Mémoire de 2ème année Mention de master Ville et Environnements urbains

Parcours Altervilles

Département d’études politiques et territoriales Université Jean Monnet de Saint Etienne – Université de Lyon

RENOUVELLEMENT URBAIN, PROJETS ARTISTIQUES ET PARTICIPATION DES HABITANTS : LE CAS DU QUARTIER KADEEJEEN A .

Isadora Avveduto

6 septembre 2019

Directeur de mémoire : Fabien Bressan

Membres de jury : Valérie Sala Pala

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Remerciements.

Tout d'abord, je voudrais remercier mon directeur de mémoire, Monsieur Bressan, d'avoir été toujours disponible et pour ses conseils toujours attentifs, qui se sont avérés essentiels en période de plus grande confusion pendant mon stage. Merci à Niramon Serisakul non seulement pour m'avoir accueilli dans son agence et pour m'avoir donné l'occasion de travailler avec l'Uddc, mais aussi pour m'avoir beaucoup appris sur la régénération urbaine à Bangkok. Merci aux personnes que j'ai interviewées et que j'ai rencontrées pendant la recherche pour leur disponibilité et leur patience avec la langue. En particulier, Frère Nat pour son aide avec le plus jeune du quartier et Madame Navinee pour avoir soutenu ma présence dans le quartier. Merci à mes camarades de classe et à tout les Master Altervilles, parce qu'au cours de ces deux années, j'ai beaucoup appris sur l’analyse de la critique de la critique des questions urbaines français et non. Enfin, je remercie ma famille pour le soutien qu'elle m'a apporté pendant ces années universitaires et qui croit toujours en moi.

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Sommaire

Remerciements...... 2 Rapport de stage...... 6 1. L’Urban design and Development Center et ses projets sur la ville de Bangkok ...... 6 1.1. L’Uddc : organisation et projets ...... 6 Des projets urbains multidisciplinaires ...... 8 1.2. Le renouvellement urbain du quartier Kadeejeen et le festival artistique Art in soi 12 2. Missions et résultats ...... 18 2.1. Mes missions à l’Uddc et à la Fondation Kadeejeen – Khlongsan ...... 18 2.2. Les jeunes du quartier Kadeejeen et les cartes mentales comme dispositif de participation ...... 21 3. Acquisition des compétences : du sentiment d’exclusion à l’autonomie professionnelle23 3.1. Mon rôle de stagiaire étrangère à l’Uddc ...... 23 3.2. Des freins et un sentiment d’exclusion liés aux différences culturelles et aux limites propres à l’organisation de l’Uddc...... 23 3.3. Des freins transformés en compétences professionnelles ...... 25 Conclusion ...... 27 Introduction ...... 31 Le siècle urbain et la pensée post-coloniale ...... 32 Les villes asiatiques dans la scène international : des « nœuds mondiaux » remarquables et des effets négatives de l’urbanisation ...... 34 Le renouvellement urbain : une solution pour résoudre les problèmes d’urbanisation à Bangkok ? ...... 35 La privatisation des espaces face à la disparition des communautés...... 37 La régénération art-led comme levier pour un développement alternatif ?...... 38 Présentation du cas d’étude : le quartier Kadeejeen et des transformations urbaines affectant les liens communautaires...... 39 Méthodologie de terrain ...... 40 Chapitre I - Le rôle de l’art dans les projets de développement urbain ...... 45 1.Une comparaison historique de l’émergence de la régénération urbaine culture-led en Asie et en Europe ...... 45 1.1. Faire revivre les villes en déclin en Europe : « Capitale européenne de la culture » et « la politique de la ville » ...... 46 1.2. Urbanisation et modernisation en Asie : la valorisation du capital culturel comme stratégie pour atténuer les effets de l’urbanisation ...... 48 1.3. Culture-led en Asie et en Europe : le modèle de ville créative comme modèle dominante...... 51 2. La régénération urbaine art-led et les enjeux sociaux et économiques dans les projets artistiques urbaines ...... 52

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2.1. L’art comme outil social : l’art public et les pratiques community-based ...... 54 2.2. Les enjeux socio-économiques des projets artistiques participatifs ...... 56 3. Les tendances et les limites de la régénération art-led : l’instrumentalisation des projets artistiques en faveurs des intérêts économiques et des choix politiques de marginalisation des classes populaires ...... 57 3.1. La marginalisation de certains groupes sociaux ...... 58 3.2. L’exclusion des populations les plus pauvres ...... 59 Chapitre II - La régénération urbaine à Bangkok : entre privatisation de l’espace et auto- organisation des communautés ...... 62 1.Repenser le débat des études urbaines : entre néo-libéralisme et développementalisme des politiques urbaines en Asie de l’Est ...... 62 1.1 Le modèle occidental de la ville créative ...... 62 1.2 Le modèle plus mixte des villes asiatiques ...... 62 2. La régénération urbaine et la gouvernance des acteurs à Bangkok ...... 65 2.1. La gouvernance et la planification urbaine bangkokien ...... 65 2.2. Une planification urbaine anti-sociale : faiblesse du public ou choix politiques ? .. 71 3. L’autre côté de la régénération urbaine bangkokien : la communauté, une force auto- organisatrice...... 75 3.1. Kadeejeen comme lieu d’apprentissage culturel et de mobilisation des habitants ...... 75 3.2. Des problèmes d’espaces et d’accessibilités à Kadeejeen : une spécificité bangkokien ? ...... 84 4. « C’est pourquoi nous utilisons l’art ! » : L’engagement des habitants face à la disparition des communautés...... 92 Chapitre III - L’engagement des communautés du quartier Kadeejeen dans le projet urbain artistique et le rôle de l’art dans le développement social et économique du quartier...... 94 1.Dispositifs de participations, enjeux de redistributions et mobilisations des communautés : la notion de participation dans deux contextes différents, asiatique et européen ...... 94 2. Les dispositifs de participation dans le projet urbain à Kadeejeen...... 96 2.1. Le PPCP : un modèle de coopération entre communautés et organisations communautaires ...... 96 2.2. Une mobilisation de la communauté par les activités culturelles et artistiques ...... 99 3. L’art comme outil social : de l’art populaire à la mobilisation des habitants ...... 100 3.1. Une forme d’art populaire : « l’art est dans notre cœur » ...... 100 3.2. Les Festival Art in soi et l’art de rue comme levier d’inclusion sociale et de développement local ...... 104 4. Quel développement urbain art-led à Kadeejeen ? ...... 106 4.1. Des effets positifs d’une majeure inclusion sociale et d’une majeure ouverture vers l’extérieur ...... 106 4.2. La mise en tourisme du quartier et ses inconvénients ...... 108 4.3. Une différente ouverture territoriale vers l’extérieur engendrant un processus de redistribution inégale des bénéfices...... 109

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5. Repenser la régénération art-led face à l’expérience à Kadeejeen : des enjeux sociaux et transversaux à prendre en compte dans les projets urbains artistiques...... 111 5.1. Tourisme communautaire et solidaire : un levier des communautés dans la revendication de certains instances politiques ...... 111 5.2. Faire face aux limites du renouvellement urbain : l’importance du travail social pour réduire les divisions territoriales et les inégalités spatiales ...... 112 5.3. Décisions politiques et savoir techniques : un travail de médiateur nécessaire dans l’intégration des acteurs publiques et privés pour mieux coordonner les décideurs politiques, les organisations du développement urbain et les investisseurs ...... 113 Conclusion ...... 115 Bibliographie ...... 118 Sitographie ...... 122 Annexés ...... 124 Annexe 1 – Entretiens directifs et semi-directifs...... 124 Annexe 1.1. – 17 Avril 2019, entretien semi-directifs avec Thanawan et Anong...... 124 Annexe 1.2 – Entretien semi-directif du 25 Avril 2019 avec May et Thon, propriétaire du restaurant de cookies portugaises...... 126 Annexe 1.3. – Entretien directif avec Thor, jeune séminariste de la communauté catholique...... 136 Annexe 1.4. – Entretien directif avec Bank, artiste et propriétaire d’un atelier de dessin à Kadeejeen...... 140 Annexe 1.5. – Entretien semi-directif avec Arthit, leader de la communauté musulman. 141 Annexe 1.6. – Entretien semi-directif avec Paithoon, propriétaire d’un homestay dans la communauté bouddhiste...... 148 Annexe 1.7 – Entretien avec Ajarn Y., designer des lumières pendant Art in soi...... 153 Annexe 2 – Notes des réunions...... 163 Annexe 2.1. Notes de la réunion du 25 Mai 2019, avec la directrice de l’Uddc, Niramon Kulsrisombat ...... 163 Annexe 2.2. – Notes du workshop du 2 Avril 2019 avec tous les équipes de l’Uddc...... 165 Annexe 3 – Cartes Mentales : description, analyse et résultat de l’activité...... 170 Annexe 3.1. – Analyse sur l’activités de cartes mentales du 5 Mai 2019...... 170 Table des Matières ...... 174

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Rapport de stage1

Ce rapport de stage a été réalisé dans le cadre d’une expérience de stage professionnel au sein de l’Urban Design and Development Center (Uddc) de Bangkok, dans lequel j’ai réalisé des missions et des projets qui m’ont permis d’acquérir des compétences professionnelles en matière de développement urbain dans un contexte d’une grande ville, telle que Bangkok. La régénération urbaine et la régénération urbaine de type art-led, c’est-à-dire les pratiques qui utilisent l’art comme outil de développement territoriale, sont des sujets qui ont été au centre de mes expériences passées. Après avoir approfondi mes analyses passées sur la fabrique urbaine occidentale, j’ai voulu poursuivre un stage de fin d’étude à Bangkok pour analyser le développement urbain dans un contexte différent. De plus, le projet de renouvellement urbain dans les quartiers de Kadeejeen et de Khlongsan et l’approche globale utilisé par Uddc ont tout de suite attiré mon attention et justifié ma candidature pour ce poste de stagiaire. Cette expérience a été enrichissante par le fait d’être immergée dans un contexte culturel de travail différent de l’Europe, ce qui m’a permis de développer des techniques de travail plus flexibles. Enfin, ce savoir technique et l’enseignement académique des années universitaires précédentes sont deux éléments qui ont nourri une analyse critique sur la régénération urbaine art-led, qui fera l’objet de recherche du mémoire.

1. L’Urban design and Development Center et ses projets sur la ville de Bangkok

1.1. L’Uddc : organisation et projets

L’Urban Design and Development Center ou Uddc, est une agence d’urbanisme privée qui s’occupe de planification, de design et de mise en œuvre de projets urbains. Créée en 2013, elle vise à offrir de nouvelles connaissances et des stratégies de réponses

1 Toutes les sources visuelles présentes dans ce rapport de stage, à exception de la carte 4, sont récupéré par une source de première main, notamment une présentation en format power point que l’Uddc utilise pour montrer ses projets et ses missions.

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à des problèmes urbains. Le renouvellement urbain étant une pratique récente à Bangkok, l’Uddc vise à créer des nouvelles normes et pratiques qui puissent produire un développement urbain de la ville plus inclusif (Uddc, non daté).

Photo 1

Organigramme des acteurs

L’Uddc travaille avec des acteurs publics, privés ainsi qu’avec des citoyen.e.s dans le but de produire un développement urbain durable à Bangkok. L’organigramme de cette coopération se compose par des experts, des citoyens, des acteurs du gouvernement local et nationales, des ONG et des acteurs économiques privés (Photo 1).

Les enjeux de l’Uddc sont :

- Créer un network urbain centré sur le développement urbain, en faisant la médiation entre acteurs publics, privés, institutions et communautés.

- Créer un modèle de développement durable avec une attention portée à l’inclusion sociale des communautés dans les projets urbains. Le but est d’encourager, dans chaque communauté, une forme d’autogestion pour le développement durable.

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- Avoir un rôle pédagogique. Il s’agit d’analyser et de rédiger des recherches et des cas d’études utiles pour la connaissance académique. Ainsi, des étudiants universitaires sont accueillis dans l’organisation pour apprendre des aspects spatiaux, sociaux, de santé et d’économie de la fabrique urbaine (op.cit.).

Des projets urbains multidisciplinaires Depuis 2013, l’Uddc travaille sur nombreux projets tout en adoptant plusieurs approches :

- Politique : il s’agit de faire remonter des questions urbaines auprès des décideurs politiques. - Politique publique urbaine : il s’agit de formuler de nouvelles politiques urbaines et de poursuivre des actions de lobbying. - Planification urbaine : qui vise à créer des plans d’urbanisme locaux. - Big data : pour produire une connaissance partagée et inclusive des informations

territoriales.2 Parmi les projets en cours de l’Uddc nous retrouvons :

- Good Walk : En partant du constat que la ville de Bangkok souffre d’un grave problème d’accessibilité et d’une absence d’aménagement des espaces publics, le projet Good walk vise à améliorer l’accessibilité des rues et des espaces piétons à Bangkok.3 Le projet Good Walk est basé sur des dispositifs de recherche sociale et géographique et sur une analyse urbaine (carte 1). Une carte participative en ligne est ainsi disponible pour que les habitants puissent cartographier des lieux sensibles aux problèmes d’accessibilité (photo 2). Les analyses de Good Walk ont été élargies également à d’autres villes en Thaïlande (carte 2).

2 Présentation en format power point que l’Uddc utilise pour montrer ses projets et ses missions. 3 Notes d’une réunion avec l’Uddc, le 2 Avril 2019.

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Carte 1

Accessibilité à Bangkok

Photo 2

Plateforme de cartographie participative

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Carte 2

Le SIG dans d’autres villes en Thaïlande

- Bangkok250 : Bangkok250 est un projet de renouvellement urbain visant à améliorer la qualité urbaine de certains quartiers les plus défavorisés de la ville. Ce projet est fait en coopération avec l’Autorité Métropolitaine de Bangkok (BMA). L’Uddc réalise des plans d’urbanisme comme ceux du centre-ville (carte 3), du quartier de Kadejeen, de Khlongsan (photo 3) et du quartier de Yannawa (photo 4). Ces quartiers sont tous des zones qui se trouvent au bord de la rivière Chao Praya, l’Uddc a stratégiquement ciblé ces quartiers pour valoriser la rivière et protéger les communautés riveraines de l’acquisition des terrains par des compagnie privées.

Carte 3

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Le renouvellement du centre-ville

Photo 3

Le plan du quartier de Kadeejeen et Khlongsan

Photo 4

Le plan pour le projet à Yannawa

Un autre projet en cours de déroulement (mais pour lequel nous n’avons pas pu obtenir beaucoup d’informations) est le « CU Masterplan ». Ce plan de l’Université Chulalongkorn est axé sur la réalisation d’un plan technique des espaces intérieurs et extérieurs du campus universitaire, pour réhabiliter le campus ancien et obsolète. 4 D’autres projets visant l’organisation d’atelier participatifs se déroulent durant l’année.

4 Notes d’une réunion avec l’Uddc, le 2 Avril 2019.

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Dans ce contexte, l’Uddc s’occupe de créer un réseau d’acteurs autour des projets de renouvellement urbain et de faire remonter aux instances du gouvernement local.5

Parmi tous ces projets, j’ai travaillé en particulier sur le projet de renouvellement urbain du quartier Kadeejeen. Dans ce contexte, l’Uddc travaille en coopération avec la Fondation Kadeejeen-Khlongsan, créée pour accompagner la communauté dans le projet urbain. Ce projet concerne également mon sujet de mémoire, c’est pourquoi nous décrire quartier et le projet dans le paragraphe suivant.

1.2. Le renouvellement urbain du quartier Kadeejeen et le festival artistique Art in soi

Le quartier Kadeejeen Kadeejeen est un quartier historique du district de Thonburi, situé sur le côté ouest de la rivière Chao Phraya (carte 4). Il se compose de six communautés avec un mélange multiculturel de quatre croyances religieuses : les Bouddhismes de Theravada et Mahayana, le Catholicisme et l'Islam. D’anciennes structures morphologiques telles que Troks (petites allées piétonnes) et Khlongs (canaux) restent présents mais sont en voie de dégradation.

Les frontières géographiques des communautés reflètent les croyances religieuses actuelles. Les communautés sont généralement construites sur des terres appartenant aux lieux de culte et les habitants paient des frais de location, ce qui est une source de financement pour les institutions religieux. Les espaces dans les temples sont utilisés par les habitants comme des espaces publics. Les leaders religieux sont respectés par la communauté en tant que chefs spirituels et ils peuvent mobiliser la communauté pour aider le temple et d'autres activités communes (KULSRISOMBAT, 2014).

5 Présentation en format power point que l’Uddc utilise pour montrer ses projets et ses missions.

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Carte 4

1.2.1. La préservation historique et la régénération urbaine art-led à Kadeejeen : l’évolution du festival Art in soi

Avec l’urbanisation de Bangkok, le quartier a subi un déclin progressif. À cause de son emplacement et ses anciennes structures morphologiques, le quartier est difficile accès, notamment en voiture. La baisse des conditions de vie a poussé les habitants de la communauté à s'installer ailleurs, laissant leurs maisons à louer. Certaines communautés du quartier étaient devenues des zones des logements à bon marché où des chambres arrivaient à un coût d’environ 1 000 bahts par mois (soit 35 euros pour un salaire moyen d’environ 850€/mois), entraînant l’arrivée de nouveaux habitants. Cependant, dans un contexte caractérisé par des traditions locales et des liens sociaux très forts, il leur était difficile de s’intégrer à la vie communautaire. Dans les années 90, l'image du quartier de Kadeejeen était devenue celle d’un bidonville riverain, avec moins d’attraits pour les investissements publics et privés : jusqu’en 2012, les équipements culturels récréatifs tel que musées, restaurants et cafés étaient absents du quartier (op.cit. 2014).

Depuis 2008 a été lancée une oeuvre de régénération urbaine visant à répondre aux problèmes de dégradation du quartier. Le premier projet était le Conserving Kadeejeen (CKP) initié par l'Association des Architectes Siamois sous le patronage royal

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(ASA), l'un des défenseurs les plus actifs de la conservation culturelle à Bangkok. Dans le but de créer une démarche inclusive, l’ASA avait institué le Comité de conservation de Kadeejeen (CKG), formé par des membres du Comité de conservation de l'ASA, des leaders des six communautés et des universitaires du département d'architecture et de design urbain.

Depuis 2009, le CKG et les représentants de six communautés avaient décidé d’organiser un festival artistique afin de rendre visible leur précieux patrimoine culturel. Ils avaient étendu ses activités à un autre quartier historique adjacent, le quartier de Khlongsan. Le premier festival appelé, « Art in soi » a eu lieu en 2010 et il continue à avoir lieu chaque année en janvier ou février (KONGSASANA & TAYLOR, 2013).

L’organisation du festival est généralement divisée en deux phases :

● La préparation : cette phase prévoit l’organisation des activités de fundraising et des ateliers participatifs ; ● Le Festival : il se déroule sur trois jours et célébre les caractéristiques multiculturelles du quartier par des jeux de lumières (photo 5 et 6), des objets d'art et expositions installés (photo 7) dans les espaces de tout le quartier (op.cit. 2014)

Photo 5

Jeux de lumières pendant Art in soi

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Photo 6

Lumières artistiques installé à Khlongsan

Photo 7

Installation artistique pendant Art in soi

Ainsi, l’art semble être un élément central du projet urbain. En plus des installations temporaires du festival, nous retrouvons des éléments artistiques de street art permanents (photo 8, 9 et 10, œuvres réalisées en coopération avec des étudiant.e.s).

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Photo 8

Mur peint réalisé en 2012

Photo 9

Mur peint figurant une femme de la communauté catholique

Photo 10

Des étudiant.e.s dessinent sur le mur de l’office de la communauté

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En 2017 fut créée la Fondation Kadeejeen-Khlongsan que l’Uddc soutient par son capital humain et financier. La Fondation est composée de trois acteurs clé : Teernan Chuangpichit, un habitant du quartier et membre du conseil du quartier ; Supot Chaiwatanasirikul, le directeur général de l’entreprise Icon Siam ; Niramon Kulsrisombat, enseignante à l’Université Chulalongkorn et directrice de l’Uddc.

En janvier 2019, la fondation a lancé un autre festival « Eat in soi », avec pour but de valoriser la nourriture locale et d’attirer des investissements par un dîner de foundraising. Pendant le festival Eat in soi, de nombreuses installations artistiques et exhibitions ont été également organisées, notamment des installations lumineuses, des exhibitions de dance swing et d’autres installations artistiques.

Photo 11

Prospectus de Eat in soi et de Chef table

Photo 12

Chef table

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Photo 13

Dance swing pendant Eat in soi

Cette année la phase de préparation d’Art in soi prévoit l’organisation de plusieurs activités parmi lesquelles un atelier de cuisine, des balades urbaines, un atelier de carte mentale et le dîner de foundraising. Toutes ces activités visent à créer un fond pour la Fondation afin qu’il puisse financer le festival Art in soi.

2. Missions et résultats

2.1. Mes missions à l’Uddc et à la Fondation Kadeejeen – Khlongsan

Même si le projet de Kadeejeen était la mission prioritaire de mon stage, tout au long des six mois j’ai travaillé sur d’autres projets. En effet, je me suis confrontée à plusieurs formes de travail différentes entre elles. Ces missions étaient : a) apporter des études de cas internationaux, b) contribuer à la circulation de connaissances académiques ou non, c) aider au développement de la communauté de Kadeejeen par l’organisation d’activités pour les habitants.

a) Apporter des cas d’études internationaux. L’organisation a de nombreuses fois exprimé la nécessité de nourrir la littérature académique thaïlandaise par des études de cas internationaux. Le fait de parler trois langues me donne accès à un nombre important de références et une de mes missions a été la rédaction d’analyses critiques. Elles ont nourri plusieurs projets au même temps, tel que le Good Walk pour l’équipe des urbanistes, le CU Masterplan pour l’équipe

18 d’architectes et un projet de rédaction d’un livre de l’Uddc en matière de régénération urbaine dont je serai crédité.

Concernant le projet Good Walk, j’ai analysé des villes qui conduisent des projets de piétonnisation et de sensibilisation à l’usage de la marche plutôt que la voiture. J’ai analysé les villes de Paris, Melbourne, Portland et Hanoi et avec un focus sur : des problèmes concernant la marche dans les espaces urbains ; des politiques publiques de piétonisation des espaces et leurs effets.

Concernant le plan du campus universitaire, il s’agissait de rédiger un état de l’art sur la structure physique et la gouvernance des campus universitaires innovants en Europe et aux Etats-Unis, tels que Berlin, Stamford, le MIT et Harvard. Je me suis surtout focalisé sur les nouvelles tendances à être hautement compétitifs entre eux et à coopérer avec le secteur de l’industrie pour améliorer leurs performances, tout en oubliant, parfois, les objectifs pédagogiques et académiques.

Concernant le livre sur la régénération urbaine, j’ai analysé quatre villes : Berlin, Londre, Bordeaux et Lyon. L’étude était focalisée sur quatre aspects importants :

1) Le logement : politique du logement et mixité sociale. 2) La mobilité : les modes de mobilité et les détails de chaque modèle économique. 3) Les équipements publics : les types d'équipements publics et les stratégies de localisation. 4) L’emploi dans l’économie du numérique : comment des villes se préparent à l’économie numérique dans le cadre des emplois.

b) Rédaction d’articles Cette mission avait pour but de rédiger des articles pour le site internet de l’Uddc et de rédiger un article à publier dans un journal académique international.

Dans un premier temps, j’ai réalisé deux articles : un concernant l’usage des cartes mentales comme dispositif de participation et l’autre, réalisé sur la forme d’un photoreportage, sur les effets sociaux de l’urbanisation à Bangkok.6

6 L’article sur les cartes mentales a été fait à l’occasion de la première session de carte mentale présentée dans les pages suivantes.

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Dans un deuxième temps, j’ai rédigé avec Madame Kulsrisombat un texte pour un journal académique sur la gouvernance urbaine à Bangkok, thème qui est très peu traité dans la littérature nationale ainsi qu’internationale. Ce texte a été aussi un premier ancrage théorique pour une présentation sur la gouvernance urbaine de Bangkok que Madame Kulsrisombat devait soutenir en occasion d’une conférence en Amsterdam sur les études asiatique en juillet 2019.

c) Le travail en équipe et l’organisation des activités pour la Fondation Kadeejeen- Khlongsan.

J’ai effectué mon stage au sein de l’équipe Solutions Urbaines (Urban Solution Kadejeen Khlongsan, USOKK), formée par des sociologues et des politistes qui travaillent sur l’engagement de la communauté au sein de la fondation et son développement. Ma fonction spécifique était de m’occuper de la participation des habitants (social engagement) dans le cadre de la première phase du festival Art in soi et Eat in soi.

Je m’occupais notamment de :

- La rédaction des cas d’études pour le diner de foundraising « Chef Table » et pour les balades urbaines avec un focus sur des balades sensorielles. - La rédaction de petits articles publiés sur la page Facebook de la fondation « Love Kadejeen-Khlongsan ». Le but était de faire connaitre le mode de vie des six communautés et d’apporter des études de cas internationaux. J’ai réalisé des textes chaque semaine, avec pour sujet : o Le savoir expert et le savoir habitant des jeunes du quartier ; o Un résumé critique d’un entretien fait avec une designer des lumières qui a travaillé depuis dix ans au Festival Art in soi ; o Sur l’histoire et les pratiques de la Fête des Lumières à Lyon ; o Sur les installations artistiques lumineuses à Turin dans le cadre du projet « Luci d’artista ». - Dans le cadre de ma mission sur la mobilisation des habitants, j’ai organisé des activités de cartes mentales. Cependant, étant plus complexe, cette tâche est décrite à part entière dans le paragraphe suivant.

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2.2. Les jeunes du quartier Kadeejeen et les cartes mentales comme dispositif de participation

L’équipe USO a de nombreuses fois évoqué la difficulté à créer un contact avec les jeunes du quartier.

Je me suis fait force de proposition pour organiser une activité avec ce public difficile à cibler (nommé hard-to-reach). Au cours de la préparation, Madame Kulsrisombat et l’équipe USOKK m’avaient sollicité pour rendre l’activité fructueuse pour le projet Good Walk. J’ai choisi d’utiliser l’outil “cartes mentales” parce que cela pouvait contribuer à :

● Mobiliser un public jeune du quartier pour créer un lien avec la Fondation. ● Apporter une analyse sociologique de l’usage des espaces par les jeunes. ● Permettre de dépasser les limites de la langue afin de nourrir mon terrain d’étude.

Nous avons organisé deux sessions.

2.2.1. Session 1 : l’expérimentation

La première session a servi d’expérimentation. Ainsi, j’ai plutôt travaillé seule avec des suggestions que la team du projet Good Walk m’avait donnée pour répondre à leurs exigences d’analyses urbaines. Pendant mon terrain d’étude, j’avais rencontré un jeune séminariste du quartier qui m’a aidé à organiser l’activité. Nous avons rencontré des jeunes sur une place du quartier et nous avons, ensuite, organisé l’activité pendant 2h avec 12 adolescents de 11 ans à 15 ans.

2.2.2. Une session 2 mieux structurée

La deuxième session, organisée en collaboration avec l’équipe USO, s’est construite à partir des limites de la première, notamment une analyse non suffisamment satisfaisante pour Good Walk, car les enfants ne dessinaient pas une carte réelle du quartier (ce qui est une limite propre de la méthodologie de la carte mentale, UNICE, non

21 daté). En outre, pour avoir un nombre plus important de jeunes, l’équipe USO a décidé de contacter deux écoles du quartier qui ont participé de façon enthousiaste. Au total, quarante jeunes de 14 à 18 ans habitant le quartier ont participé.

L’atelier s’est déroulé en plusieurs parties :

- Présentation et tour des noms ; - Dessins sur des cartes de Kadeejeen ; - Questionnaire ; - Rédaction d’une carte de Kadeejeen en groupe ; - Atelier d’urbanisme utopique ;

2.2.3. L’analyse de l’outil “carte mentale” : quels usages de l’espace par les jeunes du quartier ?

Des éléments intéressants ont émergé par l’analyse de ces deux ateliers. La concentration sociale et spatiale du quartier se révèle dans la communauté de Kadeejeen. Les espaces dédiés aux enfants ne sont pas nombreux dans le quartier. Cependant, ils s’approprient des « espaces informels », comme les lieux des oeuvres de street art ou les espaces attenants de l'église (bancs, place, etc.). La communauté se révèle aussi un point de rencontre pour les jeunes qui ne vivent pas dans le quartier. La communauté est un endroit où les enfants pouvant profiter d'espaces autour d'eux et où ils peuvent créer et recréer des lieux. Ils ont cependant des demandes liées à l’eau : une piscine, un terrain de jeux d’eau ou un parc aquatique, pour des raisons à la fois ludiques ou liées aux périodes de forte chaleur.

La deuxième carte mentale a donné plus d’informations pour l’analyse de Good Walk. Dans cette deuxième session, les jeunes ont montré leurs difficultés de déplacement dans l’espace, dues à des rues trop petites et trop encombrées, leur sentiment d’angoisse pendant la nuit à cause de l’absence de lumière et la lenteur et la longueur des parcours aux heures d’embouteillages sévères.

Les enseignants et les enseignantes ont été très satisfait de ces activités et ils ont données leurs disponibilités à l’équipe pour de futures activités.

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3. Acquisition des compétences : du sentiment d’exclusion à l’autonomie professionnelle

3.1.Mon rôle de stagiaire étrangère à l’Uddc

Quand je suis arrivée à l’Uddc, j’ai remarqué que d’autres stagiaires d’origine thaïlandaise étaient présents dans l’office. Ils étaient en licence d’architecture et profitaient d’un environnement professionnel pour rédiger leur mémoire. Mais je n’étais pas la première étudiante étrangère à rejoindre l’office : trois autres avant moi, surtout d’origine française, avaient fait la même expérience professionnelle à l’Uddc.

Les stagiaires en fin d’étude qui arrivent à l’Uddc ont l’habitude de faire leur propre projet de recherche aidé par l’organisation. Toutefois, comme mon stage était professionnel, j’ai dû tout de suite intégrer une méthodologie satisfaisant des critères à la fois de recherche (pour les adapter à l’Uddc) et professionnels (pour les adapter à mon exigence personnelle). Pour ce double objectif, j’ai utilisé une approche de recherche participative (PAR), qui utilise des dispositifs participatifs avec des habitants pour créer avec eux le cadre d’analyse et de problématique du sujet de recherche.

Ces aspects méthodologiques seront approfondis dans l’introduction du mémoire, mais il est nécessaire de souligner ici que cette méthodologie m’a permise de me positionner en tant qu’”experte” en matière de participation et, à partir de là, de légitimer mes missions et projets au sein de l’organisation.

3.2.Des freins et un sentiment d’exclusion liés aux différences culturelles et aux limites propres à l’organisation de l’Uddc

Comme dans toutes les expériences professionnelles, la mienne a aussi rencontré des difficultés, amplifiés par le fait de travailler dans un contexte culturel différent.

J’ai eu besoin de temps pour comprendre les dynamiques internes de l’office. Tout d’abord, l’organisation du travail semble moins structurée qu’en France. Quand j’ai commencé, j’avais l’impression de peu connaître mes tâches. J’ai eu un sentiment de flou tout au long des trois premiers mois. Une mission ou une tâche pouvait changer ou être

23 communiquée au dernier moment, ce qui oblige à travailler de très rapidement avec une charge de travail importante, parfois jusqu’à douze heures par jours !7

Les relations entre collègues sont coopératives et caractérisées par des sentiments d’appartenance à l’organisation : on fête les grandes occasions comme la réussite d’un projet, l’anniversaire ou le départ d’un employé. Mais ces relations professionnelles sont affectées par une forte hiérarchie, avec un pouvoir centralisé sur le rôle de la directrice, Madame Kulsrisombat. Pour tout travail, même une petite démarche, il était toujours indispensable de demander l’opinion de la directrice. Consciente de la nécessité de devoir décentraliser ce pouvoir pour mieux réussir les nombreux projets de l’Udd, Madame Kulsrisombat avait décidé de lancer au mois d’avril une grande réorganisation de la structure de l’Uddc, avec une division des équipes plus définie.

C’est dans ce contexte que j’ai intégré l’équipe USO qui travaillait sur le projet du renouvellement urbain de Kadeejeen et de Khlongsan.

Mon équipe était composée de trois employées, toutes ayant 23 ans, en première expérience professionnelle et travaillant à l’Uddc depuis un an. Cette “inexpérience” professionnelle et la contrainte hiérarchique ne donnent pas une grande marge d’initiative à mes collègues, qui devaient toujours tenir compte de l’opinion de Madame Kulsrisombat. Ceci a entraîné des sentiments de confusion et de désorientation au sein de l’équipe permanente, avec pour conséquence de faibles efforts pour mon intégration, comme j’ai pu le comprendre au cours de mon stage. En effet, j’ai été identifiée comme une “experte” avec un niveau d’études supérieur, recrutée par la direction (qui voulait en plus que je sois plus active que les stagiaires précédents), plus âgée (l’âge étant un critère hiérarchique fort en thaïlande) et donc potentiellement un élément de remise en cause de leurs compétences professionnelles.

Ainsi, j’ai eu constamment un sentiment d’exclusion, dans presque tous les aspects de la vie professionnelle : des pratiques quotidiennes comme déjeuner ensemble jusqu’aux pratiques professionnelles les réunions ou la prise de décisions concernant mon travail se déroulant systématiquement sans moi. Ceci a été accentué par la barrière de la langue, malgré la chance de faire partie d’une équipe qui parlait bien anglais, mes collègues communiquaient entre elles en thaïlandais et seul un résumé en anglais était vite transmis par une collègue après les réunions. Mais je n’avais pas accès aux détails

7 Cette caractéristique est propre à la notion du temps-travail en Asie.

24 des informations et décisions. Malgré mes sollicitations auprès de ma directrice/tutrice professionnelle, cette situation ne s’est jamais améliorée. J’ai fini par accepter cette exclusion et essayé d’apprendre à travailler en autonomie et de développer un pouvoir d’initiative afin d’être force de proposition au sein de l’équipe.

3.3.Des freins transformés en compétences professionnelles

Les obstacles rencontrés (travail en équipe difficile, sentiment de confusion et d’exclusion) rendaient le travail plutôt lent. Toutefois, ces obstacles se sont révélés être des leviers qui m’ont permis d’acquérir des compétences professionnelles précieuses et non attendues avant le stage.

Au début, je voulais simplement m’intégrer dans les projets tout en observant leur travail et pouvoir aider l’organisation de manière complémentaire. Cette idée n’a jamais été réalisable à cause de ma faible intégration.

Pendant les premiers mois, j’ai remarqué que la participation des habitants était totalement absente dans la phase préparatoire du festival Art in soi. L’enjeu de l’équipe USOKK était d’organiser des actions qui avaient comme première priorité d’obtenir du profit économique.

C’est donc dans un objectif complémentaire d’inclusion des habitants, motivé par mes aspirations personnelles, que j’ai lancé le projet des cartes mentales avec les jeunes du quartier. Dans un premier temps, j’ai dû construire une solide base théorique sur les cartes mentales, qui n’étaient pas connues au sein de mon équipe. Afin de convaincre l’équipe USO et Madame Kulsrisombat de l’utilité de ce dispositif, j’ai rédigé un projet détaillé de l’activité, tout en explicitant les objectifs, la méthodologie, la cible, l’endroit, le type d’animations et le matériel nécessaires. En réussissant à convaincre mes collègues, la phase de préparation en équipe a été plus collaborative et nous nous sommes divisés les tâches. Moi, j’étais la médiatrice et coordinatrice de l’équipe durant l’activité et mes quatre collègues jouaient le rôle de facilitatrices. L’activité s’est bien déroulée, sans obstacles et avec, pour la première fois, un réel moment de collaboration entre moi et l’équipe.

Cette expérience m’as permis de développer des compétences professionnelles importantes, notamment :

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- Se faire force de proposition ; - Rédiger un projet professionnel et le porter pour convaincre ; - Gérer une équipe ; - Savoir communiquer et travailler en équipe.

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Conclusion

Cette expérience au sein de l’Uddc a été fortement enrichissante. Les difficultés rencontrées ont été fortement liées au fait d’être immergée dans un contexte culturel de travail totalement différent du contexte européen. Être patiente, comprendre les différences, m’adapter, me tromper, affronter ces difficultés ont été des éléments qui m’ont permis de pouvoir développer non seulement des compétences professionnelles sur la gestion d’un projet mais aussi d’acquérir un profil professionnel flexible à des contextes interculturels.

Enfin, grâce au travail de participation citoyenne dans le contexte thaïlandais et par les nombreux échanges dans la mise en œuvre du projet entre moi, la directrice et l’équipe, j’ai pu comprendre que la manière dont je pensais la participation n’était pas conçue de la même manière en Europe et en Asie. Madame Kulrisombat et l’équipe USO m’ont appris à comprendre ces différences. Grâce à ces découvertes, j’ai non seulement perfectionné le dispositif des cartes mentales mais aussi j’ai pu déconstruire ma notion “occidentale” de la participation, en tant européenne conditionnée par une idéologie politique démocrate, et ouvrir mon regard à d’autres définitions de la participation et aux formes qu’elle prend en Thaïlande pour intégrer les habitants dans le projet urbain. Ces questionnements ont ouvert des pistes de réflexions importantes dans le cadre du projet urbain à Kadeejeen et dans le choix de mon sujet de mémoire sur la régénération urbaine art-led à Kadeejeen et la participation des habitants.

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Mémoire de 2ème année Mention de master Ville et Environnements urbains

Parcours Altervilles

Département d’études politiques et territoriales Université Jean Monnet de Saint Etienne – Université de Lyon

RENOUVELLEMENT URBAIN, PROJETS ARTISTIQUES ET PARTICIPATION DES HABITANTS : LE CAS DU QUARTIER KADEEJEEN A BANGKOK.

Isadora Avveduto

6 septembre 2019

Directeur de mémoire : Fabien Bressan

Membres de jury : Valérie Sala Pala

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Introduction

Cet essai traite des stratégies de régénération urbaine, en particulier des actions publiques qui impliquent l'utilisation de l'art comme instrument de développement urbain avec une attention particulière à la participation des habitants.

Nous pouvons encadrer cette stratégie dans une notion de régénération art-led où l’art joue un rôle fondamental dans les stratégies du renouvellement urbain et de la transformation des espaces de la ville. Nous avons ainsi décidé que le terme de régénération art-led soit laissé en anglais, car une traduction française ne serait pas suffisante pour donner une définition satisfaisante de la notion. La notion de régénération art-led est typiquement anglophone : elle indique une pratique où l’art est un moyen pour revitaliser économiquement et socialement une zone. Au contraire, une traduction en française tel que « le renouvellement urbain par l’art », tout en gardant une sonorité différente, risque de changer le significat même du concept. En outre, dans cette notion, les actions publiques sont classées dans un type de régénération qui utilise la culture comme instrument de développement urbain et qui est couramment nommé, dans la littérature anglo-saxonne, régénération urbaine ‘culture-led’.

La régénération urbaine, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a subi de nombreuses transformations. Depuis les années 80, avec le passage d’une consommation culturelle élitiste à une de masse, la culture devient un instrument privilégié pour les politiques locaux qui mettent l'accent sur de nombreuses activités ludiques comme le divertissement, les loisirs et le temps libre. Dans ce cas, la culture est destinée à des fins économiques, notamment pour développer économiquement une région. Une autre tendance qui émerge tout au long des années 80 et 90, est l’inclusion de l’art dans les pratiques de régénération urbaine culture-led pour embellir les espaces urbains. Depuis les années 2000, le renouvellement urbain art-led a été inclus dans les politiques de l’économie créative dont les théories de la classe créative ont joué ainsi un rôle important dans la définition de la ville créative comme modèle globale. Dans ce contexte les villes sont fortement compétitives entre eux, elles essayent d’attirer des nouveaux habitants plus riches, du tourisme international et des investissements privés (ROSSI ET VANOLO, 2012). Ce type de régénération urbaine a amené de nombreuses critiques sur ses effets en

31 termes de ségrégation spatiale et gentrification. Ce sont des thèmes qui ont été énormément débattu dans les études urbaines et que nous n’allons pas approfondir ici. Nous voulons plutôt mettre l’accent sur le rôle social de l’art, c’est-à-dire, quand l’art devient instrument de développement social plutôt qu’économique. Ces types des pratiques agissent à une échelle plus petite, comme un quartier ou une communauté et elles sont focalisées sur l’inclusion des habitants dans les projets urbains, notamment par des dispositifs de participation. La participation est la pratique qui prévoit d’inclure les habitants dans des processus de décisions d’une question collective. Cette pratique est de plus en plus utilisée pour éviter l’apparition des effets négatifs du renouvellement urbain. Dans ce contexte, l’art joue un rôle clé : plutôt que de produire de la gentrification et de l’exclusion, l’art, inclus dans des stratégies participatives, peut devenir un véritable instrument de développement social et économique d’un territoire.

Le siècle asiatique urbain et la pensée post-coloniale

Si en Europe, la régénération urbaine agit dans une logique de restructuration du modèle capitaliste d’accumulation agissant dans un marché mondialisé et dans une sphère sociale néo-libérale (Ibid., 2012), en Asie la régénération agit dans un contexte de développement et de rapide urbanisation.

Le XXIe siècle est généralement considéré comme une ère d’urbanisation sans précédent dans l’histoire, une urbanisation qui se répand notamment dans les « pays du Sud ». En effet, il semble que la majeure partie des pays conduisant cette urbanisation progressive sont les villes d’Asie, notamment les villes Chinoises et Indiennes dans lesquelles la moitié de la population habite dans le monde urbain. Selon le rapport de l’Un, en 2028 Delhi deviendra la métropole la plus peuplée du monde, tout en dépassant Tokyo qui aujourd’hui compte 37 millions d’habitants (VENTURI, 2018).

Roy (2014), défini le XXI siècle comme « Urban Asian century », siècle urbain asiatique. Le siècle asiatique serait caractérisé par l’émergence et l’ascendance des économies asiatiques qui s'étendent du golfe Persique à la mer de Chine méridionale jusqu'à l'océan Pacifique (ROY, 2014 : 9 – 20).

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On peut résumer les éléments marquant de cette urbanisation par différents facteurs, qui, à partir des années 60 ont affecté les villes asiatiques, parmi lesquelles on retrouve :

1. Le processus d’industrialisation à partir des années 70 2. La forte influence des entreprises multinationales qui avaient investi majoritairement en Asie de l’est 3. Les investissements nationaux sur les grandes infrastructures 4. La croissance démographique

L’expansion de l’économie de marché et des technologies modernes, sont aussi des facteurs déterminants lors du processus d’émergence des grandes métropoles, dites « mégacités ». Nous observons en particulier des taux importants de croissance urbaine par exode rural. Ce phénomène se déroule surtout dans les pays restés les plus ruraux : par exemple, nous observons un taux de 4,5% par an au Cambodge, 4,8% au Laos et 3% au Vietnam pour la période 2010-2015. La transition d’une économie centralisée et planifiée vers une ouverture aux capitaux internationaux y a stimulé les marchés immobiliers et accéléré la croissance urbaine (BOQUET, 2014 : 405 – 411).

Douglass (1998) réduit le phénomène d’urbanisation asiatique au processus de globalisation qui, à partir des années 80, a affecté le monde occidental. L’auteur défini la globalisation en terme économique comme un processus d’accumulation à l’échelle mondiale de trois circuits majeurs de capitaux, notamment la production, le commerce marchand et la finance (DOUGLASS, 1998). Toutefois, le risque majeur qu’on rencontre quand on étudie des villes « autres » que celle occidentales est d’adapter les notions occidentales à celles d’autres contextes, qui sont différents par leur système politique, leur histoire et leur culture (c.f. SAID, 1978, 1975). À cette égard, la critique de Mani, reprise par Roy par exemple, en marquant un déni du « global » largement répandu dans la théorie postcoloniale, soulève l’importante question des signifiants géographiques de la théorie et de leurs significations distinctives. En refusant l’idée de globalisation tel que Douglass la présente, Roy propose plutôt la notion de « worlding », que l’on peut traduire comme « mondialité ». Si la globalisation se traduit par une condition affectée par la circulation du capital mondial, la mondialité pour Roy représente plutôt une manière d’être et de vivre le monde. La différence réside donc dans le fait que le premier se montre comme fait accompli, l’autre est une simple manière de se situer dans le monde : « si ‘être

33 dans le monde’ s’avère adaptable à tous les endroits du monde, la mondialisation est un ‘fait accompli au nom du monde’ » (Ibid, 2014, p. 17).

En effet, l’analyse de la théorie urbaine, qui met l’accent sur les « villes globales », ne parvient pas à saisir le rôle des villes du Sud en tant que nœuds « mondiaux ». Pour l’autrice la notion de « worlding city » devient l’interprétation de ces « nœuds mondiaux » qui sont aussi importants lorsqu’ils créent des connexions mondiales et des régimes globaux de valeur. Dans la vision de Roy, la mondialité de l’Asie est une histoire complexe et dynamique caractérisée par des flux de capitaux, de main-d’œuvre, d’idées et de visions : « expérimentations ambitieuses, ces villes mondiales sont intrinsèquement instables, inévitablement sujettes à d'intenses contestations, et toujours incomplètes » (Ibid., p. 17).

Les villes asiatiques dans la scène international : des « nœuds mondiaux » remarquables et des effets négatives de l’urbanisation

Il s’avère important d’analyser l’urbanisation des villes asiatiques aujourd’hui car il a été estimé que dans les vingt prochaines années, 68% de la population mondiale vivra dans des villes. L’urbanisation deviendra un phénomène à l’échelle mondiale. L’étude prévoit l’émergence de 43 mégalopoles avec plus de 10 millions d’habitant d’ici à 2030. La portée du phénomène est grande et nous pouvons le constater dans l’urbanisation de ces dernières années : en 1990 les villes avec plus de 10 millions d’habitant étaient 10, aujourd’hui on en compte 33 (BOUQUET, 2014).

La spécificité des villes asiatiques est une véritable révolution urbaine. Cette révolution est aussi caractérisée par un fort contrôle politique de l’espace, qui, pour reprendre la célèbre phrase de Foucault, pourrait être définit comme un espace « gouvernamentalisé ». Autrement dit, le terrain de l'urbain devient la matière du gouvernement. Roy, qui reprend une étude conduit par Rabinow (1989 : 76), affirme comment de telles formes de gouvernement produisent un champ de rationalité ; ils constituent également un « projet normatif pour la mise en ordre du milieu social » (ROY. 2014 p. 14).

Toutefois, il s’avère également important de souligner comment cette urbanisation rapide pose de nombreux éléments de criticité.

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Si dans les villes occidentales la période commençant au début des années 80 a marqué les villes par le passage au post-fordisme, caractérisé par le passage à une économie de service et par la désindustrialisation, dans le cas asiatique, on assiste à une progressive croissance économique caractérisée par l’intégration aux marchés financiers mondiaux et à une politique orientée sur les projets de grandes infrastructures et une massive privatisation des espaces.

En outre, le coût la vie dans la ville est devenu prohibitif pour la majorité des travailleurs qui se sont fur à mesure déplacés dans les couronnes périphériques. Les personnes ayant pas la possibilité de se déplacer, comme les plus pauvres, sont resté dans le centre-ville, ce qui a entrainé la paupérisation de celui-ci.

Ici, l’absence de transport en commun et le nombre croissant de déplacement a emmené une progressive motorisation. L’usage de la moto, de la mototaxi et de la voiture domine le mode de transport au Vietnam, en Thaïlande et en Malaisie. Le problème surgit donc dans les embouteillages et dans les problèmes environnementaux. On estime qu’une personne peut rester bloqué dans la circulation jusqu'à une heure. En outre, les rivières, les terres et l’air ont été pollués au-delà de toutes les normes minimales fixées par les gouvernements en matière de santé. L’étalement urbain est devenu aussi cause de pollution. Des espaces ruraux au tour des métropoles laissent de plus en plus la place aux grands parcs industriels ou à des gated communities ou encore, à des terrains de golf et des aéroports. À cela, s’ajoute aussi la menace des changements climatiques, avec la montée des niveaux marins qui impacte toutes les grandes métropoles côtières et des deltas. (Op. cit. 2014)

La population la plus affectée par ces effets négatifs estt surtout celle des plus pauvres qui s’installent en ville. Comme le montre Boquet, l’accueil et l’hébergement des nouveaux habitants est difficile à gérer et les programmes de logement ont du mal à résorber cette demande et endiguer cette urgence. On estime que le quart des nouveaux habitants vit parfois dans les quartiers les plus précaires (Ibid., 2014).

Le renouvellement urbain : une solution pour résoudre les problèmes d’urbanisation à Bangkok ?

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À Bangkok, Krongkaew (1996) montre comment l’urbanisation et la croissance économique sont deux processus liés dans le cas Bangkokien : « la Thaïlande fournit un cas intéressant et unique dans lequel une étude peut être faite du lien entre la croissance économique rapide et le processus d'urbanisation » (KRONGKAEW, 1996 : 287).

Pendant les années 80, le développement économique thaïlandais fut très rapide grâce à son ouverture vers l’international, notamment par le commerce d’exportation, les investissements étrangers et le développement des structures pour le tourisme. Ces trois facteurs ont provoqué une reconfiguration spatiale de Bangkok dans laquelle se concentrait la plupart de la croissance économique. Surtout, l’arrivé du tourisme international a provoqué des changements évidents : de nombreux centres de villégiature et lieux touristiques furent aménagés, de nombreux employés furent embauchés et des installations de service connexes furent mises en place tout en créant de nouvelles communautés urbaines (op. cit. 1996).

Aujourd’hui, la capitale thaïlandaise se positionne parmi les 10 plus grandes villes du monde où le trafic est le plus dense. Ses routes, notoirement encombrées, devraient faire face à 10 millions de véhicules d’ici 2029, contre 9 millions environ à l’heure actuelle. On estime que d’ici 2030, la population de Bangkok devrait passer de 9,3 à 11 millions d’habitants, soit une augmentation de 18,2% selon les perspectives de l’urbanisation mondiale des Nations Unies (WEBSTER, 2004).

Afin de contrer ces effets négatifs de l’urbanisation, Bangkok a mis en place des stratégies du renouvellement urbain avec l’idée dominante que ces types de stratégies pourraient résoudre des problèmes sociaux et économiques qui affectent la ville (PICHAYADA, 2017).

De grands projets d’aménagement ont été mis en place ces dernières années et ils ont été dirigé directement par la junte militaire et l’Autorité Métropolitaine de Bangkok (BMA), ainsi que des acteurs privés. Ces projets ont été considérablement contestés du fait que le résultat a été une privatisation massive qui domine littéralement l’espace de la ville. La gouvernance de la régénération urbaine de Bangkok est un thème très peu traité dans la littérature nationale et internationale et pourtant se révèle un facteur clé dans l’articulation des problèmes sociaux et spatiaux qui affectent la ville aujourd’hui.

De manière générale Sheng, (2010) montre les villes du Sud Est d’Asie sont essentiellement auto-organisatrices plutôt que planifiées. Cependant, dans ces systèmes

36 d’auto-organisation, certains acteurs ont plus d’influence que d’autres. Notamment, les investisseurs privés choisissent souvent d’ignorer les plans d’urbanisme et les règlements des conseils pour bâtir là où ils désirent.

En outre, ces partenariats entre le cadre public et privé se révèlent souvent inefficace : les PPPs n’exploitent que les lignes rentables d’un système de transport collectif et ne collectent les déchets que dans les quartiers qui peuvent se permettre de payer le service ; les entreprises privées font des investissements seulement quand ils bénéficient en échange d’un sol qui a de la valeur où construire un système de transports collectifs et pour construire des parcs immobiliers le long des lignes de métro et de transport ; enfin, le secteur privé développe des centres commerciaux, des bureaux et des hôtels, souvent en négligeant les plans urbains et les règlements de construction (op.cit., 2010).

La privatisation des espaces face à la disparition des communautés.

Quelques communautés ont été expulsées, d’autres ont totalement disparu car les membres se sont conformés à une vie plus « urbaine ». Quand un privé commence à bâtir sur un territoire, les habitants sont souvent expulsés de leurs propres maisons et ils ne sont pas relogés ailleurs, à cause d’une carence de logements sociaux et de l’absence d’un programme de relogement (MEKONG REGION, 2017).

Qu’entend-on par communauté ? Dans cette époque caractérisée par le progrès technologique et par un échange d’informations entre lieux éloignés, dans ce que Manuel Castells défini comme « l’informationnalisme » (HIMANEN, 2001), il s’avère difficile de définir le concept de « communauté » : comment nous pouvons identifier notre propre communauté quand nous n'en faisons-nous pas partie ? Kay (2000) identifie des communautés à la fois sur une base globale et virtuelle, mais aussi en termes locaux, c'est- à-dire, ces communautés unies par des liens familiaux ou des liens de voisinage : « les communautés peuvent être définies soit sur une base globale en terme de communautés de technologie de l'information ou sur une base locale en tant que zones où les gens vivent ensemble dans des villages, dans des grandes familles ou dans des conurbations » (KAY, 2001 : 1). Malgré le processus de mondialisation qui a produit des fractures en terme de capital social en occident, en Thaïlande des communautés résistent encore. Prendre en

37 compte ce sujet pour une ville comme Bangkok qui pense se développer économiquement par la construction des grandes infrastructures se révèle essentiel.

En effet, selon Putnam, le développement d’une ville ne dépendrait pas de la géographie, de l'histoire, de la base économique, de l'héritage culturel ou des ressources financières de la ville. Au contraire, celui-ci est mesuré par le bien-être communautaire, la qualité des relations et la cohésion qui existe parmi les individus. Putnam identifie donc le capital social comme moyen de développement d’une ville. Il explique que le capital social fait référence aux réseaux sociaux, aux normes de réciprocité, à l'entraide et à la fiabilité entre membres d’une communauté (c.f. PUTNAM, 2000).

Or, la conséquence de la rapide urbanisation et de la privatisation massive des espaces est la disparition des nombreuses communautés, un sujet au centre du débat public actuel à Bangkok. C’est pour cela que lutter contre la disparition des communautés se révèle important. Dans la ville de Bangkok, des habitants, des organisations non gouvernementales et d’autres organisations pour le tourisme durable se mobilisent afin de préserver les communautés et sensibiliser la population à ce sujet. Il semble qu’à Bangkok se crée un type de développement alternatif fait de manière auto- organisationnel. Ce type renouvellement urbain bottom-up est au centre de notre étude : comment ces communautés arrivent à faire remonter leurs revendications et leurs besoins, tout en attirant l’attention des institutions et organisations non gouvernementales.

La régénération art-led comme levier pour un développement alternatif ?

Depuis cette mobilisation des communautés à Bangkok, de nombreuses politiques urbaines ont commencé à s’intéresser au rôle de l’art et de la culture dans le développement économique et social de la ville. Dans le plan de développement de la ville, la BMA (l’Autorité Métropolitaine de Bangkok), explique que l'un des principaux objectifs du renouvellement urbain serait de revitaliser, de renforcer et de promouvoir le réseau des lieux culturels existants tels que les vieux quartiers, les anciens marchés, les temples et autres lieux culturels en collaborant avec des communautés locales et le secteur privé.

Par exemple, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme de la BMA a récemment adopté une approche du tourisme basée sur la communauté (community

38 based). L'idée principale est de reconnaître et de promouvoir la participation des communautés locales et leurs ressources culturelles, tout en renforçant les capacités des communautés en matière de gestion du tourisme.

Toutefois, il semble que ce type de régénération semble moins prise en compte dans le processus de négociation de la régénération urbaine où les acteurs privés semblent avoir une place majeure dans les choix d’aménagement et dans l’articulation des politiques publiques.

Face à ces défits, on se demande dans quelle mesure la régénération art-led peut véritablement préserver les habitants et les communautés de leur éviction ? Et plus généralement, quel rôle peut avoir l’art dans les projets urbains ? Nous essaierons de répondre à ces questionnements par l’étude du cas de Kadeejeen.

Présentation du cas d’étude : le quartier Kadeejeen et des transformations urbaines affectant les liens communautaires.

Au début de la période Ratanakosin (la période qui va de 1782 à 1932), Kadeejeen était encore la zone commerciale de premier plan de la ville, ainsi qu'une zone résidentielle pour les hauts fonctionnaires et leurs serviteurs. Dans le passé le quartier n’était accessible que par la rivière et les canaux, et se composait d'un mélange de maisons et de marchés regroupés autour des lieux religieux, dont des temples, une église, un sanctuaire et une mosquée (KULSRISOMBAT, 2014).

Kadeejeen était reconnu comme l'un des quartiers d’expatriés de Bangkok et où la ville a eu des premiers contacts avec des technologies occidentales et ses connaissances. Cependant, pendant le règne du roi Rama V (entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle), la croissance de Kadeejeen ralentit lorsque Bangkok commence à croître vers l'est et que les hauts fonctionnaires du gouvernement vont s’installer dans cette partie de la ville.

En 1987, la BMA décide de protéger cette zone par une réglementation qui fixait les limites de la hauteur des bâtiments et à ses modifications ainsi qu’à l’usage du sol.

En 1991, la BMA a divisé le quartier en six communautés à des fins administratives. Chaque communauté possède un leader communautaire. Les limites

39 communautaires ont été définies en fonction des origines religieuses et culturelles existantes.

En 2009, afin de contrebalancer le déclin progressif et face à une urbanisation toujours plus violente, les six communautés se sont mobilisées autour de l'art pour améliorer la situation du quartier. Il semble que grâce à cette mobilisation, les habitants ont pu obtenir l’attention des institutions, des organisations et d’autres acteurs privés : ces trames d’acteurs ont coopéré autour de l’art et de la valorisation culturelle du quartier afin d’améliorer les conditions de vie des habitants (Id., 2014).

Ainsi, Kadeejeen fournit un exemple de participation des habitants à un projet urbain, grâce à l’utilisation d’un outil participatif efficient, l’art. ‘est donc cette hypothèse le long que cet essai tentera de confirmer.

Méthodologie de terrain

La littérature des études urbains est souvent focalisée sur des villes occidentales, ce qui l’impose souvent comme modèle d’analyse pour d’autres contextes. En étant européen dans une ville de l’Asie du sud Est, un travail de lecture préliminaire sur les études dites subalternes ou post-coloniales est essentiel pour déconstruire et s’éloigner d’une éventuelle perspective orientaliste de certains auteurs. La lecture des auteurs pionnier dans ces études tels que Said (1978, 1975), Spivack (1988) et Roy (2014), a accompagné la première phase de compréhension du terrain.

Afin de comprendre comment la régénération art-led a pris forme dans le quartier de Kadeejeen, nous avons utilisé deux types d’approches méthodologiques : l’un est une approche de recherche sociale classique et l’autre une approche de recherche participative.

Concernant les dispositifs d’enquête de recherche sociale classique, l’œuvre de Crang et Cook, Doing Ethnographies (2007), m’a particulièrement intéressé non seulement pour les conseils méthodologiques mais aussi pour ceux éthiques, qui m’ont paru fondamentaux pour une enquête basée sur la perspective des habitants. L’œuvre de Martin et Flowerdew, Methods in Human Geography (1997), m’a paru également importante pour les conseils sur l’approche participative dans le cadre des cartes

40 mentales. D’autres œuvres « mineures » ont été sujet d’attention, parmi lesquelles nous retrouvons l’article de Cornwal et Jawkes, What is participatory research ? (1995). L’approche de recherche participative (PAR) s’est révélée le plus pertinente dans le cadre de mes missions de stage. En accord avec Cornwal et Jawkes (1995), une approche de recherche participative (PAR), est utilisée pour développer des projets communautaires et met l'accent sur le rôle des habitants dans la définition de la recherche. Selon Cornwall et Jewkes : « La recherche participative se concentre sur un processus de réflexion et d'action séquentielle, ce qui est un résultat d’un travail avec et par les populations locales plutôt que sur eux » et « l'accent n'est pas mis sur les résultats, mais sur les processus » (CORNWALL ET JEWKES, 1995 : 1667).

J’ai fréquenté le terrain pendant trois mois et basé mon analyse sur cinq dispositifs différents : des entretiens directifs et semi-directifs, des parcours d’observations et de l’observation participante, de la cartographie, de la photo et des cartes mentales.

En ce qui concerne les entretiens, j’ai choisi de diviser les interviewés en « extérieurs » et « intérieurs » au quartier, plutôt qu’entre « habitants » et

« institutionnels ».8 Les entretiens ont dû tenir compte des limites de la langue et de la difficulté d’avoir accès aux habitants ne parlant pas l’anglais, et donc certains étaient accompagnés d’un traducteur. Pendant les entretiens, j’ai également informé les interviewés de leur droit de discrétion, et j’ai utilisé des noms fictifs. J’ai traité un total de huit entretiens directifs et semi-directifs, dont six personnes de « l’intérieur » et deux personnes de « l’extérieur ».

Pour ce qui concerne les observations, nous avons opéré un parcours d’observation afin de comprendre les habitudes des habitants, leur usage de l’espace et la localisation des activités économiques afin de comprendre si l’emplacement de l’art avait, en quelque manière, contribué à une amélioration spatiale du quartier. Ensuite, par la cartographie des activités sociales et économiques, j’ai pu comprendre comment les six communautés qui cohabitent en harmonie dans le même quartier, souffrent malgré elles d’inégalités spatiales.

8 Les habitants que nous avons interviewés font souvent une distinction entre les résidents dans le quartier comme personnes « interne » et les autres qui ne sont pas résidents comme « gens de l’extérieur ». Nous avons choisi de garder ces termes pour décrire les personnes qui rejoignent le quartier à des fins touristique, culturelles ou professionnelles, ainsi que les institutions.

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Afin de mieux comprendre les dynamiques de la régénération urbaine et ses effets, j’ai trouvé pertinent d’utiliser l’observation participante non seulement dans le terrain du quartier mais aussi pendant mon stage. J’ai recueilli des données par une prise de notes constantes tout en gardant deux cahiers : un cahier de terrain et un cahier de stage. En accord avec l’approche PAR, ces cahiers permet « d’enregistrer la façon dont la recherche évolue en terme de ce à quoi vous avez participé et ce que vous avez observé, jour après jour, et ce que vous avez compris ou mal compris au fur et à mesure » (MATIN ET FLOWERDEW, 1997 : 180).

Pendant les observations, j’ai utilisé la photo à la fois pour aider l’analyse et pour aider le chercheur.se et le lecteur.trice à avoir un rôle actif et à entrer dans le contexte culturel de la communauté. Sachant que les photos ne reflètent pas la réalité, et en accord avec Crang and Cook (2007), je suis quand même convaincue qu'elles jouent un rôle important car elles peuvent révéler des descriptions et des significations particulières, par exemple en révélant une forme de langage qui peut être interprétée en donnant les bons codes de représentation (Crang et Cook, 2007).

Toute au long de ces six mois, j’ai rencontré des difficultés dans le terrain d’étude, ce qui a comporté des limites méthodologiques.

Quand je suis entré sur le terrain, j’ai pu observer et comprendre les difficultés liées à l’espace comme les problèmes d’accessibilité et d’espaces publics. La morphologie urbaine de Bangkok est constituée par une absence d’espaces publics et par de petites rues. Le quartier de Kadejeejeen étant exclusivement communautaire, le sentiment était souvent d’être immergé dans des espaces privés, dans lesquels il est compliqué d’entrer. De nombreuses fois, les habitants m’ont demandé avec gentillesse de changer direction et d’aller dans des endroits fréquentés par les touristes. Dans d’autres parties du quartier, il s’est révélé presque impossible d’accéder à cause de barrières physiques. En outre, la forte chaleur pendant la saison sèche ne permettait pas un stationnement prolongé dans les espaces extérieurs, tout en réduisant la possibilité d’avoir des conversations moins formelles sur place. Le fait de ne pas parler la même langue s’est révélé un autre obstacle. Afin de dépasser ces limites et afin d’obtenir des entretiens plus « grassroots » (c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas engagés dans les projets urbains ni sont des acteurs locaux et ni portent avant une activité économique dans le quartier), j’ai décidé d’utiliser le dispositif de cartes mentales avec des jeunes du quartier. L’enjeux

42 des cartes mentales a été double : d’un côté nourrir l’étude de terrain et d’autre coté accomplir ma mission de stage. En accord avec Cornwall et Jewkes (1995), les cartes mentales sont des dispositifs « utilisés pour stimuler l'identification des problèmes et l'analyse par les populations locales [...] pour cartographier rapidement la stratification sociale sur la base de critères locaux et d'un recensement rapide » (CORNWALL ET JEWKES, 1995).

Dans la rédaction du texte, j’ai décidé d’utiliser, pour quelque mot, l’écriture inclusive que je croix importante pour souligner la présence des femmes dans l’écrit. Pour faciliter la lecture nous utilisons un point médian sur le nom pouvant être déclinés au masculin ou au féminin, comme le montre le terme étudiant.e.s. dans le texte.

A travers les histoires des habitants, les observations, l’analyse des cartes mentales et des photos, nous verrons comment la régénération urbaine art-led a pris forme à Kadeejeen et si elle a transformé les espaces des communautés qui y vivent.

Ainsi, le premier chapitre va analyser le débat théorique au tour de la notion de régénération urbaine art-led, tout en définissant ce que nous entendons quand on parle de pratiques artistiques dans un projet urbain. Une première question décrira les différences entre système asiatique et européennes de la régénération urbaine. Ensuite, nous allons montrer quelles évolutions historiques la régénération urbaine art-led a eu dans les deux contextes en montrant les similarités et les contradictions. Cette analyse historique sera nécessaire à la compréhension des enjeux théoriques de ces pratiques, tout en les illustrant du cas bangkokien. Enfin, nous finirons sur les tendances et les limites de la régénération art-led, afin de montrer comment les objectifs théoriques de l’art-led ne sont pas toujours atteints et que des forces externes peuvent affecter le processus de régénération.

Dans un deuxième chapitre, nous allons analyser plus spécifiquement la régénération urbaine à Bangkok et ses effets sociaux et spatiaux. Nous allons montrer les problèmes liés à cette régénération et pourquoi il se révèle nécessaire de parler de communauté. Dans un premier temps, en abordant la question de la gouvernance dans la régénération urbaine à Bangkok, thème très peu traité en Thaïlande ou à l’étranger. Dans un deuxième temps, nous allons montrer comment le panorama d’acteurs de la gouvernance est complété de forces plus informelles telles que les communautés. Par l’étude de terrain, nous allons montrer comment la communauté de Kadeejeen a réussi à contrer les effets de l’urbanisation et des intérêts privés. Nous allons conclure ce chapitre

43 en mettant l’accent sur l’importance de préserver ces communautés dans le contexte du « siècle urbain ».

Le troisième et dernier chapitre de l’essai veut analyser comment l’art agit dans un projet urbain et s’il peut être un outil efficace pour contraster les limites de l’urbanisation et de la régénération urbaine. Comment le projet urbain a agi au sein du quartier ? Comment les habitants ont-ils réussi à se mobiliser grâce à l’art et comment ils ont coopéré avec d’autres organisations pour la réussite de sa propre régénération ? Pour autant, en analysant le rôle de l’art sur les pratiques d’inclusion des habitants, nous verrons que ce n’est pas un outil faiseur de miracles mais que d’autres dispositifs complémentaires doivent être mis en place pour la bonne réussite d’un projet urbain.

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Chapitre I - Le rôle de l’art dans les projets de développement urbain

1.Une comparaison historique de l’émergence de la régénération urbaine culture-led en Asie et en Europe

Comme nous le verrons dans les pages suivantes, à partir des années 1980, l’art a été intégré dans les pratiques de régénération urbaine aussi bien en Asie qu’en Europe. L'art devient un moyen pour développer l'économie de la ville ou d’une région. Il peut être utilisé de différentes manières, par exemple en installant des structures ou des œuvres artistiques dans un quartier, en organisant des spectacles, en créant ou en améliorant un musée d'art contemporain, en invitant des artistes de renommée internationale à embellir la ville ou même en invitant des architectes célèbres à construire de grands bâtiments en style contemporain.

Les interventions publiques de ce type n’incluent pas seulement un aménagement physique du territoire mais aussi l’amélioration de la qualité de vie des habitants. Dans ce dernier aspect on peut également retrouver l’usage de la culture comme moyen pour les projets de développement urbain. Cette pratique est communément définie par la littérature anglo-saxonne par la notion de renouvellement urbain culture-led. McCarty et Leary (2013) montrent comment le renouvellement urbain culture-led inclus de nombreuses interventions publics à la fois en termes de production et de consommation de la culture. Le renouvellement urbain culture-led est devenu de plus en plus une pratique véhiculée par les gouvernements locaux et elle s’est également répandue à travers des activités ludiques comme le divertissement et le loisir. La culture peut également être véhiculée à des fins économiques, notamment pour le développement économique d’un territoire (LEARY ET MCCARTHY, 2013).

Ponzini et Rossi (2010), soulignent comment dans ce contexte, l’utilisation de la culture est à la fois gouvernementalisé, devenant un instrument privilégié des administrateurs locaux, et globalisé, en utilisant les mêmes pratiques standardisées dans le monde entier (PONZINI ET ROSSI, 2010 : 1037-1057). Certains auteurs comme

45

Couch et al., (2013), soulignent comment les grandes villes sont devenues similaires entre elles de ce point de vue (COUCH ET AL, 2013). En Asie, l’étude conduit par Yuen (2013) montre comment les principales méthodes de la régénération culture-led des principales villes incluent surtout la construction de grandes infrastructures, la transformation de zones industrielles désaffectées en quartiers culturels et de loisirs, l’usage du patrimoine sous forme d'événements culturels et de festivals et l'utilisation des ressources culturelles du passé pour développer le tourisme (YUEN, 2013 : 127 – 137).

Il semble que les différences saillantes entre les villes occidentales et asiatiques soient la stratégie de valorisation du patrimoine déjà existant. Contrairement aux villes occidentales, les villes asiatiques ne tenteraient pas de créer un nouveau style de vie urbain mais plutôt de focaliser les stratégies sur la mise en valeur de la culture locale.

1.1.Faire revivre les villes en déclin en Europe : « Capitale européenne de la culture » et « la politique de la ville »

À partir des années 70 et 80 la culture est incluse dans les agendas urbains, notamment dans les grandes villes d’Amérique du Nord et d’Europe. En effet, cette époque qui est représentée par la crise du système de production fordiste et des théories keynésiennes, contribue à rendre les politiques culturelles protagonistes des programmes de régénération urbaine. Il s’agit pour les politiques culturelles de contribuer à la transformation des villes en passant du modèle spatial industriel à une ville contribuant à une économie de services. Les shrinking cities européennes encadrent leurs stratégies de développement économique dans des politiques culturelles qui avaient le but d’améliorer l’image de l’extérieur pour faire revivre certains espaces considérés comme dégradés (PONZINI ET ROSSI, 2010, GARCIA, 2004).

La promotion du projet Ville européenne de la culture remonte à 1983 dans le but de célébrer la culture européenne et de renforcer le sens d’appartenance à la communauté des États membres. Si dans un premier temps, les premières villes à gagner le titre étaient celles qui s’étaient déjà affirmées sur la scène internationale européenne comme Athènes, Florence, Amsterdam, Berlin et Paris, dans un deuxième temps le programme change sa propre stratégie. La priorité devient de faire revivre des villes considérées en déclin

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économique, notamment des villes marquées par la désindustrialisation. Le cas le plus connu est celui de Glasgow qui fut ainsi pionnière de cette stratégie (op.cit. 2004).

À l’époque, Glasgow n’avait aucune réputation culturelle et artistique, elle était une ville en déclin économique et avec un taux de chômage élevé. Le programme était l'occasion pour la ville écossaise d’accélérer sa propre régénération urbaine. La régénération était opérée en coopération avec des partenaires privés avec des investissements de 43 M £ dans de nouvelles infrastructures culturelles. Ainsi, la culture a été utilisée dans un large éventail : non seulement des manifestations artistiques, mais aussi d’autres éléments reflétant une supposé identité de Glasgow, tels que le design, l'ingénierie, l'architecture, la construction navale, la religion et le sport. Le projet Capitale Européenne de la culture s’est révélé un levier pour Glasgow pour renouveler son contexte urbain et pour son propre développement économique. La stratégie eu un tel succès que Glasgow est devenu un modèle pour d’autres villes européennes et le projet de capitale européenne de la culture est devenu de plus en plus une possibilité attrayante de régénérer la structure physique, économique et sociale du tissu urbain (Id. 2004).

L’idée de faire revivre des villes en déclin se manifeste également dans le cadre de quartiers qui souffrent de problèmes sociaux et économiques. Cette stratégie a été lancée en France dans les années 80 et s’inscrit dans des politiques publiques nationales visant à résoudre des problèmes de la banlieue, perçus comme des lieux dégradés et monotones. Dans les années 70 les écarts sociaux entre le centre-ville et les banlieues étaient importants et ils se manifestaient par des émeutes sociales partout en France (LAURENT D., 2013). Dans ce contexte, l’Etat mise en place des politiques publics dans le but de résoudre ces problèmes sociaux (Ibid.); parmi ces politiques on retrouve la politique de la ville, les Grands Projets et l’organisation de nombreux festivals nationaux comme la fête de la musique. Les problèmes qui affectaient les banlieues étaient devenu un thème récurrent dans les débats publics. Des architectes français inspirés des théories de Henri Lefebvre et par les mouvements de mai 68 demandèrent une amélioration de la condition des banlieues, en critiquant durement la logique des grands ensembles qui, au fil des années, avaient été abandonnés par les politiques nationales (Ibid.). Des stratégies comme « Banlieue 89 », visaient donc à donner de la visibilité à certaines questions urbaines et à positionner la culture comme un médiateur entre les quartiers et le Programme de Développement des Quartiers (DSQ), principal bailleur de fonds de grands

47 projets de régénération urbaine dans les quartiers (FRANCE CULTURE, 2012). Dans une interview à la chaîne de radio France Culture, l’historien Thibault Tellier, déclare que la mission Banlieues 89 avait contribué à donner aux questions urbaines une grande visibilité au niveau national au point que les pratiques de régénération urbaine culture- led se sont répandues dans toutes les villes de France, en devenant l’outil privilégié de la plupart des municipalités (Ibid.).

1.2.Urbanisation et modernisation en Asie : la valorisation du capital culturel comme stratégie pour atténuer les effets de l’urbanisation

La rapide urbanisation des villes asiatiques n’a pas seulement affecté les zones urbaines au détriment des zones rurales, mais elle a aussi radicalement changé la morphologie des villes asiatiques à une vitesse sans précédent. Face à cette rapide urbanisation, les politiques publiques de développement urbain ont souvent négligé les centres urbains historiques (YUEN, 2013). Nous retrouvons d’ailleurs dans les principales villes asiatiques un phénomène analogue. Ainsi les bâtiments historiques ont été démolis au profit de la construction de nouvelles routes et de gratte-ciels (Ibid.).

À Bangkok, l’époque dite de la « modernisation » 9 commence avec la période de Rama V, entre 1868 et 1910. Durant cette époque, plus d’une centaine de routes ont été construites autour de la ville qui avait également commencé à s’élargir. Tout au long du

XXe siècle, des changements importants ont eu lieu au niveau local : des entreprises routières ont remplacé des marchés flottants, des grands bâtiments et l’usage de la voiture caractérisaient le processus de développement urbain. Cette phase a transformé l’image de Bangkok : de « Venise de l’Orient » à une société de route. Ce processus a aussi mené la démolition massive du bâti dégradé (ELLSMORE ET HUABCHAROEN, 2017 :519).

Au début du XXIe siècle, face aux démolitions massives, la société bangkokienne s’aperçoit de la valeur ajoutée de l’ancien bâti et du patrimoine culturel : les universitaires ont commencé à s’intéresser à de nombreux quartiers de Bangkok et d’autres organisations ont commencé à s’occuper pour la première fois de la valeur architecturale et communautaire de la ville. Ellsmore et Huabcharoen (2017) décrivent ces vingt années comme la période « innovante » de la Thaïlande qui, grâce à l’exploitation de son capital

9 Un terme repris par l’étude de Huabcharoen et Ellsmore, 2017, p. 519

48 culturel, a pu sortir de la crise économique de 1997 (Ibid.). En 2004, le gouvernement crée ainsi des organismes culturels en charge du développement économique culture-led. Parmi ces organismes, on retrouve l’OKMD (Office of Knowledge Management and Development), le TCDC (Thailand Creative and Design Center), et le NDMI (National Discover Museum Institute) (op.cit. 2017). D’autres pays en Asie ont inclus la culture dans leurs agendas politiques. Par exemple, en 1982, la Chine a promulgué la loi de la République Populaire de Chine sur la Protection des Vestiges Culturels, afin de renforcer la protection et l’aménagement des sites de vestiges culturels, des villes et villages anciens. À la fin des années 1980, Singapour a ajouté la conservation du patrimoine dans la planification urbaine, notamment dans le Planning Act du 1989.

Selon Yuen (2013) les principales stratégies de la régénération culture-led en Asie, incluent surtout la construction de grandes infrastructures, la transformation de zones industrielles désaffectées en quartiers culturels et de loisirs, l’usage du patrimoine sous forme d'événements culturels et de festivals, et l'utilisation des ressources culturelles historiques pour développer le tourisme (Ibid.).

Que soit en Asie ou en Europe, nous pouvons résumer les principales stratégies du culture-led en quelques points saillants :

• Des immeubles et espaces culturels emblématiques : plusieurs grandes villes ont choisi d'investir dans des grands projets culturels, fréquemment conçus par des architectes de renommée internationale pour stimuler le développement d’une ville ou d’un quartier. Les exemples incluent Bilbao en Espagne (musée Guggenheim conçu par Frank Gehry) et Sydney en Australie (opéra, conçu par Jørn Utzon), Kuala Lumpur en Malaisie (Petronas Tower, 1998, conçues par l’architecte argentin Cesar Pelli, l’un des plus hauts bâtiments du monde); Singapour (The Esplanade, 2002, conçue par DP Architects) ; Beijing (Centre National de Arts Performatives, 2007, conçue par l'architecte français Paul Andrew) et Shanghai en Chine (La Perle de l’Orient, 1994, conçus par Shanghai Modern Architectural Design Co Ltd). • Valorisation du patrimoine et aménagements des quais : cette stratégie concerne aussi bien les villes moyennes et que les grandes villes comme Malacca en

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Malaisie ; Chengdu, Shanghai et Tianjin en Chine; et Singapour. Elles ont lancé des programmes de conservation visant à revitaliser les quartiers anciens, à renforcer le sentiment d'appartenance et à stimuler le tourisme. Les espaces en bord du fleuve ainsi que les immeubles industriels abandonnés sont réutilisés en tant que lieux de culture et de loisirs. Des quartiers entiers se sont transformés, comprenant souvent des galeries d'art d'avant-garde, des restaurants et des centres commerciaux et comprenant une dynamique de night economy. Les exemples incluent M50 à Shanghai (un ancien entrepôt transformé en galeries / ateliers de peinture-sculpture); East Chengdu Music Park (ancien complexe industriel de tubes électriques de 170 000 m²) et Wide and Narrow Lanes (architecture historique de la dynastie Qing) à Chengdu, Chine; Rivière Malacca à Malacca, en Malaisie; et Singapore River à Singapour; • Industries créatives : un nombre croissant de villes asiatiques telles que Beijing, Chengdu, Shanghai et Hong Kong, la RAS chinoise, Mumbai, Inde et Singapour encouragent la croissance de nouvelles industries autour de la culture, notamment des industries de la mode, du cinéma et des médias. Dans son étude Yuen affirme que Singapour a maintenant la plus grande part de classe créative (47,3%) au monde. La Corée du Sud a créé la Korea Creative Content Agency et la Korea Culture and Arts Foundation pour diriger son économie créative ; la Thaïlande a lancé « Creative Thailand » et la Thaïlande Creative Economy Agency en 2009 (op.cit. 2013).

Comme on peut le constater dans l’évolution de la régénération urbaine culture-led, par un processus dit de « modernisation », des villes asiatiques comme Bangkok ont redécouvert leur patrimoine et ont intégré les politiques de conservation de la culture et du patrimoine dans leurs stratégies de régénération urbaine afin de réduire les effets négatifs de l’urbanisation (Ibid.). La régénération culture-led s’articule dans un contexte de grande transformation urbaine. De plus, Bangkok comme d’autres villes encadrent la valorisation du patrimoine dans le cadre de l’économie créative en constituant des organisations dans ce domaine et en nourrissant l’émergence d’une nouvelle classe créative.

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1.3.Culture-led en Asie et en Europe : le modèle de ville créative comme modèle dominante

Dans le contexte d’émergence de la régénération urbaine culture-led, de nombreuses villes ont suivi, plus ou moins inconsciemment et plus ou moins fidèlement, la théorie de la classe créative de Richard Florida, et tentent de devenir des villes créatives afin d'attirer des touristes, des investisseurs et des nouveaux habitants plus riches.

À Bangkok, une nouvelle classe de technocrates, à la fois dans l’art et la science, ont été assignés pour développer et promouvoir la connaissance, la créativité et les compétences artistiques de la société thaïlandaise (op.cit. 2017). Des expositions interactives, de design et des espaces de co-working ont été ouverts au grand public (Ibid.). Il semblerait que la ville concentre ses ressources dans le domaine de l’économie créative et dans la promotion des acteurs concernés.

Les principaux acteurs de l’économie créative à Bangkok sont le TCDC (Thailand Creative and Design Center) et la BAB (Bangkok Art Biennale) :

Le TCDC est une organisation investie principalement dans la promotion de l’industrie créative et dans le développement du secteur du design. Son siège est situé dans l’ancien office de poste de Bangkok et il offre un espace de co-working où il est aussi possible d’utiliser gratuitement du matériel pour le design et une imprimante 3D. Le TCDC organise également un festival dédié au design, la Bangkok Design Week. Ainsi, il essaye de se positionner comme un acteur de développement économique local et national. En effet, les partenaires du TCDC sont moins des acteurs du monde de l’art que des acteurs du tourisme, des institutions financières, du secteur de services et de grandes entreprises. Sur le site officiel de l’organisme, nous pouvons lire la citation suivante que nous éclaire sur son positionnement :

« La Bangkok Design Week va transformer l'industrie créative de la Thaïlande en une puissance de premier plan dans la conduite de la croissance économique, à la fois nationale et internationale, et de promouvoir une concurrence positive et un développement durable dans l'industrie créative, qui contribuera directement à la croissance économique nationale » (BANGKOK DESIGN WEEK, non date)

51

La BAB est quant à elle gérée par la fondation Bangkok Biennale et elle est financée par des investisseurs à travers des dons à ladite fondation. Ils agissent à l’échelle de toute la ville, et ils ont organisé leur premier festival en 2018, qui a eu une grande résonance localement, avec le thème « Beyon Bliss ». Le festival inclut des artistes internationaux et thaïlandais très connus. Parmi les objectifs de la fondation, il y a la volonté de faire revivre des espaces dégradés de Bangkok à travers l’art comme moyen d’attraction touristique et de loisir :

« Revitaliser et enrichir les zones de Bangkok avec des parcours artistiques et des boucles d'art pour les activités de loisirs et les attractions touristiques » (Bangkok Art Biennale, 2017).

Selon Yuen (2013), cette notion de ville créative est commune aux plus grandes villes du monde, d’où l’idée que les technologies, la créativité, le capital humain et la capacité d’innovation sont les moyens centraux du développement économique. En Asie comme en Europe, le modèle de la ville créative est conçu comme levier pour la création d’emploi et pour le développement de quartiers considérés comme dégradés. Le rôle de l’industrie créative est fortement encouragé car il permettrait de localiser un certain nombre d’activités économiques, notamment l’artisanat, le tourisme culturel, la nourriture, la médecine traditionnelle, les arts performatifs et visuels, le cinéma, la musique et les publications littéraires. En outre, les industries créatives ont aussi le mérite de créer un « écosystème créatif » permettant la prolifération d’initiatives à caractère marchands, comme des cafés, des hôtels et d’autres loisirs adressés à une classe créative très mobile. Le développement attendu par les transformations physiques est aussi attendu par des transformations de la société, où de nouvelles significations et identités sociales peuvent se développent par l’évolution des activités économiques et l’innovation technologique (Id.).

2. La régénération urbaine art-led et les enjeux sociaux et économiques dans les projets artistiques urbaines

Comme on l’a vu précédemment, la régénération urbaine culture-led est une des pratiques les plus utilisés par les villes du monde entier. L’art et l’être créatif s’inscrivent

52 dans des stratégies qui transforment l’espace et dans ce que nous pouvons plus spécifiquement appeler la régénération urbaine art-led.

À Bangkok, depuis les années 2000, de nouvelles initiatives artistiques ont commencé à se mettre en place. Le Centre d’Art et de la Culture de Bangkok, établi en 2008, valorise les artistes et les exhibitions d’art ; Le festival de street art « Buk Ruk », qui valorise la culture des graffitis, a été organisé en 2013 à , un quartier hippy et fréquenté par les étudiants de la Chulalongkorn University. Ce projet a eu des effets sur le quartier, notamment à côté de la MRT10 Ratchatewi, une zone considérée comme dégradée. Dans les années suivantes, le festival a investi les murs d’un parc public, le « Charlem » (HUABCHAROEN ET ELLSMORE, 2017). (voir photo 14)

Photo 1

Charlem Park in Bangkok (ASTON, 2017)

Hall et Robertson (2001), indiquent que ce type de pratiques utilisant des artistes internationaux comme stratégie de développement urbain, révèle d’autres aspects. Selon les auteurs, le recours aux artistes est un moyen d’attirer des investisseurs et des touristes nationaux et internationaux. Dans ce cas, les villes se font compétition dans la tentative d’accumuler ces ressources (HALL ET ROBERTSON, 2001).

Il y a d’autres pratiques dans lesquelles les projets artistiques sont inscrits en milieu urbain : ce que Hall et Robertson définissent comme pratiques community-based, plus sensibles aux besoins locaux. Dans ce cas, l’art est utilisé à la fois pour embellir les espaces d’un quartier et valoriser les traditions culturelles de la communauté. Les acteurs impliqués peuvent faire partie du secteur public, du secteur associatif et de l'activisme

10 Nom du metro à Bangkok

53 local (op.cit.2001). Des initiatives de ce genre se retrouvent dans le district de Thonburi, notamment dans les deux quartiers de Kadeejeen et de Khlongsan (c.f. rapport de stage). Ici, de nombreuses organisations se sont mobilisées pour protéger le patrimoine culturel et architectural de ces espaces. Dans notre étude sur Kadeejeen, nous avons eu la possibilité de remarquer comment dans Kadeejeen, les murs peints figurent souvent des membres de la communauté dans leurs activités quotidiennes : sur la photo 15 ci-dessous, nous pouvons voir que la femme est la même qui apparait sur le mur peint.

Photo 2

Murs peint à Kadeejeen figurant la même femme en photo (Avveduto, 2019)

Comme le montrent les initiatives artistiques à Bangkok et en accord avec Hall et

Robertson, il semble que les pratiques qui font appel aux artistes blue chip11 agissent dans un contexte de développement économique ; au contraire, les pratiques plus axées sur les communautés agissent dans un contexte de développement social. L’enjeu est de comprendre comment ces deux enjeux peuvent s’articuler dans un processus de régénération urbaine.

2.1.L’art comme outil social : l’art public et les pratiques community-based

11 Dans la littérature des études urbains, les artistes blue chip sont des artistes célèbres dont le produit artistique est sujet à une œuvre de marchandisation avec un prix important (Artspace, non daté). La street art aussi est passé d’un produit artistique de contestation à un produit marchand et socialement toléré. Pour approfondir voir le documentaire « Exit Through the Gift Shop », un film-documentaire de l’artiste Banksy.

54

L'importance sociale de l'art a longtemps été évoqué tant dans la littérature que dans les agendas des politiques urbaines. L’idée commune est que l’art en milieu urbain stimulerait la cohésion et l'intégration sociale ainsi que la croissance de la communauté.

Dans le passé, d’autres institutions en Europe ont souligné ce rôle social.

En 1988 en Grande-Bretagne, le Action for Cities Programme incluait l'art comme un outil important dans les pratiques de régénération urbaine, en donnant la priorité notamment aux problèmes sociaux et économiques, tels que le chômage et l’aliénation des individus face aux réalités urbaines (HALL ET ROBERTSON, 2001). En outre, la conviction était que, en utilisant l'art, les administrateurs publics pouvaient contribuer à atteindre d’autre objectifs sociaux, comme arriver à mieux comprendre les besoins des communautés, à réduire l’exclusion sociale et à nourrir une culture civique au sein des territoires (op.cit. 2001).

En 1994, une étude menée par le Policy Studies Institute, un think-tank britannique, expliquait comment l’art pouvait déclencher un véritable effet de ruissellement : l'idée était que l'art apportait une valeur ajoutée au territoire, rendant les villes plus attrayantes pour les entreprises, pour les investisseurs et pour les touristes ; enfin, tout cela aurait généré des emplois. En outre, selon le Policy Studies Institute, la présence de l'art dans un espace urbain amènerait les habitants et les décideurs politiques à accorder plus d’attention aux espaces urbains, notamment par la réduction d’acte de vandalisme et par une réhabilitation constante des bâtiments, tout en évitant leur usure (Id. 2001).

Dans son étude, Kay (2000) donne de nombreux arguments en faveur de l'utilisation de l'art dans la régénération urbaine pour des fins sociales, appelée « régénération urbaine community-based ». Parmi les arguments de l’auteur, on retrouve : • L’art contribuerait de façon importante au développement personnel, en améliorant la confiance en soi, la capacité et les motivations de porter des projets collectifs ; • L’art accompagne le développement social car les participants au projet peuvent créer des liens amicaux et découvrir des nouveaux intérêts ; • L’art améliore l’image locale car la population vit positivement son espace ;

55

Kay (2000) s'intéresse aux relations entre inclusion et art, en particulier à l'importance de l'inclusion sociale dans les projets de régénération, car elle favorise le sentiment d'appartenance au lieu et la construction de l'identité de la communauté. Le terme pour identifier ce type d'art est celui de « l'art public » : l'art dans les espaces public et à des fins sociales. Tornaghi (2007) parle de « new genre public art » (le nouveau genre de public art) pour indiquer comment l’art est utilisé par les acteurs locaux pour stimuler la participation des citoyens des territoires urbains (TORNAGHI, 2007).

Au cours des années 1990, de nombreux auteurs ont mis l’accent sur le rôle de l'art dans les projets de régénération urbaine community-based avec l'idée commune que l’art public pourrait non seulement nourrir le développement social d’un territoire, mais également la croissance personnelle des individus : « [...] la participation individuelle et communautaire dans les arts peut accroitre la confiance en soi et l'identité et [il a été estimé] que souvent, l'interaction sociale qui découle par une implication effective dans les programmes artistiques peut ajouter de grandes choses au développement social au sein des communautés» (op.cit., 2000 p. 4).

2.2.Les enjeux socio-économiques des projets artistiques participatifs

Les auteurs évoqués dans les paragraphes précédents montrent l’importance de canaliser les projets artistiques de renouvellement urbain pour atteindre des objectifs sociaux. La logique communautaire des projets urbains n’exclut pas nécessairement la logique économique.

Des promoteurs de l’art public, tant académiques que politiques, soulignent souvent le rôle de l’art en tant que générateur d’avantages socio-économiques (SHARP et al., 2005).

C’est le cas des projets artistiques participatifs. En fait, certains projets urbains travaillent sur l’empowerment des individus, notamment sur la possibilité de donner des outils afin qu'ils puissent rejoindre collectivement des objectifs sociaux et économiques et être eux-mêmes les décideurs de leur propre avenir (op. cit. 2000). Cette capacité est

56 soulignée par différentes théories et par différentes expériences à la fois académiques et politiques. En Australie, le Conseil australien des arts, examinait les avantages sociaux, éducatifs, artistiques et économiques à long terme de projets artistiques participatifs et il a révélé comment de tels projets avaient créé un sentiment d’ouverture entre différentes cultures, une capacité importante de leadership ainsi qu’un fort sens d'identité communautaire (Id., 2000). Dans ce cas, l'art donne une valeur ajoutée aux projets urbains, notamment parce qu’il permet aux habitants d’être partie prenante et ainsi d’être plus actifs dans le développement de leurs propres territoires.

3. Les tendances et les limites de la régénération art-led : l’instrumentalisation des projets artistiques en faveurs des intérêts économiques et des choix politiques de marginalisation des classes populaires

« Quand nous utilisons l’art ce n’est pas l’art pour l’art »12

Reprenant la célèbre expression de Oscar Wild, Niramon Kulsrisombat, la directrice de l’Uddc, explique comment l’usage de l’art dans un projet urbain n’est pas fait pour l’art en soi, c’est à dire l’art en tant « que produit d’un génie créateur » (CRIVELLO ET SALONE, 2013), mais plutôt pour atteindre des buts politiques, sociaux et économiques. Elle affirme que « c’est n’est pas l’art de Michelangelo, c’est l’art du sanook13, c’est l’art de la communauté ».14

On peut en déduire que l’utilisation de l’art public n’est pas une action politiquement neutre. Or, quand les projets urbains sont faits de manière autoritaire et « par le haut », l’élément artistique peut être perçu comme imposé à la communauté qui vit l’espace concerné (KAY, 2000). C’est le cas des espaces iconiques, un thème repris par Crivello et Salone (2013), dans lequel l’élément artistique est utilisé sans prendre en compte les traditions locales des habitants qui vivent l’espace. Celui-ci peut alors être

12 Réunion avec Niramon Kulsrisombat, directrice de l’Uddc et organisatrice du festival Art in soi, le 30 mai 2019 13 Terme thailandais qui signifie “joie”. 14 Réunion avec Niramon Kulrisombat, le 30 mai 2019

57 perçu comme « l’espace autre », l’« hétérotopie », pour reprendre la célèbre notion de Foucault (FOUCAULT, 1984).

3.1.La marginalisation de certains groupes sociaux

De plus, quand l’art est utilisé de manière autoritaire, cela peut engendrer de problèmes sociaux. Par exemple, le projet artistique du Festival Buk Ruk à Bangkok se trouve dans un quartier qui est sujet au renouvellement urbain. Depuis 2016, la BMA en coopération avec la Chulalongkorn University, est en train d’aménager Siam Square pour en faire le nouveau quartier innovant de Bangkok. Le quartier a été renommé « Siam Innovation District » (SIM) et l’intention est d’en faire un centre d’éducation universitaire, du secteur industriel et d’un centre d’incubation pour des startups (CHULA, non daté). Le renouvellement urbain de Siam Square a provoqué l’éviction des vendeurs de rue.15 En effet, en 2016, la BMA a ordonné l’éviction des vendeurs de rues autour de Siam Square et de Ratchadamr. L’ordonnance fait partie d’un plan de renouvellement urbain plus large où la principale mission de la BMA est de revendiquer des espaces publics dans la ville 16 . Le plan de renouvellement urbain a été également encouragé par le gouvernement militaire thaïlandais dans le but de maintenir l’ordre social (WOTTON, 2016). Le cas de Siam Square à Bangkok semble s’inscrire dans une stratégie d’exclusion des plus pauvres que Lela Fernandes dans son étude décrit comme la « politics of forgeting » (politique de l’oubli) (FERNANDES L. 2004). Elle prend en exemple toutes ces politiques qui produisent l’exclusion de certains groupes sociaux dans les espaces urbains. Fernandez montre que de telles politiques produisent une configuration spatiale des inégalités de classe : “les deux groupes de la classe moyenne et l'État s'engagent dans une politique d'oubli qui déplace les pauvres et les classes populaires de ces espaces. Le résultat est la production d'une forme d'exclusion de la citoyenneté culturelle qui est, à son tour, contestée par ces groupes socio-économiques marginalisés” (Id., p. 2415).

15 Il semble nécessaire de souligner que les vendeurs de rues sont partout à Bangkok, ils font partie de la culture du street food thaïlandaise, une culture très populaire dans le monde entier. 16 Afin d’occuper un espace, un vendeur de rue achète l’espace à la municipalité, qui décide seule de la fin de la location.

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Les inégalités de classe sont reproduites aussi à travers un type de régénération urbaine culture-led et hyperconsumériste 17 qui prévoit la promotion des nouveaux restaurants, centres commerciaux et cinéma – théâtres. En effet, à Siam sont concentrés aussi les plus importants centres commerciaux de Bangkok, comme ,18 le centre commercial le plus grand d’Asie. Dans ce contexte, les inégalités se reproduisent lorsque les nouvelles structures deviennent inaccessibles à certains groupes sociaux, par exemple le Siam Paragon est un centre commercial de luxe avec des marques de renommée international tel que Dolce et Gabbana, Prada etc. Selon Fernandez, ce type de régénération urbaine culture-led produit une reconfiguration spatiale du tissu social de la ville, tout en corroborant des inégalités socio-spatiales (Ibid.).

3.2.L’exclusion des populations les plus pauvres

Dans les villes contemporaines, un phénomène fréquent est celui de la gentrification conséquence des stratégies de régénération d’un quartier ainsi que dans les politiques qui veulent promouvoir l’économie créative. Le district de Bangrak à a été récemment nommé comme le quartier créatif de Bangkok (BANGKOK RIVER, non daté). Dans la rue Charoenkrung, l’ancien bâtiment de la poste a été rénové pour devenir le siège de la TCDC. Le projet ne consiste pas seulement à réhabiliter le bâtiment historique, mais également à transformer le quartier en district créatif (HUABCHAROEN ET ELLSMORE, 2017). Des nouveaux cafés, des nouveaux bars et une nouvelle classe créative s’est installé dans le quartier. Jamie Peck souligne que la conséquence de l’arrivée de la classe créative dans un quartier produit des effets de gentrification (PECK, 2005). Il identifie la gentrification quand une nouvelle classe plus riche s’installe dans un quartier et contribue à l’augmentation des loyers et de la vie en générale. Dans un tel contexte, les anciens habitants, en particulier les plus pauvres, sont forcés d’abandonner leurs foyers pour déménager dans d’autres zones plus abordables (Id., 2005). Un autre aspect, souligné par Rossi et Vanolo (2012), indique que le discours politique autour de

17 Un terme répris par Eugenie Mérieu (2018) pour décrire le type de développement urbain opéré à Bangkok qui est caractérisé par une forte tendance à des pratiques marchandes de consommation et qui est adressé à une nouvelle classe moyenne. 18 Selon des critères basés sur la grandeur de la surface, Siam Paragon est considéré également comme le centre commercial le plus grand du monde. Il comprend un total de 250 magasins, inclus des restaurants ainsi qu'un cinéma multiplexe, l'aquarium Siam Ocean World, la Thai Art Gallery et une salle de concert d'opéra. Il dispose également d'un grand bowling et d'un centre de karaoké (TOUROPIA, 2017 , BANGKOK.COM, non daté)

59 la ville créative et la promotion de ces projets, légitiment les intérêts des élites économiques et politiques au détriment des intérêts du reste de la population : « […] fournir aux élites politico-économiques urbaines une puissante justification discursive pour les stratégies d'accumulation déjà existantes s'appuyant sur des sources de créativité et d'inventivité existant au sein des sociétés urbaines au-delà des limites de l'entreprise capitaliste »(id., p. 379).

Dans ce cas, le processus de renouvellement de la ville peut produire des divisions sociales. Ce problème fait ressortir la question suivante : à qui sont adressés les projets artistiques ? Quels intérêts dominent ? Dans ce contexte, l’art public plutôt que progressif et inclusif peut devenir la cause de forts conflits, où des groupes sont exclus par les pratiques de régénération.

De nombreuses études en Asie et en Europe, soulignent que cette tendance a été alimentée par la création de partenariats public-privé, donnant lieu à un type de gouvernance entrepreneuriale. Cet aspect sera plus approfondi dans le prochain chapitre.

Il semble donc nécessaire de s’interroger sur l’usage plus ou moins politique de l’art. Les activités artistiques et culturels semblent de plus en plus être « gouvernamentalisés » par des acteurs politiques ou instrumentalisés par les acteurs économiques. Typiquement, le risque est que les objectifs atteints par un outil artistique, comme la cohésion et l’inclusion sociale, sont détournés à cause d’effets de path- dependence,19 ou de la manière dont les relations entre les acteurs et la mise en œuvre de la régénération urbaine prennent forme et finissent par changer les règles du jeu (BERNT, 2009 : 754 – 769).

Par ces expériences, on comprend qu’on ne peut pas penser le renouvellement urbain sans prendre en compte les dimensions sociales et culturelles propres à chaque lieu et que les habitants ont une position centrale dans la conception du projet urbain. Et comme nous l’avons constaté, des auteurs encouragent le recours aux projets artistiques afin d’assurer cette participation citoyenne au sein des stratégies de renouvellement

19 path-dependence (dépendance de chemin) est un concept qui décrit comment de petits événements passés peuvent avoir des conséquences importantes dans des temps présents et qui ont le pouvoir de changer l’action économique ou sociale (TRECCANI, 2012).

60 urbain. Dans les chapitres suivants, nous allons voir dans quelle mesure les projets artistiques participatifs peuvent apporter des éléments positifs dans le renouvellement urbain du quartier de Kadeejeen.

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Chapitre II - La régénération urbaine à Bangkok : entre privatisation de l’espace et auto-organisation des communautés

1.Repenser le débat des études urbaines : entre néo-libéralisme et développementalisme des politiques urbaines en Asie de l’Est

1.1 Le modèle occidental de la ville créative

Comme nous l’avons observé dans le chapitre précédent, des études montrent que le modèle de la ville créative s’est globalisé, en devenant un exemple à suivre pour les villes d’Europe, d’Asie et des Etats Unis (PONZINI ET ROSSI, 2010). En examinant l'émergence de la ville créative dans différents contextes historiques et politiques, les auteurs voient son développement, non pas basé sur des processus de décision politique neutres, mais plutôt sur une logique politique basée sur l’idéologie du néolibéralisme. Ils affirment notamment qu’avec la crise de l’état social, le gouvernement local a commencé à se comporter comme une entreprise, en passant d’un modèle de gouvernance managériale à entrepreneuriale. En l’absence de fonds publics nationaux, les gouvernements locaux ont dû chercher des investissements auprès d’acteurs privées, ayant recours à des partenariats publics-privées pour la fabrique urbaine de villes contemporaines (ROSSI ET VANOLO, 2012).

Harvey (2008) explore pourquoi ce discours de la ville créative est devenu si répandu aux niveaux mondial et local. Il montre que les logiques politiques du néolibéralisme dominent la scène des politiques territoriales afin de créer un contexte favorable pour les investissements du capital et pour renforcer les pouvoir des stakeholders (parties prenants). Dans ce contexte, le consumérisme, le tourisme, les industries culturelles et du savoir deviennent tous des secteurs qui dominent l'économie politique urbaine (HARVEY, 2008).

1.2 Le modèle plus mixte des villes asiatiques

Cependant, d’autres auteurs refusent l’idée d’adapter des dynamiques du mouvement néolibéral dans l’articulation des politiques urbaines asiatiques. Des auteurs

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(STORPER ET SCOTT, 2016, ROY, 2014) soulignent le manque de sensibilités des études urbaines dans la question asiatique et, dans cette littérature, des villes libérales anglo-américaines comme New York et Londres ont tendance à être surreprésentées en tant que « centres du monde » et prototypes de « villes mondiales » (KIM 2015 : 318).

Les villes d’Asie sont caractérisées par une tradition dans lequel le développement de l’état national est la priorité absolue des politiques économiques. Les aspects principaux sont le contrôle étatique et un type de gouvernance qui tend à réduire la concurrence entre les entreprises et à concentrer les ressources nationales dans certains industries stratégiques afin d’encourager une croissance économique au niveau national.

Cependant, la dichotomie néo-libéralisme – développementalisme devient plus flou quand nous analysons les expériences locales, surtout parce que dans les dernières années de villes asiatiques ont adopté un type de gouvernance entrepreneuriale. À cet égard, Kim montre que les deux logiques d’État se combinent formant des modèles multiples de « post-développementalismes » ou « néolibéral-développementalismes » (Id., p. 327).

Hill (2007) (cité in KIM, 2015) compare les niveaux d'ouverture des marchés et de planification étatique de ces deux dimensions. Il note trois types de pays d'Asie de l'Est : l'État néo-développemental, l'État intermédiaire et l'État post-développemental (voir tableau 1 page suivante).

En suivant le concept de « néolibéralisme réellement existant » de Brenner et Theodore (2002) qui mettent en évidence l'enracinement contextuel du néolibéralisme, nous suggérons l’importance de regarder les contextes locaux de manière singulière, c’est-à- dire que chaque contexte géographique à son propre modèle et sa propre manière d’articuler les politiques publiques urbaines. Nous suggérons également d’appliquer cette grille d’analyse dans la lecture de ce chapitre qui va traiter de la gouvernance urbaine à Bangkok et de sa régénération urbaine.

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Tableau 1 Ouverture du Planification Modèle d’état marché étatique

Thaïlande Élevée Faible État néo- développemental

Corée Moyenne Moyenne État intermédiaire

Taiwan Moyenne Moyenne État intermédiaire

Japon Élevée Élevée État post- développemental

Caractéristiques du modèle étatique en Asie de l’Est (Avveduto, 2019)

Comme nous le verrons, la gouvernance urbaine dans la régénération urbaine à Bangkok se caractérise par une multitude d’aspects :

• Un fort pouvoir national représenté par la junte militaire, • Un pouvoir effectif sur les politiques urbaines représenté par l’Autorité Métropolitaine de Bangkok (BMA), • Un pouvoir de négociation représenté par des acteurs privée qui ont un forte capacité à transformer l’espace • Une force auto-organisatrice de la société civile qui révèle une capacité d’influencer les politiques et la planification urbaine.

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2. La régénération urbaine et la gouvernance des acteurs à Bangkok

2.1. La gouvernance et la planification urbaine bangkokien

La régénération urbaine à Bangkok est gérée par l’Administration Métropolitaine de Bangkok (BMA), créée en 1985. La BMA est composée de deux corps : l’un exécutif, constitué par le maire de Bangkok, dit « governor », et l’autre législatif composé du Conseil Métropolitain. L’autorité métropolitaine inclus les six provinces de Bangkok, , Pathum Thani, Samut Prakan, Samut Sakhon and Nakhon Pathom (Carte 5)

Carte 1

L’aire métropolitaine de Bangkok (Pentamwa et al,2011)

Les objectifs de la BMA sont de formuler et de mettre en place des politiques publiques locales relatives à la ville de Bangkok qui impactent de nombreux domaines tels que les transports, la gestion de déchets, le logement, les rues et les autoroutes, la sécurité, l’environnement et la planification urbaine. Comme on peut le constater dans l’image suivante, la gouvernance de la BMA est constituée par différents départements en charge des différents secteurs. La planification urbaine est une compétence du City Planning Department (CPD).

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Schéma 1

Organigramme de la BMA (CITY PLANNING DEPARTMENT. non date)

Le CDP est divisé en trois secteurs : le secrétariat, le secteur de la planification de la ville et un bureau d’études et statistiques. Les trois secteurs s’occupent de préparer non seulement les différents plans d’urbanisme de la ville mais aussi son règlement. Notamment, le CDP est en charge :

• Du plan d’urbanisme (« Bangkok Comprehensive Plan »), • Du code civil pour réglementer le plan de la ville (« Bangkok Code of Law City Planning »), • Du plan d’usage du sol (« Land Use Zoning Plan »), • Du contrôle de la densité urbaine et des espaces publiques (« Density, Bulk and Open Space Control »), • Des confier des privilèges spéciaux et dérogations (« Special Privileges or FAR Bonus System »). La planification du CDP essaye de répondre à certains objectifs comme l’aménagement, la rénovation et le renouvellement des zones spécifiques, notamment les bidonvilles, les zones en constante évolution et les zones dégradées (Schéma 2).

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Schéma 2

Les plans du CPD (CITY PLANNING DEPARTEMENT, non daté)

Wattanasukchai (2017), journaliste du Bangkok post, affirme que les conditions de la ville se sont améliorées dans les dernières années, notamment le système de transports en commun. Aujourd’hui, les quartiers périurbains de Bangkok disposent de cinq lignes de trains électriques qui circulent dans la ville, d’autres sont en construction et quelques autres déjà approuvées et en attente. Par exemple, la province de Nonthaburi peut bénéficier de transports en commun et rejoindre la ville en trente minutes, contrairement à la voiture qui met en moyenne une heure et demie (WATTANASUKCHAI, 2017).

2.1.1. L’actuel plan de renouvellement urbain : des choix stratégiques concentrés dans le centre-ville

Aujourd’hui, un nouveau projet de renouvellement urbain a été mis en place par la BMA, l’Université Chulalongkorn et par l’agence d’urbanisme de l’Uddc (Urban Design and Development Center). Le projet, nommé Bangkok250, se focalise sur 17 arrondissements du centre-ville. En effet, l’objectif principal de Bangkok250 est de réduire la paupérisation du centre-ville.

Dans un entretien pour un journal internet, l’ancien directeur adjoint de l’Uddc, Pornsan Vichienpradit, affirme l’importance d’un tel projet : « Si nous regardons la population, elle diminue graduellement dans ces régions. C'est parce qu'ils souffrent de

67 détérioration physique et de négligence, ce qui rend difficile pour les gens d'y vivre » (PICHAYADA, 2017).

Les enjeux de ce projet sont pluriels :

- Améliorer la connexion entre zones. L’idée est de compenser l’inefficacité des transports urbains par des stratégies ad-hoc, tel que : a) l’amélioration du système métropolitain, le Mass Rapid Transit (MRT) avec la création de plus de 226 stations couvrant 226 kilomètres ; b) la création de nouvelles voies d’accès tout en utilisant les petites rues qui à Bangkok dominent l’espace. En particulier, ce projet vise essentiellement à améliorer la piétonisation et à alléger la pression sur la circulation ; c) l’amélioration du réseau de transport fluvial, notamment les bateaux ainsi que l’aménagement de la rivière afin de créer des espaces piétonnisés.

- Préserver les communautés et les quartiers anciens. Cette stratégie ne prévoit pas seulement l’aménagement urbain des quartiers anciens mais aussi la création de programmes pour la préservation des lieux historiques et des habitants qui y vivent. Un des projets majeurs de cette stratégie est celui des quartiers de Kadeejeen et de Klhongsan. Le projet inclus la création d’une passerelle et l’amélioration du réseau de bateaux qui permettrait de lier les quartiers anciens à l’autre côté du fleuve pour les décloisonner et y faciliter l’accès aux touristes.

- Stimuler le tourisme. Outre les changements physiques, la BMA vise également à stimuler l'économie locale par le tourisme culturel, qui devrait connaître un essor considérable une fois que la région « deviendra facilement accessible et embellie » (op.cit., 2017).

- Stimuler la compétitivité. L’idée est que le renouvellement urbain pourrait donner à Bangkok desnouvelles opportunités économiques tout en augmentant la compétitivité de la ville et les investissements. L’ancien directeur adjoint de l’Uddc affirme que « les villes du monde entier se font concurrence pour assurer leur compétitivité économique. En un jour, les hommes d’affaires de Bangkok ne peuvent se rendre que dans deux lieux de réunion, contre quatre ou cinq lieux dans d’autres villes du monde » (Id., 2017). Selon cette vision, la compétitivité de la

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ville de Bangkok est limitée à cause des embouteillages. La stratégie vise donc à améliorer les espaces publics pour fluidifier la circulation, notamment les espaces entres les hôtels et les zones commerciales.

- Santé. En matière de santé, le renouvellement urbain prévoit l’aménagement des espaces autour des centres médicaux pour y améliorer l’accès. Par exemple, construire un réseau de passerelles suspendues autour de la zone, où environ 20 instituts médicaux sont situés, pour relier les installations médicales avec le train

aérien (BTS)20 ainsi qu’aux arrêts d’autobus.

2.1.1. Les valeurs et les missions de l’actuel plan de renouvellement urbain : des stratégies de patrimonialisation face à la dégradation du bâti

De manière générale, la CDP fait observer que la valeur commune sur laquelle le renouvellement urbain doit se baser est la conservation du patrimoine culturel et historique (DEPARTMENTT OF CITY PLANNING, non daté). Les missions que la CDP propose pour la planification sont :

• Conserver et la préserver des zones historiques en harmonie avec les valeurs internationales en matière de conservation et préservation des activités importantes des communautés • Établir des règles et règlements pour contrôler les chantiers de construction situés à proximité de sites historiques et religieux. • Promouvoir les esprits conservateurs auprès des populations et réhabiliter les quartiers historiques. Les zones sujettes à l’actuel renouvellement urbain sont surtout Thonburi et Rattanakosin. Le choix de ces deux quartiers n’a été pas fait par hasard : Rattanakosin est le quartier du centre-ville, là où se trouve le Grande Palace et Thonburi est

20 A Bangkok existent deux types de train métropolitain qui desservent la ville : le métropolitain souterrain géré par le Mass Transit Metropolitan Authority qui est un organisme public et le métropolitain aérien, géré par une entreprise privée.

69 l’arrondissement le plus ancien de Bangkok (DEPARTEMENT OF CITY PLANNING, non daté).

Carte 2

Bangkok250 (Uddc, non daté)

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Comme nous l’avons vu précédemment, de grands projets d’aménagement ont été mis en place ces dernières années dans la ville de Bangkok. Toutefois la planification urbaine de la ville a des limites. Malgré la volonté du CDP d’articuler les politiques urbaines en intégrant les communautés, les intérêts des élites économiques sont plus forts dans la négociation. Le résultat est une privatisation massive des espaces publics qui produit un type de renouvellement urbain antisocial et l’expulsion de nombreuses communautés.

2.2. Une planification urbaine anti-sociale : faiblesse du public ou choix politiques ?

« [La planification] est un concept approximatif qui indique à chaque domaine ce qu’il peut ou ne peut pas construire. C’est ridicule que la planification de notre ville soit gérée par le personnel du district qui ne voit pas l’ensemble de la région. Les gens n'ont aucun pouvoir pour protéger leur quartier. Comment se fait-il que des gens vivant sur une échelle métropolitaine de 6-7 millions d’habitants, comme Bangkok, n’aient pas le droit de gérer leur espace ? La BMA et le gouvernement sont trop gros et trop lents pour traiter de problèmes urbains aussi complexes. Ils doivent laisser les gens participer à la planification urbaine. » (op.cit, 2017).

Des nombreux experts et personnalités de la société civile dénoncent le renouvellement urbain des années passées. Comme nous le pouvons lire dans la citation initiale, le président de l’Association des Architects Siamese (ASA CAN), affirme que la planification urbaine de Bangkok aujourd’hui « n’est pas pratique du tout » (op.cit, 2017). Il dénonce en particulier la vision très fermée de la municipalité ainsi que l’exclusion des habitants par les choix d’aménagement.

2.2.1. Des acteurs privés qui dominent l’espace

En analysant les projets urbains, nous avons pu remarquer que la gouvernance locale de la ville est ainsi constituée par des acteurs privés, qui contribuent massivement à la transformation des espaces, comme par exemple la construction de la BTS (le métropolitain aérien) et des grands gratte-ciels et centres commerciaux (photos 16 et 17).

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Photo 3

Le service métropolitain aérien (BANGKOK CONDO FINDER, 2018)

Photo 4

Siam Paragon, le plus grand centre commercial en Thaïlande (YAP, 2013)

Un autre acteur et principal investisseur concernant les projets de renouvellement urbain est Icon Siam, une société composée de trois acteurs privés : Siam Piwat Company Limited, Magnolia Quality Development Corporation Limited (MQDC) et le groupe Charoen Pokphand (CP). Siam Piwat est le propriétaire et le concepteur de certaines des destinations commerçantes les plus renommées de Bangkok, notamment le , le Siam Discover, la Siam Tower, le Siam Paragon et le Paragon Park. MQDC, en charge des appartements de luxe, est une société de développement immobilier spécialisée dans les projets résidentiels et polyvalents de haute qualité et économes en énergie. Enfin, le groupe Charoen Pokphand est une multinationale d’investissement qui exerce ses activités dans les secteurs de l’agroalimentaire, de l’alimentation, du marketing et de la distribution, ainsi que les télécommunications.

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La triade de ces puissants acteurs et la gestion d’une partie du service métropolitain à un entreprise privée capable de façonner l’espace, dresse un panorama clair qui nous fait mieux comprendre le processus de négociation dans les politiques du renouvellement urbain bangkokien. Il semble que les projets de développement en cours menacent non seulement les droits et les foyers de nombreuses personnes, mais servent plutôt l’élite économique bangkokienne au détriment des communautés locales (MEKONG REGION, 2017).

2.2.2. Une planification urbaine anti-sociale et la faiblesse du politique dans la table de négociation du renouvellement urbain

Selon Kulsrisombat (MERIEU, 2018), la planification urbaine à Bangkok manque de toutes considérations sociales. Ainsi, plutôt qu’un plan d’urbanisme, l’urbanisme de la ville de Bangkok semble être le résultat de choix politiques (WATTANASUKCHAI, 2017). En effet, il semblerait que les projets dirigés en partenariat avec des acteurs privés dominent littéralement l’espace à Bangkok au détriment de projets d’intérêt public : « Alors que dans cette ville on compte énormément de centres commerciaux, impeccablement propres, luxueux et tout confort, les trottoirs de la ville sont délabrés, accidentés même » (op.cit., 2018).

Selon Sheng (2010), l’absence d’une forme efficace de planification urbaine est le résultat d’un manque de communication entre les planificateurs bien intentionnés qui travaillent dans le mode de planification traditionnelle, et les mécanismes fondés sur le marché pour le développement urbain. La plupart des décisions ne sont pas prises par un gouvernement local formellement élu. Au contraire, ces décisions sont gérées par un large éventail d’acteurs (stakeholders) provenant de différents contextes, locaux, nationaux, régionaux et mondiaux ; dans toute cette scène d’acteurs, le gouvernement local est souvent le joueur le plus faible. La question à Bangkok est de savoir si l’aménagement urbain inefficace est le résultat d’un manque de capacité ou d’un manque de volonté politique d’intervenir ou, encore, d’une politique délibérée de laisser les décisions de développement urbain au marché. Pour le dire autrement, la question est de savoir si les limites au renouvellement urbain évoquées sont liées à des choix politiques intentionnels ou plutôt à une faiblesse de ce dernier.

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Sheng (2010) explique que dans de nombreux pays d’Asie du sud-est, il existe des liens étroits entre les politiciens et les acteurs privés qui ont des intérêts particuliers dans le développement du secteur immobilier (Ibid. 2010). Ce n’est pas un problème propre à l’Asie. Ainsi, il n’est pas surprenant que les fonctionnaires désignés et les élus dans les collectivités locales soient souvent enclins à attacher une plus grande priorité aux intérêts privés de quelques-uns qu’aux intérêts publics. À ce propos, Bernt (2010) affirme que la dépendance du gouvernement local aux formes d’investissement et de partenariat privé a emmené à poursuivre un seul objectif, celui d’obtenir un empowerment pour soi-même, c’est-à-dire qu’à la fois les acteurs publics et privés vont chercher à nourrir leur propre position de pouvoir et de domination (BERNT, 2009 : 754 - 769). Dans les contextes d’état sde développement ou néolibéraux, ce lien conduit inévitablement à privilégier non seulement des intérêts privés, mais aussi une attitude orientée vers la croissance économique au détriment du processus de redistribution.

Le point fondamental de ce discours n’est pas que le secteur privé cherche à faire des profits, ce serait naïf de juger les entreprises pour leur volonté d’atteindre le profit économique alors qu’il fait partie de la nature économique d’une entreprise privée. Mais plutôt de mettre en avant le manque de capacité ou de volonté politique du gouvernement local à négocier un résultat qui pourrait être meilleur en termes d’intérêt public. En même temps, d’autres acteurs qui devraient être concerné sont exclus du processus de négociations. Lazonick et Mazzucato (2015), expliquent que les bénéfices et avantages du processus d’innovation ne vont pas nécessairement à la totalité de ceux qui lui ont donné vie, mais qu’à une petite partie, celle notamment qui a la capacité de pénétrer dans la phase d’implantation du projet. Même s’il s’avère qu’il y a une tentative d’inclusion d’autres acteurs, le résultat est que le processus est dévié ensuite à travers la collusion avec des forces qui sont fondamentalement beaucoup plus intéressées par les investissements en capital et le maintien de l’ordre social (LAZONICK ET MAZZUCATO, 2015 : 1093 – 1128).

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3. L’autre côté de la régénération urbaine bangkokien : la communauté, une force auto-organisatrice.

“Si tu veux connaitre Krung Thep, le nom thaï de Bangkok, tu dois connaitre Thonburi

parce que Thonburi est ancien comme Bangkok. »21

La citation d’un historien et membre de la communauté musulmane de Kadeejeen nous montre l’importance donnée à cette partie de Bangkok. Thonburi est en effet le premier quartier qui s’est formé à Bangkok quand la capitale du Siam a déménagé d’Ayuttaya à Bangkok. Dans les dernières années, le district a été revalorisé par l’œuvre de nombreux acteurs : des historiens, des organisations d’architectes, des organisations de tourisme etc. La zone du district favorisée par cette valorisation est le quartier de Kadeejeen.

3.1. Kadeejeen comme lieu d’apprentissage culturel et de mobilisation des habitants

L’histoire du quartier est fortement valorisée par les habitants et par les acteurs locaux qui depuis une dizaine d’année s’engagent dans la préservation du patrimoine culturel et historique des communautés qui y vivent (KULSRISOMBAT, 2014). En effet, à Kadeejeen, cohabitent six communautés différentes : la Wat Kanlayan, la Wat

Prayoon22, la Bup Pha Ram et la Rong Kham sont des communautés bouddhistes ; la communauté catholique est d’origine portugaise ; enfin la communauté de Kadeekwao est musulmane. Les six communautés cohabitent dans le même quartier, mais elles se divisent géographiquement l'espace (voir carte 7 p ?), avec des frontières bien délimitées. Cette division spatiale est marquante politiquement et socialement car les stratégies du renouvellement urbain culture-led et ses bénéfices ne sont pas redistribués de manière égale entre les différentes communautés.

21 Entretien avec Arthit, leader de la communauté musulmanne 22 Les communautés de Wat Kanlayanamitr et de Wat Prayoonrawong sont communément appelées Wat Kanlayan et Wat Prayoon dans la presse et dans le langage commun. Nous allons donc adopter la forme contractée pour faciliter la lecture.

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Carte 3

Frontières géographiques (KONGSASANA, 2013)

La ville a enregistré des sites patrimoniaux importants dans cette zone (voir carte 8). Certains sites du quartier ont également reçu le "Architectural Conservation Award" par l’ASA, l’Association des Architectes Siamoises, sous le patronage royal. Parmi ces sites nous retrouvons l’église de Santa Cruz, la mosquée de Bang Luang et le temple de Wat Prayoon, (Kongsasana, 2013). Il semble que cette patrimonialisation s’est révélée importante lorsque le quartier est devenu « un lieu d’apprentissage de la valeur patrimoniale de la culture locale et de la diversité ethnique, éléments constituant aussi une caractéristique de la société thaïlandaise » (KONGSASANA, 2013).

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Carte 4

La patrimonialisation du quartier Kadeejeen (KULSRISOMBAT, 2014)

Ainsi, Arthit dont les ancêtres se sont installés à Kadeejeen lorsque la capitale venait juste de déménager à Bangkok, passionné par l'histoire de son quartier, a étudié l’archéologie et est devenu professeur d'études thaïlandaises à l'Université Silpakorn. Il donne également des cours sur l’histoire de Kadeejeen et sur les traditions contemporaines du quartier.

Il existe également dans la communauté catholique un musée valorisant l’histoire de l’arrive des premiers portugais à Bangkok. Thanaporn est la nièce de la propriétaire du musée et elle habite à Kadeejeen ; elle nous raconte avec fierté que sa communauté vit depuis plus de 200 ans dans la même zone et que cela a contribué à la naissance du district de Thonburi. En effet, presque tous les habitants de Kadeejeen habitent le quartier depuis plusieurs générations. Cette tradition historique se révèle un facteur fondamental pour la vie du quartier, car cela permettrait aux habitants d’être plus engagés dans la vie collective du quartier, aussi bien économique que sociale. Ce discours, nous le retrouvons par exemple dans un entretien conduit avec May et Thon, qui depuis 5 ans ont ouvert un

77 restaurant de gâteaux de tradition portugaise dans le quartier. La nourriture est un facteur culturel hautement valorisé. Par les "soi" de Kadeejeen, des membres de la communauté vendent des gâteaux et des cookies traditionnels (Photo 18). May et Thon, vendent plus spécifiquement des gâteaux qui sont appelés les « Kadeejeen farang23 cake ». May qui nous a accueilli dans son restaurant pour un entretien, nous raconte l’histoire de ces biscuits et de leur cuisson très simple à l’époque, avec l'utilisation de très peu d’ingrédients à cause de l’absence de matière première disponible. À partir des années 80, avec la croissance économique de Bangkok, la disponibilité d’autres produits venant du commerce international a permis à la famille de Thon d’enrichir sa recette avec d’autres ingrédients comme la levure chimique, le beurre, le lait ou encore la farine de blé. Thon affirme avoir ouvert le restaurant dans le quartier dans la volonté de maintenir la tradition séculaire de ce type de gâteau : "Je veux garder cette recette. Parce que ma famille l’a fait génération après génération.24

Photo 5

Les gâteaux de tradition portugaise (AVVEDUTO, 2019)

Des traditions riches telles que des recettes anciennes et une identité culturelle maintenue depuis plusieurs générations ont suscité non seulement l’intérêt d’acteurs extérieurs mais également la création d’institutions informelles au sein de la communauté, telle que le Kalaya Sub-District Conservation Group (KSCG) un groupe de leaders et membres de la communauté pour protéger et conserver le patrimoine et les traditions

23 Farang est un terme en thaïlandais qui se rèfère aux personnes étrangères venant s’installer à Bangkok. 24 Entretien May et Thon, propriétaires du restaurant de cookies portugais

78 culturelles. Une autre institution est le Conseil Culturel du district de Thonburi, établi conformément à la politique nationale du ministère de la Culture. Le président du conseil est élu par les membres du conseil (KULSRISOMBAT, 2012). Près du quartier est ainsi présente la Fondation Kadeejeen-Khlongsan, dont l’Uddc fait partie et qui s’engage dans la mobilisation de la communauté et dans l’organisation des évènements pour la valorisation culturelle, sociale et économique du quartier (c.f. rapport de stage).

La mobilisation des habitants du quartier dans ces organisations a permis que leur voix soit plus forte au sein du politique et des acteurs institutionnels qui prêtent attention au quartier : « le bureau de Bangkok vient voir, vient donner de l'aide », affirme May. Le fait d’avoir un contact avec les institutions semble aussi améliorer la cohésion sociale des habitants : « Parce que si vous êtes bien [dans votre espace], vous avez de bonnes pensées.

Si vous avez une bonne vie, alors vous le souhaitez à un autre autour de vous »25.

3.1.1. Des lieux de rencontre remarquables

Pendant nos observations, nous avons remarqué que la zone la plus accessible du quartier reste celle de la communauté catholique/portugaise. Ici, l’église St Cruz et sa place se révèlent comme un véritable point de référence social et spatial : comme nous le pouvons voir dans les photos suivantes26, c’est ici que les enfants jouent, que les gens se rencontrent et où les routes se rejoignent pour atteindre d’autres points du quartier, comme l’école et le lieu de travail. Le sol de la communauté appartient à l’église et si quelqu’un veut acheter une maison, il doit être catholique et baptisé. Malgré cela, les espaces du quartier sont privés, ceux-ci n’excluent pas la présence d’autres visiteurs comme les touristes ou d’autres personnes extérieures. Dans les soi27 nous pouvons aussi observer la présence du street art mis en place en coopération avec l’Uddc et dont le projet sera approfondi dans le prochain chapitre.

25 Entretien avec May et Thon, propriétaires du restaurant de cookies portugaises, le 25 Avril 2019. 26 Les photos 19 et 21 sont reprises d’une présentation Powerpoint de l’Uddc. 27 Terme thaï qui signifie « petit rue » et qui connote une rue spécifique de la morphologie urbaine thaïlandaise.

79

Photo 6

Des enfants jouent dans l’espace autour de l’église (AVVEDUTO, 2019)

Photo 7

Le port de Kadeejeen : comparaison avant/après rénovation (Uddc, non daté)

80

Photo 8

Le port renouvelé (AVVEDUTO, 2019)

Photo 9

La place de l’église en construction en 2010 ( Uddc, non daté)

81

Le Musée reste l’endroit favori pour les habitants et les enfants qui l’ont cité comme un des endroit préféré pendant notre activité de cartes mentales.28 En fait, le Musée offre également un espace de cafétéria avec des plats de tradition portugaise. Cependant, ce n’est pas le seul bar de la communauté. Dans la même communauté, deux autres bars se situent dans le secteur du port, réhabilité par la municipalité et par L’Uddc en 2010.

3.1.2. Le bureau de la communauté : un point de repère sociale et politique du quartier

Dans la communauté catholique, se trouve le bureau de la communauté, point de jonction entre la communauté et le gouvernement. Le bureau de la communauté est formé par six leaders communautaires et onze membres, tous élus tous les trois ans. Leurs compétences sont liées à l’environnement, au contact avec le Bureau du gouvernement et d’autres services à la communauté. Concernant l’environnement, il s’agit de réduire la pollution dans le quartier par exemple en nettoyant les rues, en s’occupant des déchets et des questions liées à l’eau courante. Concernant les autres services à la communauté, les six communautés peuvent bénéficier d’une aide coordonnée grâce au bureau des membres. Les habitants s’aident mutuellement en cas de problèmes. 29 Anong est l’actuelle présidente de l’office de la communauté. Par l’aide de Thanawan, la propriétaire du musée, qui nous sert de traductrice, Anong nous raconte comment il y a cinq ans, le bureau et les membres des communautés ont travaillé ensemble pour résoudre un problème d’addiction à la drogue qui affectait d’autres membres de la communauté. Anong raconte très fièrement comment après 5 années d’un dur labeur, ils ont réussi à aider les membres concernés et ce qui lui a conféré d’après la police le statut de « Maison

Blanche », indiquant une zone « libre d’addiction à la drogue ».30 Ils ont atteint cet objectif « en travaillant ensemble » veut souligner Thanawan, en organisant des actions autour de l’église et grâce à la solidarité entre les membres.31

Comme nous le pouvons constater dans les photos 22 et 23, le bureau de la communauté se révèle aussi un point de rencontre pour les jeunes du quartier, notamment

28 Analyse sur l’activités de cartes mentales du 5 Mai 2019. 29 Entretien avec Anong, présidente du bureau de la communauté 30 Entretien avec Anong 31 Entretien avec Thanawan, propriétaire du musée portugais

82 sur le terrain de foot et l’aire de jeux dédiés. Ici, il existe également un mur peint réalisé par le bureau de la communauté en collaboration avec des bénévoles et des étudiants.

Photo 10

Le camp de football avec des murs peints dans le bureau de la communauté (AVVEDUTO,2019)

Photo 11

Aire de jeux pour enfants (AVVEDUTO, 2019)

83

3.2. Des problèmes d’espaces et d’accessibilités à Kadeejeen : une spécificité bangkokien ?

En se dirigeant vers les autres communautés de Kadeejeen, les espaces changent. Dans la communauté chinoise, il est possible d’observer différents types de maisons : celles en bois et celles en béton notamment. En entrant dans la communauté musulmane, certaines maisons, au contraire, donnent sur un petit canal (photo 25).

Photo 12

L’entrée de la communauté musulman (AVVEDUTO, 2019).

Pendant nos observations, il a été difficile de rejoindre les autres communautés du quartier à cause de l’accessibilité des espaces. La carte 9 montre que les rues du quartier ne sont pas nombreuses. Dans certains endroits, surtout dans la communauté musulmane, elles sont parfois quasi absentes. May exprime la difficulté de rejoindre son quartier à cause de ce manque de véritable planification urbaine : « pas beaucoup de gens viennent ici parce que ce n’est pas facile de venir. Tu sais, ce n’est pas facile en termes de rues, des stations de bus…du coup qui vient ici doit trouver d’abord une manière d’entrer32. »

32 Entretien avec May

84

Carte 5

Plan d’accessibilité du quartier.33

3.2.1. Une comparaison spatiale entre deux quartiers : Kadeejeen et Khlongsan34

Le quartier adjacent à Kadeejeen s’appelle Klhongsan. Dans ce quartier, nous avons retrouvé une présence plus importante d’art de rue et d’espaces aménagés, ceux-ci permettant au quartier d’être plus accessible et d’avoir plus d’espaces publics en comparaison à Kadeejeen. Dans la carte 10 nous pouvons observer l’accessibilité de deux quartiers : les rues en jaune et les ruelles en vert sont plus fréquentes à Klhongsan. En outre, c’est rare à Bangkok de trouver des espaces publics comme nous les avons vu ici. La carte 12, montre les espaces publiques de deux quartiers. Le vert notamment indique la présence de parcs. À Klhongsan, nous trouvons la Princess Mother Memorial, un parc que le roi Rama IX a dédié à sa mère qui avait l’habitude de se rendre dans le district de Thonburi et dans Klhongsan en particulier. Le parc est un endroit calme et silencieux ; le silence est un autre élément rare de Bangkok, ville qui s’est construite autour de l’usage intensif de la voiture. Le parc est également caractérisé par quelques sculptures d’art et d’autres expositions qui montrent la culture thaïlandaise, comme par exemple certains

33 Cette carte a été reprise par une source de première main d’une étude conduit par l’Uddc, rédigée en langue thaï et non datée. 34 Les cartes 10, 11 et 12 sont repris par une source de première main d’une étude conduit par l’Uddc, rédigé en langue thaï et non daté.

85 vestiges de vieilles habitations traditionnelles du quartier. Un autre petit parc adjacent à la Princess Mother Memorial est dédié à un usage ludique pour les enfants, avec des jeux dessinés par terre. Un autre parc est présent dans cette zone, dédié aux activités sportives, il y a en fait des outils pour le sport et il est quotidiennement fréquenté par des gens qui, à la fin journée de travail, se consacrent aux activités sportives.

Carte 6

Plan d’accessibilité à Kadeejeen et à Klhongsan.

Contrairement à Klhongsan, à Kadeejeen les principaux lieux de rencontre sont surtout les lieux de culte (carte 11), où le caractère religieux des espaces empêche la rencontre des différentes communautés du quartier. En tant qu’organisation travaillant dans le quartier, nous avons également rencontré des difficultés lorsque nous devions choisir un lieu commun et « neutre » pour regrouper les différents membres du quartier. La siège de la fondation n’est pas non plus le lieu optimal, étant positionné à Klhongsan, il se situe plus loin pour les habitants, qui auraient dû traverser une grande route fortement empruntée pour y accéder. Ainsi, pour les ateliers de carte mentale avec des jeunes, nous avons alors choisi une école du quartier comme lieu de rencontre tout en ayant conscience que cela impacterait probablement négativement le nombre de jeunes venant d’écoles et de communautés diverses, à l’inverse de le faire dans un lieu plus informel et moins connoté symboliquement, en somme qui n’appartenait pas à une communauté spécifique.

86

Carte 7

Lieux de cultes

Carte 8

Des lieux et des espaces marquantes.

87

3.2.2. L’absence d’espaces public et une appropriation informelle de l’espace par la population

Le manque d’espaces publics dans le quartier n’est guère une spécificité de Kadeejeen mais de Bangkok en général. Ce thème est repris par Kulsrisombat, enseignante à l’Université Chulalongkorn et directrice de l’Uddc, qui dénonce la totale absence d’espaces publics. Dans un entretien publié dans les travaux de Mérieau (MERIEAU, 2018), Kulsrisombat explique qu’à Bangkok, chaque personne « dispose de six mètres carrés d’espace ce qui se révèle être la situation la plus mauvaise en Asie du Sud-Est, après Jakarta » (MERIEAU, 2018 : 57). Il n’y a jamais eu de « droit » à un espace public et en effet, la notion même d’espace public « n’existe pas en Thaïlande » affirme Kulsrisombat. Ainsi le mot en thaï, « d’espace public » est un néologisme récent qui signifie « espace du roi », c’est-à-dire un lieu appartenant au roi et octroyé à l’usage du peuple, comme acte de charité.35

Les seuls espaces publics existants (en dehors de l’exception du quartier de Klhongsan) sont généralement semi-privés, comme l’esplanade devant l’énorme centre commercial de Siam Paragon (op.cit. 2018). L’espace bangkokien est généralement colonisé par les centres commerciaux, voués à la consommation et au divertissement, ce que l’on ne retrouve pas dans les pays voisins selon la directrice de l’Uddc :

« La Thaïlande, à partir des années 60, s’est inspirée du modèle urbain américain où la ville est construite pour les voitures, avec des quatre voies, des expressways, etc. les thaïlandais passent leur temps entre leur voiture et les malls, ce qui leur permet d’être toujours dans un environnement climatisé. » (MERIEU, 2018)

En revanche, les espaces extérieurs sont utilisés par les habitants de manière informelle. Par exemple, les trottoirs de Bangkok sont des espaces sociaux et équitables importants. Les trottoirs sont des espaces inclusifs car n'importe qui peut les utiliser, non

35 La morphologie urbaine de Bangkok telle qu’on la connait aujourd’hui est le résultat du passage à un usage de sol basé sur l’eau, sur les petits canaux, à un usage basé sur la voiture et la construction du bâti dans presque toute la ville, à exception du district de Thonburi, où ils existent encore de nombreux canaux. Bien que la notion d’espace public n’appartienne pas à la tradition urbaine Thaïlandaise, l’urbanisation et la privatisation des espaces a fait émerger la nécessité de créer des espaces publics pour améliorer la qualité de l’air et la vie sociale des habitants. Pour aller plus loin, nous invitons le lecteur à consulter l’œuvre de Iderlina B. Mateo-Babiano (2012), « Public life in Bangkok’s urban spaces », Habitat International 36 452 – 461.

88 seulement les piétons, mais aussi d'autres usagers, comme les vendeurs des rues (MATEO BABIANO, 2012 : 456).

Concernant le quartier de Kadeejeen, malgré un manque d’espace public accentue la difficile cohabitation des différentes communautés déjà marqués par des frontières géographiques bien définies. Cependant, cela n’empêche pas certains habitants de créer leurs propres espaces de rencontre plus informels. Par exemple, des habitants de tous âges de la communauté musulmane utilisent la partie finale du canal comme lieu de rencontre (photo 26)

Photo 13

Principale lieu de rencontre de la communauté musulmane (AVVEDUTO, 2019).

Mais c’est bien, comme déjà évoqué, dans la communauté catholique qu’il y a le plus de concentration sociale. C'est aussi la partie où les efforts des organisations sont les plus concentrés et là où se trouvent le street art, les maisons colorées, les restaurants, les cafés et un musée. Le reste du quartier ressemble plus à des "espaces privés", dans lesquels il est difficile d'entrer, non seulement pour des gens de l’extérieur, mais aussi pour les résidents.

Les lieux dédiés aux enfants sont également rares et ils se créent eux-mêmes leurs espaces (cf rapport de stage). Ainsi, les lieux du street art et les espaces attenants à l’église de la communauté catholique sont des lieux de rencontre non seulement pour les jeunes de la communauté mais aussi pour d’autres jeunes venant de l’extérieur. La communauté

89 se révèle un endroit où les enfants peuvent profiter de plus d'espaces autour d'eux d'une manière ludique et sûre et où ils peuvent créer et recréer des lieux.

3.2.3. Des inégalités sociales spatiaux remarquables et l’engagement des communautés face à la privatisation des espaces.

Comme nous l’avons constaté tout au long de ce chapitre, il semble que la planification bangkokienne produise des effets sociaux qui conditionnent la vie urbaine des habitants. Selon Kuslrisombat, Bangkok est construite sur le fondement « d’une customer analysis » (Ibid., p. 58) : elle répond aux besoins des classe moyennes, qui travaillent dans le centre, ont une voiture, du pouvoir d’achat, et qui sont principalement animés par un désir de consommation ; elles habitent généralement dans des condos, appartements luxueux tout confort avec terrain de sport et piscine. Au contraire, la vie pour la population plus pauvre ou vivant dans d’autres espaces de la ville que le centre, est devenu difficile à cause des barrières physiques et de l’absence des services.

« La vie à Bangkok pour les pauvres est une véritable punition : l’attente du bus sous les pluies diluviennes ou le soleil brûlant, les heures coincées sans climatisation dans la pollution et les embouteillages massifs. La ville de Bangkok est fondée sur l’exclusion des populations les plus pauvres aux marges, c’est certain. Les quelques slums qui survivent au cœur de la ville le peuvent grâce à une romantisation de leur folklore rural, qui peut servir d’une certaine manière de « décoration » authentique aux rues de la capitale. » (Op.cit. p. 60)

Cette politique de l’oubli, que nous avons déjà évoqué dans le chapitre précèdent, est dans ce cas une conséquence d’une planification urbaine mal gérée et qui manque de considérations sociales. Selon Kulsrisombat, la junte militaire voudrait plutôt créer une « ville aseptisée », caractérisée par la favorisation des activités touristiques, par l’exclusion des plus pauvres et par l’éviction de certaines communautés aux marges de la ville (Ibid., 2018).

Nous pouvons constater que les inégalités sociales se produisent aussi par des inégalités spatiales où de nombreux quartiers ne sont pas pris en compte par la municipalité. Thor nous raconte comme il aime le quartier de Kadeejeen parce qu’il est « moins urbain » que le reste de la ville, avec moins de gratte-ciels et d’espaces bâtis. Toutefois, il dénonce aussi les inégalités spatiales en expliquant que le gouvernement

90 concentre les projets d’amélioration et d’aménagement urbain seulement dans le centre de Bangkok au détriment d’autre zones.36

Selon Kulsrisombat, même si l’essentiel des activités est concentré dans les centres de Bangkok, personne n’y habite réellement. C’est dans les quartiers aux marges de la ville que la plupart de la population habite et cette partie est « réellement mal aménagée ».

Il a dix ans, la communauté de Kadeejeen faisait aussi partie des quartiers négligés par la municipalité. Toutefois, grâce à la mobilisation des habitants et d’autres organisations le quartier a pu bénéficier de quelques améliorations, sentiment partagé par les habitants qu’y vivent. Pourtant, les inégalités sont aussi perçues dans le sentiment collectif. May nous fait part de ce sentiment en nous expliquant comment les autres districts de Bangkok sont négligés par le renouvellement urbain et que dans les dernières années leurs communauté a été source d’attention par les institutions :

I : Qu’est-ce que t’aimerais changer dans ton quartier ?

May : Oh, maintenant, j’ai dit que notre communauté est meilleure que d’autres parce que là nous avons obtenu l’intérêt de nombreuses opérations, comme l’Uddc, comme le gouvernement, comme d’autres organisations. Ils essaient de développer, d’améliorer la communauté et nous avons vu que toute la communauté est soignée. Par exemple, le bureau de Bangkok vient voir pour donner un peu d’aide. Toutefois, dans d’autres communautés, dans d’autres districts, dans d’autres provinces, ils devraient avoir ce que nous avons. C’est ça la chose que nous aimerions bien voir à Bangkok que dans une autre province, dans un autre district, que le bureau soit là-bas pour créer un environnement meilleur. Ce serait une chose positive pour tout le monde. Aujourd’hui, c’est que dans notre zone, mais pas tous les lieux ont eu cette chance. Nous avons de la chance d’obtenir cela et nous voulons que tout le monde puisse avoir la même chance, parce que si vous avez des bonnes pensées car vous vivez bien, alors vous

souhaitez que d’autres autour de vous puissent en bénéficier »37.

36 Entretien avec Thor, le séminariste de l’église Sainte Cruz, le 28 Avril 2019 37 Entretien avec May et Thon

91

Il semble que la communauté de Kadeejeen fourni un exemple de comment des habitants peuvent obtenir un écho au sein du politique quand elle se mobilisent. Les espaces à Kadeejeen posent toujours des problèmes et sur lesquels les membres et les organisations de la communauté travaillent toujours. Cependant, le quartier se révèle en meilleure condition que d’autres zones de Bangkok. Il reste à analyser comment les habitants ont pu obtenir toute cette attention par une gouvernance urbaine qui privilégie les intérêts économiques plutôt que sociaux.

4. « C’est pourquoi nous utilisons l’art ! »38 : L’engagement des habitants face à la disparition des communautés.

« La disparition des communautés urbaines à Bangkok est une question de droits de l'homme qui devrait être prise en compte, et les projets de développement en cours non seulement menacent les droits et les maisons de nombreuses personnes, mais servent également l'élite de Bangkok plutôt que les besoins des communautés locales » (MEKONG REGION, 2017)

Comme nous l’avons déjà évoqué, la gouvernance dans la régénération urbaine bangkokienne est caractérisée par plusieurs forces : un gouvernement national avec un fort pouvoir décisionnel dans les questions urbaines, un gouvernement local avec un faible pouvoir décisionnel et de négociation, des acteurs privés qui dominent l’espace et une force auto-organisatrice de la société civile.

Nous avons choisi de mettre l’accent sur la privatisation des espaces et sur la faiblesse du politique car cela se révèle être un réel problème à Bangkok, qui menace le vivre-ensemble des nombreuses communautés urbaines. La communauté de Kadeejeen n’est pas à l’abri de ce danger. Malgré la mobilisation des habitants, de fortes barrières physiques existent toujours dans le quartier et cela empêche que la cohabitation des six différentes communautés soit enrichie par plus de cohésion sociale. Un manque de

38 Niramon Kulsrisombat durant une réunion de l’Uddc, le 24 Mai 2019

92 communication entre les habitants pourrait se révéler fatal surtout dans cette phase de fort développement.

Dans le cas de Kadeejeen, il ne s’agissait pas pour les habitants d’être expulsé mais plutôt de perdre son propre « esprit communautaire ».39 Lowe (2000), identifie l’esprit communautaire pour décrire la communauté comme un fait social au sein d’un quartier, le sentiment positif que les membres du groupe ont les uns envers les autres et envers sa propre communauté (LOWE, 2000 : 360). Ainsi, une communauté peut disparaitre quand l’esprit communautaire devient faible. On parle dans ce cas d’une communauté où les liens sociaux et son capital social se délitent. Selon Kulsrisombat, cela arrive quand les communautés ne communiquent pas entre elles à cause, notamment, des barrières physiques et sociales.40

En Thaïlande, les communautés résistent également au processus d’urbanisation qui, comme nous l’avons vu, menace leur existence par la privatisation des espaces et par la faiblesse du politique dans les territoires. Elles résistent notamment grâce à une certain dégré d’auto-organisation et à des relations d’entraide qui permettent de compenser l’absence de politique publique.

Lorsqu’une organisation travaille dans le domaine communautaire, il s’avère fondamental de mettre l’accent sur l’implication au projet de celle-ci. Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre certains projets de développement dans les domaines du déclin économique et social travaillent pour donner des outils aux individus afin qu'ils puissent s'engager pour développer des compétences sociales et économiques et dans le but de décider pour leur propre avenir. Nous avons ainsi montré que la participation des habitants peut être conduite par l’art et celui-ci se révèle un excellent outil de participation. Comme nous l’aborderons dans le chapitre suivant, l’art semble permettre aux individus et aux groupes d'être plus impliqués et plus actifs dans le développement de leur quartier que d’autres pratiques purement consultatives. Notamment, il semblerait qu’à Kadeejeen l’art s’est révélé être un vecteur de cohésion sociale et de mobilisation des habitants. L’art a donné une force auto-organisatrice à leur communauté, qui en se mobilisant pour améliorer leurs communautés, ont aussi attiré l’attention des institutions et des acteurs externes qui ont amélioré ainsi les conditions physiques du territoire.

39 Entretien avec Paithoon, propriétaire d’un homestay dans la communauté bouddhiste, le 3 Mai 2019 40 Niramon Kulsrisombat durant une réunion de l’Uddc, le 24 Mai 2019

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Chapitre III - L’engagement des communautés du quartier Kadeejeen dans le projet urbain artistique et le rôle de l’art dans le développement social et économique du quartier.

L’art peut devenir un instrument important dans les projets urbains car il permettrait aux individus d’agir collectivement afin de se réapproprier leur propre espace, quand celui-ci est menacé. Il se révèle également important pour les institutions, car ils ont plus de possibilité de comprendre les problèmes liés à ces espaces.

1.Dispositifs de participations, enjeux de redistributions et mobilisations des communautés : la notion de participation dans deux contextes différents, asiatique et européen

Avant d’aborder la question de la participation à Kadeejeen il s’avère important d’éclairer le débat sur la notion même de participation et des connotations différenciées que cette dernière revêt dans des contextes géographiques différents.41

En Europe, notamment en France, nous avons assisté à l’émergence des dispositifs de participation surtout à partir des années 60 et 70, avec la volonté de construire le local comme un espace de changement social. La participation citoyenne devient un moyen pour mettre en place des formes de démocratie locale, pour résoudre des problèmes globaux comme par exemple la lutte contre le changement climatique et contre la ségrégation sociale. Toutefois, la connotation de la participation que l’on connait aujourd’hui n’apparait qu’à partir des années 90 lorsque le thème de la participation revient dans le débat public et politique de façon différente : la participation locale semble être la solution pour lutter contre la crise de la démocratie représentative et des partis politiques. Avec l’idée que les habitants devraient prendre part au processus décisionnel.42

41 Ici, nous n’allons pas traiter de manière approfondie la question de la participation, ce qui n’est pas l’objet centrale de notre étude et ce qui a été déjà énormément traité par d’autres auteurs. Nous souhaitions, plutôt, que le lecteur focalise son attention sur l’importance de prendre en considération l’existence de plusieurs notions de la participation qui changent d’un contexte géographique à un autre. 42 En 2018, le cours de Valérie Sala Pala portait sur la démocratie urbaine (SALA PALA, 2018).

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Bien que la participation des habitants soit un débat plus prononcé en Europe et aux Etats-Unis, des pratiques de participation sont aussi présentes en Asie. Dans son étude, Li (2006) montre comment la notion de participation en Asie est entendue de manière différente de celle portée par la plupart des théoriciens de la participation citoyenne.

De manière générale, les spécialistes occidentaux pensent qu'une participation locale dans la prise de décision est une condition préalable à l'obtention d'avantages pour la communauté locale. Li montre que dans les pays d’Asie, cependant, le paradigme est difficile à mettre en pratique en raison de diverses contraintes (Li, 2006). Dans son étude réalisée dans la Réserve de la Biosphère de Jiuzhaigou (JBR), en Chine, il a démontré que malgré la faible participation dans le processus décisionnel, la communauté locale a pu suffisamment bénéficier du développement urbain du territoire par sa mise en tourisme et par l’implication des habitants comme part active dans le processus d’implantation du projet urbain.43

Cette approche semble en harmonie avec la notion de participation expérimentée dans le projet urbain avec l’Uddc. L’organisation évoque l’inefficacité des pratiques de participation étant donné que les habitants du quartier Kadeejeen-Klong San ne participent que quand ils sont directement concernés par des bénéfices économiques, notamment quand ils peuvent vendre leurs propres produits. Au contraire, la participation aux réunions s’avère faible. Les habitants qui participent aux réunions sont souvent les mêmes, notamment des leaders des communautés et des membres les plus anciens qui ont du temps libre à dédier à ces activités.

Cette inefficacité de certaines pratiques de participation citoyenne n’est pas une question absente de la littérature occidentale. Blondiaux (2007), dans ses déclinaisons des cinq limites de la démocratie participative, évoque le risque des dispositifs de participations de renforcer les inégalités sociales qui souvent finissent par privilégier certaines rhétoriques des groupes dominants. La difficulté est d’arriver à donner voix aux

43 Par exemple, l'administration avait introduit des bus écologiques mais pour protéger les propriétaires des scooters qui travaillaient grâce à cela, la compagnie les avait embauchés comme actionnaires. En outre, la municipalité avait employé les populations locales les plus pauvres, notamment celles qui ne disposent pas de suffisamment de revenus pour créer des hôtels familiaux ou participer à la société, comme éboueurs et nettoyeurs. Toutes ces décisions furent prises sans créer un véritable processus décisionnel où les habitants étaient inclus. La participation des habitants s’est réalisée par leur active contribution dans le processus de développement économique de la région (LI, 2006).

95 situations singulières et aux groupes minoritaires comme les jeunes, les SDF ou les travailleurs-travailleuses du sexe (BLONDIAUX, 2007).

C’est pour cela que l’Uddc et la Fondation Kadeejeen-Khlongsan ont décidé d’utiliser à la fois une approche plus axée sur la mobilisation de la communauté et sur le PCPP (Partenariat Communautaire Public et Privé), focalisé sur un retour concret des bénéfices sociaux et économiques à la population locale, une approche analogue à celui

évoqué par Li (2006) dans sa notion de la participation en Asie.44

Les pratiques de mobilisation des habitants à Kadeejeen semblent révéler l’existence d’autres démarches de participation : pourraient-elles être une alternative à des pratiques de démocratie participative occidentales ? Comment ces pratiques se déroulent dans le cas d’un projet urbain ?

Nous essayons de répondre à ces questionnements dans les pages suivantes, par le cas du projet urbain artistique à Kadeejeen qui, comme nous le verrons, semble donner un exemple de modèle de participation asiatique. Surtout, Kadeejeen semble fournir un exemple de l’utilisation de l’art comme instrument pour mieux impliquer les habitants. L’hypothèse est que l’art est une valeur ajoutée à la mobilisation des habitants dans un projet urbain qui peut être adopté à la fois en Asie et en Europe.

2. Les dispositifs de participation dans le projet urbain à Kadeejeen.

2.1. Le PPCP : un modèle de coopération entre communautés et organisations communautaires

Il existe un échange continue et à plusieurs niveaux entre l’Uddc et les membres de la communauté. Sur l’Uddc, il y a un consensus général des habitants. En outre, certains habitants que nous avons interviewés sont en bonne relation avec l’organisation et parfois ils travaillent avec eux :

44 Observations pendant le travail en équipe avec l’Uddc.

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« Uddc utilise toujours l’art dans cette zone, en janvier nous avons eu l'activité, la plus importante [Art in soi]. C'est pourquoi nous sommes intéressés aux activités. Je dis cette activité où il y a parfois des artistes, parfois c’est la nourriture, d'autres concernent la danse. Quand nous combinons les activités avec Kadeejeen-Khlong San

une fois par an, c’est bien pour nous les activités »45.

Les activités culturelles qu’Arthit évoque, ce sont les évènements que l’Uddc organise, notamment Art in soi et Eat in soi (c.f. rapport de stage). Les deux festivals sont le moment où habitants sont les plus impliqué dans le projet.

Le type de modèle qu’Uddc propose est un modèle de Partenariat Public Communauté et d’acteurs privés. Le PPCP, variante du modèle de partenariat public- privé, est un modèle où la communauté locale est l’un des partenaires impliqués.

Le PPCP répond à certaines des préoccupations soulevées par les PPPs, qui concernent notamment la domination des intérêts particuliers dans les tables de négociations politiques. Au contraire le PPCP veut se concentrer sur le développement local plutôt que sur la rentabilité comme seul paramètre de réussite (IGI GLOBAL, non daté). Le modèle PPCP essaye de produire une distribution égale des bénéfices. Par exemple :

• Le secteur privé tirerait des avantages à long terme par une inclusion équilibrée entre les producteurs et les consommateurs ; • Le secteur public bénéficierait de ressources et d’investissements supplémentaires ; • La communauté bénéficierait de l'acquisition de compétences, de connaissances, de nouvelles technologies et infrastructures mise à disposition par le processus de développement (PENABULU FOUNDATION, non daté). Dans notre analyse de Kadeejeen nous pouvons ainsi ajouter un autre bénéfice : celui de la valorisation des produits locaux et de la valeur culturelle du territoire.

45 Entretien avec Arthit, leader de la communauté musulman

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En accord avec ce modèle, la Fondation Kadeejeen-Khlongsan est une fondation composée de trois acteurs : Niramon Kulsisrombat en tant qu’enseignante à l’Université Chulalongkorn qui représente le secteur public ; Icon siam, la puissante élite économique, qui représente le secteur privé et enfin un résident de la communauté qui représente le quartier de Kadeejeen et de Khlongsan. L’Uddc travaille et soutient la Fondation Kadeejeen-Klhongsan (c.f. rapport de stage).

2.1.1. Un modèle de participation axé sur des retours économiques sur la communauté

Après les deux festivals, et malgré une implication de la communauté au projet urbain plus faible, la Fondation continue à travailler pour le quartier, notamment sur les retombées économiques pour les habitants.

Par exemple, l’Uddc aide la Fondation à la mise en place de stratégies de marketing, tout en créant des symboles qui aident à rendre les festivals attractifs au public ou en promulgant des produits locaux. May affirme que des organisations comme la Fondation aident effectivement à la promotion et à la vente de leurs cookies vers l'extérieur. Ne pouvant pas sortir de leur communauté pour des motifs familiaux, la médiation de la vente vers l’extérieur s’avère une mission importante. Concernant la promotion des festivals, comme l’on peut voir dans la photo 26, un symbole de la Fondation est devenu le chat qui caractérise ainsi Art in soi.

Photo 14

Les deux images utilisées comme publicité (Love Kadeejeen-Khlongsan, non daté).

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Même si ces symboles ne sont pas propres à la tradition du quartier, les habitants ne les perçoivent pas comme objets étrangers. Au contraire, ils voient dans ces stratégies de marketing une occasion pour de leurs produits à un public plus large durant le festival. Arthit, identifie ce symbole comme un « magnet » :

« Pourquoi le chat ? Je n'avais jamais pensé aux chats, mais quand vous le voyez, vous pouvez nous soutenir…Et je n'ai jamais vu des chats ici, mais tu utilises les chats comme un magnet, un magnet qui vais attirer des gens à travers son message. Cela est la chose la plus importante. Nous devons utiliser cette chose. C'est un magnet : la danse, l'art, les balades urbaines, les visites guidés, les récits et les recettes

alimentaires aussi ! ».46

En effet, l’échange avec l’extérieur pendant le festival est très important car celui- ci permet aux vendeurs de rues, aux restaurants et aux marchands de la zone de pouvoir vendre leurs produits à un nombre plus élevé de personnes. La promotion des produits locaux et les bénéfices économiques des habitants sont donc au centre de cet évènement.

2.2.Une mobilisation de la communauté par les activités culturelles et artistiques

En dehors de la période des festivals, les membres de la communauté s’organisent pas euxi-mêmes. Autant Arthit que Paithoon ont choisi de se dédier à la communauté en donnant des cours sur l’histoire du quartier. De leurs points de vue, la culture doit toujours être accompagnée par une mobilisation des habitants à travers une sensibilisation de la communauté de sa propre valeur culturelle et par sa mobilisation afin de renforcer la cohésion sociale pour le bien vivre du quartier entier.

Arthit évoque la nécessité de donner un véritable empowerment aux habitants : « je voudrais faire une activité par moi-même pour donner des connaissances à la communauté ». Pour le leader de la communauté musulmane, l’enjeu serait de donner aux membres une effective connaissance de l’histoire et une conscience de leur propre valeur culturelle afin qu’ils puissent l’exploiter par eux-même.

46 Entretien avec Arthit

99

« La communauté est une communauté. On ne peut pas changer les gens. Je sais parce que je suis le seul à être intéressé pour la communauté. Si je connais [l’histoire], je dois leur donner les connaissances. Mais les connaissances doivent être mélangées à autre chose. Par exemple, le bonbon : la connaissance n'est pas le bonbon, la connaissance est la substance à l'intérieur du bonbon. Peut-être que le goût n'est pas si bon, mais les gens qui aimeraient avoir de l'art, la culture et tout ce qui peut être intéressant pour eux. Donc, c'est quelque chose d’important. Les bonbons comme connaissances pour eux [les membres de la communauté]: le point est de leur donner des connaissances à

travers les activités. »47

3. L’art comme outil social : de l’art populaire à la mobilisation des habitants

3.1. Une forme d’art populaire : « l’art est dans notre cœur »

Au cours d’un entretien, Paithoon nous a accueilli chez lui où une plaque accrochée à la porte disait : « art et culture pour la communauté ». Il fut le pionner de l'art à

Kadeejeen. En 2006, il avait invité "Ajarn Daeng" (Niramon Kulsrisombat48), pour lui donner des informations concernant les projets afin de rédiger un article académique. Madame Kulsrisombat, qui à l’époque n’était pas encore directrice de l’Uddc, s’était énormément intéressée au projet de Paithoon, à tel point qu’ils ont organisé ensemble le premier festival Art in Soi, au cours duquel la communauté et les artistes ont travaillé ensemble pour construire l'événement. Depuis, des étudiants et des habitants se sont également engagés dans la création artistique des murs peints dans certaines zones du quartier.

Selon Paithoon, il existe deux formes d'art : l'une intérieure et l'autre extérieure à la communauté. Celle « extérieure » est représentée par les artistes qui viennent réaliser l’art de rue dans le quartier ; l’autre représente les créations de la communauté. Selon Paithoon, l'art est déjà dans la communauté, représenté par les objets artisanaux que les

47 Entretien avec Arthit

48 « Ajarn” est un appellative thaï qui signifie « professeur ». La communauté appelle la directrice de l’Uddc de telle manière.

100 membres produisent.49 C'est l'art de la communauté qu'il a en tête lorsqu'il définit l'art, pas seulement le street art. Par exemple, comme nous le voyons dans la photo 28, un artisan de la communauté crée des tirelires en papier. Photo 28

Les tirelires en papier (AVVEDUTO, 2019)

Reprenant la citation de Niramon Kulsrisombat, lorsqu’elle expliquait le processus artistique à Kadeejeen, l'art qui sera reproduit à Kadeejeen n'est pas le produit de génies artistiques, tel que l’art de grands artistes, mais l'art de la communauté, le sanook.50 L’art communautaire de Kadeejeen semble en harmonie avec le thème de l’art populaire, qui se réfère à l'œuvre d'art comme le résultat d'échanges entre des gens de différentes communautés. L’art populaire se positionne en opposition aux formes d’art élitistes et de la culture académique, tout en donnant de la valeur artistique aux produits des individus et des communautés (LES DEFINITIONS, 2014).

Le street art et l’art populaire ne sont pas deux éléments en opposition. Au contraire, dans les murs peints à Kadeejeen figurent des traditions communautaires et des pratiques quotidiennes. Dans la photo 29, nous pouvons observer trois images où l’art de rue a été réalisé en représentant ces éléments locaux : nous retrouvons les tirelires en papier dans la première image, les cookies portugais dans la deuxième, et comme nous l’avons déjà

49 Entretien avec Paithoon 50 Therme thaï qui signifie « joie » et qui ici prend une connotation de la joie de vivre ensemble. Notes de la réunion avec Madame Kulsrisombat, le 25 Mai 2019.

101 présenté dans le premier chapitre, la femme qui vend d’autres cookies portugais dans la troisième image.

Photo 29

La street art à Kadeejeen (AVVEDUTO, 2019).

Le concept de l’art populaire est également repris par Thanawan qui, dans une interview, déclare « l'art est dans notre cœur » pour décrire comment elle et son frère, bien avant l'art de rue, avaient l'habitude de dessiner sur les murs de la communauté. Ainsi, par notre observation de terrain, nous avons pu remarquer comment outre le street art, les espaces sont très animés : comme nous le pouvons constater dans la photo 30, les habitants décorent leurs maisons avec des couleurs, de la végétation et par d’autres objets de décor.

102

Photo 30

Soi Kadeejeen (AVVEDUTO 2019)

Thanawan explique que ce n’est pas véritablement le street art en lui-même qui a amélioré les conditions du quartier et que les gens qui viennent de l'extérieur sont plus intéressés par le « musée de la vie » ou le mode de vie de leur communauté, en particulier leur mode de vie est devenu une œuvre muséale. L'art de rue et la particularité de la communauté, ensemble, sont deux éléments qui ont amélioré la communauté et l'ont ouverte vers l'extérieur51.

Nous pouvons déduire que l'utilisation de l’art n'est pas une fin en soi, mais est étroitement liée à son contexte social. Ce thème est également repris par Crivello et Salone (2013), qui analysent plus généralement la relation entre l'art et le domaine social. Cette étude présente deux grandes approches de la pratique artistique : a) l'art comme le produit d'un seul individu qui utilise son « génie artistique » indépendamment de la société, du temps et de l'espace dans lequel il vit, b) l'art comme un phénomène collectif, c'est-à-dire comme un produit d'une communauté enracinée dans une certaine période historique ou géographique (CRIVELLO ET SALONE, 2013). L’art populaire est une forme d’art qui n’est pas forcément faite pour être consommée ou figurée dans des musées (op. cit. 2014). Crivello et Salone (2013) expliquent que l’attention se déplace vers la façon dont l'art « crée des significations et des processus par lesquels la société interprète et donne un sens à la production artistique » (op. cit. p. 14). Lorsque nous voulons analyser l'art d'un point de vue sociologique, il est fondamental de saisir comment les

51 Entretien avec Patong, proprietaire du musée portuguais, le 17 Avril 2019

103 notions d’« art », d’« artistique » et d’« artiste » changent selon les contextes spatiaux et temporels. Crivello et Salone expliquent que : "en portant à l’extrême les termes dans une perspective post-structuraliste, l'art existe là où un discours sur l’art est produit : l'objet artistique ne peut jamais être identifié, observé et décrit de manière objective, mais correspond à une entité sémiotique construite au fur et à mesure et à travers des processus où l'art et l'interprétation ne sont pas deux moments distincts, mais plutôt symbiotiques et interconnectés. » (Ibid. p. 14). Ce constat semble révéler un grand intérêt artistique et social de l’art communautaire : « comprendre « ce qu'il est » et « où » l'art implique de s'interroger sur le cœur le plus profond de la culture d'une société » (Ibid., p. 14).

3.2.Les Festival Art in soi et l’art de rue comme levier d’inclusion sociale et de développement local

Dans le travail de la Fondation, soutenu par l’Uddc, le street art n’est pas réalisé pour aboutir à une esthétique artistique, mais plutôt pour atteindre des objectifs de pressions politiques, comme donner une plus grande visibilité aux problèmes du quartier et les faire remonter au gouvernement local pour obtenir une amélioration physique du quartier.52 Également, les enjeux évoqués pour le premier Art in soi en 2009, visaient à utiliser l’art pour le développement social du quartier et notamment, parmi ces enjeux, nous retrouvons :

• La sensibilisation de la communauté au patrimoine culturel du quartier.

• L’amélioration de l’image du quartier vers l’extérieur.

• Obtenir une visibilité dans la politique du gouvernement. (KULSRISOMBAT, 2014).

À’ Kadeejeen, l’art est un instrument de mobilisation sociale et politique, utilisé pour « résoudre les problèmes et pour développer une capacité d’agir » (LOWE, 2000). Des études ont documenté la façon dont l’art engagé s’est occupé des questions sociales et politiques afin d’apporter un changement. Notamment, ces études ont montré que les artistes, l'organisation communautaire, la communauté artistique et la communauté locale

52 Notes de la réunion avec Madame Kulsrisombat, le 25 Mai 2019.

104 ont été touchés positivement en utilisant l'art comme catalyseur pour le développement local (Id., 2000, SHARP ET AL.).

Ètant donné que le quartier est caractérisé par des divisions géographiques et par des limites spatiales qui affectent la cohabitation des six communautés, Paithoon évoque l’importance de l’art pour créer une cohésion sociale. Il affirme que quand la communauté travaille au tour de l’art, ils travaillent mieux pour le quartier :

« Quand nous avons Art in Soi, les communautés travaillent plus facilement ensemble. Tout le monde a le même objectif. Tout le monde veut nourrir la culture de cette communauté. Avant, on était divisé mais maintenant toutes les années nous avons Art in

Soi ».53

Les artistes se sont révélés être de bons médiateurs pour engager les habitants sur le projet urbain. Pendant le premier Art in soi, le projet avait prévu l’organisation de trois expositions photographiques où les artistes sont intervenus habilement, en interaction avec la communauté pour révéler les mémoires et la valeur collective de leurs histoires. Les habitants du quartier ont donné aux artistes leurs vieilles photographies qui ont fait émerger des souvenirs locaux significatifs jusqu’ici négligés par l’histoire commune.

Ainsi, depuis la première édition, les chefs religieux sont devenus de plus en plus actifs dans le soutien du projet de régénération du quartier en général. Ils ont fourni un soutien financier au festival et ils ont aidé à mobiliser des fonds de la part des acteurs publiques, tels la BMA, le bureau de district de Thonburi et la Royal Navy. Par conséquent, les secteurs privé et public ont été plus impliqués. Il a été estimé que le nombre de partenaires avait doublé grâce à l’aide des chefs religieux, en passant de dix- neuf à trente-neuf organisations pour le deuxième festival. D’autres organisations du quartier avaient choisi de participer, notamment des établissements religieux, des écoles locales et le conseil culturel de Thonburi, qui ensuite ont travaillé ensemble à l'organisation des spectacles culturels (Id., 2014).

Aujourd’hui, il semble que la présence constante de l’art et de l’art de rue ait transformé l'utilisation d'espaces surtout dans la communauté catholique-portugaise ; il

53 Entretien avec Paithoon, ancien leader de la communauté et membre du congrès de la Culture, le 3 mai 2019.

105 semblerait que le street art a fait sortir la communauté d'une sorte « d’enclave », transformant les espaces d’un usage privé et exclusif à un usage pour d'autres personnes appartenant à d’autres quartiers de Bangkok.

En accord avec Schubert et Gray (2015), les travailleurs sociaux et les organisations qui travaillent avec l’art et les communautés utilisent cet outil pour imaginer un avenir meilleur, tout en mettant ensemble les pratiques artistiques et les compétences pour le changement social : « autant le travail social que l’art peuvent être conçus comme levier pour le changement social » (SCHUBERT ET GRAY, 2015). Selon Baldini, le Street art par exemple, transforme la ville en espace contesté, en se réappropriant des surfaces urbaines visibles qui souvent sont réservées à un usage privé : « le but du Street art n'est pas uniquement d'introduire l'art dans les espaces publics. Il s'agit plutôt d'une tentative créative de se réapproprier la ville, une rue à la fois » (BALDINI, 2016). Il s’agit donc d’attirer l’attention sur l’art comme expression d’une plus grande proposition sociale dans un processus qui demande des transformations (Id. 2015).

4. Quel développement urbain art-led à Kadeejeen ?

4.1. Des effets positifs d’une majeure inclusion sociale et d’une majeure ouverture vers l’extérieur

Selon Kulsrisombat (2014), Art in soi a eu des impacts positifs sur la régénération du quartier par le fait que l’art et les artistes arrivent à articuler et à communiquer l'histoire et l'identité partagées du quartier. Comme nous l’avons constaté, ce n’était pas l'art lui- même l’enjeu du projet urbain à Kadeejeen, mais comment il pouvait être un instrument de participation et de développement de la communauté :

« Ils mélangent les propriétaires et les membres pour faire de l'art sur le mur. Le résultat est le bonheur. Nous sommes heureux de voir que c'est le résultat de notre coopération, pas seulement entre les membres mais aussi entre les membres et les gens

de l’extérieur »54

Grace à des initiatives de ce genre, le premier festival d'art de Kadeejeen a reçu une attention considérable de la part des habitants de la communauté, des chefs religieux

54 Entretien avec Arthit

106 et du public. Un questionnaire a été réalisé à l’époque pour comprendre le niveau d’appréciation des habitants locaux, ainsi que leur opinion à l'égard du festival. Les leaders communautaires ont indiqué que les habitants et les chefs religieux ont été impressionnés et ont accepté d'inclure le festival comme un événement annuel dans le quartier. Au même temps, ils avaient suggéré d'intégrer le festival dans les cérémonies locales pour la deuxième édition et ils avaient décidé de mettre en place les ateliers d'art tels que les murs peints au service des communautés les plus démunies telles que les communautés Bupparam et Rongkram (KULSRISOMBAT, 2014).

Des données reportent que l’inclusion sociale des habitants dans le festival a fait augmenter le nombre de personnes qui ont participé aux activités de régénération urbaine : de 25,4 % dans les activités précédentes à 81,3 % pendant le festival d'art. Les données indiquent que le festival d'art a généré une augmentation de la participation des groupes non participants tels que les jeunes, moins de 20 ans (73,8%) et à faible revenu (moins de 5 000 bahts par mois (68,9 %)). Les participants avaient participé de diverses façons, comme guide touristique (72,5 %), dans la préparation du festival (17,5 %), dans l'exposition d'objets d'art (5,8 %) et dans la planification du festival (5,4%). En ce qui concerne les opinions du festival d'art, la plupart des habitants participant à l’enquête, ont convenu des effets positifs sur les communautés en améliorant l'image et l'identité locales (4,5 sur une notation de 5), en renforçant la cohésion sociale (4,39 sur 5), en autonomisant la communauté (4,37 sur 5) et donnant de l’inspiration au voisinage (revitalisation 4.23 sur 5) (Id, 2014).

De plus, il semble que le quartier ait développé une plus grande ouverture vers l’extérieur, au bénéfice des activités économiques locales. Cette ouverture se traduit par une plus grande présence des visiteurs que dans le passé, dont touristes, journalistes et blogueurs qui se sont intéressés au mode de vie communautaire. Selon l’étude de Kulsrisombat (2014), l'image de Kadeejeen a été améliorée dans la perception du public grâce à l'exposition dans les médias, passant de « bidonville en bord de rivière » à l'un des quartiers culturels de Bangkok (c.f. rapport de stage). En absence de données statistiques socio-économiques de territoires en Thaïlande, il se révèle difficile d’analyser de manière quantitative les impacts sociaux et économiques de la régénération art-led à Kadeejeen. Nous pouvons constater cette ouverture plus importante vers l’extérieur à partir des estimations prise par l’étude emmené par Kulsrisombat (2014) et par nos analyses qualitatives mais aussi par le fait que la municipalité a choisi d’inclure le quartier

107 de Kadeejeen dans le renouvellement officiel de la ville qui vise à la patrimonialisation et à la conservation historique, comme nous l’avons vu dans le chapitre II.

Cependant cette ouverture se manifeste à différents dégrés dans les six communautés, déjà caractérisés par une division géographique affectant leur cohabitation, ce qui finit par produire un processus de développement inégal.

4.2. La mise en tourisme du quartier et ses inconvénients

Dans la communauté catholique-portugaise, May explique qu’il y a un nombre important d'informations qui circulent par rapport au passé et qui circulent grâce aux touristes, blogueurs, autres personnes qui recommandent l'endroit à d’autres personnes.55 Surtout les touristes sont devenus de plus en plus nombreux dans les dernières années et Arthit explique qu’aujourd’hui il y en a à chaque heure :

« Peut-être une heure et un groupe vient ici. Deux heures deux groupes. De nombreux groupes viennent visiter à vélo. Non seulement à vélo, mais aussi à pied et en bateau. Ceux qui sont intéressés sur la façon d’être une communauté sans avoir de conflits viennent ici et qui sont intéressés à de nombreuses activités qui les attirent dans

cette zone »56.

Lorsque des personnes extérieures comme les touristes arrivent dans un quartier, ils peuvent parfois être vus comme des usagers illégitimes de l’espace. Toutefois, il serait trop simple de jouer de l'opposition entre celui qui a le droit et celui qui n'a rien à faire ici. Il y a bien une question de cohabitation entre les touristes et les habitants.

Cependant, à Kadeejeen, les touristes et les habitants se présentent comme deux entités distinctes et ne communiquent pas entre eux. En fait, les organismes touristiques ne coopèrent pas avec la communauté et Arthit le souligne souvent lors de notre entretien : « Nous mélangeons les activités avec la culture, de nombreux groupes viennent dans ce quartier attiré par ça, mais pas tous les groupes entrent en contact avec moi »57. Bien qu'il soit le leader de la communauté musulmane, quand une organisation veut faire une visite, elle ne le contacte pas. Il ne s'agit pas de lui demander la permission, mais de faire de lui

55 Entretien avec May 56 Entretien avec Arthit 57 Entretien avec Arthit

108 une partie active de l'expérience touristique en accord avec les valeurs du tourisme community-based.

Le risque qui se joue dans la question du tourisme est que la distance qui se crée entre touristes et habitants peut produire un sentiment de méfiance de la part des habitants qui ne bénéficient pas directement des avantages économiques par la mise en tourisme.

Si l'ouverture vers l’extérieur a contribué à améliorer certaines activités économiques, il apparaît aussi que d'autres habitants ne sont pas très satisfaits. Concernant les opinions autour de l'art à Kadeejeen, May explique qu’ils existent des idées différentes à ce sujet, qu'il y a des choses, des idées cachées que les gens gardent pour eux-mêmes. Parmi les opinions, ceux qui apprécient la présence de l’art sont des gens qui bénéficient financièrement de nouveaux visiteurs. D’autres, notamment ceux qui n’ont pas une activité commercial dans le quartier, n'ont pas apprécié la présence de l’art qui a fait venir de nombreuses personnes de l’extérieur.58

Du même avis, Arthit affirme que le tourisme ne bénéfice pas à tout le monde de la même manière. Le tourisme bénéficierait seulement à ceux qui ont déjà un bon revenu marginalisant ainsi les membres avec un revenu plus bas, ce qui révèlerait une inégale redistribution des bénéfices par la mise en tourisme : « Si de nombreux groupes viennent visiter, ce n'est pas le bonheur pour nous mais cela aide quelqu’un qui a beaucoup de revenus, mais un autre n’a pas de revenu par cela [tourisme] ».59

4.3. Une différente ouverture territoriale vers l’extérieur engendrant un processus de redistribution inégale des bénéfices.

Comme nous l’avons évoqué, la mise en tourisme du territoire semble plutôt concentrée dans la communauté portugaise qui est aussi la partie où les efforts des organisations sont concentrés, où les enfants et les adolescents aussi d'autres quartiers sont habitués à jouer, là où il y a des maisons colorées, un musée, des bars et quelques restaurants. 60 Dans l’imaginaire public, la communauté catholique-portugaise est toujours prise en compte. Quand les médias, les réseaux sociaux et la presse discutent du

58 Entretien avec May 59 Entretien avec Arthit 60 Analyse sur l’activités de cartes mentales du 5 Mai 2019.

109 quartier de Kadeejeen, seuls les lieux qui font partie de la communauté catholique- portugaise sont énoncés.

C'est aussi la partie où le street art est présent et valorisé. Il semble que les événements liés à l'art et la présence constante de l'élément artistique représenté par l'art de rue ont permis à la communauté de sortir d'une sorte d'enclavement. Alors que, comme déjà évoqué, le reste du quartier semblent être des « espaces privés » où il est difficile d'entrer, en étant le quartier divisé par des barries physiques.

Le discours d’Arthit est en ce sens instructif car il explique bien comment dans sa communauté musulmane, il n'y a pas autant de visiteurs comme ceux qui fréquentent la communauté de Kadeejeen et le musée portugais qui s'est progressivement avéré être un véritable point de rencontre du quartier :

« De nombreux groupes vont voir le musée de Kadeejeen. Le musée de Kadeejeen nous savons que de nombreux groupes y vont. Mais beaucoup de groupes ne viennent pas ici, ils ont plus d'intérêts là-bas. [...] des groupes [de touristes] ne viennent pas

nécessairement ici »61.

Il semblerait que Kadeejeen soit juste la « jolie partie », celle des maisons portugaises et colorées, où il y a l'art de rue, mais que les autres communautés du quartier ne semblent pas être prises en compte. Toutefois, dans un même quartier plusieurs communauté cohabitent, il s’avère fondamental de donner une égale visibilité à tous, autrement le risque est de produire une sorte de « guerre entre culture » (SHARP ET AL., 2005).

61 Entretien avec Arthit

110

5. Repenser la régénération art-led face à l’expérience à Kadeejeen : des enjeux sociaux et transversaux à prendre en compte dans les projets urbains artistiques.

Les enjeux abordés dans la théorie et l’expérience à Kadeejeen nous porte à constater que l’art peut avoir un rôle clé dans les stratégies de participation des habitants dans un projet urbain. Toutefois, il faut aussi admettre que l’art tout seul ne peut pas résoudre tous les problèmes qui affectent un quartier, tel que les difficultés d’accessibilité, l’absence d’espaces publics et une faible cohésion sociale. L’artiste joue certainement un rôle important dans la régénération urbaine art-led, toutefois il ne faut non plus définir a priori la position de l’artiste dans le projet au risque de réduire la figure de l’artiste à un accompagnateur de la transformation urbaine ou un animateur social (MARCHAND, 2019 : p 40).

Par conséquent, l'accent doit porter sur la mise en œuvre du processus de régénération urbaine art-led, notamment dans la réarticulation des enjeux touristiques, dans l’amélioration de l’inclusion sociale et dans des enjeux de transversalité.

5.1. Tourisme communautaire et solidaire : un levier des communautés dans la revendication de certains instances politiques

Réarticuler les dynamiques touristiques du quartier s’avère un enjeu clé pour le futur du projet urbain afin d’avoir des retours concrets sur la communauté. C’est une nécessité souvent rencontrée lors de nos entretiens : « Nous devrions promouvoir les balades à vélo de manière plus connectée à la communauté par exemple, pour obtenir des bénéfices de l'arrivée du touriste. »62

Arthit évoque la nécessité d’un tourisme plus communautaire et solidaire : « Beaucoup de problèmes pour notre communauté que nous ne pouvons pas résoudre par nous-mêmes, mais nous devons utiliser peut-être vous, peut-être un autre qui vient ici, et faire des activités pour eux [les membres de la communauté], et organiser des campagnes pour eux [membres de la communauté] ».

62 Entretien directif avec Bank, artiste et propriétaire d’un atelier de dessin à Kadeejeen, le 29 Avril 2019.

111

Le tourisme devrait être un levier pour aider la communauté et la supporter afin de faire remonter des revendications et résoudre les problèmes qui affligent le quartier, comme la pollution ou subvenir à un manque de services publics adéquats.

Dans ce discours nous pouvons retrouver deux typologies du modèle d’un tourisme plus durable :

• Le tourisme communautaire : ce modèle tire des avantages économiques par la préservation des ressources naturelles et culturelles du territoire ainsi que par l’aide directe aux communautés locales et aux états afin d’aboutir à un développement durable ; • Le tourisme solidaire : dans ce modèle les voyageurs contribuent à l'amélioration des conditions de vie des communautés visitées en soutenant des actions de développement, en participant au financement d'un projet social ou comme bénévole dans le cadre d'un programme spécifique (LALIBERTE, 2005).

La notion de tourisme communautaire met l'accent sur le rôle de la participation des habitants dans les projets touristiques, sur la base de l'idée que la participation citoyenne doit s'accompagner d'une redistribution du pouvoir. La participation joue un rôle important dans le tourisme communautaire parce qu’elle peut accroître la valeur d'une communauté en augmentant les effets positifs du tourisme et en réduisant ses effets négatifs (LEE, 2012).

5.2. Faire face aux limites du renouvellement urbain : l’importance du travail social pour réduire les divisions territoriales et les inégalités spatiales

Une ouverture inégale vers l’extérieur pourrait menacer la cohabitation des six communautés qui est déjà affecté par une division géographique et par des problèmes d’accessibilité. En ce sens, le rôle de l’art et notamment des artistes pourrait être clé afin de nourrir la cohésion entre les différentes communautés. En effet, des exemples montrent que lorsque l’artiste communique avec les habitants, ceci peut donner visibilité aux différences qui caractérisent le quartier et renforcer la cohésion sociale des différentes communautés. À Chicago, entre 1992 et 1993, le projet « Culture en action » a réuni un groupe d’adolescents latins faisant partie de gangs rivaux pour travailler sur les

112 représentations sociales et les stigmas via des performances visuelles. Le projet s’est poursuivi dans les années suivantes avec des impacts positifs non seulement pour les quartiers mais aussi pour la cohésion sociale entre ces groupes rivaux (Id., 2005). L’expérience de Chicago nous emmène ainsi à considérer que les pratiques artistiques dans un processus de développement peuvent être importantes non seulement pour l’inclusion des habitants dans les projets urbains mais aussi pour l’inclusion de tous les groupes sociaux qui habitent un quartier. La visibilité donnée par l’art, permet aux groupes sociaux minoritaires de valoriser son histoire et de marquer physiquement les espaces urbains qui souvent sont caractérisé par des éléments de la culture dominante (Id. 2005).

La cohésion sociale devrait être en thème à travailler dans le cadre des organisations à Kadeejeen car celle-ci est affectée par des barrières physiques et géographique dû à l’absence d’une planification urbaine et qui, comme nous l’avons vu dans le chapitre II, se révèle cruciale dans un processus de rapide urbanisation comme celui de Bangkok. Surtout, l’art doit être accompagné par des efforts d’inclusion entre les six communautés à Kadeejeen afin de décentraliser spatialement les effets de la régénération. Par exemple, la nomination d'un facilitateur communautaire présent de manière permanente et sensible aux besoins des groupes locaux pourrait jouer un rôle clé dans le processus d'ouverture du dialogue entre les multiples communautés, favorisant la mobilisation d’un plus grand nombre d’habitants dans toutes les phases du processus de régénération : conception, mise en œuvre et, à plus long terme, son déroulement (Id. 2005).

5.3. Décisions politiques et savoir techniques : un travail de médiateur nécessaire dans l’intégration des acteurs publiques et privés pour mieux coordonner les décideurs politiques, les organisations du développement urbain et les investisseurs

Afin de réussir le projet urbain, la cohésion devrait être accompagné par des efforts d’intégration de tous les acteurs concernés. À ce stade du projet urbain à Kadeejeen, le travail croisé et synchronisé entre effectivité des politiques publiques et compétences techniques des acteurs est très faible. Pourtant, de tels enjeux transversaux sont essentiels dans le cadre d’une régénération urbaine art-led comme celle de Kadeejeen. Comme l’indique une étude (BOURGEOIS ET AL., 2019), cela demande

113 donc de constituer des espaces d’échanges et de dialogues entre les acteurs politiques et entre les techniciens des différents services dont le bénéfice serait de créer un processus participatif de tous les acteurs, cohérent et sur le long terme : « chacun peut alors valoriser ses compétences propres, faire émerger ses enjeux, dans le but de créer quelque chose de commun, tout en étant attentif aux tensions, aux chocs et frustrations qui peuvent naître de cultures professionnelles différentes ou de la fatigue engendrée par un investissement sur la durée. » (BOURGEOIS ET AL., 2019 :37).

Parce que la notion de participation en Asie est perçue de manière différente, la mobilisation des habitants sur un projet urbain est liée à l’attention à des retours économiques et sociaux justement répartis pour la population. Cependant, ce processus devrait être accompagné par un travail social permanent et part une utilisation de l’art non pas uniquement en tant que pratique esthétique mais créé et porté par la communauté concernée, à la fois pour obtenir un développement économique et social du territoire et pour faire remonter des revendications au sein du gouvernement central. En outre, le rôle de l’art dans le processus de régénération urbaine art-led est celui d’être un catalyseur d’inclusion à la fois des habitants et des acteurs en jeu. L'implication de la communauté dans ces processus artistiques et politiques du projet démontre le potentiel de la communauté de déterminer les impacts de la régénération urbaine art-led et de faire partie intégrante des changements qui se produisent autour d'eux. Enfin, il y a bien des enjeux marquants entre art et tourisme communautaire. Tout en donnant visibilité à des pratiques traditionnels et séculaires, l’art transmet une connaissance de ces traditions locales aux visiteurs. Le quartier alors devient un lieu d’apprentissage à la fois pour les habitants et les visiteurs. Cela est une première approche qui semble déjà produire des effets à Kadeejeen, comme de générer de l’intérêt pour le style de vie communautaire, le sanook. L’art se révèle un trait d’union entre les touristes et les habitants tout en créant un langage commun sur lequel il semblerait important de pouvoir construire, un jour, un type de tourisme plus solidaire, non pas seulement basé sur un simple sentiment de folklore envers le gout du « local » mais enraciné dans le territoire pour atteindre ensemble des objectifs de solidarité pour la communauté.

114

Conclusion

Arrivée au terme de cet essai, il est nécessaire de tirer des conclusions afin de répondre aux questions posées au début de ce mémoire.

Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la régénération urbaine art-led est une pratique toujours plus utilisée dans des villes occidentales ainsi qu’asiatiques et le modèle de la ville créative semble émerger comme modèle global. Toutefois, la manière dont cette régénération prend forme est différente en Asie et en Occident. Les études urbaines ont tendance à homogénéiser des phénomènes pour les villes du monde entier, tout en imposant le modèle de la ville occidentale comme un modèle mondial. Comme nous l’avons vu, les villes asiatiques sont caractérisées par des spécificités propres à elles. Par exemple, plutôt que sur des enjeux de marketing et de revitalisation des espaces en déclin, les villes asiatiques concentrent les efforts du renouvellement urbain art-led sur la valorisation historique de l’ancien bâti et sur la préservation des communautés. Cette tendance émerge comme solution pour contraster les nombreux problèmes liés au processus d’urbanisation qui, depuis les années 80, a radicalement changé la forme urbaine de ces villes. Par exemple, à l’inverse des villes européens qui luttent contre le shrinkage (perte de population et conséquente crise économique), les villes asiatiques témoignent d’une croissance économique et démographique importante, accompagnée par une rapide urbanisation difficile à maitriser. Le challenge qui s’impose dans ce XXI siècle urbain asiatique est de savoir gérer les très grandes villes (mega-cties) qui se sont formés à partir de cette urbanisation rapide. Notre étude a montré qu’un effet dramatique de l’urbanisation est la disparition des communautés, soit par leurs éviction de leur territoire soit par leur conformation à une vie « plus urbaine », étouffées les grandes infrastructures et de nombreux centre commerciaux. C’est dans ce contexte que la régénération urbain art-led intervient pour résoudre des problèmes comme la privatisation massive des espaces, un cout toujours plus cher de la vie, la marginalisation des plus pauvres et des problèmes environnementaux.

115

De nombreux auteurs proposent la régénération urbaine art-led comme levier pour un développement urbain alternatif. L’art devient un instrument des et pour les communautés afin de valoriser leurs propres traditions locales et faire remonter leurs revendications au sein du politique. Dans ce contexte, les enjeux de participation citoyenne deviennent clés. Toutefois, dans les projets urbains, il semble que les organisations publiques comme privées choisissent entre développement social ou développement économique. Comme nous avons essayé de le montrer, impliquer les habitants dans les projets urbains ne signifie pas choisir mais que les enjeux économiques et sociaux peuvent se concilier. Dans ce contexte, l’art, s’il est bien maitrisé, peut être un outil pour mobiliser les habitants autour d’un projet urbain, par l’aide des artistes, par la valorisation de l’art populaire et par la création d’un échange économique entre habitants et touristes.

Nous avons montré que la notion même de participation est défini de manière différente en Asie et en Europe. Si dans le cas européen, des pratiques de participation citoyenne agissent dans un contexte d’idéologie démocratique et sont mis en place pour impliquer les habitants dans le processus décisionnel, dans le cas asiatique, les habitants sont impliqués dans une sorte de redistribution des bénéfices du projet urbain, notamment par des retours sociaux et économiques concrèts. À Kadeejeen, le projet urbain artistique a conduit à l’émergence de nouvelles activités économiques et à la création des nouvelles organisations et institutions. Il semble que le quartier a pu bénéficier du processus de renouvellement urbain par des retours économiques et sociaux concrets. Toutefois, comme nous l’avons démontré, il existe pourtant des limites telles que les inégalités spatiales produites par la mise en tourisme et par une faible implication des habitants.

Bourgeois et al. (2019) affirment que « l’art permet de remettre l’humain au cœur du projet urbain » parce qu’une œuvre d’art ou un équipement deviennent des « points d’ancrage » du quartier, notamment par le fait de produire un sentiment d’appartenance, de cohésion sociale, d’évolution individuelle (BOURGEOIS ET AL. 2019). En accord avec cette étude, la présence d’équipements culturels (tel que des salles de théâtre, des cinémas, des médiathèques, etc..) confie une nouvelle attractivité aux territoires, ce qui permet au quartier d’acquérir une certaine légitimité et d’être objet d’attention pour des

116 partenaires politiques et financiers, qui peuvent consacrer au projet urbain des financements publics et privés (Ibid.).

Toutefois, il n’est pas suffisant d’utiliser de manière isolée l’art et les artistes car seuls, ils ne peuvent pas faire des miracles. Le projet urbain artistique doit être toujours accompagné par des efforts réels de mobilisation de la communauté. Autrement, le projet urbain artistique ne reste qu’une pratique esthétique pour elle-même, une « art for art sake », avec des effets négatifs comme la gentrification et la reproduction d’inégalités sociales et spatiales.

L’Uddc à Kadeejeen essaye de produire un type de développement urbain alternatif mais le chemin est encore long. Le manque de fonds pousse l’Uddc à donner une priorité au profit économique au détriment des pratiques communnity-based. Par exemple, la promotion sur internet est plutôt focalisée sur la vente d’objets que l’Uddc a lui-même réalisé pour soutenir économiquement la Fondation. Cet aspect n’est pas une limite si cela est accompagné par une importante promotion des produits locaux, comme les objets artisanaux et la nourriture locale. Cette limite propre à l’Uddc est aussi liée à son contexte. Pour une organisation qui travaille dans un contexte à faible capital urbain comme c’est le cas de Bangkok, il s’avère très compliqué d’obtenir des financements publics et souvent elle doit se tourner vers des acteurs privés ou attirer l’attention du politique pour avoir des fonds publics. Cela amène l’organisation à tenir un positionnement ambigu à cheval entre se comporter comme une entreprise ou comme une organisation non-lucrative (c.f. annexe 2.2). Une reconfiguration s’avère essentielle où le risque sera d’avoir une collusion avec des intérêts particuliers, tout en reproduisant des effets négatifs dans le processus de renouvellement urbain, encore plus dramatiques pour les communautés. Un projet urbain artistique devrait donc donner la priorité aux enjeux sociaux.

Ainsi, l’étude a essayé de prouver l’importance de travailler pour et avec les communautés. En effet, un des problèmes urbains du XXI siècle est la gestion des très grandes surfaces urbaines. A mon avis, préserver les communautés s’avère un enjeux clé : la communauté comme forme d’organisation se révèle une solution pour vivre et parfois survivre dans une mégapole du XXI siècle ; elle s’avère un antidote contre la domination d’intérêts économiques et pour faire face à la crise du politique dans les territoires. Les

117 communautés grâce à un capital social élevé, ont la capacité de créer des micro- écosystèmes urbains, auto-organisationnels et avec de forts liens de coopération. Pour un développement durable à long terme, il est essentiel de valoriser de telles formes urbaines plutôt que les marginaliser.

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123

Annexés

Annexe 1 – Entretiens directifs et semi-directifs.

Annexe 1.1. – 17 Avril 2019, entretien semi-directifs avec Thanawan et Anong.

Je vais au bureau de la communauté pour rencontrer quelqu’un à interviewer. Je rencontre Anong, la leader de la communauté et président du bureau. Elle ne parle pas anglais et me porte au musée où Thanawan peut nous faire de traductrice. Thanawan est la propriétaire du musée.

I : What is the role of the community office in the Kadejeen community?

T. : She is the leader of the community, the community office is composed by the leaders of each communities plus other members and they are elected every three years. They help the community. They help also community to buy houses. Actually, the land of the community belong to the church, the St Cruz Church, if one want buy house here they have to be catholic baptized. It’s required only one to be catholic, the one who sign the contract. The other one who not sign the contract can be from another religion.

I : For example, if in a couple the woman is catholic and the men is Muslim, it could be ok to live here?

T. : Yes, of course!

I : You told me about the community office and as its role about helping communities. How does it work? Which are the tasks?

Thanawan translate to Anong the question and she’s answer in thai, then Thanawan make a translation.

T. : She says the community office helps about : one, surrounding and environment; two, keep contact with government office.

I : What do you mean exactly when you say “environment”?

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A : For example, no pollution, no drugs addiction, help in case of emergency, if one of the community getting sick for example they give ambulance or in the case of death they bring the cadaver in the room and also cleaning work.

I : You speak struggle against drugs addiction. There is any case in Kadeejeen?

T: Not anymore. Before yes. Few people in this community and also other people in other Kadeejeen community. But we had work on this and there are not anymore drugs addiction cases in our community. The police give us the label of “White House”! That it means clean in term of drugs addiction, nobody takes drugs. In the other communities there are still some cases but not in our community…not anymore!

I : How did you arrive to obtain the label of “White House”?

A : Through the activity with community. We organized many activities and we have bring young people in the church, we have make them stay there without go out from our community, they stay here and never go out. They remain in the church. Finally, we did it! Now there not anymore addictions.

I : When you obtain the White House label?

A : About five years ago. In the last five years we don’t have drugs addiction episodes.

I: Speaking about the community office, I saw a football camp with street art. Who make it?

A: Volunteers, students from the university. We have close contact with the university. There is a policy, on students: they come here to help, to know the community.

I: Does the paintings were made in cooperation with the community office?

A: it was a community office idea and also idea from outside

Anong get a call from her phone.

I: in your opinion, does the street art had change something in the neighborhood?

T: not so much because if you see in our community there is art everywhere, in the houses. The street art idea is nice, it s a new idea but the art is in our heart! Everywhere in Kadeejeen you find art, it’s our art. Before the street art, me and my brother we painting the wall, then the street art is a new idea, we are open to it. But people from outside come here for the life museum! I mean how people live here that became as a piece of museum.

125

Then, life museum plus street art is the perfection together. The street art give more plus to our community but people from outside is more interested in our lifestyle.

I: How do you open the museum?

T: In the past I worked in Bangkok Electricity Authority, then I bought this house from my aunt, she got heritage from our family that is Portuguese since five generations. That’s why I open museum two years ago.

I: Do you work or cooperate with other people of other communities?

T: yes, we have contact with other communities in Kadeejeen and the six leaders, they meet each others in meetings.

I: when you have the possibility to meet them?

T: humm….I don’t know. For the events and the street art. The event and meeting of Uddc and then also government department.

I: In your opinion, which are the advantages and disadvantages of your neighborhood?

T: we are strong community; we are as one community even if we are six communities inside. We are so connected.

Anong come back from the call, I ask her some questions.

I: In your opinion, the street art has change something in the neighborhood?

A: yes, it is better than before. There are people from outside. We are happy with tourists.

I: Could you tell me some advantages and disadvantages of you neighborhood?

A: We are six different communities and peaceful!

I: Do you work or cooperate with other people?

A: we work with university in order to make know the community

Annexe 1.2 – Entretien semi-directif du 25 Avril 2019 avec May et Thon, propriétaire du restaurant de cookies portugaises.

Je vais dans le restaurant portugais pour connaitre les propriétaires. La bas, je rencontre May, marié avec Ton, et elle se rends disponible pour une entretien.

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M: …He (husband) know more than me, he will you say about the history of Kadeejeen and his family better than me ehehe and..and…sometimes he can’t speak anything with anyone because of our position. But sometimes not much of a ….foreigners or a many interviews like this. May you will be over than 10. You can wait for him.

I: However I’m not really interested to the history of the community, I’m interesting more on the contemporary….

M: Oh yes, so I can answer

I: For the history I can also come next time or other times.

(she speak in thai with another person outside the restaurant)

M: She’s my neighbors, she’s rice shop

(she speaks in thai)

M: Pak ka pao do you know?

I: Ehmm not…

M: is basic food of Thailand, like a kao [rice], a tum yun [thai soup]. Is there [she gives me the directions]. She’s store with kitchen room of this village. Every family must to know her.

I: So, you make cookies, right?

M: Oh! Some foreigners call as a biscuit but is not biscuit because inside the cake you will got same more issues of the texture, but outside of our cake we have some crispy. Because our cake, our Kudeejeen cake from three things as I told you, don’t have any backing powder , any milk or any butter because we think to the back it, like the recipes of the foreigners who have light product. They try to make cake or anything else, I’m not sure about that, but hmm it doesn’t have any ingredients that they need to pay and it was complicated to find any milk or any butter in this area. So, they try to make the thinks with the products they found at the time. Sometimes they got a wheat flour from the Indian boats, or they bring from the ports himself from another country. But sometimes if they don’t have

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wheat flour, they use rice flour so the cake that use rice flour have another texture than wheat flour’s cake. But at the time this cake is so good. I can’t deny in nowadays world can connect all, you can have all ingredients that Thailand have in your country. So is not difficult to do Thai food if you know the recipes. But in the old time so difficult. About 20 or 30 years ago, if I had to prepare papaya salad in your country you couldn’t do. But now you can, despite the ingredients can be expensive price more than in the area. And we try to keep the old recipe of the time until now. But the toping of this cake it doesn’t have any toping on that time. In that time, we used oven like this. In the picture is the old generation of this family to make the cake, my husband family is a fifth generation. The first generation is a grand grand grand mother.

I: Ok, How much long ago have you start to work here?

M: Again?

I: When you start to work here?

M: Me, I have a family with him ehehe that’s why I come to here and make this cake. But he is start to got this …from his parents, about fifteen or 20 years ago. He start, he come to start, to manage everything but in the first, he help his parents and then he developed something like our hoven now is different from this [she indicate the photo where is figured the picture of the old hoven] we must to change because about after he come to get this business about 5 years ago, our king Rama IX, have ambition about mango …he give a low to crap the mango, but our hoven had choose to crap the mango. We should to use a mango because one kind of this mango.

I: For mango you mean the fruit right?

M: No! I mean the wood for cooking. We should use a new mango because it brings a good fire for the cake, different tree, different wood, different fire.

I: So, Rama IX create a law to promote the use of this wood

M: Yes, this is the reason why it change the way to bake the cake but our hoven is made by 4 generation, his father in this picture is the fourth generation of this cake, he know about the method, he know about the ingredients of the cake, he try to

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build the new one. Is for this that we choose this one. Before to choose this one we try it, about three year before to open the business.

I: Have you and the family of your husband born in Kadeejeen?

M: Again eheh

I: Have you born…

M: Ah born! Eww..I’m not from Kudejeen. Me and my husband we were friends in high school and I’m another one in another area but I’m a Bangkok people.

I: So, not in kadeejeen

M: I’m not but my husband…. I’m from the road that go to the south area of Thailand.

I: So, are you not from Portuguese origins?

M: I’m not, but my husband. His family, his sister the next one from him, she has have a face a foreign people but she have a body as Thai people she had curly air when she was young but when she grown up the air not curly as when she was born. She like a face like a foreigner.

[she shows me the picture of the sister and call his husband]

[the husband enter in the room and we present each other, I explain what I’m doing in Kadeejeen]

M: You can ask anything to him. We can talk about 15 minuts it s ok?

I: Oh yes, it’s ok…How did you have the idea to open the restaurant?

T: Humm…[He doesn’t understand and M. explain him] …because this cake same generation to generation and I want to keep recipe, this recipe because my family make it generation through generation

I: Also the…the….other generation of you family had the restaurant?

M: Other generation doesn’t have a restaurant, just bake the cakes.

T: Old factories, make a cake send to market, not coffee area.

M: About this shop, open about over then 10 years. But before this open about [speak in Thai], about three years, we prepare the cake and we go outside to sell our cakes

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to another one because we need most costumers know the cake. So, for the first we come to got we to go out to selling. Three or two years. But we have some reasons to can go out there because his mum is so old and there is anyone who care, that’s the reason that we open in this area and we have something about the sons. [they speak in Thai]. Are you Swedish ?

I: Italy

M: And we have an idea to open this area for to customer that come to know the cake. Our idea is not selling, just have an area for our costumer when they come to the cake because sometimes, we can’t do the cakes on time for the appointment with the costumers so, this area we open 8 year. Before I got pregnant of my daughter. After we open this, 8 months I got pregnant in that year that we open but after my daughter was born, we close this area because I should take care my daughter about three years

I: So, you move in this area?

M: Not move, be here. But doesn’t have any time to do anything on this because on this depend on me. After my daughter go to schools this area opens again.

I: Oh Ok

M: I and my husband we was by situation, like when we decide to be here, to have this here, to be the best. In other time I told you, his grandma go old, very very old, that’s why we decide to don’t go to outside of this area. Just to stay here. Everyone have an idea about our cake, it’s be right way. Our cake is “kadeejeen falang cake” so, this born in Kadeejeen community. So I told one day you have someone come to here like a [speak in Thai] sell local product, if you need to test, If you need to know you should to come to this area to touch..to…

I: And not outside?

M: Yes,

T: Yes

M: Yes, this is the main idea, why we stay here.

I: You don’t sell in other districts or in other part of Bangkok?

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M: No..

I: Who is the costumer that come here? They are most neighbors? Foreigners?

T: Yes, from the neighborhood, tourists, costumers and local people

I: There are a lot of tourists that come here?

M: We have every day...but different numbers of costumer…because you can see this is the piece, not much people come here because is not easy to come here. You know, is not really with [speak in Thai] the road, or bus station…so the one who want to come here they should find some intromission first and…

T: Now we have bicycle tour

M: And one who love peace atmosphere come here

I: The bicycle tour come here?

M: Yes, tourist come by bicycle tour, walk tour or just by themselves

I: Ok

T: Costumer with thais, with thai guys

I: Thai guy?

M: The tourists, the visitors they come with Thai guide. Because now there is a travel guide, one day trip, two days trip

I: Do you think the neighborhood has change than the past? …..do you think there is more visitors than before…?

M: Yes, because there are more information about this area to outside. By some tourist, by some blogger, by some who recommend…we have more visitors come to here more than before because in the past time doesn’t have a lot of information about the area on the anything, no press. But now we have more information more than before.

T: And costumer know this area through tv…radio..and another papers

M: Just two three years we have someone to Lufhtansa, they know him..just talk together and he bring some information in the press about us

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I: So, he was a journalist?

M: Press of Lufthansa

I: It was positive for you?

M: He come here by himself, not tour. He knows about this area and the cake by himself and he write about him. At that time, we didn’t know about that, but after that [speak in Thai], he send the name card to my husband and in the name card we see who is him. We know about it.

I: Do you work or cooperate with other restaurants or other people?

M: Oh not just here. Oh sometimes, but not much…sometimes there is some events that we can include with them. But not much because we are worry about the visitors or any costumer that come to here, because as I told you first, is not easy to them here. So I try to give them something back to them, like they try to find so we meet to give the good relationship back to them.

I: Them you mean…

M: The visitors and any costumers…because I can’t deny is not just only a cake that we sell to everyone. We give a thing here. Because we need not only to sell, we need to talk with you, we need to smile you, we need to take care of you, give something back and to thank you to everyone that try to come here. Is the only thing that we can give back. That’s why we try to stay here. But some events I can’t deny not much events that we go out. Because we decide to base on here, so this here is very important for us

I: Do you have relationship with other areas?

M: Hummm….we…we didn’t deny to [speak Thai] we didn’t deny to…the invitation of any events but we have a reasons and someone understand someone that touch us before they understand the reasons of us why we don’t need to go out because we have this to, we have to work every day we have to make orders, so the orders is the first to consom …humm outside it is a…is just a chance that we can go out to see another one outside here, easier. But if you told to one who come here to see us, to buy …I concern about it more than the one of outside. For example, if we are not here today, we want to talk with another one. [speak Thai] …..I talk

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about you, I talk about Ajarn Daeng, because Ajarn Daeng goes to France to University and to tech about Bangkok history, Uddc. That’s the reason why she’s interested in that and why she joins the Uddc about researching

T: We have good relationship with Uddc …Ajarn Daeng…eheheh

I: Heheh

T: Architect

I: Do you know Icon Siam too?

M: Icon siam..

T: Icon siam….Icon siam know …Icon siam come to my cake to coffee break

M: They come to see because is not far from them

I: Last question, what are in your opinion the advantages and disadvantages of the neighborhood?

[we don’t understand each other]

I: What are the positives and negatives things of the neighborhood?

M: About us?

I: In the neighborhood that is composed by 5 communities, right? About all this area, the whole neighborhood not only the community

T: In my mind, every villages have a friends and good relationship in a long term ehmm…Muslim village, and Buddhist village

M: We see them as a friends

T: Yes friends! Because we…we… stay and

M: Growing up together! eheheh

T: Growing up together! Stay in this area longtime ago, and relationship in all time….for a long long time…for 400 years…I know my friend, leader of Muslim village and Thai call imam.

I: Well, Kadeejeen seems a perfect place to live!

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[laughing]

M: I told really, we can stay together

T: Some year we have water floods..the people around here…help…

M: In the Muslim community they have a good carpenter so in the old time when our village be with water and house was broken, he come to repair

I: There is not negative aspect?

M: Negative…like the first time I told you, we can’t know about all the opinions but the active way we smile together and about art we don’t have any negative with another one. If we stay on the right way, if we stay in own place don’t give a bad thing to another one. It is good to be together but sometimes we can’t know the deep think or another mind… and the way to show with us, until now we don’t have negative relationship with a place with another one.

I: For the spaces? ….you would like to improve something in the streets, service? For example, do you think there is something to improve?

M: In another community?

I: Do you think for the spaces around like the streets, houses there is something to improve?

M: You mean now if we have something to improve?

I: Yes

M: On now, I told our community is better than others communities because now we got interest from many many operations. Like Uddc, like government

T: [speak Thai]

M: [speak Thai] like many companies…they try to develop to make community better and we just saw they want do all the community in the area take care. Like the officer of Bangkok come to see, come to give some help but just not only here. Not in other areas. Other communities in other districts in the province should have this we have. Is that the thing that we would to see, in Bangkok, in another province, in another district have a office come to see another one that have that’s see, that come to make better atmosphere. And it is good for everyone. In our days

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is specific to our place, but not every place got this chance. We have a good chance to got that and we want that everyone get the same good chance like that. Because if you are good you have good thinks. If you have a good life, then you think good thinks to another one around you

I: I understand. Well, I finish all my questions!

[laughing]

I: Thank you so much for your time!

M: Thank you so much you too!!! Hope it will be good for you about our answer

I: Yes, so interesting really.

[conversation about other things, they ask me about age and university]

M: If you like history of the Thailand in Tonbhuri

T: We have a lot of …Laos..a lot of communities…

M: You see the relationship of Thai people with a Laos nationality who live and have a family here for longtime and you can see the relationship of different religion people, as Christian, Muslim and Buddhist and Chinese.

I: We have not this in Europe…in Europe there is a lot of conflicts between religions and communities now. But here is peaceful

M: I told, because the base of our life is a [speak Thai] comfortable one like a smile, we have to smile to every situation. Even if we have many problems we have to smile because if think always to you problems you can’t find the way …but if take relax …ok it take long time..but better than if you stay sad. But we can smile to everyone this is the best of Thai people.

I: instead, we take things more seriously

M: Maybe there is more competition in Europe. Like Japanese people, they have competition in their country. I’m the one who like travel to japan.

I: Right, the competition affects a lot. On the contrary here it seems there is cooperation, people help each other’s. So, this is also a thing that is good in individual life of people

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M: But you will get some better things than here. Different spaces, different atmosphere

Annexe 1.3. – Entretien directif avec Thor, jeune séminariste de la communauté catholique.

Je recontre Thor grâce à Thanawan quelque jour avant l’entretien. Il vais m’aider sur l’organisation de cartes mentales ainsi que connaitre les jeunes du quartier.

I: So, you just told me you are here since two months, so you are not born here. Where are you born?

T: [incomprehensible]

I: Where you live now?

T: Now It is just a semester break, so the school send me to Kadeejeen. I stay here one or two months and then I go back to my seminar school.

I: When are you arrived here?

T: Here?, Humm, 21 of March.

I: What are your activity during the week?

T: Teaching liturgy for the children and we have some activity for the children

I: What have you doing today for example? Which is your type day?

T: Morning I have class with them at 3 pm, after that I’m free.

I: Where you spend your time?

T: Prepare for tomorrow class or and I go to the office also, I go to the secretary and help the priest.

I: When is holyday where do you spend your time?

T: I go out or I watch some movies. When I go out I go just around here, I go to Icon Siam. Just around here.

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I: What are your favorite place in the neighborhood ?

T: Humm here? Ehehe

I: I meant, what are the place where you feel good here?

T: So, this is not my home ehehe here right ehehe. I go to this coffe shop (museum caffé), always here heehe

I: And what are the place where you never go?

T: Humm, In kadeejeen?

I: Yes, in the neighborhood

T: Humm, because I don’t know this place so I never go…I don’t know

I: I meant, where do you prefer to don’t go?

T: I would like to go to the convent, to Santa Cruz convent.

I: There are any cultural or artistic activities in this neighborhood?

T: Artistic? Ehmm…I’m not sure but I saw the walls, painting in the wall. Just I think like that. But the children just pray around the church there are no this kind of activities. They just play you know.

I: I’m sorry can you repeat

T: Eew, about artistic activity?

I: Yes, what you think about the art here…

T: Because this place around…I think…350 years this very old, old towns, neighborhood architecture. I don’t artistic thinks but. I know this. Something features with art, Chinese, Italians or French something like that…Portuguese’s…yeah.

I: And did you took part to some community meeting?

T: Meeting?

I: Yes

T: Humm, no…I just arrive here so no time for meeting with him.

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I: Concerning the neighborhood: I know that you not used live here, but maybe you can also have an opinion as outsider of the community. There is something that you wish change for the neighborhood.

T: I think, the lifestyle of people here, this community is not good that group that you see they are good, they pray around the church but the dormitory, you see? Before to come the church there is the dormitories some small group of people lives. I don’t want to judge them, but the parents don’t care about the children and the behavior is not good, drinking and smoking. At night drinking, party at night in the streets, I think some…something here is not good.

I: The place where you speak about where is it exactly?

T: Before you arrive in the church you see the small shop?

I: Yeah,

T: Before the small shop, there is dormitory, the blue one

I: Oh ok! Here, it s seems a very peaceful area, why..I mean you think there is a difference between here and that place?

T: EWW…

I: Or, the think that you say happen also..

T: Yes, they don’t care about the children, just they drink, just they do what they want to do,

I: As church, you do something for that?

T: Yes, we take children to our class also, we take from their house when their parents go to work

I: Concerning the city of Bangkok, what is the city in Bangkok that you prefer, that you like the most?

T: In Bangkok?

I: Yes

T: In Bangkok I prefer Chatuchak, it’s a market and the park too

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I: You spend in the park sometimes, get relax…?

T: Yes, before I became seminarian I spend most of my time there. After school I used go to Chatuchak.

I: Which district of Bangkok you prefer?

T: District?

I: Yes.

T: Maybe here, or around here, or around the river. Is not very urban, not so much high building. I like it. You know Grand Palace, beautiful streets and not so much high building. Around here, because near the city. Suburban ehehe something like that ehehe

I: Did you are originally from Bangkok?

T: Yes

I: So, when you was young, there was already the high building?

T: Actually I just used stay in my village, you know. So went not to much go out to see something. I think that there was aready the high building. Actually, I born near Icon Siam, the Taksin hospital.

I: Oh, very close from here

T: Yes! Eheh,

I: So it was destiny..I mean god sorry, that bring here.

T: Yes I think too! Eheh

I : And..how old are you?

T: 22 years old

I: You think Bangkokian, move the most from one district to another one? It changes something or it is still the same?

T: People from far district move from the couronne …because in Thailand the government they want to, they have project. When they have to building something, they build in Bangkok first. If you see other districts out Bangkok is

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not good. But in Bangkok is always better, I think most people want to go to Bangkok because more opportunity they move to the city here, more attractive, everything change in Bangkok

I: And you can see the change as well

T: Yes

Annexe 1.4. – Entretien directif avec Bank, artiste et propriétaire d’un atelier de dessin à Kadeejeen

Bank ne parlait pas anglais. Je suis allée dans son atelier avec une collègue qui a fait de traductrice.

B: I live at the neighborhood around BTS Wutthakat Station

I: How do you first start your this art tutorial school?

B: I actually start teaching art since I was a sophomore in the university. At that time, I and my friend had an art tutorial school in Charoen Krung for 4 years before I moved to Germany. When I came back to Bangkok, I started my art tutorial school again since there was quite high demand from the student. This place is great for their location near Silpakorn University where most of my colleagues study and the material supplier so I decided to rent this place.

I: Who is your student?

B: They are in high schools who want to attend famous-for-art University. They study in the school nearby such as Suksa Naree School, Santa Cruz School, Taweetapisek School, Apsornsawan School. Some of them come from the provinces 2-hour-away from Bangkok. They spend their summer practicing art in my tutorial school.

I: Have you ever attend any community activity?

B:I have been asked by the community to attend painting event with some university student but I was so busy so I didn’t join it.

I: Have you ever heard about any art festival around this area?

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B: I had been to one art festival in khlongsan for a few weeks ago. It was like a grand opening event of the community where art and lighting were used to decorate the street. There was also a history exhibition. People enjoyed the local market and old style dance. It looked so much like Bangkok Design Week by TCDC.

I: Do you know about any community meeting?

B: I don’t know at all.

I: What do you as an outsider think we can develop this community?

B: I think we should promote local products or tourist attraction in the community such as World War II Museum. Shop of local products needs to support each other rather than stay individual and sells things that are not interesting. We should promote biking trip to link more with the community like how to make the community get profit from incoming of the tourist.

I: Where do you usually go in your free time?

B: I usually go to Lumpini Park to enjoy with the green environment. I go to Tha Chang neighborhood to enjoy beautiful building and environment. Tha Chang neighborhood has no high rise building. I go to Jatujak Market because my friends live there and I go there for shopping. I go to Siam both Siamsquare and Siam Discovery for shopping and observing interior design and cool space.

I: If you can should one neighborhood to live, where would it be ?

B: I would stay in Satupradit neighborhood because it is easy to access food shop and convenient for travelling and most important, because my friends and family live around the place.

Annexe 1.5. – Entretien semi-directif avec Arthit, leader de la communauté musulman.

I: At first, you would like to introduce your self?

A: My name is Thiranan [spelling the name], during this time among 20 years old I tried to done about some priest to join to interesting in the name of our community. Kadeejeen is the [..]and the new word. He come from the Ayuttaya period, now we call with the new

141 word because to thai people to forget the war. When we assembly we use the name. This is historic information center of Thonburi TCIC. First one, I start this more than 20 years because I m interesting to history of us, of our community, interesting because this one is the meaning of thai. And in the name of this community, this is the all community, in this area we have the [dsfoias] of the record of Ayuttaya and Thonburi, Thonburi and Ayuttaya. This area when we know about the area I starting to interesting to my home.

I: Have you born here?

A: Yes I born here, but my Lancaster have born in Ayutttaya. Before Lancaster from another country.

I: You mean your parents ?

A: Yes, yes…but the people have the same history when you come here to visit the Kadeejeen the present are here but this community in the past move from Ayuttaya. But not anyone know it, maybe 10% of them know that.

I: You mean the don’t know the history of Kadeejeen?

A: Yes..but me, I study and I graduate from master degree Silpakorn University and I interesting about archeology.

I: Excuse me, can you repeat the university?

A: Silpakorn, that have a department of archeology and the is under antropology. I study antropology and archeology from Silpakorn University. From that I study about the history, about the Lancaster of them, who is one, why they interesting to this thing…about the antropology.

I: So, we can say that the neighborhood and the community had an impact on your intellectual interests? On your studies?

A: Yes, around this community exactly in Thonburi. If you want know about Krun Thep, Bangkok…you must to know Thonburi because Thonburi is older than Bangkok because after we have enemy in the Ayuttaya period that destroy Ayuttaya, after that the one of ayuttaya they move, they come to Thonburi by the king Taksin. This is the point interesting of this area. And my Lancaster, my family establish here also.

I: This is the house of your family?

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A: Yes

I: So you work specially as a professor? And you work in this community as well?

A: Yes, me is professor and lecturer at the university as thai study professor. My speciality is to show how is thai and who is thai, this is two subjects of thai studies. And who is in thai area.

I: concerning your daily life, what are your activity during the week?

A: We can separate the time in a week: time for lecture, for which one to invite me to go to lecture. Today I go to lecture and in the morning Nurse she come to me. we come to seminars, in the University not far from here.

I: So during the week you work as professor, and what are you doing during the day?

A: Except lectures, I do consult . some organization that is interest to know of this areas, help the worship of muslim area or buddhist when they need help from me we go to help them. When they have seminar the call me, catholic also. All group can come to join this area. You know the community of thai (?), the community who mix with other groups I maybe send them to come to join this areas and maybe organizing a tour from them. Most of them are interesting to walking tour, have a trip to come to know.

I: You work with them in the walking tour?

A: Yes

I: Concerning your free time?

A: This! Maybe is free time for me. can’t separate. I must to come to lecture, I ve free time. And maybe is also income for me.

I: Did you know If there is some cultural activity or artistic activity in the neighborhood ? and if you took part?

A: This area? Around this area?

I: In the neighborhood, around this area..?

A: About artistic activity…I don’t know to much..very very mix we mix with activity to interesting with the culture, many group come to this area, this neighborhood but not every group get in touch to me. many group go to see Kadeejeen museum. Kadeejeen

143 museum we know many group go there. But many group not here, they are interests more there. Artists they interesting about coulturing. But every group not necessarily come here.

I: Which kind of group you refer ?

A: The bicycle tour. Maybe you seat here you see the cowen come here

I: Cowen?

A: The trip..they come here interesting to visit the art, the culture, they come here. You just seat here. Maybe one hour and group come here. Two hour two groups. Many groups come to visit by bike trip. But not only bike but also walk trip and boat trip. The one who are interesting to how they can to be community by don’t have any conflict, many activity for interesting this area. This is the activity in this area.

I: But you say they don’t come to you

A: Yes, they don’t contact me…but I know.

I: You would like to change something in your neighborhood_

A: Yes, I would like that our community be awake. They have to know what it will be in the future, they have to know what is the strong points of the communities . the first thing our community don’t think about the important output, output have to be happiness…happy! If many Many groups come to visit, that is not the happiness for us because of that’s help someone who have may income but another one not have any income from this also so that I would do some activity by some activity by my self to give some knowledge for the community.

I: How do you think you can give the knowledge to community?

A: The community is a community. We can’t change them. I know because only me is interesting on the community. If I know I must to give the knowledge for them. But the knowledge need to be mix with another thing. Look like the sweet, the candy..knowledge is not the candy, knowledge is inside the candy. Maybe the taste is not so good but the people who d like to have is art, culture and anything else that can be interesting for them. So, that is something, candy as knowledge for them: the point is to give them knowledge through activity.

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I: For example, the artistic project…the street art that is present in the community

A: What do you mean for street art?

I: Ehmm…the art in the walls

A: Oh yeas, that is. That s one can be a candy to give the knowledge.

I: So, the community was agree to that? They participate? Does art have bring some awareness to the community?

A: Eww..if you are the owner, you come to this community and you saw art and just only in the building is not so good because you chose to sell to design the picture. But suppose our friends is in that community you must to know what is the art you can you show for you. Portuguese cake ? or many ceremony about the csdsf (?) they try to bring art in the wall. But this is only one thing. But another thing is to give knowledge for the member of community. We have the stories of this community. I thing this thing we must support from some groups come to visit the community …we have to use them to organize some campaigns about the community problems: the pollution, the loper (?)…many many problems for our community which we can’t resolve by ourselves but we have to use maybe you, maybe another one who come here…and do some activity for them, and organize campaigns for them. The trash (spazzatura) is also a problem. You can see the trash on the road. I call to ask for anyone who come to take the trash. But not have anyone who come to done. But from your support, you have not to be member of the community but you come and you start to interest and ask you “why?”. But you to have to do campaign for them, to change this. This is because of activity to press for movement for them also. We have not to come to help us. For example, you decide to support us and tomorrow you come and then ten persons come with you. Someone is artist and someone is not artist but they want to come to help us. Even if everyone is not the member of the community, is interesting. But maybe we can use the boy to come to join, for example Ten person from another place came to bring art in the street, after we can say “wow, is so beautyfull”, we prepare to make it beautifull for you, not for member. Not only by me, by many one. Next time we can meet just only five person and our community come to join. It mix the owner and the members to make art on the wall. Output is the happiness. We are happy to saw this are in which we have cooperate, not only the member but include the one who come from outstide. Eehh…Uddc ever use art in this area, on February we had the activity the big one. This why we are interested to the activity. I say this activity

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, some Is the artist, some is the food, some is…dance, when we combine everything with activity Kadeejeen – Klong San one a year, is good activity for us. Not only the art but also stories, narratives. I take a group of 31 people they were so interesting. For dance, I don’t like to dance but new generation came to dance which have the narrative. When they dance the thing is the movement to prie to community for communicate with our words. This is the activity the small one but it s have movements for our community also.

I: Is there any member of the community that complain about the fact, about..visitors?

A: Maybe community members maybe complain. I’m very happy but next time to change this one, or you set about knowledge. This is the knowledge that our community send to another one. This is the knowledge. Art is a knowledge. Dance is a knowledge. Why cat? I have never thing about the cats..but when you see it you can support us. And I never saw cats here, but you use cats as magnet. Magnet for another one who come to have about the message. This is the thing that is more important. We have to use this thing. Is the magnet! The dance, the art, the activity, the walk tour, the narrative…food recepies…also. I have this food recepies look this. One year, five year. This is the best recepies, maybe you interest to this recepies more than me. this is the magnet also. And, because of this community we have religions and different ways to shows the recepies. Portuguese community have the narrative and the history and they come to join with us. “ oh this one is cake” , so this one is the first cake that come to Thailand, first cake of Siam. You chose this recepy to try to give knowledge. Kussalan, “why, why this pronunciation” , Kussalan come from the new year ceremony. Kussalan is mean “falang” , foreigner and it use for ceremony of the new year. Is not thai but catholic they use this one for ceremony, in November. To support this community in November is good, you can see many activities. Muslim too, we use this also. We have the narrative, they have this cake look like cake? Muslim recepy is from catholic and this one mix the recepy mix the flour, sugar and eggs. Just only three but we muslim take this one and put “gee”, that is the thing from garlic, butter. This is the use of the muslim. They use condense milk too. This is the muslim cake, we can change and give also. This is the culture. Culture is alive! You can give, you can take, you can exchange.

I: Do you think we can see communities like this in other neighrboorhoods in Bangkok? Is there any peacefull communities as this one?

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A: We have conflicts, you can saw that one. If you would like to find some community peacefull is not exactly here. But you have three things to make community peacefull: the first is to live in the same district, the second one is to have the same history and religion. And the third one is just exchange. In this community also, every religion can exchange for balance the peacefull. If you ask for another community is also. Is impossible to have only peacefull community in Kadeejeen. But maybe you would like to got the think to have conflict, but the think is that we can solve the problems with the time. I see not only the kadeejeen and you can see. Maybe in your country there is the peacefull in the communities also but up to you to open your mind and open your eyes also and you got that things. The things is the key words: how to be, our community how to be the peacefull community. But you must to thing first that one community that not have conflict is impossible. Every community.

[outsider pass with bikes in the streets]

A: Oh you see?!? But now they are a small group, other time are big group.

I: Did the visitors came in the past too?

A: Not easy to us to have that bikes..

I: Oh, I mean when you was child there were also visitors?

A: Oh no no…just over ten years. But we have group like this, over the recent time. Ten years ago it was one or twice a week but now every hour, every two hours! But now we can saw that this groups it was private groups [the one who just pass] but there is also with the guide, the yellow one. I never saw them, could be private one.

I: Well, the neighborhood became more and more know.

A: Yes!

I: Ok, I guess our interview is finish.

A: Wherever you go, is not difficult to find peaceful in other communities. When they come to visit this community, they hard to undersdand their communities. Anyone come to ask me, but not …is not necessarily Kadeejeen. When we need help other communities come to help us. We like to exchange. They like to help us also. This is community, this is thai community. I don’t know other communities, but we don’t have anytime to thing about the peaceful. And have only peaceful is impossible.

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Annexe 1.6. – Entretien semi-directif avec Paithoon, propriétaire d’un homestay dans la communauté bouddhiste.

Cet entretien a été réalisé à l’aide d’une collègue qui s’était offert de faire de traductrice.

F: He is the formal leader of the community for 40 (or 14?) years

I: Of which community?

F: he is not by one religion. He is the leader of the whole community. The leader of this all area and in the area there is many religions inside. This target it ‘s means “art and culture” for the community. He is the first one who is interest in the art and in the community. That’s why Niramon come here to work with him. He start about 30 (13 ?) years ago. He interested in community and art. Then he invites Ajarn Daeng to come here, for collect information and do researcher papers [….] and they had seminars, they exchange opinions. And they organize “Art in soi”. The result was that we can call the people of community to come to join the event, selling the food and help organize the events. He told, we have two part of art: the one is one of the community, the members of the community have their own art, the craftship….it can be of identity of community, like the art that can be the identity of kudeejeen […..] he told the art, 1 is the paint and 2 is the paper…paper machine. Is not only the paint. Is the art from this community [.…] so the first is when community make the craftship and the second one is from external. The first is internal the second is external. External Is like Uddc, and they organize Art in Soi and then with activity and people make engagement and love this community and they want to help [….] like the artist from external come here…external artists come here to paint the wall. For example they come here to paint the wall, right? But they work together. Not only paint […] he try to explain that they have another kind of art: like use the recycle water to do art, like the mobile but from the bottle

I: You mean they make this?

F: not, this is from external […] they have some in the temple. Before the have some here, but then they move.

I: Who do this thing with the bottle?

148

F: both of them: member of community and artists, they make together […] He say like persone like Agent Daeng meet with people of the community

I: Ok…well, can you ask him, how and why he start to work with art in the community?

F: you mean how and why right?

I: Yes.

F: before he think about culture. Culture is a lot of aspects, culture is intouchable. If you want to make something from the culture that make people empowerment we can do by the art. With art people can make together. If he have only the street walk, when people come to sell any food or any kind of staff, they just come and leave. But […] he start little by little. Some for the kids, for teenegars, they had a picture context. Like take a picture on any place here. Also for the young tenegears. For the owners, for the lady, the cooking.

I: So, he say that he start 13 years ago right?

F: 13

I: Thirteen?

F: yes thirteen, in 2006 […] he told that when he start he tried to experiment and when experiment doesn’t have success, he tried again and again. Then he ask to Uddc to come and then he had many activities for teenegers and they have some crafthshp for this community to sell […] and he success […] and they can engagement the people here thanks to this

I: Why he starts with art?

F: because he says if we only sell the stuff…art is more engagement people, art can combine people together. If you just sell something when you buy and it s done. But art both external and internal can do together and when people come here, they can enjoy. So is more engagement

I: So, if I well understands he start in order to engage people.

F: he says, here in the urban community is different from the suburban. In the suburban, people have own life, when you finish work you not come home early. But in the suburban, people come at 5 pm here to join and have the activities together.

I: What you would like to change in the neighborhood?

149

F: what?

I: What he would like to change ….

F: what …what he would like change?

I: Yes…

F: he says, like it is very separate here. Like Buddhist separate, Muslim separate, Christian separate. When you want to do the activities, you have to ask on Buddhists you ask to Christians and they stay along by themselves. Right now, he ask the [ speak Thai] ..the owner of the foundation for improve this area […] he say when they have Art in soi, communities can work together easier. Everyone has the same goals. Everyone wants to improve culture of that community. Before it was separate but now every year, they have Art in soi, on this area they want to build the activity […] and right now, because of…for improve other infrastructures like the…. level. they have to support this community through tourism..tourism is the kind of tourism based on culture […] community have to improve, have to change, otherwise can disappear from the area

I: Ok…what do you mean when he says that they go to disappear?

F: like…no communication between the people. So, like… in his opinion community is stay together, have activities together but if you don’t have any activities is means they have not link.

I: So “disappear” in the sense of bonds?

F: he told like…if we work over there, over there the river they have to communicate is can relate to the community. They have the stories, so the members of the communities feel like they are proud of the community. You want to ask him other things?

I: Yes..two last questions…what is his job?

F: before his work was the owner of construction company and he is leader of this community and then, now he work about lectures about the all communities in this area […] like when the students want to know about the history of this community they gonna come to him and he provide lectures for them […] he…lecture about culture and tourism management and how to support the cultural tourism. And he lectures about art and engagement of people and about of this community.

150

I: Ok thank you.

F: you want to ask him something?

I: Ok. Just one last question…

F: he told we can look up on facebook on chuchun kadeejeen

I: Chunchun?

F: chunchun is means community hehee…the facebook page of kadeejeen community eheheh

[he tryS to show me the page]

F: he told they have a lot of facebook page of kadeejeen but you have to go to one who have the background.

I: So…

[he speak thai ]

I: Where he is born?

F: he’s born in this area, in the Buddhist area.

I: Ok…

[they speak thai]

F: I just ask him about why they bring art here about you asked me. the leader of this community still want engage people and then he told to Ajarn Daeng and then Uddc come to work here. And they work together.

I: Are you ok for one last question?

F: yes yes sure.

[he speaks Thai with other people]

I: What are you doing in your week?

F: week? Week?

I: What he doing during his weekdays? …during the week, what are his activities?

F: you mean daily life?

151

I: Ok..I reformulate my question: What he doing during the day? His day -type?

F: he does construction. He is the owner. He goes to the site and like he checks everything for the constructions. He told before his project was governmental project too…then …you know the bridge? And then when he has free time he works for the community […] sometimes he just stays here, in this shop. This is his shop […] if he doesn’t go to the constructions he stays here and sometimes he still doing the, you know the …in this area, you know?

I: Eeh…meeting?

F: congress…you know, Bangkok have the congress for this area. Bangkok have the congress…

I: You means some assembly?

F: ehmm…he is the deputy of the congress in Bangkok.

I: At municipality level?

[she doesn’t understand]

F: I don’t know how to explain this one. You know like this one…..like…

I: Yeah…like…city hall ? or in district?

F: can you say again?

I: he is deputy in the city….

F: in the congress of Bangkok….

I: Ok …by the way….

F: do you have other questions?

I: It’s ok.

[he speaks Thai]

F: this congress is under the culture department.

I: Oh ok!

[they speak Thai]

152

F: he just told about Ajarn Daeng…they work to do culture […] he told me he work about community organization and culture in the community.

[they speak Thai]

I: For me it’s ok.

Annexe 1.7 – Entretien avec Ajarn Y., designer des lumières pendant Art in soi.

I: Do you would like to introduce yourself?

Y: So, I'm doing lighting design research like in a both interior and exterior, so the urban environment, so and like offices and also do a spaces lighting into hospitality lighting. So, is lighting design research, so is applied research and so here is lighting innovation center so we do research and we are interested in human factors. so when we engage with kadeeejeen project. this is the first one, almost ten years ago and so that's was the time where I got fundings from thai and french government so we did comparative study in france between france cities and thai cities. so we had research in Lyon, with Ensase University in Lyon, so we at the tame we were interest in how the urban factory of thai and france cities and how people use public spaces between this two cities because we think in Europe yours cities is the urban fabric space is strong but here as you can see, you look around is not a great system and also the organization and discipline of public space is different so we worked, we did few work..like few observations and also interview people from cities and city hall concerning public lighting so we tried to undersdand how lighting designed walks/works and lighting masterplans or strategies to make cities nice at night time and how the cities how they manage for implementation and maintenance of the towns. so we learnt a lot from the american [incomprehensible] and in Ayuttaya and Chanburi to compare...so we founded the urban fabric was not the same ehehe and how people use public spaces [incomprehensible] and we use one french exchange student from Lyon, she came and she spend one month in Chiang Mai so she travel around, first walk and then later she rent a motorbike. so that's how she travel. so she also mention the difference how people move in the cities and how you experience

153 city. is different place and...yes, that's how we learnt about french and thai cities. And in Lyon we had also see they have a lot of paintings which we start to see some in Kadeejeen, some in [incomprehensible] areas. so we founded how in Europe you use art as tools and to revive the deprived areas also shop housings. So professor there, he shows that social housing that was intend to demolish or something like that, and then local residents they get funding to commission artists and paints on the building and become like quite interesting and attractive so people go there and then the social housings, they did not demolish. so this kind of things we learnt from doing research with them. I don't if we go to see something similiar here that art has been use for that purpose. I think now we start to see with Uddc that they do something in Klong toey. So I think it start to see even here.

that was the time where I assign my students for exterior lighting design projects and one of the students discovered Kadeejeen area. I didn't know the area but for me that I stay in this side of Thonburi area, and I use the river a lot but I never saw that. I used to live here but I didn't know that area. so I founded even for me that I live here that the area looks intersting. like we never seen that we have art or the walkway on the river, so that things I think is quite valuable so that's how I got interested in that area and then I find on internet Agent Daeng eheheh that doctor Niramon was working on that eheheh!!! I finish on Chulalongkorn I didn't know her. so I find in internet!! and there was a friend of mine that he work in Chula too, Agent Nou

I: He lives in Kadeejeen?

Y: Yes, he live in Kadeejeen. this is why

I: Is the brother of….the...museum Madame?

Y: Yeah! Yeah! ...so both of them they were my classmates ..so she's catholic, she's from the portugais origins so when they got married and so they now live there so I think I had think that the community so I contac Agent Daeng, we have also an idea to do this

154 light arts festival. So, I saw that in Lyon so we started with lighting supplies, so they have been helps us, they renting us the equipments everytime we do art lighting festival and sometimes we get donate, like lands something that with local students. so we try to come with something that is note expensive and school childrens in the area could make so one year we did plastic photos as a backdrop so they cut the flower so we make the backdrop of the plastic photos and we put the lightings behind, something like that. maybe one big pieces and other small things here to shows to people during the festival.

I: Why do you start to working in Kadeejeen, what it was you interest in this neighborhood? ...You tell me that one of your students for the first time talk with you about Kadeejeen…

Y: Yeah

I: ehmm...Why had you that interest in work with lights in Kadeejeen?

Y: eeeh...As I say...ehhmm..In Bangkok we don't have, actually is one of the two areas that you have walkways on the river. that's only one of the two. the other is Pratipie (?) near grandmother bridge, the other one that have the walkway on the river. Yeah, is quite rare and is not far from me and you know, the church...you know the open space that open to the river is quiete rare here, So I thought it may be nice to work in that community and it seems already, I was reading that there was a newspaper that interview Agent Daeng, so already she's been in that community so I though I didn't need to start from the scratch. And at the same time I thought she had also an idea to do a festival so is kind of: there is festival so we can do lights too.

I: concerning your carreer, how do you start to work with lights...when do you start?

155

Y: when? ehhehe….eeeww, My first degree was in interior design but in Chulalongkorn at the time it was industrial design that was under architecture. I had to study in architecture. So my first two years I had to study architecture, and then industrial design. So my interest not just in architecture when I was looking for master degree and for photo studies I was thinking to something that could give me some specialization so at that time I think it was not….was one of the specialization that I could do. So I had two choice into two things: lighting design or design management

So my first two years I had to study architecture, and then industrial design. So my interest not just in architecture when I was looking for master degree and for photo studies I was thinking to something that could give me some specialization so at that time I think it was not….was one of the specialization that I could do. So I had two choice into two things: lighting design or design management at that time but also I didn't know to much about that studies. I took part to some programs that financing my studies abroad so I did master degree and chose interior architecture but I had already got interest in lighting so I was reading about lighting but then my PHD so that's was more in lighting. I move to London where I had do study the technical art, the technical art and physiological art..so lighting! that had combine PHD during 5 or 6 years for a very small topic. and is not urban lighting! eheh it was interior lighitng or something. but yeah...I think during master degree and also PHD I think something that first I didn't think much that it was to have a specialization but then later as a profession at that time people didn't know what we doing !! eheh they didn't undersdand if it was technical or it's something that we need, but over the year, 15 years ago people didn't undersdand what it was lighitng design. and but now is get a lot better and as a profession now in Thailand you have at least 16 lighitng design where some of them they don't have a deep lighting education but they are working in it. I think it's at the stage where lighitng became a profession. But it is still a specilize view, everyday there is a new technology, a new knowledge that coming up. In europe they don't talk enough about the [mesure?] effect of light that talking about health effects of light even in urban lighting field. They don't spoke about energy efficiency and not of the esthetic part: it mean that you designed and then you have to take care of that part. But now they talk also about how lightign at night in the urban area may have effect on your health and well-being. because now they discover another set of cells: photocells of your eyes, something like that. so now they talk about ...yeah..possible...how light might sopress the hormone that should come out when you go to bed but if you sleep and have

156 light on the side, even small amount, and even if you have your lights clos your sleeping. but very low level and that's also have an effect.

I: It is about the time...sleep-wake cycle?

Y: Yeah! is that things! so in Europe from the past ten years they are more interest in the art and now the application in not for interior lighting is also about urban lighitng becuase it have an effect on life's emotions. If light of the street come into your window, that's the light [incomprehensible]. Now we're doing something with the creative district with TCDC. We are also adress night and light….

I: I'm sorry, which district?

Y: Charoenkrung

I: oh, I see.

Y: so, when we purpose light design pstrategies we had to take into account that ok the light that you use have to be [incomprehensible]

I: How do you know Kadeejeen-Khlongsan foundation….How do you know Uddc?

Y: It was ten years ago, there was not Uddc. Agent Daeng was only a professor! eheh So with faculty with architecture

I: What is your specific role in the organization of the festival?

157

Y: so, normaly I give maybe kind of overall directions of and how you place the lights for navigation. for defining critical area and parks to put the lights. so, to link differents spot. In Kadeejeen, there is small allies so we come with this system to help people to navigate. so that's why. And another one, is with architecture lighting because in Kadeejeen there is some nice architecture so we put light. We invite some light supplies, they take care of the temples and of the architectures. So, I cordinate. But we put them very temporary: one week or three, four days. is just during the festival. just to give a nice architecture lighitng to the landmarks of Kadeejeen. So there is two or trhee things: one is navigation system, how people walk around, the second is architecture lighting and third is art installations!! like small art installation!!!

I: What do you mean for lighting navigation?

Y: is to help with orientation. they have routes, and they might have ten points they would like poeple to visit but because in the night is quite dark because is small allies, they need some signs and light where they should go for the strategic points that can help people to move in places where they would like to see the show.

I: it was only during the festival?

Y: yeah!

I: How do you think the neighborhood have change?

Y: Yes, I think with arts and the catholic community too, is cleaner! heheh

I: Better than the past?

158

Y: Yes better! I think the Uddc help to improve the physical environment that some place has been renovated trough donations. So, I think physically I think is look more clean up, more tiny than before. But I don't have direct contact with these people so I don't have really talk with them, I have only observe by the physical environement

I: Have you never work with some inhabitants?

Y: Some inhabitants, I think more with school children, the big girl school. some of the installation, I tried to find something that students can work on, like cartoon paper or cartoon something! ehehe.

I: They made from themselves?

Y: I think the teacher it seems to have coordinate. They have organize a workshop and the students have to contribute to the installations.

I: Do you work with other organization other than Uddc and TCDC?

Y: ahahah! Not organization, I think one year or two, I was invite by TCDC of Chiang Mai in Chiang Mai for art lighting installation. They invite some artist designer, to come with an idea and they pay for the cost of the installation.

I: It was lighting in urban spaces?

Y: Yes. It was the Chiang Mai design week. So they have a lot of installation, not only with light.

159

I: Have you work also in other cities?

Y: humm..not only Bangkok and Chiang Mai. Eww, every year we have to organize a lighting design workshop for...there is a lighting design festival from Germany, every year they come in Thailand and I have to organize three or four days of workshop. One year we went to Pukhet but it was not, it s more like architecture lighting workshop. is on the building on the landmarks.

I: What do you mean for lighting architecture?

Y: lighting buildings. it's permanent installation. But we did in Art in soi was art installation. so is not...is lighting that you can have every day that's of Pukhet.

I:The permanent light installation, you bring to Kadeejeen as well?

Y: eww.. Not permanent in Kadeejeen because we had to borrow equippement from companies they have been supporing us for 15 years!!! eheheh. And we still working with them every years!! ehehe. for differents events!! eheh.

I: What you would like to change in Bangkok?

Y: I think we have to change our urban structures, some buildings, I think we have good potentials, specially on the river. even just around Kadeejeen area there is bridge and have new parks over there, so I think we already have nice city and nice architecture. But we have put architecture lighting, permanent installation. It could be very nice.Every year we have international guests like lighitng designers and professors from abroad. I always show the architectures of the river. So, you can see nice temples from the river and it is very nice things. But at night the lighting can be much better!!! ehehehe...I think for

160 permanent installation we could improve a lot but unfortunately, you know, when people talk about lights, they think light festival and everyone come and talk about big light festival like Amsterdam like festival [incomprehensible] and all that. They don't undersdand that this events is good to have but what we need is, you know, is to have everyday lighting. is good to have architecture lighting for the cities.

I: So, if I have well undersdand you would like to have permanent lighting in public spaces not only in the event case…

Y: Yeah, yeah!! and in public spaces as parks...this years we did training day, in the beginning of the year. We have nice parks and we have nice kind of public green space on the river but the lighting is terrible, there is no maintenance. That's what I mean, we have almost nice infrastracture ehehh so at night time we could have nice quality light there, it will change the appearence of that area. I'm not sure...have you been to Lyon?

I: I lived in Lyon-

Y: Where do you study?

I: This is my second master. The first master I lived in Lyon and it was a double degree bot in political and economic science in Turin and Lyon. Now..you know Saint Etienne?

Y: Yeah, yeah..

I: I'm studying there urban studies under a political and sociological science perspective.

Y: So, what do you think about Bangkok, from your perspective

I: That's a good question because, people usually says that Bangkok is very confuse and there is no public spaces. yeah, is true. but, as I lived both in France and in Italy, I find that in France there is too much regulation, like a strong control of building act. Is very very regulated and this was a thing that I didn't like when I was in France. This strong regulation by the state. So, when I come here, I see spontanous way of life, spontanous way to live the life. This give me a feeling of freedom, I'm feeling free.

Y: ahahah, too much freedom

161

I: ahaha..yeah. But personally I would like to live in a city like that but maybe Bangkok should find a way to better manage the city for its inhabitants, like transportations. I wouldn't change the bangkokian urban structure but rather improve it.

Y: It's important to see and to have experience in other cities. To look back in your city. I studied both in the states and in europe. Thailand is not perfect but if I could choose cities in Asia, maybe I still live here!!! eheheh. If I don't live in Asia I would live here. Yeah, is not perfect but is relatively easy to live here.

I: That's true!

Y: But yeah, if something can be improve it's too much better. I live on the back street, just on the opposit side [she point outside the window), I cycle here, if I can't cycle I have to cycle in the road on that side. Something like that. So, I live just on the back side!!! If I don't walk,...walking is too hot. Bycicle is to hippye, to carie on the bridge.

I: Not change Bankgok, but start from this basis and see how to improve...not change but improve. So, you went to the states?

Y: Yes, I did my master in Chicago. But then I never go back !!! I went back once, in the past. It was for work.

I: why? you didn't like Chicago?

Y: I like Chicago, but is too far and it doesn't have enough attraction for me to travel twenty hours to the US. Compare to Europe...I like all things!!! I like France,, I like all things. But in the U.S. , everywhere is Disneyland ….They claim this is the historic park but is not, is Disneyland!!! ahaha

I: Yeah, I'm agree! too much artificial. I went to Pittsburgh last years, it was very cool but I could notice this thing!!!

Y: Comparing to U.S and Europe I would return in Europe. France is nice, and I go to Italy every year. My husband come from the border with German, near sud-tirol.

I: Is very easy to go to one country to another when you live in the boarders of Italy….ok...Thank you so much for this interview!!

162

Annexe 2 – Notes des réunions

Annexe 2.1. Notes de la réunion du 25 Mai 2019, avec la directrice de l’Uddc, Niramon Kulsrisombat

Meeting 24/05/2019

My thesis argument: Art-led urban regeneration. ART – PARTICIPATION – URBAN REGENERATION

Framework:

- Art (difference between western and thai context) - Using art as urban strategy (western vs thai) - Participation: o Culture (related to “participation”, nature, limitation) ex. Thai people don’t use to enhance the debate, they don’t speak a lot) o Politics (governance matter) o Local administration + planning system (governance matter) o Planning system Bangkok context Urban governance of Bangkok → The bad governance of Bangkok as cause of declining areas and declining neighborhoods → for this reason people in Bangkok (as In other cities in the world) use art as strategy. Artistic projects actors in Bangkok: 1. TCDC : a. promotion of the creative industry b. Bangkok design week (2018 – 2019) c. Charoen Krung Road 2. Bangkok Biennale (Krabi Biennale too) - Thai Beef → private actor and investors (Thapana Siriwatanarakdee), owner of Chang Beer - They work on the whole Bangkok - In 2013 they work in Wat proyoon too: o (contested event because not very in harmony with the local context → they sell alcohol in the temple : this is in contrast with buddhist and muslim culture. o They gain 10mln from the Unesco o Tourist oriented 3. Ngo + local community in Klong Toey * where slum risk to be displaced

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➔ All this organizations work with art in a close way, they have not a holistic vision about art and urban project. They use art because art is good for the community, art because it’s beauty and nice.

4. Art in Soi - On the contrary to other organizations, Art in soi want to use art as a tool, art is a tactic to get other issues (market, good walk, lighting) - Art in Kadeejeen Klong San is not the notion of the art as the creation of an artistic creator, the genius (as Michelangelo) but → it is a type of art that is more spontaneous, it is about daily life. It is a fun use of art, Sanook. (Mental map can be as art)

Participation In general, when a community disappearing: ➔ Community spirit : not bound between community ➔ Moving out : price increasing, gentrification, not convenient live there for bad infrastructure In the Kadeejeen case:

- Not bound between the communities because of : o Physical barriers Why participation in Kadeejeen? The objective is to create a connection between people through:

- Create a new image - Rediscover community - Media visibility , political buy-in - Test it : art tactic for walkable spaces The use of the art is because:

- Is easy to bring people through art - Through art it is possible to go deeper into more serious problems Why participation in Bangkok:

- The governance is very centralize How increase participation

- Through events ➔ But people participate only if they have some tangible benefit, if it nothing happen they don’t come anymore. Democratic notion of participation vs thai notion of participation: In the contemporary democracy participation is when people are involved in the decision- making process but the most of the time nothing then happen.

Important topics: 1. Community spirit declining 2. Weakness of Bangkokian urban governance : a. BMA : bad governance. b. The problems of the districts:

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i. Politics: people don’t know who is the president of the district, we need election in order to know who we can address when there is a problem in the district ii. Limited budget: only 3mln bath for the district but is not enough The two problems, Community spirit declining and bad governance are related: the bad governance bring the declining of the community. When space are not improved and the politics is not able to answer to people need (i.e. the physicial barrier of the spaces and the difficulty to communicate) the whole community suffer. By that community declining and disappearing. → people move out.

Annexe 2.2. – Notes du workshop du 2 Avril 2019 avec tous les équipes de l’Uddc.

Meeting/workshop Uddc office 02 – 04 – 2019

Uddc established in 2013 by Chulalongkorn university and thai promotion foundation with the goal to be “urban think thank”. (icon siam- participatory, local development, urbanplanning)

Bangkok andits 3rd century ➔ Need higher density and intensity with quality ➔ Need better urban environment – for health, environmental, social and economic reasons Recent challenges, an ageing population → more than half of inner city area is becoming ageing district

Ma → there is a limited urban planning by the government and also a limited consultation in term of lack of deliberative platform and argumentative space for relevant parties The urban platform: Uddc iming to offer: new issue and problem framings, investigative and analytic techniques, and inclusive and deliberative public process that together can generate new solution, started from Bangkok than large cities in Thailand (per ex. Nel progetto good walk hanno studiato alter città in thailanda) Uddc governance: Experts, citizen, Government, Private actors, NGO

Uddc’s services 1- Planning and design 2- Research 3- Training 4- Academic activities i.e. conference, seminar Più comunque I primi due

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Core values: (formato col nuovo assetto che si sta modellando in questo periodo)

- New agenda: i.e. walk, informal - New approach: research for design, solution oriented - New tool: i.e. bid data, open data (research)

Good Walk

- In the map of walkability only 11% of Bangkok area is accessible by foot - 60% of inner-city area is accessible by foot - East side is more accessible

*limited urban planning – urbanism agency *participation – ma articolo del tipo che dice che in asia la partecipazione è diverse Un altro progetto è quello dei mototaxy, che attraverso l’urban data technology attraverso un applicazione hanno cercato di migliorare e dare empowerment all’associazione dei mototaxy. → in questo senso hanno lavorato col settore informale On-going research projects: -CU data (Chulalong university) Open data for inclusive cities (rockfeller foundation)

- Urban obervatory (national research council) Up and coming design projects 1- Developing proposal a. Street vendor 4.0 (Thai health promotion foundation) 2- To be developed a. Living score (X Baania) b. Buildable tool (x Baania) c. Tourist listening (x Baania) d. Urban environment (x Thailand research found) e. Reconstruction city memoiries (xBaania, x potential funding from CNRS) Planning and design: Core values

- New agenda: i.e. urban regeneration, inner city walkability, public space, inclusive implementation mechanism - New approach and methodology: participatory design, research-based, foresight techniques

Bangkok 250

- Master plan for inner city regeneration 10 urban trends:

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o Connected tracks, o Ubiquitous life o Freedom of work o Convenient public services o Integrated cultural tourism o New urban industries o Etc. - Historic Thonburi Master plan KK

- Cultural heritage tourism networks - Business model cultural heritage - Cont Chulalong university bicentennial masterplan The redevelopment of national stadium (prevede un sport entertainement and rehabilitation centre, uno sport educational centerr, un recreational park, uno sport living herigage place Yannawa Riverfront (include riverfront area: walk bike line)

2Phase :

- Historical district - Government district - Creative district Questi tre dovrebbero essere operati da good walk project

On-going design projects:

- CU2040 Bicentiennial Masterplan(client chula uiversity) - Action river station (client ic - Etc..

Up ad coming design projects: PROPRI A UDDC (no Bangkok 250) Ex. Pukhet smart city, active river station universal design (client: marine dept, potential funder:?) , national stadium (client : PMCU) Achievement The first, innovative public space: reused of the leftover urban asset Walkable cities (good walk 2014)

Quick self-assessment

- Uddc conducted 39 grade A urban projects - However 0 implementations - Ambiguous positioning of UDDc (chula? Ngo? Charitable organization) Parla di political commitment for project realisation, para del coup d’état che c’è stato nel 2014 → parla del fatto che per fare progetti urbani hanno bisogno di stabilità politica

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➔ Da qui passa al discorso della decentralizzazione . Infatti l’organizzazione amministrative è molto centralizzata.

Piano per il futuro : Uddc con visione 2022

Weakness

- Insufficient numebrs of senior staff - Unclea and geeric management strucutre - Quality of esign and research - Ambitious positionning - Ineffective communication: inconsistent, limited, audiences, fragmented, sometimes misunderstanding in our series - Lack of a portfolio (web page, portfolio, books and knowledge management) - Projects remain in PowerPoint I primi due vengono più accentuati come maggiori problemi!

Opportunities:

- Urbanisation trend, the rise of regional cities - Digitalisation trend - New interest of government, private developers, politicians - ASEAN cities - New leverages

Ora per 2022 Uddc si vuole proporre come urban solution firm:

- High quality, cutting-edge, data driven, integrative urban solution (design and research) - National and regional recognition Goals and strategies: Goals External →

- Higher income - Higher and clearer positioning of uddc - Actual implementation Internal →

- Lean and efficient organisation structure - Dream team building - More welfare Strategies for external goals:

- Targeting new targets (private sector, city development, the regional cities potential state enterprise) - Reforming PR and communication - Improving Uddc’s product and service (urban data, research based urban design) - Creating new mechanism for project implementation (USO) - Finding new partners (project pitching)

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Uddc business model : more projects and income income : Design service Research service

Strategies for internal goal: Free and responsible working culture, recruit-promote senior staffs, train junior staffs, recruit strategic position

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Annexe 3 – Cartes Mentales : description, analyse et résultat de l’activité.

Annexe 3.1. – Analyse sur l’activités de cartes mentales du 5 Mai 2019.

• Objective: • Know how young people live their neighborhood • Improve the saces of young people and open the spaces for them through their engagement • Know the walkability issues • Know how the public art matter in the community • Methodology: • During the activity: recording, taking photos, manage timing and taking notes • Activity mat: colours, pillow, papers A3 and A4 and bigger, others. • An hyppotamus pillow were used to distribute egually and to the speech time of everyone. • Three people with 3 different roles: one facilitator, one translator, one taking notes and pictures. • Participants: • 11 children between 11 and 15 years old. • Female and male ugually • All from Kadeejeen and from Santa cruz school

Activity program: Presentation: seat in a circle we start with the table tour asking about their names, age, where they are from. We use the pillow to distribute the speech. We present also the objective and the programme of the activity. Brainstorming : children answer to some questions: where I live, where is my school, how I arrive at school (trajectory and mode of transportation), where I go after school, what I do after school, with whom I go and who is (describing the person), where I play, where I do sport, where I go to eat, where I don’t like to go, Where I have never been. This questions reflect the aim to understand : a) who are the user in the area; b) Activity after school; c) connection around people and relationship; d) informal spaces. Drawing map: They draw house, school, street from house to school, free time spaces. Find solutions – Spaces for young people: participants are divided into two person per group. Each group take a big paper where they list : a) existing things for young people in the area; b) good things; c) bad things; d) what improvements they thought could be make to make things better for young people. Discussion: each group show the paper and launch the discussion-

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Results:

The church reveal as an important social and spatial element. It is often draws in the center of the paper and in a big size than other elements (even than their own home). From the church are often link the streets to other places (home, friends home, school, free time spaces). In front of or in the side of the church, there are often many people. the field near the community office, where street art is also present. They called it «playground». The playground reveal a central role, the majority of children draw it and they also listed in the things of young people.

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Connections : An house of a girl is identified by other children. Probably they spend time together. other places for leisure time have been identified by 3 children as the home of the father of Pord Pran, a little girl who at the time I identified as a possible leading role within the group. Furthermore, these 3 children including her could all be friends. In fact those 3 kids and the girl have designed exactly the same places for leisure, a sign that they spend time together. Except for one, their houses are located inside the soi where there is the street art. That one child whose house is not part of the soi, has designed his house far and smaller than his two friends' house. Note that the house was to the left of the church. These 4 friends are also those who have included more elements in the neighborhood. While a little girl marks the way to her home as far away, she has drawn very little. Only school and home.

Public spaces The representation of public spaces is made up of streets and a bridge which I presume to be the pedestrian bridge on the great road to the west of the community. It is interesting to note how children make a difference between the streets and the soi. The streets are drawn in a detailed manner, always with horizontal lines and vertical lines, while the soi are depicted as narrow streets without any details. The streets often depart from the church to go to other places and the school instead turns out to be less connected, despite the fact that I have asked to design the journey home-school. This is another sign of how the church turns out to be an important spatial point: it is as if it connected the other points of the neighborhood. Perceived spaces: public and private spaces. Probably because it has also happened to me it is difficult to walk among the narrow streets where people live because they are not real public spaces but rather lived as private spaces (it remind me the lived place and type of places of Lefebvre) . Another point that emerges is the benches of the church square and almost always the gate and the outside area outside the church. It is also likely that everyone will draw the vision from their geographical location of the house. Interesting that a girl who lives on the river has drawn the very large river with a lot of rubbish, very well detailed. the little girl has probably drawn what she often sees from her home. The same girl did not draw many elements in the neighborhood, apart from the church and the school - although there are people in the church. However, the house, the church and the school are all three exceptionally connected by roads.

Some children draw more elements than others, do they go out more? Do they know more about the neighborhood? I tried to divide the drawings by geographical location, and it did not show any signs of exception. All draw square streets, we drew more curved streets. As for the school, to my surprise there is not only the santa cruz school taken as a reference, but also another one called "Sang Arun School", a little girl even draws both. It surprises me because at the beginning everyone answers me that they were part of the st cruz’s one.

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Most children do not draw other places outside the narrow circle of the community that I also observed and which is also the most known part. I realize this thanks to a drawing where an ATM and a seven eleven are depicted. This is the little girl who designed both schools. From this I perceive how the community is strongly closed on itself and the children do not know and do not go to other areas outside the most known part of the community. also in the second part of the activity, the children list above all the most known places like the museum, the playing field, seven eleven, the big c (which I don't know what it is). Interesting that a child in negative things has marked "outside" and what he would like as "more people". It still makes me think about how they are closed to each other and rarely go out or meet people. That is, it is a banality, someone would say, since it is normal for communities. but urban communities. Most children would like the element of water as a factor of play (swimming pool, water playground etc.) Speech by the closed community is also depicted by a child where he included the houses in a square. instead the little girl who has marked living in a very distant street, has only designed the church and some kids playing

Conclusion/Reflections: interesting elements have emerged. The spatial concentration is revealed in the part that I know, not only. It is also the part where the efforts of the organizations are concentrated most, the presence of street art and colorful houses, restaurants and the museum. The rest looks like "private spaces". In which it is difficult to enter, therefore not only for me but also for the residents. The other less private spaces are those near the school, where in fact it becomes "less community", where the priest identifies people who "drink and smoke". It would seem that Kadeejeen is actually the pretty part, those of Portuguese and colorful houses, where street art is. Places for children are not many in the neighborhood, but in line with the theme of "informal spaces" use it emerges how these are used by a children's camp where there is also street art, the space in front of the church, the benches, the open space outside the church and the place where the dead are prayed (to be verified). It is truly a calm place where children can enjoy more space around them in a quiet and safe way and where they can create and recreate places. What they would like is more "water" for playful reasons. When it is so hot it would be good for them to have water sources such as "water playground", a pool or even a water park…as they suggest

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Table des Matières

Photos

Photo 1 - Organigramme des acteurs avec qui Uddc travaille ...... 7 Photo 2 - Plateforme de cartographieparticipative ...... 9 Photo 3 - Plan le quartier de Kadeejeen et Khlongsan ...... 11 Photo 4 - Le plan pour le projet à Yannawa ...... 11 Photo 5 - Jeux de lumières pendant Art in soi ...... 14 Photo 6 - Lumières artistiques installé à Khlongsan ...... 15 Photo 7 - Installation artistique pendant Art in soi ...... 15 Photo 8 - Murs peint réalisé en 2012 ...... 16 Photo 9 - Le murs peint figurant une femme de la communauté catholique ...... 16 Photo 10 - Des étudiantes universitaires dessinent sur le murs de l’office de la communauté ... 16 Photo 11 - Prospectus de Eat in soi et de Chef table ...... 17 Photo 12 - Chef table ...... 17 Photo 13 - Dance swing pendant Eat in soi ...... 18 Photo 14 - Charlem Park in Bangkok ...... 53 Photo 15 - Murs peint à Kadeejeen figurant la même femme en photo ...... 54 Photo 16 - Le service métropolitain aérien ...... 72 Photo 17 - Siam Paragon, le centre commercial plus grand en Thaïlande ...... 72 Photo 18 - Les gateaux de la tradition portugais ...... 78 Photo 19 - Des enfants qui jouent dans l’espace au tour de l’église ...... 80 Photo 20 - Le port de Kadeejeen : comparaison entre avant la rénovation et après ...... 80 Photo 21 - Le port renouvelé ...... 81 Photo 22 - La place de l’église en construction en 2010 ...... 81 Photo 23 - Le camp de football avec des murs peints dans le bureau de la communauté ...... 83 Photo 24 - Aire de jeux pour enfants ...... 83 Photo 25 - L’entrée de la communauté musulmane ...... 84 Photo 26 - Principale lieu de rencontre de la communauté musulman ...... 89 Photo 27 - Les deux images utilisées comme publicité pour les festivals ...... 98 Photo 28 - Soi Kadeejeen...... 103 Photo 29 - Les tirelieres en papier ...... 102 Photo 30 - La street art à Kadeejeen ...... 103

Cartes

Carte 1 – Accessibilité à Bangkok ...... 9 Carte 2 – Les SIG dans d’autres villes en Thailande ...... 10 Carte 3 – Le renouvellement du centre-ville ...... 10 Carte 4 – Localisation du quartier Kadeejeen ...... 13 Carte 5 – L’aire metropolitaine de Bangkok ...... 65 Carte 6 – Bangkok250 ...... 70 Carte 7 – Frontières géographiques ...... 76 Carte 8 – La patrimonialisaton du quartier Kadeejeen ...... 77 Carte 9 – Plan d’accessibilité du quartier ...... 85

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Carte 10 – Plan d’accessibilité à Kadeejeen et à Khlongsan ...... 86 Carte 11 – Lieux de culte ...... 87 Carte 12 – Des lieux et des epaces marquantes ...... 87

Autres

Schéma 1 - Organigramme de la BMA ...... 66 Schéma 2 - Les plans du CPD ...... 67

Table 1 – Modèle étatique en Asie de l’Est ...... 64

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