Le Magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 Numéro 57

COP 24 L’AfRIqUE RENTRE bREDOUILLE

LE CAMEROUN A UN CODE DE L’ENVIRONNEMENT

Editorial

CLIMAT : LE MONDE AVANCE A RECULONS révèlent la fragilité intrinsèque A Katowice, ils étaient presqu’ab- même de cet accord. sents des sièges durant les plé- En effet, les objectifs poursuivis nières, occupés à négocier en concernant la réduction des émis- coulisses le peu qui restait d’es- sions de gaz à effet de serre, et le poirs pour sauver le bassin du caractère non contraignant des ar- Congo, le Lac Tchad ou le Sahel. ticles, ne pouvaient conduire L'accord de Paris prévoyait de qu’aux conclusions faibles de Ka- contenir d'ici à 2100 le réchauffe- towice (lire dossier Cop 24). ment climatique « bien en-dessous Sans engagement fort de la part de 2 °C par rapport aux niveaux des pays et sans coercition au- préindustriels » et si possible de Par Michel NGAPANOUN cune. Ce faisant, chacun va à sa viser à « poursuivre les efforts pour guise quant aux émissions de gaz limiter la hausse des températures à effet de serre, quant à la taxe car- à 1,5 °C » ! Katowice, en Pologne, les bone et quant aux engagements Certes la démarche adoptée pour 12, 13 et 14 décembre der- solidaires inclus dans l’Accord de cet accord était fortement em- Aniers, une fois de plus, la preinte de pragmatisme à l'anglo- planète était réunie au chevet de saxonne (c'est-à-dire qu'il s'agit la terre. Elle écoutait sa respiration. d'une déclaration d'intention, sans Entendait le bruit des soufflets dans A Katowice, les Africains aucune mesure coercitive) : pas les fours des usines de charbon, étaient presqu’absents des d'amende ni mesure de rétorsion ; qui ont fait la prospérité de cette le protocole de Kyoto en prévoyait petite ville de 300 000 habitants qui ‘‘sièges durant les plénières, mais cela n’a jamais rien donné ! fait vivre près de trois millions occupés à négocier en Mais à Katowice malgré un rapport d’âmes. alarmant du GIEC sur la dégrada- La tenue de la Cop 24 à Katowice coulisses le peu qui restait tion accélérée du climat, les gou- est donc tout un symbole. Une ville d’espoirs pour sauver le vernants du monde, ces maitres de minière pour réduire les émissions la terre, se sont contentés de de gaz à effet de serre. Comme un bassin du Congo, le Lac quelques poignées de main bien retour progressif à la case carbone Tchad ou le Sahel. molles sans sauver la planète. après les avancées du protocole de Or sans logiques solidaires, il est Kyoto qui introduisait pourtant de impossible de neutraliser les effets nouveaux paradigmes devant ré- nocifs des énergies fossiles dont genter les relations entre les na- Kyoto à propos du principe « pol- l'exploitation a rendu la terre ex- tions. lueur-payeur ». sangue et les ressources rares. Avec l’élaboration des concepts de Les pays africains ont mis du Katowice a montré les limites d’un solidarité, de responsabilité assu- temps avant de ratifier’’ l’accord Accord de Paris sans doute prag- més, partagés mais différenciés. (entre deux à trois ans après la si- matique, mais qui a laissé les Etats Car trois ans après la signature de gnature), mais il n’y a eu aucune dans la logique de leurs égoïsmes l’Accord de Paris en 2015, les mesure politique effective qui s’en souverains. C’est pour cela que le conclusions des Etats à Katowice est suivie. monde avance à reculons.

Bosangi une publication de Hysacam Directeur de publication Secrétaire de rédaction Direction artistique B.P : 1420 Douala. Michel NgaPaNOuN Innocent EBODE Valentin OMBIBI Tél. +237 233 37 44 14 Ont participé à ce numéro : Marque Plus Fax : +237 233 37 47 73 Rédacteur en chef Janvier NgwaNza OwONO, Jean Loîc Tél : +237 696 69 84 02 B.P. : 781 Yaoundé garba aHMaDOu aMOugOu, Eric Vincent FOMO, Jator NJENYu, [email protected] Tél. +237 222 22 13 79 Boris NgOuNOu, Jean Celestin Fax : +237 222 22 53 44 EDJaNguE Impression : Print Industry Tél : +237 233 42 63 93

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 3 Sommaire

6-11 Actualité 6. recyclage 2.0, UNE STArT-UP PrOPOSE UNE COLLECTE INTELLIGENTE DES DECHETS par Janvier NGWANZA OWONO 7. Pré-collecte des ordures ménagères, TrOIS ENTrEPrISES ENTrENT EN JEU A DOUALA par Jean Loïc AMOUGOU 9. reporterre, UN SITE D’INFOrMATION ENGAGE DANS LE COMBAT ECOLOGIQUE, par Boris NGOUNOU 10-11.Justice climatique, VErS UNE PLAINTE CONTrE L'ETAT FrANÇAIS, par Jean-Célestin EDJANGUE à Paris

12-21 Dossier La COP 24 N’a PaS TENu La PROMESSE DES FLEuRS Du Lundi 3 décembre au Samedi 15 décembre 2018, la ville de Katowice, en 15 Pologne, a abrité la COP 24. Malgré l’accueil convivial, les questions importantes, les résolutions de la Cop 24 ne semblent pas avoir fait évoluer d’un iota les enga- gements de l’Accord de Paris. Bilan d’une Cop sans révélations.

13-14. KATOWICE, A HOST CITY OF COP24 by Jator NJENYU 15-16. COP 24 ENTrE ENJEUx ET OBJECTIFS, UN JEU DE YOYO ! par Jean-Célestin EDJANGUE 17. LES « GrANDS » DU MONDE ONT MANQUE A L’APPEL par Eric Vincent FOMO 18. PrESENCE DISCrETE DES DELEGATIONS AFrICAINES par Janvier NGWANZA 19-20. GrEEN FUNDS DrY UP FOr DEVELOPING COUNTrIES par Janvier NGWANZA 21. résolutions de la COP 24, DES LENDEMAINS PLUS SûrS VErS L’ATTEINTE DE L’OBJECTIF DE 1,5 °C par Boris NGOUNOU

4 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 23-25 23 Evènement 1. UN CODE DE L’ENVIrONNEMENT VOIT LE JOUr AU CAMErOUN par Boris NGOUNOU

2. Germany, DEADLOCK IN rADIOACTIVE WASTE by Jator NJENYU

3. L’ATLANTIQUE ENGLOUTIT SAINT-LOUIS DU SENEGAL par Janvier NGWANZA OWONO

« Code de l’environnement au Cameroun, 26 codification-compilation » a été édité en décembre 2018 chez Panthéon. L’ouvrage disponible en 3 Nouvelles d’ailleurs tomes d’environ 100 textes chacun, permet de Assainissement, ABIDJAN FAIT SA MUE par Eric Vincent FOMO mieux appréhender, les mécanismes de la règle- mentation des questions environnementales et de développement durable au Cameroun. 27-28 27 Réflexions France, LES GILETS JAUNES S'INVITENT DANS LE DEBAT PUBLIC par Jean-Célestin EDJANGUE

29 Regards Conakry, L’EPINEUx PrOBLEME DE L’INSALUBrITE par Jean Loïc AMOUGOU france, LES GILETS JAUNES 30 Carte postale 31 Conakry

31 Portrait Louise Mushikiwabo, DE LA DIPLOMATIE A LA FrANCOPHONIE par Eric Vincent FOMO 33 Note de lecture

Louise Mushikiwabo, LES HErOS DE L’ENVIrONNEMENT par Jean-Célestin EDJANGUE DE LA DIPLOMATIE A LA fRANCOPHONIE

L’interprète de formation âgée de 57 ans vient d’ajouter une corde à son arc : celle de secrétaire 34 général de l’Organisation Internationale de la Francophonie. forum des lecteurs

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Recyclage 2.0 UNE START-UP PROPOSE UNE COLLECTE INTELLIGENTE DES DECHETS

Lancé en 2016, COLIBa répond à une problématique simple : comment gérer les tonnes de déchets plastiques qui s’accumulent ? L’entre- prise a mis en place via une plateforme un programme de collecte d’ordures. Elle effectue alors le tri des déchets et offre aux utilisa- teurs la possibilité d’en tirer profit (argent, matériels de tri d’ordures, kits scolaires).

Janvier NGWANZA OWONO

ne tonne de déchets collectés A titre illustratif au Nigéria, les activi- (DEHP). Enfin son faible coût rend chaque mois. COLIBA tra- tés de recyclage des déchets de la son utilisation massive et jetable. Uvaille exclusivement avec des région de Lagos génèrent chaque L’objectif de COLIBA dans les pro- femmes dans son centre de tri. Un année plus de 250 millions de dollars chains mois est de déployer le projet choix justifié par le fait que ce sont de revenus. Cependant, la même à Abidjan dans les 10 communes de des personnes vulnérables, plus ex- condition ne s'applique pas aux au- la ville. Mais COLIBA ne s’arrête pas posées à la pauvreté. L’engagement tres pays d'Afrique de l'Ouest, car la là ! L’entreprise doit s’implanter aussi de l’entreprise est de leur permettre plupart de ces entreprises ne dispo- dans deux villes majeures d’Afrique de se sentir plus autonomes. saient pas d’un volume suffisant de de l’Ouest : Lomé et Lagos. En Côte COLIBA s’adresse aux ménages, déchets solides à traiter et à exporter d’Ivoire et au Ghana, il n’existe pas restaurants, hôtels, écoles, marchés, vers les marchés internationaux tels encore de startup spécialisée dans la centres commerciaux, et tout autre que l’Inde et la Chine. COLIBA est gestion des déchets. producteur habituel ou ponctuel d’or- déterminée à saisir cette opportunité En revanche, des circuits de récupé- dures. Ainsi que tous ceux qui veu- pour fournir un approvisionnement ration informels (des filières plus ou lent profiter de la collecte des cohérent et fiable en déchets à des moins organisées où des femmes font ordures. COLIBA revalorise ainsi les entreprises de recyclage à un prix du porte à porte pour collecter des déchets plastiques et participe à la compétitif. bouteilles en plastiques et les reven- préservation de l’environnement. En dre) sont mis en place dans des condi- effet, elle permet de réduire de ma- En effet, l’initiative s’inscrit dans le tions peu satisfaisantes (le tri nière mesurable ces déchets. cadre du projet ville durable initié par directement dans les poubelles ou dé- Le marché du recyclage des déchets le gouvernement ivoirien. Car ne charges). COLIBA, propose aux usa- plastiques en Côte d’Ivoire est estimé l’oublions pas, les déchets plas- gers africains une solution innovante à plus de 120 milliards de FCFA soit tiques ont un impact nocif sur la pour la collecte de leurs déchets plas- plus de 180 millions d’euros, selon santé et l’environnement. S’il n’est tiques qu’elle revend parfois à des en- l’Agence nationale de la salubrité ur- pas recyclé, il finit dans la nature et treprises de recyclage. baine (ANASUr). L’entreprise prévoit les océans, souvent ingérés par les L’avenir s’annonce propice à cette de capturer 300 tonnes de déchets animaux. Au niveau santé, de ré- initiative. En effet, avec une capture plastiques/mois. Soit 15% des dé- centes études ont démontré les ef- de 300 tonnes de déchets par mois chets plastiques dans la ville d’Abid- fets nocifs du plastique sur le corps sur 10 communes de la ville d’Abid- jan. L’objectif est d’implanter la humain (diminution de la fertilité jan, les 3 ans à venir verront une solution partout dans le pays. CO- chez l’homme par exemple). Essen- marge de croissance de plus 20 % LIBA tient à saisir les opportunités tiellement dû à deux composés poin- de l’activité. L’entreprise espère ainsi économiques liées au recyclage de tés du doigt : le bisphénol (BPA) et réaliser en Côte d’Ivoire un chiffre déchets solides. le palatale de di-2-éthylhexyle d’affaire en millions d’euros…

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Pré-collecte des ordures ménagères TROIS ENTREPRISES ENTRENT EN JEU A DOUALA Elles interviendront dans le cadre de la pré-collecte les ordures ménagères dans certains ar- rondissements de la ville de Douala à accès difficile.

Jean Loïc AMOUGOU

ameroun Alert System, Buil Pa budget alloué au ramassage des or- réseaux informels de distribution Busco et Genelcam, sont les dures ménagères. A l’issue de la ses- d’eau et d’électricité, ont été analysés Ctrois entreprises auxquelles la sion ordinaire du conseil du 4e dans les villes africaines comme l’ex- Communauté urbaine de Douala a at- trimestre consacré au vote du budget pression d’un modèle composite dans tribué le marché de la pré-collecte le 4 de l’exercice 2018 de la ville de lequel le réseau cohabite avec les ex- septembre 2018. Douala, en décembre 2017, le budget tensions non conventionnelles de son Le montant des transactions s’élève à alloué à la gestion des déchets géné- propre système sociotechnique et des 1,4 milliards de FCFA pour une pé- rés par Hysacam a augmenté de 600 fonctionnalités hors réseau. riode de 14 mois. Un montant qui est millions de FCFA dans les prévisions Ces offres alternatives de services en réparti en quatre lots. Le premier lot et budgétaires de 2018. milieu urbain africain, sont flexibles, et le troisième lot sont affectés à Came- La marginalité de certains quartiers s’adaptent à l’évolution urbaine et roun Alert System sarl pour un mon- dans l’accès au système formel de sont surtout destinées aux popula- tant de 872 millions de FCFA. Les 2e gestion des déchets a favorisé le dé- tions pauvres. La pré-collecte comme et 4e lots sont affectés respective- veloppement d’un service parallèle de activité populaire et informelle reste ment à Buil pla Bus Co et Groupe- collecte des ordures auprès des mé- stigmatisée par les pouvoirs publics ment Genelcam pour un montant de nages en Afrique sub-saharienne. Il comme dangereuse et polluante. 245 et 287 millions chacun. s’agit de la pré-collecte. Pourtant on se rend compte sur le ter- Ces entreprises vont intervenir dans C’est une opération qui consiste à rain qu’elle a des enjeux multiples sur les zones d’accès difficiles qui ne sont rassembler les déchets dans des ré- le plan socioéconomique, environne- pas desservies par Hysacam, le prin- cipients ou des véhicules à traction mental et permet surtout au système cipal opérateur de la propreté urbaine humaine ou animale pour leur chemi- urbain de gestion des déchets de au Cameroun. Elles vont acheminer nement depuis leur lieu de production fonctionner et de limiter les risques re- ces déchets issus des zones encla- jusqu’au lieu de prise en charge par le latifs à l’hygiène et à la salubrité. vées vers les points de passage des service de collecte officiel. L’entrée en jeu de trois sociétés de camions d’Hysacam. Ce système permet d’universaliser la pré-collecte à Douala, en plus de ce Il faut dire que en vue de l’assainisse- collecte des déchets dans plusieurs que fait déjà Hysacam l’opérateur ment de la capitale économique du villes africaines comme Dakar, Coto- historique qui agit dans la ville de- Cameroun, la Communauté urbaine nou, Abidjan et Lomé. Ce service al- puis 50 ans, va avoir une incidence de Douala avait revu à la hausse son ternatif, et bien d’autres tels que les plurielle.

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 7 Actualité Reporterre UN SITE D’INfORMATION ENGAGé DANS LE COMbAT ECOLOGIqUE au confluent entre le militantisme et la déontologie journalistique, Reporterre se consa- cre au traitement de l’actualité sur l’environnement. Ce site d’information français contri- bue ainsi à la mise en lumière des questions environnementales, dans un contexte mondial où les médias y accordent peu d’intérêt.

Boris NGOUNOU

endredi 21 décembre Le 28 novembre 2013, le site a ment en janvier 2013. Elle est 2018, un reportage, inti- marqué un tournant décisif présidée par Olivier Mugler et Vtulé «Paroles d’Amérin- dans sa vocation à informer sur animée par un conseil d’admi- diens sur la Montagne d’or, en les liens entre la crise écolo- nistration composé de béné- Guyane », est publié sur le site gique, les injustices sociales, en voles. Ce conseil prend les reporterre. La vidéo d’une publiant le premier reportage de décisions importantes sur durée 5 minutes et 43 se- la presse française sur l’opposi- l’orientation du site, et assure la condes, présente les raisons de tion au projet de barrage de Si- gestion de ses activités. Le ré- la contestation au tour du projet vens, dans la vallée du Testet dacteur en chef du site est minier de la Montagne d’or, (Tarn). rémi Fraisse, jeune bo- Hervé Kempf, qui est égale- dans l’ouest de la Guyane (une taniste de 21 ans, bénévole de ment directeur de la publication. région d'outre-mer française si- Nature Midi-Pyrénées, a été tué La rédaction permanente est tuée sur la côte nord-est de dans cette contestation en oc- enrichie par la collaboration l'Amérique du Sud). Des amé- tobre 2014 par une grenade of- ponctuelle de journalistes indé- rindiens, populations autoch- fensive de la gendarmerie pour pendants, de photographes et tones, regroupées au sein du avoir manifesté contre le bar- d’illustrateurs. collectif. Hors de question, dé- rage. Le traitement de cette ac- Il n’y a jamais eu autant de noncent le mépris fait à leur tualité a permis au site de se monde à lire reporterre, le site égard par les porteurs d’un pro- faire une crédibilité journalis- reçoit plus de 15 000 visiteurs jet dont l’aboutissement aurait tique et à accroitre son lectorat. par jour. de grave conséquent sur l’envi- reporterre est en effet le pre- Le journal vit à 68 % des dons ronnement (déforestation et mier magazine français sur de ses lecteurs pour un budget gouffre à hydrocarbures, soit 44 l’écologie à paraitre depuis La de 27 000 € par mois et une pu- millions de litres de carburants Gueule ouverte et Le Sauvage. blication quotidienne de cinq ar- par an). Sa parution en 1989 témoigne ticles. Actuellement, reporterre Mais dans son habituel dévoue- du réveil de l’écologie en est animé par cinq journalistes ment pour les causes écolo- France. Le titre vend alors en professionnels, et deux salariés giques, l’auteur de ce reportage, moyenne 26 000 exemplaires en charge de son développe- Stéphane Trouille, journaliste par mois et compte jusqu'à 4 ment. Les dons permettent de reporter d’images et activiste, 400 abonnés payants. Mais l'in- rémunérer ces professionnels est interpelé le 8 décembre suffisance des moyens finan- qui font la qualité du journal, et 2018 à Valence, lors d’une ma- ciers l'oblige à s’arrêter. Car de financer les besoins logis- nifestation des Gilets jaunes. Il contrairement à une majorité de tiques et administratifs, comme s’était opposé à une violence médias, le journal n’affiche au- la location de nos bureaux, policière. Lors de son procès le cune publicité. l’achat de matériel profession- 26 décembre, il a été condamné En 2007, reporterre est re- nel, et la réalisation des en- à 12 mois de prison ferme. C’est lancé sur internet. Le quotidien quêtes de terrain. L’objectif peut-être triste sort, et pourtant de l’écologie est piloté et géré économique de reporterre est les journalistes de reporterre par La Pile (Association pour de vivre à 100 % du soutien de semblent s’y être accommodés une presse indépendante, libre ses lecteurs, avec un avenir as- depuis belle lurette. et écologique), créée officielle- suré par des dons mensuels.

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Africités 2018 LES COLLECTIVITES LOCALES SUR LE fRONT DU DEVELOPPEMENT DURAbLE Le Sommet de Marrakech a engagé les parties prenantes à engager des politiques et stratégies de développement orientées vers la préservation de l’environnement et la lutte contre le changement climatique.

Eric Vincent FOMO

« La transition vers les villes et ter- ritoires durables : le rôle des col- lectivités territoriales d’afrique ». C’est sous ce thème que s’est célé- bré le 8e Sommet international des cités et collectivités territoriales d’Afrique « Salon Africités », à Mar- rakech au Maroc du 20 au 24 no- vembre 2018. Les travaux se sont clôturés avec l’adoption de la Décla- ration d’Africités-8. Déclaration dans laquelle il est important, pour les maires, les experts, les élus, les res- ponsables gouvernementaux, les parlementaires, les organisations de la société civile, les universités et le secteur privé, de prendre plu- sieurs mesures afin de réaliser les d’inviter le monde pour édifier un ment, d’échanger les expériences et changements souhaités dans les futur durable pour tous les Africains. de diffuser les bonnes pratiques villes et cités africaines. En ce qui Dans ce registre, l'Afrique locale in- communales dans une approche concerne notamment le développe- carne le futur de l’Afrique que nous win-win. ment durable, l’Afrique doit définir et voulons tous, une Afrique dévelop- Le Sommet Africités 2018 a enfin mettre en œuvre des politiques et pée et prospère, a-t-il précisé. Pour permis de lancer officiellement la stratégies de développement, d’in- relever les défis du développement campagne africaine « Pour des tégration et de coopération pour durable, l’Afrique doit donner un villes africaines sans enfants en si- une contribution plus importante coup d’accélérateur au processus tuations de rue ». L’initiative du ré- des collectivités territoriales du de décentralisation. « Il est impéra- seau des Femmes Elues Locales continent. Alors que la plupart des tif que la dynamique de décentrali- d’Afrique place l’enfance au cœur villes africaines sont confrontées à sation qui semble en panne dans de de la politique urbaine du continent une urbanisation massive et à d’au- nombreux pays africains puisse non et s’inscrit dans l’agenda universel tres défis liés notamment à l’accès à seulement être effective, mais aussi des Objectifs du Développement l’eau et assainissement, au loge- et surtout relancée », a confié la durable (ODD 2030). 20 villes ment…, une mise au vert est néces- présidente de l’organisation d’Afrique ont déjà souscrit à cette saire pour limiter les émissions de CGLUA, rose Christiane Ossouka- campagne. Selon le commissariat carbone, principaux vecteurs du raponda, par ailleurs maire de Li- général du Salon, l’édition 2018, changement climatique. breville au Gabon. La coopération c’est au total 8 300 participants en- Le secrétaire général de l’organisa- décentralisée est tout aussi impor- viron et représentant plus de 77 tion Cités et Gouvernements locaux tante. Ce mécanisme, s’il est mis en pays, dont 53 pays africains et près unis d’Afrique (CGLUA), Jean- place, constituera un cadre de dia- de 3 000 élus locaux, maires et au- Pierre Elong Mbassi, a d’ailleurs logue et de communication entre tres leaders des collectivités territo- souligné que le Sommet Africités de élus et acteurs locaux, de manière riales. La 9e édition du « Salon Marrakech a donné l’occasion à à permettre de tisser des relations Africités » se tiendra en 2021, à Ki- l’Afrique d’inventer son avenir et autour d’initiatives de développe- sumu au Kenya.

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Justice climatique VERS UNE PLAINTE CONTRE L'ETAT fRANÇAIS une pétition lancée en ligne, par quatre Organisations non gouvernementales(ONg) et des personnalités de la société civile, mi-décembre 2018, sur l'«inaction du gouvernement» en matière de lutte contre le réchauffement climatique, a recueilli plus de 1, 7 million de signatures en une semaine. Ses initiateurs veulent saisir le tribunal administratif de Paris pour «forcer les pouvoirs publics à agir contre les émissions de gaz à effet de serre». une démarche citoyenne qui prend un caractère historique.

Jean-Célestin EDJANGUE à Paris

«C'est du jamais vu dans une mo- bilisation online sur le climat. La preuve que l'union fait la force». Cyril Dion, célèbre réalisateur du film «Demain» et l'un des signa- taires de la pétition lancée en ligne pour «contraindre les autorités fran- çaises à agir» contre le réchauffe- ment climatique, peut exprimer sa satisfaction, précisant que «La Fon- dation pour la Nature et l'homme, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France souhaitaient un électrochoc. Il a eu lieu.» Et de quelle manière! L'ancien ministre François Mitterrand. Plus de trente comptes à l'Etat pour son inaction d'Etat, ministre de la Transition éco- ans après, Nicolas Hulot l'a rigou- climatique, c'est historique. Emma- logique et solidaire, Nicolas Hulot, reusement appliquée, estimant nuel Macron ne peut plus se qui a démission avec fracas pour sans doute que la transition écolo- contenter d'effets de manche sur le «désaccords avec plusieurs me- gique proclamée dans des discours climat». Même son de cloche du sures prises par l'exécutif», quinze politiques et clientélistes restait, en côté de chez Oxfam France dont la mois seulement après sa nomina- réalité, une simple vue d'esprit. présidente, Cécile Duflot, ancienne tion dans le gouvernement «Une adhésion citoyenne inédite» ministre du Logement et de l'Egalité d'Edouard Philippe, semble avoir re- Pour les quatre associations qui ont des territoires de François Hollande, trouvé toute sa verve, se félicitant lancé la pétition en ligne, la partici- considère que l'opération en elle- de ce que l'action initiée par les qua- pation des populations est allée même «est déjà un événement iné- tre ONG a largement dépassé son bien au-delà de ce qui était attendu dit». Elle qui a annoncé en 2017 objectif: «La mobilisation citoyenne avec plus d'un million de réponses qu'elle abandonnait la politique, est à saluer et ne demande qu'à enregistrées en quelques jours seu- ayant perdu son mandat électif lors être concrétisée», souligne-t-il. Ni- lement. «C'est une mobilisation des élections législatives, semble colas Hulot ne boude pas son plai- d'une ampleur inédite en un temps apprécier de faire la politique autre- sir, lui qui a avalé bien des record, qui démontre l'évolution de ment, via la société civile. couleuvres quand il était membre la prise de conscience citoyenne, la rien d’étonnant alors que les qua- du gouvernement par solidarité soif de justice et la volonté d'actes tre ONG avancent des chiffres qui avec ses collègues ministres, fai- concrets sur le climat. Et elle ne fait peuvent donner le tournis. Le site sant sienne la maxime devenue cé- que commencer», affirme Jean- de la pétition en ligne a recueilli cer- lèbre de Jean-Pierre Chevènement. François Julliard, Directeur de tains jours jusqu'à 1,25 million de vi- «Un ministre, ça ferme sa gueule. Si Greenpeace France, avant de pour- sites uniques avec des pièces à 100 ça veut l'ouvrir, ça démissionne», suivre «un million de personnes et mille par heure! Quant à la vidéo qui avait lancé l'ancien ministre de sans doute plus demandent des l'accompagne et dans laquelle s'ex-

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priment des célébrités du monde du n'est pas dans un tribunal qu'on va lués» puisque nos portant que sur spectacle comme le comédien Elie faire baisser les émissions de gaz à deux polluants: les particules fines Sémoun, l'artiste Abd-al-Malik, l'ac- effet de serre». et l'ozone. En juillet 2017, le Conseil trice Juliette Binoche ou encore des «L'effet Urgenda aux Pays-Bas» d'Etat estimait que le non-respect You tubeurs extrêmement popu- Il n'est pas sûr que François de des valeurs limites en particules laires à l'instar de Mc Fly et Carlito, rugy suive bien l'actualité de la jus- fines et oxydes d'azote viole la di- elle a été vue par des millions de tice climatique et l'engouement rective sur la qualité de l'air et avait personnes sur Facebook. Green- qu'elle semble susciter de plus en alors sommé le gouvernement peace France, La Fondation pour la plus notamment en Europe. Sinon, d'adopter rapidement des plans né- Nature et l'Homme, Notre Affaire à il saurait que la Cour d'Appel de la cessaires pour y remédier. Une in- Tous et Oxfam France, des associa- Haye, aux Pays-Bas, a sommé le 9 jonction restée lettre morte, ce qui tions à l'origine de la pétition en octobre 2018, l'Etat hollandais à provoqua l'agacement des associa- ligne qui fait un tabac auprès des faire plus dans la lutte contre le ré- tions telles que Les Amis de la populations sensibles à la cause cli- chauffement climatique. Confirmant Terre: «le gouvernement continue matique, ont au préalable adressé ainsi le jugement pris en première d'ignorer cette décision de justice et une requête au gouvernement du instance, à savoir que les Pays-Bas tarde à prendre des mesures effi- Premier ministre, Edouard Philippe, doivent viser l'objectif de baisse de caces pour améliorer la qualité de et au Chef de l'Etat, Emmanuel Ma- 25% des émissions de CO2 d'ici l'air sur l'ensemble du territoire», cron, pour «carence fautive» et «ac- 2020 pour tenir ses obligations vis- s'insurgeaient-ils, insistant sur le fait tion défaillante» dans la lutte contre à-vis des néerlandais et du reste de que les pouvoirs publics, en optant les émissions de gaz à effet de la planète. L'action intentée par un pour l'élaboration des feuilles de serre (GES), tout cela dans le groupe de 886 citoyens a obtenu routes en lieu et place des mesures contexte des conclusions de la 24è l'appui de l'ONG Urgenda. urgentes et donc forcément immé- Conférence des Parties sur le cli- En France, même si l'idée d'un re- diates, sont d'emblée hors sujet. Ce mat(COP 24), à Katowice, en Po- cours juridique, contre l'Etat, des as- d'autant plus que ces feuilles de logne. sociations et personnalités people route n'ont pas davantage Nombreux sont d'ailleurs les obser- pour «inaction climatique» suite à convaincu la Commission euro- vateurs qui voient dans la démarche une pétition en ligne signée par plus péenne qui, à son tour, a formulé des initiateurs de la pétition en ligne, d'un million de citoyens est une devant la Cour de justice de l'Union la conséquence directe de la décep- grande première, l'Etat a souvent européenne(CJUE), un recours tion née du résultat de la COP 24, été poursuivis pour sa défaillance contre la France pour « non-respect même si les quatre ONG affirment en matière de protection de l'envi- des valeurs limites fixées pour le à qui veut les entendre que l'idée ronnement. dioxyde d'azote. La France n'ayant d'une action en justice contre l'Etat En juillet 2015, par exemple, 78 as- pas pu prouver, lors de l'ultimatum français mûrissait depuis plusieurs sociations avaient fait un recours qui lui a été servi un trimestre aupa- mois déjà. Dans tous les cas, une devant le Conseil d'Etat pour ravant, que des mesures urgentes réponse de l'Etat est attendue d'ici «contraindre le gouvernement à allaient effectivement être prises la mi-février 2019 avant un recours respecter la décision de la plus pour rectifier le tir. juridique devant le tribunal adminis- haute juridiction de l'Etat par une Les Pays-Bas et la France. Deux tratif de Paris. Déjà, l'affaire divise exécution forcée de la décision sous cas avec des similitudes et des dif- la classe politique de l'hexagone. astreinte», relative à la pollution de férences. Mais deux affaires révéla- L'écrasante majorité des partis éco- l'air. En effet, une enquête sénato- trices de ce que la justice climatique logiques ne participant pas au gou- riale sur le coût de la pollution de est inexorablement en marche. vernement abondent dans le sens l'air a rendu son verdict mi-juillet Dans un ouvrage publié en octobre de l'action engagée contre les auto- 2015. La Commission d'enquête 2018 sous le titre «Procès clima- rités dirigeantes. Ce qui n'est pas le présidée par la sénatrice-écologiste tiques: entre le national et l'interna- cas d'un François de rugy, ministre Leïla Aïcha évalua à 101, 3 milliards tional», chez Pedone, Christel de la Transition écologique, qui s’est d'euros par an le coût de la pollution Cournil et Léandro Varison, deux dit heureux que les citoyens s'expri- atmosphérique dans l'hexagone membres de l'ONG Notre Affaire à ment sur la question du dérègle- dont 97 milliards d'euros pour les ef- Tous, les auteurs mettent le doigt ment climatique, estimant par fets sanitaires et économiques et sur la complexité de cette justice. A ailleurs que cette démarche initiée 4,3 milliards d'euros restants pour la fois si proche et si lointaine, si par des ONG constituait «peut-être les coûts non sanitaires (chute des simple à saisir en apparence et tel- aussi une réplique aux mouvements rendements agricoles, bâtiments lement difficile en réalité à atteindre. des gilets jaunes qui parlent parfois dégradés, coûts des politiques de A moins d'avoir la bonne information de l'écologie comme d'un pro- prévention...). Des montants qui, et de se regrouper... l'union faisant blème», avant de conclure: «Ce selon la sénatrice, sont «sous éva- la force !

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 11 DOSSIER

LA COP 24 N’A PAS TENU LA PROMESSE DES fLEURS

Du Lundi 3 décembre au Samedi 15 décembre 2018, la ville de Katowice, en Pologne, a abrité la COP 24. Malgré l’accueil convivial, les questions importantes, les résolutions de la Cop 24 ne semblent pas avoir fait évoluer d’un iota les engagements de l’Accord de Paris. Bilan d’une Cop sans révélations. Dossier KATOWICE, A HOST CITY Of COP24 COP24 was held in Katowice – a city of spectacular change, where tradition meets modernity.

Jator NJENYU

COP24 is the informal name for the 24th a key part of efforts to address climate This was mostly agreed, starting a new Conference of the Parties to the United change. international climate regime under which Nations Framework Convention on Cli- “Better managing, conserving and expan- all countries will have to report their emis- mate Change. The choice of Katowice as ding of forests is going to play a crucial sions – and progress in cutting them – a host city of COP24 was not accidental. role in meeting the objectives of the Paris every two years from 2024. The sustainable transformation experien- Agreement. Indeed, we will need to see But as countries wrestled with the “four- ced in recent years by Katowice is an ex- transitions across all sectors and all eco- dimensional spaghetti” of competing prio- cellent illustration of developing the just nomies if the full potential of the Agree- rities – as one delegate put it to Carbon transition concept - one of COP24 lea- ment is to be realized over the 21st Brief – they clashed over how to reco- ding themes. century,” she added. gnize the Intergovernmental Panel on Cli- Only 25 years ago the city was mainly as- Ms. Espinosa said she looked forward to mate Change (IPCC) special report on sociated with coal mining and heavy in- joining with the people of Poland to rea- 1.5C and whether to clearly signal the dustry. Today Katowice is famous for its lize a successful conference that pushes need for greater ambition to stay below cultural zone whereas Upper Silesia and forward the implementation of the Paris this temperature limit. Dabrowskie Metropolis are becoming a Agreement. The final outcome included hints at the region of science, modern business and need for more ambitious climate pledges sustainable investments. Statement on progress in negotiations before 2020, leaving many NGOs disap- COP24 took place at the International Polish Presidency informs that a prelimi- pointed at the lack of more forceful lan- Congress Centre (ICC) – modern buil- nary version of the package implemen- guage. Meanwhile, new research ding combining a number of functions, it ting the Paris Agreement has been released at the COP showed global emis- serves as a venue for congresses, confe- worked out. sions were going up, not down. rences, exhibitions, trade shows and per- Several days of intensive work has pro- With tension mounting across the fort- formances. It comprises 35 conference duced results in the form of closing parti- night of the talks, UN secretary-general rooms where the largest one of 8.100 m2 cular areas. In two weeks a whole range António Guterres had to visit the COP se- has a capacity of 1,200 people. What is of fundamental as well as very detailed veral times to force progress. Despite interesting, ICC is located in the place of and technical issues constituting a com- settling on large parts of the Paris rule- the former Katowice coal mine. That is a plicated and very difficult document were book, countries failed to agree the rules clear illustration of the city’s recent trans- discussed. for voluntary market mechanisms, pus- formation and fits in perfectly in the The Presidency is currently consulting hing part of the process onto next year’s concept of the event. the text with the negotiating groups. The COP25 in Chile. first open consultation took place on De- Here, Carbon Brief provides in-depth Choice of Poland as host cember 13. The Polish Presidency is analysis of all the key outcomes in Kato- Poland was chosen as the upcoming committed to ensuring that all groups are wice – both inside and outside the President by the Eastern European heard and that the final version of the do- COP… Group, whose turn it is to host the confe- cument is the result of a consensus that rence following Asia-Pacific in 2017. satisfies all those involved. It is so impor- Polish COP Several potential locations were conside- tant because in the rules elaborated in Poland’s role as host of the UNFCC’s an- red by the Polish authorities as the host Katowice the Parties shall adopt a path nual talks for the third time in 11 years city for the event – which will be the fourth that each of them will follow for the inten- proved significant. time that Poland has presided over a UN sification of their climate protection ef- Its choice to hold the COP in Katowice, in climate change conference. Two pre- forts. The objective of the negotiations is the heart of the coal-dominated region of vious Conferences of the Parties (COPs) to arrive at a balanced text that equally Silesia, was poignant, particularly as se- were held in Poland – COP 14 in Poznań, safeguards the interests of all the Parties. veral coal-sector companies were cho- in 2008, and COP 19 in Warsaw, in 2013. The Parties have demonstrated their wil- sen as partners for the talks. Poland also presided over COP 5 in lingness to reach an agreement but, the Poland also announced the opening of a Bonn in 1999. last phase of negotiations is usually the new coal mine in the region shortly be- Polish Environment Minister Prof. Jan most difficult and intensive. fore the conference began. Around 80% Szysko chose the occasion of a visit to of the country’s electricity currently Poland by Patricia Espinosa, the Execu- Key outcomes agreed upon comes from coal. tive Secretary of the UN Framework This year’s COP24 annual UN climate Delegates arriving at the talks were met Convention on Climate Change conference concluded after two weeks of by the taste of coal in the air and high le- (UNFCCC), June 1, 2018, to announce tension-filled talks. vels of smog, as well as an accolade from that the southwestern city of Katowice Nearly 23,000delegates descended on the Polish Coal Miners Band. It was very has been given the green light. the coal-tinged city with a deadline for quickly noted that the Katowice pavilion Ms. Espinosa was shown a research hashing out the Paris Agreement “rule- inside the COP venue featured walls, center in Toruń where the government of book”, which is the operating manual floors, soap and even earrings all made Poland is scientifically monitoring how fo- needed for when the global deal enters from coal. “There is no plan today to fully rests absorb carbon. Forest protection is into force in 2020. give up on coal,” Poland’s president, An- uu

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 13 Dossier drzej Duda, told the opening plenary. majority of countries speaking in favour sions of their texts during the first week at However, Poland’s presidency also of the report. COP24. This meant technical talks spil- sought to highlight the issue of a “just In an exclusive interview with Carbon led into week two, continuing alongside transition” for workers away from fossil- Brief, Saudi Arabia’s senior negotiator high-level ministerial sessions after ha- fuel jobs. Bert De Wel, policy officer at the Ayman Shasly sought to explain why his ving officially closed late on the middle International Trade Union Confederation country was hesitant to welcome a report Saturday. (ITUC), told DeSmog UK: that had, as he claimed, “scientific gaps Carbon Brief tracked the negotiating texts “[N]ever, ever, before had climate nego- [and] knowledge gaps”. throughout the session in an open-ac- tiators debated so much about the im- The wording was somewhat fudged in the cess spreadsheet. This records the num- pacts of the energy transition on workers final COP decision text. It did not “wel- ber of pages of text in each iteration, as and their communities.” come” the report, but did welcome its “ti- well as the number of square brackets – One element of this was the Polish presi- mely completion” and “invited” countries indicating areas of disagreement – and dency’s launch of the “Silesia declara- to make use of the report in subsequent the number of different “options” still on tion”, signed by some 50 countries, discussions at the UNFCCC. the table. during the first week of the COP. It was Another report also helped to set a sense Starting with nearly 3,000 brackets before notable that this total was only around a of urgency at the talks. During the first the talks began, negotiators faced an quarter of the nearly 200 countries pre- week, the latest annual estimates of glo- uphill struggle to move towards “clean” sent, with the document adopted by ac- bal emissions from the Global Carbon text – with zero brackets or options – on clamation rather than consensus. It was Project (GCP) found that output from fos- which all could agree. only “noted” in the final COP text. sil fuels and industry will likely grow by Part way into week two the talks reached The declaration emphasized the need for around 2.7% in 2018, the fastest increase a crunch phase, with COP president Mi- emission-reducing policies to ensure “a in seven years. chał Kurtyka telling delegates: “The cur- just transition of the workforce” that Paris rulebook agreed rent approach to negotiations is creates “decent work and quality jobs”. At the heart of talks in Poland was the exhausted. Many texts are stuck. From The Polish presidency also launched a Paris “rulebook”, which was mandated in now on we will move under the authority declaration on “forests for climate”, high- 2015 to be finalized by the end of COP24. of the Polish presidency.” lighting the important role of forests in This is the detailed “operating manual” In practice, this change of gears meant reaching Paris Agreement goals. Howe- needed for the Paris Agreement to enter that the presidency took ownership of the ver, some NGOs expressed concern that force in 2020. texts – a tricky balancing act between the declaration showed signs that Poland The rulebook covers a multitude of making progress and angering those hopes to use carbon offsets from forests questions, such as how countries should countries or blocs whose language was to delay efforts to reduce emissions. report their greenhouse gas emissions lost. The resulting shorter texts can be Others noted the declaration didn’t in- or contributions to climate finance, as seen from 11 December in the chart, clude any concrete near-term targets. well as what rules should apply to volun- below. A further declaration, released jointly by tary market mechanisms, such as car- Finally, a much-delayed late-night plenary the Polish presidency and the UK, targe- bon trading. on Saturday, 15 December, signed off the ted low-emission transport. Joined by 38 Two common threads ran through each rulebook with zero brackets and options countries and 1,200 companies, it urged area of these areas. First, whether to remaining. cooperation to “renew efforts” to help agree a single set of rules for all countries Overall, the deal tends towards single achieve “an e-mobility revolution”. – with flexibility for those that need it – or sets of rules for all countries, with wide la- A further controversy came when Poland to maintain the current divide between titude for those that lack the capacity to reportedly denied entry at its border to at rules for rich and poor. This is referred to meet them. The 133-page rulebook text least a dozen COP24 participants. Po- as “differentiation”, or sometimes “bifur- uses legally-binding language (“shall”) in land was also criticized by Human rights cation”. 260 places, compared to only 110 uses Watchahead of the talks for introducing a The second thread was the provision of of the looser “should”. new law this year which would “hamper climate finance to help developing na- On finance, the rules are nevertheless re- the rights of environmental activists to tions adapt to the impacts of global war- latively permissive, giving flexibility to rich protest” at the climate talks. ming, mitigate their emissions and nations in what and how they report their ‘Welcoming’ the IPCC 1.5 report participate fully in the Paris process. contributions. (See below for analysis of The special report on the impacts of 1.5C Ahead of the COP, the “co-chairs” and the key sections of the text.) global warming, published by the Intergo- “co-facilitators” of the technical talks had One casualty was the complex and tech- vernmental Panel on Climate Change tried to improve on the 307 pages of draft nical Article 6 rules for voluntary carbon (IPCC) in October, became a major rulebook text that emerged from talks in markets. This had been effectively held source of tension at the talks. Bangkok, Thailand, in September. They hostage by Brazil, which tried to water At the end of the first week, four countries had whittled this down by mid-October to down rules to stop “double counting” of – the US, Saudi Arabia, russia and Ku- a series of nine “addendums” covering emissions cuts by the country where they wait – delayed the conclusion of a techni- 236 pages. were generated, as well as the country cal plenary by refusing to “welcome” the This left negotiators with a far larger and buying the offsets. report. Instead, they only wanted to “note” more technical task than they faced be- Unable to reach agreement, the talks ins- it, which led furious climate-vulnerable fore the Paris COP21 in 2015. Indeed, tead passed the matter to next year’s countries to trigger a clause which means heading into the talks at Katowice, the cli- COP25 in Chile. The COP24 decision on the resolution has been postponed until mate diplomats coordinating the process Article 6 reads: “Draft decision texts on the next SBSTA session in 2019. warned: “Time will not be on our these matters in the proposal by the pre- The 1.5C report had been originally for- side…there are still far too many options sident were considered, but…parties mally requested by countries at the 2015 on the table.” could not reach consensus thereon.” climate talks in Paris, and the dispute on Despite this time pressure, negotiators whether to welcome it came despite the repeatedly missed deadlines for new ver-

14 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 Dossier COP 24 ENTRE ENJEUx ET ObJECTIfS : UN JEU DE YOYO ! La 24è Conférence des parties sur le climat s'est tenue, du 3 au 15 décembre 2018, dans la région de la Silésie, au sud de la Pologne, avec l'ambition de concrétiser la mise en œuvre de l'accord de Paris 2015, dans un contexte d'urgence absolue. Le dernier rapport du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (gIEC), publié début octobre 2018, prône la limitation à 1,5°C des émissions de gaz à effet de serre (gES).

Jean-Célestin EDJANGUE

COP 24: un accord peu ambitieux à Katowice Il n'est pas certain que la 24è Confé- rence des parties à la Convention- cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 24) reste gravée dans le marbre. En de- hors du fait qu'elle aura été celle qui a définitivement arrêté la feuille de route de l'application de l'accord de Paris signé quatre ans avant dans la capitale française et entériné en 2016 par les Nations unies. Tout ou presque s'annonçait pourtant formi- dablement bien, comme souvent dans ce rendez-vous annuel sur le climat. A commencer par le cadre. Katowice, au sud de la Pologne sur rendu public moins de deux mois «Enjeux, objectifs et moyens» les bords de la Klonica et de la avant l'ouverture officielle de la COP A Katowice, les délégués et repré- rawa, en plein cœur du bassin char- 24, en rajoutait à la pression du fait sentants des 196 pays membres de bonnier de la Silésie d'où elle tira sa des conclusions alarmantes de la Conférence des parties devait prospérité au 20è siècle, une région l'étude qui indexent «Les impacts avant tout acter les règles de la mise qui transpire l'histoire des gueules d'un réchauffement climatique glo- en œuvre de l'accord de Paris 2015 noires dans un environnement où bal de 1,5°C par rapport à 2°C et les sur le climat, à un moment où un vrai l'on peut se remémorer les stigmates trajectoires d'émissions de gaz à relâchement est observé, y compris d'une époque révolue dans le temps effet de serre à suivre pour limiter le en France. L'ancien ministre des Af- et l'espace. Dixième plus grande réchauffement à 1,5° C, dans le faires étrangères de François Hol- commune de la Pologne, Katowice cadre plus général du développe- lande et président de la COP 2021, à est aussi l'une des plus importantes ment durable et de l'éradication de Paris, Laurent Fabius ne s'y trompait métropoles industrielles d'Europe. La la pauvreté». pas. «Le monde va dans le mur. Et ville a d'ailleurs reçu le Prix de l'Eu- Suite à la publication de ce rapport, vite», s'alarmait-il, précisant «Empê- rope 2008, décerné depuis 1995 par le président français, Emmanuel cher le chaos climatique qui se pro- le Comité des ministres du conseil de Macron, avait fait un tweet confor- file est encore possible. A condition l'Europe pour récompenser les ef- tant le travail des experts du GIEC de retrouver d'urgence «l'esprit de forts exceptionnels en matière de en exhortant la planète entière à Paris». La COP24 avait donc deux sensibilisation et de promotion de prendre la mesure du problème. «Le objectifs majeurs: l'aboutissement l'idéal d'unité européenne. Et c'est rapport du GIEC le prouve scientifi- des négociations sur les règles de vrai que cette ville d'un peu plus de quement: nous avons toutes les mise en application de l'accord de 300 mille habitants et d'une agglomé- cartes en main pour lutter contre le Paris sur le climat et progresser sur ration de plus de 3 millions d'âmes, réchauffement climatique. Mais il le dialogue de Talanoa, qui concerne est profondément européenne. faut que tout le monde agisse main- l'ambition de réduction des émis- Les représentants des 196 pays, tenant», avait-il indiqué. On ne peut sions de gaz à effet de serre d'ici des ONG et institutions qui ont ré- résister à l'envie de lui dire commen- 2020. pondu présent à cette grande cer par donner l'exemple, par effec- Face à ces enjeux et objectifs s'est messe annuelle de la sauvegarde tuer un acte fort, déterminant, qui posée la question des moyens pour de l'environnement avaient du pain marque l'empreinte de votre action atteindre les objectifs fixés, les mé- sur la planche. Le rapport du GIEC en la matière, Monsieur le président. canismes pour le suivi de leur appli- uu

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 15 Dossier

cation et la question de la flexibilité à concrète aux attentes, notamment pratiques opérationnelles et commer- appliquer aux pays en développe- des personnes les plus vulnérables ou ciales sur l'Accord de Paris 2015. ment. Un ensemble de préoccupa- les plus exposées aux méfaits des Le Secrétaire général de l'ONU, An- tions qui se sont transformées en un changements climatiques. Les ques- tonio Guterres, qui organisera un véritable casse-tête. Une situation tions de la confiance et du finance- sommet sur le climat le 23» septem- que semble résumer assez bien la ment sont envisagées sous l'angle de bre 2019 à New York lors de la 74è négociatrice en chef de la COP 21, à la transparence entre les pays. Le Assemblée générale de l'ONU, a ré- Paris, Laurence Tubiana, qui consi- cadre de transmission des informa- sumé ses priorités consignées dans dère cette COP24 comme : «Un tions sur les plans nationaux d'action, un texte lu par Mme Espinosa: «Am- Sommet technique mais avec un réduction des émissions de gaz à effet bition en atténuation. Ambition en enjeu politique fort», mentionne-t- de serres(GES) comprise, de même adaptation. elle. Pour ceux qui comme moi n'au- que des mesures d'atténuation et Ambition en finance. Ambition dans ront perçu ni l'aspect technique de la d'adaptation. Par ailleurs, la compta- la coopération technique et le renfor- rencontre encore moins son enjeu bilisation des émissions de gaz à effet cement des capacités. Ambition dans politique fort, il nous faudra patien- de serre est désormais uniformisée, et l'innovation technologique». ter même si nous ne savons pas les pays les plus pauvres ont la possi- Mais l'Accord de Katowice a aussi de jusqu'à quand. bilité de contester les normes s'ils ne nombreux détracteurs qui estiment La déception de tous ceux qui espé- peuvent pas les respecter, ils doivent que, dans un contexte géopolitique raient sincèrement un accord à la en revanche proposer une alternative général difficile, le document signé hauteur des enjeux est d'autant plus crédible pour renforcer leurs capaci- dans la cité polonaise est un contrat grande. Car le paquet de directives tés à ce sujet. Dans la même optique, minimaliste, déconnecté de la réalité adoptées à la clôture de la COP 24 le financement des pays riches, de l'urgence climatique de la planète. laisse nombre des observateurs sur comme appui pour le climat des pays Les Etats vulnérables, en particulier leur faim. Bien sûr, un ensemble de en développement, avec l'engage- les Etats insulaires, attendaient règles d'application de l'Accord de ment de mobiliser 100 milliards de beaucoup de la COP 24 au moment Paris 2015 ont été adoptées pour dollars par an à partir 2020, sera ré- où la fréquence et l'impact des catas- maintenir le réchauffement climatique évalué avec de nouveaux objectifs trophes imposent des mesures ambi- en dessus de 2° C par rapport aux ni- dès 2025. Alors que les pays se sont tieuses et urgentes pour limiter les veaux préindustriels. Mais le docu- accordés d'évaluer ensemble l'effica- émissions de gaz à effet de serre en ment obtenu de haute lutte et qui a cité de la lutte contre le changement dessous de 1,5 °C. Cette préoccupa- nécessité de repousser la clôture du climatique en 2023. tion est par exemple celle de Green- Sommet à plusieurs reprises, est un La question concernant les «diver- peace dont une des représente, accord a minima, qui n'intègre pas gences sur les mécanismes de mar- Jennifer Morgan, explique: «Ce les recommandations du dernier rap- ché» a été renvoyée à la prochaine manque de réponse au rapport du port du Groupe intergouvernemental COP25 prévue en 2019 au Chili. Les GIEC est choquant», avant de lancer des experts sur l'évolution du climat. négociations se rapportant à cette en direction des 196 Etats parties de Ce qui n'empêche pas certains parti- question ont achoppé sur l'article 6 la Convention-Cadre des nations cipants de dire leur optimisme: «Ka- qui a trait aux mécanismes de mar- unies sur le climat «Vous ne pouvez towice a montré une fois de plus la ché. En revanche, de nombreux pays pas vous réunir après ça, et dire que résilience de l'Accord de Paris. Notre et organismes privés ont pris des en- vous ne pouvez pas faire plus!». feuille de route solide pour l'action en gagements financiers intéressants. Une colère d'autant plus légitime que faveur du climat», se réjouit Patricia Ainsi en est-il de l'Allemagne et de la le rapport scientifique du GIEC, pu- Espinosa, Secrétaire exécutif de la Norvège qui se sont engagées à mul- blié le 8 octobre 2018 tire la sonnette Convention-cadre des Nations unies tiplier par deux leurs contributions au d'alarme sur l'évolution dramatique sur les changements Fonds Vert pour le climat. Pendant du climat. Les auteurs martèlent à qui climatiques(CCNUCC), s'exprimant que la Banque mondiale s'accorde à veut bien entendre que dans un au nom du secrétaire général de verser 200 milliards de dollars pour le monde à +2°C, objectif de base du l'ONU, Antonio Guterres. Ce dernier, climat dès 2021 et le fonds d'adapta- pacte climatique de Paris 2015, les absent lors de la plénière de clôture, tion au climat a annoncé avoir reçu conséquences seraient plus impor- s'est rendu à trois reprises à Kato- une contribution totale de 129 mil- tantes que dans un monde à +1, 5°C, wice pendant les deux semaines de lions de dollars. Le monde sportif et limite idéale de l'Accord de Paris. Le la COP 24, lui qui a fait de la lutte l'industrie de la mode, les secteurs GIEC précise que pour ne pas dé- contre le réchauffement climatique parmi les plus importants contribu- passer le seuil de +1,5°C, il y a obli- une des priorités de son mandat. teurs en émissions de CO2 ont pour gation de réduire de près de 50% les l'un lancé le Cadre d'action clima- émissions de CO2 d'ici 2030 par rap- «Des conclusions mitigées» tique dans le sport et pour l'autre, la port à 2010. Voilà qui a le mérite L'Accord de Katowice se veut un en- Charte de l'industrie de la mode pour d'être clair. couragement de l'action déterminée l'action en faveur du climat. Les deux Qui osera encore dire demain qu'il ne au profit du climat et une réponse secteurs s'engagent à aligner leurs savait pas?

16 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 Dossier

LES « GRANDS » DU MONDE ONT MANqUE A L’APPEL Malgré la résolution prise à Paris de maintenir le réchauffement sous 1,5°C d'ici 2100, les Etats ont manqué une nouvelle occasion de répondre à l’appel climatique.

Eric Vincent FOMO

ans un article publié sur le site Pour le cas de la France, Green- medi à la présidence polonaise de la web du journal Le Monde le peace n’a pas hésité à dénoncer COP, que les pays « prennent note D1er décembre 2018, intitulé « l’inaction de la France sur le climat. » de l’étude plutôt que de l’« accueil- Climat : la COP 24 confrontée à un A son avis, Emmanuel Macron ne lir favorablement ». Une façon d’être grand vide politique », les auteurs met pas suffisamment la cause cli- moins contraints par ses conclu- (Simon roger, Audrey Garric et Marie matique au cœur des priorités de son sions, voire d’en ignorer la teneur », Bourreau) indiquaient qu’« aucun des gouvernement. « La France montre précise l’article. dirigeants des Etats membres du G20 la voie du renoncement sur la transi- – qui regroupent 80% des émissions tion énergétique, sur la réduction des Comportement fortement décrié mondiales – n’a inclus Katowice dans émissions de gaz à effet de serre... L’absence de plusieurs chefs d’Etat son agenda diplomatique en décem- Et sur l'effort diplomatique, puisque à Katowice n’est pas passée ina- bre ». Et d’ajouter : « Seule une tren- vous n'avez pas daigné vous rendre perçue. Avec une telle attitude, Mi- taine de chefs d’Etat et de à la COP 24 », indique le tweet de chel Colombier, chercheur en gouvernement, essentiellement de l’ONG spécialisée dans la protection géopolitique, a souligné qu’« on ne l’Union européenne (France, Es- de l’environnement. Greenpeace en- peut pas dire que les vents sont pagne, Pays-Bas, Autriche, Fin- fonce le clou en expliquant que très porteurs ». Pour Bastien Alex, lande…), d’Afrique et des petits pays même certains Etats présents n’ont responsable du programme Climat, insulaires, devraient faire le déplace- pas fait mieux que les absents. Elle Énergie et Sécurité à l'Institut de ment, lundi 3 décembre, pour l’ouver- en veut pour preuve les Etats pétro- relations internationales et straté- ture protocolaire de la COP24 ». Lors liers qui se sont révélés experts en giques (IIrIS), le fait que ce soit un de la 24e Conférence des Nations blocages des négociations clima- seul camp qui tire vers le haut et unies sur le climat (COP24), tenue du tiques. A l’instar de l’Arabie saoudite, que l'autre ne suit pas derrière, 2 au 14 décembre 2018 à Katowice du Koweït, de la russie et des Etats- peut générer des phénomènes de (Pologne), les dirigeants du monde Unis qui, d’après Le Monde, se sont stagnation, voire de régression. A ont brillé par leur absence. Qu’il alliés contre les autres 192 Etats cette allure, la perte de vitesse s’agisse du président américain Do- pour essayer d’édulcorer une réfé- d'une des composantes de cette nald Trump, de Jair Bolsonaro du Bré- rence à un rapport du GIEC sur la dynamique et le fait pour les ac- sil ou encore d’Emmanuel Macron de nécessité de limiter le réchauffement teurs non-étatiques d’être seuls à France, la plupart des chefs d’Etat au- à 1,5 °C. « Les quatre Etats pétro- l’avant-garde de la lutte contre le raient démontré que la lutte contre le liers ont poussé pour que soit indi- réchauffement de la planète, sont, réchauffement de la planète n’est pas qué, dans l’un des rapports à son avis, des démarches contre- leur tasse de thé. techniques qui ont été rendus sa- productives.

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 17 Dossier PRESENCE DISCRETE DES DELEGATIONS AfRICAINES

Janvier NGWANZA

a COP24 s’est achevée le sa- medi 15 décembre 2018 en lais- Lsant derrière elle un goût quelque peu amer pour les délégations afri- caines. En effet, même si elle peut se féliciter de l’adoption d’un guide d’ap- plication de l’Accord de Paris (dit « ru- lebook ») définissant les grandes lignes pour la mise en œuvre de l’Ac- cord de Paris, nombre de probléma- tiques cruciales pour le continent ont été éludées quand elles n’étaient pas purement et simplement exclus des négociations. C’est ainsi que la ques- tion de la définition des objectifs précis en matière de baisse d’émissions des gaz à effet de serre ou encore des sec- teurs prioritairement concernés ont été repoussés à la COP25 de 2019 voir à l’échéance 2020. pays développés, grands responsables pés parties à accroître leur soutien fi- Pour rappel, la position de l’Afrique du changement climatique, à tenir leurs nancier. Le « rulebook » n'a pas non dans les négociations sur les change- engagements. plus clarifié la manière dont l'objectif de ments climatiques est définie par le Véritable talon d’Achille, sur la question financement pour le climat après 2025 groupe des négociateurs africains, qui du financement climatique, la position serait convenu. Pourtant, les res- suit les directives communiquées par du continent s’est vu pour le moins sources disponibles restent insuffi- l’Assemblée de l’Union africaine, par le mise à mal au vue du texte final de la santes pour soutenir les efforts des Comité des chefs d’État et de gouver- COP24. Lors de la COP24, les pays pays africains ou soutenir leurs plans nement africains sur le changement cli- devaient élaborer des rapports finan- d'adaptation. matique (CAHOSCC) et par la ciers conformément au titre de l’article D’autre part, les délégués africains ont Conférence des ministres de l’environ- 9.5 de l’Accord de Paris, déterminer si longtemps insisté sur le fait que des nement. Le Groupe des négociateurs le Fonds d’adaptation serait transféré rapports financiers clairs étaient essen- africains comprend des représentants du Protocole de Kyoto à l’Accord de tiels pour la planification et la mise en de chaque pays s’occupant de ques- Paris et préciser le détail de la défini- œuvre de leurs mesures d'atténuation tions techniques. Un pays est choisi tion d’un nouvel objectif financier quan- et d'adaptation. Le texte final prévoit pour présider le groupe pour une pé- tifié après 2020. Aussi, la COP21 à que les pays développés parties « riode de deux ans. Paris avait exhorté les pays dévelop- communiqueront tous les deux ans des Dans l’expectative de la COP24, les pés à intensifier leur financement cli- informations indicatives quantitatives et délégués africains se sont attelés à matique pour atteindre l'objectif de qualitatives » sur le financement. Tou- consolider leurs positions et à fédérer mobiliser 100 milliards de dollars par tefois, le texte précise que ces informa- leurs attentes lors de la septième an d'ici à 2020. À la COP24, les Parties tions seront communiquées « dans la Conférence sur les changements cli- ont décidé d'entamer le débat objectif mesure des possibilités ». L’inclusion matiques et le développement en collectif quantifié en novembre 2020, d’informations quantitatives et qualita- Afrique, qui s'est tenue à Nairobi en utilisant l’objectif de 100 milliards de tives est importante pour définir claire- (Kenya) du 10 au 11 octobre 2018. Les dollars. Les modifications textuelles ap- ment les attentes en matière de deux ambitions principales des délé- portées à la décision de la COP24 au financement des pays en développe- gués africains étaient d’obtenir des cours de la semaine dernière mettent ment, mais la conditionnalité de la pays développés qu’ils honorent leurs en lumière le débat en cours sur l'en- langue signifie que ces rapports peu- promesses de financement, et faire gagement des pays développés en vent être moins qu'utiles. adopter des directives quant à la mise matière de financement de la lutte Enfin, la question des « pertes et dom- en œuvre de l’Accord de Paris. Précé- contre les changements climatiques. mages » – c’est-à-dire la prise en dent à cette conférence, et ce depuis Au lieu de considérer l'objectif de 100 compte des impacts résiduels poten- deux ans, les délégués des cinquante milliards de dollars comme un engage- tiellement irréversibles des change- (50) pays africains qui ont ratifié l'Ac- ment et de mettre en évidence les la- ments climatiques dans les pays en cord de Paris¬ mettent l'accent sur la cunes dans les niveaux de financement développement vulnérables – n’a pas nécessité de bâtir un cadre concret et actuels, comme dans les versions pré- été abordée dans le texte final de la transparent pour la finance climatique. cédentes, le texte final de la COP24 re- COP24, quand bien même elle tenait Aussi, les négociateurs africains négo- cycle le libellé de l'Accord de Paris, une place importante dans l’Accord cient continuellement, pour amener les invitant instamment les pays dévelop- de Paris.

18 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 Dossier GREEN fUNDS DRY UP fOR DEVELOPING COUNTRIES The uN’s flagship climate finance initiative had a public setback this week. what went wrong, what are the political implications and what happens next?

Jator NJENYU

ith the US halving its contri- going on in Danang, Vietnam, this tries that had developed beyond a cer- bution to the Global Environ- week, that developing countries—es- tain point according to this index be Wment Facility, the oldest pecially the smaller ones—will struggle ineligible to receive any funding at all. green fund sees first budget cut in 27 to find much-needed money to handle Till now, the larger developing coun- years, hurting the Least Developed urgent environmental crises. tries have been both recipient and Countries the most. Cash dries up for the poorest donor countries, and the money they Industrialized countries will cut funding Leader after leader from small island have received has been much more for the Global Environment Facility nations such as Kiribati and the Mar- than the money they have put in. (GEF) from USD 4.4 billion in 2014 to shall Islands stood up on June 27—the Bureaucrats and diplomats from India, USD 4.1 billion for the four year bud- first day of the assembly plenary—to China and Chile told thethirdpole.net get from 2018. The main reason is that talk about how they are going to suffer that they saw this as yet another at- the US government has pledged to due to the budget cut. As the sea level tempt by the Trump administration and slash its contribution by almost half, rises due to climate change, the very a few other industrial country govern- from USD 546.25 million it paid in 2014 existence of some of these countries is ments to refuse to abide by their res- to USD 273.2 million. in question. ponsibilities for the harm they have The result will be a cut in projects by One effect of the budget cut is that the caused to the world. “We cannot allow the green fund that was set up on the GEF has decided that now even the the US government to renege on its eve of the rio Earth Summit in 1992, poorest countries have to mobilise five responsibilities just because President under the leadership of another repu- times a GEF grant in co-financing be- Trump refuses to acknowledge them,” blican Party President of the US, fore a project is approved. That means a Chilean diplomat said. George Bush Senior. that for every dollar potentially availa- It became clear from multiple sources This is a serious setback because GEF ble through a GEF grant, the govern- that this issue had led to furore during has been one of the world’s major ment of a recipient country has to show closed-door negotiations before this sources of green funding for develo- that it can get five dollars from other GEF assembly, but nothing has come ping countries. It has given USD 17.9 sources. As the President of Kiribati out of it so far. “The issue is not off the billion to support a whole range of pro- pointed out at the GEF assembly ple- table,” a veteran UN official told the- jects that combat climate change, res- nary, Least Developed Countries thirdpole.net. “But it has been kicked tore degraded farmlands, protect (LDC) will find it very difficult to mobi- down the road.” biodiversity, clean up toxic chemicals, lise this level of co-financing. reportedly, US delegates told India reduce the amount of poisonous mer- For larger developing countries such and China that large countries whose cury in the environment, tackle wildlife as China, India, Brazil or South Africa, GDP had increased by over 5 per cent trafficking and so on. Its small grants the co-financing requirement is nine on an average over the last four years programme has helped farmers in va- times the original grant. A senior official should be ineligible to receive any GEF rious developing countries adapt to cli- in the Indian government’s Ministry of funding. According to the US dele- mate change impacts, especially water Environment, Forests and Climate gates, in Asia this would include China shortages. Change told thethirdpole.net that the (with an average GDP growth rate of Other countries have stepped up to fill ministry officials are used to this and 8.2 per cent over the last four years), the funding hole created by the US no longer find it difficult. India (7 per cent) and Indonesia (5.6 under President Donald Trump, but “There are many financial institutions, per cent). they have failed to do it all. Canada an- national and international, to which we Unsurprisingly, delegates from these nounced here that it will contribute can go, and we can get the co-finan- countries did not accept any of this. An USD 171.64, a major increase. cing,” the official said, speaking on Indonesian government delegate said The announcement came too late to condition of anonymity. “But it will if these countries were now to be jud- be included in the current edition of clearly make things really difficult for ged according to these new criteria, the GEF report (see table below). the LDCs, specially the small island they must also be judged by the Germany, Japan, Britain and France countries. I don’t know what these amount of environmental benefits they are among other developed countries countries will do.” give to the world by protecting their fo- that have increased their contribu- redefining development rests and so on. “If you want to do a full tions. Large developing countries Despite the confidence of the Indian accounting, do so. Include all natural have also stepped up to the plate, bureaucrat, there had been furious op- capital and let’s see what comes out. China increasing its pledge to USD 22 position from the large developing You’ll see how poorly the industrialised million, India to USD 15 million, South countries during the negotiations for countries fare.” Africa to USD 6.87 million and Brazil this round of GEF funding, when the Naoko Ishii, the head of GEF, confir- to USD 6 million. US and a few other industrialized med to journalists that there would be Despite these efforts, it was clear at countries suggested that there be a no change in the methodology by the once-in-four-years GEF assembly new “index of development”, and coun- which project proposals from countries uu

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 19 Dossier were selected. lobbying to end talks on time, while to oversee the replenishment process Takeaways from the meltdown others were trying to salvage some before leaving. His replacement must The UN’s flagship climate finance ini- agreement. take on the heavy lift of fundraising and tiative had a public setback this week. resolving a backlog of governance is- What went wrong, what are the politi- 3. Fundraising sues, while navigating the heated cal implications and what happens If there was any doubt on where the boardroom politics. next? talks got stuck, a glance at the video The uN’s flagship climate finance page should dispel it. There are no 6. Projects in limbo initiative had a major setback this fewer than six sessions recorded on The collapse means a three-month week, with the board failing to agree “matters related to replenishment”, delay for 11 projects bidding for nearly on any big ticket decisions. spanning more than 24 hours. $1 billion of GCF money. Solar panels Longstanding tensions at the Green At heart, it is a rich-poor fight of the in Tonga, water management in the Climate Fund came to a head in kind familiar to anyone who follows UN Guatemalan highlands and climate fi- Songdo, South Korea, as it opened climate negotiations. Donor countries nance upscaling across 17 countries talks on raising a new round of contri- try to attach conditions to funding, are some of the interventions that will butions. while beneficiaries demand they quit just have to wait. On top of that, the head of the secreta- stalling and deliver. “The people and communities the GCF riat abruptly resigned, adding top level In previous meetings, the board has is meant to support – those who are recruitment to the fund’s woes. tended to push through some headline most vulnerable – are the ones who As the dust settled, Climate Home outcomes – usually project approvals suffer the most when progress is de- News spoke to several participants – at the last minute, while deferring layed,” said Action Aid’s Brandon Wu. and observers about what went wrong, contentious policy decisions. This time It does nothing to help the fund’s repu- the fallout and next steps. Here are round, representatives from Canada tation for being slow to get money mo- eight takeaways. and Finland as well as the US were not ving. Then again, with a cash crunch prepared to just muddle through. looming, the fund cannot afford to 1. absent Oquist make cavalier spending decisions. The meeting got off to a bad start when 4. Performance review the Nicaraguan co-chair failed to show Before it can raise new money, the 7. Political fallout up. Ok, so things were pretty bad back fund will need to show donors what it It comes in a critical year for the UN cli- home, with anti-government protests has done with the initial round of contri- mate process. Ministers are due to turning violent. butions. This and other preparatory take stock of global action at the But it was ironic, given Paul Oquist had work is expected to take six months or Cop24 negotiations in Katowice, Po- done a major U-turn to get the job. He so. land this December. notoriously refused to endorse the “If there is one thing we need to decide Climate finance is a key part of that. Paris Agreement in 2015, saying it was this time, it is to start a review, because The industrialised world has promised too weak. Nicaragua only joined last that is a precondition to replenishment to mobilise $100 billion a year by 2020. year when it became apparent Oquist processes,” said Germany’s Karsten Many countries’ climate plans hinge on otherwise had no chance at leading Sach in the meeting. that support. the GCF board. The problem was in deciding who The GCF is not expected to deliver all In his absence, developing country should carry out the review. Most saw that investment, but is a totem of inter- board members complained they had it as the natural remit of the fund’s in- national cooperation. If it breaks down, it not been properly consulted on the dependent evaluator Jyotsna Puri, but bodes poorly for the Paris Agreement. agenda, kicking off a protracted proce- a handful of developing countries wan- dural disputes. ted to outsource it. So here too, there 8. Optimism was no agreement. Despite the public meltdown, everyone 2. Trump towers CHN contacted was hopeful of getting After President Donald Trump made 5. Bamsey bails things back on track. There is time for clear he had no plans to put any more After a weary-looking chair admitted the fund to redeem itself before Cop24, money into the GCF, you may wonder defeat on replenishment, he dropped a at the next board meeting in October. why the US still has a seat on the bombshell: the fund’s top executive Behind the scenes, its advocates will board. Howard Bamsey resigned with imme- knock some heads together in the co- Well, the country has already handed diate effect. ming months. over $1 billion and Geoffrey Okamoto Nobody blamed Bamsey for the chaos, While finance people may be horrified is the Trump appointee charged with which was essentially political, or cast at the inefficiency and game-playing, seeing it is spent wisely. But he can af- doubt on his explanation the move was those coming from a climate negotia- ford to be provocative, having no stake due to “pressing personal issues”. The tions background see the occasional in the fund’s sustainability. Songdo-based role had kept him away political upset as par for the course. His insistence that the replenishment from his family in Australia. (He could “Anything about new money is always process should be “donor-driven” did not be reached for further comment.) very thorny,” said Meena raman of the not go down well, on a board delibe- But the timing took some – including Third World Network. “I don’t think we rately structured to give the develo- the secretariat’s communications team have given up on [the GCF] and I don’t ping world an equal say. Nor did his – by surprise. He had been expected think anyone should.”

20 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 Dossier

Résolutions de la COP24 DES LENDEMAINS PLUS SûRS Les 196 États de la COP24 en Pologne ont définitivement adopté l’objectif des 1,5 °C, fixé par l’accord de Paris en 2015. Ils ont approuvé un « rule book ». Le texte encadre les actions à mener pour une limitation de l’élévation de la température mondiale moyenne à 1,5 °C d’ici à 2100.

Boris NGOUNOU

« Le multilatéralisme n’est pas taire exécutive de la Convention diales de CO2. Ce collectif constate mort », s’est réjoui Antonio Guterres, sur le climat. Approuvé par la com- une reprise de la consommation des le secrétaire général de l’ONU, à l’is- munauté internationale, le « rule énergies fossiles qui met à mal l’ob- sue de l’adoption le 15 décembre book » appelle à un développement jectif de 1,5 °C. Concrètement, les 2018 à Katowice en Pologne, du « économique basé sur des principes activités humaines ont rejeté en rule book » de l’accord de Paris. Il essentiellement écologiques, via 2017 dans l’atmosphère 37,1 mil- s’agit d’un guide technique essen- des énergies renouvelables (so- liards de tonnes de CO2 auxquels il tiel pour l’application du texte enca- laire, éolienne géothermique, hy- faut ajouter 5 milliards de tonnes drant les actions des 195 États draulique et marine), des provenant de la déforestation et des signataires de la 21e Convention- immeubles et des transports « zéro changements d’usage des sols. Ce cadre des nations unies sur le cli- émission », une industrie efficace résultat est en cohérence avec celui mat, de 2015 à Paris (COP21). recyclant les déchets. du Programme des Nations unies C’est la grande avancée de cet pour l’Environnement (PNUE). Dans autre rendez-vous mondial sur le Et les États n’ont que 10 ans son récent rapport, cet organisme climat. Les 196 États présents à devant eux arrive à un total de 49 milliards de ces assises se sont accordés sur Les États membres de la conven- tonnes en incluant les autres gaz à des règles techniques communes tion-cadre des Nations unies sur le effet de serre que sont le méthane et d’application de l’accord de Paris. « climat devront immédiatement tra- le protoxyde d’azote. Le maître mot, c’est transparence. duire dans les faits, les dispositions En revanche, les chercheurs du Glo- Les États peuvent désormais se du rule book de l’accord de Paris, bal Carbon Project estiment que les faire confiance puisqu’il y a désor- afin d’espérer atteindre les objectifs États n’ont plus que 10 ans devant mais une méthode pour mesurer, escomptés. Ils n’ont vraiment pas eux pour rester en dessous de 1,5 vérifier et rapporter les progrès ac- assez de temps. °C. Ils devraient enregistrer dès à complis par les politiques de réduc- Les chercheurs de la Global Carbon présent un pic des émissions pour tion des gaz à effet de serre ». A Project, viennent de publier des sta- arriver à une franche descente à souligne Patricia Espinosa, Secré- tistiques r sur les émissions mon- partir de 2020.

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 21

Evènement UN CODE DE L’ENVIRONNEMENT VOIT LE JOUR AU CAMEROUN « Code de l’environnement au Cameroun, codification-compilation » a été édité en décembre 2018 chez Panthéon. L’ouvrage disponible en 3 tomes d’environ 100 textes chacun, permet de mieux appréhender, les mécanismes de la règlementation des questions environnementales et de déve- loppement durable au Cameroun, et surtout, d’évaluer le degré de la protection de l’environnement accordé par le législateur et l’administration.

Boris NGOUNOU

n avril 1992, le professeur prince de la chefferie supérieure du s’est donc refusée pour cette édi- Maurice Kamto s’inquiétait groupement Bafoussam (dans la ré- tion, délibérément de s’enrichir des Edéjà du caractère disparate et gion de l’Ouest-Cameroun), fils du commentaires, des annotations, de transversal des textes juridiques en défunt charismatique et 96e roi des joutes doctrinales, y compris de la matière de protection de l’environ- Fussep SM Élie Ngompe Tchoumt- jurisprudence nationale peu établie nement au Cameroun. L’agrégé en choua, est par ailleurs Président de en la matière. droit avait alors publié un article inti- l’Association des Journalistes afri- Il s’agit notamment des nouvelles tulé « Droit Camerounais de l’envi- cains pour l’Environnement. dispositions juridiques minières ronnement : ENTrE L’ÊTrE ET LE « Code de l’environnement au Ca- mises en place par la loi n° NON-ÊTrE ». En effet, le droit de meroun, codification-compilation », 2016/017 du 14 décembre 2016, l’environnement au Cameroun, est est libellé en trois tomes d’environ des lois et décrets régissant le pé- disséminé dans plusieurs textes juri- 100 textes chacun. Cet ouvrage ré- trole, le gaz, les établissements diques et règlementaires, qui ne ré- sume et rend accessible le foisonne- classés ; des nombreux textes rela- vèlent pas seulement du ministère ment législatif et règlementaire de la tifs au régime foncier et à l’aména- de l’environnement, de la protection question environnementale et du gement durable du territoire national de la nature et du développement développement durable au Came- ; de plusieurs normes juridiques trai- durable. Toute chose qui jette un vé- roun. Toutefois, il est à préciser que tant de la question de l’eau, de la ritable flou sur les dispositions de la la première édition du « Code de pêche, de l’agriculture, du transport loi camerounaise, en matière de l’environnement au Cameroun » aérien et terrestre, de l’hygiène et protection de l’environnement. n’est pas dotée d’un index analy- salubrité, de la gestion des occupa- C’est pour répondre donc à cette in- tique, elle compile par contre l’es- tions des sols, du patrimoine routier, quiétude qu’intervient le travail du sentiel des textes nationaux. Sa des aires protégées et même de la juriste Alain Fréjus Ngompé. Ce cible est le citoyen lambda. Elle faune et forêt.

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 23 Evènement Germany DEADLOCK IN RADIOACTIVE WASTE MANAGEMENT By the end of 2022, germany should be done with the production of nuclear power. But the fate of the most dangerous radioactive waste is absolutely not solved when time is running out.

Jator NJENYU

he final clap must take place in four years, end of 2022. A page turned, Tfor good. The last seven nuclear power plants in Germany will be removed from the electricity grid, ready for dis- mantling. The conclusion of a major tur- ning point in the country's energy policy initiated in just a few days by Chancellor Angela Merkel in 2011, following the Fu- kushima disaster. But Germany is not finished with the nu- clear struggle so far. What about the 28,000 cubic meters of high-level radioac- tive waste produced by its power plants? What about 300,000 cubic meters of low The fate of the most dangerous waste is, “Time constraints could ultimately lead to and medium level radioactive waste, some for its part, absolutely not solved. Initially a simplification of the procedure” of which will still be produced by industry they were destined for the Gorleben site, But not everyone plays the game, far and medical research after 2022? 120 kilometers south-east of Hamburg. from it. Bavaria, the first German region The Germans have been asking these Between 1995 and 2013, 113 barrels to inaugurate a nuclear power plant in questions for decades without finding a were stored there. 1.7 billion euros have 1961, simply refuses research, saying reliable answer. They were pioneers, ho- already been swallowed up in the project, it”is not a suitable storage place for ra- wever, in inaugurating the disposal of nu- mainly financed by the companies that dioactive waste ". Other regions, such as clear waste in a salt mine in the 1960s. own the nuclear power plants. But the site Saxony-Anhalt, where the Morsleben site The site of Asse, in the north-west of the of Gorleben is ... a former salt mine, loca- is located, but also Lower Saxony, where country, was then a national pride, pre- ted on the edge of the Elbe, leaving fears Gorleben, Asse and Konrad are located, sented as a simple and inexpensive solu- of geological fragilities identical to the site or rhineland-Palatinate on the border tion. 126,000 barrels of low- and of Asse. After the mobilization of inhabi- with France, are reluctant to entrust their medium-level radioactive waste were sto- tants and environmental associations, geological data to the BGE. Private mi- red at a depth of 700 meters. No need for again, the project is suspended. ning companies also rejected them in the special containers, it was thought: salt Last year, Germany has therefore retur- name of business secrecy. would be enough to protect the barrels for ned completely to zero in its search for a To remedy this, the Federal Ministry of millions of years. disposal site. No question of exporting the Energy has promised to reform the legis- The technological prowess turned to di- waste, they must remain on German soil. lation, but the text has already been post- saster a few years later. The radioactive On the other hand, burial remains the fa- poned and should not be considered by trash turned into Gruyère, a cracked vored storage method, like the French parliament until 2019. In addition, it would mine. More than 12,000 liters of salt water project Cigéo in Bure. All basements of require the examination of petitions on a flowed daily, threatening to come into salt, clay and granite with a thickness of case-by-case basis. Case, which makes contact with the radioactive material and at least one hundred meters are studied, the BGE jump: "This is not feasible given contaminate groundwater. In some cavi- except areas damaged or at risk of seis- the large amount of data and uncertainty ties, the drums crashed against one ano- mic. The drums must be able to be stored regarding the rights of third parties," the ther as a result of geological movements. at least 300 meters deep. organization said in a statement. In 2009, the federal government decided An ad hoc agency has been created, the On the side of the authorities as associa- to dismantle the site. Federal Society for Disposal ( BGE ). It is tions, no one seems to believe that the In a project of concrete formwork consi- responsible for conducting the research mission will be completed, when it has dered hazardous, the authorities prefer- but also for restoring trust with the peo- just begun. "It is almost illusory to think red the extraction of the barrels, and their ple, in a completely transparent process that a site will be found by 2031, Judge temporary storage a few kilometers away, that must make us forget how Gorleben Thorben Becker, of the environmental on the site of Konrad. Estimated cost for was imposed by the government. A natio- NGO Bund. We consider that the timeta- the German taxpayer: up to ten billion nal support committee has been set up, ble is dangerous, because the time euros. After a delicate phase of security, including randomly selected citizens constraints could finally lead to a simplifi- the first barrels must leave the ground at throughout the country. By 2020, a list of cation of the procedure.” Understand: to the earliest in 2033. Konrad must also re- potential sites must be made public, for a return to the initial choice of Gorleben, in ceive the waste coming from Morsleben, final choice set at 2031 and an opening spite of the environmental risks and the the former landfill site of East Germany, of the site in 2050. opposition of the population. which also threatens to collapse.

24 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 Evènement L’ATLANTIqUE ENGLOUTIT SAINT-LOUIS DU SENEGAL une kyrielle de maisons usées que dérobent à leur ruine annoncée des clôtures délabrées. Hier, témoins privilégiés d’un jadis glorieux ; aujourd’hui vestige d’une lutte perdue. Les morsures salines d’une mer agitée couplées aux transports saisonniers d’un fleuve trop zélé, auront eu raison de ces murs, voire de villages entiers.

Janvier NGWANZA OWONO

oxu Mbath, est un quartier des pêcheurs à St Louis. Situé sur Gla langue Barbarie, au confluent du fleuve Sénégal et de l’océan Atlantique, c’est une bourgade de 120 000 âmes. Elle se retrouve au- jourd'hui à la merci des vagues. "Les vagues nous ont surpris la nuit. C'était le 20 octobre. L'eau a frappé fort et fait tomber les murs. Nous appelons à l'aide de l'Etat et nous sommes prêts à aller ailleurs", avait les risques de catastrophe, s'est dite prédisent que dans 15 ou 20 ans, la déclaré Awa Sarr Fall, 68 ans, devant préoccupée par le sort des villes cô- Langue aura totalement disparu », a sa maison en bord de mer, gravement tières et riveraines. Certains maires lui déclaré à un adjoint au maire de Saint- endommagée. "Nous voulons nous dé- ont raconté que leurs villages avaient Louis, ajoutant que « la gestion de placer, mais nous n'avons pas les été sous l'eau 10 mois sur 12. cette situation, unique au monde, po- moyens. Aucune autorité ne nous est En 2003, de fortes pluies dans le bas- sait d'immenses problèmes d'argent et parvenue depuis les dégâts", a déclaré sin versant du fleuve Sénégal ont d'organisation ». Abibatou Fall, un autre résident de alarmé les autorités qui, craignant les De surcroît, la brèche a également Goxu Mbath. inondations, ont ordonné de creuser coûté des vies. « Les pêcheurs qui em- Fondée par les colons français au un canal pour l’eau du fleuve à travers pruntent le canal pour aller en mer font xVIIe siècle, Saint-Louis fut la capitale la langue de Barbarie. Mais lorsque la parfois naufrage sur des bancs de du Sénégal de 1872 à 1957 et est sou- mer a envahi l'embouchure du fleuve sable » explique El Hadji Boubacar vent qualifié de « Venise de l'afrique ». en 2012, le canal s'est élargi, passant Dia, un responsable local de l’environ- Elle joua un rôle culturel et écono- de quatre mètres au début à une nement, estimant à près de 200 le mique important dans toute l'Afrique brèche béante de cinq kilomètres de nombre de personnes tuées depuis occidentale. Cet archipel est ancré de large. La communauté insulaire de 2013. Les tortues de mer et les oi- manière précaire entre les courants ra- Doune Baba Dieye, située à environ seaux migrateurs sont également gra- pides de la voie navigable enflée et dix minutes en canoë motorisée de vement menacés par la perte de leur l'océan. Selon un rapport publié en l'embouchure du fleuve, a été la pre- habitat. 2008 par ONU-HABITAT, la ville de 250 mière victime. "L'eau a englouti l'île En guise de réponse, l'État sénégalais 000 habitants est inondée pendant la et les gens sont partis", a déclaré et la municipalité ont décidé en 2010 saison des pluies lors du débordement l'ancien chef du village, M. Diagne de construire une digue, mais, au du fleuve, car elle est la plus vulnéra- Ameth Sene. "Tout cela est dû à la début de l'année 2018, l'ouvrage a été ble en Afrique face à la montée du ni- brèche", explique Diagne, l'un des submergé par des vagues de 3 à 4 veau des océans. Ces plus chanceux qui avait assez d'argent mètres de haut et la digue a com- bouleversements "sont en partie liés pour construire une nouvelle maison mencé à s'affaisser. Aujourd'hui, la aux changements climatiques", plus à l'intérieur des terres. "Nous ne mer arrive au pied des habitations et mais aussi "les gens ont mal aménagé le voulons pas, mais dans ce pays, menace plus de 30.000 personnes. leur espace d'habitat", explique Pape quand vous n'avez pas de diplôme uni- En effet, Guet Ndar, l'un des trois vil- Gombo Lo, professeur à l'Université versitaire, personne ne vous écoute." lages de pêcheurs de Saint-Louis Cheikh Anta Diop de Dakar. Les scien- M. Diagne et ses 800 voisins vivaient avec Santhiaba et Goxu Mbacc, pré- tifiques disent que les changements des précieux mulets, sardines, bonga sente la particularité d'abriter la climatiques aggravent le problème et tilapias qui prospéraient autrefois deuxième plus forte densité de popu- avec des pluies de plus en plus abon- dans les mangroves, mais disparais- lation au monde, après Calcutta. C'est dantes et une élévation du niveau de saient aussitôt que l'eau salée de l'At- l'un des premiers villages de réfugiés la mer. Lors d'une visite au Sénégal en lantique envahisse le fleuve. De plus, climatiques où 300 personnes vivent 2014, Margareta Wahlstrom, représen- "les prévisions sont pessimistes pour sous des tentes de l'ONU, sans eau ni tante spéciale des Nations Unies pour la Langue de Barbarie. Les experts électricité, apprend-on sur le site.

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 25 Nouvelles d’ailleurs Assainissement AbIDJAN fAIT SA MUE

Le Programme d’embellissement du paysage urbain de la capitale économique de la Côte d’Ivoire lancé en octobre 2017, veut lui donner un visage plus avenant. Coût global du projet : 2 milliards de FCFa.

Eric Vincent FOMO

e 25 septembre 2018, la ministre banques, pharmacies, hôtels, restau- De façon concrète, la mise en œuvre ivoirienne de l’Assainissement et rants, etc. intègre la peinture des façades des Lde la Salubrité, Anne Ouloto, a ré- Toutes ces actions s’inscrivent dans le grandes artères d’Abidjan. Qu’il ceptionné un matériel roulant dédié au cadre d’une opération d’embellisse- s’agisse entre autres des grands im- nettoyage, à la collecte et au transport ment de la capitale économique de la meubles situés le long du boulevard des déchets dans le District autonome Côte d’Ivoire. Mis en route le 31 octo- Latrille, depuis l’hôtel Ivoire jusqu’à d`Abidjan. Ledit matériel était constitué bre 2017, ce programme est une initia- Angré, le long du boulevard de France de balayeuses, de tasseuses, de ca- tive du district autonome d’Abidjan à partir de la place Saint Jean ou en- mions bennes et de remorqueurs. Au pilotée par le gouverneur robert core les bâtiments longeant le boule- total, un peu plus de 300 camions de Mambé Beugré et appuyée par le mi- vard Giscard d’Estaing jusqu’à la collecte d'ordures ont été déployés dans nistère de la Salubrité, de l’Environne- bretelle d’accès au pont Henri Konan huit communes du District d'Abidjan par ment et du Développement durable. Il Bédié. Afin de pérenniser l’initiative, le Eco-Eburnie, entreprise en charge de la se décompose en trois composantes : ravalement des édifices se fera « tous gestion des ordures ménagères. Par ail- le ravalement, le planting d’arbres et les deux ou trois ans ». L’opération de leurs, l’opérateur compte disposer plus l’aménagement des carrefours. L’ambi- planting pour sa part, intègre le rever- de 1 000 bacs à ordures le long des ar- tion est de restaurer le paysage et la dissement des artères de la ville sur tères d’Abidjan. Courant février 2018, la faune d’Abidjan afin qu’elle se consti- un linéaire de près de 32 kilomètres start-up MD Floral Business Group, spé- tue en puits de carbone pour une ré- de voirie, avec la mise en terre de 50 cialisée dans l’embellissement floral ur- duction substantielle des émissions de 000 arbres. 30 carrefours seront éga- bain, a déposé ses valises à Abidjan. gaz à effet de serre. Il est question de lement aménagés dans les 13 com- L’idée étant, de l’avis de son patron, Dr. faire en sorte que « nos villes et com- munes du District. Tous ces projets Denis Gle, d’offrir aux Abidjanais un munes soient propres, que nos villes et sont dans leur phase opérationnelle et cadre plus avenant. La structure compte communes soient agréables pour reflé- sont réalisés concomitamment. Le produire des paniers de fleurs (les varié- ter la vérité de la Côte d’Ivoire qui est Programme d’embellissement du pay- tés Zinnia, Petunia, Geranium) pour celle d’une Côte d’Ivoire qui s’est réveil- sage urbain du District d’Abidjan est l’embellissement des façades des entre- lée et qui se veut émergente à l’horizon financé sous fonds propres, à hauteur prises commerciales comme les 2020 », confie le gouverneur. de 2 milliards de F.

26 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 réflexions fRANCE LES GILETS JAUNES S'INVITENT DANS LE DEbAT PUbLIC

Jean-Célestin EDJANGUE

'est un mouvement social qui a sur- pris tous les observateurs par son ca- Cractère spontané. Né de la diffusion des appels à manifester via les réseaux so- ciaux, contre la hausse du prix de carbu- rants, la politique fiscale du gouvernement, la misère des couches sociales moyennes et l'exigence de faire évoluer la démocratie par- ticipative. Les manifestants, vêtus d'une cha- suble à haute visibilité sont soutenus par une large majorité de la population dans l'hexa- gone. Mais le phénomène est aussi redouté du fait des débordements qu'il génère cau- sant d'importants dégâts matériels et des pertes en vies humaines. A quelques mois des élections européennes de 2019, les pro- testataires sont scrutés à la loupe par les dif- férents partis politiques. En sociologie, on parle de mouvement social pour désigner toute action collective ayant pour ambition de changer les comportements, les institutions, en un sens bénéfique pour un groupe actif et organisé. Par extension, les mouvements sociaux concernent toute action d'avoir lieu, le 29 décembre. Comment expli- beaucoup jugent «méprisantes». Du coup, lui collective revendicative, protestataire, desti- quer la permanence de cette contestation en qui bénéficiait d'une cote de popularité cor- née à transformer l'ordre social existant. En dépit des réponses, certes tardives et com- recte durant les six premiers mois de son politique, un mouvement social est une série plètes apportées par le gouvernement? mandat, a vu cette sympathie fondre comme d'actions destinées à concrétiser la volonté de Qu'est-ce qui fait de cette grogne sociale une neige au soleil. En même temps, il n'a cessé progrès social. Le mouvement social est donc contestation peu commune? Jusqu'où peu- de pratiquer une politique de plus en plus li- ici un mouvement éminemment politique. vent aller les gilets jaunes? Essayer d'appor- bérale, ponctionnant sur les retraités et les Enfin, en histoire, le mouvement social se rap- ter des éléments de réponse à ces classes moyennes et épargnant les plus porte à un ensemble d'évènements au cours interrogations, c'est d'abord retracer la trajec- grosses fortunes. Illustration parfaite de ce desquels des groupes d'individus appartenant toire de la colère des protestataires. cap politique, la suppression de l'Impôt sur la à une même classe sociale veulent modifier En réalité, dès le mois d'octobre, des mes- fortune (ISF) qui a une portée psychologique l'organisation de la société en fonction de sages circulent sur la toile, déversant toute la incontestable puisqu'il apparaît aux yeux de leurs intérêts et idéaux dans l'optique du pro- bile emmagasinée depuis des décennies la majorité des contribuables comme un mar- grès social (amélioration des conditions de vie contre les locataires du Palais de l'Elysée et queur de l'équité fiscale. par le changement de l'organisation sociale). de l'Hôtel de Matignon, symboles par excel- Ces différentes disciplines ne semblent pas, lence d'un pouvoir qui dicte, décide, impose «un mouvement difficile à cerner» à l'état actuel du mouvement des gilets toute sa volonté au peuple, sans jamais tenir La colère des gilets jaunes est apparue dès jaunes, permettre de mieux comprendre cette compte des souffrances qu'il endure ni s'ima- l'origine comme un mouvement atypique. contestation populaire que personne, visible- giner comment il a du mal à survivre au quo- D'abord, c'est la première fois dans l'histoire ment, n'a vraiment vu venir. Surtout pas les tidien, à boucler les fins de mois après avoir des mouvements sociaux français qu'un mou- autorités au pouvoir qui ont mis environ trois payé ses nombreuses factures. Pauvres Em- vement non structuré s'impose avec une si semaines, après la première grande manifes- manuel Macron et Edouard Philippe, ils sont grande facilité dans la vie quotidienne avec tation, samedi 17 novembre 2018, avant de tombés au mauvais endroit au mauvais mo- une telle ampleur et une sympathie indénia- commencer à réaliser ce qui était en train de ment malgré la légitimité des urnes qui a porté ble auprès des populations. Autre originalité, se goupiller. Un peu à la manière d'un boxeur à la tête de la France, en mai 2017, le plus c'est la première fois que le rejet de la hausse mis KO dès le premier round d'un combat qui jeune président de la république de son his- du prix des produits énergétiques (TICPE) est en comptait 12 et qu'il pensait gérer à sa toire, âgé alors seulement de 39ans et plus à la base un grogne sociale qui va ensuite guise. Le temps de retrouver ses esprits, de jeune dirigeant membre du G20(dix-neuf pays s'étendre à d'autres secteurs économiques revenir à la vie quotidienne, l'arbitre a déjà pris plus l'Union européenne). Un président de la jusqu'à la remise en cause du fonctionnement sa décision. Il peut arrêter le combat et décla- république, ancien banquier d'affaires chez de la démocratie participative dont les mani- rer le vainqueur ou alors ordonner la reprise, rothschild, qui a suscité tellement d'espoir festants demandent l'amélioration, avec no- estimant sans doute que le pugiliste était juste après le quinquennat calamiteux d'un Fran- tamment l'introduction d'un référendum bien sonné mais qu'il a encore les capacités çois Hollande considéré par des analystes po- d'initiative citoyenne(rIC). Parmi les revendi- de se battre. Les gilets jaunes ont effective- litiques comme le «pire chef d'Etat de la cations des gilets jaunes, on retrouve égale- ment marqué des points mais peut-on dès à France depuis plusieurs décennies». Emma- ment la question de la pression fiscale et présent affirmer qu'ils ont remporté le com- nuel Macron, fier et cash dans son propos, sociale (pouvoir d'achat des classes bat? Tout laisse penser que le match ira très sûr de lui dans son comportement, a fini moyennes et populaires), et politique (démis- jusqu'au terme des 12 rounds. L'acte 7 des par agacer une écrasante majorité des Fran- sion du président de la république, Emma- manifestations du samedi vient seulement çais, en multipliant des petites phrases que nuel Macron, réforme du Sénat dont certains uu

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 27 réflexions veulent la suppression...). moyennes rurales. Certains peuvent gagner son horizontalité- sont «très proches de la Mais, la contestation liée au mouvement des jusqu'à 2.000 euros ou 3.000 euros en cou- gauche radicale» compatible avec l'extrême gilets jaunes est surtout inédite du fait des ple quand ils travaillent. D'autres sont au chô- droite «et très éloignées des programmes li- formes utilisées pour manifester: blocages mage, parfois de longue durée, ou des béraux d'Emmanuel Macron ou François des ronds-points, de routes, filtrages de la retraités. Tous éprouvent d'énormes difficultés Fillon».» circulation, incendie des échangeurs à à boucler les fins de mois une fois toutes les L'historien Sylvain Boulouque affirme que le péages, violences envers les personnes dé- taxes et charges payées. Ce qui se comprend nouveau serment du jeu de pomme « diffusé positaires de la puissance publique, obliga- puisque c'est cette classe moyenne qui a été par des représentants emblématiques du tion faite aux usagers de la route de mettre particulièrement mise à contribution par le mouvement des gilets jaunes, le 13 décem- en exergue leur gilet jaune en guise de signe gouvernement pour renflouer les caisses de bre 2018, représente un étonnant syncrétisme de ralliement et d'adhésion à la protesta- l'Etat et financer sa politique économique et entre les programmes du Front National (au- tion...organisation planifiée d'une grande ma- fiscale. Cette classe moyenne a le sentiment jourd'hui rassemblement national, de la nifestation chaque samedi tant à Paris qu'en d'être prise pour la vache à lait et dénonce le France insoumise et de l'Union populaire ré- province, depuis le 17 novembre 2018. Des mépris dont elle pense être l'objet de la part publicaine(UPr) de François Asselineau. rassemblements qui sont souvent émaillés des élites urbaines à qui les pouvoirs publics Les manifestants en gilets jaunes se distin- de heurts et dégâts matériels importants, ont finalement tout concédé. guent aussi par leur aversion de certains mé- avec comme corollaire des centaines d'ar- Le journal allemand le Süddeutsche Zeitung, dias, qui se retrouvent dans leur discours avec restations et des dizaines de gardes à vue, qui est avec le Frankfurter Allegemeine Zei- une rhétorique très critique des médias tradi- sans oublier les blessés et des morts. tung et Die Welt, un des trois plus gros tirages tionnels qui les conduit à s'informer surtout sur Face à ce capharnaüm, le président de la ré- quotidiens Outre-rhin, y voit «la rébellion les réseaux sociaux. Pour eux, il est clair que publique a fini par s'adresser aux Français. Le d'une classe moyenne qui se sent marginali- les médias ordinaires sont favorables au pou- 10 décembre 2018, dans une allocution enre- sée socialement et géographiquement par les voir établi et parfois complices de ce pouvoir. gistrée et diffusée dans des conditions de di- personnes les mieux rémunérées des C'est ce qui expliquerait que ces médias met- rect, Emmanuel Macron a donné raison au grandes villes»1 Pour sa part, le professeur tent plus en exergue l'action des casseurs que mouvement des gilets jaunes et répondu en Vincent Tiberj, enseignant à l'Institut d'études les manifestations pacifiques. Cette incompré- partie à leurs revendications : il renonce à la politiques(IEP)de Bordeaux, pense que les gi- hension s'illustre dans la manière dont des hausse prévue en janvier 2019 des taxes sur lets jaunes «incarnent ce que le sociologue journalistes sont souvent pris en grippe par les carburants et annonce un train de me- Olivier Schwartz appelle les «petits moyens»: des gilets jaunes, forçant des rédactions à or- sures sociales dont certaines à effet immédiat ils travaillent, paient des impôts et gagnent ganiser la sécurité de leurs journalistes en- comme la hausse du Smic(Salaire minimum trop pour être aidés et pas assez pour bien voyés sur le terrain. interprofessionnel de croissance) de 100 vivre». Quant au géographe Hervé Le Bras, il Enfin, s'il est vrai que le mouvement manque euros (65.000 FCFA) dès janvier 2019 pour a dessiné une cartographie du mouvement de personnalités reconnues comme telles tous ceux qui gagnent le Smic, annulation de des gilets jaunes avec une forte mobilisation pour représenter l'ensemble de la collectivité, la CSG(Contribution sociale généralisée) pour dans la «diagonale du vide», qui va de la certaines figures font office de leaders à tous les retraites de moins de 2.000 euros Meuse aux Landes»2 Il semblerait, d'après l'image de Pricillia Ludosky, qui la première (1.300.000 CFA) par mois. A ces mesures, il cette cartographie, que la France urbaine soit lança, en mai 2018, une pétition en ligne ap- faut ajouter la promesse d'une vaste concer- moins favorable aux mouvements des gilets pelant au boycott de la hausse du prix de tation de trois mois sur le fonctionnement de jaunes. En témoigne le faible écho de ce mou- carburant, ou Eric Drouet, auteur de plu- la démocratie participative. Enfin, le chef de vement dans des secteurs comme Saint- sieurs appels via les réseaux sociaux à ma- l'Etat appelle à un retour au calme et à la paix Denis, Boulogne-Billancourt ou nifester et qui a été interpellé et mis en sur l'ensemble du territoire national. Evry-Courcouronnes. examen pour «appel à trouble à l'ordre pu- La réponse des gilets jaunes après ces an- Sur le plan des orientations politiques, une blic». Surtout, à l'instar du mouvement des nonces est contrastée. Certains d'entre eux étude réalisée fin novembre 2018 par Elabe Bonnets rouges qui s'opposa aux portiques sont satisfaits des mesures égrenées par sous la direction du journaliste Bernard Sana- écotaxes en 2013, le gilet de haute visibilité Emmanuel Macron alors que pour d'autres, nès, indique une surreprésentation des élec- communément appelé «gilet jaune», est le il n'y a rien de nouveau à l'horizon. Le mou- teurs du rassemblement National (ex-Front vêtement symbolisant le ralliement. Cette vement continue donc pour tenter d'obtenir National) de Marine Le Pen qui se définissent chasuble imposée dans tous les véhicules davantage des pouvoirs publics qui gardent comme gilets jaunes : 42% de ses électeurs en France, y compris dans les deux ou trois la main tendue pour dialoguer avec les re- lors de la présidentielle de 2017 se définissent roues à moteur ou quadricycles à moteur présentants des gilets jaunes. Cependant, comme tels, contre 20% des électeurs de la non carrossés, est déposée au-dessus du ta- les annonces du gouvernement ont considé- France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon et bleau de bord ou sur la plage arrière du vé- rablement faibli le mouvement comme en at- 5% des électeurs d'En Marche d'Emmanuel hicule pour être visible de l'extérieur. testent les chiffres publiés par le ministère Macron. Cette tendance est confirmée par Très populaire à ses débuts, le mouvement de l'intérieur au lendemain de la première toutes les autres études relatives à ce champ. des gilets jaunes semble perdre un peu son grande manifestation de samedi le 17 no- Dans une publication du 4 décembre 2018, aura. La preuve? Les Français qui soute- vembre 2018, avec 287.000 manifestants, Slate.fr relate «Ce que révèle les sondages naient la grogne à 78% avant la première contre 66.000 le 23 décembre. Dans la sur l'identité des gilets jaunes». L'article sou- grande manifestation du samedi 17 novem- même période, on enregistre provisoirement ligne que les sympathisants du rN et de la FI bre 2018, ne sont plus que 54% à souhaiter un bilan de 1843 manifestants blessés dont sont les plus tentés à soutenir la contestation que les protestataires poursuivent leur mou- 1000 policiers et 10 personnes décédées. A des gilets jaunes, par rapport à d'autres partis. vement. Une tribune signée le 7 décembre titre de comparaison de mai à juin 1968, ce La rubrique «Les Décodeurs» du site Web du par des célébrités comme le philosophe et au- sont 7 personnes qui sont mortes lors du quotidien français Le Monde, qui a pour objet teur Bernard Henri Lévy, le journaliste mon- mouvement social d'il y a 50 ans avec 2.000 de vérifier des informations données sur di- dain Stéphane Bern, l'acteur et comédien blessés dont 200 dans un état grave. verses thématiques, remarque en se référant Michèle Boujenah...appelle les gilets jaunes à aux programmes des candidats à la présiden- cesser leurs violences et à transformer leurs «Des profils divers» tielle de 2017, que les revendications du mou- manifestations en débat public. rien ne per- Les contestataires en gilets jaunes ont en vement-dont ils précisent qu' «elle ne sont pas met, pour l'instant, d'espérer que cette do- commun de représenter surtout les classes officielles, le mouvement étant caractérisé par léance sera suivie.

1- Cf. Le Parisien, quotidien, 22 novembre 2018. 2- Cf. Lefigaro.fr, 22 novembre 2018.

28 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 regards Conakry L’EPINEUx PRObLEME DE L’INSALUbRITE La gestion des ordures ménagères est devenue une problématique pour la population riveraine. Car, malgré les multiples efforts consentis par les autorités à travers les sensibilisations avec l’implication des ONg et autres partenaires de la place, le problème reste entier. Jean Loïc AMOUGOU

lors que la ville est encore sous- équipée en matière de collecte et de Astockage des déchets (une seule grande décharge, pas d’unité de traitement et de recyclage), nombre de ses habitants jettent n’importe où leurs ordures ména- gères et déchets en tous genres. Pour les éliminer, certains y mettent le feu, multi- pliant les risques d’incendies. Et aux pro- blèmes sanitaires et environnementaux engendrés par les déchets viennent s’ajou- ter ceux des fumées toxiques dégagées par les brasiers… Mais les autorités semblent bien détermi- nées à poursuivre les actions engagées pour assainir la ville. Elles comptent aussi beaucoup sur la sensibilisation des ci- toyens et espèrent faire changer les men- talités des citadins de la capitale. Ce problème d’insalubrité a pris de telles proportions que des activistes s’en sont emparés, comme la blogueuse Fatoumata points, les édifices publics et les artères cret portant interdiction de la production, Chérif. Depuis décembre 2016, elle a lancé principales étaient tous illuminés, « histoire de l’importation, de la commercialisation et une campagne « SelfieDéchets » sur les de changer de décor pour marquer le pas- de l’utilisation des déchets plastiques en réseaux sociaux : elle y poste des photos sage à la nouvelle année, comme on le fait Côte d’Ivoire la règle est entrée en vigueur ou vidéos « chocs » où elle pose devant dans les autres grandes villes », explique depuis le 08 novembre. des tas d’ordures pour dire son ras-le-bol Mathurin Bangoura. des nombreuses décharges à ciel ouvert Un aménagement qui se veut plus durable « On balaie tous les jours ces routes mais, qui souillent les rues et les plages de la ca- : des plants de palmiers – qui commencent les gens continuent toujours à mettre des pitale. à se faner sous l’effet du soleil – ornent ordures » », s’insurge une balayeuse. Fin 2016, le gouverneur a créé une police désormais le trottoir longeant l’autoroute Ce projet qui est une initiative du ministère verte : un contingent de 200 contractuels Fidel-Castro, l’un des axes les plus fré- de l’environnement en collaboration avec sommairement formés, constitué pour sur- quentés de la ville. le gouvernorat de la ville de Conakry, inter- veiller les espaces verts ou déguerpis afin Mais le phénomène des déchets plas- vient avec le souci de rendre la ville de de les maintenir propres et d’empêcher tiques est un frein aux efforts de propreté Conakry plus belle, agréable, sans mala- qu’ils soient réinvestis. Ces agents rappel- de la capitale guinéenne. Sur les chaus- die et très fréquentable. lent à l’ordre les citoyens qui ne respectent sées, dans les caniveaux et non dans les Après des heures d’activités, chacune des pas les règles de salubrité et apportent une poubelles le plus souvent, les sachets femmes reçoit montant de 25.000 GNF, aide considérable dans la régulation de la plastiques constituent de nos jours, de quelques boites de lait et de savon parfois circulation. réels dangers pour la salubrité de la capi- pour parfaire leur santé et se rendre bien Pour assurer ces missions, le gouvernorat tale guinéenne Conakry. C’est pourquoi propres après le travail. dispose d’un budget annuel de 25 milliards depuis plusieurs années, le slogan « Cona- « La dynamique est grande mais, nos ef- de francs guinéens (moins de 2,5 millions kry ville propre" reste toujours perturbant forts sont comme des répétions tous les d’euros), que Mathurin Bangoura estime malgré l’engagement de certaines femmes jours », confie un superviseur des travaux insuffisant : il en faudrait le double pour le long des routes. qui déplore le fait que le citoyen de Cona- couvrir les cinq communes de la capitale. Les sachets plastiques influencent beau- kry ne cherche pas où mettre des ordures En attendant des moyens financiers et hu- coup le milieu de vie et leurs consé- même s’il est à quelque mètres d’une pou- mains plus importants, le gouvernorat a quences sur l’environnement sont belle. Dans les taxis ou dans les voitures installé des poubelles sur les principales énormes et multiples. Selon plusieurs personnelles, les sachets plastiques dont artères du centre-ville, à Kaloum, où il études, les sachets plastiques, dont la il est question, sont le plus souvent jetés concentre ses effectifs, ainsi que dans la durée de vie varie entre 100 et 400 ans en sans irritation. commune de Matam, au marché de Ma- fonction des conditions, ont des effets no- Ces sachets, utilisés pour les marchés, dina. cifs sur la faune et la flore aquatiques. les eaux minérales et autres besoins, Pour marquer la volonté d’embellir l’agglo- Dans certains pays comme la Côte constituent à Conakry la plus grande mération, la première édition de Conakry, d’Ivoire, la fabrication des sachets plas- quantité d’ordures ramassées par les ser- ville lumière a été organisée du 20 décem- tiques n’est plus permise. Dans ce pays, le vices de nettoyage. bre 2016 au 5 janvier 2017 : les ronds- gouvernement a pris, en mai 2013, un dé-

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Portrait

Louise Mushikiwabo DE LA DIPLOMATIE A LA fRANCOPHONIE

L’interprète de formation âgée de 57 ans vient d’ajouter une corde à son arc : celle de secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie.

Eric Vincent FOMO

de lobbying et de relations Femme de caractère publiques. Vers le milieu Louise Mushikiwabo compte parmi des années 2000, elle les femmes les plus puissantes dépose ses valises à d’Afrique voire du monde. Elle est la Banque africaine membre du conseil consultatif du de Développement Munich Security Conference, la amais 2 sans 3, a-t-on coutume (BAD), comme di- conférence annuelle sur la poli- de dire. La rwandaise Louise recteur des communications du tique de sécurité internationale. JMushikiwabo est depuis le 12 Groupe. Panafricaniste dans l’âme, elle l’af- octobre 2018 la troisième africaine à fiche clairement. Lors d’une ren- prendre la tête de l’Organisation in- Retour au pays natal en 2008 contre du Conseil de sécurité de ternationale de la francophonie Même si Louise Mushikiwabo n’a l'Union africaine (UA), le 8 décem- (OIF), après l’Egyptien Boutros-Bou- pas vécu le génocide de 1994, elle bre 2013, elle prononce un dis- tros Ghali et le Sénégalais Abdou va cependant porter les stigmates. cours qui va faire date. « L'Afrique Diouf. Celle qui était depuis 2009 Son frère aîné, Lando Ndasingwa, du 21e siècle doit être maîtresse (soit neuf ans sans interruption) mi- politicien et seul ministre tutsi du der- de son destin et cela doit être plus nistre des Affaires étrangères du nier gouvernement Habyarimana, est qu'un slogan. Une voix unique afri- rwanda, succède ainsi à la cana- tué avec sa femme canadienne, ses caine au service des Africains s'im- dienne Michaelle Jean, candidate deux enfants et sa mère le 7 avril pose [...] et cette unité doit résister malheureuse à sa propre succes- 1994. Ce qui amène Louise à co-ré- à toute forme de pression », avait- sion. Agée de 57 ans, le parcours de diger avec le journaliste américain elle martelé. Louise Mushikiwabo est impression- Jack Kramer, « rwanda Means The nant. Après avoir étudié l’anglais à Universe », un ouvrage semi-auto- « une Francophonie des jeunes » l’université du rwanda entre 1981 et biographique de 367 pages publié le « Nous avons une obligation et les 1984, elle dispense la langue de 4 avril 2006. Ouvrage dans lequel jeunes le disent souvent, d’aller au- Shakespeare aux élèves du secon- elle raconte les circonstances de la delà des slogans, des politiques, daire. Bénéficiaire d’une bourse en mort d’une grande partie de sa fa- des plans d’action. Pour moi, quand 1986, elle s’envole vers les Etats- mille et de la nation lors du génocide. on parle de l’emploi des jeunes, de Unis pour une formation en interpré- Malgré ce traumatisme, elle accepte la formation, de l’employabilité, il y a tariat. Son séjour à l’université du de retourner au pays en 2008, à la aussi l’urgence pour les jeunes de Delaware sera sanctionné par une demande du président Paul Kagame. faire partie d’une société qui les va- maîtrise en Langues et interprétation, Elle intègre le gouvernement comme lorise », avait déclaré la nouvelle avec une spécialisation en français. ministre de l'Information. Un bref patronne de l’OIF après son élec- Elle ne va pas regretter ce choix, car passage, puisqu’en 2009, elle hérite tion. Parce que l’emploi est capital pendant une vingtaine d’années, « des Affaires étrangères. Ce ministère pour un jeune formé ou non, elle Louise » va travailler comme inter- va lui permettre d’hisser son pays veut valoriser les talents de cette prète pour le compte d’organisations dans la cour des grands. catégorie sociale.

BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 31 Carte postale

CONAKRY Note de lecture LES HEROS DE L’ENVIRONNEMENT* La journaliste, militante écologiste et des droits humains retrace, dans un ouvrage paru en septembre 2018 aux Editions du Seuil, le combat périlleux des femmes et des hommes qui, depuis plusieurs décennies, paient de leur vie pour que le cadre naturel de vie reste un patrimoine vital pour des générations présentes et futures, à l'échelle de la planète. un récit émouvant. Jean-Célestin EDJANGUE

lle est une femme d'action et de ter- nées sans que rien ni personne ait pu em- rain. Elle a été tour à tour créatrice pêcher à ses détracteurs de passer à Eet directrice d'un magazine sur la l'acte. langue française Qui vive!, ainsi qu'un D'autres héros et héroïnes restés gravés autre traitant de l'actualité culturelle et dans la mémoire collective sont également scientifique avec pour titre rendez-vous évoqués. Ainsi en est-il de Chico Mendès en France. Journaliste indépendante, elle connu pour son engagement pour la pro- a collaboré dans le quotidien Le Monde, tection de la forêt tropicale au Brésil, Les Echos, le Figaro et depuis 2014 avec l'Américaine Dian Fossey que certains ap- reporterre où elle couvre les atteintes aux pelaient affectueusement la «maman des libertés dans le monde et l'actualité à gorilles», à cause de son amour pour la l'échelle internationale. Elisabeth Scheine- protection des gorilles, tuée le 26 décem- ter, puisqu'il s'agit bien d'elle, est une véri- bre 1985 dans les montagnes des Virunga table combattante pour la sauvegarde de au rwanda. Ethnologue, zoologiste et pri- l'environnement, qui a notamment été en- matologue, elle était spécialisée dans gagée contre l'ouverture d'une carrière l'étude du comportement des gorilles de dans les collines au-dessus du Lac Trasi- l'Est de l'Afrique. Ken Saro-Wiwa, de son mène, en Italie, et une militante infatigable vrai nom Kenule Beeson Saro-Wiwa, est spectacle se dérouler parfois tout près de des droits humains, qui nous livre «Les un écrivain et producteur nigérian, militant leurs yeux. Pourquoi les héros de l'envi- Héros de l'environnement», un ouvrage de écologiste et lauréat du prix Nobel alterna- ronnement ne sont-ils pas mieux proté- 160 pages publié en septembre 2018, aux tif en 1994. Son combat a porté particuliè- gés? Quand on sait qu'ils doivent sont Editions du Seuil, en partenariat avec La rement sur les exactions de la souvent face à des adversaires qui dispo- pile, l'association qui édite reporterre le multinationale d'exploitation pétrolière sent de tous les moyens, y compris des quotidien de l'écologie. Shell dans le golfe du Niger. Il est mort le bandes armées qu'ils entretiennent à prix Dans ce récit assez documenté, elle nous 10 novembre 1955 à Port Harcourt. d'or, pour défendre les intérêts des puis- conte en huit chapitres, une guerre que sances financières contre l'intérêt vital des personne ne veut vraiment regarder et qui «Le pot de terre contre le pot de fer» populations établies dans leur environne- se déroule pourtant à l'échelle de la pla- On aurait pu penser que les multiples as- ment naturel...Erik Solheim, le directeur de nète. Cette guerre oppose des multinatio- sassinats perpétrés depuis des décennies l'agence de l'Organisation des Nations nales et autres entreprises prêtes à tout, y voir des siècles contre ces héros de l'envi- unies(ONU), se contente de déclarer: compris à dégrader le paysage naturel, ronnement allaient tuer leurs œuvres. Bien «Ceux qui luttent pour protéger la planète pour réaliser des bénéfices ou accroître au contraire! Les héros partis, leurs mis- et les gens devraient être célébrés comme les profits de leurs dirigeants, et des popu- sions et l'idéal qui l'accompagne demeu- des héros, mais la triste réalité est que lations qui ne demandent qu'à vivre libres rent d'une actualité incontestable. beaucoup paient un lourd tribut pour leur et paisiblement sur leurs terres. Entre les D'ailleurs, Elisabeth Schneiter a conçu son sécurité et parfois le paient de leur vie». deux protagonistes, qui luttent à armes récit comme une continuité d'action entre Une lapalissade! inégales avec des objectifs forcément op- les combattants d'hier pour la sauvegarde Au moment où le Groupe intergouverne- posés, il n'y a généralement ni arbitre ni de notre planète et ceux d'aujourd'hui. Ces mental sur l'évolution du climat, dont le médiateur. derniers continuent la bataille comme leurs dernier rapport publié en octobre 2018, ap- prédécesseurs, au péril de leur vie. Com- pelle à des mesures urgentes et ambi- «Devoir de mémoire» ment peut-il en être autrement dans cette tieuses pour limiter à 1,5% les émissions Le récit d'Elisabeth Schneiter démarre par opposition entre le pot de terre et le pot de de gaz à effet de serre (GES) si l'on veut l'évocation de certains héros qui ont donné fer? «Car mines, barrages, tourisme et lutter contre les effets du réchauffement leur vie pour que la terre survive. Tel est le agriculture intensive se multiplient sans climatique, il est consternant que les héros cas de Berta Caceres, militante écologiste répit, détruisant la nature, épuisant les ré- de l'environnement ne soient pas davan- née le 4 mars 1973 à La Esperanza et as- serves en eau, polluant l'air et les sols. tage accompagner dans le combat qu'ils sassinée à son domicile au Honduras le 2 Face à la puissance des multinationales, mènent pour le respect des droits humains mars 2016, alors qu'elle mobilisait son des bulldozers et des milices, femmes et et la protection du cadre de vie quoti- peuple, le Lenca, pour défendre le fleuve hommes défendent à mains nues ces res- dienne. Gualcarque dans le département de Santa sources essentielles pour tous les Ter- L'ouvrage de la journaliste, militante écolo- Barbara. Elle venait de recevoir un an au- riens», constate amèrement la journaliste, giste et des droits humains, est un formi- paravant, le Prix Goldman pour l'environ- consciente que la bataille est noble mais dable témoignage de ce que la bataille nement créé par richard Goldman, un elle est presque biaisée d'avance. Ce d'au- pour la sauvegarde de notre milieu naturel philanthrope américain, et remis chaque tant plus que le reste du monde, des insti- est un combat de longue haleine et l'affaire année depuis 1990 à des défenseurs de tutions internationales, des Etats, des de tous. Puisse son récit faire prendre l'Environnement. Berta Caceres avait été puissances économiques et financières conscience de ce défi qui engage toute victime de menaces pendant plusieurs an- semblent regarder, impuissants, le triste l'humanité.

*Les Héros de l'environnement, Elisabeth Schneiter, Editions du Seuil, 1960 pages, septembre 2018, 12 euros. BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57 33 Forum des lecteurs

Bosangi, célèbre plus d’une dé- donner de la tête avec les se- En restant constant dans ce rôle cennie d’existence au moment où cousses sismiques dues aux de lanceur d’alerte, Bosangi et Hysacam elle-même fête ses 50 changements climatiques. son équipe doivent persévérer ans. Cette continuité dans le trai- Les catastrophes qui ont désor- dans cette tâche, souvent ingrate, tement de l’information environne- ganisé la planète en cette année de vigiles pour protéger le monde mentale, n’a été possible que 2018, doivent faire prendre de son environnement et préser- grâce à une équipe de rédac- conscience de cette insoutenable ver la planète pour les généra- teurs, rédactrices dévoué (e)s, à légèreté de l'être et donc de l'im- tions futures! Bonne année 2019 ! qui il faut rendre hommage ici, au pératif catégorique d’informer le moment où la terre , notre maison monde sur les dangers que sa « Bosangi ô Boso », commune ne sait plus trop où propre humanité fait peser sur lui. un collectif de lecteurs

34 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Jan. - Fév. - Mars 2019 / N°57