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Séquences : la revue de cinéma

The Post Liberté de presse et femme d’expression Julie Vaillancourt

Xavier Legrand, Jusqu’à la garde Number 313, April 2018

URI: https://id.erudit.org/iderudit/88920ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this review Vaillancourt, J. (2018). Review of [The Post : liberté de presse et femme d’expression]. Séquences : la revue de cinéma, (313), 26–27.

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fense », révélant l’implication politique et militaire des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam et le double discours des différentes administrations américaines (Truman, Eisenhower, Kennedy). The Post explore ainsi les enjeux liés à la publica- tion de ce document par le Washington Post et à ses répercussions (pour les journaux, le public et le gouvernement), tout en mettant de l’avant la sempiternelle et épineuse question de la liberté de la presse, son expression et son rôle social, dans un contexte de trahison gouvernementale. Bien que The Post explore la question sous l’angle d’un événement majeur et pionnier, il est fascinant de constater qu’elle demeure un objet d’actualité et de remises en question. En 2015, l’oscarisé Spotlight (Tom McCarthy), basé sur les enquêtes journalis- tiques lauréates du prix Pulitzer en 2003, levait le 1 voile sur la façon dont le Boston Globe exposa le scandale impliquant des prêtres pédophiles catho- liques. Dans le cas de Spotlight, comme dans celui « À l’heure où les journaux Pour son plus récent opus, met de The Post, la salle de rédaction devient le lieu peinent à survivre en scène un événement marquant de l’histoire du de tensions vécues pratiquement à huis clos, par financièrement, où leur journalisme américain. Avec une exploration du ses remises en question des valeurs fondamentales indépendance (politique et scoop entourant les « Pentagone Papers », The Post de la société américaine; d’un côté, le patriotisme économique) se conjugue aux est non seulement un hommage à la liberté de américain est ébranlé, de l’autre, ses valeurs ca- presse, mais aussi à Katharine Graham, première tholiques. Le rôle du journaliste n’est-il pas d’in- intérêts gouvernementaux femme à diriger un journal américain d’envergure. former la population ? À l’heure où les journaux et bancaires, qu’en est-il Les premières images de The Post nous peinent à survivre financièrement, où leur indé- de la liberté d’expression plongent rapidement au cœur de la diégèse consti- pendance (politique et économique) se conjugue de la presse, de l’éthique tuant les prémisses de l’événement historique, aux intérêts gouvernementaux et bancaires, qu’en journalistique ? » alors que l’analyste Daniel Ellsberg se trouve au est-il de la liberté d’expression de la presse, de Viêt Nam afin d’observer les troupes américaines l’éthique journalistique ? The Post a le mérite de sur le terrain, pour le compte du secrétaire à la Dé- soulever ces questionnements, à la base de la liber- fense Robert McNamara. Si, en l’espace d’un court té d’expression de toute société. Si, depuis les an- instant, les images de guerre évoquent Saving nées 70, les méthodes de production des journaux Private Ryan (1998), le film se situe nettement évoluent (la direction photo souligne admirable- dans la lignée des autres suspenses historiques ment les procédés d’impression), les questionne- et politiques du célèbre réalisateur, tels Munich ments subsistent quant au rôle de la presse et de la (2005) et Bridges of Spies (2015). En 1971, alors divulgation d’informations. qu’Ellsberg travaille pour la RAND Corporation, Par la rigueur du propos, le film aurait facilement il photocopie le document top secret « Relations pu sombrer dans un ton froid et détaché, mis de entre les États-Unis et le Viêt Nam, 1945-1967 : l’avant par l’investigation journalistique, si ce n’était une étude préparée par le département de la Dé- la présence de Meryl Streep. L’actrice offre (une

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fois de plus) une performance admirable dans le hington Post, la trame narrative laisse toute la rôle de Katharine Graham, éditrice du Washington place à l’expression des talents d’actrice de Me- Post et première femme à occuper cette fonction au ryl Streep, puisque Katharine Graham est sans sein d’un journal américain d’envergure. Si le film a conteste l’héroïne de The Post. La caractérisation comme sujet le scandale des « Pentagone Papers », du personnage étant très bien définie par les scé- l’angle adopté pour relater l’histoire passe avant naristes, Spielberg excelle de son côté dans la mise tout par le regard — et la position sociale — d’une en image d’incarnations héroïques en tous genres; femme dans l’exercice (pionnier) de ses fonctions. Indiana Jones (1981, etc.), E.T. (1982), Schin- — En effet, Katharine Graham poursuit l’héritage de la dler’s List (1993), Lincoln (2012), etc. Peu importe 1. Une femme dans l'exercice lignée familiale et de son défunt mari, mais tant son la trame narrative (aussi fantastique ou historique pionnier de ses fonctions conseil d’administration que le milieu de l’édition la soit-elle) dans laquelle ils évoluent, les héros de — perçoivent comme une imposture. Le film rappelle Spielberg favorisent l’identification, à la base de 2. Qu'en est-il de l'éthique que, malgré la libéralisation des mœurs et l’émergence la projection-identification, notion vitale dans la journalistique ? du féminisme dans les années 70, une femme doit création de l’imaginaire cinématographique. Avec ardemment redoubler d’efforts pour faire valoir sa une incarnation sensible mais assumée, oscillant place (et ses compétences) sur le marché du travail et, entre la vulnérabilité du regard imposteur qu’on LE POST | Origine : États-Unis – Année : particulièrement, dans un domaine traditionnellement lui porte et le désir de s’affirmer, Meryl Streep in- 2018 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Steven Spielberg – Scén. : Liz Hannah, Josh masculin. Plusieurs décennies plus tard, on constate carne l’héroïne moderne, courageuse et pionnière, Singer – Images : Janusz Kaminski – Mont. une évolution, même si la parité homme-femme et en avance sur son époque. Bien qu’il évoque un : Sarah Broshar, Michael Kahn – Art. Dir. : Kim Jennings, Deborah Jensen le regard que l’on porte sur les femmes en position fait historique des années 70, le discours mis de – Cost. : Ann Roth – Mus. : John Williams de pouvoir restent à parfaire. Et, ce qui encore plus l’avant dans The Post, tant au sujet de la place de – Son : Brian Chumney, Richard Hymns, Jeremy Bowker – Prod. : Amy Pascal, Steven sensible lorsque la femme divulgue une information la femme que de la liberté de presse, demeure per- Spielberg, Kristie Macosko Krieger – Int. : mettant en péril les pouvoirs du patriarcat. D’ailleurs, tinent dans nos sociétés actuelles, offrant un per- Meryl Streep (Kay Graham), Tom Hanks (Ben Bradlee), Sarah Paulson (Tony Bradlee), Steven Spielberg dédie à juste titre son film à tinent écho à l’actualité contemporaine. Il est de Bruce Greenwood (Robert McNamara), Bob Nora Ephron, romancière, scénariste, réalisatrice et ces films qui présentent une grande maitrise du Odenkirk (Ben Bagdikian), Matthew Rhys Daniel Ellsberg), Tracy Letts (Fritz Beebe), journaliste, notamment au New York Post. média, dans lesquels le propos du fait historique Bradley Whitford (Arthur Parsons) – Dist./ Si Tom Hanks offre une performance maî- surpasse la forme, exposant d’éternelles failles et Contact : 20th Century Fox. trisée dans le rôle du rédacteur en chef du Was- contradictions humaines.

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