la Chine et les livres dossier pour enfants

À propos du roman pour la jeunesse, par Jiang Yun L'édition jeunesse en Chine : un aperçu, par Vincent Bontoux Propos d'un éditeur chinois : Bai Bing des éditions Jieli, propos recueillis et traduits par Feng Chen De quelques albums chinois des années 1970, par Cécile Boulaire Récits chinois à lire et à entendre, par Fabienne Thiéry Rencontre avec l'illustrateur Chen Jiang Hong, propos recueillis par Nathalie Beau et Christine Plu Un fonds de livres en chinois, expérience de la médiathèque Jean-Pierre Melville, XIIIe, par Nguyen Thi Chi Lan Images de la Chine à travers 50 livres édités en France, bibliographie établie par Aline Eisenegger et La Joie par les livres La Chine et les livres pour enfants

Depuis déjà quelque temps, nous avons plaisir à proposer chaque année un dossier sur la littérature de jeunesse du pays invité d'honneur du Salon du livre de Paris. Une gageure cette année puisqu'il s'agit de la Chine... un pays non seulement bien éloigné de notre culture européenne, mais surtout en plein bouleversement - y compris sur le plan littéraire et éditorial ou sur le plan de l'éducation. Difficile donc de présenter un tableau stable, complet ou objectif de la situation du livre pour enfants en Chine aujourd'hui ! Difficile aussi de recourir à nos repères habituels pour comprendre et apprécier la qualité des textes ou des images proposés aux enfants, puisque la notion même de littérature pour la jeunesse se heurte à des traditions ou à des valeurs éducatives tout autres et que le livre pour enfants n'est pas encore reconnu comme espace de création artistique à part entière... alors même que l'arrivée sur le marché chinois des productions occidentales les plus commerciales est en train de bouleverser la donne. C'est ce que nous avons souhaité faire sentir à travers les différents articles de ce dossier : images diverses - vues de l'intérieur ou vues d'ici - d'un monde dont l'évolution est bien incertaine, entre forces d'innovation et de tradition, d'archaïsme et de modernité, d'uniformisation et de singularité. À suivre...

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215 /. / dossier À propos du roman pour la jeunesse

par Jiang Yun*

« À ma fille »

Constatant que la littérature 1 y a quelques années, mon ami enfantine chinoise perpétue Dongli a publié un roman pour une longue tradition qui privilé- enfants intitulé L'Enfant de la rési- 1 1 gie la perspective « éducative » dence . Il annonçait la couleur d'entrée voire moralisatrice, Jiang Yun de jeu : ainsi, sur la page de garde, la plaide pour un renouveau dédicace « À ma fille Suizi » frappait des écrits pour la jeunesse d'emblée le regard. Ma propre fille en a et livre ses réflexions éprouvé une jalousie infinie : « Maman, et ses espoirs d'écrivain pourquoi n'écris-tu pas de livre pour moi ? », m'a-t-elle alors demandé. Je pense que cet épisode m'a probable- ment déterminée à accepter de collaborer à la Collection du Soleil d'or de la maison d'édition pour les Enfants et la Jeunesse du Hebei. *Née en 1954 à Taiyuan dans le Shanxi, Jiang Yun est L'année dernière, lors d'une conférence originaire de Kaifeng dans le Henan. officielle, j'ai déclaré que pour l'écrivain Elle a été ouvrière pendant la Révolution culturelle. Elle femme et mère de famille que j'étais, a fait ses études universitaires, à compter de 1981, à écrire pour les enfants me paraissait Taiyuan. Ses premières publications remontent à 1979. aller de soi. Mais cet argument a été Elle écrit des nouvelles, des romans, des proses poé- considéré par d'aucuns comme man- tiques. quant de « hauteur ». Il est fort regrettable Réalisant des scènes modernes, elle peint des person- que du haut de mon mètre soixante, je nages de la vie quotidienne, ballottés, isolés, sensibles ne puisse tenir des propos de géant ! et comme perdus au milieu des gens et des tumultes. En 1997 et 1998, j'ai écrit en tout et pour Elle s'intéresse également à la littérature pour la jeu- tout deux livres destinés aux enfants : Qui nesse, et a publié plusieurs romans destinés aux ado- chante sous l'auvent ? et Le Scintillement 2 lescents. sur ta branche . Les héros de ces deux ouvrages sont des adolescents de quatorze ou quinze ans, âge de ma fille à l'époque.

dossier /N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 93 J'avais appris qu'une maison d'édition chi- qui prêche, celle du père à l'autorité noise s'employait à traduire et publier une incontestée. Ainsi, pour satisfaire son « série de romans étrangers pour la jeu- père désireux de manger du poisson, un nesse ». Je n'avais lu aucun de ces livres, enfant nommé Wang Xiang se rend au mais l'expression « roman pour la jeu- cœur de l'hiver au bord de la rivière gelée nesse » m'a enthousiasmée. et s'allonge sur la glace pour pêcher. Une Si cette formule nouvelle m'a séduite, année de famine, alors que les vivres sont c'est que je n'avais jamais entendu rares, un dénommé Guo Ju prend le parti jusque-là aucun écrivain chinois dési- d'enterrer vivant son propre fils afin d'a- gner ses romans de la sorte. Je la trouve voir une bouche de moins à nourrir et de plus éloquente, plus vivante et palpable, mieux pourvoir aux besoins de ses plus ardente et dynamique et bien plus parents. pertinente que l'expression largement Bien sûr, les choses ont évolué au fil répandue de « littérature enfantine ». des âges et les Vingt-quatre histoires de De surcroît, elle fait aussitôt songer à une piété filiale ne sont plus d'actualité idée de croissance, de développement. depuis longtemps, mais la littérature Effectivement, le « roman pour la jeu- moderne a hérité de cette tradition, nesse » pourrait aussi bien être qualifié de dont elle est subtilement imprégnée, « roman pour la croissance ». consistant à prêcher à l'enfant la conduite à tenir. En effet, c'est tou- Depuis longtemps, en Chine, l'expres- jours du point de vue d'un prédicateur sion consacrée pour tout ce qui est que celle-ci s'adresse aux enfants. donné à lire aux enfants est « littérature enfantine » - que l'on distingue ainsi de La « littérature de jeunesse » a toujours la « littérature pour adultes » considérée fait défaut en Chine. La seule exception comme le courant principal - qui recou- pourrait être considérée comme le cé- vre contes, chansons, poésies et lèbre roman classique La Pérégrination romans. Du fait de notre tradition cul- vers l'Ouest4, récit ancien et drolatique turelle ancienne et également de la débordant d'imagination et de fantaisie, situation actuelle de notre pays, nous dont le héros est un singe à l'esprit libre, attachons une grande importance au sage, brave, personnage à la fois fantas- caractère « éducatif » de la « littéra- tique et doué de pouvoirs surnaturels ture enfantine », tendance qui, je le illimités. Cependant, ce rebelle non pense, trouve probablement sa source conformiste, après avoir dû affronter dans les Vingt-quatre histoires de piété maintes épreuves, finit par être appri- filiale^. voisé par l'univers des adultes : perfec- Ces histoires n'ont pas nécessairement tionnement et accomplissement de soi pour héros des enfants, mais elles sont portent leurs fruits. Au fond, il s'agit là avant tout destinées à être racontées aux encore d'un roman dont le narrateur se enfants et, non exemptes de dureté voire pose en « père » face à l'enfant, même si, de cruauté, présentent des archétypes dans l'histoire de la littérature chinoise, d'enfants respectueux de leurs parents, nul n'a encore qualifié cet ouvrage de décrits par un conteur qui se place vis-à- « roman pour la jeunesse ». vis de l'enfant dans la position de celui

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°2ls/d . Bien sûr, dans les dernières années, nom- breux ont été les auteurs (que l'on nomme toujours « écrivains de littérature enfantine ») qui ont écrit sur le thème des enfants ou à leur intention et ont produit des œuvres dignes d'intérêt, mais, à mes yeux, les « romans pour la jeunesse » de très grande qualité restent assez rares. De ce fait, je qualifierais d'autant plus volontiers mes deux livres de « romans pour la jeunesse ». Ceux-ci ont trait aux expériences que l'on éprouve et aux his- toires que l'on vit durant sa « croissance », cette phase particulière de la vie où la sensibilité est la plus vive, et aussi à l'a- mertume, la lutte émancipatrice et la souffrance engendrées par la séparation d'avec la mère. Loin de prétendre qu'il s'agisse de chefs-d'œuvre, il m'apparaît que ces ouvrages méritent bien une telle dénomination et reflètent les attentes propres à cet âge. La Chaumière (CaoFangzi), de Cao Wenxuan, maison d'édition pour les Enfants et la Jeunesse du Jiangsu (Jiangsu shaonian ertong chubanshe) Professeur à l'université de Pékin, l'écri- vain Cao Wenxuan, connu pour ses « romans pour enfants » tels que La Chaumière5, s'est interrogé sur les moyens de toucher les enfants d'aujour- d'hui. C'est précisément la question que je me pose moi-même. De nos jours, les enfants et les adolescents vivent à une époque très différente de celle que nous avons connue pendant notre enfance, face à laquelle nous nous sentons sou- vent désemparés et démunis. L'ouverture de la société sur l'extérieur, le grand développement des mass média, de l'ordinateur et de la toile, l'omniprésence à travers le monde des chansons à la mode, des dessins animés de Walt Disney et des films hollywoodiens leur offrent un monde plus vaste, plus riche et plus rem- pli que le nôtre, leur confèrent une connaissance, une maturité, une perspi-

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS dossier cacité et une confiance en eux bien plus Dans des transports de joie, il s'agenouille grande que par le passé. et remercie Dieu de lui avoir permis de Cependant, du même coup, cette voir un paysage aussi ravissant, une scène explosion d'informations risque d'en- aussi merveilleuse. traver et d'ensevelir leurs sentiments Peut-être est-ce vanité ou naïveté de ma et leurs sensations si tendres et déli- part, mais, de tout mon cœur, j'espère cats, la fraîcheur et la candeur de leurs encore que nous autres écrivains, par la émotions peuvent être rapidement force de notre plume et de nos histoires, masquées ou émoussées par les effets nous pourrons soulever, transpercer de la mode. Leur « maturation » ne quelque peu cette chape épaisse, cette cesse de stupéfier les adultes que nous armure froide de « l'homme moderne » qui sommes par sa continuité et sa rapidi- recouvre enfants et adolescents d'aujour- té extraordinaire. C'est pourquoi péné- d'hui, afin de les conduire à mettre à nu trer le cœur et l'esprit de cette « nou- leurs sensations et leur âme de nouveau- velle humanité » de demain n'est pas né face aux paysages dénudés, aux éten- une entreprise facile. dues neigeuses, au soleil et au vent qui Dans ces conditions, que nous est-il habitent depuis toujours le cœur et l'esprit, encore possible de faire ? à se confronter à la splendeur et au mer- veilleux d'un champ de luzerne en fleurs Je me souviens d'une histoire racontée par et à goûter aux émotions primitives, ne Xu Zhimo, célèbre écrivain chinois6. Un serait-ce qu'un instant. pasteur italien arrive dans la campagne C'est là l'idéal auquel aspirent une mère et anglaise et, à la vue d'un vaste champ de un écrivain. luzerne en fleurs, est saisi par la splendeur des lieux. À Taiyuan (Shanxi), le 4 décembre 2003 Traduit par Marie Laureillard

1. Lou qun de haizi. 2. Shei zai wuyan xia ge chang et Shanshuo zai ni de zhitou. 3. Er shi si xiao : ouvrage écrit par Guo Jujing sous la dynastie des Yuan (1271-1368). 4. Xi youji : roman historique et fantastique de Wu Cheng'en écrit au XVIe siècle relatant le voyage en Inde au VIIIe siècle du bonze Xuanzang, d'un singe et Ouvrages traduits : d'un cochon à la recherche des sûtras, véritable quête Délit de fuite, trad. Myriam Kryger, Mercure de France, du salut par la foi bouddhique. 2001 5. Caofangzi. « Les Frontières de l'imagination >, trad. Myriam 6. Xu Zhimo (1897-1931) : poète moderne influencé Kryger, in Écrire au présent - débats littéraires franco- par la poésie romantique anglaise et fondateur avec chinois, Annie Curien (dir.), éd. de la Maison Wen Yiduo de l'école de la Nouvelle Lune. des sciences de l'homme, 2004

LAREVUEDESUVRESPOuRENFANTS-N°215/dossjer jeunesse 6PI Lr)in6 :un aperçu

par Vincent Bontoux*

Vincent Bontoux présente epuis son adhésion à la la structure et les caractéristiques Convention de Berne en 1992, la de l'édition jeunesse D Chine est entrée de plain-pied sur en soulignant les contrastes la scène éditoriale mondiale ; mais, et les tensions entre archaïsme régime politique oblige, cette ouverture et modernité. Il indique quelles s'est faite de façon moins tonitruante au sont les perspectives d'évolution niveau de l'édition que dans d'autres de ce secteur économique branches économiques. Le gouverne- aussi bien sur le marché ment chinois semble beaucoup moins intérieur qu'au niveau disposé à inviter des capitaux étrangers international. à investir dans l'édition que dans la construction navale ou la viticulture. Le marché intérieur lui-même a échappé au vent de dérégularisation qui a soufflé sur l'économie chinoise depuis une dizaine d'années : 565 éditeurs, pas un de plus, se partagent officiellement ce marché de plus d'un milliard d'habitants ; tous dépendent d'entités publiques, de la municipalité à la toute-puissante Admi- nistration de la Presse et de l'Édition.

Avant d'aborder plus en détail les carac- •Cet article est paru dans La Lettre de France Édition, téristiques de l'édition jeunesse en n°38, octobre 1998. Chine, nous parlerons rapidement de la il a été remis à jour pour la présente publication. structure générale de l'édition chinoise, Merci à Vincent Bontoux et à France Édition de nous avant d'en évoquer plus particulière- avoir autorisés à le reproduire. ment la partie « Jeunesse », d'abord par

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 97 dossier le prisme de son marché potentiel, puis qui auparavant pouvait être assimilée à en faisant la part de ses aspects une censure, tandis que d'autres, pour archaïques et des ferments de modernité une raison inconnue, l'attendent pen- qui apparaissent dans ce secteur. dant des mois. Certaines provinces disposent, du fait de La règle et la pratique leur éloignement géographique, d'une L'édition chinoise se veut à la fois liberté de publication quasi totale. C'est exhaustive et centralisée. Le principe en d'ailleurs dans l'une de ces provinces est simple : à chaque matière (littérature, périphériques, le Hunan, qu'a été créée sciences, jeunesse...) correspondent une la première association d'éditeurs maison au niveau national, située à locale, rassemblant au sein d'un Pékin, et une dans chaque province. Bien même organisme toutes les professions sûr, cette règle souffre des exceptions : du livre, démarche que veut suivre certains domaines très spécialisés ne sont l'Association des Éditeurs chinois, qui édités que par les maisons d'édition cen- regroupe 28 associations provinciales. trales (il existe ainsi un éditeur pour les Son Président, M. Pan Guo Yan, estime à chemins de fer, un autre pour la poste, environ 610 000 le nombre de personnes etc.) et les moyens financiers plus res- travaillant en Chine dans l'ensemble de treints des municipalités ou des provinces ces industries éditoriales, de la produc- ne permettent pas toujours la déclinaison tion à la diffusion. de tous les domaines éditoriaux. Ce sont Les statistiques officielles chinoises font alors la littérature, l'éducation ou les scien- état de 112 813 titres publiés par an. ces qui sont privilégiées, ainsi que le sec- Curieusement, le classement très détaillé teur jeunesse édité par les « Children's des ouvrages par catégorie ne retient pas Publishing Houses » ou par des maisons le secteur de la jeunesse. La raison pour- au nom moins évocateur telles que Aurora rait en être que, pour les Chinois, un (Yunnan), Tomorrow (Shandong), Pétrel roman pour la jeunesse est avant tout un (Henan), XXIst Century (Jiangxi), etc. roman, de même qu'un ouvrage de vul- L'évolution actuelle montre un très grand garisation scientifique pour adolescents intérêt de la part des éditeurs pour le livre reste avant tout un titre de sciences. de jeunesse et la plupart des maisons ont maintenant créé un secteur spécialisé. L'édition jeunesse en Chine : un énorme marché potentiel Il existe donc actuellement 565 maisons En l'an 2002, les jeunes Chinois de moins d'édition en Chine, regroupant un total de 15 ans représentaient une population de 50 000 salariés. Toutes dépendent de d'environ 287 millions d'enfants (soit l'Administration d'État de la Presse et de 22,4% de la population totale). Mais sur- l'Édition, direction du ministère de la tout, la Chine reste l'un des pays au Culture, et qui a elle-même rang de monde dans lesquels la lecture est la ministère. Toute publication nouvelle plus valorisée, surtout en tant que vec- doit en principe être approuvée par cette teur d'éducation. Une enquête de 1996 administration. Depuis le début des de l'Association des Éditeurs chinois années 90, la plupart des titres obtiennent montre que les parents dépensent en sans problème cette fameuse autorisation moyenne 308 yuan (soit environ 30 €)

LAREVUEDESLIVRE5POURENFANTS-N°215/ (dossier par an en achat de livres de jeunesse, ce qui représente tout de même 14 % des 2180 yuan globalement consacrés à leur enfant. Bien entendu, il ne s'agit là que de moyenne, les catégories sociales les plus aisées dépensant jusqu'à 1000 yuan par an et par enfant pour l'achat de livres. Plus significative, la part importante des titres traduits dans le classement des goûts des enfants de l'Empire du Milieu, même s'il s'agit sur- tout des contes de Grimm ou d'Andersen : avec 27 %, ils talonnent de @ près la fiction chinoise (29 % ).

Les résultats de la même enquête se mon- kan pinyin du gushi : Shuihu guhsi trent très optimistes concernant les habi- adaptation d'un roman classique chinois intitulé . Au bord de l'eau », avec tudes de lecture : 43 % des 7000 enfants transcription en pinyin interrogés citent la lecture de livres comme leur loisir préféré, devant la télé- vision (34 %) et la lecture de la presse (21 %). 70 % des jeunes Chinois consa- creraient de 30 minutes à deux heures par jour à cette activité ; la moitié d'entre eux liraient un à trois livres par semaine. Enfin, les réponses à l'enquête montrent que les matières préférées des jeunes Chinois sont les sciences, les contes, l'histoire, la littérature et l'art.

L'édition jeunesse en Chine entre archaïsme et modernité À l'instar de toute l'industrie éditoriale du pays, ce secteur est à la croisée du moder- nisme représenté par une nouvelle caté- gorie d'éditeurs et d'une tradition de rigidité administrative encore à l'œuvre.

deux adaptations de contes Contrôle administratif et participa- d'Andersen publiés tête- bêche dans un même volu- tions étrangères : l'incertitude me avec deux illustrateurs Sur le papier, tout est clair : tout livre a différents : Recto : « Jean le nigaud », besoin de l'autorisation de l'Administra- III, Cen shengquan, tion de la Presse et de l'Édition pour être Verso : « Le Rossignol de l'empereur de Chine », publié. À chaque titre édité correspond ill. Wang Gui, un numéro d'autorisation, condition éditeur Xinshiji chubanshe

-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS dossier sine qua non pour que ce titre puisse être ultérieurement distribué par le réseau officiel Xin Hua. Ce contrôle est très rigoureux en ce qui concerne les titres chinois ayant un contenu « politiquement sensible » et les titres étrangers pour la jeunesse. Dans les critères de délivrance de l'autorisa- tion, le nationalisme culturel peut alors être au premier plan. Le gouvernement chinois semble voir d'un assez mauvais œil que la production editoriale jeunesse de fiction, traditionnellement axée sur les contes et légendes, chinois ou étran- Traduction d'une encyclopédie anglaise gers (Grimm ou Andersen sont traduits publiée en chinois par depuis tellement longtemps qu'ils font Chengdu Cartographie Publishing House partie du patrimoine national) s'ouvre à d'autres cultures. Les premiers à avoir fait les frais de ce protectionnisme cultu- Un manga chinois : rel furent les éditeurs japonais de man- Wei Sili yu Baisu, texte de Ni Juang Kuang, gas, qui connurent un succès rapide il!. Huang Zhanming, éd. Xinjiang renmin chubanshe avec des héros connus dans toute l'Asie, mais jugés par les autorités chinoises trop violents, et sans doute pas assez nationaux. Halte donc à la manga, et il fut vivement conseillé aux éditeurs chi- nois de publier eux-mêmes quelques produits de substitution. Il est arrivé la même mésaventure à Dargaud qui, après avoir vendu les droits de Lucky Luke à l'éditeur d'État on ne peut plus officiel « Children's Book Juvénile Publishing House », attendait toujours, un an après, que l'Administration de la Presse et de l'Édition accorde un numéro de publication au pauvre cow-boy soli- taire.

Dans la même ligne, l'édition est restée longtemps l'un des derniers secteurs économiques en Chine à être interdit de joint-venture avec des firmes étrangères. En principe seulement, car le géant Scan- dinave Egmont a fait alliance dès 1996

100 LAREVUEDESUVRESP0URENFANTS-N°215/ (dossier avec les éditions de la Poste chinoise afin souvent les titres qui se vendront sans de créer « China Fun Publishing House », trop de difficultés. dont les activités consistent largement à Mais pour des titres plus pointus, cor- publier des licences Disney ou Tom & respondant à des plans éditoriaux plus Jerry. De même, Bertelsmann Asia proches du marketing à l'occidentale, Publishing est installé maintenant à les éditeurs préfèrent s'en remettre au Shanghai et collabore avec beaucoup de réseau de distribution qu'ils ont monté maisons d'édition chinoises. Il semble eux-mêmes, et qui, s'il comporte donc, une fois de plus, que la loi chinoise moins de points de vente que Xin Hua, subisse des lectures différentes selon les est ciblé sur les villes, dont le pouvoir acteurs en présence, et que la voie de la d'achat des habitants est plus élevé. joint-venture, dont l'un des avantages est Certaines maisons vont même jusqu'à d'apporter tout un réseau dans la cor- créer leurs propres librairies, ce qui beille de mariage, ne soit pas hors de por- leur permet de mieux réagir à la tée des grands groupes européens. demande du public, à la différence de Xin Hua qui ne pratique quasiment Distribution, prix de vente à deux jamais de réassort, et d'entraîner par- vitesses fois une réimpression (les tirages Quand on demande à une maison d'é- initiaux sont toujours assez timides, de dition jeunesse chinoise quelle est sa 5 à 10 000 exemplaires). politique en matière de distribution, la Le développement des réseaux privés réponse est toujours la même : Xin de distribution s'est fait rapidement. Hua, puis, après quelques moments de Les deux systèmes sont aujourd'hui réflexion « mais nous avons aussi sans doute à égalité. notre propre réseau ». De fait, cette cohabitation entre les deux réseaux, À ce double système de distribution qui date de la montée en puissance correspondent deux échelles de prix du « pré Tian An Men » de l'édition en livre : les livres de grande diffusion dis- Chine, se passe plutôt bien car il exis- tribués par le réseau Xin Hua peu te entre les deux une complémentarité chers, les ouvrages s'approchant plus évidente. Si Xin Hua, le réseau officiel des standards occidentaux distribués mis en place aux premières années de par des réseaux privés, à un prix nette- la révolution, est un appareil adminis- ment plus élevé. Mais malheureuse- tratif lent et peu réactif, il comprend ment, ainsi que le font remarquer les un nombre très important de points de responsables de China Fun Publishing, vente, qui se ramifient jusque dans les le niveau de vie en Chine reste celui petits bourgs de la campagne chinoise. d'un pays en développement, et il est Pour les livres de jeunesse qui confi- difficilement imaginable de vendre un nent au domaine scolaire, Xin Hua se livre de jeunesse plus de 20 yuan. révèle un réseau adéquat : gros tirages, Pour que les ouvrages, comme par prix peu élevé pour un marché captif et exemple ceux publiés par CFP qui populaire. D'ailleurs, le réseau officiel a n'ont rien à envier à la qualité d'un droit de préemption sur les titres à Disney-Hachette, deviennent accessi- paraître dans ce domaine et « réserve » bles à un plus grand public, il faut

dossier /N°2'5-LAREVUEDESLIVRESP0URENFANT5 101 multiplier les points de vente. C'est valent, dans de minuscules librairies ainsi que la filiale chinoise d'Egmont a ou dans la rue. On estime à un millier eu l'idée de créer des « corners » dans (soit deux fois plus que de maisons des supérettes où les familles font officielles) le nombre d'éditeurs clan- leurs courses. Mais cette évolution ne destins en Chine, sous la forme d'une peut se faire que très lentement, l'ad- « cellule » à l'intérieur d'une édition ministration chinoise étant très sour- ayant pignon sur rue, sorte de « packa- cilleuse sur les autorisations de points ger » ou d'une entité à part entière, qui de vente. produit des livres sous un nom d'em- prunt. Droit d'auteur : un progrès Traditionnelle zone de non-droit au Le piratage se nourrit aussi de la sur- niveau du respect du droit d'auteur, la capacité en matière d'imprimerie que Chine est théoriquement rentrée dans le connaît la Chine : 90 000 imprimeurs, rang en 1992, en ratifiant la Convention c'est beaucoup trop pour le marché de Berne. Le code pénal chinois a suivi, officiel, et la « compréhension » de cer- et punit maintenant les contrefacteurs tains imprimeurs aide bien les pirates. d'une peine maximale de sept ans de De la même manière, ce sont, à part prison assortie d'une amende. Pékin, commode pour la densité de sa De fait, le piratage est loin d'être éra- structure d'édition et d'imprimerie, les diqué en Chine, mais, selon M. Gao, régions pauvres qui sont le plus sensi- Directeur du Bureau des Copyrights de bles à l'appel du piratage, moyen par l'Administration de la Presse et de définition de gagner de l'argent rapide- l'Édition, les éditeurs chinois en sont ment et sans trop de risques ni d'in- quelque peu responsables : « Les lacu- frastructures. nes et les abus des maisons officielles créent un appel d'air pour des « édi- On estime à 30 % la part du marché teurs » opportunistes, qui s'emparent éditorial chinois qui est occupée par de livres à succès, mais mal distribués, les pirates, proportion dont tout le et trop chers. » En effet, à la suite du monde s'accommode. Quand les pira- relatif boom de l'édition chinoise dans tes dépassent les bornes, l'éditeur lésé les années 1995-1996, les éditeurs porte plainte, et il arrive alors que les autorisés, pris dans l'euphorie, ont contrefacteurs soient découverts et augmenté le prix des livres qu'ils pro- jugés. Les principales maisons d'édi- duisaient, allant jusqu'à le doubler (un tion rencontrées nous ont affirmé avoir roman vaut actuellement entre 20 et 25 régulièrement recours à de telles yuan, un livre de jeunesse environ 15 actions. Le piratage, résultat de la cul- yuan). De plus, les lenteurs du systè- ture et des carences chinoises, peut me de distribution, d'État ou privé, donc être considéré comme désormais créent une demande auprès d'un stabilisé. Les progrès réalisés pour le public frustré de nouveautés. Et c'est contenir, depuis 1992, sont indéniable- là que les pirates ont la partie belle ment spectaculaires, même si l'on pour vendre le même texte, d'un semble avoir atteint un certain palier. niveau de fabrication à peu près équi-

102 LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS-N°215/dossJer Relations avec l'étranger : une lente évolution Scandinaves, déjà bien présents à travers Rappelons qu'il n'y a que douze ans que les nombreuses traductions de leurs la Chine a ratifié la Convention de Berne, contes. douze ans donc qu'elle joue sa pleine partition dans le concert éditorial mon- Dernière partie de cette évolution, les dial. Pas étonnant dans ces conditions éditeurs pour la jeunesse chinois recher- que l'ouverture envers l'étranger ne se chent de nouvelles traductions, non plus fasse que progressivement. Et dans ce seulement par pays, mais par thème : processus, l'édition jeunesse n'est pas suivant la demande de leur public, ils vraiment à l'avant-garde : si l'édition chi- souhaitent considérer des textes de fic- noise avait besoin de textes étrangers, tion contemporaine, de vulgarisation c'était d'abord dans les domaines scien- scientifique, et ont découvert la bande tifiques, puis pour étancher la soif de dessinée franco-belge. Bien sûr, ils avan- culture populaire qui a suivi l'irruption cent très prudemment dans un monde de la notion de loisirs à la fin des années qu'ils ne connaissent que très peu ; leur 80. Mais la jeunesse est longtemps restée préférence ira aux titres qui ont déjà un pré carré que ne devaient pas trop obtenu des prix en Occident, aux per- venir polluer les influences occidentales. sonnages reconnus par les enfants fran- De fait, même à l'heure actuelle, l'édi- çais (Babar était par exemple très en vue tion de jeunesse chinoise reste large- il y a quelques années). Fait nouveau, de ment dominée par les thèmes qu'elle a véritables départements d'achats de toujours chéris : une part très large droits se sont créés, dont les responsables réservée au didactique et, du côté fiction, parlent anglais, voire français, savent ce la déclinaison des contes traditionnels que c'est que de négocier un contrat, les chinois, de préférence publiés en plu- contraintes auxquelles est confronté un sieurs volumes. éditeur en économie de marché, etc. Les éditeurs chinois de jeunesse semblent Il existe tout de même une évolution, donc maintenant résolument engagés initiée par la fréquentation d'éditeurs dans un processus d'internationalisa- américains ou d'Europe du Nord et tion, pour l'instant limité et inégal, mais l'achat de droits de certains de leurs dont il faudra suivre l'évolution avec ouvrages. Les premiers avaient, il est attention. vrai, une longueur d'avance dès la fin des années 80, dans la mesure où ils avaient négocié bilatéralement le respect des droits d'auteurs. Les grands noms de l'édition new-yorkaise ont donc pu se frayer un chemin à travers le nouveau paysage éditorial chinois, en vendant les droits de séries de fiction pour adoles- cents et surtout adolescentes, ainsi que des livres pratiques pour la jeunesse, toujours à connotation didactique. Les seconds à le faire furent les éditeurs

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 103 dossier Propos d'un éditeur chinois

Bai Bing des éditions Jieli

Le responsable d'une maison Feng Chen : Pouvez-vous nous présen- d'édition créée il y a une dizaine ter votre maison d'édition, vous-même d'années et spécialisée dans et vos collaborateurs ? le secteur jeunesse explique Bai Bing : La maison d'édition Jieli (édi- comment et avec quels objectifs tion « du relais ») dont je suis responsable il travaille. Il donne son point est située à Na Ning, capitale de la pro- de vue sur les perspectives vince de Juang Xi. Nous avons égale- de développement de ce secteur ment une succursale à Pékin et notre éditorial. maison d'édition est une maison d'édi- tion indépendante. La structure de Na Ning produit principalement des manuels pédagogiques - pour lycéens et pour l'école primaire - et réalise un chif- fre d'affaires d'environ un milliard deux cents millions de yuan. Notre succursale de Pékin produit notamment des livres de littérature de jeunesse diffusés à la fois par la librairie Xin Hua (Nouvelle Chine) et des diffu- seurs privés et réalise un chiffre d'affaires de 800 millions de yuan. Notre maison d'édition est de taille moyenne, elle emploie 150 personnes. Elle est relativement récente, puisqu'elle a été fondée en 1990 par Madame Li Yuan Jun, avec l'idée de chercher la qua- lité et la coopération, d'offrir les meilleurs ouvrages au jeunes lecteurs et de jouer un rôle de transmission cultu- relle et de relais culturel (d'où le nom de « relais »).

LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS-ir215/d , F.C. : Quel métier exerciez-vous, quelle chaque fois qu'ils lisent un de nos livres, formation et quelle expérience aviez- ils en retirent quelque chose de beau, vous eues avant de devenir éditeur ? une expérience de plaisir et de surprise. B.B. : Avant d'être éditeur, j'étais jour- Les livres de jeunesse correspondent à naliste dans l'armée, avec une première 80 % de notre production, 53 % sont des expérience de création littéraire, puisque ouvrages chinois, le reste ce sont des tra- quand j'ai repris des études à l'universi- ductions principalement de l'anglais et té (je suis diplômé de l'Université nor- du japonais, mais il y a aussi de l'alle- male de Pékin, qui est une université des mand, un peu de toutes les langues. enseignants, où j'ai obtenu un master en Notre maison d'édition Jieli accorde littérature), j'ai publié comme auteur depuis le début une grande importance à des livres de jeunesse : des romans, des la coopération, à la transmission. Elle a contes et aussi des poèmes pour les déjà coopéré en France avec Pion, enfants, qui ont obtenu plusieurs prix. Gallimard et Flammarion et espère intro- Mes principaux ouvrages sont un recueil duire davantage de bons ouvrages fran- de poèmes, « Le Cœur d'enfant çais. s'envole », un recueil de nouvelles « Le En ce qui concerne les ouvrages chinois, Soleil vert, la lune rouge » et un recueil les romans et les contes occupent la pre- de contes « Un Éléphant qui avale la mière place, viennent ensuite les nuit ». J'ai aussi travaillé comme metteur albums, tandis que la part des documen- en scène et cinéaste pour une série de taires reste faible. Nous couvrons toutes dessins animés pour la télévision. J'ai les tranches d'âges : les tout-petits de 0 travaillé ensuite dans une maison d'édi- à 5 ans, les enfants de 6 à 13 ans, les tion, la maison d'édition des écrivains, adolescents de 14 à 17 ans et les jeunes où j'étais éditeur, puis vice-président. En adultes de 18 à 30 ans. En Chine, même même temps je suis devenu membre de pour une maison d'édition spécialisée l'association des écrivains de livres de dans les livres de jeunesse, il est difficile jeunesse. Ce n'est qu'en juillet 2001 que de produire des ouvrages destinés à une j'ai été muté à la maison d'édition du seule tranche d'âge parce que nos diffu- Jieli. seurs distributeurs ne sont pas aussi spé- cialisés, ils doivent diffuser pour tous les F.C. : Combien de livres éditez-vous au- âges, même pour les adultes. jourd'hui, quelle part représentent les livres pour la jeunesse ? S'agit-il de livres F.C. : Comment vos projets de publica- chinois ou de livres traduits ? tion sont-ils approuvés et par qui ? ou B.B. : Notre maison d'édition produit êtes-vous libre de les mener à votre chaque année environ 200 ouvrages. guise ? En ce cas comment les élaborez- Ce n'est pas beaucoup mais nous vous, en fonction de quels objectifs ? accordons une grande importance à la B.B. : En ce qui concerne la politique qualité - culturelle, artistique - et bien éditoriale, c'est nous-mêmes qui déci- sûr notre principal souci est de vendre. dons, nous sommes assez autonomes, et Comme le rythme de vie s'accélère nous nous basons sur la demande des beaucoup, il faut vraiment respecter lecteurs. Le gouvernement par principe chaque seconde des lecteurs : que donne une vision - assez abstraite - de

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 105 dossier l'effet social et économique, il encourage comporte 6 titres s'est vendue à 300 000 la créativité, mais en ce qui concerne la exemplaires en 1 an. « Peggy Sue » ligne éditoriale il n'intervient jamais. (3 titres) à 120 000 exemplaires et Le Nous avons le champ assez libre pour Facteur Fred, à 200 000 exemplaires en appliquer nos propres critères. 8 mois.

F.C. : Quels sont vos critères ? F.C. : Au-delà de votre expérience per- B.B. : D'abord une bonne évaluation de sonnelle, pouvez-vous nous donner la demande des lecteurs, donc du mar- votre avis sur la situation actuelle et ché. D'autre part il nous faut créer notre l'avenir du livre pour enfants en Chine, propre marque, mettre en relief l'origina- en tant qu'observateur du marché ? lité de notre maison d'édition. B.B. : En Chine les enfants et les adoles- Nous considérons aussi comme important cents représentent près du quart de la de permettre une sorte d'interaction entre population (1 milliard 284 millions 530 écrivains, éditeurs et lecteurs, de créer un mille habitants dont 287 millions enfants bon réseau pour exploiter au maximum de moins de 15 ans). Le potentiel du toutes les formes, toutes les déclinaisons marché est donc très grand. Avec la possibles autour d'un succès. réforme et l'ouverture de la Chine, avec Il faudrait enfin que nos produits aient l'augmentation de revenu des habitants, toujours un effet « best-seller » sur le et l'amélioration du niveau de consom- marché chinois. Nous faisons très atten- mation de loisirs et d'éducation, le mar- tion au développement stratégique édi- ché du livre de jeunesse en Chine se torial, dans la continuité, avec une ligne développe très rapidement. Cependant il éditoriale claire. n'est pas si facile d'avoir de bons résul- tats sur ce marché car il y a une forte F.C. : Quel est le succès de vos livres concurrence : il n'y a certes que 33 mai- pour la jeunesse ? À combien d'exem- sons d'édition spécialisées en livres de plaires les vendez-vous ? jeunesse, mais 500 autres maisons d'édi- B.B. : Le tirage minimum d'un titre est tion se mettent aussi maintenant à de 8000 exemplaires. Notre vente publier des livres de jeunesse et entrent moyenne de chaque ouvrage est de dans la concurrence. 78 000 exemplaires. Depuis les deux der- Pour réussir dans ce contexte il faut une nières années (octobre 2001-octobre créativité permanente de la part des édi- 2003) 4 ouvrages ont atteint les 200 000 teurs et des auteurs, pour innover sur les exemplaires vendus, 17 les 100 000 et 71 sujets, les thèmes, sur la conception des ouvrages les 50 000. Au-dessous de collections et des techniques et surtout 30 000 exemplaires vendus il y a 90 sur la promotion. ouvrages, le reste se situe entre 8000 et 20 000 exemplaires. Le développement, l'évolution des livres Ces deux dernières années notre best- de jeunesse sont liés très étroitement seller a été la série « Chair de poule », aux caractéristiques de notre époque. avec 16 titres publiés et 27 millions Nous vivons dans une « époque multi- d'exemplaires vendus en 2 ans. média » et pour moi c'est l'avenir du La série chinoise « Ma Iao Tiao » qui livre de jeunesse.

LAREVUEDESLIVRESP0URENFANTS-N"215/ idossier Il n'y a pas de coupure entre les textes F.C. : Quelle est l'influence des ouvrages mêmes l'audiovisuel, les jeux électro- étrangers ? niques : ils exploitent le même créneau B.B. : Nous traduisons beaucoup d'ou- et profitent des mêmes sources, chaque vrages étrangers : « Harry Potter », succès est exploité dans toutes les for- « Peggy Sue », « Chair de poule »... qui mes de multimédia possibles. ont une grande influence sur nos lec- L'image est plus chargée de contenu teurs et sur les auteurs chinois. qu'autrefois, au niveau de l'information, Les auteurs et les illustrateurs chinois aussi bien intellectuelle, que culturelle, ont la conviction que plus « l'ouvrage a sentimentale : il y aura sans doute un un caractère national, plus c'est mon- développement des albums. dial. Plus l'ouvrage est mondialement Il faut aussi compter avec l'apparition de connu, plus c'est national ». nouveaux matériaux, de nouvelles tech- Donc il faudrait développer davantage nologies. Le livre de jeunesse en Chine notre littérature, nos propres traditions les utilise beaucoup : papiers légers, culturelles, en s'inspirant d'autres cultures papiers spécialisés. L'utilisation du doré, pour maintenir notre force de créativité les techniques qui font relief, les encres et de développement. spéciales... On emploie aussi toutes sor- La demande des jeunes lecteurs en tes de formats : ce qui fait que les livres Chine se développe. Autrefois les lec- pour enfants sont très diversifiés. teurs chinois prenaient les livres de jeu- Beaucoup d'auteurs de livres de jeunesse nesse comme un moyen d'éducation et essaient de créer des ouvrages qui peu- de pédagogie. Maintenant on accorde vent être exploités par l'audiovisuel, à la plus d'importance à la fonction de loisir, télévision et au cinéma. de jeu et de développement de l'imagi- Par exemple Yang Hong Ying, l'auteur de naire et de la créativité des enfants. la série « Mao Lao Tiao » que je citais L'édition de livre de jeunesse se préoc- parmi nos succès : son œuvre est très cupe davantage de la qualité d'un visuelle, déjà adaptée au cinéma, à la ouvrage : on cherche à ce qu'il soit à la télévision et en bande dessinée. fois amusant, apportant un nouvel Les ouvrages de deux autres écrivains espace de rêve à l'enfant. Mais le côté très célèbres comme Qing Wen Jun et éducatif demeure car il faut que les Cao Wen Yuan ont été aussi adaptés au parents aussi soient satisfaits. cinéma et à la télévision et sont même bien diffusés sur Internet. F.C. : Quels sont les éléments qui jouent Beaucoup d'éditeurs essaient de créer dans le succès des livres ? Pensez-vous cette interaction entre multimédia et que « ce qui marche » s'explique par le texte. Notre maison d'édition a un bon choix des thèmes, l'originalité ou l'es- succès dans ce domaine-là. thétique de la forme plastique, l'âge, le Nous allons diffuser sur Internet un genre ? ouvrage qui s'appelle « Évangile » de B.B. : Le lecteur chinois maintenant est Lang Yia Jing, ou encore un ouvrage devenu exigeant envers la nouveauté, la japonais (en 6 mois ces deux ouvrages créativité du livre de jeunesse. L'histoire ont été vendus à 720 000 exemplaires). doit être originale, la forme aussi, le matériau doit attirer l'attention, comme

dossjer /N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS ça il pourra avoir du succès. En même temps le développement économique à la campagne et en ville est très déséqui- libré. Les enfants de la campagne et des villes n'ont pas la même exigence. Là aussi on doit faire attention. Ce qui joue dans le succès d'un livre, c'est d'abord l'habitude culturelle histo- rique du lecteur et aussi un phénomène de mode. Notre public est très influencé par une mode mondiale. J'ajouterai que mainte- nant la promotion joue un rôle énorme. Ce qui marche le mieux, ce sont les ouvrages pour les adolescents de 13 à 18 ans, ensuite ceux pour les enfants de 6 à 12 ans. Le plus difficile ce sont les livres pour les tout-petits entre 0 et 5 ans.

Propos recueillis et traduits par Feng Chen, agent littéraire

108 LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ dossier De quelques albums chinois des années 1970 par Cécile Boulaire*

Trente ans après, quel regard e ne parlerai pas ici en sinologue, peut-on porter aujourd'hui parce que je ne suis pas sinologue, ni sur la littérature pour enfants J chinoise. C'est donc un humble regard de l'ère maoïste ? de Française amateur de livres d'enfants Cécile Boulaire propose que je porterai sur quelques-uns des une analyse de quelques albums albums que les Éditions en Langues diffusés en France étrangères de Pékin diffusèrent en France dans les années 1970 dans le courant des années 19701. Car les Éditions en Langues Ce qui frappe au premier abord l'obser- Étrangères de Pékin. vateur contemporain, c'est bien évidem- Elle montre comment, ment la pesanteur du message d'inculca- au-delà du pesant message tion idéologique véhiculé par ces fic- idéologique, on y décèle tions. De 1966 à 1969, Mao a lancé la la permanence d'ancestrales jeunesse à l'assaut du Parti lui-même, valeurs pédagogiques pour le rénover et en éliminer les élé- et le charme de véritables ments les plus embourgeoisés. Lorsque épopées enfantines. paraissent en France ces petits fascicules, la Révolution Culturelle a pris fin depuis longtemps et l'ère maoïste touche à sa fin, pourtant les jeunes héros de ces his- toires pour enfants portent encore la trace de cette confiance inédite faite à la jeunesse dans un pays où de toute éter- nité on enseigne aux enfants à s'effacer devant leur aînés. Tous nos jeunes héros portent donc le foulard rouge des Jeunes

* Cécile Boulaire est Maître de conférences en littéra- Pionniers, et dans trois des six albums ture française à l'Université de Tours que j'ai choisi d'isoler, ils sont même

/N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS dossier Nos Petits Q or des rouges

qualifiés de Gardes Rouges : Nos petits gardes rouges est une énumération d'actes civiques réalisés au quotidien par de très jeunes enfants ; Hai Houa est chef de pelo- ton de la Petite Garde Rouge de l'école pri- Peng Kouo Liang : Nos petits gardes rouges, maire Étoile Rouge (Hai-houa, fleur de la Éditions en langues étrangères de Pékin, 1975. (couverture) mer) ; Yenla et son frère cadet sont eux aussi Gardes Rouges, de nationalité Taï {Les Deux petits paons). Tous les enfants mis en scène se signalent par leur singu- lier dévouement à l'édification d'une Chine nationaliste, prospère et socialiste. Les deux sœurs héroïques de la steppe, âgées de 9 et 11 ans, vont conduire le troupeau de moutons de la commune populaire à travers une tempête de neige, par moins 37 degrés, au péril de leur vie. Hai Houa et ses camarades démasquent et capturent la femme d'un ancien propriétaire qui livrait des infor- mations stratégiques à un agent secret félon. Oulikitou, 13 ans, débusque un voleur de chameau, en réalité lui aussi agent secret. Plus modestement, mais de manière très périlleuse, Yang Siao-tsiun

Deux sœurs héroïques et son camarade Petit Boulot capturent de la steppe, un aigle coupable d'avoir dévoré les Éditions en langues étrangères de Pékin, canetons de l'équipe de production. 1974 Tous ces actes de bravoure se font au

À ce moment la tempête reprend de plus belle, et le troupeau s'agite de nom d'un idéal maoïste toujours très nouveau. Long-mei s'empresse d'attacher un morceau de sa robe de four- explicitement rappelé, même à destina- rure dont eile enveloppe le pied de SB sœur. tion des jeunes lecteurs français. Ainsi, dès le début du récit, il est dit que nos deux jeunes sœurs mongoles, Longmei et Yurong, « sont décidées à devenir de dignes enfants du président Mao et de dignes continuateurs de la révolution » (p.4). Lorsqu'on leur confie les mou- tons, elles rassurent leur père : « Nous garderons bien les moutons, nous savons que ce sont les biens de la com- mune » (p. 11). Si cette pensée les aide à

En portant toujours avec elles l'ouvrage du président Mao, les deux sœurs le lisent et le conserver la sérénité au milieu des relisent. Elles ont pris la résolution de se mettre à l'école de Lei Feng, de se consacrer épreuves, elle fonde aussi la confiance corps et âme à la révolution et d'être fidèles eu président Mao toute leur vie.

110 LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ |dossier que leur accordent les adultes, comme l'énonce le secrétaire lui-même : « Nos enfants sont d'une génération nouvelle formée par la pensée maotsétoung. Nos deux petites sauront protéger le trou- peau. » (p.48). La même détermination maoïste se lit chez Yenla et son frère Siaotouan : comme les petites mongoles, les deux enfants taï cherchent à imiter le Fleur de la Mer célèbre Lei Feng, jeune orphelin devenu soldat exemplaire de l'Armée Populaire Yu Song-Yen, Tchen Yen-Ning : de Libération et érigé en modèle de Hai-houa, fleur de la mer, conduite morale par le régime. Alors que Éditions en langues étrangères des soldats font halte dans leur hameau, de Pékin, 1975. Yenla dit ainsi à son frère : « Nous devons prendre nous aussi exemple sur l'oncle Lei Feng. Allons couper de l'herbe pour leurs chevaux. » L'album se clôt sur une chanson entonnée en chœur : « Notre chère Armée de Libération vient de chez le président Mao, Elle nous conduit dans la radieuse voie du socia- lisme ! » Hai Houa elle aussi brûle de servir la nouvelle société, en écoutant le secrétaire de la brigade de production évoquer les jours sombres du passé : « Dans l'ancienne société si ténébreuse, Hai-houa Fleur de la Mer c'étaient les propriétaires de pêcherie (le guet) despotes qui faisaient la loi dans nos villages où ils exerçaient une tyrannie sans nom. Sur ce Tertre de la Trompe d'Eléphant, de connivence avec des réactionnaires kuomintaniens, un grand propriétaire despote a fait massacrer plu- sieurs pêcheurs qui avaient refusé de payer des impôts... Au récit de Li, une haine implacable contre les ennemis de classe s'allume dans le cœur des enfants. » (p.4) Dans Capture d'un aigle comme dans Nos petits gardes rouges, le propos est plus positif : pas d'ennemi à combattre ici, mais une tâche exaltante, celle de contribuer à l'édification d'un Hai-houa Fleur de la Mer pays moderne par des gestes infimes et (l'arrestation)

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS dossier • quotidiens, et par la coopération de cha- cun selon ses moyens. La « Note de l'é- diteur » en exergue à Nos petits gardes rouges est une glorification de la jeunesse nouvelle : « Cette série de dessins a été réalisée par un ouvrier imprimeur. Elle constitue un petit livre plein de vie reflé- tant les excellentes qualités des Petits

Peng Kouo Liang : Nos petits gardes rouges, gardes rouges chinois qui, dans leur vie Éditions en langues étrangères de Pékin, 1975. (pp.4-5) de tous les jours, se plaisent à aider les autres et aiment la collectivité ».

Toutes ces formules, et l'esprit même qui préside à l'élaboration narrative de cer- tains de ces albums, semblent terrible- ment datés. Cela témoigne d'une époque où les certitudes idéologiques n'avaient Yu Song-Yen, Tchen Yen-Ning : Hai-houa, fleur de la mer, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1975. pas encore été ébranlées, et où l'on n'hé- sitait pas à mener la réflexion comme la propagande jusque sur le terrain du livre pour enfants. Tout comme le Parti Communiste Français permettait la diffu- sion des albums édités par La Farandole, les Amitiés franco-chinoises, les mouve- ments de sympathisants maoïstes ainsi que quelques librairies versées dans la littérature politisée permettaient à ces petits albums chinois une circulation en France qu'il conviendrait cependant encore d'étudier avec plus d'exactitude. Pourtant, si seul le caractère dogma- tique de cette littérature nous frappe aujourd'hui, on y lit aussi, plus en pro- fondeur, la permanence d'ancestrales valeurs pédagogiques confucéennes. Ne reconnaît-on pas, par exemple, dans ces images d'enfants s'exerçant au manie- ment d'une lance en bambou, alignés dans la cour et sous le commandement d'un maître tenant un drapeau {Hai Hona fleur de la mer), les traditionnelles séances de gymnnastique collective qui forment la base de l'enseignement sco- laire chinois dès le XIIe siècle ?

LAREVU£DESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ |dossier Le pédagogue Zhu Xi (1130-1200) préco- nise en effet l'apprentissage de chants accompagnés de danses et d'exercices rituels dès la toute petite enfance (4-5 ans], pour façonner corps et esprit ; dès l'âge de 9-10 ans, ces mouvements rituels et hygiéniques, plus disciplinés, se font en groupe, rythmés par des coups de planchette. Plus largement, l'idéal d'intégration dans

la société, valorisé à travers ces jeunes « Vous devez étudier consciencieusement les œuvres du président Mao, leur dit te secrétaire Patou, et selon ses enseignements, apprendre auprès de l'Oncle Lei Feng héros tout entiers dévoués à la cause col- pour devenir de bons continuateurs de ia révolution. » lective et nationale, est l'une des valeurs Deux sœurs héroïques de la steppe, de base de l'éducation traditionnelle chi- Éditions en langues étrangères de Pékin, 1974 noise. Le sinologue écrit ainsi : « D'une façon qui la distingue net- tement des autres grandes civilisations, la Chine s'est fixé - et a approfondi depuis les Song - un idéal d'intégration sociale fait de modestie, de réserve, de contrôle de ses impulsions, de dévouement aux parents et de respect des aînés. On veut Houang Tcheng, Kan Wou-Yen : Capture d'un aigle, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1977 accoutumer l'enfant au respect des autres, éviter chez lui tout ce qui peut développer l'orgueil et la prétention. »2 Et lorsqu'on rénove l'enseignement, au tournant du XXe siècle, ce sont encore les valeurs momies de l'étudiant qui sont mises au premier plan : modestie, pondération, frugalité, civilité. Ne sont- ce pas les vertus manifestées par nos jeunes héros maoïstes ? Ces jeunes enfants sont déférents envers leurs aînés : Longmei et Yurong entourent respectueusement l'oncle Patou, secré- taire du Parti ; Yang Sioao-tsiun et Petit Boulot se lancent à l'assaut du nid d'aigle par respect envers leur grand-père qui s'est vu dérober des canetons ; lorsque Yenla et Siaotouan trouvent une allure

étrange à leurs « canetons » à peine sor- Tard le folr, Siao-tslun p*nM «ncore à c* méchant algl« qui o «ndommog* tis de l'œuf, c'est leur grand-père qu'ils l« btoni d. la collectivité. Il •'•ndort owc l'idta d. lui tord» la cou. vont consulter. Mais c'est dans Nos Tard le soir, Siao-tsiun pense encore à ce méchant aigle qui a endommagé petits gardes rouges que la morale les biens de la collectivité. Il s'endort avec l'idée de lui tordre le cou.

, /N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS 113 dossier / comportementale confucéenne se fait grosses chaleurs évente les oreillers et jour avec le plus de netteté. Contrai- nattes de ses parents et en hiver rement aux autres albums, celui-ci est réchauffe de son corps leurs couvertu- une suite de petites anecdotes imagées res ; ou encore Lu Ji qui à 5 ans garde avec simplicité, dans lesquelles les pour ses parents trois oranges qu'on lui enfants font la preuve de leur dévoue- a données ; ou Shu Ao qui enfant tue un ment socialiste. Mais leurs beaux gestes serpent à deux têtes (présage de mort ne sont autres... que les modèles de com- prochaine pour qui l'aperçoit) de peur portement préconisés dans les manuels qu'un autre que lui ne le voie. C'est d'éducation les plus anciens, comme le dans cette même logique d'instruction Tongmeng xuzhi de Zhu Xi. On y recom- par l'exemple que Mao mettra en exer- mandait d'apprendre avant tout aux jeu- gue les vertus « révolutionnaires » du nes enfants les gestes les plus courants de soldat Lei Feng, qui à l'étape lave en l'hygiène, comme se tenir propre, savoir secret les chaussettes de ses camarades. balayer et arroser, laver et rapiécer ses D'une certaine manière, ces albums évo- vêtements ; puis savoir se tenir devant quant tantôt les exploits, tantôt les menus des aînés, savoir répondre, et proposer comportements vertueux des jeunes pro- son aide avec déférence. Or dans l'album tagonistes, se situent dans la lignée de la à deux reprises un enfant lave son propre tradition confucéenne d'éducation, qui linge, et un troisième épisode montre une veut qu'on instruise les enfants à l'aide fillette rapiéçant la besace d'un camarade. de héros modèles isolés dans des histo- De même les petits gardes rouges sont-ils riettes morales propres à retenir leur très empressés à tenir un parapluie ouvert attention. au-dessus d'un grand-père et d'une grand-mère promenant des nourrissons. Ces albums, imprégnés tout autant Les albums plus héroïques pourraient d'éthique confucéenne que de dogma- sembler développer une éthique nouvel- tisme maoïste, avaient toutes les chances le, en singularisant un enfant s'élevant de laisser de marbre les petits Français au-dessus du collectif. Cependant jamais des années 1970. Il émane pourtant d'eux l'enfant-héros n'est présenté seul : les un charme qui dément la pesanteur de sœurs de la steppe sont deux, Hai Houa leur propos moralisateur. Il me semble est toujours accompagnée de ses camara- en effet qu'il y a dans la plupart d'entre des, Yenla s'adjoint Siaotouan et plus tard eux une dimension profondément enfan- la petite Meihan, Yang Siao-tsiun fait tine propre à séduire les jeunes lecteurs. paire avec Petit Boulot et Oulikitou avec D'abord peut-être en raison de leur sim- sa jeune sœur Kikikeh. Par ailleurs là ple exotisme. Peu nombreux sont encore encore les auteurs semblent suivre une à cette époque les ouvrages pour enfants tradition multiséculaire, puisque dès le évoquant la Chine - le Bulletin d'analyse Xe siècle des recueils d'historiettes mora- des livres pour enfants en fait d'ailleurs les (comme les Instructions familiales le constat dans son numéro 35 de février [Maxim) de Yang Wengong) sont propo- 1974 : six titres à peine dans la catégorie sés à la jeunesse. Des enfants y sont éri- « albums et contes » (dont deux Albums gés en modèles de comportement. C'est du Père Castor); quatre romans, dont les par exemple Huang Xiang qui par les Tribulations d'un Chinois en Chine de

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ (dossier Lin Hong-Jou / Tsouei Jou- Tchouo, Kao Pao-Cheng : La Poursuite, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1977

Jules Verne, et tous ces romans n'évo- quent que la Chine ancienne ; quelques très rares documentaires. Ces albums chinois ont donc une saveur profondé- ment exotique pour les petits Français... d'autant qu'ils ne se contentent pas des clichés habituels sur la Chine urbaine de la région de Pékin. Conformément à l'idéal maoïste, qui voulait que la révo- lution apporte le progrès jusque dans les moindres recoins de l'immense pays, ces albums présentent en priorité des enfants issus de minorités nationales des marges chinoises : la Mongolie intérieure pour Deux soeurs, la Chine méridionale pour Hai Houa, le Yunnan pour Les Deux paons, les steppes occidentales pour La Poursuite, un village Miao du sud-ouest pour Capture d'un aigle. D'où bien des pages qui, bien que n'ayant pas été pen- sées dans cet esprit, présentent un bel intérêt documentaire pour les petits Français : la végétation rase de la steppe, Us doux frères s« rendent chet ieur mond-roère qui, très contente de îes voir, la tempête de neige, les forêts de bana- vt-uî te HHenif pour quelques jours. Mais, [es cfejx -.•.^.-.••i • , ><-\i\: ni Ih niers, la jungle entourant les cabanes de bambou, les montagnes et les torrents... Tchen Wei, Peng Houa / Maint détail de l'image suggère une Tsiang Tié-Feng, Kia Kouo-Tchong, manière de vivre étrange et fascinante : Wan Kiang-Lin : les petites mongoles apprenant leurs Les Deux petits paons, leçons agenouillées à une table basse ; Éditions en langues étrangères de Pékin, Siao-tsiun dormant sous la moustiquaire, 1975 dans sa cabane sans fenêtres, pendant que de gros fruits rouges sèchent en grappes attachées à une tige de bambou ; Yenla veillant à la croissance de ses paons sous la maison construite sur pilo- tis, entièrement sculptée, tandis que les volailles passent d'une nasse tressée à une solide cage de bambou assemblée pond ropItUmenl doni tout !« par les enfants. Manquent évidemment un. molwn outii belle «u* pottiW». o l'mWntion de cm I les commentaires que dans pareil cas le Père Castor aurait ajoutés en marge... La nouvelle de le naissance des petits paons se répand rapidement dans tout le hameau. Tous les villageois, hommes et femmes, jeunes et vieux, Mais la séduction de l'inconnu fonc- s'intéressent à leur croissance. Yenla et ses petits amis sont allés couper tionne d'autant en leur absence. des bambous pour construire une maison aussi belle que possible, à l'intention de ces nouveaux hôtes.

dossier /N°215-LAREVUEDESUVRESPOUR£NFANTS Au-delà même de cet exotisme, ces récits Un rtumaiH) WflS ^«n pu le tmfàvtm Icîï t'fatwlp» ck p*«rou!i!o ne ont le charme de véritables épopées Q«* otia ' - ' • • enfantines qui tranchent peut-être encore en ce milieu des années 1970 sur l'espace domestique communément représenté dans l'album. Bien que constamment déférents envers les adultes, nos petits héros réalisent seuls leurs exploits, fai- sant preuve d'une ténacité, d'une audace et d'une sagacité dont les adultes n'ont pas su donner l'exemple. Quelle séduc- tion pour les petits Français confinés dans leurs salles de classes que ces gamines menant seules un troupeau de centaines de bêtes dans les steppes enneigées, ce petit cavalier de 13 ans sur la piste d'un chameau dérobé, ces deux enfants gravissant seuls les pentes escar-

Houang Tcheng, Kan Wou-Yen : Capture d'un aigle. Éditions en pées et parcourues de torrents qui les langues étrangères de Pékin, 1977 mènent au repaire de l'aigle ! Les images elles-mêmes érigent ces petits personnages en projections des désirs de puissance de l'enfant, qu'il s'agisse de Hai Houa lut- tant seule, d'une manière quasi choré- graphique, contre les loutres qui l'as- saillent, de Siao Tsiun décidant de cap- turer le rapace ou du fier cavalier Oulikitou sur la piste du voleur de cha- Deux sœurs héroïques de la steppe, Éditions en langues étrangères meau. Exploit physique, comme dans de Pékin, 1974 Deux sœurs, audace et adresse dans Capture d'un aigle, perspicacité et sens de l'enquête dans Hai Houa : nos petits Gardes rouges manifestent toutes les qualités qui font d'un personnage un héros romanesque, auquel l'enfant désire s'identifier tant le récit qui lui donne vie éveille d'appétits de vivre et d'agir.

Bien au-delà de simples pamphlets moralisateurs et politisés, ces petits albums sont pour certains de belles

. Le soleil vermeil brille sur ia steppe. Long-mei et Yu-Jong, tels deux fiers aiglons aventures enfantines, tant par les valeurs qui prennent leur vol, au trot de leur cheval altier mènent paître tes moutons mises en scène qu'à travers la figure de de la commune. Comme tous les enfants de la Chine nouvelle, elles sont formées à la lumière de la pensée-maotsétoung. « héros puissamment dessinés. Nul doute

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ (dossier qu'ils ont exercé leur charme sur les Cécile Boulaire souhaiterait rentrer en contact avec les rares petits Français qui les ont eus entre éventuels propriétaires d'albums des Éditions en Langues les mains au cours de ces années 1970. Étrangères de Pékin en vue d'un travail universitaire. Nul doute qu'ils continueraient aujour- Merci de la joindre à l'Université de Tours, Département d'hui à l'exercer, s'il advenait qu'on les de français, Bureau 132, 3 rue des Tanneurs, 37041 réédite à titre de documents. Tours Cedex 1

1. À l'exception d'un seul, tous les albums dont il est question ici m'ont été prêtés par Isabelle Nières-Chevrel. Qu'elle en soit ici très chaleureusement remerciée. 2. Jacques Gernet : « L'éducation des premières années (du XIe au XVIIe siècles)- dans Christine Nguyen Tri, Catherine Despeux (éd.) : Éducation et instruction en Chine, 1. L'éducation élémentaire. Bibliothèque de l'INALCO n°4, Centre d'Études Chinoises, Peeters, Paris- Louvain, 2003. (p.11) Yu Song-Yen, Tchen Yen-Ning : Hai-houa, fleur de la mer, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1975 Sources - Deux soeurs héroïques de la steppe, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1974 (album adapté du film d'ani- mation de Qian Yunda et Tang Cheng, studio Cinématographique Artistique de Shanghai, 1964). - Peng Kouo Liang : Nos petits gardes rouges. Éditions en langues étrangères de Pékin, 1975. - Yu Song-Yen, Tchen Yen-Ning : Hai-houa, fleur de la mer, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1975. - Tchen Wei, Peng Houa / Tsiang Tié-Feng, Kia Kouo- Tchong, Wan Kiang-Lin : Les Deux petits paons, Édi- tions en langues étrangères de Pékin, 1975. - Houang Tcheng, Kan Wou-Yen : Capture d'un aigle, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1977. - Lin Hong-Jou / Tsouei Jou-Tchouo, Kao Pao-Cheng : La Poursuite, Éditions en langues étrangères de Pékin, 1977. N.B. : Les noms d'auteurs donnés dans la bibliographie ci-dessus ne reprennent pas la transcription pinyin mais reproduisent l'orthographe utilisée dans les éditions ori- ginales.

Bibliographie complémentaire : - Françoise Audry : La Littérature enfantine chinoise depuis la Révolution Culturelle, Travail d'études et de recherches, section d'études chinoises, Université Bordeaux III, 1975-1976. - Jean-Pierre Diény : Le Monde est à vous. La Chine et les livres pour enfants, Paris, Gallimard Témoins, 1971. - Mary Anne Farquhar : Children's literature in China from Lu Xun to Mao Zedong, New-York / London, M.E. Sharpe, 1999.

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 117 dossier Récits chinois à lire et à entendre

Par Fabienne Thiéry*

Zhong Kui in Mémoires de la cour céleste. Mythologie populaire chinoise, Kwok on Témoignage d'une conteuse : a rencontre avec la littérature chi- Fabienne Thiéry explique I noise est due, comme toutes les comment elle a découvert I rencontres, à des hasards combi- et exploré les richesses nés. En 1982, un livre de nouvelles fan- de la littérature narrative tastiques du temps des Ming reçu en et de la poésie chinoises, cadeau, puis une rumeur de fantôme comment elle a construit bien actuelle rapportée par un ami reve- un répertoire qu'elle s'attache nant de mission en Chine. à transmettre aux grands Des femmes renardes rôdaient déjà entre et aux petits. ces pages et ces paroles. J'ai alors commencé à explorer cette piste, et continue depuis à traquer la renarde dans le foisonnement des contes, légendes, nouvelles fantastiques de la Chine des livres, des opéras et des rumeurs... En cherchant des renardes, j'ai rencontré * Fabienne Thiéry se consacre aux contes depuis 1981. des dragons, des tigres, des singes, des Après un premier répertoire composé principalement de contes italiens dans des versions de Calvino et Bonaviri, serpents blancs, des mandarins corrom- elle découvre peu à peu la littérature narrative et la poé- pus, des marchands lettrés, des étu- sie chinoises, qui pour elle, sont indissociables. diants débauchés, des courtisanes candi- Son répertoire s'élargit ensuite aux mythes (Mélusine, des et des nonnes plus rusées que les les femmes de Thésée, la Dame à la Licorne) et aux bandits. légendes médiévales. Quelles que soient les cultures ou les époques concernées, les thèmes féminins sont En cherchant des contes j'ai trouvé des le fil rouge de ses recherches (Filles et fil à retordre : fables taoïstes, des prêches bouddhistes, un programme de contes merveilleux très orienté...). des légendes populaires d'origine cha- À partir de ses répertoires chinois, elle propose plu- manique, des scénarios pour l'opéra, le sieurs programmes pour petit et grand public. théâtre, le cirque, des poèmes narratifs

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ (dossier pour les chanteurs, des nouvelles fantas- tout un univers de paradoxes apparents tiques. et d'énigmes qui ne demandent qu'à se Ce parcours s'est déroulé dans la plus laisser réveiller, écouter et distiller... grande discontinuité, sur une vingtaine Le jeune public, contrairement à ce que d'années, entre les piles branlantes de l'on pourrait imaginer, se révèle être un cette officine prodigieuse appelée librairie auditoire privilégié pour ces métaphores You Feng, auprès d'associations culturelles incongrûment philosophiques, souvent franco-chinoises et, plus tard, grâce à immorales selon nos critères, peu des relations sinologues, à travers les livres embarrassés que sont les enfants par des empruntés à des bibliothèques spéciali- cadres de pensée qui pourraient raidir sées. Du point de vue des livres de che- l'écoute de ces pirouettes taoïstes. vet, la collection Connaissance de Ces audaces sont un atout pour un effet l'Orient (Gallimard/Unesco), et certains comique, particulièrement appuyé titres des éditions Philippe Picquier et You quand il s'agit d'histoires qui écorchent Feng furent mes premiers bréviaires. la bienséance comme celle de ce Dans des champs très précis, les publi- vieillard malmené par un farceur dans cations de l'INALCO et de l'IHEC m'ont un dessein philosophique (Liezi). parfois fourni de très précieuses pistes ou traductions inédites. Mais, traversons à pas de géant l'histoire littéraire chinoise pour nous propulser à Fables taoïstes l'âge d'or de l'art des conteurs. Le rassemblement d'une petite tribu de revenantes amoureuses se révéla être Transmettre l'extraordinaire une aventure de longue haleine. « Transmettre l'extraordinaire » : chuanqi Toutefois dès les années 83-84, avec mes est la grande affaire de la littérature premières renardes dignes de ce nom, je romanesque en prose, qui s'est intéres- me trouvais en mesure de présenter mes sée dès l'époque la plus ancienne à des premiers programmes, premières mar- faits étranges, points de départ à des mites chinoises dont le fond se compo- récits qui se veulent époustouflants. sait déjà de fables antiques. Ce premier L'âge d'or de ces chuanqi, se situe entre échafaudage fut accueilli par Jacques le VIIIe et IXe siècle, en grande partie Pimpaneau dans son regretté musée sous la dynastie des Tang. Kwok On à Paris. Le trait commun à la multitude des En explorant les fables des philosophes thèmes rencontrés dans ces histoires, taoïstes, mais aussi les énigmes, les celui que la postérité a retenu, c'est la paraboles, les dialogues et autres scènes loyauté des femmes contrastant avec la contenues dans ces énormes ensembles trahison des jeunes lettrés, polarisés sur de textes de Zhuangzi et Liezi (IIIe siècle leurs carrières. av. J-C), j'ai trouvé matière à conter des C'est sur ces fictives femmes héroïques, histoires dont la drôlerie n'a d'égale que capables de traverser des mondes paral- l'inédite vision du monde qu'elle nous lèles, que repose le meilleur suspense. propose. De l'éleveur de singes au Ces récits écrits sous la dynastie des voleur de hache, du boucher au cou- Tang dégagent une atmosphère d'un teau inusable aux valeurs du voleur : charme étrange. En les découvrant j'ai

d ssier /N°215LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS *** senti combien une traduction orale serait remanier, arranger, enjoliver par des propice à une complicité des plus intimes lettrés ces supposés aide-mémoire de avec ces héroïnes aussi touchantes conteurs sous forme de notes. Diffusés qu'inattendues. La biographie de dame comme une mine de bonnes histoires, ils Ren de Shen Jiji (traduction d'André n'ont pas tardé à constituer le répertoire Lévy sous le titre : Pauvre renarde) est du théâtre-opéra qui allait prolonger l'art pour moi une de ces histoires exemplaires du conteur, dès le XIVe siècle, devenant où le personnage surnaturel de la renarde aussi populaire que ce dernier l'avait prend la consistance d'un personnage de été. roman, capable d'éduquer les hommes Nous ne nous plaindrons pas de n'avoir au respect et à l'amitié et cependant que des recompositions de ces huaben à vouée à être poursuivie comme une vul- nous mettre sous la dent car elles nous gaire proie par une meute de chiens de donnent accès à un vaste thésaurus de chasse, au cours d'une funeste partie de contes les plus variés qui ne nous campagne. seraient pas parvenus autrement. Cette histoire atteint selon moi le comble Voici le tableau que nous donne des de la poésie et du fantastique, en même conteurs Yves Hervouet : temps qu'une vraie force métaphysique. « .. .Des conteurs, dans les cités chinoises de notre Moyen Âge, réunissaient autour Ces contes et nouvelles autorisent aussi d'eux de vastes audiences, enfants et des allusions satiriques autour de per- grandes personnes mêlés. Ces conteurs sonnages arrivistes ou déjà arrivés tels étaient nombreux et il leur avait été les mandarins, les prêtres taoïstes, qui nécessaire de se spécialiser : les audi- passent entre les épisodes farfelus de ces teurs, en s'approchant, savaient ce qu'ils histoires pathétiques ou burlesques. allaient entendre. Là, c'étaient des his- Outre ces nouvelles à caractère plus ou toires courtes et des sujets variés : tantôt moins fantastiques, les chuanqi devinrent histoires d'amour ou récits de fantômes un répertoire de conteurs des VIIe et VIIIe ou de démons, tantôt, contes pleins de siècles spécialisés dans ces histoires aux merveilleux ou nouvelles policières... thèmes sentimentaux, entre amour et tantôt anecdotes chevaleresques... mort. Ailleurs, des récits puisés dans les écri- tures bouddhiques... Plus loin, histoires Huaben ou textes de conteurs officielles des grandes dynasties. Il y Les textes de conteurs (houa-pen deve- avait encore des conteurs spécialisés nus huaben dans la nouvelle transcrip- dans les énigmes, les devinettes ou les tion) dont l'évocation pourrait inspirer calembours... » un certain appétit aux gourmands de Ces huaben devenus genre littéraire à contes, sont introuvables en leur état part entière, et genre des plus fructueux, original (si toutefois état original il y a, ont trouvé un nouveau souffle au XVIIe ce qui fait l'objet d'une vraie question siècle, au temps des Ming, notamment d'histoire littéraire). Cependant, le avec le très inspiré Ling Mengchu à qui désir de véhiculer ces récits aux thè- je dois de précieuses renardes. mes variés a incité les libraires-édi- J'apprécie tout particulièrement chez teurs de la Chine ancienne à faire cet auteur l'alternance de prose et de

LAREVUEOESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ |dossier vers, les tableaux touchants et les com- mentaires moqueurs qui animent des intrigues menées de main de maître. Soupirs et amours impossibles, magie entremetteuse et créatures fantastiques ; on y retrouve les ingrédients de la sor- cellerie taoïste, sans toutefois les cruau- tés que l'on rencontre dans d'autres ver- sions. On est au bord du roman, dans des contes d'un raffinement précieux qui subjuguent par leur poésie et leur humour. Pu Songiing. Je réserve ce répertoire à des auditoires Chroniques de plus mûrs, susceptibles de saisir les l'étrange, Éditions métaphores capiteuses et les allusions Philippe Picquier au troisième degré sur l'échelle de l'éro- tisme ...

Au cœur de la marmite : Pu Songling « L'aurore me trouve seul près de la lumière clignotante d'une lampe qui fume ; le vent siffle à travers mon cabi- net aux murs nus. Ma table est froide au toucher comme une couche de glace tan- dis que je noue mes contes et essaie avec amour de poursuivre ma description du monde des ombres... » Voici l'autoportrait de l'auteur de l'incon- tournable Liaozhai zhiyi dont le titre peut se traduire par : bibliothèque de relations sur l'étrange, plus connue sous le nom de « contes extraordinaires du pavillon du loisir », écrite au XVIIe siècle. (Pu Songling est né en 1640, il fut contem- porain de Perrault). Ce recueil de presque 500 pièces comprend des contes mais aussi des faits divers, faits insolites ou mons- trueux, écrits en langue littéraire et s'adressant à des adultes lettrés. Ce que l'on sait de la biographie de cet Zhong Kui in Mémoires de la cour céleste. auteur hors norme en fait déjà à mes Mythologie populaire yeux un personnage héroïque. Cet extrait chinoise, Kwok on

/N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS dossier nous le décrit en plein collectage : Une traduction décisive « Chaque matin il allait s'installer sur II faut ici rappeler le rôle-clef des traduc- une natte au bord du chemin avec une teurs et des éditeurs pour l'accès à ces jarre de thé et un paquet de tabac. Un récits, à moins d'être soi-même sinisant. passant survenait-il, Pu Songling l'invi- Les seules traductions de l'œuvre à peu tait à se reposer, entrait en conversation près complète de Pu Songling ne sont avec lui, offrant son thé et son tabac, et jusqu'ici disponibles qu'en italien finalement lui demandait de raconter les (Ludovico Di Giura) et en allemand histoires extraordinaires qu'il connais- (Gottfried Rôssel). sait. Si elles étaient intéressantes, Pu En français, après une traduction ancienne Songling, rentré chez lui, les arrangeait de Louis Laloy (1925), puis celle de pour en faire des contes... » (rapporté l'Unesco par Yves Hervouet (38 contes), par Yves Hervouet). c'est André Lévy qui s'est attelé à la tâche de traduire les cinq cents contes Dans le programme que je lui ai consa- du Liaozhai zhiyi sous le titre de cré : « Grâce à Pu », je l'évoque assis sur Chroniques de l'étrange dont 82 contes, son coussin près d'un carrefour, écou- correspondant aux deux premiers rou- tant les histoires livrées par un passant, leaux, ont déjà été publiés (1996) en un un marchand, un étudiant, un pèlerin, volume. On peut y apprécier la verve et captant l'étrange, les prodiges, les méta- la précision du traducteur, qui nous lais- morphoses venus des quatre points car- se imaginer l'art littéraire de Pu qui était dinaux, et les rassemblant, seul, au cœur aussi poète. L'édition intégrale compre- de la grande roue des contes. nant les cinq cents contes de Pu Quels contes ? Songling est en cours de publication par Des chuanqi, encore, pour garder ce fil l'éditeur Philippe Picquier. obstiné de l'étrange qui court à travers des siècles de littérature chinoise narra- En passant par la voix tive. Des histoires très brèves, comme Ces fables antiques, ces chroniques de celle où Pu nous montre « Noble l'étrange et ces fantômes de tous poils souris » exerçant sa revanche sur un ser- que je privilégie depuis une vingtaine pent en une demi-page. Des développe- d'année n'excluent pas d'autres ren- ments à rallonge, comme dans le feuille- contres avec des légendes populaires ton « Fragrance de lotus » qui permet en aux sources plus diversifiées, en parti- seulement quinze pages de saisir toutes culier pour le plus jeune public. Le les nuances d'identité entre femme- programme « Petite marmite chinoise » renarde, spectre, revenante, ressuscitée, se compose de fables taoïstes antiques, réincarnée. Il ne manque que les de contes merveilleux le plus souvent immortelles, qui sont les plus accom- dans des versions Pu Songling, et de plies des renardes. quelques précieuses histoires issues Oui, Pu Songling aime le monde des de « l'inventaire analytique »... (voir ombres : « j'aime à rechercher des his- la bibliographie). toires d'esprits... j'aime que les gens Comment s'est installé dans ma vie ce me racontent des histoires de reve- continent d'histoires, presque à mon nants... » insu ?

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°21S^ dossier frt> f ê •> F"* «±%* f/

D'abord par la particulière relation qui nouvelles. En premier lieu parce que L % s'est d'emblée imposée à moi à travers les personnages se réfèrent très sou- M les divers corpus que j'ai traversés, vent à un poème, qui remplace alors depuis les fables taoïstes jusqu'aux der- une métaphore : pour décrire la beauté nières variations sur les thèmes des fan- d'une femme, le charme d'un paysage... l A tômes féminins. Si ces récits, en tant Parfois les poèmes sont au cœur même que tels, sont fort différents les uns des de la narration, lorsqu'ils permettent à t ca£m6 Stkvemt » autres dans leur premier abord, ils pro- des amoureux de se faire part de leur * « W«À*>, posent pourtant une vision du monde désir mutuel, sur un mode confiden- commune, la faculté particulière de tra- tiel. verser des plans réputés inaccessibles : M Il arrive aussi que les auteurs de contes J Mt le rêve, l'œuvre d'art, le genre sexué, la ou nouvelles recourrent à la poésie mort. Dans ces histoires, rien n'est pour illustrer un moment de l'histoire (Md Stocks) infranchissable, les métamorphoses et faire un point d'orgue sur une scène sont réversibles et personne ne campe de liesse, d'ivresse, de séparation ou Poème sur une identité définitive. d'exil. de Li Po. «... cette présence énigmatique entre Dans ce même esprit, je cherche des Signet édité toutes, énigmatique à elle-même, d'où résonances à certains épisodes à tra- par les édi- qu'elle vienne, de la Renarde ou du vers un poème dont je vais dire tions du cen- Serpent blanc, du Nuage ou du Lotus, quelques fragments, sans m'attarder, tenaire Chine-Asie consent-elle jamais, en cette vie ou en pour favoriser une écoute moins impa- diffusion d'autres, à se figer ? » François Cheng. tiente de l'histoire, mais plus (Le Dit de Tianyi) atmosphérique, plus musicale, peut- être... Ces échappées vers d'autres formes de Suscitant ainsi un certain vacillement présence nous sont offertes par la vision des repères, j'emmène insensiblement chinoise du monde où tout est toujours l'auditoire sur un versant insolite, où en mutation ; où même l'immortalité est les êtres humains, les esprits ou les une situation qui a ses côtés précaires, animaux, évoluent selon un ordre et qu'il s'agit d'entretenir régulière- inédit. ment... Pour faire partager toute la vigueur de La métamorphose y règne comme un ces contes, je dois viser plus loin qu'un climat ambiant, comme un air que l'on tableau dépaysant. Il me faut bien respire, l'imprévisible guette à chaque avouer que c'est à une certaine dés- tournant. orientation que je convie ceux qui m'é- Pour inviter mes auditoires à goûter ces coutent. Si ma tentative réussit, on récits, je ne cherche pas les évocations aura peut-être la chance de dépasser exotiques susceptibles de créer une ensemble les cadres narratifs trop bien ambiance « chinoise », mais plutôt sur tracés, et d'entrouvrir la porte sur d'é- un mode sensible, en m'installant en tranges dimensions, propices aux toute intimité dans cet univers surnatu- enchantements. rel. La poésie m'a toujours paru inséparable de l'approche narrative de ces contes ou

/N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS 123 dossier Bibliographie - Jacques Pimpaneau : Mémoires de la cour céleste - André Lévy : Inventaire analytique et critique du conte (Mythologie populaire chinoise), Éd. Kwok on. chinois en langue vulgaire, 4 tomes, Éd. du Collège de Belle introduction aux mythes de la Chine. France, Institut des Hautes Études Chinoises. Une somme de huaben, avec résumés et cursus de - Yan Hansheng et Suzanne Bernard, III. par Luo Jiaben : chaque trame. Un travail universitaire d'histoire narrative, La Mythologie chinoise, Éd. You-Feng. des sources orales aux textes littéraires. À consulter Un recueil élaboré en Chine à partir des meilleures sour- dans les bibliothèques universitaires ou spécialisées.

- Histoires extraordinaires et récits fantastiques de la - Rémi Mathieu : Anthologie des mythes et légendes de Chine ancienne, trad. André Lévy, Éd.GF Flammarion. la Chine ancienne, Éd.Gallimard/Unesco - Histoires d'amour et de mort de la Chine ancienne, - Danses et légendes de la Chine ancienne, Marcel trad. André Lévy, Éd. GF Flammarion. Granet Paris. Ouvrage complémentaire d'autres recueils, riche en - L'Antre aux fantômes des collines de l'Ouest, trad. légendes. André Lévy, Éd. Gallimard /Unesco. - Philosophes taoïstes (Lao-tseu, Tchouang-tseu, Lie- - P'ou Song-ling, trad. Yves Hervouet : Contes extraor- tseu), Éd. Gallimard/ La Pléiade dinaires du pavillon du loisir, Éd. Gallimard/Unesco. Une mine de dialogues, paraboles, fables. - Pu Songling, trad. André Lévy : Chroniques de l'étrange, - Gan Bao, trad. Rémi Mathieu : À la recherche des Éd. Philippe Picquier. esprits, Gallimard /Unesco. La préfiguration de la traduction attendue des 500 Comme son nom l'indique. contes de Pu Songling.

- Aux portes de l'enfer, trad. Jacques Dars, Éd. Philippe - Ling Mong-tch'ou, trad. André Lévy : L'Amour de la Picquier. Renarde, Éd. Gallimard/Unesco. Brèves chroniques de faits divers très orientés. Histoires extraordinaires de femmes en tous leurs états, dans des versions du XVIIe siècle. - Contes de la montagne sereine, trad. Jacques Dars, Éd. Gallimard/Unesco (Connaissance de l'Orient.) Une belle collection de huaben, dans une brillante mise en texte.

Un Cheval blanc n'est pas un cheval. Cinq énigmes chinoises, II. Chen Jiang Hong, L'École des loisirs-Archimède

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ (dossier Petit Aigle, ill. Chen Jiang Hong, L'École des loisirs

Rencontre avec Chen Jiang Hong

Chen Jiang Hong est peintre La Revue des livres pour enfants : et illustrateur de livres L'Asie est à la mode, dans tous les pour enfants. domaines - artistiques, philosophiques, Originaire de Chine, il vit arts de vivre... 2004 est l'année de la et travaille aujourd'hui à Paris. Chine et nous allons pouvoir mieux Il évoque son parcours et donne connaître l'édition chinoise grâce à sa son point de vue sur la création place d'honneur au Salon du livre de artistique dans le livre Paris. Que pensez-vous de cet engoue- pour enfants. ment ? Chen Jiang Hong : Je trouve très bien cette vogue pour tout ce qui est asiatique, c'est une inspiration mutuelle entre diffé- rentes cultures. Chez nous, en France, [sourire !] le passé, la culture sont très forts. La vie est dure et on a besoin de libération, d'aller chercher autre chose dans les cultures plus lointaines : appri- voiser les choses, comprendre d'autres façons de penser, de vivre. Il ne s'agit pas de renouveler un regard sur le monde, mais de l'enrichir, d'avoir une Petit Aigle, ill. Chen Jiang autre façon de réfléchir, de regarder. Hong, L'École Mais si c'est mal fait, comme pour n'im- des loisirs porte quel autre sujet (ce n'est pas le sujet qui est dérangeant) cela donne des choses qui ne sont pas belles, « des chi- noiseries ». En illustration, il y a des cho- ses très esthétisantes, un peu faciles et peu profondes. Je préfère les grands illustrateurs qui ont une personnalité forte et une profondeur. L'élégance, la beauté ne passent pas par les artifices.

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANÎS 125 dossier R.L.E. : Quelle formation avez-vous travaillé avec Marcus Osterwalder. reçue ? Avez-vous défini ensemble les sujets ? C.J.H. : J'ai reçu une formation très clas- C.J.H. : Non, parce qu'il respecte le tra- sique, six ans de Beaux-Arts à Pékin, vail d'auteur. Je lui propose des sujets, une formation en peinture traditionnelle, puis on discute, mais je fais ce que je à l'encre sur des papiers, avec des tech- veux. niques très anciennes, millénaires... Pour mes livres, je n'ai pas besoin de R.L.E. : Vous n'aviez jamais pensé que crayonnés, je dessine directement au vous feriez de l'illustration ? pinceau... après trente années de travail C.J.H. : Non, mais j'ai toujours beaucoup on peut y arriver. aimé lire. Tout cela vient d'une très belle rencontre. J'ai eu un jour un message de R.L.E. : Après une formation tradition- Marcus Osterwalder qui cherchait un nelle quel parcours doit-on faire pour illustrateur chinois. À l'époque, il y avait arriver à la peinture contemporaine ? un grand spécialiste de la gravure et de C.J.H. : En Chine j'ai appris la peinture la peinture chinoises à la Bibliothèque à l'huile, d'autres techniques et même la Nationale (Christophe Comental) qui sculpture. Et puis je suis venu à Paris. connaissait beaucoup d'artistes chinois Naturellement, j'ai des influences ici... en France. Il a croisé une amie de Dufy par exemple. Marcus qui savait que ce dernier avait En Chine, aujourd'hui il y a un art reçu un texte inspiré de contes chinois et contemporain qui ressemble un peu à ce cherchait un illustrateur. Donc Marcus qui s'est fait en Occident dans les m'a appelé, je lui ai dit que je n'avais années soixante à soixante-dix, les mou- jamais illustré et il a tout de même voulu vements de libération artistique, comme que j'apporte un « book » pour voir mon le Pop art. C'est normal qu'il y ait cette travail. Cela ne lui a pas plu, mais il m'a grande ouverture : auparavant, la pein- proposé de faire un essai... Je lui ai ture était politisée, maintenant les demandé de m'expliquer ce que c'était Chinois ont envie de tout casser, de comme genre de livre, à quoi cela allait découvrir, de se libérer... ressembler... Il m'a montré quelques Pour moi, être loin de ma propre culture, livres de L'École des loisirs. En sortant me donne envie de la retrouver en tra- de là, je suis allé à la FNAC, j'ai regardé vaillant à l'encre. C'est ce que je fais tous les livres, je ne connaissais rien... et dans les livres. Mais dans mon travail de je suis tombé sur des livres de Sempé : peintre, j'essaie d'exprimer mon état les seuls que j'ai trouvés intéressants... actuel, ce n'est pas la même direction Alors, j'ai fait une maquette, puis j'ai que ces maîtres du XVIIe siècle, c'est très expliqué que je voulais un format à l'ita- contemporain... Dans ma peinture il y a lienne, des dessins comme de grandes la vie, l'expérience d'un homme, c'est peintures à fond perdu. Il m'a regardé et tout à fait une autre histoire... m'a dit : « C'est intéressant, mais vos dessins ressemblent à du Sempé ». Il R.L.E. : Dans vos livres qui sont avait raison, j'ai compris sa critique, j'ai presque tous parus à L'École des loisirs, redessiné une planche qu'il a trouvée dans la collection Archimède, vous avez bien et j'ai fait le livre. Puis j'en ai illus-

LAREVUEDESLIVRE5POURENFANTS-N°215/ (dossier tré d'autres, mais je n'ai su qu'il aimait mon travail que six ans après. Avant, je n'ai jamais eu un mot sur mon travail à part : « C'est très bien, posez les dessins. On va s'en occuper ». Le talent d'un édi- teur, c'est de sentir le potentiel chez quelqu'un. Il a vu cela chez moi. Il m'a proposé d'écrire, si cela m'intéressait, mes histoires moi-même. Au départ, je ma Petite cafarde Martina, ill. Chen Jiang Hong, L'École des loisirs lui ai dit qu'il était fou : moi écrire en français ? Il m'a dit de ne pas m'in- quiéter, de raconter des histoires et Petit Aigle, ill. Chen Jiang Hong, L'École des loisirs qu'avec de bons correcteurs, cela irait. Entre temps je passais de grands moments avec lui à découvrir les grands auteurs-illustrateurs comme Pour aiiûter son oreille, Tomi Ungerer, j'ai découvert tous les il écouta les violations intimes livres de L'École des loisirs, J'ai beau- aune pièce ae monnaie coup appris avec Marcus Osterwalder. suspendue. Grâce à lui je peux vivre une seconde jeunesse : moi qui ne connaissais pas les livres pour enfants, cela a éveillé beaucoup d'amour en moi. J'ai pu aller dans les écoles, c'est quelque chose d'extraordinaire par rapport à ma vie sociale, ma carrière de peintre et ma propre expérience humaine. Et je me pose des questions, beaucoup...

R.L.E. : Avez-vous du mal à écrire vos textes ? C.J.H. : J'ai beaucoup écrit à l'école, et j'écris bien en chinois. J'écris beau- coup de textes, de la poésie. Quand on apprend une autre langue, il faut déjà bien maîtriser sa propre langue... La base, c'est la même, c'est la façon de penser, l'intelligence et l'ouverture d'esprit liées à l'éducation familiale, la sensibilité, la personne... Bien sûr j'ai du mal à écrire car la langue française n'est pas ma langue maternelle et tous mes textes sont beaucoup corrigés. J'ai une amie qui m'aide à écrire, à refor-

dossier /N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS 127 muler des choses. Je me raconte les R.L.E. : À ce propos, vous choisissez de histoires en chinois. Cela donne le ton, mettre en scène un petit garçon dans vos les émotions. Après, il faut que je parle livres... à voix haute en français pour voir si C.J.H. : Ce n'est pas un hasard, tout cela sonne et si cela correspond à ce cela est très profond pour moi. que je veux dire, parce que je ne me L'absence de mon père pendant mon traduis pas. Je pense l'histoire en enfance et la vie avec mes grands- chinois et je la transpose. Dans ce parents, ce n'est pas anodin. Mon père domaine là, j'ai beaucoup à tra- a été envoyé à la campagne pendant vailler... Pour Zong Khui j'ai utilisé des dix ans, c'était la révolution culturelle. traductions du texte original, des phra- J'avais cinq-six ans quand il est parti, ses du chant que j'ai traduit. Mais ce ma mère pleurait énormément, c'était n'est pas le meilleur récit, le meilleur une époque épouvantable. J'ai eu une c'est Petit Aigle... Pour les enfants il enfance paisible, ma famille était gen- est plus accessible... Ce dernier livre a tille avec moi, mais je n'ai pas eu une été peu modifié contrairement au Cerf- enfance heureuse, à cause de tous ces volant pour lequel l'éditeur a fait beau- événements et de cette absence. coup de modifications, peut-être trop... Petit Aigle est plus épuré, léger... Et R.L.E. : Le cercle familial et les relations voici le prochain, une co-édition avec adultes-enfants sont très fortes dans vos Paris-Musées, un livre fait selon les livres. techniques les plus classiques, entière- C.J.H. : La relation parents-enfant, la rela- ment sur soie, mais avec des cadrages tion maître-élève, c'est important pour modernes. La soie ne boit pas et on moi. Il y a assurément quelque chose de peut travailler très précisément. C'est soi dans les livres quand on veut aider les une commande à l'occasion de la réou- enfants à grandir. Prenez l'exemple de verture du musée Cernuschi. Il s'agit Maurice Sendak, avec tous ces enfants d'un livre intitulé Le Cheval magique malheureux, en rupture avec leur famille. de Han gan, un peintre du XIIIe siècle Si on arrive à faire cela, c'est formidable. (Han gan) dont un tableau est exposé J'ai encore beaucoup de travail à faire au musée. Je voudrais donner l'envie pour en arriver là. Malheureusement je aux enfants d'aller au musée, de voir n'ai pas beaucoup de temps. la peinture. J'ai inventé l'histoire du peintre et du tableau. Il y a une réfé- R.L.E. : Vous faites un livre ou plus d'un rence au conte chinois qui a inspiré livre par an ? Marguerite Yourcenar dans Comment C.J.H. : Maintenant plus d'un livre... Wang Fo fut sauvé, avec le cheval qui s'échappe du tableau. R.L.E. : Pourquoi situez-vous toujours Il paraîtra d'ici deux mois. J'espère vos livres dans une Chine un peu ancien- qu'il sera bien reçu. Ma seule crainte, ne ? Est-ce la Chine de vos rêves, de vos c'est la couverture. Au début je pen- souvenirs ? sais que c'était mieux de placer un C.J.H. : Je suis très attaché à la Chine enfant sur la couverture mais peut-être mais c'est ma Chine à moi. J'aime bien est-ce un peu trop compliqué... voir la Chine comme cela.

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ (dossier R.L.E. : Votre style d'illustration est de important. Cela pourrait paraître préten- plus en plus porté par un mouvement, tieux mais chaque époque a besoin de une circulation dans le dessin et des témoignages et je veux témoigner ; je variations de rythme et de distance. crois que cela peut rendre service pour C.J.H. : C'est vrai, au début je propo- connaître l'histoire de mon pays. sais de grandes images comme dans Un cheval blanc n'est pas un cheval et R.L.E. : Ce sera peut-être une clé pour dans Petit Aigle il y a différents mou- comprendre vos livres et pour envisager vements dans le dessin, dans les d'autres livres. cadrages, dans les changements de C.J.H. : Oui. Et j'ai aussi envie de faire points de vue et des variantes de com- des livres plus enfantins, beaucoup plus position comme dans les pages où Petit drôles, pour les plus petits. J'ai vraiment Aigle s'entraîne. Dans mon prochain envie de travailler pour la petite enfance. livre également, je cadre en gros plan le cheval. R.L.E. : Est-ce que votre style changerait si vous traitiez d'un thème occidental ? R.L.E. : Le rouge est très présent dans C.J.H. : Je suis justement en train de vos livres. Votre palette d'illustration est faire un livre différent. Sur un thème qui proche des couleurs de la terre avec l'o- change un peu, une histoire avec des cre et le noir. Quelles sont vos couleurs rois, mais c'est toujours à l'encre et au préférées ? pinceau... Et j'ai d'autres projets, j'ai C.J.H. : Oui le rouge, le noir et le blanc, envie d'un beau livre sur le Tibet, et sur j'adore ces trois couleurs. En ce la Mongolie. Et il y a aussi le projet d'un moment dans ma peinture personnelle je livre sur Cendrillon : je cherchais un travaille le blanc, j'aime beaucoup le texte classique et avec Claude Helft1, blanc. qui aime bien ce que je fais, nous avons parlé de faire une « Cendrillon par R.L.E. : Et les éléments qui vous cor- Chen ». Elle m'a envoyé le texte mais respondent seraient plus du côté du feu cela va dépendre de mon travail de pein- ou de l'air ? ture, de ma galerie. C.J.H. : Je ne sais pas. Je me sens très proche du feu et de l'or. Je suis quel- R.L.E. : Pourriez-vous travailler en qu'un de passionné. Chine ? C.J.H. : Je pourrais car personne ne me R.L.E. : Votre évolution conjugue de l'interdit, et je pourrais trouver du tra- plus en plus tradition et modernité. vail car je connais des gens dans le C.J.H. : J'ai aussi en projet de faire un milieu des dessinateurs, ce n'est pas le roman sur mon enfance, illustré en noir problème. Mais je ne pourrais pas faire et blanc. Mais ce n'est pas complète- ce que je fais ici. Les Chinois n'ont pas ment autobiographique car je vais racon- encore cette conception de l'album, ni ter mon enfance par extraits et d'autres les techniques, ni les professionnels choses, avec des dessins plus réalistes en capables de faire les livres, même s'il y noir et blanc. J'hésite à poursuivre ce a de très bons dessinateurs. Tous mes projet mais cela semble quand même anciens professeurs travaillent en

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 129 dossier / ' Chine, mais peu pour la jeunesse, il n'y a pas de considération pour la création à destination de la jeunesse comme ici.

R.L.E. : Quand vous allez en Chine, avez-vous l'impression que l'édition pour la jeunesse évolue ? C.J.H. : II y a beaucoup de progrès mais ce n'est pas encore devenu quelque chose de professionnel, il n'y a pas de gens qui travaillent pour la promotion, la diffusion et la critique, on n'en est pas encore là. Il y a des livres mais... Au Japon par exemple, le milieu du livre pour enfant est très Albums chinois montrés à Chen Jiang Hong pendant l'interview développé et a très bien évolué. En Chine aujourd'hui, personne ne s'oc- cupe de la culture, tout le monde court derrière l'argent.

R.L.E. : II n'y a pas encore de culture du livre de jeunesse mais tout de même

Ping jiù dùo une évolution ? (#) 5 S sông xiâ wèn ïông z; C.J.H. : II n'y a pas de véritable loco- te T H -k f- , yon shl cûi yào qù motive. Je vois en France, quand je me t (f *• K *• . déplace, les libraires, les enseignants, zh! zài CI shfln zhàng > 1 ;^ 4E. *, OJ + , .3 ÏSHC yùn shèn bû zhï les parents aussi, tout le travail de médiation qui accompagne les livres. Tous ces gens connaissent mes livres jusqu'au moindre détail : des choses que j'ai parfois moi-même oublié dans des livres un peu anciens, ils en par- lent et semblent connaître chaque page...

R.L.E. : Sans ces conditions, il est diffi- cile de promouvoir une édition de qua- lité. Que pensez-vous de ces quelques livres chinois que nous avons apportés ? C.J.H. : La façon de composer n'est pas

3j.ît4i.1feJ88SiSli+*È.*" très intéressante. Au niveau du papier et de la couverture, ce n'est pas bien, ni même la typographie ou la mise en

LAREVUEDE5LIVRESPOURENFANTS-N°215/ 130 (dossier pages. C'est le même problème qu'avec quer à travers une œuvre d'art ou de le cinéma et la télévision : en Chine, il littérature, il faut atteindre ce niveau n'y a pas de recherche de qualité. humain, un même langage en fait. Pendant ces dernières années, beaucoup L'émotion que cela dégage est la même de choses se sont passées, c'est enrichis- quelle que soit l'origine de l'artiste. sant aussi de voir évoluer ces choses qui Pour moi, un sourire, une larme, c'est sont permises maintenant avec l'ouver- universel et en même temps, c'est ture. l'emballage artistique qui fait la diffé- rence. Par cela, on revendique notre R.L.E. : Apparemment, il n'y a pas existence, notre présence, notre parole, chez vous de douleur ni de sentiment notre expression personnelle, parce d'exil ? qu'on dialogue avec le monde. On C.J.H. : Pas du tout, je connais bien communique un langage international, évidemment la question de l'intégra- des valeurs collectives humaines. Mais tion même si je suis un peu privilégié, dans Petit Aigle, par exemple, n'impor- parce que je ne suis pas arrivé dans les te quel enfant peut comprendre la per- mêmes conditions que d'autres. Il est sévérance, l'endurance dont parle certain que je suis bien entouré, par l'histoire, tout ce travail du personnage des artistes, des gens cultivés. Mais je et la relation de transmission avec le peux tout de même en parler. En fait, maître. Et cette image d'un univers il s'agit de rencontres et de partage lointain peut aussi le distraire, lui don- humain. Cela n'a rien à voir avec ner envie de découvrir et le faire voya- l'éducation, la culture, l'intelligence, ger. J'ai essayé de ne pas aller dans la on peut échanger avec tout le monde, facilité. Comment faire les choses sans même avec quelqu'un qui balaie les devenir un auteur-illustrateur exo- rues, la base humaine, c'est cela... tique. Je ne veux pas que les gens C'est pourquoi je ne comprends pas le prennent mes livres parce que je suis quartier chinois ; pourquoi recréer la chinois mais parce qu'il y a quelque Chine dans un autre pays ? Je n'en vois chose dans le livre. Peut-être n'y en a- pas l'intérêt, je n'ai pas beaucoup t-il pas ? Mais ce sont mes idées à moi, d'amis chinois ici. Mais j'ai un attache- et même si je fais des livres sur la ment très profond à la Chine, j'y vais Chine (et cela, je le répète, est essen- tous les ans. Être chinois ne m'empêche tiel pour moi) je ne veux pas faire de pas de vivre en France et d'y travailler. « chinoiseries ». Je fais vraiment atten- Je conçois ma vie et mon travail dans tion à la qualité du livre : une belle un univers très large. histoire, de belles images, une belle Quand on n'a pas l'ouverture culturelle, mise en pages, un ensemble soigné, l'envie d'aller vers les autres, on fait ce cela marche, il n'y a pas de secret... que j'ai appelé des « chinoiseries ». Par On n'a pas besoin de dire « achète, exemple, les artistes chinois de ces livres achète-moi ! » Non ! S'ils l'aiment, les (ceux que nous lui montrons), n'ont gens achètent le livre. Je ne veux pas jamais voyagé, ils n'ont aucune idée de dire qu'on peut se contenter de faire ce qu'est un livre français car ils n'en de beaux livres que personne n'achète, ont jamais vu. Si vous voulez communi- mais quand une chose est belle, on

dossier /N°215-I-AREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 131 vibre avec et si les gens ont envie de par- Livres écrits et illustrés par Chen Jiang tager et de garder cette émotion, ils achè- Hong : tent. Il y a un engagement entre un livre à L'École des loisirs Dragon de feu et l'acheteur, c'est plus qu'une simple Le Fabuleux cheval Han gan [à paraître] question de consommation. Je ne vais pas pleurer La Légende du cerf-volant Propos recueillis par Petit aigle Nathalie Beau et Christine Plu Zongh Kui la terreur des forces du mal Illustrés par Chen Jiang Hong : Lisa Bresner : Un cheval blanc n'est pas un cheval. 1. Responsable éditoriale des éditions Desclée de Cinq énigmes chinoises, L'École des loisirs Brower. Praline Gay-Para : La Petite cafarde Martina, L'École Exposition permanente de Chen Jiang Hong, à partir du des loisirs 6 janvier 2004 à la Galerie « Le lotus rouge » 103, rue Praline Gay-Para : Oriyou et le pêcheur, L'École des loi- Quincampoix, 75003 Paris sirs Exposition personnelle à la mairie de Cergy-Pontoise Claude Helft : Hatchiko, chien de Tokyo, Desclée de (Val-d'Oise), à partir du 19 avril. Brouwer Claude Helft : La Mythologie chinoise, Actes Sud Junior Elisabeth Lemirre, Valérie de la Rochefoucault : Les Contes du mandarin ; L'Éventail magique, Picquier Béatrice Tanaka : La Montagne aux trois questions, Albin Michel Jeunesse

Je ne vais pas pleurer I, ill. Chen Jiang Hong, L'École des loisirs (détail)

132 LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/dossier Un fonds de livres en chinois expérience de la Médiathèque Jean-Pierre Melville, Paris XIIIe par Nguyen Thi Chi Lan*

Parmi les quelque 6000 ouvrages f existence d'un fonds de livres en que réunit le fonds asiatique chinois sur les rayons d'une de la médiathèque Jean-Pierre L bibliothèque parisienne est une Melville, des livres en chinois expérience originale qui dure depuis 20 destinés aux enfants. ans. Cette aventure a commencé en Nguyen Thi Chi Lan fait part 1984, avec un carton de 40 livres en de cette expérience en soulignant vietnamien, cambodgien, laotien et les spécificités de la gestion quelques livres en chinois, acquis à la d'un fonds de ce type demande d'une association, pour répon- et en montrant la richesse des dre aux besoins ponctuels des jeunes du animations qu'il permet quartier. Cette expérience est donc liée à au sein du quartier. la présence d'une population spécifique, des réfugiés de Sud-Est asiatique qui, dans les années 80, sont venus s'instal- ler nombreux dans les tours récemment construites du XIIIe arrondissement. Le fonds a été constitué d'abord à la Bibliothèque Italie, transféré ensuite à la Médiathèque Jean-Pierre Melville. Après 20 ans d'existence, ce fonds atteint à ce jour presque 6000 exemplaires, ouvrages pour adultes et jeunesse confondus. Cette offre originale attire le public du * Nguyen Thi Chi Lan est responsable du secteur jeu- quartier mais aussi de tout Paris et nesse et du fonds asiatique de la bibliothèque Jean- même de la banlieue Sud (60% des lec- Pierre Melville à Paris. teurs ne sont pas de l'arrondissement).

dossier /N°215-LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS 133 Fonds asiatique en jeunesse mis de côté avant que les bons de com- Les livres destinés aux jeunes sont mande soient établis. Il faut signaler ici acquis en même temps que ceux de la un travail et une relation de confiance section adultes. À la bibliothèque Italie avec les libraires, qui savent accepter les comme à la médiathèque Melville, les délais du règlement administratif. lecteurs sont habitués à naviguer entre Le choix des livres comme leur acquisi- les deux sections. C'est un avantage tion n'est pas toujours facile, il faut choi- immense pour le travail d'insertion sir et accepter ce que proposent les d'une population dans l'apprentissage librairies, puisqu'il nous est impossible de la langue comme dans celui de la vie de commander directement dans les quotidienne. Il faut de nouveau des pays d'origine. repères après les épreuves du déplace- ment, de la séparation, de l'exil. Traitement Au contact des livres du fonds asiatique, Comme le fonds adultes, les documents les lecteurs sont invités aussi à découvrir sont destinés à un large public. La plus largement d'autres ouvrages, en composition du fonds des livres pour français : pour commencer une langue la jeunesse est, de ce fait, très variée. étrangère, ne vaut-il pas mieux com- Au nombre de 800 documents environ, mencer avec les livres pour enfants ? tous supports confondus, le fonds est Et la vie continue... les enfants ont composé de romans, d'albums, de grandi, ils fréquentent l'école, ils vont contes, de bandes dessinées et de docu- lire et écrire en français, mais le souci mentaires qui couvrent presque tous les des parents pour maintenir la culture sujets de la classification Dewey. d'origine demeure. Comment continuer Tous les caractères sont systématique- à parler avec les enfants dans leur lan- ment transcrits en pinyin (transcription gue maternelle ? Comment leur trans- phonétique internationale du mandarin, mettre les traditions, les valeurs de la le guoyu). La transcription est reportée culture originelle ? Toutes ces questions sur la page de titre, facilitant le travail de font l'objet des réflexions auxquelles les recherche et de réservation pour les col- bibliothécaires essaient d'apporter les lègues qui ne connaissent pas le chinois. réponses. C'est un travail fastidieux mais qui se veut aussi scientifique et il est important Politique d'acquisition de respecter cette étape du traitement. L'acquisition des documents en langues Le catalogage se fait donc sur notice asiatiques est intégrée, voire privilégiée MARC, toutes les zones sont respectées dans la gestion budgétaire annuelle. À la de telle manière que la consultation sur section jeunesse, c'est un budget tout à écran soit accessible pour tous. fait modeste qui est réservé pour déve- Les lecteurs ont aussi la possibilité de lopper le fonds asiatique jeunesse, alors consulter le catalogue sur papier, en chi- que le fonds adultes a quant à lui, un nois et en vietnamien, car pour ces deux budget à part, accordé annuellement. langues, la bibliothèque dispose d'un logiciel intégrant les caractères chinois Les livres sont choisis et commandés ou les accents propres à la langue viet- dans différentes librairies spécialisées et namienne. Ces catalogues permettent

LAREVUEDESLIVRE5POURENFANTS-N°215/ |dossier â6 bâi se

également aux bibliothécaires une ges- tion plus facile du fonds.

Description du fonds À travers ce fonds, nous pouvons nous faire une idée de ce qu'est, aujourd'hui, la production chinoise de livres de jeu- nesse.

Les albums sont, à notre avis, assez limi- tés, représentés surtout par des imagiers. Souvent la qualité des illustrations laisse à désirer : avec des couleurs très vives, et un graphisme très simple, elles sont par- fois vieillottes, selon nos goûts occiden- taux. Mais pour nos lecteurs qui vien- nent d'Asie, cela n'a aucune importance, du moment qu'ils retrouvent des titres dans la version originale. Nous y trou- Shidai ertong : yi qian wu bai changyong ci, II. Meisheng Youlin et De vons pas mal d'albums bilingues, mal- Guang, éd. Zhejiang shaonian ertong chubanshe heureusement presque tous bilingues anglais-chinois, ou anglais-vietnamien. imagier avec transcription en pinyin C'est là le vrai problème que rencontrent les bibliothécaires dans ce type d'achat. Les contes traditionnels ou modernes, les gushi, sont très nombreux. Ils sont très aimés des jeunes lecteurs. Beaucoup sont traduits des contes occidentaux un épisode du Roi singe, III. Yu Xuan, (Andersen, Grimm, etc.). Les contes tra- éd. Zhongguo dianying chubanshe ditionnels englobent les légendes de dif- férentes ethnies minoritaires dans ces pays d'Asie. Dans cette tradition, on peut mentionner la production assez importante des chengyu, des proverbes chinois exploités en contes, en histoires, ou en manuels pour apprendre les caractères chinois. Pour les bandes dessinées, la collection des Aventures de Tintin ou du Petit Spirou, est totalement traduite en chinois. Plusieurs extraits du Roi des singes repris en bandes dessinées, font penser à la pro- duction de Walt Disney. La tradition des bandes dessinées en Chine remonte à

dossier /N°2'5-UREVU£DESLIVRESPOUR£NFANTS 135 une période ancienne. On trouve une forte présence des légendes et des his- toires contemporaines, par exemple celle de San Mao, le Gavroche chinois. Les romans sont souvent de petits romans, les xiaoshuo, où les caractères chinois sont accompagnés du pinyin, ce qui facilite la lecture et la reconnaissance du vocabulaire. On y trouve aussi bien les caractères simplifiés que les caractères non simplifiés, dits compliqués. Les étu- diants français qui commencent à Aotuokawang de quanzhang (Dingding Lixianji) apprendre le chinois aiment bien cette (Tintin et le sceptre d'Ottokar) Casterman production, et on comprend la raison de cette préférence, tellement les caractères sont difficiles à retenir. Les classiques de la littérature mondiale sont traduits en chinois. Citons par exemple Le Vieil homme et la mer, Le San Mao liluangji / Z hang Leping, éd. Shaonian ertong chubanshe Petit Prince, Alice au pays des merveilles, Harry Potter en 5 tomes (le tome 5 a été traduit et mis en vente bien plus tôt qu'en France !). Les jeunes lecteurs ont aussi à leur dispo- sition des méthodes de langues pour apprendre le mandarin, le cantonais, le vietnamien... et aussi le français (métho- des destinées plutôt aux parents et aux grands adolescentss récemment arrivés en France). Les ouvrages de référence, dictionnaires et encyclopédies ne sont pas oubliés dans l'apprentissage de la langue. Parmi les documentaires, on trouve une collection importante de livres de tra- vaux manuels, de connaissance générale, de religion, d'histoire, d'apprentissage

zhuôn yûn gua qi te meng lié de xi bêr feng hon dong v«sj dôo fe Son moo Xiio lài hé jiê !ou des langues, etc. » R Si S 7 S SB M H * Kl * * X H T . = € , /J\ « ffl ffi * Quant aux documents sonores, des cas- de lio lùng ér hôi ohirân zhgo yl shôn don yî léng de là men zhl duo syo chù chuàng li de jiâ rén mô 89 « » Jl 2 S • — • * * » » « n • B « . m settes et CD en chinois ou en vietnamien te où zhï hûn lëng que shên zhuo hou hou de dông cfài zhe mùo zi shân qi ji le .M m * «*89î-î mm m ? # *i® 7 sont également proposés (contes, compti- nes, musique traditionnelle et instrumen- tale). Ces supports sont très appréciés. Cependant cette collection reste très modeste.

136 LAREVUEDESUVRESPOURENFANTS-N°215/ dossier youer qimeng. 2, éd. Wuzhou chuanbo chubanshe La bibliothèque propose aussi quelques titres de revues dont Xiao Pengyou ( pour un des titres d'une série didactique très appréciée les 3-6 ans), Shanhaijing et Jin gu des enfants chuancji (pour les adolescents). Faute de crédits, nous ne pouvons pas prendre d'autres titres dont la production est aussi importante en Chine populaire qu'à Taïwan. On pourrait signaler que Bayard Presse publie ses titres en chinois (ainsi Pomme d'Api devient Hong ping- guo en chinois).

Animation autour de ce fonds Intéressant lieu d'accueil et de convivia- lité, la médiathèque Melville joue un rôle d'animation dans le quartier, notamment au moment du nouvel an une couverture de la chinois. En effet, à cette occasion, entre revue Xiao Pengyou, éd. Shaonian ertong mi-janvier et mi-février, l'animation se chubanshe construit sur un thème animalier de l'as- trologie chinoise. Toutes les activités tournent autour de l'animal en question. Zhongguo minjian chuanqi, album transcrit phonétiquement en « bopomofo » (BPMF : système alphabétique utilisé Pour l'année du dragon par exemple, à Taïwan) nous avons reçu une enseignante d'arts martiaux et danseuse qui a exécuté la danse du dragon, suivie d'une initiation au Qi gong pour enfants. Des ateliers de pliages, de fabrication des lanternes (15e jour du 1er mois lunaire), de calligraphie ont permis aux petits lec- teurs de s'exercer, de se familiariser non seulement avec le pinceau, l'encre noire et le papier de riz, mais aussi avec les traditions millénaires de la culture chi- noise. Une autre année, la danse du lion a été présentée par les enfants musiciens du Vietnam qui font partie d'une asso- ciation du quartier. Ainsi chaque année, d'animal en animal, nous touchons le public asiatique mais aussi les lecteurs français pour les diffé- rentes manifestations au moment où tout le quartier du XIIIe résonne des bruits de pétards.

dossier /N°215-LAREVUEOESLIVRESPOURENFANTS 137 II va sans dire que la mise en valeur du fonds passe aussi par ces animations, parfois bilingues à travers les contes en Aiqing heying, III. Shan Shi, chinois et en vietnamien. éd. Shanghai renmin chubanshe Médiation culturelle Avec la participation des associations du roman quartier, des visites guidées sont propo- pour adolescent(e)s sées aux parents asiatiques. C'est l'occa- sion pour établir un accueil et une ren- contre « spécialisée ». Il est nécessaire de présenter la bibliothèque en général et le fonds spécifique des langues en version asiatique, d'expliquer le fonctionnement de la bibliothèque, ce qu'on peut y trou- ver, comment faire des recherches. C'est aussi le moment d'orienter ceux qui veu- lent apprendre le français vers des cours d'alphabétisation proposés par les asso- ciations. Un travail de coopération et de partenariat est vraiment nécessaire. Depuis ces dernières années, par le biais des PMI et des crèches, avec la collabora- livre de travaux manuels tion de la lectrice de l'Association lire à Paris, la bibliothèque accueille des mamans asiatiques avec leurs bébés, pour une visite plus approfondie et une lecture plus « personnalisée ». Cette démarche est inscrite aussi dans le projet de l'accueil de la Petite Enfance, qui réunit les professionnels de la Petite Enfance, ainsi que les bibliothèques du XIIIe.

Fonds asiatique dans le réseau Au fur et à mesure de l'évolution territo- riale de la population chinoise, les bibliothèques du Centre et de l'Est de Paris (La Fontaine, Temple, Crimée et Benjamin Rabier) se sont mises elles aussi à constituer et développer un fonds de livres en chinois, toujours à la

Histoire de la Chine demande de jeunes lecteurs (Benjamin Rabier possède déjà un fonds de

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ dossier 300 ouvrages). Ces jeunes venant direc- Un des volumes d'une collection d'ouvrages type « Question-Réponse» très populaire et appréciée des tement des écoles de Chine, doivent tout enfants. réapprendre, et surtout maîtriser la langue Zonglan quanqiu wenhua yishi / Liang Xinmin et Xu française, si difficile. Outre des manuels Yan, coll. Xinbian zhuyin ertong shi wan ge wei shenme, de langues, ils ont besoin aussi de re- Éd. Shanxi meishu renmin chubanshe trouver la lecture dans la langue mater- nelle. Avides de la lecture dite populaire, ils sont heureux de lire des bandes des- sinées adaptées des grands classiques ou des mangas en chinois. Les bibliothécai- res font des acquisitions selon le besoin de l'établissement, mais le catalogage est assuré le plus souvent par Melville. Depuis ces dernières années, un travail de concertation se fait petit à petit entre bibliothèques qui possèdent des docu- ments chinois. À travers des rencontres où les nouvelles acquisitions sont propo- sées, des réflexions se font aussi par rapport à ce fonds chinois du réseau en général et le fonds spécifique de chaque lieu. Comment le développer, comment faire l'acquisition ? Faudrait-il avoir des ouvrages de base qu'on puisse trouver dans chaque éta- blissement ? Faudrait-il acheter ce que les libraires proposent quand on ne pos- sède pas totalement le sujet ? Couverture Ce type de coopération entre collègues tient à la motivation de chacun dans le Page intérieure : « Où se trouve la mer suivi de son propre fonds. Il serait inté- la moins profonde ? » ressant qu'à l'avenir nous puissions arri- ver à un travail logique de sélection et grouper les achats des documents. Pour cela, un catalogue de base s'avère H zui <*ùn

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS dossier spécifique est une forme de respect de la culture et de la langue d'une popu- Librairies chinoises à Paris lation du quartier. C'est un rapport de vase communiquant, qui au fil du Librairie You-Feng temps permet à deux cultures de se 45, rue Monsieur le Prince, rencontrer. Pour cela, encore faudrait-il 75006 Paris réunir plusieurs conditions : bibliothé- Tél. 01 43 25 89 98 caires compétents dans la langue Fax 01 43 54 76 92 concernée pour assurer l'acquisition et 66 rue Baudricourt, 75013 Paris le traitement des documents, personnel Tél. 01 53 82 16 68 motivé qui apprend à connaître une fax 01 53 82 12 68 culture, une littérature, ou plus com- plexe encore, à se lancer dans l'ap- Librairie Le Phénix prentissage de la langue chinoise, sans 72, bd de Sébastopol, 75003 Paris parler de l'accueil et de la médiation Tél. 01 42 72 70 31 culturelle, dans ce service quotidien à Fax 01 42 72 26 69 un public bien spécifique. Et pour que Site : www.librairielephenix.fr le travail ne reste pas vain, il faut pen- ser à l'avenir et assurer la relève afin de continuer le développement et le suivi du fonds.

LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N^IS^ dossier mages de

Les Cinq frères chinois, Ml. K. Wiese, a chine L'École des loisirs à travers 50 livres édités en France*

*Les livres sont présentés par âges, et par genres à l'intérieur de chaque catégorie A albums, C contes, D documentaires, BD bande dessinée, R roman, CDRom

Les dates indiquées sont celles des dernières éditions. Certains titres sont épuisés. On peut les consulter en bibliothèque.

par Aline Eisenegger et l'équipe de La Joie par les livres

Liu et l'oiseau, Pour les petits ill. C. Louis ; calligraphie Feng Xiao C Lon Po Po / Ed Young ; trad. Rose-Marie Vassallo. - Père Castor Flammarion Min, Picquier [Épuisé] 4-9 ans jeunesse Savoureuse version chinoise de notre « Petit Chaperon Rouge » avec de superbes illustrations qui portent les marques des origines chinoises de l'auteur.

C Les Cinq frères chinois / Claire Huchet ; ill. Kurt Wiese. - L'École des loisirs, 1979 (Lutin poche) [Épuisé] 5-7 ans Comment venir à bout de cinq frères chinois, un peu sorciers, qui se ressemblent comme des gouttes d'eau ?

D Je ne vais pas pleurer ! Bïn Bïn au marché chinois / Chen Jiang Hong. - L'École des loisirs/Archimède, 1998 [Disponible uniquement en collection Lutin poche, 2000] S-8 ans Passionné par ce qu'il découvre au marché, Bïn Bïn a perdu ses parents. De commerce en commerce, d'opéra en théâ- tre de marionnettes, le lecteur découvre la diversité des corporations présentes sur un marché chinois.

Pour les moyens

A Liu et l'oiseau / Catherine Louis ; calligraphie Feng Xiao Min. - Picquier Jeunesse, 2003 À partir de 6 ans Nous partons avec Liu à la recherche de son grand-père. En chemin on découvre de superbes paysages et surtout les idéogrammes chinois. Une très belle initiation à un autre système d'écriture dans un album qui nous entraîne dans la Chine de nos rêves.

/N°215-LAREVUED£SLIVRESPOURENFANTS 141 dossier / A Bonne chance, petite Rubis ! / Shirin Yim Bridges ; trad. Fenn Troller ; ill. Sophie Blackall. - Syros Jeunesse, 2003 7-9 ans L'émancipation d'une petite chinoise qui, au siècle dernier, refuse de suivre un destin tout tracé. Pourquoi devrait-elle se contenter d'apprendre à tenir une maison alors que les garçons, eux, poursuivent leurs études ?

A Petit Aigle / Chen Jiang Hong. - L'École des loisirs, 2003 À partir de 7 ans Dans la Chine du XVe siècle, Maître Yang trouve un petit garçon abandonné. Il le recueille et l'élève. Le vieil homme pra- tique la boxe de l'aigle, un style de Kung Fu, et, en cachette, l'enfant l'imite. L'artiste utilise la peinture traditionnelle chinoise en la renouvelant par ses cadrages, sa profondeur et son mouvement.

A Qui es-tu ? Je suis le roi ; Qui es-tu ? Je suis l'éléphant ; Qui es-tu ? Je suis l'oi- seau des îles ; Que fais-tu ? Je rêve / Lisa Bresner ; ill. Aurore de La Morinerie. - Mémo Éditions, 1998 et 1999 (Étymologie animée) À partir de 7 ans Une initiation aux idéogrammes chinois. L'illustration au pinceau décompose chaque idéogramme qui, recomposé, forme un mot.

C Empereur en herbe / Demi ; trad. Cécile Wajsbrot. - Rouge & Or, 1992 (Atelier Rouge & Or) [Épuisé] 5-10 ans Jolie fable à méditer à propos de la tricherie et du courage qu'il faut parfois pour affronter la vérité. Une histoire comme on n'en trouve pas souvent. Texte et illustration évoquent la culture chinoise telle qu'on l'imagine.

C Et le chien devint l'ennemi du chat. Un conte de Chine / Diane Barbara ; ill. Marcelino Truong. - Actes Sud Junior, 2000 (Les Contes à plusieurs voix). [Disponible uniquement en livre CD, 2002] 6-9 ans Excellente version de ce qui fut à l'origine de la mésentente définitive entre chien et chat.

C Le Chasseur : un conte chinois / Mary Casanova ; trad. Catherine Bonhomme ; ill. Ed Young. - Circonflexe, 2000 (Albums) À partir de 7 ans Comment Hai Li Bu sacrifie sa vie pour sauver son village. Car pour être cru, le chasseur est contraint de divulguer son secret : il comprend le langage des animaux, mais du coup il est puni par les dieux. Immense illustration couleurs de terre, en brun et ocre.

C i:\ontes du bouddhisme / Thalie de Molènes ; ill. Frédéric Sochard. - Père Castor FlammOT«*k2000 (Castor poche Junior ; Contes) 6-n ans 17 brèves histoiresofe sagesse extraites des « Cinq cents contes et apologues du Tripitaka chinois », récits venus de l'Inde, traduits en chinois pS^répandre le bouddhisme en Chine. Petits contes tantôt émouvants, tantôt tout à fait amusants.

Le Chasseur : C Contes des rfèîtyAes de Chine / Guillaume Olive ; He Zhihong. - Syros Jeunesse, un conte chinois, 2003 0/ Jfl À partir de 7 ans III. E. Young, Six contes reprjeillj^auprèsae cinq ethnies minoritaires : les ethnies lisu, miao, mulao, dong et yao. En tête de chaque Circonflexe conte, uns^Mlustraiion plus « documentaire », représentant un personnage en costume traditionnel, accompagne un très bref ta/fe présentant le peuple considéré.

V-:, ia 1/2 / Rumiko Takahashi. - Glénat, 1994- (Manga) [Série. 38 vol.] 7-12 ans Au cours d'un voyage en Chine, Ranma et son père tombent dans une source magique. Depuis, ils sont victimes d'une malédiction : lorsqu'ils sont immergés dans l'eau froide le fils devient une fille et le père un panda. Une série mêlant comique, fantastique et sentiments.

D Ma vie à Pékin au fil des mois / He Zhihong. - Syros Jeunesse, 2003 À partir de 6 ans Nous partageons avec une jeune pékinoise Xiao Yanki, « Petite Hirondelle », douze mois d'une année au gré de son quo- tidien et des événements divers : la vie à la maison avec sa famille, l'école, les fêtes traditionnelles inscrites au calen- drier lunaire. Des mots en chinois jalonnent le texte.

142 LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°215/ dossier Pour les grands

A Li Na et l'empereur / Andréa Liebers ; trad. Bernard Friot ; ill. Silke Tessmer. - Milan, 2002 À partir de 9 ans Un récit, mené comme un conte, qui narre les péripéties de l'affrontement, • il y a très longtemps, dans la lointaine Chine », entre Li Na, vieille femme pleine de sagesse et grande artiste calligraphe, et l'empereur tout-puissant qui exige d'elle un idéogramme tout à sa gloire...

C 13 contes de Chine / Moss Roberts ; trad. Florence Godebska et Rose-Marie Vassallo ; ill. Frédéric Sochard. - Père Castor Flammarion, 2003 (Castor poche ; Contes, légendes, et récits) À partir de 9 ans On se retrouve souvent ému, comme par surprise, à la lecture de ces récits dont on n'a pas d'équivalent dans notre tradition. Une présentation des récits et une « note • des traductrices expliquant brièvement leur travail de choix et de traduction complète bien le recueil. Une belle introduction à un mode de pensée si différent et si proche.

C Contes chinois / Dana et Milada Stovickova ; ill. Eva Bednarova. - Griind, 1997 (Légendes et contes de tous les pays) 9-13 ans Trente-sept contes féeriques ou satiriques, histoires d'animaux, de paysans et de méchants seigneurs.

C Contes chinois : Le Bouvier et la tisserande / choix et trad. Lisa Bresner ; ill. Aurore de La Morinerie. - L'École des loisirs, 2000 (Neuf) À partir de 9 ans Une longue et belle version de l'un des contes chinois les plus connus, suivi de plusieurs autres histoires.

R Le Chat de l'empereur de Chine / Evelyne Brisou-Pellen ; ill. Boiry. - Milan, 2002 (Milan poche Cadet plus ; Aventure) À partir de 9 ans La famine menace, les provisions que l'empereur devait faire distribuer ont disparu... Le jeune batelier Quian est sauvé par un magnifique chat roux et doré qu'il trouve dans la cargaison de riz qu'on lui a demandé de transporter discrète- ment la nuit.

BD Les Aventures de Tintin. 5 : Le Lotus bleu / Hergé. - Casterman, 1996 À partir de 7 ans Suite de l'enquête sur le gang de l'opium, commencée dans Les Cigares du pharaon, l'occasion pour Tintin et Hergé d'une extraordinaire rencontre avec la Chine occupée par les grandes puissances, à travers le personnage de Tchang.

BD Lucky Luke. 41. L'Héritage de Rantanplan / René Goscinny ; ill. Morris. - Dargaud, 197 À partir de 7 ans Rantanplan hérite de l'immense fortune d'Oggie Svenson. Entre les Chinois de Virginia City qui ne veulent pas du patron-chien, et Joe Dalton, héritier alternatif, Lucky Luke a fort à faire. Une vision humoristique de l'immigration chi- noise dans l'Ouest américain.

BD Jeannette Pointu. 14 : Le Grand panda/ Marc Wasterlain. - Dupuis, 1999 7-12 ans Jeannette Pointu est photographe et elle parcourt le monde. Dans cette aventure elle se retrouve au fin fond de la Chine sur les traces d'un bébé panda et d'un extraterrestre caché dans son collier.

BD Yoko Tsuno. 16 : Le Dragon de Hong Kong / Roger Leloup. - Dupuis, 1986 ; 22 : La Jonque céleste. - Dupuis, 1998 ; 23 : La Pagode des brumes. - Dupuis, 2001 7-13 ans La jeune aventurière scientifique japonaise voyage dans le temps et dans la Chine impériale pour sauver des petites filles et affronte monstres technologiques et ambitions humaines.

dossier /N°215-LAREVUEDESUVR£SP0URENFANTS BD Alix. 17 : L'Empereur de Chine / Jacques Martin. - Casterman, 2003 À partir de 9 ans Le jeune gallo-romain, envoyé en ambassade en Chine, est pris dans les intrigues du palais impérial. Il se lie avec le prince héritier, jeune poète malade.

D Tangram / Daniel Picon. - Mango, 1997 (Livre-jeu) À partir de 8 ans Le tangram est un jeu d'origine chinoise qui n'utilise que sept pièces (fournies avec le livre) pour réaliser plus de mille figures. Daniel Picon a classé ses puzzles par thèmes : animaux, architectures, bateaux, nature, personnages... et donne les solutions en fin d'ouvrage.

D Cerfs-volants / Game Caldecott ; trad. Dominique Heliès ; photogr. Chris Fairclough . - Dessain et Tolra, 1993 (C'est la fête ; Premiers pas) 9-12 ans La Chine est le pays du cerf-volant. On trouvera dans ce livre six modèles de cerfs-volants représentatifs de l'évolution des techniques et classés par niveaux de difficulté. Avec, en guise de conclusion, une petite histoire du cerf-volant.

D La Chine / Tao Wang. - Bayard Jeunesse, 1996 (J'explore) [Épuisé] 9-12 ans Les empereurs, la découverte du pays par l'Occident, mais aussi les débuts de la Chine moderne, la littérature... : texte clair et solide.

Pour les adolescents

- CL'Épopée du roi Singe/ Pascal Fauliot. - Casterman, 2000 (Épopées). À partir de 11 ans Adaptation française de la plus populaire des épopées chinoises, à partir de la tradition orale et de versions littéraires, avec le souci de donner une idée du contenu philosophique de la légende.

R L'École des vers à soie / Huang Beijia ; trad. Patricia Batto et Gao Tian Hua. - Philippe Picquier, 2003 (Picquier Jeunesse) 11-12 ans Des difficultés d'une fille unique de 11 ans, Jin Ling, dans une famille d'intellectuels en Chine quand on doit impérativement entrer dans un bon collège pour pouvoir accéder à un bon lycée et une bonne univer- sité ensuite.

R Le Thé aux huit trésors / Anne Thiollier. - Hachette Jeunesse, 2002 (Le Livre de poche Jeunesse ; Histoires de vies) À partir de 11 ans Dans un Pékin contemporain en pleine transformation, Yu Mei, qui vit avec sa grand-mère se trouve confrontée à l'his- toire récente du pays. Son père qu'elle croyait mort en déportation à la suite des événements de Tien Anmen réappa- raît d'une lointaine province où il a fondé une nouvelle famille.

R Haoyou, fils du ciel / Géraldine McCaughrean ; trad. Philippe Morgaut. - Gallimard Jeunesse, 2003 (Folio junior) 12-15 ans Dans la Chine ancienne, au temps de l'invasion mongole, les traditions et les coutumes étaient parfois terribles. Le père de Haoyou est mort sous les yeux de l'enfant, victime du « test du vent », qui consiste à accrocher un homme à un cerf- volant.

R Je suis née en Chine / Jean Fritz ; ill. Margot Tones. - Père Castor Flammarion, 1987 (Castor poche Senior) À partir de 12 ans L'enfance d'une petite américaine, en Chine, pendant la période troublée des seigneurs de la guerre (1920- 1929). Un point de vue intéressant sur les petites communautés blanches des concessions chinoises et un récit que la personnalité de Jean, en quête de son identité, rend attachant.

LAREVUEDESLIVRESP0URENFANTS-N°215/ |dossier BD Chinaman. Tomes 1 à 6 / Serge Le Tendre ; ill. Olivier TaDuc. - Humanoïdes AsSOCiés, 2000 À partir de 11 ans Membre des triades chinoises, en fuite dans l'Ouest américain, Chinaman est poursuivi par ses anciens maîtres et cherche la paix, malgré l'intolérance et les dangers. Vision réaliste de l'immigration en Californie, avec le souffle de l'aventure.

BDFils de Chine/ Roger Lecureux ; ill. Paul Gillon. - Glénat, 1978 (Les Grands clas- siques de la BD) [Épuisé] À partir de 12 ans Dans « Vaillant », entre 1950 et 1953, les auteurs publient ce monument de la BD qui conte la Longue marche et les débuts de la Chine révolutionnaire communiste à travers le personnage du jeune Tao.

BD Corto Maltese. La Jeunesse de Corto. Corto Maltese en Sibérie / Hugo Pratt. - Casterman, 2001 (Roman BD (à suivre)) À partir de 12 ans 1904, la guerre russo-japonaise en Mandchourie. 1919, guerre civile et révolution, de la Sibérie à Shangaï. Corto, flanqué de Raspoutine, rencontre réfugiés, aventuriers, contrebandiers et sociétés secrètes, dont Les Lanternes Rouges de la belle Changhaï Li. Hugo Pratt joue avec les mythes littéraires et historiques.

D Le Taoïsme : Comment Lu Dongbin devint immortel / Marie Holzman ; ill. Chao- Pao Chen. - Gallimard Jeunesse, 1995 (Les Contes du ciel et de la terre) [Épuisé] 9-14 ans Une invitation à découvrir le taoïsme et la voie de la sagesse enseignée par Lu Dongbin. Intéressant notamment pour ce que le volume nous apprend de la religion chinoise, religion syncrétique qui mêle des éléments du taoïsme, du confucianisme et du bouddhisme.

D La Chine des empereurs / Arthur Cotterell ; adapt. Dorothée Sentz-Michel ; photogr. Alan Hills et Geoff Brightling. - Gallimard Jeunesse, 1994 (Les Yeux de la découverte) 10-13 ans Une vaste fresque en images sur l'histoire de la Chine et sa civilisation, avec des repères chronologiques bienvenus pour se retrouver dans les grandes périodes.

D Confucius / Cyrille J.D. Javary ; ill. Frédéric Clément. - La Joie de lire, 1997 (Connus, méconnus) À partir de 10 ans Construit comme une histoire parsemée des paroles du Maître, l'ouvrage donne le ton de la pensée de Confucius, de sa vie. Le tout est parfaitement soutenu par les illustrations et quelques calligraphies chinoises.

D La Grande muraille de Chine / François Michel ; ill. Yves Larvor. - Actes Sud Junior, 2000 (L'Univers en relief) À partir de 10 ans Composé d'une page unique, cet ouvrage propose une construction en relief de la Grande muraille de Chine. Sur les bords, un rabat apporte des commentaires historiques, des précisions sur l'édification du monument et sur la civilisa- tion dans laquelle il s'inscrit.

D Lun et Lulu cuisinent chinois / Maït Foulkes ; ill. Katarina Axelsson. - Picquier Jeunesse, 2003 À partir de 10 ans Plus qu'un manuel, cet ouvrage est une initiation et une invitation à la cuisine chinoise. Des recettes s'enchâssent dans un récit qui met en scène deux enfants, Lucien, dit Lulu et Lan. Leur rencontre et leur amitié servent de prétexte pour faire découvrir le monde de Lan et toute la culture chinoise attachée à la nourriture.

D Ma Yan qui voulait aller à l'école / Ma Yan et Pierre Haski ; sous la dir. de Françoise Samson ; ill. Elène Usdin. - Ramsay Jeunesse, 2003 À partir de 10 ans Voici le vrai journal de Ma Yan, 13 ans. Elle habite une communauté rurale musulmane dans une région déshéritée du Nord- Ouest de la Chine, le Ningxia. C'est la chronique de presque une année au quotidien : l'école, la famille, le village, la faim... Des doubles pages thématiques sur l'histoire, la société et la culture sont intercalées dans le récit.

/N°215-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS dossier / CD-Rom Chine, intrigue dans la Cité interdite. - Cryo, Wanted Game, 2003 À partir de 12 ans Intrigue policière en 3D dans la Cité impériale. Retrouverez-vous l'assassin du favori de l'impératrice douairière ? Découverte ludique, très documentée.

Pour les grands adolescents

C Chroniques de l'étrange / Pu Songling ; trad. André Lévy. - Picquier, 1999 (Picquier poche) À partir de 14 ans Anthologie de contes fantastiques chinois.

R Mille pièces d'or / Ruthanne Lum McCunn ; trad. Michèle Poslaniec. - L'École des loisirs, 1989 (Médium) À partir de 13 ans Comment Lalu, jeune Chinoise du XIXe siècle vendue pour mille pièces d'or, va devenir l'esclave d'un chinois tenancier d'un saloon aux États-Unis, puis être gagnée au poker par son mari.

R Que cent fleurs s'épanouissent / Feng JiCai. - Gallimard Jeunesse, 2003 (Scripto) À partir de 13 ans Dans la Chine de Mao, les souffrances et les humiliations que subit un jeune artiste lors de la révolution culturelle et comment la foi en son art lui donne la force de survivre.

R Des Gens tout simples / Feng JiCai ; trad. Marie-France de Mirbeck. - Seuil, 1995 (Fictions) À partir de 14 ans Six courts récits mettent en scène les petites gens de la Chine d'aujourd'hui. Dans une écriture sobre et délicate, ils montrent comment, dans les tumultes de l'Histoire, chacun vit son drame personnel, parfois cocasse, parfois tragique, toujours émouvant.

R L'Initiation / Malcolm Bosse ; trad. Eisa Naouri. - L'École des loisirs, 1995 (Médium) [Épuisé] À partir de 14 ans Le long voyage de deux frères, à travers la Chine du XVIe siècle, depuis leur petit village jusqu'à la cour de l'empe- reur : un parcours initiatique qui est aussi une passionnante aventure, pleine de rencontres et de découvertes.

BD Le Moine fou/ Vink. - Dargaud, 1984- [série. 11 volumes] et Les Voyages d'He Pao / Vink. - Dargaud, 2000- [Série] À partir de 13 ans Dans la Chine du Moyen Âge, l'Européenne He Pao a été initiée à un art martial d'une telle force qu'il en devient dan- gereux pour elle... Les chemins de la connaissance et du souvenir croisent vite ceux de l'aventure, dans une Chine des montagnes et des monastères fascinante.

BD Stratège / Kenichi Sakemi ; collab. Sentaro Kubota ; ill. Hideli Mori. - Tonkam, 1999- [Série. 11 VOl.] À partir de 14 ans Tiré d'un roman de Ken-ichi Sakomi, ce manga se passe en Chine, il y a 2300 ans. Le héros, Keri, se bat contre les sei- gneurs de la guerre et ses anciens amis pour défendre les plus faibles. Il nous entraîne dans les voies de la justice et de la sagesse.

CD-Rom Mystère au Palais d'été. La jardin légendaire des empereurs de Chine / Lifeng Wang ; Jack Chu ; Chiu Ray ; Che Bing. - Syrinx / Xing Xing, 1999 À partir de 13 ans Une reconstitution remarquable des jardins et temples du Palais d'été, résidence légendaire des empereurs, détruite par les Européens en 1860, avec une intrigue intelligente basée sur des énigmes.

LAREVUED£SLIVRESPOURENFANT$-N0215/ dossier