MAIRE DE PARIS, Toute Une Histoire
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LA BATAILLE DE PARIS MAIRE DE PARIS, toute une histoire Devenir maire de Paris est un rêve pour beaucoup de personnalités politiques françaises. C’est bien normal puisqu’à ce poste, il s’agit souvent d’écrire aussi un peu l’histoire de France. Mais attention : si la fonction a longtemps disparu, c’est en raison du caractère sulfureux et parfois séditieux de la capitale. HISTOIRE PAR LEO FRÄNKEL i le poste de maire de Paris est un des plus Jacques de Flesselles, le MUNICIPALITÉ BOURGEOISE de-Mars pour disperser la foule venue demander, après convoité du monde politique français, et prévôt des marchands, res- Le lendemain, Bailly est proclamé maire de Paris par la fuite à Varennes, la fin de la monarchie. La garde Snon sans raison au regard des moyens et de la visibilité ponsable en partie de l’ad- acclamation de représentants des 60 districts (sorte nationale commandée par La Fayette tire et laisse une qu’il offre, il est aussi un des plus récents. Ce n’est qu’en ministration municipale et de quartiers regroupés autour des églises). Mais la cinquantaine de morts. Bailly devient fortement impo- 1977, après 106 ans d’administration directe par l’État qui avait accepté en juin la tutelle de l’État sur Paris n’est abolie par l’Assemblée pulaire et finit par démissionner en octobre 1791 (il sera et avec l’élection de Jacques Chirac que la capitale se nomination d’une commis- constituante que le 21 mai 1790. Ce même décret revoit guillotiné en 1793). dote d’un maire, comme toutes les autres communes de sion d’électeurs du Tiers complètement l’administration parisienne. Désormais France. Mais son mode d’élection, lui, reste particulier État chargé de contrôler la capitale (qui, à l’époque est limitée à la ceinture des Le 14 novembre 1791, Jérôme et complexe, avec un système de majorité par arron- son action – l’embryon d’un « fermiers généraux », qui suit grosso modo les actuelles Pétion, plutôt à gauche, est élu dissement. C’est qu’évidemment Paris est le chaudron conseil municipal – est tué lignes 2 et 6 du métro) est divisée en 48 « sections ». maire de Paris contre La Fayette. des révolutions et que celui qui dirige la municipalité d’un coup de feu alors qu’il Ces sections élisent directement le maire et envoient C’est une défaite pour les défen- est bien plus qu’un simple édile : sur ses épaules repose se dirige vers la foule ras- chacune un représentant au conseil municipal. seurs de la constitution de 1791. en grande partie la maîtrise d’un peuple capable, dans semblée devant l’Hôtel de Mais seuls votent les « citoyens actifs » qui paient le Mais la position du nouveau maire une insurrection, de renverser des trônes. Aussi, le plus Ville. Depuis l’échec de la révolte d’Étienne Marcel, en cens de dix jours de travail et sont propriétaires. La est délicate. Lorsque le peuple souvent, entre 1794 et 1977, l’État a jugé plus sage de 1358, la prévôté des marchands est une fonction étroi- municipalité parisienne est donc alors une municipa- investit une première fois les contrôler directement cette ville qui pouvait décider du tement contrôlée par la monarchie. Jacques de Fles- lité bourgeoise qui exclut l’essentiel des citoyens de Tuileries le 20 juin 1792, il tente sort du pays. selles connaît donc le même sort que le gouverneur de la la capitale. On compte moins de 20 000 électeurs sur d’empêcher l’insurrection, mais refusant de recourir à la Il est vrai que le premier à porter le titre de maire de Bastille, Jacques de Launay : sa tête, tranchée, est fixée 600 000 habitants. Cependant, l’administration a, à sa force, il est suspendu par l’État le 6 juillet. Rétabli sous la Paris, Jean Sylvain Bailly, obtint, du reste, la charge au bout d’une pique. disposition, une milice : la Garde nationale. Et c’est elle pression populaire une semaine plus tard, il est débordé au cœur du soulèvement du 14 juillet 1789. Ce jour-là, © DR dont Bailly fait usage le 17 juillet 1791 sur Le Champ- le 10 août lorsque le peuple renverse la monarchie et 52 53 HISTOIRE DES MAIRES DE PARIS Après la chute de Robespierre, en juillet 1794, le retour de la droite signe celui du contrôle direct de la capitale par l’État. PRÉFETS DE LA SEINE Il n’y a donc plus de maire de Paris. En 1834, cependant, un étroit quadrilatère compris entre les boulevards de les Parisiens (du moins, alors, ceux qui disposent du la Chapelle et de Bonne-Nouvelle du nord au sud, et les droit de vote) peuvent élire un conseil municipal, mais rues du Faubourg-Poissonnière et du Faubourg Saint- son rôle est minime et son président n’a qu’une fonction Denis d’ouest en est. À cela s’ajoute un carré à peine honorifique. Les grands hommes de la capitale, ceux qui raccroché à cet ensemble avec le quartier du Sentier alors la façonnent, sont donc ces préfets de la Seine, jusqu’à la place des Victoires. Le Ve est fait du même auquel est adjoint un préfet de police, en charge de bois : un ensemble allant de l’actuelle place Stalingrad l’ordre public au sens large (allant jusqu’en 1859 jusqu’à à la porte Saint-Martin, puis une petite langue poussant la voirie et la gestion des déchets). Ce sont ces préfets jusqu’aux Halles, entre les VIe, IVe et IIIe arrondissements. de la Seine qui reconfigurent la capitale, rasant certains Ce qui va devenir le nouvel arrondissement central de quartiers, perçant des rues, organisant les services la capitale est alors divisé en pas moins de huit arron- s’organise en « commune insurrectionnelle », mettant quartiers et sont regroupés par ensemble de quatre dans publics. Sans que la population parisienne ne puisse dissements ! Cette division étrange recoupe l’inanité de fin de fait au décret de mai 1790. douze arrondissements. Ces arrondissements sont alors avoir son mot à dire. leur fonction légale, largement symbolique. Mais elle Cette nouvelle commune est le produit du peuple en des municipalités autonomes, et l’ancien territoire de la La toponymie des rues pari- pose des problèmes immenses aux arme : il est à Paris ce que sera, plus tard, le gouver- commune de Paris n’est plus qu’un canton du départe- siennes en garde le souvenir : ce services de la préfecture qui sont nement révolutionnaire. Le maire n’a plus guère de ment de la Seine. Le 17 février 1800, le Consulat rétablit sont Gaspard de Chabrol (préfet divisés selon ces frontières. Dans pouvoirs : tout est entre les mains des sections révo- une municipalité parisienne, appelée « Ville de Paris ». de 1815 à 1830), qui fera lotir le le centre, des rues sont parfois lutionnaires. Ce sont elles, du reste, qui, menaçant Désormais le terme de « commune » est banni pour la quartier de l’Europe et les Bati- divisés en quatre ou cinq arron- la convention le 2 juin 1793, chassent les Girondins capitale et il l’est encore de nos jours. Mais c’est une gnolles et percer le canal Saint- dissements. Certains arrondisse- – dont Pétion – et donne le pouvoir aux Montagnards. municipalité fictive. Martin ; Claude Philibert de ments sont en effet peu peuplés Cet épisode va longtemps marquer les esprits et l’admi- Les arrondissements conservent des maires aux Rambuteau (1833-1848), père de la (comme le Ier, autour des Champs- nistration parisienne. La droite y verra le danger de la pouvoirs inexistants, nommés par l’État, souvent pour rue qui porte son nom, mais aussi Élysées, des Tuileries et quartier démocratie parisienne pour l’État et l’incapacité d’un services rendus. Dans César Birotteau, Balzac donne une de l’achèvement des Champs-Ély- de l’Europe), d’autres sont très maire à s’y opposer. La gauche gardera longtemps en idée de la façon dont on nomme un maire d’arrondisse- sées ou de la modernisation des égouts ou encore, plus populeux (comme le VIIIe, le Faubourg Saint-Antoine). mémoire comme un exemple cette commune insur- ment. Le naïf parfumeur, connu pour ses opinions roya- tard, Eugène Poubelle, l’inventeur de cet ustensile si En 1859, Eugène Haussmann, préfet de la Seine, décide rectionnelle et ce n’est pas un hasard si en 1871, la listes, se voit proposer à la Restauration la mairie du IIe pratique qui désormais porte son nom. donc, dans son projet de restructuration et d’extension Commune de Paris se revendiquera directement de arrondissement, mais n’accepte que le poste d’adjoint. Les douze arrondissements d’alors sont des construc- de la capitale de rationaliser les arrondissements et de cette première commune insurrectionnelle. La réalité du pouvoir est occupée par le Préfet de la Seine tions baroques, fruit d’un savant regroupement des porter leur nombre à vingt avec l’annexion de plusieurs Après la chute de Robespierre, en juillet 1794, le retour qui siège à l’Hôtel de ville et qui est un fonctionnaire. sections effectué par la convention thermidorienne pour communes ou partie de communes du département de la droite signe celui du contrôle directe de la capitale Mais c’est lui qui, au quotidien, gère la Ville de Paris, des raisons uniquement politiques. Les plus étonnants de la Seine. Mais cette réorganisation, beaucoup plus e e e par l’État. Paris est dirigée par deux commissaires. Par le notamment au moyen de 48 commissaires en charge de © DR sont les III et V arrondissements. Le III occupe d’abord logique, reprenant la forme d’un escargot tournant décret du 11 octobre 1795, les sections deviennent des chaque quartier de la capitale, les anciennes « sections ».