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Barois Benjamin 3/05/2007

Master 1 IEC

Université de Cergy Pontoise, 2006-2007

LA FASCINATION POUR LES : UN PHENOMENE CULTUREL ET LITTERAIRE?

Sous la direction de Michel Rolland, professeur de communication à l'Université de Cergy

Pontoise.

1 2 REMERCIEMENTS

Je voudrais tout d'abord remercier Monsieur Rolland pour avoir accepté et validé mon

mémoire, ainsi que mes camarades de classe pour m'avoir parfois aidé à orienter mon

sujet. Je remercie tout particulièrement Natahlie qui m'a aidé à travailler quand la motivation n'y était plus. Je remercie également ma console de jeu qui m'a permis de me défouler quand la tension était trop forte, et le Coca-Cola qui m'a maintenu éveillé afin de

pouvoir travailler sur ce mémoire.

A tous un grand merci.

3 SOMMAIRE

Introduction p. 5

PARTIE 1: LA GRANDE HISTOIRE DU p.7

Le manga d'hier à aujourd'hui p.7

Les codes du manga p.11

PARTIE 2: LES DIFFERENTS GENRES DE MANGA p.17

Le shonen p.17

Le shojo p.23

Le seinen p.28

PARTIE 3: AUTOUR DU MANGA p.32

Du manga a l' p.32

Les produits dérivés p.35

Conclusion p.38

Bibliographie p.40

Documents annexes p.41

4 De nos jours le domaine de ce que l'on appelle la littérature ne se limite plus seulement aux oeuvres classiques, aux romans ou aux nouvelles, mais s'étend à toute oeuvre ayant un but esthétique ou une esthétique bien particulière. Ce critère permet aux

écrits littéraires de se différencier des autres productions, comme la philosophie, la politique ou la critique. Selon ce caractère esthétique, il semble évident que la bande dessinée entre dans le domaine de la littérature. Mais qu'en est-il de cette nouvelle tendance venue de l'Est, le manga? Cette espèce hybride, au format poche d'un roman mais au contenu de la bande dessinée, a-t-elle vraiment sa place dans ce que l'on appelle la littérature? Le manga est souvent dénigré par ceux qui ne le lisent pas car ils pensent que c'est une dégénérescence de la bande dessinée au contenu léger, n'apportant rien à ses lecteurs, que ce soit en terme de contenu ou de valeurs véhiculées.

Mais ce genre étant présent en Europe depuis bientôt vingt ans, et connaissant un nombre de lecteurs grandissant, il est nécessaire de faire un point sur ce qu'est vraiment le manga ; c'est le but de ce mémoire. Il faut savoir que, de nos jours, la France est le deuxième pays consommateur de mangas après le Japon. Cet état de fait ne peut pas être le fruit d'un simple phénomène de mode. Il faut véritablement se plonger dans une culture plus que dans un livre pour comprendre l'engouement autour du manga, les subtilités qui le composent, les codes que l'on retrouve dans chaque tome. Au vue de tout ceci, il me semble essentiel de faire le point sur l'univers qui s'articule autour du manga ; nous allons voir qu'il dépasse largement le cadre du livre, et prend ses sources dans une histoire riche que nous détaillerons plus amplement dans une première partie.

Puis nous verrons que le terme de « manga » connaît aujourd’hui tellement de genres différents, que ce seul mot ne suffit plus à le définir. Différentes appellations, au sein du terme « manga », ont été créés pour mieux s'y retrouver. Chaque catégorie de lectorat a un manga qui lui correspond. Enfin, nous verrons que ce phénomène, même s'il est récent en

France, est profondément ancré, culturellement parlant, au Japon depuis la fin de la

Seconde Guerre Mondiale. Son importance est telle que de multiples produits et dérivés ont été inventés par la suite.

Tout ceci afin de prouver que le manga ne doit pas être déconsidéré mais jugé à sa juste valeur, et pour ce faire il est important de décrire tout ce qui fait qu’il connaît un tel

5 succès aujourd'hui.

Il est important de défendre ce nouveau genre littéraire et de prouver que ce n'est pas un simple phénomène de mode, car il est en passe de devenir la nouvelle référence en terme de littérature de jeunesse. On assiste à de véritables phénomènes sociaux autour de séries cultes comme des déplacements de masse pour des festivals. Cette littérature n’est pas une simple passade sociale ou comme certains se plaisent à l'appeler, une

« japoniaiserie . Il n'est, par exemple, pas très facile de nos jours de faire lire une oeuvre classique à un collégien ou un lycéen, alors qu'un manga est tout de suite plus attrayant.

De par son format, son contenu et sa simplicité morphologique il peut être lu et interrompu n'importe quand, sans pour qu’autant le lecteur perde le fil de l'histoire.

Mon sujet permettra d'avoir les idées plus claires sur ce que peut être le manga et la culture nippone à l'origine de ce phénomène. Il permettra peut être aussi de donner un aperçu de l’avenir qui attend cette littérature, que l'on imagine prometteur, au vu du succès et de l'essor qu'il connaît actuellement.

Ce sujet m'intéresse tout particulièrement, car étant un lecteur de manga depuis le début des années 1990, j’ai souvent entendu de multiples critiques le concernant Ces critiques venaient de différents « milieux » : des enseignants, des parents, voir même de quelques amis, qui considéraient que le manga était une littérature de bas étage qui n'avait aucun avenir. Il est temps aujourd'hui de réhabiliter le manga, même si la simple vision du nombre des ventes devrait suffire à calmer les détracteurs. J’aimerais donc, dans ce mémoire expliquer « le phénomène manga » et tout ce qui l’entoure, en espérant convaincre les dits détracteurs, du bien fondé de cette littérature et de l’intérêt qu’elle représente actuellement.

6 LA GRANDE HISTOIRE DU MANGA

Avant de se lancer dans une description complète de tout ce qui peut caractériser un manga, il est important de se pencher sur l'historique du manga, depuis sa naissance au pays du Soleil Levant, les influences qui l'ont traversé, jusqu'à son essor et son arrivée en

France. Ensuite, nous livrerons quelques clés nécessaires à la bonne compréhension d'un manga et de ce mémoire, une sorte de lexique pour déchiffrer le code bien particulier de cette littérature.

Nous allons tout d'abord remonter aux origines du manga.

Le manga, d'hier a aujourd'hui

Entre le neuvième et le quatorzième siècle, le Japon connu l'essor d'une technique de dessin nommée l'emakimono, des images peintes sur de larges rouleaux de papier. Ces images agencées en séquences racontent des légendes, des anecdotes de guerre, des scènes de la vie quotidienne... Cette technique artistique provient de la Chine et les Japonais y ont ajouté leur touche d'humour. Les chôjû giga, ou en français "images d'oiseaux et d'animaux gambadant", sont de telles peintures et sont considérées comme les premiers dessins qui mèneront aux mangas. Ils ont été peints par Toba, un moine bouddhiste qui mettait en scène des animaux afin de représenter les êtres humains. Les emakimono, dont ceux de Toba, ont tous en commun cette économie de la ligne qui est à la base de la majorité des œuvres d'art japonaises d'aujourd'hui, incluant les mangas. En effet, il semble

7 que les artistes japonais aient, sans avoir recourt à la couleur et à des techniques d'ombrage, la dextérité à exprimer au moyen de la ligne des formes évasives.

Le premier des emakimono, le inga kyō, était la copie d'une œuvre chinoise et marquait une nette séparation entre le texte et la peinture. Pourtant, dès le milieu du XIIe siècle, apparaissent les premiers emakimono de style japonais, dont le Genji monogatari emaki est le plus ancien représentant conservé. Ces derniers faisaient souvent intervenir de courts textes explicatifs après de longues scènes peintes. Cette priorité accordée à l'image – qui peut assurer seule la narration – est aujourd'hui une des caractéristiques les plus importantes du manga. De même, lors de la période Edo (1600-1868), les estampes étaient d'abord destinées à l'illustration de livres, mais, très vite, le rapport de force s'inversa et l'on vit l'apparition de «livres à regarder» en opposition avec les «livres à lire», avant la disparition totale d'écrits complémentaires et la naissance de l'estampe «indépendante» en une seule illustration: l’ukiyo-e. Le mot manga apparut en 1814 et qualifiait des rouleaux de croquis nommés Hokusaï Manga et signés par le fameux peintre Katsuhika Hokusaï

(1760-1819). Ces croquis sont composés de seize volumes de caricatures où se mêlent le réel et le fantastique (voir document annexe n°1). Le terme manga est un néologisme issu de la relation de deux idéogrammes chinois, manh et gah, qui signifie "images dérisoires" ou

"dessin grotesque".

Le manga ne connut pourtant sa forme actuelle – celle de bande dessinée – qu'au début du XXe siècle, sous l'influence des revues commerciales étasuniennes. Diverses séries, comparables à celles d'outre-atlantique, virent donc le jour dans les journaux japonais. Le très antimilitariste (Le chien noir) de Tagawa Suiho, et Bōken

Dankichi (Les aventures de Dankichi) de Shimada Keizo, seront les séries les plus populaires au Japon jusqu'au milieu des années quarante pendant lesquelles toute la presse ainsi que toutes les activités culturelles et artistiques subissent la censure du gouvernement militaire, ce dernier n'hésitant pas à mobiliser ces milieux à des fins de propagande.

Sous l'occupation américaine, les dessinateurs de manga d'après-guerre subissent l'énorme influence des comic-strips qui sont alors traduits et diffusés en grand nombre

8 dans la presse quotidienne japonaise. L'un d'entre eux, influencé par Walt Disney, révolutionnera le genre et donnera naissance au manga moderne : il s'agit du célèbre

Tezuka Osamu. C'est en effet Tezuka qui introduira le mouvement dans la bande dessinée japonaise par des effets graphiques comme des traits ou des onomatopées soulignant toutes les actions comportant un déplacement, mais aussi et surtout par l'alternance des plans et des cadrages comme il est en usage au cinéma, rompant ainsi avec une tradition théâtrale, les personnages étant jusque-là toujours représentés en pied, à égale distance et au centre de l'image. L'animation étant le véritable objectif de Tezuka, il réalisa la première série d'animation japonaise pour la télévision en janvier 1963, d'après l'une de ses œuvres :

Tetsuwan Atomu, plus connue en France sous le nom d’Astro, le petit robot (voir document annexe n°2). Finalement, le passage du papier au petit écran devint courant et l'aspect commercial du manga prit de l'ampleur, puisqu'il va maintenant jusqu'à loucher avec les jouets et jeux vidéos, ces derniers pouvant même être à l'origine d'un manga.

Mais revenons au manga sur papier dans lequel Tezuka ne se contenta pas de bouleverser le mode d'expression puisque sa curiosité et son imagination fertile le poussèrent à en explorer les différents genres – alors principalement infantiles –, ainsi qu'à en inventer de nouveaux, participant de cette façon à l'émergence de manga pour adultes dans les années soixante avec lesquels il put aborder des sujets plus « sérieux » et des scénarios plus complexes, sans toutefois perdre de son humour ni trahir son profond humanisme, son antimilitarisme et sa crainte vis-à-vis de la domination de la société par la science.

Ainsi, les mangas grandissant en même temps que ses lecteurs et se diversifiant selon les goûts d'un public de plus en plus important, l'édition du manga représente aujourd'hui plus d'un tiers par ses tirages et plus d'un quart par ses revenus de l'ensemble de l'édition japonaise. C'est pourquoi le manga est devenu un véritable phénomène de société puisqu'il touche toutes les classes sociales ainsi que toutes les générations grâce à son prix bon marché et à la diversification de ses sujets. En effet, le manga, en tant que miroir mais aussi modèle social, traite de tous les thèmes imaginables : la vie à l'école ou au lycée, celle du salarié, le sport, l'amour, la guerre, l'épouvante, jusqu'à des séries plus

9 didactiques comme la littérature classique japonaise ou chinoise, l'économie et la finance, l'histoire du Japon, la cuisine et même le code de la route, dévoilant ainsi ses vertus pédagogiques.

En 1985, Tezuka Osamu reçoit le prix culturel de Tōkyō, et en 1990, l'année qui a suivi sa mort, le Musée d'art moderne de Tōkyō lui consacre une exposition. Cet

événement marque l'introduction du manga dans l'histoire culturelle japonaise.

Par la suite, divers éléments contribuèrent à faire connaître et évoluer le manga.

C'est en 1970 que les premières commissions de protection de l'enfance, majoritairement créées par des parents, accusent certains d'être audacieux dans la démonstration de la violence et du sexe. En 1982 est créé Akira de Katsuhiro Otomo, saga postatomique qui fera connaître le manga aux populations occidentales (voir document annexe n°3).

L'avènement d'Akira dans les pays occidentaux donne naissance à une multitude de traductions de différentes séries. De 1990 à aujourd'hui ont été créé des centaines de mangas. Les mangaka les plus populaires s'entourent d'une équipe d'assistant qui se charge des décors, des personnages secondaires et des effets de Super-deformed. Plusieurs mangas ont été adapté en films, en séries animées et en jeux vidéo, et ont donné naissance

à une foule de produits dérivés. Mais nous verrons cela dans notre troisième partie.

Maintenant que nous avons étudié l'histoire du manga et du dessin japonais, et avant de passer à la description plus précise des genres prédominants de manga en

Europe, nous allons voir quelques codes qui permettent d'identifier et surtout de comprendre ce qu'un un manga, comment le lire, et tous les termes qui gravitent autour de cette littérature.

10 LES CODES DU MANGA

« Mais qu'est ce que tu lis là? Un manga? Mais pourquoi tu le tiens à l'envers? C'est nul ton livre, y'a même pas de couleurs? Quoi? T'as déjà finis de le lire? Mais tu viens à peine de commencer! Et puis ça coûte cher! Y'a combien de tomes en tout? C'est complètement inutile, ça vaut pas un vrai bon roman!... » Voici un aperçu de tout ce que peut entendre un lecteur de manga face à quelqu'un qui n'en a jamais lu de sa vie. Et c'est

à peu près la réaction qu'ont les parents lorsqu’ils découvrent que leurs enfants viennent de se découvrir une nouvelle passion pour une littérature qui pour eux n’a aucun sens, puisqu'on y passe son temps à s'entretuer, à s'insulter et à y montrer des personnages dénudés.

Afin de tenter d’endiguer ces critiques, il est important de se pencher sur les différents aspects qui composent un manga, que ce soit dans son apparence ou dans son contenu. Pour ce qui est du contenu, nous étudierons les différents genres de manga dans notre seconde partie. Pour l'instant, nous nous focaliserons sur l'aspect du manga et nous donnerons quelques clés lexicales indispensables à la bonne compréhension des mangas et aussi, de ce mémoire.

Commençons par la chose qui frappe le plus dans un manga : le sens de lecture. En effet, si l'on ouvre un manga comme un livre traditionnel, on se retrouve avec la fin du tome, et non avec le début. Il faut donc retourner le livre et l'ouvrir à l'envers, et remonter ainsi la lecture jusqu'à revenir à ce que nous autres occidentaux appellerions « le début ».

Mais il n'y pas seulement ce sens de lecture qui est bouleversé dans le manga, il y a aussi la lecture des cases et des bulles dans ces mêmes cases. Au lieu de lire, comme on le ferait habituellement, de gauche à droite, il faut d'abord lire la page de droite puis celle de

11 gauche, mais aussi les bulles de droite avant celles de gauche. On peut s'y perdre au commencement, mais au bout de quelques pages on a pris l'habitude et cette manière de lire ne dérange absolument plus.

Voici le genre de page (voir dessin 1) que l'on peut

trouver au début d'un manga, qui nous explique

justement comment lire en remplaçant le contenu

des bulles par des lettres et des chiffres afin que le

lecteur saisisse plus rapidement comment il doit

aborder une page.

Il n'est pas rare non plus de trouver au dos d'un

manga (ce qui en fait serait la couverture pour nous)

un mot nous avertissant que nous nous trouvons à

la fin du manga et non au début, le tout agrémenté

d'un sigle « sens interdit ».

Mais pourquoi est-ce à l'envers? Tout simplement

parce que le système d'écriture japonais implique

Dessin 1: Page extraite de GTO volume un sens de lecture différent du nôtre. La très grande

1, de Tôru Fujisawa majorité des mangas sont publiés avec le sens de lecture original, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années, on se contentait juste de retourner les planches, ce qui inversait la droite et la gauche et faussait la composition de la page.

La plupart des manga sont construits de la même façon: après cette petite page d'explication, qui n'est pas indispensable, on trouve parfois une petite page de lexique nous donnant la définition de termes qui vont apparaître dans le manga et qui, souvent, se rapportent à un élément particulier de la culture nippone, c'est pourquoi il est expliqué au début du tome, afin de faciliter la compréhension. Ensuite, nous retrouvons dans la totalité des mangas une double page contenant un descriptif des personnages principaux et quelques secondaires de l'histoire ainsi qu'un bref résumé de ce qu'il s'est passé avant, afin que le lecteur puisse se remettre très vite dans l'histoire. Car en France, la sortie des tomes

12 d'une même série est généralement espacée de deux, parfois trois mois, et il arrive qu'on oublie quelques subtilités de l'histoire. De plus, si l'on fait la collection de plusieurs mangas, il est fort probable que l'on puisse se perdre dans les histoires ou en oublier certaines, la présence de cette double page est donc importante.

Après avoir vu les pages d'introduction, le lecteur peut enfin se lancer dans son univers. Et la seconde chose que l'on remarque, c'est l'absence de couleurs : tous les mangas sont exclusivement en noir et blanc, sauf parfois les premières pages des séries à succès. Pourquoi un tel choix? Ici la réponse est simple, il s'agit tout simplement de mesures économiques. Nous n'en avons pas conscience, mais au Japon les chapitres des mangas paraissent de manière hebdomadaire et cela reviendrait très cher aux de tout coloriser. De plus cela lui prendrait beaucoup de temps. D'autant plus que les hebdomadaires dans lesquels paraissent les chapitres de différents mangas sont utilisés comme un produit de consommation jetable : dès qu'il est lu, le magazine est soit jeté soit abandonné sur un banc ou dans le train pour pouvoir être lu par d’autres.

Une fois qu'on a assimilé les codes de lecture et les codes de la colorisation, l'histoire peut enfin commencer. Et là encore, dans le dessin, on retrouve des codes similaires à tout les mangas. Tout d'abord, la plupart des histoires sont mises en scène de manière à ressembler à des films : les actions s'enchaînent à un rythme effréné, les cases se superposent et les dialogues peuvent se faire rare l’action est privilégiée. Le signe graphique permettant de symboliser cette intensité de l'action est le trait, ou le flou qui accentue la vitesse ou guide l'oeil dans la bonne direction afin de pouvoir enchaîner les cases (voir dessin 2)

Dessin 2: Extrait de Dragon Ball tome 41, de Akira Toriyama

13 L'autre particularité graphique du manga est l'utilisation du SD, ou Super-Deformed.

Ce style graphique, sur lequel nous reviendrons plus bas, est utilisé pour traduire à outrances des expressions faciales telles que la colère (voir dessin 3), la joie ou l'admiration

(voir dessin 4). Le SD, comme son nom l'indique, déforme la tête du personnage par rapport au reste du corps pour lui donner des perspectives plus grandes, jusqu'à arriver à la caricature pour traduire un surplus d'émotion. On utilise ces expressions généralement dans un but humoristique ou pour détendre l'atmosphère après une situation tendue ou un combat violent. Cela permet de faire retomber la pression et de redonner au manga un ton un peu plus léger.

Dessin 3: Extrait de One Piece tome 1, de Eiichiro Oda

Dessin 4: Extrait de Midori tome 1, de Kazurou Inoue Il y a aussi deux autres codes qui font partie de ce que l'on peut appeler le

« grapholexique » du manga et qui sont récurrents : la petite goutte de transpiration qui apparaît sur le front d'un personnage, et les saignements de nez. La très grosse goutte de

14 sueur (voir dessin 5) signale l'embarras extrême du personnage et peut évoquer aussi l'idée de la sueur froide. Quand aux violents saignements de nez (voir dessin 6) dont sont victimes de nombreux personnages, et que l'on ne comprend pas forcément de prime abord, il s'agit de la manifestation d'une vive émotion, la plupart du temps une vive excitation sexuelle chez les garçons. Ce code graphique est d'origine culturelle, mais n'est pas propre au manga, on le retrouve bien ailleurs dans la culture japonaise.

Dessin 5: Extrait de Bleach tome 4, de Tite Kubo Dessin 6: Extrait de Dragon Ball tome 1, de Akira Toriyama

Après avoir vu les codes graphiques et avant de s'intéresser aux différents genres du manga, voici un petit lexique du vocabulaire tournant autour de cet univers particulier.

 Un anime : sous ce terme sont regroupés tous les dessins animés dérivés des

mangas, que ce soient les épisodes des séries télévisées s'inspirant du manga papier,

ou les films qui prennent une route indépendante de l'histoire pour faire vivre aux

personnages des aventures qui n'auront aucune incidence sur la trame principale.

 Un art book : un art book est tout simplement un recueil des plus belles illustrations

d'un mangaka, autour de son univers, ce sont la plupart du temps des beaux livres,

15 dont les illustrations de haute qualité prennent toute une page. Ils ne racontent

aucune histoire, ses illustrations sont en couleurs, et parfois on y trouve des bonus

tels qu'un entretien avec le mangaka et/ou son équipe.

 Le cosplay : terme issu de la contraction de « costume » et de « play », désigne le fait

de se déguiser le plus fidèlement possible en personnage de jeux vidéo ou de

manga. C'est une pratique très courante au Japon, des festivals sont même organisés

spécialement pour les « cosplayer ». En France, la tendance commence tout

doucement à prendre, notamment à des manifestations comme le Expo ou le

Festival Delcourt.

 Le fanzine : contraction de « fan » et de « magazine », désigne un magazine réalisé

par des fans pour des fans, à compte d'auteur, traitant d'un sujet en particulier.

 Les goodies désignent tous les produits dérivés des mangas et des . Nous en

parlerons plus longuement dans notre troisième partie.

 Japanimation : contraction de Japanese Animation, désigne les dessins animés

japonais.

 Le Mangaka est l'auteur de manga, qu'il soit dessinateur ou scénariste, car souvent

ce sont deux personnes différentes, le travail étant trop conséquent.

 OAV : Original Animation Video, ce terme regroupe tous les produits

exclusivement réservés à la vente en vidéo. L'OAV représente un intermédiaire

entre la série télé et le long-métrage.

 OST : contraction de Original SoundTrack, on retrouve ce terme en France sous le

nom de bande originale. Il s'agit en fait d'un album regroupant les chansons et

musiques d'un anime.

 Un otaku : au Japon ce terme est désigné pour parler d'un fan, d'un passionné, quel

que soit son domaine. Mais en France, depuis les années 1990 et la diffusion d'un

reportage de Jean-Jacques Beineix, le public a associé ce terme aux fans de mangas

et d'animes.

 Les différents titres utilisés à la suite des prénoms: 16 - san : ce titre est particulièrement pratique car il peut être, par sa neutralité

et suffisante politesse, utilisé tout le temps. Sauf dans les réunions les plus

formelles.

- sama : ce titre à éviter avec vos amis convient aux situations les plus

formelles et aux échanges écrits.

- kun : terme affectueux à utiliser uniquement qu'avec des personnes du sexe

masculin plus jeune que vous.

- chan : titre affectueux à utiliser uniquement qu'avec des personnes ou amis

très proches ou avec des enfants.

- sensei : ce titre est utilisé pour les docteurs, professeurs ou toutes autres

personnes d'une connaissance supérieure dont vous recevez une

information ou un service.

Maintenant que nous sommes un peu plus familier avec le monde des mangas, nous allons pouvoir analyser les trois différents types prédominants en France. Cela ne signifie pas bien sûr qu'il n'y en a que trois, mais ce sont ceux que l'on trouve le plus fréquemment.

17 Les differents genres de manga

Bien que le terme manga désigne et regroupe de manière générale la bande dessinée japonaise dans sa globalité, il existe toutefois des styles différents. Chaque catégorie de manga est destinée à un certain type de public, ainsi chaque tranche d'âge se voit attribuée un genre particulier. En France, trois grands types de manga ressortent principalement, bien qu'il existe de nombreuses autres tendances dont nous essayerons de parler. Chaque genre est là pour mettre en avant des valeurs chères à la culture japonaise, ou alors, inversement, à essayer de dénoncer les défauts de cette société.

Nous allons commencer notre étude avec la première grande vague de manga : le shonen.

LE SHONEN MANGA

En occident le mot « shonen » est utilisé exclusivement pour désigner un certain type de manga. Le shonen manga a pour principal public les jeunes garçons, notamment entre 12 et 25 ans.

Etant un manga plutôt masculin, le shonen traite donc de thèmes pouvant intéresser ce lectorat particulier. Voici les thèmes récurrents du shonen :

- Le sport : principalement représenté avec des joueurs masculins, le shonen sportif

18 est certainement le plus répandu au Japon, ce qui n'est pas le cas en France. Toutefois, les thèmes abordés sont souvent différents, ainsi que leur approche. Le seul point commun que l'on peut trouver dans tous les shonen sportif, c'est l'affrontement interminable entre deux équipes. Les buts peuvent ensuite varier, mais cette lutte pour déterminer le vainqueur est indissociable du shonen, on le retrouvera par la suite. Si on en revient au shonen sportif, l'exemple le plus populaire chez nous est sans aucun doute Olive et Tom ou

Captain Tsuabasa dans la version originale (voir document annexe n°4). L'histoire se résume assez rapidement : depuis tout petit Olivier Atton rêve de devenir footballeur professionnel et de partir au Brésil. Il rencontre un ex-champion brésilien qui lui promet de l'y emmener s'il devient champion. A la fin du lycée il réalisera son rêve et partira jouer pour l'équipe de San Paolo. Cette histoire se décline en 25 tomes et raconte donc l'ascension d'un jeune joueur de foot. Souvent dans le shonen sportif on peut aussi croiser quelques intrigues amoureuses, sur le thème classique de Roméo et Juliette : comment aimer une fille qui soutient l'équipe adverse, ou comment faire comprendre que l'on veut sacrifier l'amour pour le sport ? Les histoires de coeur ne sont pas forcément présentes dans tous les shonen, en général la présence féminine est plutôt représentée comme étant le point faible du héros, ce que nous développerons avec le second type de shonen. Le shonen sportif est donc là pour mettre en valeur l'esprit de compétition et le fait qu'il faut toujours lutter pour réaliser ses rêves, quitte à tout laisser tomber. Ne jamais baisser les bras, toujours se battre, aller au bout des choses, telles sont les valeurs véhiculées par le shonen sportif.

- Le shonen de samouraï : le samouraï comme on le connaît est un guerrier professionnel employé notamment au temps du Japon féodal par l'empereur pour défendre le pays. Versé dans l'art du sabre et doté d'un sens moral sévère, le samouraï est un guerrier redoutable et n'abandonne le combat que lorsque la mort vient le chercher. Ce sont ces valeurs que vont tenter de faire passer les mangakas dans leurs oeuvres, car n'oublions pas que la fidélité, ses convictions et l'ardeur au travail sont les principaux moteurs qui régissent le Japon. Deux grands titres de shonen samouraï sont à retenir:

19 Kenshin le Vagabond (voir document annexe n°5) et Samouraï Deeper Kyo (voir document annexe n°6). Dans le premier, on nous raconte l'histoire de Kenshin Himura, peu après l'ère Edo

(1600-1868), au début de l'ère Meiji (1868-1912). Kenshin nous est présenté comme un vagabond, mais c'est en fait un terrible samouraï qui a participer à la chute de l'ère Edo et qui souhaite maintenant oublier son passé. En tentant de se reconstruire une vie, ses vieux démons vont ressurgir et le forcer à reprendre le sabre et redevenir Battosaï l'assassin, nom sous lequel il était connu durant la guerre. Ce changement d'identité se fait sous forme de schizophrénie légère, Kenshin redevient Battosaï lorsque ses proches sont en danger.

Ainsi, sa rencontre avec la jeune Kaoru le rendra plus vulnérable car celle-ci sera la proie de tous ses ennemis.

Comme nous l'avons dit précédemment, la femme dans le manga de samouraï n'est là que pour dévoiler le point faible du héros, ce qui pourrait être « normal » dans le sens ou le shonen manga est un manga au public principalement masculin. D'ailleurs, dans les shonen d'aventure ou de bagarre, les histoires d'amour disparaissent complètement. Le shonen de samouraï met donc en avant l'abnégation de soi, le fait de se mettre au service de l'autre au mépris de son propre intérêt, l'altruisme, et défendre l'être aimé au péril de sa vie.

- Dans un style complètement différent, il y a aussi le shonen d'aventure, que l'on peut traiter en parallèle avec le shonen de combat car ce sont des genres très proches. Les shonen d'aventure et de combat mettent en scène des jeunes garçons, qui, au début de l'histoire, ne présentent pas forcément d'intérêt particulier, voir même qui se trouvent en dessous de la moyenne. Tout au long de l'histoire, nous suivons donc la quête initiatique du personnage, nous le verrons grandir, évoluer, se faire des amis et affronter le méchant de l'histoire. L’histoire est généralement très simple et laisse la part belle aux combats

épiques, titanesques et complètement disproportionnés. Le shonen One Piece (voir le document annexe n°7) nous raconte l'aventure de Monkey D. Luffy, jeune garçon souhaitant devenir un grand pirate, et qui a comme particularité d'avoir mangé un fruit qui fait que son corps est élastique. Plus connu en France, (voir le document annexe n°8) nous

20 raconte l'histoire d'un jeune ninja médiocre qui rêve de devenir le guerrier le plus puissant de son village. Mais l'exemple le plus probant, et certainement le plus connu sur notre continent, est sans aucun doute Dragon Ball (voir document annexe n°9). L'histoire de Dragon

Ball reprend la légende de Songoku (le roi des singes), bien connue au Japon. Dragon Ball c'est l'histoire du jeune Sangoku qui vit seul dans la forêt après le décès de son grand-père, et qui fera la rencontre de Bulma, une jeune fille qui lui apprendra l'existence des dragon balls, sept boules de cristal qui, une fois réunies, permettent d'invoquer le dragon sacré qui exaucera un voeu. Si le début de Dragon Ball se focalise sur cette quête des boules de cristal, nous verrons le héros grandir, évoluer, devenir surpuissant et affronter des ennemis de plus en plus forts. A la fin de l'histoire, Sangoku est tellement fort que les combats entraînent la destruction de la planète Terre. Ce manga s'étale sur 42 volumes qui recouvrent la vie de Sangoku, de ses 12 ans jusqu'à ses 45 ans.

Le héros de cette histoire reprend certains stéréotypes que l'on retrouvera dans la plupart des shonen de combat:

 Le héros est un orphelin, sa famille est morte ou a disparue avant le début du livre.

C'est le cas de One Piece, Naruto et Dragon Ball.

 Le héros est naïf, à la limite de la stupidité, innocent et honnête. Ces caractéristiques

valent pour Naruto et Sangoku. (Naruto et Dragon Ball)

 Il est doté de pouvoirs magiques ou de capacités hors du commun. Comme nous

l'avons dit, Luffy à un corps élastique et Sangoku est capable de réaliser des boules

de feu aussi grosses que la Lune. De plus, à la pleine lune il peut se transformer en

gorille géant, d'où son nom (Songoku = le roi des singes). Les pouvoirs de Sangoku

deviennent de plus en plus hallucinants au fil de l'histoire.

 Il se bat pour défendre son idéal, ou repousser les forces du mal. Effectivement, on

ne compte plus le nombre de fois où Sangoku a sauvé la Terre et même d'autres

planètes, Naruto doit sauver un de ses amis d'un méchant ninja, et Luffy veut

devenir le Seigneur des Pirates.

21 Justice, honnêteté, amitié, courage et volonté sont quelques-unes des valeurs mises en avant dans ce type de manga.

- Nous allons maintenant voir le dernier grand type de shonen : le shonen scolaire.

L'éducation est un des fers de lance du Japon moderne, c'est durant la période qui recouvre la scolarité que vont se forger les caractères des futurs acteurs de la société, c'est donc à ce moment là qu'il faut leur inculquer les valeurs qui forgent l'individu. Dans tous les mangas qui se situent dans un cadre à peu près « normal », le personnage principal va

à l'école avec ses amis, mais c'est en dehors de ce cadre que se situent ses aventures. Très peu d'histoires se situent exclusivement dans l'enceinte d'une école, c'est notamment le cas du très controversé , alias GTO (voir document annexe n°10). Comme nous l'avons dit plus haut, l'école prépare l'individu à entrer dans la vie active, et au

Japon, la vie active se caractérise par un fort esprit de groupe, de communauté, la personne seule n'a pas beaucoup d'intérêt, chacun est sommé d'oeuvrer dans l'intérêt du groupe auquel il appartient. Cette mentalité est appliquée dès le collège et le lycée, ce qui pose un problème car à cette époque de la vie, en pleine crise d'adolescence, les jeunes sont fragilisés et à la recherche de repère. Ils ont besoin que l'on s'intéresse à eux en tant qu'individu et non en tant que membre d'une collectivité, ce qui fait qu'il n'est pas rare de voir beaucoup de cas de suicide chez les adolescents.

C'est pour dénoncer ce malaise dans le système qu'a été créer le manga GTO qui va traiter le problème avec une grande dose d'humour décalé, mais avec beaucoup d'humanité. Mais faisons d'abord les présentations : le héros de ce shonen scolaire s'appelle Eikichi Onizuka, il a 22 ans, sort d'une faculté de seconde zone, est très largement obsédé par le sexe et les écolières (fantasme nippon récurrent), feignant, bagarreur, fumiste. Il a les cheveux décolorés, ce qui est très mal perçu au Japon car c'est le signe qu'on est un « yankee » c'est à dire un individu peu recommandable, rebelle, et que notre seul avenir est d'être un mafieux japonais, un « yakuza ». Les seules choses qui font de lui une personne digne d'intérêt sont sa capacité hors norme à pratiquer les arts martiaux et

22 son grand coeur. Ce personnage atypique est tout de même recruté dans une école par une personne qui croit que ces deux qualités feront sortir le système scolaire du marasme dans lequel il s'enfonce.

C'est dans ce climat que va oeuvrer Onizuka, à l'écoute de ses élèves, plus ami que professeur, plus pédagogue qu'enseignant. Au début il ne se fait aimer ni des élèves ni des professeurs, mais cette situation évolue au fil de l'histoire, tant et si bien qu'à la fin tous les

élèves seront avec lui, tandis que les professeurs, qui symbolisent la tradition, jureront sa perte. Onizuka est donc le symbole de cette jeunesse qui veut briser la tradition au péril de sa propre carrière et malgré ses vices ; ce qui prouve que l'on peut réussir dans la vie en ne correspondant absolument pas au moule imposé par la société. Enfin, par l'intermédiaire de GTO, l'auteur met également en lumière l'importance de valeurs morales parmi lesquelles l'empathie, la fidélité en amitié et le sens des responsabilités, qui représentent chez nous le passage à l'âge adulte.

LE SHOJO MANGA

Après avoir vu le premier grand courant, le shonen, qui est plus spécifiquement destiné aux jeunes garçons, nous allons maintenant voir le genre équivalent mais pour les jeunes filles : le shojo. Le shojo, qui signifie « jeune fille » en japonais, se caractérise par ses histoires plus centrées sur l'histoire des personnages, les relations qu'ils entretiennent, les difficultés qu'ils peuvent avoir dans leurs relations. Et dans le dessin, là où le shonen a des traits plutôt grossiers, où sont accentués la musculature des personnages, les effets de vitesse et les combats sanglants, le trait du shojo sera beaucoup plus fin, les garçons auront un visage très androgyne, quoiqu'un corps assez musclé, car l'ambiguïté sexuelle est un thème qui revient souvent dans les histoires. Mais nous allons voir ça plus précisément en s'attardant sur les différents genres de shojo.

Comme pour le shonen, le shojo possède ses thèmes de prédilection, et même si l'on

23 pourra retrouver certains sujets de shonen dans le shojo, il sera bien évidemment traité de manière différente.

Commençons, tout comme le shonen, par le shojo sportif qui existe aussi en version plus féminine. Le tennis par exemple, a sa version masculine avec Prince du Tennis et sa version féminine avec Jeu, Set & Match. Dans cette dernière, l'histoire racontée s'axe plus sur le côté psychologique engendré par la pratique d'un sport de manière intensive, au- delà des matchs qui sont expédiés assez rapidement, pour laisser la part la plus importante aux entraînements et aux relations qu'entretient l'héroïne avec les autres joueuses, et l'esprit de compétition qui peut naître entre elles. Mais le shojo sportif le plus connu de ces dernières années est certainement Jeanne & Serge (voir document annexe n°11), diffusé en France à la même époque de Dragon Ball Z c'est à dire au début des années 90.

Ce manga nous raconte l'histoire de Jeanne, jeune fille qui découvre la passion du volley- ball au sein de son lycée et qui va tomber amoureuse de Serge, qui joue dans l'équipe masculine de volley-ball. L'histoire commence au lycée et se termine aux qualifications pour les jeux olympiques de Séoul.

Comme nous pouvons le remarquer, même si les thèmes sont similaires mais traités d'un autre point de vue que le shonen, les finalités sont les mêmes dans les deux cas : les personnages doivent se dépasser, autant physiquement que mentalement afin de devenir les meilleurs et se hisser à un niveau de compétition mondiale, comme c'est le cas dans

Olive & Tom. Même si la compétition prend une place importante dans l'histoire, la dimension « journal intime » et la fraternité sont prépondérants dans le shojo, on peut mettre ça en parallèle avec les valeurs que l'on a déjà vu comme étant importantes dans la société japonaise : le travail acharné et l'esprit de collectivité est plus fort que tout, l'union fait la force, et même dans les sport censés être individuels comme le tennis, c'est l'entraîneur et son joueur qui vont former une équipe. Rarement dans un manga, que ce soit le shojo ou autre, le héros se retrouvera vraiment seul, il y aura toujours quelqu'un pour l'épauler, car nous partons du principe qu'un groupe s'en sort mieux qu'un individu seul.

24 Mais le domaine de prédilection du shojo n'est pas le sport, c'est un tout autre genre qui se rapproche plus du journal intime, c'est un genre que nous appellerons le shojo romancé. Ce type particulier est certainement le plus répandu dans le shojo, c'est tout simplement le manga qui raconte une vie, ou tout du moins une partie de la vie de l'héroïne, car même si la plupart des personnages présents dans les shojo sont des hommes, le personnage principal sera toujours une fille, la plupart du temps accompagnée par sa ou ses meilleurs amies. C'est dans ce genre particulier que vont apparaître les codes du shojo, c'est à dire les personnages masculins aux traits si fins que l'on dirait des filles, les problèmes amoureux... Le premier grand shojo connu au Japon et en France est indubitablement La Rose de Versailles, plus connu sous le nom de Lady Oscar (voir document annexe n°12). La version animée de ce manga est apparue en 1972 au Japon, puis en 1979 en France, mais ce n'est qu'en 2002 que cette série se verra adaptée en manga, alors qu'au

Japon elle a été pré publiée dans un magazine spécialisé entre 1972 et 1973. L'histoire se déroule à la fin du XVIIIe siècle en France. Oscar est une jeune femme élevée en garçon par un père excédé de n'avoir que des filles. L'éducation militaire d'Oscar lui permet de devenir le capitaine de la garde royale, chargée de la protection de la jeune dauphine

Marie-Antoinette. Aux côtés d'Oscar, il y a André, son ami d'enfance, secrètement amoureux d'elle. Ensemble, ils devront affronter les premiers troubles annonçant la

Révolution Française. Le fait que l'on puisse attribuer à ce manga le nom de shojo vient tout d'abord du trait extrêmement détaillé, que ce soit dans le décor ou pour les personnages, mais aussi dans les thèmes abordés : en effet, Oscar va tomber amoureuse de deux personnages masculins de l'histoire mais le thème de l'ambiguïté sexuelle est aussi abordé car Oscar portera aussi un amour inconditionnel à Marie-Antoinette. Les personnages de shojo ayant tous un sens aigu de la justice, Oscar se ralliera finalement aux révolutionnaires et mourra en dirigeant l'assaut vers la Bastille, le 14 juillet 1789.

Chose assez rare pour être cité ici, le premier shojo français est sortit l'année dernière, dessiné par la jeune mangaka Jenny, Pink Diary (voir document annexe n°13). Ce manga créa la polémique avant même sa sortie, car à la base le nom « manga » désigne la bande dessinée japonaise et ici c'est une bande dessinée française qui reprend tous les codes du manga : format, sens de lecture, images... Même les noms des personnages et

25 l'histoire sont largement inspirés des classiques mangas, ainsi l'héroïne s'appelle Kiyoko, l'histoire se déroule dans un cadre qui fait penser au Japon (les uniformes scolaires sont de rigueur) et le thème du journal intime est très important dans le shojo. Cet exemple est important car il montre l'importance grandissante du manga en France, car ce sont ceux qui ont vu les mangas arriver en France dans les années 1990 qui les dessinent aujourd'hui, ce qui prouve que cet aspect particulier de la culture nipponne a réussi à s'immiscer dans notre propre société.

Le troisième grand type de shojo situe sa renommée entre le shojo de sport et le shojo romancé, il s'agit du shojo magique. Ce type particulier a pour public les jeunes filles entre 12 et 18 ans et serait l'équivalent au shonen de combat mais version féminine.

En effet, dans le shojo magigue, aussi appelé magical girl, nous retrouvons une ou plusieurs jeunes filles dotées de capacités hors du commun, utilisées pour sauver le genre humain alors que celui-ci ignore complètement leur existence. Seules ou en groupes, les magical girls doivent le plus souvent remplir une mission d'ordre supérieur et en viennent aux prises avec les forces du mal et du bien. Cette lutte symbolique sera aussi l'occasion de résoudre leurs propres problèmes d'ordres sentimentaux et familiaux. Elles résolvent la plupart du temps un triangle amoureux, trouvent leur prince charmant et deviennent ainsi des femmes. Cette lutte peut représenter dans certains cas ce passage à l'âge adulte. Les filles magiques sont le plus souvent affublées d'un costume très court ou très collant, d'une baguette et mènent une double vie d'étudiante (collégienne ou lycéenne) dans laquelle elles se sentent mal à l'aise. Il existe cependant de nombreuses séries présentant plutôt des personnages enfants (généralement de 8 à 12 ans), sans présence majeure de romance dans l'histoire.

Initialement, les séries de magical girl présentaient des héroïnes solitaires, devant cacher leurs pouvoirs aux autres. De plus en plus de séries ont, par la suite, figuré des groupes de magical girls plutôt que des héroïnes isolées, mettant en avant l'esprit d'équipe et de partage.

Le magical girl le plus célèbre de ces dernières années est certainement Card Captor

Sakura (voir document annexe n°14), qui raconte l'histoire d'une jeune fille qui a libéré par mégarde des cartes maléfiques emprisonnées dans un livre, et qui doit dès lors les

26 rechercher une à une afin de les capturer et les renfermer dans leur livre. Comme nous pouvons le constater le scénario est très simple, mais c'est pour mieux servir l'esthétique du manga et aussi, il faut le rappeler, car ce manga est avant tout destiné aux plus jeunes et donc il ne faut pas s'encombrer de détails afin de ne pas ralentir la progression de l'histoire. D'ailleurs, l'héroïne du manga est une jeune fille d'une dizaine d'années à peine, ce qui réduit aussi considérablement les obstacles extérieurs qu'elle pourrait rencontrer, comme les intrigues sentimentales complexes, la difficulté scolaire, ou les rivalités sportives.

Mais le plus parfait exemple de magical girls de cette décennie date des années 90, tout comme Dragon Ball Z, et a connu une gloire au moins aussi importante que ce dernier dans le monde du shojo : Sailor Moon (voir document annexe n°15). Ce manga raconte l'histoire d'une collégienne de 14 ans, Bunny Rivière (Usagi Tsukino en version originale) qui découvre qu'elle est une princesse réincarnée de l'ancien royaume de la Lune. Le royaume des ténèbres, qui a détruit le royaume de la lune, est de retour sur Terre : Bunny doit donc être Sailor Moon, la protectrice du système solaire. Plus tard, Sailor Moon rencontre d'autres justicières réincarnées, qui sont les protectrices de la princesse. Elle rencontre aussi le prince de la Terre, qui est son amour et aussi son protecteur.

On retrouve ici les grands points du shojo : le groupe de filles justicières, l'amour et la protection du monde pour ce qui est du scénario, les traits fins, allongés, les yeux

écarquillés et les uniformes courts, très proches des uniformes scolaires. Comme nous l'avons dit précédemment, c'est une fois de plus la valeur d'un groupe qui est mis en valeur plutôt que l'individu seul, quoique l'héroïne de Card Captor Sakura est seule la plupart du temps, même si parfois une amie l'accompagnera, ou son petit compagnon en peluche doué de vie.

Chaque catégorie de manga a son public, nous avons vu ceux pour les jeunes garçons et nous venons de voir ceux pour les jeunes filles, mais qu'en est-il pour un public plus adulte ? Car n'oublions pas que le manga, même s'il est destiné à un public adolescent qui en est le coeur de cible, ne doit pas manquer aussi de toucher les adultes, qui sont les consommateurs par excellence : ce sont eux qui ont un revenu et donc qui peuvent

27 s'acheter plus facilement des manga. Ainsi, même si la plupart des shonen ou des shojo sont parfaitement lisibles par la majorité, il existe aussi un genre qui est plus spécifiquement destiné aux 18-35 ans, plus mature, que ce soit dans le scénario et dans le dessin : il s'agit du seinen manga.

LE SEINEN MANGA

Le troisième grand courant de manga n'est pas des moindres car il possède le coeur de cible le plus large : le seinen manga. Contrairement aux deux autres genres que nous avons vu précédemment, dans le seinen on ne peut pas vraiment délimiter plusieurs types d'histoires vraiment différentes. Si nous pouvons les résumer, disons que la plupart des seinen se déroulent soit à l'époque actuelle soit dans un proche ou lointain futur, la plupart du temps post-apocalyptique. Les traits y sont plus travaillés, les personnages se rapprochent plus de ce que pourrait être la réalité, afin que le lecteur se sente plus proche et plus impliqué dans l'histoire. Mais il n'y a pas que les dessins qui sont plus travaillés, les scénarios et les caractères des personnages sont plus profonds, plus tortueux et remettent parfois en cause la morale, comme cela pourrait arriver dans la vie de tous les jours. Les personnages sont moins idéalistes que ceux d'un shonen et n'ont pas les traits androgynes ni la sexualité ambiguë que l'on y retrouve. Le seinen s'ancre plus à la réalité et sa dureté pour construire sa trame, ce qui justifie son lectorat.

Le meilleur moyen de parler du seinen est bien sûr d'en choisir un et de le décrire, afin de mieux cerner les thèmes abordés et l'angle d'approche choisit par le mangaka de seinen. Même s'il y a profusion de seinen, un seul est connu de tous et de toutes comme

étant la référence ultime de ce genre de manga, tout d'abord parce qu'il était le premier grand manga à débarquer en France sous forme de film d'animation d'abord, de manga

28 papier ensuite. De plus, son statut de premier n'est pas le seul à mettre en avant : sa qualité exceptionnelle, son scénario torturé et son univers particulier ont su l'imposer, encore aujourd'hui, comme la référence ultime en terme de manga : j'ai nommé Akira de

Katsuhiro Otomo. Au Japon le manga est parut entre 1982 et 1989 et comportera au final six volumes reliés.

Voici le synopsis de ce manga: est détruite par une mystérieuse explosion en décembre 1992 et cela déclenche la Troisième Guerre Mondiale avec la destructions de nombreuses cités par des armes nucléaires.

Neo-Tokyo, en 2019 (2030 selon les versions colorisées américaine et française) est une mégalopole corrompue et sillonnée par des bandes de jeunes motards désœuvrés et drogués. Une nuit, l'un d'eux, Tetsuo, a un accident en essayant d'éviter un étrange garçon... Il est capturé par l'armée japonaise et est l'objet de nombreux tests dans le cadre d'un projet militaire ultra secret pour repérer et former des êtres possédant des prédispositions à des pouvoirs psychiques (télépathie, téléportation, télékinésie...) Mais les amis de Tetsuo, dont leur chef Kaneda, veulent savoir ce qui lui est arrivé car quand il s'évade et qu'il se retrouve en liberté, il n'est plus le même... En parallèle se nouent des intrigues politiques : l'armée essaye par tous les moyens de continuer le projet en espérant percer le secret de la puissance d'Akira (et de la maîtriser pour s'en servir par la suite), les politiques ne voient pas l'intérêt de continuer à allouer du budget à un projet de plus de 30 ans qui n'a jamais rien rapporté, et un mouvement révolutionnaire qui veut renverser le pouvoir et s'approprier le phénomène Akira à des fins religieuses (il serait considéré comme un « sauveur » par ses fidèles). Et pendant ce temps, Tetsuo teste ses nouveaux pouvoirs et veut s'imposer comme un leader parmi les junkies, ce qui ne plaît pas à tout le monde, en particulier à Kaneda...

L'univers d' Akira est l'allégorie du monde en reconstruction au lendemain de la

Seconde Guerre Mondiale. Le personnage d'Akira est la personnification achevée de la bombe atomique lachée au-dessus d'Hiroshima, autrement surnommée Little Boy. Les personnages qui tournent autour de cette histoire sont là pour décrire l'idée appliquée ensuite, selon laquelle chaque groupe reproduit un comportement lié à son éducation et à son environnement, et qu'en adaptant une culture à la modernité, on devrait éviter de 29 retrouver les situations du passé. Ainsi, la psychologie et le contrôle des esprits sont présentés comme les armes supérieures à la bombe atomique et autrement convoitées.

C'est un thème récurrent dans les univers de fiction.

Ce film d'animation avec son scénario post-apocalyptique décrivant le mal-être de la jeunesse tokyoïte et sa mise en scène d'une puissance rare fut l'un des premiers dessins animés japonais à massivement s'exporter en dehors de ceux destinés à une cible enfantine bien avant Dragon Ball Z... Le public américain puis français a ainsi pu découvrir un film d'animation vraiment adulte, associant à la violence une histoire digne de grands livres de science-fiction. Mais ce film est tout aussi reconnu dans son pays d'origine (contrairement par exemple à Goldorak, un emblème chez nous, quasi inconnu dans son pays d'origine au point que les Japonais eux-même le désignent souvent par son nom français), en tant que magistrale adaptation d'un des manga seinen qui révolutionna le cyberpunk local de l'époque et a atteint aujourd'hui le statut d'œuvre culte qui a influencé de nombreux auteurs.

Nous venons donc de décrire les trois plus grands genres de manga, mais bien sûr il en existe d'autres, qui sont moins connus, c'est pour cela que nous avons décidé de ne pas nous arrêter dessus. Toutefois, nous allons les citer car il est important de se rendre compte que toutes les générations et tous les thèmes sont abordés par le manga. Voici donc les autres genres:

 Le josei, pour les jeunes femmes et adultes

 Le kodomo, pour les jeunes enfants

 Le redisu, pour les femmes adultes

 Le seijin, pour les hommes adultes

 L'ecchi, manga érotique

 Le gekiga, manga dramatique des années 60-70

 L'hentai, manga pornographique

30  Le jidaimono, manga historique

 Le moé, manga tourné vers un sentiment ou une affection fétichiste pour un

personnage

 Le shitei, manga de style humoristique pour tous

 Le suiri, manga policier tourné vers le meurtre

 Le yaoi, romance sexuelle entre hommes, destiné aux femmes

 Le yuri, romance sexuelle entre femmes, destiné aux hommes

 Le yonkoma, manga humoristique en quatre cases, équivalent du comic strip

31 AUTOUR DU MANGA

Maintenant que tous les genres de manga ont été abordé, nous allons voir que leur succès, au Japon comme en France, dépasse largement le stade du livre et que le manga va se décliner en de multiples produits dérivés.

DU MANGA A L'ANIME

La relation qu'entretient le Japon avec le style graphique est unique au monde car elle s'enracine dans un système d'écriture dont la sophistication extrême est assimilée dès le plus jeune âge. En Europe, tout ce qui relevait du dessin animé s'est très longtemps limité à Walt Disney. Mais de nos jours, les studios Disney et Pixar se réclament ouvertement de Miyazaki et Takahata, deux grands noms de l'anime japonais, notamment

Miyazaki dont le fils, Goro, vient de sortir son premier long métrage : Les Contes de

Terremer. De nombreux réalisateurs actuels avouent s'inspirer voir même utiliser des techniques du dessin japonais dans leurs films, tel Quentin Tarantino dans son Kill Bill

Volume 1.

32 Au Japon le cinéma d'animation se compose, comme nous l'avons dis dans la première partie, en trois sous-catégories.

Tout d'abord il y a le long-métrage, inspiré ou non de manga, mais qui raconte une histoire complète et dure comme un film, c'est à dire une heure et demi, éventuellement deux heures. Généralement ils sont de très haute qualité et arrivent jusque dans notre pays, les plus célèbres étant ceux issus du studio Ghibli, créé en 1985 par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. La particularité de ce studio est de se concentrer sur les longs métrages d'animation, dans un pays où ce sont surtout les séries TV et les OAVs qui sont favorisés.

On note aussi une grande exigence concernant la qualité des films produits, aussi bien la qualité technique, avec la beauté des dessins et de l'animation, que la qualité scénaristique alors qu'elle est souvent médiocre chez d'autres studios, dans le but de réduire les coûts.

De grands films sont sortis de ces studios, comme Mon Voisin Totoro (1988), Porco Rosso

(1992), Princesse Mononoké (1997), Le Voyage de Chihiro (2001) et enfin Les Contes de Terremer en 2006. (voir documents annexes n°16, 17 et 18)

Ensuite viennent les OAVs que nous avons brièvement abordés auparavant.

Rappelons que les OAVs sont destinées directement au marché de la vidéo et du DVD, et sont considérées comme une passerelle entre le long-métrage conçu pour le cinéma et la série télévisée. Malheureusement, ce support tend peu à peu à disparaître au profit de séries télévisées.

La série télévisée quand à elle a souvent été cantonnée à de l'animation simplifiée au budget drastique. Cette dernière catégorie est une des plus importantes car c'est grâce à elle que s'est faite l'introduction du manga en France, notamment avec le Club Dorothée dans les années 1990 qui rachetait, via la société de production AB, toutes les productions nipponnes pour les diffuser sur la chaîne, sans pour autant prendre conscience de l'impact que cela aurait sur les spectateurs.

A ces trois supports majeurs, il faut encore ajouter les courts-métrages d'animation hors du circuit commercial habituel, ainsi que le marché du clip musical qui fait souvent appel aux talents de l'animation.

Si la plupart des mangas connaissant un tant soit peu de succès se voient adaptés à l'écran d'une façon ou d'une autre, certains animés sont créés directement pour ce support.

33 Le père fondateur de l'animation japonaise, , a fourni un travail remarquable dans le domaine de l'anime, il est d'ailleurs l'initiateur de la série hebdomadaire de vingt-six minutes. Pour parvenir à tenir de tels délais de productions, il invente toute une technique d'animation simplifiée ; c'est une révolution populaire qui débarque sur les petits écrans en 1963 : Astro Boy, adaptation de son propre manga en noir et blanc. A raison de 6 à 8 images par seconde, Tezuka relève un défi à priori impossible : offrir au public un rendez-vous hebdomadaire d'une demi-heure avec son personnage favori. La série Astro Boy est un triomphe et une révolution visuelle pour des millions d'enfants. Devant ce succès, d'autres mangas populaires de l'auteur sont adaptés. En 1965 la couleur arrive sur les écrans avec les deux premières séries consacrées au Roi Léo (anime dont s'inspireront largement les studios Disney pour leur long-métrage Le Roi Lion) qui sera aussi la toute première série à être portée sur les écrans français et à remporter un franc succès, bien avant la génération Dragon Ball. (voir documents annexes n°19 et 20)

Qu'en est-il de la qualité globale de ces adaptations? Du passage de l'image fixe à celle en mouvement ? De nombreux facteurs entrent en jeu : la qualité de l'équipe créative, la fidélité à l'oeuvre originale, la liberté de ton ou encore les contraintes de production. Il arrive fréquemment que l'adaptation animée dépasse les qualités du manga d'origine et offre ainsi de nouvelles perspectives. Il arrive tout aussi fréquemment que l'équipe, le

« staff », ne soit pas à la hauteur et trahisse complètement le manga de départ. Le succès public d'un manga détermine les conditions de son adaptation et peut compromettre grandement la fidélité à l'oeuvre, la censure aidant, ainsi que le choix du public visé. Dans le meilleur des cas, un anime va révéler ou transcender un manga, parfois avec la complicité de l'auteur. Il existe aussi bon nombre de mangas qui ne sont que de simples produits dérivés d'une série animée. Ce phénomène très proche de la novélisation offre peu de perspectives créatives : le résultat est en effet rarement à la hauteur de l'anime, le manga constituant un simple produit dérivé sans prétention artistique. Au mieux, il peut constituer un éclairage complémentaire de l'oeuvre animée.

Mais le dessin animé, quelque soit sa forme, n'est pas le seul produit dérivé ou du manga, nous allons voir que son succès s'étend bien au delà de ça.

34 LES PRODUITS DERIVES

Devant ce succès grandissant, il est évident que les industries ne pouvaient pas rester sans rien faire, elles se sont donc lancées dans la fabrication de produits dérivés de toutes sortes, que l'on appelle des « goodies ». Il faut dire que le marché du manga est florissant et qu'il représente une véritable mine d'or pour qui sait l'exploiter. Ainsi sont apparus, tout d'abord au Japon puis en France, des boutiques spécialisées dans la vente d'objets en rapport avec les mangas. On peut trouver tout type de produits : des T-shirts, des poupées, des coussins, des jeux de cartes, des figurines, des portes-clefs, des Cds, des bijoux, des posters... Il serait pratiquement impossible de décrire tous les produits que l'on peut trouver, car il en existe de toute sorte, à tous les prix, allant du plus utile au plus

étrange, mais toujours à l'effigie de son manga préféré. Le marché des goodies est très fructueux et représente à lui seul 14% des bénéfices du secteur.

Mais ce n'est pas tout, car quand une licence marche aussi bien, les éditeurs n'hésitent pas à l'employer jusqu'au bout afin de gagner un maximum d'argent. En plus des figurines, films, OAVs ou séries d'animation, les mangas sont aussi déclinés en jeux vidéo. Il faut savoir que ce média est le quatrième média de loisirs au Japon, autant dire que son importance dans la société de consommation est cruciale, là-bas le manga et le jeu vidéo sont étroitement liés. En France, il est rare de voir beaucoup de jeux issus de manga, la franchise la plus portée restant à ce jour Dragon Ball Z pour laquelle on compte environ

à ce jour 35 adaptations vidéo ludiques, toute console et génération confondues, et cela rien que dans notre pays. Au Japon, berceau de l'innovation technologique et plus grand créateur de jeux, il sort à peu près un jeu par an sur un manga, il suffit de multiplier cette cadence par le nombre de franchises qui ont plus ou moins de succès afin d'obtenir des chiffres de vente vraiment impressionnants. Il est d'ailleurs étrange que la France ne suive

35 pas cette tendance d'adaptation, sans doute les coûts de traduction pour un jeu sont-ils trop élevés tant que l'on est pas garantit de son succès, Dragon Ball étant la série la plus vendue au monde (avec 126 millions d'exemplaires du manga vendu rien qu'au Japon pour 42 volumes), les éditeurs de jeux savent qu'ils peuvent compter sur cette franchise.

D'autres mangas sont sortis sur nos consoles, notamment One Piece, Naruto ou encore Les

Chevaliers du Zodiaque mais leur qualité n'atteint pas encore celle d'un jeu à succès. On peut aussi signaler l'existence de jeux utilisant des personnages de différentes séries, se retrouvant dans une seule et même aventure, ce qui donne des histoires assez incroyables et invraisemblables, car chaque manga a son univers à part, les faire se retrouver constitue le rêve ultime de l'otaku fan de manga.

Mais le jeu vidéo et les goodies ne sont pas les seuls phénomènes marquants du succès du manga. Nous en avons parlé un peu plus avant : le cosplay est une tendance assez déroutante, mais se répand de plus en plus. Le cosplay est un grand rassemblement

épisodique qui réunit des fans de manga et d'animation qui viennent costumés. Ils défilent sur scène avec les habits de leurs héros préférés et subissent les votes d'un jury qui désigne les meilleurs déguisements. (voir document annexe n°21) Et ça ne s'arrête pas là puisque les plus grands mangas connaissent aussi leur adaptation sous forme de comédie musicale, genre très populaire au Japon.

Pour bien comprendre la place acquise par le manga il faut aussi veiller à ne pas négliger une chose fondamentale : dans une société japonaise rigide fondée sur le respect scrupuleux de l'autorité et de l'étiquette, le manga sert aussi de régulation sociale. Ce n'est pas un hasard si lecteur entretient une vraie communion avec la bande dessinée. Pour lui, c'est un dérivatif essentiel, un moyen d'évacuer la pression d'une société misant sur la performance et l'émulation davantage que sur l'épanouissement personnel. Le manga devient un espace à soi, de liberté, permettant d'oublier le temps d'une lecture les contraintes d'un environnement étouffant imposé par la famille, l'école ou l'entreprise.

Certains lecteurs entretiennent même une relation particulière avec les personnages auxquels ils s'identifient, on peut presque parler d'intimité. Comment expliquer la vague de cosplay sinon par cette envie de se réapproprier de façon symbolique un personnage de fiction en s'incarnant en lui, dans les valeurs qu'il porte, afin de les faire rejaillir aux yeux

36 de tous?

Il ne faut donc pas sous-estimer le manga et le traiter de sous-littérature, car quand on voit tous les domaines qu'il touche, et jusqu'où vont certaines personnes afin de montrer leur admiration pour un manga, il ne faut pas prendre cette tendance à la légère.

Pour tous les fans de manga, espérons que le phénomène ne s'éteigne jamais...

37 Que penser du manga maintenant que nous avons vu tous ses aspects, puis tout ce qu'il y a autour? Bien sûr, chaque partie et sous-partie pourrait être traitée de manière beaucoup plus complète car ce phénomène a véritablement une ampleur incommensurable, de plus il évolue de jour en jour et il devient de l’ignorer. Que le manga ne plaise pas à certains, cela reste compréhensible, mais dire qu’il n'apporte rien me semble mensonger. En effet, le manga est une véritable leçon d'histoire, passée ou contemporaine, d'un pays culturellement riche. En plus de son histoire, le manga nous livre aussi une analyse de sa propre civilisation : les mangakas nous présentent à travers leurs dessins leur vision de la société nippone, ses travers, ses vices. Si un être humain pouvait lire tous les mangas existants, il est quasiment certains que cette personne en connaîtrait plus que n'importe quel livre d'histoire traitant du Japon, tant celui-ci traite de toutes les périodes qui ont existées, et même avec certaines légendes propres à la culture nippone.

Avec autant de richesse dans le contenu, comment peut-on dire que le manga est un simple phénomène de mode, une « japoniaiserie » ? Si c'était le cas, pourquoi les studios

Disney et Pixar se seraient inspirés des studios Ghibli ? Pourquoi la France serait-elle le second pays consommateur de manga ? Le manga n'est pas un simple phénomène de mode, car celle-ci se caractérise principalement par son caractère éphémère, or le manga est toujours d'actualité. Si tant de manifestations sont organisées autour de lui, c'est que le succès est toujours au rendez-vous, ainsi que les lecteurs, prêts à se déguiser à l'image de leurs personnages préférés.

Devant un tel phénomène le manga et son univers peut largement prétendre appartenir à la littérature contemporaine, les animés sont à traiter au même titre que les films qui sortent des grands studios d'Hollywood. Plus qu'une littérature, c'est toute une culture qui nous est importée du Japon avec le manga, son histoire et ses travers. Même les comics américains ne peuvent être comparés aux mangas ils se focalisent plus sur la psychologie et l'histoire de son personnage plutôt que son pays.

Omniprésent dans la vie quotidienne japonaise, le manga jouit aujourd'hui, à tous les niveaux, d'une position unique qui ne lasse pas de fasciner l'observateur étranger. Mais demain ? Depuis 1995, il subit un léger recul sous la concurrence de nouveaux loisirs

38 principalement liés l'essor de nouvelles technologies. Le développement d'Internet avec la généralisation du haut débit tend à capter une partie de l'attention du public, de même que la sortie de nouvelles consoles, dont les jeux repoussent à chaque fois un peu plus le degré de réalisme. Des études ont montré l'effet de la sortie de la Playstation en 1994 ou de

Windows 95 dans le fléchissement des ventes de manga, phénomène qui devrait se reproduire avec les nouvelles générations de consoles mises récemment sur le marché. En corrélation, l'audience générale de la télévision, grande pourvoyeuse d'animes issus de manga, tend elle aussi à décroître, ce qui à terme peut fragiliser l'ensemble du milieu. Sur le plan créatif reste aussi le danger de voir les talents de demain se détourner du manga au profit de ces nouveaux supports alors que les acteurs du milieu s'inquiètent régulièrement du manque de renouvellement de thèmes et d'idées développées par la jeune génération.

Face à un marché intérieur proche de la saturation, la question est de savoir si la bande dessinée restera toujours le divertissement numéro 1 de ce nouveau siècle au Japon. Va-t- elle parvenir à se réinventer pour toucher un public de plus en plus sollicité ou est-elle vouée à décliner lentement? Rendez-vous dans cinquante ans...

Le manga est décidément un univers trop riche pour être traité sur quelques feuilles, et j'aurais aimé m'attarder plus sur les différents genres qui le composent, en développant plus longuement sur les thèmes abordés, ce que je souhaiterais faire dans un mémoire un peu plus étendu l’an prochain.

39 BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages:

GROENSTEEN Thierry, L'Univers des mangas, une introduction à la bande dessinée japonaise,

Tournai, Casterman, 1991, 135 p.

GRAVETT Paul, Mangas, soixante ans de bande dessinée japonaise, Chine, Editions du Rocher,

2004, 176 p.

SCHMIDT Jérôme, Génération manga, petit guide du manga et de l'animation japonaise, Paris,

Librio Repères, 2004, 94 p.

ARVIS Manuela, BRIENT Hervé, DEMARS Anne, ENGELBRECHT Hans, FONTAINE

Adeline, LAFINE Pascal, LALLOZ Jacques, LECARDONNEL Franck, MASSE Rodolphe,

PENNES Raphaël, PLAYE Virginie, TRESPALLE Nicolas et VIGNOL Anne, Le guide Phénix du manga, France, Asuka, 751 p.

TORIYAMA Akira, Dragon Ball, tomes 1 à 42.

FUJISAWA Tôru, GTO, tomes 1 à 25.

KUBO Tite, Bleach, tomes 1 à 21.

ODA Eiichiro, One Piece, tomes 1 à 37.

KISHIMOTO Masachi, Naruto, tomes 1 à 28

Sites internet: http://fr.wikipedia.org (encyclopédie en ligne) consulté le 10 mars 2007 http://www.hebus.com (illustrations) consulté le 27 avril 2007

40 DOCUMENTS ANNEXES

41 Illustration 1: Hokusai, Tsunami

Illustration 2: Astro le petit robot

42 Illustration 3: Akira

Illustration 4: Olive & Tom

43 Illustration 5: Kenshin le vagabond

Illustration 6: 44 Illustration 7: One Piece

Illustration 9: Naruto Illustration 8: Dragon Ball

45 Illustration 10: GTO, Great Teacher Onizuka

Illustration 12: Jeanne & Serge

Illustration 11: Lady Oscar, La Rose de Versailles 46 Illustration 13: Pink Diary, le premier manga français

Illustration 14: Sailor Moon

Illustration 15: CardCaptor Sakura

47 Illustration 16: Princesse Mononoké

Illustration 17: Porco Rosso

Illustration 18: Les Contes de Terremer

48 Illustration 19: Le Roi Léo d'Osamu Tezuka

Illustration 20: Le Roi Lion, de Walt Disney

49 Illustration 21: Cosplay Naruto, saurez-vous retrouver qui est qui? 50