Economía y del Banco Interamericano que podrían apelar a su dimensión de « empresa » para que la discusión se centrara sobre el monto de las compensaciones por pagar a los productores expropiados y a las comunidades. Manifiestamente, se equivocaron.

49 Varios elementos indican que ésta y otras empresas van a seguir en su intento de obtener una « licencia social » por parte de las comunidades afectadas, ahora que ya saben que es ineludible. Para eso piensan sacar provecho de su asociación con empresas del Norte, como Innergex Renewable Resources, que en su página web insiste en su larga experiencia de negociaciones « fructíferas » con comunidades indígenas, es decir, de cooptación de los líderes para obtener tal « licencia social ». ¿Cómo hacerlo? En un artículo reciente, Caroline Keddy (2016) subrayaba la « convergencia de intereses » entre empresas extractivas transnacionales y organizaciones no-gubernamentales en este punto. Las primeras tienen muy mala fama. Cita como ejemplo a la gigante TransCanada, especializada en el transporte de hidrocarburos, que es la más criticada del sector19. Ahora bien, estas transnacionales tienen mucho dinero mientras que las ONGs tienen credibilidad, y necesitan dinero: « Ambas tienen interés en desarrollar

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relaciones a largo plazo. » Es posible entonces que se trate del canal que utilizarán en el futuro las empresas para obtener la licencia social para sus megaproyectos.

El debate sobre la Ley de Consulta

50 Las empresas extractivas están actuando también a nivel nacional. En vista de que las comunidades indígenas se apoyan sobre el principio de la consulta previa presente en el Convenio 169 de la Organización Internacional de Trabajo (ratificado por México) a la hora de presentar sus demandas de amparo, las hidroeléctricas que operan en la Sierra resolvieron entrar en el juego. Se sabe que el Gobierno mexicano tiene ya lista una Ley de Consulta Previa y espera una coyuntura favorable para presentarla. La naturaleza misma de un encuentro no-público al que aludimos, en la que un empresario, la Secretaría de Economía y el Banco Interamericano están de la mano, confirmó lo que todos sospechan. Esta Ley de Consulta – cuando llegue a presentarse – sólo va permitir una respuesta: Sí. Y va a limitar la participación popular (en el mejor de los casos) para negociar el monto de las indemnizaciones a los afectados. A no ser que, como en el caso de Perú, estas vengan también determinadas por la Ley.

51 Hemos visto que el movimiento indígena mexicano funda su oposición legal a los megaproyectos sobre la ausencia de consulta previa, libre e informada. A la vez, hay presentemente un debate sobre una ley alternativa. En la Sierra, algunas organizaciones, como Tiyat Tlali, optan por rechazar toda intervención del Estado en este campo, puesto que las posiciones pro-empresa de éste llevarían sin duda a una manipulación de la voluntad popular, como expresó una representante de Tiyat Tlali en la asamblea de San Felipe Tepatlán, el 12 de septiembre 2016. Tal parece ser también la posición (no-oficial) de la Tosepan Titataniske. Por otra parte, la UNITONA (Unidad Totonaco Nahuatl), presente en la zona totonaca y en algunas comunidades nahuas del oeste, favorecería una « Ley de Consulta desde los pueblos », cuyo contenido preciso queda por determinar. Si el debate queda abierto en cuanto a la forma legal en la que se expresará su voluntad, hay en cambio algo muy claro: los pueblos indígenas de la Sierra Nororiental dicen “No” masivamente a los megaproyectos y están dispuestos a utilizar tanto las armas jurídicas a su disposición como la acción directa para que se respete esa voluntad.

La lucha y la fiesta: las asambleas

Yo escuché que Gandhi, antes de emprender una acción, ayunaba por varios días. ¡Aquí hacemos una fiesta, con mucha comida!

52 Si bien el análisis de la fiesta nos permite comprender mejor la dimensión cósmica de la lucha actual contra las mineras y las hidroeléctricas, ¿dónde arraiga la capacidad organizativa de los pueblos indígenas de la Sierra Nororiental para realizar marchas, plantones, o asambleas de cientos, de miles de personas? La respuesta está en el examen de los complejos procesos sociales subyacentes a la celebración de las espléndidas fiestas patronales: la selección de los responsables y de sus ayudantes, la reciprocidad entre familias, la colaboración con las autoridades locales; todo eso logra movilizar los talentos y los recursos materiales considerables que se requieren para

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fabricar las monumentales ceras, traer el Palo del Volador, ejecutar las danzas rituales (trajes, música, ensayos) o bien proveer comida y bebida para todos los participantes.

53 Si bien la agricultura suscita la cooperación entre varios hogares (mano vuelta), y si el compadrazgo teje una red densa de relaciones de respeto mutuo, la fiesta es la ocasión de la cooperación a gran escala. Y entonces vuelve a consolidarse, año tras año, la identidad colectiva. En Huehuetla (zona totonaca), la organización que desembocó en la toma del poder municipal (OIT) fue el producto político de una identidad étnico- religiosa que se expresaba en el culto a San Salvador. En Cuetzalan (zona nahua), la Tosepan Titataniske primero cobró fuerza expresando las necesidades económicas de las campesinos. Desde 2012, la organización de una fiesta de San Isidro, como « santo patrón de la cooperativa » (el 15 de abril), consolida una identidad colectiva similar a la que se expresa en las fiestas comunitarias. En turno, cada una de las seis cooperativas de la UCT hace de « mayordomo », recibe la estatua del santo y convida a cientos de cooperativistas a la fiesta20.

54 De forma similar, en cada Asamblea por la Defensa del Territorio y del Agua, uno de los pueblos participantes es el anfitrión de los demás. Y el comité local hará lo necesario para que la recepción sea generosa, con comida abundante y con música (Albores 2015), tal como lo hace el mayordomo en las fiestas religiosas. Eso vale tanto para los pueblos grandes, como los del municipio de Cuetzalan, donde la organización es más antigua y consolidada, como en los más pequeños, como en las tierras bajas, donde es incipiente.

55 En la batalla actual por el agua y el territorio, se pueden observar múltiples interrelaciones entre la cosmovisión y el ritual de los pueblos nahua y totonaco, que tienen su máxima expresión en la fiesta patronal, y otras representaciones, regionales y globales, que surgen de las nuevas prácticas, económicas y políticas (cooperativismo, comités, asambleas). Tanto el principio de la integración con el cosmos como la lucha entre el Bien y el Mal operan en ambos campos. En todo el proceso se observa la forma en que la cosmovisión y los valores indígenas fundamentales no son anulados por la penetración de la modernidad (educación, comunicaciones), sino que pueden servir de base a una modernidad apropiada por la mayoría. La fiesta y la lucha, lejos de contradecirse, se refuerzan mutuamente.

Epílogo

56 El 19 de noviembre 2016, respondiendo a la convocatoria de la organización Altepe Tajpianij, se instaló un campamento en el sitio donde se preveía construir la sub- estación de la línea de alta tensión que cruzaría gran parte del municipio. La decisión de acampar pacíficamente en ese sitio se tomó para protestar contra la voluntad de las autoridades municipales de autorizar la construcción de esta línea, que contradice el Plan de Ordenamiento Territorial Integral de Cuetzalan, adoptado democráticamente en 2010. Después de haberle exigido vanamente al presidente municipal que respete el Plan, y su palabra, más de mil personas se dirigieron hacia el sitio donde montaron un campamento, poniéndole fin a la construcción de la sub-estación. Hasta el día de hoy (17 de abril 2017), las autoridades no se atrevieron a interrumpir una acción que saben respaldada por un gran número de ciudadanos en un municipio mayoritariamente maseual. El sábado 10 de diciembre, Día Internacional de la Tierra-Madre, los que acampan hicieron la acción de mayor fuerza simbólica que existe para el pueblo maseual: sembraron maíz en el sitio. Es el maíz de primavera llamado tonalmil, o « maíz

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del sol ». Desde ahora en adelante, además de los vigilantes que se turnan en el sitio, los espíritus guardianes del maíz protegerán esta siembra hasta su cosecha, en agosto, y protegerán también la tierra, consagrada por esta siembra. En esta ocasión se recordó que, hace más de 200 años, los antepasados maseualmej hicieron lo mismo para defender las tierras comunales que un latifundista les quería arrebatar. Sembraron una milpa grande en Xocoyolo. La lucha fue dura, en aquella ocasión como en muchas otras, pero finalmente los maseualmej conservaron su territorio.

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NOTAS

1. Este texto constituye una versión modificada de un artículo, por los mismos autores, aceptado para publicación en la revista canadiense Anthropologica y que será publicado en los próximos meses. 2. Al ser preguntado por qué llovía tanto, y si estaba enojado el santo, el mayordomo contestó filosoficamente: « Ya se permitieron nueve años seguidos sin que lloviera. A lo mejor tocaba lluvia este año. » 3. Para una descripción detallada de las danzas rituales en la Sierra Norte de Puebla, ver Stresser-Péan 2011, p. 249-335. Los totonacos, vecinos de los nahuas, comparten los elementos esenciales de su cosmovisión y de su ritualidad (ver Ellison 2013, p. 151-264 e Ichon 1969, p. 327-392). 4. En la época precolombina habrían representado más bien los cincuenta y dos años del ciclo sagrado, que terminaba con un « fin del mundo » y un « renacimiento » cuando se apagaban todos los fuegos, y luego se volvían a encender. 5. Esa ley, que modifica el Artículo 27 constitucional, fue aprobada por el Senado el 11 de diciembre de 2013 y por la Cámara de Diputados un día después. 6. Analteko: « los del otro lado del agua [mar] ». Así se designó a las tropas franco- austríacas que invadieron México en 1862. Los indígenas de la Sierra participaron

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directamente en la resistencia armada contra la Intervención; en particular, en la histórica victoria del 5 de mayo en Puebla. 7. Bandoleros que, bajo el mando de Salvador Vega, hijo de un comerciante de Cuetzalan, asolaban a los campesinos durante la Revolución. 8. Uno de sus objetivos era la « revitalización cultural » a través de « la investigación participativa de la tradición oral, la dinamización de las celebraciones y la articulación de los programas educativos a la cultura náhuat y al proceso organizativo » (Sánchez y Almeida 2005, p. 341, cit. por Rojas Mora 2014, p. 108). 9. Esta parte se funda sobre Ellison (2013), Hernández García (2012) y sobre la investigación realizada por Pierre Beaucage e Ignacio Rivadeneyra Pasquel (2016). 10. « La Teología India es una corriente del catolicismo que tiene su antecedente inmediato en la Teología de la Liberación Latinoamericana […] cuyos adherentes aceptan las lecturas étnicas del catolicismo dadas en las distintas regiones indígenas » (Rojas Mora 2014, p. 89-90). 11. Con una fortuna estimada en 69 mil millones de dólares (Forbes, octubre de 2012). 12. Ixtacamaxtitlán, Jolalpan, Libres, Santiago Miahuatlán, Tetela de Ocampo, Zacatlán y Zautla. En total, entre 2006 y 2008, fueron 85 las concesiones otorgadas en toda la Sierra. En una sola, la de Almaden, en Ixtacamaxtitlán, se realiza exploración ahora (Almaden detenta el 60 % de la superficie concesionada en la Sierra). 13. Según testimonios de los habitantes de Santa María, Ixtacamaxtitlán, en una asamblea, en mayo 2015. 14. Como antecedente a estas luchas por los ríos, hay que mencionar la oposición de los xochitecos, que logró impedir la construcción de una carretera hasta el río Zempoala, en 2007, por los daños irreparables que la misma hubiera traído para la flora, la fauna y el paisaje (Rojas Mora 2014, p. 109). 15. Hasta la fecha se han realizado quince, cada una en un pueblo de los que participan a la lucha. Cuatro en 2014, en 2015 seis, y otras seis en 2016. A la primera asamblea asistieron 350 personas; a las últimas, más de 3 mil. 16. En los pueblos vecinos, se dice, en broma: « Si vas a Tahitic, siempre lleva tu morral. De regreso, ¡podrá servir para poner tu cabeza! ». 17. Cuetzalan, Zoquiapan, Xochiapulco, Tuzamapan, Zacapoaxtla y Ayotoxco. 18. El 12 de septiembre 2016, en una asamblea celebrada en San Felipe Tepatlán, varios vecinos cuestionaron la autenticidad de esta lista. Algunos, cuyos nombres aparecían allí, afirmaban nunca haber firmado nada. Otros mencionaban lo extraño de ver una lista completa de nombres y apellidos, mientras que varios miembros de la comunidad firman con huella digital. 19. TransCanada, que vio su proyecto de oleoducto a través de Estados Unidos (Keystone XL) rechazado por el gobierno Obama, quiere ahora llevar el petróleo de las arenas bituminosas de Alberta por el este de Canadá; encuentra una férrea resistencia por parte de los pueblos indígenas y de amplios sectores del pueblo de Quebec, alertados por el peligro de derrames mayores en sus territorios. En México, TransCanada quiere llevar adelante el controvertido gasoducto Tuxpan-Tula como parte de un megaprograma de conductos de hidrocarburos en todo el centro y el norte del territorio (ver su sitio web).

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20. Lo que desencadenó el proceso fue la negativa de algunos grupos de danzantes rituales de participar en un acto de tipo cultural organizado por la Tosepan en el sitio prehispánico de Yohualichan. « ¡No bailamos para piedras viejas! ¡No bailamos para turistas! ¡Nosotros bailamos para un santo! ¿Dónde está el santo patrón de la Tosepan? » Poco después, la asamblea adoptaba a San Isidro y se dotaba de una organización para realizar su fiestas (ver Rojas Mora 2014, p. 6). Lejos están los tiempos en los que las autoridades municipales « citaban » a los danzantes para divertir a algún diputado o gobernador (ibid., p. 119).

AUTORES

PIERRE BEAUCAGE

Antropólogo, profesor emérito en la Université de Montréal, Quebec, Canadá. Asociado desde 1984 al Taller de Tradición Oral de San Miguel Tzinacapan, Cuetzalan, Puebla en varios proyectos de investigación (etnobiología y etnohistoria) [[email protected]]

LEONARDO DURÁN OLGUÍN

Agrónomo, asesor de la Unión de Cooperativas Tosepan, Cuetzalan, Puebla, México [[email protected]]

IGNACIO RIVADENEYRA PASQUEL

Profesor en el Tele-Bachillerato de San Miguel Tzinacapan, Cuetzalan, Puebla, México [[email protected]]

CLAUDIA MARINA OLVERA RAMÍREZ

Frente de Defensa del Apulco. Cantante y co-productora del video « Mijtotianij » (« Los danzantes ») sobre las danzas rituales en Xochitlan, Puebla. Reside en Talcozaman, Tetela de Ocampo, Puebla [[email protected]]

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Manifeste contre les attaques infligées aux droits des autochtones du Brésil

Simone Dreyfus, Jonathan D. Hill et Lia Zanotta Machado

Mai 2017

1 Nous, professeurs, intellectuels et universitaires, manifestons avec véhémence notre refus de la politique anti-autochtone de l’État brésilien et notre préoccupation vis-à-vis d’une politique qui a déjà des conséquences génocidaires dans les États du , de et du Maranhão. Ces cinq dernières années, les attaques contre les droits autochtones se sont aggravées et ont permis leur révision en autorisant la contestation légale des droits acquis. Les droits constitutionnels garantis aux populations autochtones sont pris en otage par la situation politique du pays et soumis à des amendements de la Constitution votés et approuvés par le Congrès national. Cette attaque de la Constitution est conduite principalement par ce qu’on appelle le « lobby de l’agrobusiness » (bancada ruralista). Les attaques sur le plan judiciaire ont augmenté à partir de l’imposition de dix-neuf conditions pour la démarcation d’une terre autochtone particulière, la T.I. Raposa Serra do Sol (qui fit l’objet d’une bataille juridique). Ces dix-neuf conditions ont été établies par la Cour suprême (Supremo Tribunal Federal) en octobre 2013, faisant alors jurisprudence. De ces dispositions ont découlé de nouveaux concepts juridiques, non prévus par la Constitution, qui orientent d’un côté le discours anti-autochtone, et de l’autre, de façon encore plus nocive, les verdicts des tribunaux concernant les terres autochtones.

2 Le plus important de ces nouveaux concepts est celui de « marque temporelle » (marco temporal) qui soutient que les Indiens n’auraient droit qu’aux terres autochtones effectivement occupées le 5 octobre 1988, date de promulgation de la Constitution. Même si la session plénière de la Cour suprême avait décidé que les conditions de Raposa Serra do Sol n’étaient pas valables pour d’autres démarcations judiciaires, cette thèse a permis au tribunal d’annuler postérieurement les démarcations de terres autochtones Guarani, Kaiowá et Canela situées au Mato Grosso do Sul et au Maranhão et, plus grave encore, celle de la terre autochtone Terena Limão Verde, également au

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Mato Grosso do Sul, démarquée et homologuée depuis plus de dix ans. Sur le plan législatif, les actions contre les droits constitutionnels des autochtones commencèrent peu après la promulgation de la Constitution. Le droit à la terre étant toujours visé, comme le montre la proposition d’amendement à la Constitution no 215 (PEC 215) dont l’objectif est de transférer au Congrès national les processus de démarcation des terres autochtones et de rendre possible l’annulation de démarcations déjà homologuées.

3 L’attaque la plus récente de l’Assemblée législative a été la création d’une Commission d’enquête parlementaire destinée à enquêter sur les organes fédéraux chargés de la politique foncière des autochtones et d’autres populations traditionnelles (quilombolas), la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), l’Institut national de colonisation et de réforme agraire (INCRA). Le but est de déstabiliser le processus de démarcation, ainsi que certaines des principales institutions non gouvernementales qui appuient les luttes autochtones (Conselho Indigenista Missionário [CIMI], Instituto Socioambiental [ISA], Centro de Trabalho Indigenista [CTI] et jusqu’à l’Associação Brasileira de Antropologia [ABA]). Sont aussi visés des anthropologues directement impliqués dans ces processus. Le rapport final de cette commission, qui risque d’être approuvé lundi (8 mai 2017), propose la mise en examen en masse de leaders autochtones, anthropologues, indigénistes, religieux et de plusieurs procureurs de la République. La plupart des inculpés n’ont même pas été entendus par la commission, n’ayant donc pas eu droit de se défendre. Avec l’actuel gouvernement fédéral, l’attaque envers les droits autochtones est devenue politique d’État, dès que le lobby de l’agrobusiness s’est trouvé installé au ministère de la Justice en la personne du rapporteur de la proposition d’amendement 215, le député Osmar Serraglio. Telle est la situation actuelle qu’affrontent les peuples autochtones au Brésil, créant une grande insécurité juridique et une augmentation exponentielle de la violence et légitimant des actions comme l’attaque brutale subie par les Gamela du Maranhão, il y a quelques jours. Il s’agit d’un cas de plus dans l’ensemble des violences infligées aux peuples autochtones qui se traduisent, entre autres choses, par la criminalisation croissante des leaders autochtones et par des déplacements forcés de populations, les obligeant à migrer vers les périphéries des villes et les « favelas » (bidonvilles) et posant des problèmes de santé collective, d’insécurité alimentaire, de crimes, d’alcoolisme et de suicides.

4 En conséquence, nous demandons à l’État brésilien de respecter les droits constitutionnels des peuples autochtones ainsi que les traités internationaux qui protègent les populations traditionnelles. Nous savons tous que ces terres sont indispensables à leur survie ainsi qu’à la diversité de la vie de notre planète.

AUTEURS

SIMONE DREYFUS

Président, Groupe international de travail pour les peuples autochtones (GITPA)

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JONATHAN D. HILL

President, Society for the Anthropology of Lowland South America (SALSA)

LIA ZANOTTA MACHADO

Presidente, Associação Brasileira de Antropologia (ABA)

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Compte rendu

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GONZÁLEZ Raúl, Estudio fonológico y morfo-sintáctico de la lengua toba hablada en el este de la provincia de Formosa (Argentina) Lincom Europa (Lincom Studies in Latin American Linguistics, 75), München, 2015, 246 p., bibliogr., mapas en blanco y negro, tablas, anexo.

Cintia Carrió

REFERENCIA

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1 Basándose en una perspectiva tipológico-funcional, Raúl González ofrece en este estudio una descripción y un análisis detallados de la lengua toba (qom) hablada en el este de la provincia argentina de Formosa. Suma así una contribución clave para el estudio de las variedades de la lengua toba conocida hasta ahora, sobre todo por los estudios sobre las variedades del oeste de Formosa (Carpio 2012) y de la provincia de Chaco (Censabella 2002, Messineo 2003, Cúneo 2013). Sobre este trasfondo comparativo, además de precisar la singularidad del habla del este de Formosa, González desarrolla nuevos análisis e hipótesis que echan luz sobre aspectos de la lengua hasta ahora poco estudiados. El autor considera que la variedad que analiza « puede pensarse como parte de un continuum dialectal » (p. 3) en el que la acumulación de pequeñas diferencias lingüísticas se da a lo largo de grandes extensiones geográficas. Pero, al mismo tiempo, reconoce que este continuum es geográficamente fragmentado ya que en el centro y

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noroeste de Formosa los tobas constituyen un grupo minoritario entre los pilagás y los wichís.

2 En la parte introductoria del libro (capítulo 1), el autor hace un repaso de los estudios etnográficos y sociolingüísticos consagrados a los tobas del este de Formosa. Este apartado da cuenta del desafío que constituye el trabajo con consultantes de referencia y la importancia de su rol para la constitución de las investigaciones de este tipo. El rigor científico con el que se aborda aquí el análisis de la lengua está reflejado también en las decisiones teóricas y metodológicas asumidas: en relación con el enfoque de trabajo, con las categorías analíticas y con la construcción de la muestra. El cierre de la introducción sirve para orientar al lector respecto de las características del corpus. Se trata de un conjunto generoso de datos, cuidadosamente transcriptos y glosados, que dan cuenta del habla de hablantes nativos de diferentes franjas etarias. Dicho corpus está conformado por textos libres (uno de los cuales se recupera en el anexo del libro) y elicitaciones directas.

3 El sistema fonológico es descrito (capítulo 2) atendiendo a las variaciones alomórficas más regulares y los contextos que las habilitan. En un apartado especial se presentan los procesos fonológicos de neutralización más frecuentes, los cuales, a su vez, permiten caracterizar la variedad de la lengua estudiada. La misma se diferencia de las variedades chaqueñas por la frecuencia de uso del fonema fricativo glotal [h] en posición inicial absoluta con una función epentética para evitar sílabas sin inicio consonántico (onset). El autor dedica especial atención a otro rasgo que, si bien no es distintivo de la variedad que estudia, se destaca en ella por el avance en su consolidación: la realización de la fricativa bilabial sonora [β] como variante de la aproximante labio-velar sonora [w], fenómeno presentado como inestable en las descripciones de las variedades de Chaco.

4 El estudio de la frase nominal (capítulo 3) comienza con un análisis pormenorizado de los demostrativos y pronombres. Se atiende aquí el caso de los demostrativos (adnominales, pronominales y exofóricos) teniendo en cuenta si pueden aparecer duplicados o bien como pronombres escuetos. Repasar así sus contextos de inserción y reconversión permite la discusión de su estatuto categorial. Al respeto, es necesario una mención especial de lo que el autor define como « identificadores demostrativos ». Se trata de marcas con valores semánticos de mayor o menor proximidad que – insertas en contextos post-existencial – reciben un tratamiento cercano a las construcciones adverbiales. No estudiadas en las variedades chaqueñas, estas marcas permiten identificar un referente en predicaciones calificadas por el investigador como no- verbales. Si bien revisar el estatuto categorial asignado a estas marcas puede resultar enriquecedor para el análisis, también sería necesario atender especialmente a su posibilidad de insertarse en una construcción existencial, dado que tal construcción es tratada en otras lenguas guaycurúes como una construcción verbal que requiere argumentos nominales. Por último, en relación con los demostrativos, un apartado particular es dedicado a las formas -maʒe y -maɢa (sufijos que se combinan con raíces deícticas para la constitución de pronombres demostrativos). Se remarca que mientras la primera evoluciona hacia una función de relativizador, no sucede lo mismo, al menos en sincronía, en el caso de la segunda forma. Es destacable que, para llevar adelante su estudio, González toma en consideración tanto los factores morfosintácticos que intervienen en los procesos como así también los semánticos y pragmáticos. En tal

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sentido, la reorganización del sistema de número es abordada en función de las diferencias que presenta el toba del este de Formosa respecto de otras variedades.

5 En el dominio verbal y en relación con las construcciones simples (capítulo 4), se dedica especial atención al análisis del sistema de alineación en pronombres libres e índices pronominales en los verbos. En el caso de los índices pronominales, el autor distingue dos paradigmas, uno definido por la participación en el acto de habla y el otro por la no participación, distinción que procura tener en cuenta la incidencia pragmática en los fenómenos morfosintácticos. El segundo de estos paradigmas lo induce a proponer un análisis novedoso de lo que, entre los especialistas del toba chaqueño, se ha tratado como « voz media » (Censabella 2002) o como « activo afectado » (Messineo 2003). González propone un conjunto de índices pronominales que ocurren ya sea en cláusulas intransitivas cuando existe alguna clase de afectación del participante único, o bien en cláusulas transitivas para marcar el menor grado de agentividad del participante en función de sujeto.

6 Más allá del análisis de los índices pronominales, el capítulo se interesa además por los diferentes procesos que afectan la valencia verbal: causativos, aplicativos, construcciones pasivas y antipasivas, construcciones reflexivas y recíprocas. González aporta datos y explicaciones que reflejan un avanzado proceso de gramaticalización del verbo qoyin (« decir »). Asociado con un paradigma defectivo para la tercera persona y con el prefijo de voz pasiva impersonal, este verbo interviene en construcciones causativas perifrásticas que codifican causación indirecta. Esta construcción fosilizada del verbo « decir » señala que la información fue suministrada al hablante por una fuente de información ajena. Por lo tanto correspondería, según el autor, a un tipo de evidencial citativo. El estudio de esta estrategia de evidencialidad constituye sin duda uno de los aportes más originales del trabajo de González.

7 El capítulo 5 focaliza en las estructuras complejas, asumiendo los postulados de Alsina et al. (1997) sobre el aspecto multinuclear de tales estructuras. Este capítulo se destaca por su análisis de las construcciones simétricas y asimétricas de los verbos seriales y su detallada explicación respecto de las posibilidades de considerar a ciertas estructuras verbales en las que aparece el verbo ta (« ir ») como construcciones de ese tipo, en las que el verbo ta funcionaría como verbo « menor ». En el cierre de este capítulo hay asimismo un análisis de las funciones y tipos de complementos y complementizadores, seguida por una clasificación preliminar de los tipos semánticos de verbos que hospedan estas estructuras. Además de la serialización y de la complementación, se investigan otros dos mecanismos de complejidad: las estrategias de relativización y los coordinantes. Para quienes quieran avanzar en el estudio de las estructuras complejas en toba, el análisis exhaustivo desarrollado en este capítulo se impone como una tarea obligada.

8 El estudio de Raúl González apunta tanto a promover la reflexión lingüística tipológico- funcional como a precisar las singularidades de la variedad toba del este de Formosa. La obra adquiere así un alto valor no solamente para los interesados en el estudio de la lengua toba, sino también para quienes busquen fuentes que permitan realizar comparaciones con el resto de las lenguas de la familia guaycurú.

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AUTORES

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RÉFÉRENCE

GÓMEZ GONZÁLEZ Sebastián, Frontera selvática. Españoles, portugueses y su disputa por el noroccidente amazónico, siglo XVIII, Instituto Colombiano de Antropología e Historia (Colección Espiral), Bogotá, 2014, 400 p., bibliogr., indice geográfico, indice onomástico, ill.

1 Dans cet ouvrage, version revue d’une thèse de doctorat soutenue à l’UNAM de Mexico, Sebastián Gómez González reprend avec brio une problématique, déjà abordée, mais à laquelle il donne un nouveau souffle. L’auteur revisite le dossier des limites, véritable enjeu de l’occupation du territoire amazonien. Il centre son étude sur un « territoire gris », le Moyen-Amazone, dont l’importance n’a pas toujours été prise en compte, car il a longtemps été perçu avant tout comme un simple espace de passage. Gómez Gonzalez s’intéresse à une époque cruciale, celle des missions jésuites, qu’il replace dans le contexte de l’exploration du bassin amazonien, et plus largement de la conquête de l’Amérique du Sud, en comparant notamment ces missions avec celles du Paraguay, ainsi que celles d’autres continents. Il analyse ainsi ces missions jésuites comme une entreprise globale.

2 L’ouvrage prend pour point de départ l’année 1640, date de la séparation des couronnes espagnole et portugaise. La confrontation qui débute alors ne cessera pas jusqu’aux

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indépendances des territoires sud-américains. Cette confrontation résulte de deux approches difficilement conciliables : les jésuites, à qui la couronne d’Espagne a délégué son autorité civile, revendiquent le respect des limites imposées par le traité de Tordesillas, tandis que les Portugais contestent cette division. Cette querelle s’exprime par de nombreux échanges épistolaires et des menaces d’affrontements militaires. Chacun argumente, contestant des traités en avançant des faits postérieurs, ou en se réclamant d’une mission évangélisatrice et civilisatrice. Les Portugais se réfèrent avant tout à l’expédition de Teixeira (1639) et à la « pierre philosophale » qu’il aurait posé à l’embouchure d’un fleuve, longtemps mal identifié, comme limite du territoire lusitanien : pour les uns, il s’agit du río Napo, pour les autres, du río Caqueta ou Japura (p. 320). Ils contestent ainsi la partition originelle et revendiquent la domination des rives de l’Amazone, jusqu’à l’embouchure du río Napo (p. 139 et suiv.) : « les richesses du río Napo ont été une sorte d’aimant dont le magnétisme attira les Portugais du Grão Pará et Maranhão » (p. 150). Les Portugais avaient face à eux des acteurs, les jésuites, à qui la vice-royauté espagnole avait donné délégation pour la prise de possession du territoire, à travers la mise en place de « réductions ». Bien que les jésuites fussent loin d’être tous hispaniques, leur appartenance à l’ordre de Saint-Ignace dépassait leur propre origine nationale, de telle sorte qu’ils revendiquaient leur rattachement à la couronne d’Espagne et agissaient en son nom. Ce sont donc ces religieux qui représentaient la royauté espagnole, en jouissant d’une certaine autonomie, alors que du côté portugais, c’était le pouvoir civil, au nom du roi du Portugal, qui avait très vite prédominé. L’auteur insiste sur le rôle essentiel de Pombal qui, dans sa volonté d’adopter une démarche politique s’opposa frontalement au pouvoir religieux, mais aussi au système civil en place depuis la Conquête. La réforme qu’il imposa jeta les bases des limites des futurs pays (Brésil, Pérou et Colombie) qui trouveront leur indépendance au début du XIXe siècle.

3 Dans ce travail, il n’est pas question, à juste titre, de frontières mais bien de limites ou plutôt de bordures des territoires revendiqués qui se déplacent selon des jeux (enjeux) et rapports de force (menaces armées) entre les deux couronnes. Pombal décida la construction d’un fort militaire à Tabatinga, qui deviendra de fait le point focal de la future frontière du Brésil. La couronne espagnole ne prit tardivement conscience de cette situation, car elle était encore mue par une conquête reposant sur le fait spirituel. Il s’agissait donc de deux projets de conquête de territoires : l’un reposant sur une occupation militaro-politique, l’autre sur une présence religieuse justifiée par la présence de populations indigènes à convertir.

4 À plusieurs reprises, l’auteur replace la « querelle » régionale dans un modèle plus global, en la rapprochant notamment des événements qui se déroulent dans les cours européennes. Ceux-ci ne manquent pas d’influer sur les comportements des acteurs présents en Amazonie. C’est ainsi le cas des tentatives de définition des limites du territoire amazonien proposées par le pouvoir lusitanien avec d’autres couronnes (lors du traité d’Utrecht, en 1713, par exemple) (p. 138). Les invasions successives des Portugais conduisirent finalement l’Espagne à armer une soldatesque (p. 263-266), si bien que les jésuites « hispaniques » durent finalement accepter une présence militaire, à laquelle ils s’étaient opposés jusqu’alors afin d’être mieux à même de conquérir les « âmes » des populations indigènes. L’état de belligérance qui s’était ainsi instauré, entraîna à terme l’expulsion des jésuites, à la suite de la brutale reprise en main de la situation côté lusitanien (p. 267).

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5 Pour les « Espagnols », il s’agissait donc de la conquête des âmes, pour les Portugais de celle de territoires. Quand les premiers prirent conscience de l’enjeu territorial, il était déjà trop tard. Les Portugais se servaient déjà des populations indigènes qu’ils déplaçaient, pour revendiquer les territoires qu’ils avaient conquis sur ces dernières par la force. Dans un deuxième temps de la conquête, les acteurs rivaux cherchèrent à regrouper les populations éparses dans l’interfluve au sein de villages créés sur les rives de l’Amazone pour justifier leurs prétentions (p. 130-131).

6 L’ouvrage est susceptible d’intéresser plusieurs publics : d’abord, les chercheurs qui étudient les notions de limites et de frontières ; ensuite, ceux qui s’intéressent au Moyen-Amazone, dont la « fluidité » vaut jusqu’à aujourd’hui, avec toutes les conséquences induites. Ce travail montre en effet comment les populations indigènes ont été utilisées à des fins politiques, provoquant la disparition de certains groupes et le déplacement forcé d’autres, pris dans ces querelles territoriales qui ne les concernaient pas. En conséquence, cette étude est un outil qui permet d’éclairer les raisons de la dispersion des populations amérindiennes, qui, pour se protéger, devaient fuir, se déplacer ou se soumettre aux représentants des autorités qui mettaient en place des formes de gouvernance, nouvelles pour elles, tantôt au nom de la religion, tantôt au nom de l’autorité politique.

7 Le livre est écrit dans un style fluide et dynamique qui facilite la lecture et suscite l’intérêt, malgré la rudesse de la thématique. L’apport de nouvelles données, trouvées dans les archives, permet de suivre pas à pas le déroulement des événements de part et d’autre. L’auteur recourt à des sources inédites, rapproche et confronte les correspondances.

8 Cet ouvrage vient utilement compléter l’étude de Sweet (1974) pour enrichir la vision du Moyen-Amazone à l’époque des missions jésuites. Leur lecture conjointe fournit en effet une perspective historique sur l’inexorable tragédie des populations indigènes d’Amazonie.

BIBLIOGRAPHIE

SWEET David Graham 1974 A rich realm of nature destroyed: the Middle Amazon Valley, 1640-1750, thèse de doctorat, University of Wisconsin.

AUTEURS

JEAN-PIERRE GOULARD

Membre associé CERMA-Mondes Américains-EHESS

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SENDÓN Pablo F., Ayllus del Ausangate. Parentesco y organización social en los Andes del sur peruano Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto de Estudios Peruanos/ Centro Bartolomé de Las Casas, Lima, 2016, 367 p., bibliogr., cartes, tabl., graph.

Laurent Segalini

RÉFÉRENCE

SENDÓN Pablo F., Ayllus del Ausangate. Parentesco y organización social en los Andes del sur peruano, Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto de Estudios Peruanos/Centro Bartolomé de Las Casas, Lima, 2016, 367 p., bibliogr., cartes, tabl., graph.

1 Résultat de trente-cinq mois d’enquête ethnographique menée au sein de communautés paysannes quechuaphones du massif de l’Ausangate (sud-est du Département de Cuzco, Pérou), cet ouvrage parachève un travail de recherche de longue durée, débuté en 1997, sur l’étude des relations de parenté et l’organisation sociale du village de pasteurs de Phinaya (province de Canchis) et des communautés du district de Marcapata. Sous les dehors d’une ethnographie régionale des systèmes et réseaux de parenté, l’ouvrage propose en réalité une nouvelle problématisation et une reconsidération de l’unité sociale fondamentale des sociétés andines : l’ayllu, envisagé non seulement comme le segment de base des organisations politiques, organe et lieu d’expression des activités productives, rituelles et symboliques, mais aussi, et avant tout, comme un groupe fondé sur la parenté.

2 Les dimensions politiques, économiques et symboliques de l’ayllu ont fait l’objet de nombreuses recherches depuis près d’un siècle et constituent l’un des thèmes cardinaux de l’anthropologie andine. Le système de parenté quechua a pour sa part suscité des études abondantes, vouées en premier lieu à répondre à des

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questionnements sur la période incaïque, suivant deux lignes d’investigation : le mode de filiation et le système matrimonial, essentiellement sur la base de la terminologie de parenté. Située à l’intersection de ces deux axes d’investigation, la question de la nature familiale de l’ayllu, sa dimension de groupe social fondé sur la parenté constitue depuis longtemps une donnée axiologique de l’anthropologie andine. Une donnée qui, considérée comme un postulat, n’a pourtant jusqu’à présent jamais réellement fait l’objet d’une interrogation poussée jusqu’à son terme : la mise en lumière des liens concrets et précis, à la fois mécaniques et organiques, reliant le système de parenté à l’existence et à la physionomie spécifique de l’ayllu. Cela probablement parce que l’ayllu, envisagé comme unité sociale, a avant tout été considéré, dans une perspective « descendante », comme un segment de la structure sociopolitique dans laquelle il s’intègre, et dès lors, au regard de la parenté, comme une association de lignages et le cadre par lequel ces derniers trouvent une surface d’expression sociale et politique. L’ouvrage de Pablo Sendón, renversant cette perspective (et contribuant par là même à la rendre sensible au lecteur), tend à montrer tout du long que si l’ayllu est bien le lieu premier d’expression des relations de parenté, il n’en est pas le simple contenant, mais bien la résultante. Autrement dit, l’ayllu n’est pas seulement un réceptacle de la parenté, il en est aussi la sécrétion.

3 À la question de savoir s’il est possible de mettre en relation « l’univers social de parents immédiatement classifiables par un individu » avec « la forme d’organisation sociale dans laquelle ils sont insérés », l’auteur pose un premier jalon dans le chapitre I de l’ouvrage. Il y revient sur les interrogations soulevées, à la fois dans l’ethnohistoire et l’ethnographie, par deux termes de parenté désignant des affins, et leurs extensions classificatoires, riches de valeur heuristique, car contribuant à délimiter les contours de l’ayllu : qatay (en premier lieu, « époux de la sœur » et « époux de la fille » de Ego) et qhachun (« épouse du frère » et « épouse du fils » de Ego). La variabilité de l’usage de ces termes dans l’espace et dans le temps, les questions soulevées par les apparentes contradictions au sein des divers usages locaux, mais aussi l’importance positionnelle de ces termes d’affinité dans les différentes tentatives de définition de la portée et des limites de l’ayllu andin comme unité sociale fondamentale, font de ce questionnement un point d’entrée nécessaire dans la démarche de l’auteur. Reprenant et discutant l’ensemble des données du problème, ce dernier s’attache à l’analyse de l’usage de ces termes à Phinaya, en relation avec l’organisation du village en deux moitiés, Conchasapi et Ilave, constituant également deux (sous-)ayllus, hatun ayllu (« grand ayllu ») et huch’uy ayllu (« petit ayllu »).

4 En s’appuyant sur les usages classificatoires locaux, les modèles suggérés par ses informateurs ainsi que l’analyse du réseau de parenté de Phinaya, l’approche fine de Sendón permet de montrer que le couple qatay/qhachun, opérant comme un point de médiation entre le non-ayllu et l’ayllu, constitue un mode de transformation du « non- parent » en « parent » qui, appliqué à l’ensemble des personnes concernées par les extensions classificatoires de cette terminologie (couplé avec la descendance agnatique, la circulation des femmes entre les moitiés), laisse voir l’ayllu à Phinaya comme le résultat de relations de descendance et d’alliance reliant entre eux les habitants dans un univers virtuellement composé de parents consanguins et affins, ordonnés en deux moitiés. Moitiés dont l’auteur démontre corollairement qu’elles constituent moins le cadre d’exercice de ces mêmes mécanismes que leur résultante, manifestée dans l’espace du territoire. Cette approche révèle surtout que la portée classificatoire de cette paire terminologique conduit à voir dans Phinaya un univers virtuellement

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composé de parents, où les limites entre la consanguinité et l’alliance tendent à s’effacer.

5 S’agissant d’évaluer ses conclusions en tachant de les inscrire dans la diachronie, l’auteur se propose par la suite de retracer l’histoire communautaire de Phinaya depuis le début du XXe siècle, notamment les « métamorphoses juridico-institutionnelles » découlant de l’évolution de la législation péruvienne concernant les populations rurales : multiples changements de statut du village et de ses habitants, fluctuations territoriales, division en secteurs, etc. Dans le cadre de cette histoire mouvante, Sendón tente de mettre au jour les persistances structurelles qui traversent les mutations historiques, notamment un « dualisme institutionnel » régulateur dont il montre la perpétuation.

6 Afin de préciser les caractéristiques des moitiés, et plus largement les relations de parenté effectives existant entre les membres de l’ayllu de Phinaya, l’auteur procède à l’analyse généalogique des familles appartenant aux deux moitiés. Par ce moyen, il parvient à identifier 48 « lignes de descendance » agnatiques bénéficiant d’un ancrage dans certaines portions du territoire, lignages reliant entre elles les familles nucléaires, et qui par la récurrence des échanges matrimoniaux assurent la reproduction de l’organisation sociale concrétisée dans les deux moitiés, et au-delà dans le village lui- même considéré comme un ayllu. Il s’avère cependant que chacun de ces lignages est le produit d’une histoire heurtée, s’inscrit dans une continuité mais se voit aussi soumis à des phénomènes de ruptures qui supposent des mécanismes de renouvellement faisant intervenir des étrangers issus d’autres villages ou communautés de la région, partageant les mêmes caractéristiques socio-écologiques d’économie pastorale que Phinaya. L’incorporation réussie des étrangers résulte de l’établissement de liens d’alliance féconds avec les lignées locales bénéficiant d’un ancrage temporel plus profond, de l’exploitation fructueuse d’une portion du territoire, mais aussi d’un phénomène souligné par l’auteur comme l’une des caractéristiques de la société phinayense : une faible mémoire généalogique, dépassant rarement la génération des grands-parents, facilitant ainsi une rénovation fluide des lignages qui constituent les deux moitiés.

7 Les multiples ressources mobilisées par l’auteur au plan de l’analyse démographique et statistique, et de la restitution exhaustive des lignées de descendance, rendent extrêmement convaincantes ses propositions quant à la détermination de mécanismes, à la fois rigoureux dans leurs horizons et souples dans leurs applications, permettant la reproduction des moitiés Consachapi et Ilave par le double jeu de l’inscription dans le réseau de parenté et l’occupation territoriale qui en dépend. Ce versant de la définition courante de l’ayllu comme unité socio-économique exploitant une portion d’un territoire fait l’objet d’une attention particulière de l’auteur, qui cherche à aborder ce problème du point de vue du groupe de parenté. Autrement dit, la manière dont les « pratiques associées à la sphère productive, technologique et économique peuvent être interprétées à l’aide de la clef généalogique » (p. 196) : le rôle des relations de parenté dans l’accès aux terres et leur usufruit, la connexion entre ces relations de parenté et l’importance de l’organisation en ayllu dans les activités productives, enfin l’approche de la question de la fragmentation territoriale à partir des deux lignes d’analyse précédentes. Afin d’illustrer la relation possible entre ayllu, parenté et territoire dans le Sud péruvien, l’auteur s’attache à l’analyse de cas des secteurs de Lacco et Ch’umpi de l’ayllu-communauté de Collana (Marcapata), au terme de laquelle il

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montre notamment que le mouvement de dispersion de la possession terrienne lié aux phénomènes de succession et d’héritage est absorbé par un processus de reconcentration territoriale animé par les unions matrimoniales du fait du taux élevé d’endogamie locale.

8 Qu’il s’agisse d’évaluer l’extension précise des termes clés qatay et qhachun qui délimitent les contours de la parenté affine, de rendre compte des liens de parenté effectifs entre les membres d’un ayllu ou de mettre au jour le double mouvement de fragmentation-concentration territoriale des terres agricoles, dans l’ensemble des champs d’analyse mettant en jeu le facteur de la parenté l’auteur recourt systématiquement à une reconstruction généalogique minutieuse et à la mise en évidence des liens de parenté effectifs entre l’ensemble des acteurs concernés. Cet axe méthodologique auquel Sendón reste fidèle tout au long de l’ouvrage conduit à l’élaboration de diagrammes impressionnants, largement salués par R. Tom Zuidema dans sa préface à l’ouvrage, et dotés d’une forte vertu probatoire soutenue par une analyse fine et claire.

9 À l’aide de cette « clé généalogique », l’ouvrage démontre le caractère puissamment structurant des relations de parenté dans les différentes dimensions de la réalité concrète de l’ayllu. La mise en évidence de la dimension générative des liens de parenté (consanguinité et affinité) sur le plan institutionnel est poussée jusqu’à son terme : celui de l’organisation en moitiés. L’auteur montre que dans les cas étudiés cette dernière résulte d’une cristallisation consécutive à la fréquence d’échanges matrimoniaux au fil du temps entre des unités sociales (les familles nucléaires, et au- delà les lignées agnatiques auxquelles elles se rattachent), fréquence qui, soutenue par d’autres facteurs corrélés, engendre un mode d’organisation « dualiste ». Cette question qui parcourt l’ensemble de l’ouvrage constitue le cœur du dernier chapitre, issu d’un article coécrit avec Diego Villar, présentant sur ce point un comparatisme éclairant entre les phinayenses et les chacobo (branche méridionale des pano) de l’Amazonie bolivienne. Il en résulte que le « dualisme » y apparaît moins comme une donnée structurelle normative a priori que comme la conséquence d’un équilibrage entre différents facteurs qui animent la dynamique sociale. En d’autres termes, ce n’est pas tant la division en moitiés qui encadre et prescrit les échanges matrimoniaux, que ces derniers qui permettent le maintien de cette division et la justifient comme un moyen de perpétuer l’ayllu.

10 On conçoit dès lors toute l’utilité et la fécondité théorique de cet ouvrage, qui propose avec rigueur et prudence une tentative salutaire de « dé-essentialisation » de certains concepts et catégories emblématiques de l’anthropologie andine (ayllu, organisation en moitiés, « dualisme » structural, etc.), pour les ré-ancrer dans leur pleine concrétude et leur plasticité vivante. Il permet ainsi de questionner les dangers, les limites et les impasses d’une approche more geometrico relativement courante dans l’étude des sociétés andines, peut-être moins héritée d’un Lévi-Strauss que de l’idéalisme néoplatonicien d’un Garcilaso de la Vega, et qui faute de passer au crible d’une approche concrète et détaillée, encourt le risque de la stérilité ou de la superficialité. L’auteur pare efficacement au travers inverse à cette « géométrisation », à savoir un empirisme qui peinerait à dépasser l’horizon des faits. S’il parvient à des résultats aussi fructueux, c’est que sa perspective directrice est ancrée dans une réflexion approfondie sur l’ensemble des acquis mais aussi des demi-succès de la recherche ethnographique et ethnohistorique du dernier siècle, qui font l’objet d’une évaluation critique claire et

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mesurée jusque dans leurs fondements théoriques et épistémologiques. Notons par ailleurs que c’est précisément parce qu’elle est approfondie, minutieuse et exhaustive, mais aussi circonscrite avec une grande rigueur méthodologique et théorique, que la mise en perspective des faits empiriques permet de faire apparaître les faits structurels sous-jacents.

11 L’apport de Sendón est aussi précieux par ses développements sur un certain nombre de points qui de prime abord pourraient sembler secondaires, mais dont l’importance et la fécondité se font jour au fil de l’ouvrage. On pense ici en particulier au rôle joué par la faible mémoire généalogique des phinayenses, considérée par l’auteur comme une caractéristique déterminante de l’univers parental local, conjointement avec l’endogamie, la virilocalité et les phénomènes migratoires. La mise en évidence du rôle tenu par cette mémoire généalogique ténue, ne dépassant pas la génération des grands- parents, dans les processus de renouvellement fluide des lignées ouvre la possibilité d’enrichir une anthropologie andine de la mémoire souvent cantonnée à l’exploration des procédés mémoriels déployés par des sociétés sans écriture. Sendón propose ici quelques éléments précieux pour une anthropologie de l’oubli, d’autant plus attractifs que sa perspective à la fois empirique et systémique permet de déjouer les séductions d’un fonctionnalisme quelque peu univoque qui peuvent menacer de telles perspectives.

12 Plus généralement, il faut également saluer l’intérêt de l’ouvrage au plan méthodologique. On peut penser qu’à sa suite, les travaux ethnographiques portant sur la parenté andine pourront difficilement éviter de se confronter à une reconstitution minutieuse des réseaux de parenté des populations considérées ; leur étude exhaustive apparaît même dorénavant comme une condition nécessaire à une approche réellement consistante de l’organisation sociale dans les Andes centro-méridionales, pour autant que cette dernière souhaite s’affranchir d’une perspective essentiellement sociopolitique. L’apport méthodologique est également sensible du point de vue de l’approche de la documentation historique, telle qu’elle se déploie notamment dans les « divertimenti » du chapitre IV et l’interprétation proprement généalogique de l’information dispensée par les registres paroissiaux, dont la perspective analytique était jusqu’alors globalement restreinte – du moins pour ce qui concerne les études ethnographiques – aux questions touchant la qualification des échanges matrimoniaux et la transmission des patronymes.

13 Bien que les abus rhétoriques en aient quelque peu galvaudé l’expression, c’est donc à bon droit que l’auteur a défini son programme comme une « sorte d’archéologie de l’ayllu » (p. 34) ; c’est-à-dire une tentative d’élucidation des conditions de possibilité de cette « institution sociale » dans les Andes du sud péruvien, de ses multiples déclinaisons et de ses différents champs d’application (économiques, politiques, rituels…), qui constituent autant de manifestations et de cristallisations découlant de l’« exercice de la parenté ». Il convient cependant de relever que l’approche systémique de l’auteur exclut expressément de faire de la parenté la clé unique de la physionomie de l’ayllu. Il montre d’ailleurs combien, selon les circonstances, les situations locales et l’interaction avec les autres données sociologiques, la valeur générative de la parenté peut produire des formes sociales variées. Il n’en reste pas moins qu’une « approche de la diversité des formes adoptées par l’ayllu dans les Andes devrait moins se préoccuper de découvrir des régularités et des normativités qui permettent l’identification de systèmes fermés, que de s’interroger s’il existe un seul cas où l’ayllu ne suppose pas de

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liens généalogiques étroits ratifiés par le traitement terminologique qui les définissent en eux-mêmes et dans leurs extensions classificatoires respectives » (p. 305).

14 De cette « archéologie » de l’ayllu, que l’on pourrait également définir comme une esquisse de « physiologie », la préface justement laudative de Zuidema témoigne aussi des questionnements multiples qu’elle ouvre sur une « définition de la place particulière de la culture andine, et des cultures originales d’Amérique du sud en général au sein du grand ensemble de la culture mondiale » (p. 18). Comme le suggère Zuidema, parmi ces interrogations figure celle des connexions entre le système de parenté et l’organisation politique au travers de certains traits spécifiques de l’organisation sociale, notamment la division en moitiés exogames. La question – en soi relativement classique – des rapports entre parenté et organisation politique représente en réalité un enjeu de première importance pour la compréhension du monde andin dans son présent, aussi bien que dans son passé. On pense notamment ici à l’organisation sociopolitique du Cuzco inca, où les relations politiques s’exprimaient précisément par le langage de la parenté, et pour l’analyse de laquelle – malgré les nombreux travaux de Zuidema – des bases suffisamment solides (tant quantitatives que qualitatives) font encore défaut. On sait également que la parenté, « réelle » ou « symbolique », a tenu un rôle structurant dans les mécanismes de l’expansion cuzquénienne, qu’il s’agisse de l’établissement d’une parenté affine avec l’intégration des élites locales par la voie matrimoniale, ou bien d’une consanguinité symbolique appuyée sur la réélaboration de mythes d’origine ou de figures ancestrales. Marquant une expression politique maximaliste de la parenté et usant du langage de celle-ci pour fonder le lien politique, l’« empire » inca a certainement appuyé certaines de ses dynamiques profondes sur les points de réversibilité de ces deux domaines. Ici également le travail de Sendón est susceptible d’ouvrir des perspectives théoriques fécondes, notamment à partir de ses développements sur la parenté affine et les franges où elle cesse et se recompose autour de l’usage des termes qatay et qhachun, par lesquels le groupe parental s’ouvre au monde social, et donc à l’espace politique.

15 L’auteur commence la présentation de l’ouvrage en émettant le doute – rhétorique, certes – que celui-ci ne soit « passé de mode » (p. 25). Il va sans dire que, loin de consister en « considérations inactuelles » (encore qu’un rappel nietzschéen ne soit pas totalement dépourvu de sens au regard du travail de « physiologiste » réalisé par l’auteur), ce livre est en réalité à ranger parmi les ouvrages récemment issus de la recherche andiniste qui présentent un réel caractère d’utilité : de fait, les perspectives offertes vont bien au-delà des conclusions qu’en tire l’auteur pour son propre compte. Hormis les gains analytiques, théoriques et méthodologiques substantiels que l’on peut tirer de sa lecture, il est par ailleurs à espérer que celui-ci suscite un regain d’intérêt pour le chantier de la parenté andine dont il rénove un certain nombre de perspectives et pour lequel il suggère des outils heuristiques performants.

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AUTEURS

LAURENT SEGALINI

ArchAm, CNRS-université Paris 1-Panthéon Sorbonne

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HANKS William F., Converting words. Maya in the age of the cross University of California Press, Berkeley/London, 2010, 439 p., bibliogr., index, ill., cartes, tabl., graph.

Capucine Boidin

REFERENCES

HANKS William F., Converting words. Maya in the age of the cross, University of California Press, Berkeley/London, 2010, 439 p., bibliogr., index, ill., cartes, tabl., graph.

1 Converting words s’inscrit dans la lignée des grandes œuvres écrites à partir et à propos des documents en langues amérindiennes. Anthropologue, l’auteur a pour point de départ de ses interrogations sur les sources anciennes son expérience de seize années auprès d’un shaman connu sous le nom de Don Chabo : ses performances de cérémonies de la pluie (ch’áa chaák), exorcismes (pa’ik’), purifications de la terre (hetz lú’um) et cures spirituelles, comme le santiguar, utilisaient des formes apparemment anciennes de traditions à la fois catholique et maya, de manière subtile et profonde (p. XIII). Mais dans son enquête William Hanks ne cherche pas à exhumer la vision des vaincus, ni à mettre au jour les cosmovisions des sociétés amérindiennes avant et/ou après la colonisation (León Portilla 1959, Wachtel 1971, Lockhart 1992). Bien au contraire il fait un travail d’ascèse interprétative1. Il démontre minutieusement l’impact de la christianisation du vocabulaire maya dans la plupart des documents écrits en maya après la conquête, que leurs auteurs soient indigènes ou créoles, que les textes produits soient autorisés ou prohibés par les autorités ecclésiastiques. Pour autant, Converting words ne met pas l’accent sur les phénomènes de recouvrement, d’occidentalisation ou de métissage des pratiques, des pensées et des langues (Gruzinski 1999). Il décrit le phénomène de commensuration ou encore d’alignement que les missionnaires et les auxiliaires indiens entreprirent entre leurs langues (le latin, l’espagnol) et le maya, pour donner naissance à ce qu’il appelle une translangue susceptible de véhiculer la doctrine chrétienne : une langue maya tournée vers la langue espagnole. William Hanks

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suit alors l’itération et la dispersion de cette translangue dans les écrits coloniaux et épicoloniaux en maya. Après la démonstration de Converting words, il n’est plus possible de lire les Chilam Balam comme de purs témoignages d’une cosmovision maya demeurée intacte de toute influence chrétienne ni comme des textes syncrétiques. Ce sont plutôt des textes qui véhiculent un certain registre de langue, la langue élaborée dans, par et pour les missions, les guardanías franciscaines du Yucatán : « Ce registre a été dupliqué et réitéré, indépendamment des croyances et des intentions de quiconque » (p. XIV)2. Il propose de dépasser l’opposition entre les études sur l’évangélisation (imposition) d’une part et l’idolâtrie (résistance) de l’autre, pour s’intéresser à ce qui dépasse et traverse les frontières tracées par les institutions coloniales : la langue maya « convertie ». L’ouvrage s’organise en trois temps. Une première partie décrit en deux chapitres le processus historique et sociologique de réduction (fondation de missions) opéré par les Franciscains dans le Yucatán, une région de frontière. Le projet missionnaire est décrit comme un projet total de transformation des habitus des Indiens (des rapports à l’espace, au temps, au corps, à la langue). Une seconde partie, cœur de l’ouvrage, compte cinq chapitres qui décrivent le processus de conversion linguistique par l’élaboration de dictionnaires, grammaires et textes d’évangélisation. La troisième donne à voir la dispersion du maya réduit dans les actes notariés (titres de propriété en particulier), les pétitions et les livres de Chilam Balam.

2 Les Français peuvent lire une synthèse de Converting words élaborée par l’auteur lui- même et publiée en 2009 dans la collection des conférences Eugène Fleischmann de la société d’ethnologie. Je m’attacherai ici à rendre compte des nuances que l’auteur apporte dans son ouvrage en anglais de plus de 400 pages, à discuter certains points et à souligner les éléments de méthode et de comparaison qu’il permet de tisser avec les études sur l’Amérique du Sud, tenues en dehors des champs d’horizon de l’auteur. Et ce, alors même que ses intentions sont finalement proches des démarches de Jean Pierre Duviols et César Itier pour le quechua ou de Bartomeu Melià (2003) pour le guarani.

3 Selon William Hanks, avant la conquête, « il n’y avait qu’une seule langue à travers la péninsule », le maya (p. 25). Ce monolinguisme et cette homogénéité linguistique précoloniaux tranchent avec ce que nous connaissons pour les Andes où certaines variantes de quechua, plus « générales », se superposaient à de nombreuses langues locales, de différentes familles linguistiques. La péninsule du Yucatán serait dans une situation plus proche de celle du Rio de la Plata où le guarani était réputé être une langue universellement parlée de la côte jusque dans l’intérieur. Mais de récents travaux commencent à battre en brèche ce présupposé. En effet certains acteurs coloniaux de l’époque rapportent une grande fragmentation linguistique tandis que d’autres soulignent que l’intercommunication était rendue possible par le guarani. Actuellement nous faisons l’hypothèse que certaines variantes du guarani étaient véhiculaires au-delà des particularismes linguistiques. Multilinguisme et variation linguistique coexistaient très probablement grâce à des individus et des collectifs plurilingues3. Ce sont les missions franciscaines et jésuites qui, en faisant du guarani la langue religieuse et politique de leurs territoires, ont fait de ces derniers des espaces monolingues et relativement homogènes. Autrement dit la colonisation a contribué à homogénéiser, à diffuser et à imposer certaines langues amérindiennes déjà véhiculaires au détriment d’autres langues préexistantes. Converting words montre très

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précisément les rouages de ce processus pour le maya et instille donc le doute quant au caractère précolonial de son homogénéité et de son monolinguisme.

4 La conquête du Yucatán reposa sur deux dispositifs auxquels contribuèrent certains secteurs de la population indienne : la subjugation militaire (un petit nombre de soldats avec épées, mousquets, chevaux et chiens) et la conquête pacifique (un petit nombre de missionnaires armés de constructions monumentales, de croix, de vêtements religieux, de catéchismes, de l’hostie, du vin, de l’huile et des discours). Les prêtres catholiques clament qu’ils ne veulent pas détruire la société indienne, comme le font les soldats, mais la purifier, la déconstruire pour la reconstruire. De même qu’ils réutilisent les pierres des pyramides pour construire leurs couvents, de même ils gardent en vie et rééduquent les corps indiens. Ils réemploient et purgent la langue de ses idolâtries, pour édifier une langue chrétienne : ils veulent « réduire » la langue, c’est-à-dire non pas la diminuer mais la mettre en ordre pour mieux convaincre et convertir leurs locuteurs au christianisme. Dans ce projet le problème des missionnaires devient celui de la sincérité intérieure des Indiens (p. 3-4). Dans ce processus, la langue est un pivot : à la fois objet de la réduction et moyen par lequel la réduction peut opérer (p. 5). Il s’agit de créer en maya de « très puissants marqueurs de discours comme la croix, la grille spatiale quadrilatérale orientée d’est en ouest, les dates, les titres, les signatures et les noms de lieux et de personnes » (p. 7). Il faut aussi « altérer les valeurs sémantiques d’expressions préexistantes en les reliant avec des pratiques spécifiques et des experts sélectionnés » (p. 7).

5 La langue n’est pas actualisée dans un espace vide. Au contraire, les mots, les corps, les habitus des locuteurs et les référents (objets) sont transformés en même temps que se constitue le champ social des missions ou l’espace des positions hiérarchiques à l’intérieur des missions. Certaines de ces positions ne sont ouvertes qu’aux missionnaires. Le locuteur européen natif, capable de parler les langues indigènes locales et de trouver les correspondances avec les concepts chrétiens, est considéré comme « lengua ». La compétence en maya est un capital qui légitime l’autorité d’une congrégation ou du clergé séculier sur une région (p. 10). Les grands lenguas qui rédigent et/ou publient des œuvres métalinguistiques (dictionnaires, grammaires) ou des œuvres d’évangélisation peuvent non seulement administrer les sacrements et entendre les confessions, comme le font les media lenguas, mais aussi prêcher. Inversement, l’Indien qui maîtrise l’espagnol est un « ladino », terme qui admet des connotations péjoratives (habilité proche de la traîtrise). Auxiliaires nécessaires des lenguas, ils peuvent également aspirer à plusieurs fonctions dans le champ missionnaire. Les Indiens lettrés sont maîtres de chœur et enseignants, chargés de l’endoctrinement des enfants. Les Indiens de confiance, Indios de confianza, surveillent l’assistance à la messe et la conformité des pratiques de dévotion et/ou font des rapports aux missionnaires. À l’autre bout de la chaîne se trouvent les simples almas de confesión (p. 16). Dans le champ politique les Indiens lettrés étaient également candidats aux différentes positions (alguacil, alcalde, corregidor, etc.) au sein des cabildos (municipalités indigènes). Les Indiens ladinos s’appuient sur les missionnaires lenguas pour légitimer leur position dans la nouvelle société et vice versa.

6 Mais la relation, interdépendante, n’est pas symétrique : les Maya du Yucatán n’ont pas pu convertir les missionnaires à leur religion, ni traduire leur religion en espagnol, uniquement maintenir des traditions cachées. Les ladinos n’ont pas produit de dictionnaires et de grammaires mais des documents notariés, liés au gouvernement

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municipal indigène ainsi que des genres interdits, comme les Chilam Bilam et les rituels de Bacab. « Avec le temps, et à travers les genres les plus importants du discours colonial, les racines doctrinales du maya réduit et l’indexation de nombreuses expressions maya anciennes dans la doctrine catholique vont contribuer au processus de transformation grammaticale et sémantique du maya. Je désigne ce processus comme étant une conversion linguistique et cette langue, une translangue. Elle n’est ni simplement européenne, ni simplement maya, elle est une langue produite par la conjonction de deux langues déjà tournées l’une vers l’autre et adaptées à la création de l’univers sémantique de la conquête pacifique » (p. 16).

7 L’originalité de la démarche de William Hanks est d’étudier les références croisées et les liens intertextuels entre les œuvres métalinguistiques, les œuvres de doctrine, les documents notariés et les genres natifs. Or généralement, les premières sont étudiées par les linguistes, les seconds par les théologiens et les troisièmes par les historiens et les anthropologues. L’auteur présente chaque genre et ses modalités spécifiques, mène une analyse critique de certaines œuvres et de certains auteurs clés tout en suivant une série de termes dans tout le corpus : ainsi tuzinil, néologisme créé à partir de la racine zin (verbe positionnel commun pour « étiré »), tu (préfixe qui crée des non relationnels) et il (totalement), pour être un équivalent de la « toute puissance » est essentiellement accolé au Dieu chrétien, quel que soit le genre choisi. Cette opération réalisée par les missionnaires n’est rendue possible que par une bonne connaissance de la structure de la langue et de ses usages au service du projet de commensuration et de conversion linguistique. En s’intéressant non seulement au lexique4 mais également à la grammaire5, William Hanks fait faire un pas décisif aux études des corpus en langue amérindienne. Son analyse croisée des dictionnaires espagnol/maya puis maya/ espagnol gagnerait à être comparée avec ce qui se passe pour les autres langues générales du continent américain à la même époque. Peut-on étendre les quatre principes qu’il relève comme étant caractéristiques de la commensuration des deux langues et de la constitution d’un sens translingual, à savoir l’interprétance, l’économie, la transparence et l’indexation ? En premier lieu les mots maya censés correspondre aux concepts chrétiens (baptême, confession, conversion, etc.) sont généralement composés (racine, préfixe, suffixe) et fonctionnement pratiquement comme des commentaires du mot espagnol : baptême = oc ha (entrer + eau), conversion = oc çah ba (entrer + causatif + réflexif) : la langue cible interprète la langue source. Cette interprétation est économique (une même racine oc est massivement utilisée pour créer le nouveau vocabulaire) et transparente (la composition racine/affixe reste lisible). Et même si les signifiés ne se correspondent pas totalement, les signifiants espagnol/maya renvoient dans les guardianías à un même objet/pratique/personne concret exemplaire, c’est-à-dire à un même référent (p. 163). « Ce processus tourne effectivement les expressions maya vers l’univers colonial de référence, tout comme la transparence tourne la sémantique maya vers les sens des mots et phrases espagnols » (p. 164). Une rapide analyse du processus à l’œuvre dans la création d’un langage chrétien en guarani nous montre que le principe d’économie est beaucoup moins important, tandis que les principes de transparence, d’interprétance et d’indexation, interdépendants, se retrouvent plus clairement.

8 Or « de même que les missionnaires lenguas couraient le risque de la subversion en transposant leur doctrine en maya, de même les Indiens ladino et les élites indiennes prenaient le risque de se réduire eux-mêmes en cherchant à défendre leurs propres intérêts » (p. 21). « L’ironie de la communication interculturelle, dans une situation

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coloniale comme celle du Yucatán, n’est pas réductible aux malentendus. Elle est intrinsèque à la structure du champ dans lequel les agents des discours ont systématiquement une double face, comme Janus, tandis que leurs œuvres sont systématiquement ambiguës » (p. 21). En effet les auteurs des œuvres interdites ont souvent été des Indiens lettrés qui occupaient dans le système missionnaire des postes élevés, liés à l’enseignement de la doctrine catholique. Le recours au vocabulaire bourdieusien (champ, habitus, capital) éclaire singulièrement les logiques sociales (distinction, reproduction, homologie) à l’œuvre dans l’élaboration, l’utilisation et la diffusion du maya réduit par les missionnaires lenguas et les Indiens ladinos. Il permet d’en saisir la cohérence et l’efficacité mais peut-être également à en surestimer le résultat et à minimiser la conscience que les acteurs pouvaient avoir de la violence symbolique sur laquelle reposait le système.

9 Tout au long de l’ouvrage, l’auteur se démarque des approches en termes de malentendus, approches en particulier impulsées par l’école philologique de James Lockhart et par les travaux de Matthew Restall. D’une manière générale l’auteur est très prudent et circonspect sur ce qu’il est possible de reconstituer ou non des sociétés précoloniales et se refuse à toute approche essentialisante et réductrice d’une culture maya précoloniale unique et homogène. Il synthétise la vision que chaque source coloniale lui offre sans gommer ses incohérences ou ambiguïtés et s’appuie sur les différents auteurs qui ont cherché à reconstituer la variété des situations précoloniales. Certaines régions auraient été plus « structurées » que d’autres, à moins que les sources s’y référant n’aient été plus explicites : un homme ayant le titre de halach uinic, « homme véritable », était le gouverneur d’une région. Cette fonction héréditaire incluait des responsabilités judiciaires, militaires, politiques et religieuses touchant autant le noyau urbain que la région alentour. On ne sait pas si un conseil l’aidait à prendre des décisions mais il était assisté par un hol pop (lit. « head of the mat ») et un nacom (« chef de guerre ») lui-même assisté par un guerrier spécial hol can (lit. « tête du ciel » ou « tête de serpent »). Le halach uinic percevait un tribut de la ville (en produits), des cadeaux de la part de ceux qui venaient lui demander justice et le produit du travail de ses propres esclaves. Sur ses petites villes alentour, il plaçait un batab, un conseiller, qui travaillait avec un conseil incluant des ah cuchcab (lit. « earth bearers ») et des ah kulels (« députés »). Les accompagnaient les ah kin, prêtres, les ah cambesah, chefs enseignants, et des hommes importants nohxib ou nucteil (« great trees ») (p. 31). Qu’elle qu’ait pu être l’organisation territoriale précoloniale, la violence de la conquête militaire et de ses effets (chute démographique et déplacements forcés) comme le projet très structuré de la conquête « pacifique » des missionnaires ont induit une profonde réorganisation spatiale : l’abandon de villes préexistantes et le regroupement de la population autour d’un nombre réduit de noyaux urbains entourés de villages satellites : une guardianía était composée d’une cabecera (« chef-lieu ») – où se trouvaient le couvent, l’église principale et le cabildo indien – et des pueblos de visita qui avaient chacun leur chapelle et auxquels le prêtre rendait des visites. Le ratio était d’environ 1 prêtre pour 1600 personnes, ce qui rendait la présence du prêtre intermittente et le rôle des Indios de confianza primordial. L’auteur relève également la multiplicité des points de vue et du vocabulaire des sources coloniales quant au fonctionnement des guardianías, des cofradías (« confréries ») et des cabildos indiens. Par exemple, dans le système espagnol, certains noms de fonction se retrouvent dans les hiérarchies religieuses comme dans la hiérarchie politique (fiscal, mayordomo, alguacil) et il reste difficile en l’état actuel de comprendre leurs rôles précis.

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10 Pourtant la rigueur de l’approche micro-historique attentive à la variabilité et à la labilité des appellations, des relations et des pratiques n’est pas incompatible avec l’approche des malentendus. En réalité ce dernier modèle, d’abord travaillé au niveau macro-historique, a effectivement conduit à des simplifications qui ont pu paraître réductrices, opposant un système, amérindien, à un autre, européen. À notre sens il pourrait cependant être éclairant d’utiliser le modèle des malentendus à l’échelle micro-historique pour reconstruire la variabilité des équivalences mutuelles établies par les Maya – alliés et ennemis – comme par les Espagnols – militaires ou religieux issus du clergé séculier et régulier. Chaque acteur a interprété les deux systèmes selon son expérience, son point de vue et ses intentions, entrainant des identifications mutuelles variables entre les positions espagnole et maya. Les acteurs espagnols n’ont pas tous interprété et actualisé les systèmes espagnol et maya à l’unisson : certes, d’une manière générale, les missionnaires n’ont pas reconnu les autorités religieuses maya tandis qu’ils ont cherché à réutiliser leur système politique. Mais tous n’ont pas compris le système politique de la même manière. Donnons un exemple : il semblerait que dans un premier temps la position de gouverneur ait été assimilée à celle de halach uinic, l’autorité supra-régionale. Mais rapidement les Espagnols ont supprimé toute autorité supra-régionale (p. 292-293). Une équivalence fut donc fixée entre le gouverneur et une autorité mineure batab (p. 81). Inversement le fait que de nombreux « prêtres » maya ah kin soient devenus des maestros de capilla suggère qu’ils aient pu interpréter les fonctions et le prestige symbolique associés à ces derniers à partir des leurs. Mais en même temps, le maestro de capilla est parfois appelé maestro cantor, maestro de escuela ou ah cambesah (« enseignant ») : « ce sont probablement des désignations différentes d’une même position […] Ce qui est clair c’est qu’il y avait au moins une position au sein des missions dans laquelle la fonction d’enseigner et d’endoctriner était concentrée » (p. 77). Dans les missions jésuites du Paraguay, une ambiguïté semblable est difficile à lever dans les textes. Il semblerait que l’enseignement du chant, de la doctrine et de la lecture/écriture aient reposé sur un même Indien lettré. Mais au fond, au lieu de chercher à tout prix la correspondance entre fonctions précoloniales et coloniales, il faudrait plutôt s’attacher à comprendre les logiques d’équivalences partielles et mouvantes d’une région, voire d’une réduction et d’un auteur à l’autre.

11 Quoi qu’il en soit, « chaque guardianía fonctionne comme une structure missionnaire et comme une ressource politique indienne » (p. 316). Les documents notariés que produisent les autorités indiennes des missions utilisent le maya réduit et respectent à la fois les contraintes du système espagnol et les formes habituelles du discours légitime en maya (style, canon). La démonstration est particulièrement efficace dans le cas des pétitions ou doléances qui dénoncent le tribut excessif, l’exploitation économique et les repartimientos (chapitre X). Une pétition est un okotba than (okol pleurer + ba réflexif + than discours) : un pleurer sur soi-même en discours, une expression qui est également utilisée pour demander pardon lors de la confession et pour implorer la pitié lors d’une prière (p. 319). Une profonde continuité entre prière et pétition se met en place au niveau moral et affectif lorsque les autorités indiennes s’adressent au roi ou à son représentant pour implorer sa protection et sa pitié. Eux, chefs de leurs régions, se situent humblement en dessous de leurs pieds et mains et insistent sur leurs souffrances et la vérité de leurs paroles. Dans la plupart des cas, les formules utilisées peuvent faire l’objet d’une double lecture, selon les formules de respect habituelles en espagnol et le style des discours en maya. Le chapitre XI qui

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analyse les Chilam Balam et la conclusion sur la Guerre des castes laisse le lecteur sur sa faim. En effet, le fait que les maestro cantores, c’est-à-dire les plus haut placés dans la hiérarchie indienne chrétienne et donc souvent les hommes de confiance des missionnaires, soient généralement des ah kin prêtres et les auteurs des Chilam Balam est relativement connu. Que leurs textes utilisent le maya réduit n’étonne donc pas nécessairement. Comme le rappelle William Hanks la répétition constante du langage du baptême, de La Trinité, de la confession et de la tristesse chrétienne a eu des effets bien réels sur le maya quotidien à l’époque coloniale et jusqu’à nos jours. En même temps, les missionnaires lisaient voire même peut être étudiaient les textes écrits qu’ils confisquaient. Nous ne savons donc pas si les ressemblances entre textes catholiques et textes interdits sont liées à la seule dispersion du maya réduit ou à une influence mutuelle (p. 339). L’hypothèse d’influences mutuelles nous semble plus plausible que celle d’une simple « dispersion et itération » d’un maya réduit par les missionnaires. De fait elle est plus ancrée dans l’hypothèse centrale de l’ouvrage : à savoir la formation d’un espace translinguistique de deux langues asymétriquement tournées l’une vers l’autre, fonctionnant dans un même espace sociohistorique, les guardianías franciscaines composées d’un centre urbain organisé autour du couvent et de petites chapelles satellites. Une territorialisation qui s’accompagne de l’émergence de nouvelles identités et pratiques linguistiques et culturelles, ni totalement européennes ni totalement indiennes, des pratiques interdépendantes et en convergence (Pacheco de Oliveira 1998).

12 L’auteur situe son travail par rapport à l’historiographie méso-américaine, nahuatl et maya, qui a généralement dédaigné les œuvres doctrinales, considérées comme trop catholiques et trop peu maya. Nous avons cherché dans ce compte rendu à faire dialoguer son livre avec l’historiographie sud-américaine, plus proche de sa démarche. À partir des derniers travaux dans ce domaine, nous avons remis en cause l’idée que le monolinguisme maya préexiste à l’œuvre missionnaire et nous avons souligné que l’approche par les malentendus, menée à un niveau micro-historique, pouvait éclairer les confusions et contradictions apparentes dans les vocabulaires politiques en maya. Par ailleurs la proposition principale de l’auteur, à savoir de considérer l’émergence d’un espace translinguistique dans les guardianías franciscaines du Yucatán pourrait bien être une piste féconde pour analyser les processus à l’œuvre dans d’autres espaces missionnaires des Amériques. Une comparaison plus systématique des processus sociohistoriques et linguistiques à l’œuvre dans le Yucatán, dans les Andes et dans le Rio de la Plata serait très certainement fructueuse. Elle devrait prendre en compte le cadre impérial commun et les spécificités des ordres religieux à l’œuvre et des conflits politiques et militaires de chaque région. La comparaison pourrait également être étendue aux phénomènes contemporains. Les propos des locuteurs de l’une et l’autre région sont étrangement proches : les habitants de la péninsule yucatèque disent qu’ils ne sont pas maya, ne parlent pas le maya légitime et sont métissés, « mixed spiced up » (« xá’ak’á’an »), tandis que les Paraguayens et Correntinos du nord de l’Argentine clament qu’ils ne sont pas Indiens , ne parlent pas correctement guarani et s’expriment dans un guarani jopara, c’est-à-dire mélé d’espagnol.

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BIBLIOGRAPHY

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LEÓN PORTILLA Miguel 1959 La visión de los Vencidos. Relaciones indígenas de la Conquista, Universidad Autónoma de México, Mexico.

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MELIÀ Bartomeu 2003 La lengua guaraní en el Paraguay colonial, que contiene La creación de un lenguaje cristiano en las reducciones de los Guaraníes en el Paraguay, CEPAG, Asunción.

PACHECO DE OLIVEIRA João 1998 « Uma etnologia dos “indios misturados”? Situação colonial, territorialização e fluxos culturais », Mana, 4 (1), p. 47-77.

ROBIN Valérie 2005 « Pierre Duviols, ed, Procesos y Visitas de Idolatrías, Cajatambo Siglo XVII… », L’Homme, 175-176, p. 524-528.

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WACHTEL Nathan 1971 La vision des vaincus, Gallimard, Paris.

NOTES

1. Comme l’ont réalisé Pierre Duviols et César Itier pour les Andes et le quechua. Voir Robin 2005. 2. « It became self replicating and iterative quite apart from anyone’s beliefs or intentions. » 3. « Langues indiennes et empire dans l’Amérique du Sud coloniale », Mélanges de la Casa de Velázquez, 45-1, 2015, coordonné par Juan Carlos Estenssoro et César Itier. Il faut toutefois souligner une différence entre les modèles des Andes et du Rio de la Plata tels que nous les reconstituons aujourd’hui : dans les Andes seuls quelques individus de chaque communauté étaient plurilingues, à savoir les chefs politiques reconnus par l’État inca ; dans le Rio de la Plata l’un des effets des conquêtes et des alliances menées par les sociétés tupi-guarani était la diffusion de leur langue parmi des collectifs

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entiers. En ce sens, plusieurs variantes proches du guarani étaient effectivement diffusées au sein de peuples plurilingues (Estenssoro et Itier 2005). 4. Cherchant à comprendre la raison pour laquelle les dictionnaires du maya n’ont jamais été publiés et ne présentent ni nom d’auteur ni datation, William Hanks fait l’hypothèse qu’il s’agirait d’un trésor en perpétuelle construction que les ordres religieux ne souhaitaient pas divulguer. Pourtant les dictionnaires du quechua et du guarani sont publiés et leurs auteurs connus. Cette activité éditoriale donnait même une certaine légitimité aux ordres religieux qui pouvaient ainsi revendiquer la gestion exclusive de certains espaces linguistiques. Il faudrait donc revoir les raisons pour lesquelles les Franciscains ne considèrent pas comme stratégiquement nécessaire la publication de leurs dictionnaires. 5. William Hanks montre que les premiers grammairiens accentuent des distinctions qui permettent de trouver autant de genres, de conjugaisons ou de modes que le latin, et atténuent les distinctions propres à la langue maya qui n’ont pas de correspondance latine. Pourtant leurs exemples montrent qu’ils étaient familiers des phénomènes linguistiques propres au maya. Cet écart entre la théorisation et la pratique a également été observée dans les grammaires jésuites du guarani : Elodie Blestel, « Marqueurs épistémiques et évidentiels du guarani dans deux grammaires missionnaires : de la tradition gréco-latine à la prise en compte de l’oralité », communication lors du colloque organisé par le projet ANR LANGAS, « Temps, espace et société dans les langues autochtones d’Amérique du Sud », 8 et 9 février, université Sorbonne Nouvelle Paris 3. Notons que si les premières grammaires franciscaines (1620) ne formulent pas la distinction entre les nous inclusif et exclusif du maya, la grammaire jésuite de Montoya (1639) l’explicite très clairement : « En el plural del pronombre : che la primera persona (ore) excluye la persona con quien se habla, el ñande la incluye » (Ruiz de Montoya 1640, p. 5).

AUTHORS

CAPUCINE BOIDIN

IHEAL, université Sorbonne Nouvelle Paris 3

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