L’ÉCONOMIE AFRICAINE UNE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT EN PRATIQUE – LES LEÇONS DE L’EXPÉRIENCE DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORÉE DU SUD

ÉTUDE DE CAS PAYS 1 : CAMEROUN

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La politique de développement dans la pratique : Ensegnements tirés de l’expérience de dévéloppement de la Corée du Sud

Auteur Centre d'Etudes et des Recherches en Economie Et Gestion (CEREG), Cameroon.

L’ÉCONOMIE AFRICAINE UNE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT EN PRATIQUE — LES LEÇONS DE L’EXPÉRIENCE DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORÉE DU SUD

ÉTUDE DE CAS PAYS 1 : CAMEROUN

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La politique de développement dans la pratique : Ensegnements tirés de l’expérience de dévéloppement de la Corée du Sud

Auteur Centre d’Etudes et des Recherches en Economie Et Gestion (CEREG), Cameroon. ii

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La Politique de Développement dans la Pratique: Enseignements Tirés de l’expérience de Développement de la Corée du Sud

Document de Recherche sur les Politiques de aa Banque Africaine de Développement

Le présent rapport est le produit de la Vice-présidence pour la gouvernance économique et la gestion des connaissances. Il s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large du Groupe de la Banque africaine de développement pour promouvoir le savoir et l’apprentissage, partager des idées, fournir un accès libre à ses recherches et apporter une contribution au discours relatif à la politique de développement. Les rapports présentés dans cette nouvelle série de documents de recherche sur les politiques contribuent à la mission du Groupe de la Banque et à ses Cinq grands domaines prioritaires, à savoir « Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie », « Nourrir l’Afrique », « Industrialiser l’Afrique », « Intégrer l’Afrique » et « Améliorer la qualité de vie des populations africaines ». Les auteurs du rapport peuvent être contactés à l’adresse [email protected].

Coordonnateur : Adeleke O. Salami

Avertissement : Les opinions et les arguments exprimés ici ne reflètent pas nécessairement les vues officielles dela Banque africaine de développement, de son Conseil d’administration ou des pays qu’il représente. Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région.

Vous êtes autorisés à copier, télécharger ou imprimer ce matériau pour votre propre usage, et inclure les extraits de cette publication dans vos propres documents, présentations, blogues, sites Web et matériels pédagogiques, pour autant que la Banque africaine de développement soit mentionnée comme étant la source et le titulaire du droit d’auteur.

Citation correcte : Centre d’Etudes et des Recherches en Economie Et Gestion (CEREG), Cameroun (2021), Etude sur l’économie du Cameroun - La politique de développement dans la pratique : Enseignements tirés de l’expérience de développement de la Corée du Sud- Etude de cas pays 1 : Cameroun, L’économie Africaine: une politique de développement en pratique - Les leçons de l’expérience de développement de la Corée du Sud, Banque Africaine de Développement, Abidjan, Côte d’Ivoire.

© Banque africaine de développement 2021

Groupe de la Banque africaine de développement Avenue Joseph Anoma 01 BP 1387 Abidjan 01 Côte d’Ivoire

Téléphone : +225 2026 3900 Adresse électronique : [email protected] Site Web : www.afdb.org

ISSN : 1737-8990 ISBN : 978-9938-9955-5-8 iii

Remerciements

Le présent rapport de recherche a été préparé par la Banque africaine de développement (BAD) en collaboration avec le Korea Institute for International Economic Policy (KIEP). Le projet a reçu l’appui financier du ministère coréen de la Stratégie et des Finances à travers le Fonds fiduciaire de coopération économique Corée-Afrique (KOAFEC) dans le cadre du Programme de partage des connaissances.

Le rapport de recherche a été préparé par John C. Anyanwu et Adeleke Salami, sous la supervision générale de Hanan Morsy, Directeur du département de la Politique macroéconomique, des Prévisions et de la Recherche. Les nombreuses contributions de M. Steve Kayizzi-Mugerwa, en particulier sur le rapport de synthèse, sont très appréciées. Nous tenons à remercier les institutions suivantes pour leur participation aux travaux d’analyse des études de cas par pays :

x Centre d’études et des recherches en économie et gestion (CEREG), Cameroun ;

x Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (CIRES), Côte d’Ivoire ;

x Nigerian Economic Society (NES), Nigeria ;

x Development Policy Research Unit (DPRU), School of Economics, University of Cape Town, Afrique du Sud ; et Southern African Institute for Policy and Research (SAIPAR), Zambie.

Le rapport a bénéficié du document-cadre de John Ohiorhenuan, de l’examen des études de cas françaises par Bedia Aka, et des examens documentaires de Keith Mudadi et Tirsit Endaylalu. Nous tenons également à remercier Yaya Koloma et Tunc Gursoy pour leur appui dans la révision des versions finales des rapports. Nous remercions également Mme Abiana Nelson pour son assistance administrative. iv

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Sommaire

Liste des Tableaux v

Liste des Graphiques et Figures vi

Chapitre I Introduction générale 1

Chapitre II Analyse comparative des principales réformes politiques et institutionnelles au 7 Cameroun et en Corée Sud depuis les indépendances et leur incidence sur le développement économique de ces pays

Chapitre III Une analyse comparative des politiques économiques implémentées au 34 Cameroun et Corée du Sud

Chapitre IV Le rôle de l’État dans la fourniture des biens et services sociaux : cas de la 54 Corée du Sud et du Cameroun

Chapitre V Évolution des trajectoires d’industrialisation au Cameroun et en Corée du Sud 87

Chapitre VI Conclusion générale 131

Références bibliographiques 139

Equipe de rédation 149 v

Liste des Tableaux

Tableau 2.1 Les différentes Constitutions du Cameroun et leurs modifications depuis 1960 14

Tableau 2.2 La Constitution sud-coréenne et ses différentes modifications 18

Tableau 4.1 Réalisations de la CUY dans la pose des conducteurs d’eau potable en 2008 74

Tableau 4.2 Financement du secteur de l’eau par le FEICOM 74

Tableau 4.3 Financement des investissements hydrauliques par le PND 75

Tableau 4.4 Capacité des différents centres de production d’électricité au Cameroun (MW) 77

Tableau 5.1 La méthode de planification QQOQCCPP 91

Tableau 5.2 Les programmes d’industrialisation rurale en Corée 101

Tableau 5.3 La structure du secteur secondaire (% du PIB) 104

Tableau 5.4 La structure des exportations camerounaises entre 1995 et 2011 (%)) 107

Tableau 5.5 Quelques spécificités des banques de développement en Corée 118

Tableau 5.6 Les différentes phases et la structure du financement de POSCO (millions USD) 118

Tableau 5.7 Le plan de financement du développement technologique : une fonction des caractéristiques du projet 119

Tableau 5.8 Indicateurs financiers et croissance (en pourcentage) 122

Tableau 5.9 La concentration bancaire des pays de la zone CEMAC (Indice HH) 122

Tableau 5.10 Évolution de la structure du crédit (en pourcentage) 124 vi

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Liste des Graphiques et Figures

Graphique 3.1 Évolution de l’aide publique au développement en pourcentage du revenu national brut au Cameroun et en 37 Corée du Sud Graphique 3.2 Flux net de l’aide publique au développement octroyée par la République de Corée à la république du 38 Cameroun (dollars courants des États-Unis) Graphique 3.3 Poids de la dette publique dans le PIB au Cameroun et de la Corée du Sud entre 1990 et 1995 39 Graphique 3.4 Évolution du taux de pression fiscale au Cameroun et en Corée du Sud (%) 40 Graphique 3.5 Évolution de la composition des recettes fiscales de la Corée du Sud entre 1972 et 2014 (%) 41 Graphique 3.6 Évolution de la composition de certains revenus de l’État du Cameroun entre 1985 et 2003 42 Graphique 3.7 Évolution des dépenses de consommation finale du gouvernement au Cameroun et en Corée du Sud 43 (1960-2016)

Graphique 3.8 Évolution de des dépenses de consommation finale gouvernementale par tête au Cameroun et en Corée 44 du Sud (1960-2016)

Graphique 3.9 Évolution des composantes de la dépense gouvernementale en Corée du Sud (% de la dépense totale) 45

Graphique 3.10 Évolution de la part des dépenses militaires et des dépenses de santé dans les dépenses totales de 46 l’État en Corée du Sud (1972-2014)

Graphique 3.11 Évolution des dépenses publiques de santé (% du PIB) au Cameroun et en Corée du sud 47 Graphique 3.12 Évolution des dépenses publiques de santé au Cameroun et en Corée du Sud (% des dépenses totales 47 en santé)

Graphique 3.13 Évolution de la composition des dépenses publiques d’éducation en Corée du Sud entre 1970 et 2015 48 (% des dépenses publiques totales en éducation

Graphique 3.14 Taux de croissance annuel de la masse monétaire au Cameroun et en Corée du Sud (%) 49 vii

Graphique 3.15 Évolution du taux d’inflation (indice des prix à la consommation)au Cameroun et en Corée du Sud 50 (% annuel)

Graphique 3.16 Évolution du crédit accordé par les banques au secteur privé au Cameroun et en Corée du sud (%PIB) 51

Graphique 3.17 Évolution du taux d’intérêt sur les prêts et du taux d’intérêt sur les dépôts au Cameroun entre 51 1979 et 2007

Graphique 3.18 Évolution du taux d’intérêt sur les prêts et du taux d’intérêt sur les dépôts en Corée du Sud entre 52 1979 et 2015

Graphique 3.19 Évolution des créances sur le gouvernement central au Cameroun et en Corée du Sud (%PIB) 53

Graphique 4.1 Taux de scolarisation en Corée du Sud et au Cameroun 59

Graphique 4.2 Taux d’achèvement des cycles primaires et secondaires premier cycles au Cameroun et en Corée du sud 60

Graphique 4.3 Part de marché du secteur privé dans le marché de l’éducation au Cameroun et en Corée du sud 61

Graphique 4.4 Ratios élèves enseignants en Corée du sud et au Cameroun 61

Graphique 4.5 Évolution du budget de l’éducation au Cameroun et en Corée du Sud (% PIB) 62

Graphique 4.6 Carte sanitaire de la Corée du Sud 66

Graphique 4.7 Dépense de santé par tête en Corée du Sud et au Cameroun 66

Graphique 4.8 Financement de la santé au Cameroun et en Corée du Sud 67

Graphique 4.9 Expérience de vie au Cameroun et en Corée du Sud 67 viii

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Graphique 4.10 Taux de mortalité des enfants de moins 5 ans au Cameroun et en Corée du Sud 68

Graphique 4.11 Part de l’eau dans le budget du MINEE en 2015 75

Graphique 4.12 Répartition du budget du MINEE en 2015 78

Graphique 4.13 Évolution des indicateurs d’accès à l’eau potable au Cameroun et en Corée du Sud 82

Graphique 4.14 Évolution des indicateurs de l’accès aux sanitaires au Cameroun et en Corée du Sud 82

Graphique 4.15 Évolution du taux d’accès à l’électricité au Cameroun et en Corée du Sud 83

Graphique 4.16 Évolution du taux d’accès aux TIC au Cameroun et en Corée du Sud 85

Graphique 4.17 Évolution des voies ferrées au Cameroun et Corée du Sud 85

Figure 5.1 Évolution des indicateurs économiques au Cameroun et en Corée du Sud (1960-1965) 89

Figure 5.2 Modèle de Rattrapage technologique et du marché 90

Figure 5.3 Les cinq apports de l’État au développement industriel 92

Figure 5.4 Évolution des exportations de produits manufacturés entre 1960 et 2010 103

Graphique 5.1 Évolution des inscriptions à l’école, par niveau d’étude en Corée 110

Graphique 5.2 Évolution de l’éducation au Cameroun 111

Graphique 5.3 Évolution de certains indicateurs éducatifs au Cameroun et en Corée du Sud 112

Graphique 5.4 Évolution du budget de l’éducation au Cameroun et en Corée du Sud 113 ix

Graphique 5.5 Évolution du budget de l’éducation entre 2005 et 2015 au Cameroun 114

Graphique 5.6 Part du budget de l’éducation dans le budget total de l’État entre 2005 et 2015 au Cameroun 114

Graphique 5.7 Évolution des dépenses publiques d’éducation par niveau d’enseignement entre 2005 et 2015 au 115 Cameroun

Graphique 5.8 Répartition du budget de l’éducation entre le fonctionnement et l’investissement en 2011 au Cameroun 115

Figure 5.5 Modèle d’une stratégie d’industrialisation globale 129 1

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Chapitre 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE

1.1 Contexte de l’étude et problématique 2

1.2 Objectifs de l’étude 3

1.3 Méthodologie 4

1.4 Structuration de l’étude 6 2

1.1 Contexte de l’étude et problématique

Le 1er Janvier 1960, marque l’ascension à l’indépendance du Cameroun. Dès les premières heures, l’environnement politique et social de cet État va être empreint d’instabilité. Les institutions juridique, politique et sociale, vont connaître des mutations au gré des mouvements d’humeur des dirigeants successifs. Toutefois, si les institutions économiques semblent avoir survécu à cette vague de restructuration c’est simplement que les marches de manœuvre dans ce domaine étaient quelques peu réduites, particulièrement dans le domaine monétaire. Le Cameroun ayant hérité du système mis en vigueur par les colons français dans le cadre de la Zone Franc.

Les institutions sont les piliers de L’État. Leur création, évolution et qualité sont subordonnées non seulement aux mutations que connait la Constitution, mais aussi à la cohérence des règles que dispose cette loi fondamentale. Le Cameroun a connu de multiples réformes et révisions constitutionnelles et en est à sa seconde République. Sa première Constitution a été adoptée juste après l’indépendance le 4 Mars 1960. Elle a été révisée moins d’un an après, le 1er Septembre 1961. Puis a subi une modification en Novembre 1969. Le 2 Juin 1972, une nouvelle Constitution qui consacre l’avènement de l’État unitaire est adoptée et celle-ci va subir successivement dix modifications. Elle va être révisée en partie ou presqu’en totalité, une fois respectivement en 1975, 1979, 1984, 1991, 2008 et deux fois précisément en 1983 et 1988.

Au fil de ces nombreuses modifications, le rôle du Chef de l’État s’est renforcé. Il demeure la première figure institutionnelle et politique du pays. À ce titre, il exerce une forte influence et représente l’épine dorsale de la définition stratégique des politiques de développement par les principaux organes de prise de décision, de planification et de coordination des politiques. Ainsi, l’État est au cœur de la transformation des structures économiques et ses choix ont une incidence certaine sur le processus de développement. L’État est également le principal fournisseur de biens et services sociaux principalement dans le secteur éducatif et sanitaire. Au Cameroun, les dirigeants ont privilégié une vision keynésienne et se sont beaucoup focalisés sur l’aide extérieur pour financer le développement. Le montant de l’aide après une légère baisse au milieu des années 70 s’est continuellement accru depuis le milieu des années 80. En 1994 l’aide au développement représentait 8% du Revenu National Brut (RNB). Les fâcheuses conséquences de ce fait ont été l’accroissement de la dette et une dépendance accrue du pays à l’extérieure. Pour preuve, le pays s’est illustré comme l’un des premiers à postuler à l’initiative PPTE. Cependant, depuis 2008 la situation macroéconomique du pays s’est stabilisée en grande partie grâce aux réformes institutionnelles entreprises. Aussi, le pays s’est inscrit dans une démarche de restructuration de son économie et s’est assigné de nouveaux objectifs de développement. Par conséquent, l’analyse de l’évolution des institutions d’un pays qui possède la même structure économique s’avère nécessaire pour comparer et identifier l’incidence qu’exercent les institutions sur la trajectoire de développement du pays. En la matière, la Corée du Sud semble être un très bon exemple.

En effet, à l’instar du Cameroun, la Corée du Sud a connu une histoire politique caractérisée par une première période d’expérience démocratique, interrompu ensuite par une période de dictature qui prendra fin au début des années 1990. Toutefois, environ une décennie après son indépendance obtenue en 1950, le revenu par habitant de la Corée s’établissait à 87 dollars (Banque Mondiale, 2005). Entre 1962 et 2008, la plupart des indicateurs de développement de ce pays étaient proches de ceux des pays développés. Autre fait remarquable, son revenu par tête a progressé, passant de 1.342 $ EU à 19.227 $ EU, l’espérance de vie à la naissance est passée de 52,4 ans à 79,6 et le taux de mortalité infantile de 70 pour 1000 naissances à 34 pour 1000 naissances (Koh, 2010). Si l’aide au développement reçu par la Corée était supérieur à celle du Cameroun (soit 3 fois plus) au début des années 60, celle-ci a considérablement chuté et est quasiment insignifiante aujourd’hui. Ces résultats apparaissent être le fait de « l’État développementaliste » qui traduisent la vision, les ambitions et la détermination des décideurs coréens à sortir leur pays du sous-développement. D’un régime autocratique la Corée du Sud est passée à une démocratie moderne et a pu totalement se libérer de la dépendance vis-à- vis de l’aide en provenance des pays développés. À tel enseigne qu’à partir de 1990, elle a commencé à octroyer de l’aide au Cameroun. Cela est le fruit d’un remodelage de la structure économique du pays, qui a délaissé la vision keynésienne pour s’engager dans la voie du libéralisme, après une décennie de politiques stratégiques de substitution aux importations. Ce qui a concouru à une baisse de la pression fiscale. C’est ainsi que la part des taxes sur le commerce international ne représente plus que 2% des recettes de l’État. 3

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La stabilité, la qualité des institutions et le rôle prédominant de l’État sont donc des facteurs clés de la marche vers le développement. À ce propos, Wood et Cumings (1999), Leftwich (2000) et (Pempel 1999) relèvent que l’intervention de l’État est nécessaire pour atteindre l’accumulation de capital de long terme et les objectifs de développement de l’ensemble de la société. Koh (2010) montre à cet effet que l’État a joué un rôle central dans la transformation de l’économie coréenne. Alors que les libéraux justifient le rôle de l’État dans la construction du capital humain tout en fustigeant son rôle dans le contrôle du marché. Cependant, les tenants de la thèse de l’État développementaliste démontrent au contraire le rôle central du gouvernement dans le développement de la Corée. Cette vision part du postulat que l’État développementaliste a joué un rôle majeur dans la construction d’institutions fortes, stable et de qualité qui ont permis la transformation économique de la Corée.

Fort de ce constat, et dans le cadre de l’approche comparative, il est opportun de se poser les questions suivantes :

x Existe-t-il un lien entre ces institutions et la croissance économique de long terme ?

x Quel a été le rôle des différents régimes politiques dans la consolidation des institutions coréennes ?

x Quelles sont les réformes institutionnelles et politiques qui ont concouru à l’essor économique respectif de la Corée du Sud et du Cameroun ?

x Quels sont les atouts de la transformation structurelle de la Corée du Sud et comment a-t-elle réussie son industrialisation ?

x Quelles sont les stratégies de politiques économiques respectives de la Corée du Sud et du Cameroun, aussi quelles répercutions les institutions économiques ont eu sur la croissance économique ?

x Quel a été le rôle de l’État dans la production d’infrastructures et la construction du capital humain ?

x Pour garantir une croissance économique soutenue du Cameroun, quelles sont les leçons à tirer de l’expérience de la Corée du Sud ?

1.2 Objectifs de l’étude

L’objectif général de cette étude est d’analyser le rôle des réformes institutionnelles et de l’État dans le processus de développement économique et social du Cameroun, à partir des enseignements tirés de l’expérience de la Corée du Sud.

De façon spécifique, il s’agit de :

i. Comparer analytiquement les évolutions des institutions juridique, politique, économique et sociale du Cameroun et de la Corée du Sud ;

ii. Comparer de façon conceptuelle les évolutions des politiques d’industrialisation du Cameroun et de la Corée du Sud ;

iii. Évaluer la contribution de l’État, à travers les administrations publiques, à la transformation structurelle de l’économie et au développement économique et social du pays, notamment dans la formation du capital humain et la production d’infrastructures. 4

1.3 Méthodologie

Au regard des objectifs, la méthodologie adoptée pour réaliser cette étude s’inscrit à la fois dans une perspective historique et une approche comparative. La réflexion autour de ces deux points permettra de tester des hypothèses sur le rôle de l’État dans des indicateurs d’intérêt relatifs à la transformation structurelle, aux politiques budgétaires et monétaires, à la politique industrielle, à la politique fiscale et des recettes budgétaires, à la gouvernance, à la santé, à l’éducation et à la protection sociale. De ce fait, la méthodologie va se structurer en deux grands points : une présentation de l’approche globale d’exécution de l’étude et une analyse empirique thématique.

La démarche globale de réalisation de l’étude va s’articuler autour de deux (2) points: (i) les sources des données, (ii) l’analyse des données.

1.3.1 Source de données

Les données collectées proviennent de trois sources : la revue documentaire, les données secondaires et qualitatives.

A — Revue documentaire

La revue documentaire consiste en l’exploitation des constitutions, lois, règlement, rapports d’études et des documents de travail provenant d’institutions nationales et internationales. Les documents exploités proviennent des administrations publiques, notamment les ministères, l’Institut National de la Statistique (INS), des institutions coréennes et des organismes internationaux (BAD, FAD, FMI, Banque Mondiale, etc.).

L’analyse documentaire s’est faite à partir de la sélection des rapports officiels, des documents de travail, des travaux de recherches publiés ou non en relation avec le développement politique, économique et social des deux pays ainsi que le concept et les politiques de l’État développementaliste. La revue a permis de présenter et de comparer les trajectoires de développement du Cameroun et de la Corée du Sud. En outre, une analyse a été faite sur l’impact des politiques macroéconomiques et sectorielles menées par l’État du Cameroun pour accélérer son développement.

B — Données secondaires

Les données secondaires utilisées portent notamment sur les séries chronologiques relatives aux agrégats macroéconomiques (PIB, PIB/tête, RNB, taux d’inflation et d’intérêt, flux net d’aide au développement, la dette publique, investissement public et privé, recettes fiscales, niveau de pression fiscale, dépenses de consommation, recettes et dépenses publiques, dépenses militaires, crédits au secteur privé, exportations, etc.), des données sectorielles (les productivités factorielles, les contributions sectorielles au PIB, les parts d’emploi sectorielles, la production industrielle, etc.), les capacités et la gouvernance des États camerounais et coréen (les ressources humaines et matérielles, les plans de développement, la qualité des réformes, les services publics, la gestion des ressources, etc.).

Ces données sont issues de sources administratives des deux pays et des bases de données internationales telles que :

x Les ministères des Républiques du Cameroun et de la Corée du Sud ;

x Institut National de la Statistique du Cameroun (INS) ;

x Korean Statistics Institute ;

x Bank of Korea ;

x Korean Development Institute (KDI) ;

x Korean Rural Economic Institute (KREI) ; 5

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x Korean International Trade Research Institute ;

x History of Studies Institute ;

x Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ;

x World Development Indicators, Banque Mondiale pour les données sur les agrégats macroéconomiques ;

x Fonds Monétaire International (FMI) ;

x Agence Internationale de l’Énergie (AIE) ;

1.3.2 Approche analytique et conceptuelle

Globalement l’étude s’inscrit dans une perspective historique et comparative. Dès lors, les données collectées ont été exploitées en se situant dans ce cadre. Trois grandes sous-périodes correspondant à des mutations politiques, sociales et institutionnelles en Corée du Sud et au Cameroun, sont identifiées pour l’analyse. Il s’agit de :

x la période des indépendances (1945-1960) ;

x les premières décennies d’indépendances (1960-1980) ;

x les décennies de crise (1980-2000) ;

x les périodes récentes (2000 et plus).

L’adoption de cette démarche, nous permet de comprendre la manière dont le contexte historique a forgé l’État, contribué à la mise en place des institutions et l’incidence de ces institutions sur les transformations économiques et sociales. Les éléments de similitudes et de différences relativement aux deux pays sont mis en exergue à l’effet de relever les faits saillants pour servir d’expérience au Cameroun.

L’analyse des données collectées s’est faite à partir d’une analyse descriptive et d’une analyse économétrique.

L’analyse descriptive consiste à décrire les évolutions des agrégats, à déceler les grandes tendances des réformes et modifications institutionnels, structurels et sociaux. Elle vise à mettre en lumière les performances macroéconomiques et le développement socioéconomique en relation avec le rôle des acteurs, en particulier les capacités des administrations publiques et le bien-être des populations. L’analyse comparative repose en grande partie sur l’analyse descriptive afin de faire apparaître les principales caractéristiques des politiques réalisées et des résultats atteints.

L’analyse économétrique complète et renforce l’analyse descriptive à partir de l’étude empirique des changements économiques, structurels et sociaux. Au plan macroéconomique, elle tente d’évaluer la contribution effective de l’État à la dynamique de la croissance, à la transformation économique et sociale ainsi qu’à l’amélioration du bien-être social. Compte tenu de l’importance et du rôle stratégique du secteur industriel et du capital humain, l’analyse économétrique a permis de tester des hypothèses de recherche relatives au rôle que l’État pourrait jouer dans le processus de développement au Cameroun. 6

1.4 Structuration de l’étude

Cette étude est structurée en trois (3) grandes parties articulées autour de quatre (4) chapitres : la première partie fait ressortir la comparaison des deux économies dans leur évolution respective, notamment en matière juridique, politique et économique; la deuxième, quant à elle, s’intéresse principalement au rôle de l’État dans le processus de développement dans les deux pays, principalement dans la constitution du capital humain, la production d’infrastructure et la mise en œuvre de l’industrialisation; la troisième, retrace l’évolution de la trajectoire de l’industrialisation dans les deux pays, se rapportant à la modification au cours du temps des politiques économiques . 7

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Chapitre 2 ANALYSE COMPARATIVE DES PRINCIPALES RÉFORMES POLITIQUES ET INSTITUTIONNELLES AU CAMEROUN ET EN CORÉE SUD DEPUIS LES INDÉPENDANCES ET LEUR INCIDENCE SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE CES PAYS

2.1 Les principales évolutions politiques et institutionnelles au Cameroun et en 8 Corée du Sud depuis les indépendances

2.2 L’importance des institutions dans la définition des stratégies de 19 développement économique du Cameroun et de la Corée du Sud 8

Le Cameroun et la Corée du Sud ont été respectivement indépendants le 1er Janvier 1960 et le 15 Août 1948. Depuis leur indépendance respective, le Cameroun a connu trois Constitutions révisées treize fois alors que la Constitution sud- coréenne qui est en vigueur depuis 1948 a été modifiée à neuf reprises. L’importance de la Constitution qui est la loi fondamentale d’un pays n’est plus à démontrer car, toutes les autres lois y sont subordonnées. En effet, c’est à travers l’évolution de la Constitution que peuvent s’opérer les réformes institutionnelles et politiques dans un État. La Constitution est donc l’ « ensemble des règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent, lui imposant ses limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets ou citoyens » (1). Une réforme quant à elle est un changement important dans l’organisation institutionnelle ou sociale d’un État ou d’un secteur d’activité, dans le but d’y apporter des améliorations. La réforme s’inscrit dans le cadre d’institutions existantes. Les institutions sont un ensemble de structures et de mécanismes juridiques qui permettent d’encadrer les conduites au sein d’une collectivité (Cornu, 1987). Elles se conçoivent comme les piliers de l’État, qui est la collectivité la plus intégrationniste lorsqu’on se situe dans une logique de pacte républicain. Les institutions politiques peuvent être regroupées selon qu’elles relèvent du niveau stratégique en termes de formulation des grandes orientations de la politique économique, ou selon qu’elles sont au niveau opérationnel en termes de mise en œuvre des politiques de développement. Ainsi, l’importance des institutions politiques dans la mise en œuvre des politiques de développement économique d’un pays n’est plus à démontrer. Faire une analyse comparative des principales réformes politiques et institutionnelles menées au Cameroun et en Corée du Sud depuis les indépendances revient à procéder à une étude comparée des incidences que les révisions ou les changements de Constitution ont eues sur l’évolution politique et institutionnelle mais aussi sur le développement économique de ces deux États depuis leur accession à l’autonomie. L’État qui est une communauté politique fonctionne et évolue grâce aux institutions qui rythment et déterminent sa trajectoire politique, économique, humaine et sociale (Tricot et al., 1995). Ainsi, s’il y a un défi permanent pour un État, c’est évidemment celui du développement. Tous les pays du monde luttent soit pour se développer, soit pour maintenir et consolider les acquis en la matière. La problématique du développement est donc au cœur de l’action de l’État appelé à organiser l’espace public et la gestion des ressources disponibles et limitées, de façon à ce que les besoins illimités des individus, des ménages, bref des agents économiques soient satisfaits au mieux (Gadji, 2014). Il est important de rappeler que la qualité des institutions politiques en termes de management, de ressources humaines et de stratégie, peut transformer celles-ci, soit en facteurs de développement, soit en faiblesses dans la lutte pour le développement. À cet effet, nous allons étudier le lien qui existe entre la qualité des institutions camerounaises et sud-coréennes et le développement économique du Cameroun et de la Corée du Sud en insistant sur l’incidence que ces institutions ont eue sur la trajectoire de développement de chacun de ces pays. Quelles sont les institutions et les stratégies mises en place par le Cameroun et la Corée du Sud depuis leurs indépendances pour atteindre leurs objectifs de développement respectifs et qu’est-ce qui peut justifier les écarts de développement entre ces deux pays ? L’objectif de ce travail qui est essentiellement diachronique, consiste à présenter les principales évolutions politiques et institutionnelles consécutives à la révision ou au changement de Constitution au Cameroun et en Corée du Sud (I) et à montrer l’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique du Cameroun et de la Corée du Sud (II).

2.1 Les principales évolutions politiques et institutionnelles au Cameroun et en Corée du Sud depuis les indépendances

2.1.1 Les principales évolutions politiques et institutionnelles depuis 1960

Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Cameroun a connu trois Constitutions : la Constitution du 4 Mars 1960, la Constitution du 1er Septembre 1961 et la Constitution du 2 Juin 1972. L’histoire du Cameroun est marquée par deux années très importantes :1960 qui consacre l’indépendance du pays avec le début de l’exercice des compétences nationales et internationales d’un État devenu véritable sujet de droit, et 1990 qui marque l’éveil de la démocratie et le début d’un encadrement juridique résultant de l’évolution vers un État de droit. L’avènement de la démocratie et de l’État de droit a mobilisé l’ensemble des forces vives du pays et le processus a été sanctionné par la tenue des premières

(1) Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 8ème édition, Paris, P.U.F, 2007, p. 223. 9

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élections pluralistes en 1992. Cette nouvelle donne politique s’inscrivait dans une logique de profonde remise en cause des logiques politiques ayant marqué les deux premières Constitutions camerounaises caractérisées par un monolithisme politique.

2.1.1.1 La constitution du 4 Mars 1960

La première Constitution du Cameroun indépendant avait pour objectif de doter le jeune État de ses premières institutions ou de « nationaliser » celles héritées de l’administration coloniale. La grande innovation est l’instauration du poste de Président de la République qui est la clé de voute de l’État. Jusqu’à son indépendance en 1960, le pays était dirigé par un Premier Ministre(2) après l’adoption de la « loi cadre » en 1956. Ainsi, jusqu’aujourd’hui, le Président de la République est le principal animateur de la vie politique et institutionnelle du pays car, c’est lui qui nomme presque tous les responsables des autres institutions du pays(3). A l’observation, nous pouvons affirmer que depuis l’indépendance, l’évolution politique et constitutionnelle du Cameroun s’apprécie au regard non pas du point de vue du statut du pouvoir fixé par la Constitution, mais de l’idée de l’État qui est dans l’imaginaire du chef de l’État. La Constitution du 4 Mars 1960 concernait uniquement l’ancien Cameroun français parce que l’autre partie de ce qui deviendra plus tard la République Fédérale du Cameroun(4) était encore sous domination britannique. La première Constitution du Cameroun indépendant a arrêté entre autres l’hymne national « Ô Cameroun, berceau de nos ancêtres », la devise « Paix, Travail, Patrie», la capitale Yaoundé, le drapeau avec trois bandes vert, rouge et jaune d’égales dimensions, le Français comme langue officielle, le caractère indivisible, laïc et démocratique du pays, l’égalité de tous les citoyens devant la loi et l’attachement de l’État camerounais au respect des libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et dans la Charte des Nations Unies(5)...

C’est la Constitution du 4 Mars 1960 qui a posé les bases de l’État du Cameroun, celles du 1er Septembre 1961, du 2 Juin 1972 et les différentes révisions constitutionnelles n’ont fait que renforcer les institutions ou corriger les insuffisances des précédentes.

2.1.1.2 La constitution du 1er Septembre 1961

La révision constitutionnelle du 1er Septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4 Mars 1960 a instauré la République Fédérale et les institutions qui en découlent. En plus de ce que prescrivait déjà la Constitution du 4 Mars 1960, la Constitution du 1er Septembre 1961 adopte l’Anglais comme seconde langue officielle et le drapeau vert, rouge et jaune avec trois bandes verticales d’égales dimensions frappé de deux étoiles d’or sur la bande verte(6). L’ère de la fédération qui a duré onze ans était régie par la Constitution du 1er septembre 1961 et n’a pas vraiment bouleversé en profondeur le système constitutionnel. Relevons cependant que c’est sous cette Constitution que l’ambition du Président Ahidjo d’instaurer un régime de parti unique a été institutionnalisée avec le sabordement des autres partis politiques qui vont fusionner en 1966 avec l’UNC, le parti présidentiel.

La Constitution découlant de la révision constitutionnelle du1er Septembre 1961 a subi une seule modification importante. C’était en 1969 lorsque trois textes de loi sont adoptés par l’Assemblée Fédérale. L’une modifiait l’article 16 de la Constitution et institutionnalisait la possibilité de proroger le mandat des députés, c’est l’objet de la modification N°69/ LF/13 du 10 Novembre 1969. Une autre modifiait l’article 39 de la Constitution en permettant au chef de l’État de nommer le Premier ministre de chaque État sans solliciter au préalable les Parlements des États fédérés, c’est la loi N°69/LF/14 du 10 Novembre 1969. Une dernière modifie l’article 2 de la Constitution et autorise le Président de la République après consultation du président de l’Assemblée Fédérale et des premiers ministres des États fédérés, à soumettre au référendum tout projet de loi ou de réforme, qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait susceptible d’avoir des répercussions profondes sur l’avenir du pays et des institutions, notamment des projets de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur la révision de la constitution, c’est l’objet de la loi N°69/LF/15, du 10 Novembre 1969. Ces différentes réformes ont chacune une portée relative sur l’évolution des rapports politiques. Leur importance dans le processus

(2) André Marie Mbida (15 Mai 1957-18 Février 1958) et Ahmadou Ahidjo (18 Février 1958-5 Mai1960) (3) Article 8, alinéa 10 de la Constitution du 18 Janvier 1996(le Président de la République « nomme aux emplois civils et militaires de l’État ») (4) Le 1er Octobre 1961, la République Fédérale du Cameroun est proclamée après la réunification du Cameroun oriental et du Cameroun occidental. (5) Article premier de la constitution du 4 Mars 1960 (6) Article 1er de la Constitution du 1er Septembre 1961 10

d’adaptation institutionnelle est indéniable, leur portée politique limitée. Dès lors que la compétition pour la conquête du pouvoir est devenue un « péché de lèse-majesté », la dynamique institutionnelle perdait aussitôt une partie de sa pertinence.

2.1.1.3 La constitution du 2 Juin 1972

La Constitution du 2 Juin 1972 consacre l’avènement de l’État unitaire. Cette Constitution a déjà fait l’objet de dix modifications. En effet, elle a été révisée en 1975, 1979, 1983 (deux fois), 1984, 1988 (deux fois), 1991, 1996 et 2008. Etant donné que la Constitution du 2 Juin 1972 est celle qui est restée le plus longtemps en vigueur et qui a subi le plus grand nombre de révisions, nous allons l’analyser en quatre parties. D’abord, les révisions de 1975 à 1988, ensuite la révision de 1991, la révision de 1996 et enfin la révision de 2008.

A — Les différentes révisions constitutionnelles entre 1975 et 1988

La première révision de la Constitution de 1972 intervient le 9 Mai 1975 et crée le poste de Premier ministre. En effet, cette modification constitutionnelle adoptait un amendement de son article 5 qui instaure le poste de Premier ministre (Owona, 1975). Cet article 5 est retouché en même temps que l’article 7 de la Constitution par la loi du 9 Juin 1979 (Abiabag, 1979; Mbome, 1980). L’article 5 nouveau fait du Premier ministre une institution permanente de la structure gouvernementale et l’article 7 organise le nouveau mode de dévolution du pouvoir en cas d’empêchement momentané ou définitif du Président de la République et institutionnalise le système de dauphin constitutionnel (Kamto, 1983). Une telle disposition permettait au chef de l’État de préparer sa succession comme aux temps des monarchies. Le dauphin avait donc toute la confiance du chef de l’État. La succession s’est opérée en 1982, conformément à la Constitution. En effet, le 4 Novembre Ahmadou Ahidjo annonçait sur les antennes de la radio nationale sa démission de la présidence de la République qui prenait effet à compter du 6 Novembre, date de la prestation de serment de son successeur désigné, le Premier ministre Paul Biya conformément à l’article 7 de la constitution. Par la suite, cette Constitution sera à nouveau retouchée avec le nombre de députés à l’Assemblée Nationale qui va augmenter à deux reprises respectivement de 120 à 150 le 5 Juillet 1983 (article 7) et de 150 à 180 le 17 Mars 1988 (article 12). Bien plus, cette même Constitution sera également révisée le 18 Novembre 1983 pour permettre au Premier ministre devenu Président de la République d’organiser l’élection présidentielle anticipée (article 7). Il en sera de même le 25 Janvier 1984 avec le changement de la dénomination du pays qui passe de « République Unie du Cameroun » à « République du Cameroun » mais aussi, elle entérine la suppression du poste de Premier ministre (articles 1, 5, 7, 8, 16 et 34).

B — La réforme constitutionnelle du 23 Avril 1991

La réforme constitutionnelle du 23 Avril 1991 revêt une importance capitale dans la mesure où elle rétablit le poste de Premier Ministre, chef de gouvernement et surtout elle institue sa responsabilité politique devant l’Assemblée Nationale(7). Cette révision constitutionnelle est importante parce qu’elle instaure un régime semi-présidentiel dans un État jusque- là caractérisé par un régime avec un fort tropisme présidentiel(8). La révision constitutionnelle de 1991 a mis en place un système présidentialiste rationalisé avec l’instauration d’un régime de responsabilité politique qui bien qu’étant une innovation ne garantit pas un fonctionnement efficace des institutions. La création du poste de Premier ministre, chef du gouvernement opère un nouvel équilibre au sein de l’exécutif. Cet équilibre doit fonctionner avec les réflexes d’un présidentialisme autoritaire surtout dans la répartition des pouvoirs entre le chef de l’État et le Premier ministre (Gicquel, 1977). Certains y ont vu une forme de présidentialisme démocratique(9). La réforme constitutionnelle du 23 Avril 1991 a opéré un bouleversement important dans le fonctionnement des institutions de l’État même si le Président de la République n’a pas vu son pouvoir remis en cause en dépit du fait qu’il s’est adjoint un collaborateur qui constitutionnellement a la latitude de s’émanciper. La nouvelle répartition des pouvoirs a conservé la place du chef de l’État qui malgré tout est bel et bien chef du gouvernement. Cette révision nourrit plus le lyrisme doctrinal plus qu’elle ne fournit un nouvel espace d’exercice démocratique du pouvoir dans l’État. La révision constitutionnelle du 23 Avril 1991 sans opérer une révolution a défini un

(7) Jean-Louis Atangana Amougou, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain » disponible sur : http://www.droitconstitutionnel.org/ congresmtp/textes7/ATANGANA, p. 1–27, [page consultée le 21 juillet 2017]. (8) Entre 1960 et 1972, les Premiers Ministres n’avaient pas de pouvoirs réels et étaient plus considérés comme des Primus Inter Pares. Cette fonction est supprimée en 1972, réinstaurée en 1975, de nouveau supprimée en 1984 avant de réapparaître en 1991 avec de pouvoirs étendus. (9) Olinga (Dir), L’obligation. Etudes offertes au professeur Paul-Gérard Pougoué, Yaoundé : L’Harmattan, pp. 629 – 655. 11

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nouvel espace politique qui fait désormais du Cameroun, un régime mixte. Le chef de l’État n’y a donc pas le profil bas, ni un rôle minoré comme dans un régime parlementaire. Il n’a pas non plus épousé le modèle américain d’un chef d’État conçu d’une façon qui lui réserve un rôle important tout simplement. Il est proche du Président de la République française, ses pouvoirs sont très étendus et son rôle exalté. À l’observation, cette révision constitutionnelle était en réalité organisée autour du chef de l’État qui en est sorti beaucoup plus grandi qu’avant. La détermination de ses attributions démontre cette résurrection de la fonction présidentielle. Le chef de l’État est à la fois, gardien, garant, arbitre et même capitaine du jeu politique. L’institution de la fonction de Premier ministre n’étant pas nouvelle au Cameroun, ce que la nouvelle réforme constitutionnelle apporte, c’est la constitutionnalisation de son rôle de chef du gouvernement. L’institution gagne ainsi en importance. Le Premier ministre est désormais non seulement animateur politique dans la version présidentialiste, mais aussi, dépositaire d’importants pouvoirs constitutionnels. En ce qui concerne le pouvoir législatif, longtemps ravalée au rang de chambre d’enregistrement, l’Assemblée Nationale est l’une des grandes bénéficiaires des réformes intervenues en Avril 1991. D’importants changements concernent les rapports entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée Nationale. Les parlementaires bénéficient d’un statut personnel notamment en ce qui concerne leur traitement, leurs avantages et leurs immunités(10).

C — La révision constitutionnelle du 18 Janvier 1996

La révision constitutionnelle de 1996 à travers la loi N°96/06 du 18 Janvier 1996 était si importante qu’on s’est demandé s’il s’agissait d’une simple révision constitutionnelle ou de l’adoption d’une nouvelle constitution(11). En effet, cette interrogation tenait à deux raisons fondamentales. La première raison était que le projet de loi de révision constitutionnelle introduit à l’Assemblée Nationale le 17 Novembre 1995 n’indiquait pas les dispositions de la Constitution du 2 Juin 1972 qui devaient être révisées. La seconde raison était que presque toutes les dispositions de la Constitution du 2 Juin 1972 étaient plus ou moins concernées par la révision. Bien plus, la Constitution amendée s’était enrichie de nouvelles dispositions telles que le préambule qui passait de 39 à 69 articles. La plupart des nouvelles dispositions étaient des innovations majeures qui apportaient des modifications profondes sur l’articulation des pouvoirs, sur la nature du régime politique, le contenu des pouvoirs, la forme de l’État et les institutions de régulation. L’exécutif, le législatif et le judiciaire ont été érigés en pouvoirs. Le régime semi-présidentiel consécutif à la révision constitutionnelle de 1991 était confirmé. Le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans avec une limitation du mandat extensible au maximum à 14 ans c’est-à-dire un mandat de sept ans renouvelable une seule fois(12). La décentralisation est désormais consacrée avec la division du territoire en régions. De nouvelles institutions comme le Conseil constitutionnel et la Cour des comptes voient le jour.

Le Conseil constitutionnel est l’instance chargée des questions constitutionnelles et notamment du contrôle de constitutionnalité des lois, de l’arbitrage entre les institutions, et de la sincérité et de la conformité des consultations électorales et référendaires. Le bicaméralisme du parlement est consacré avec la création du Sénat qui vient s’ajouter à l’Assemblée Nationale. Bien plus, c’est le Président du Sénat qui est désormais appelé à assurer l’intérim à la tête de l’État en cas de décès ou d’empêchement du Président de la République(13).

C’est donc pour toutes ces raisons que certains observateurs avertis de la vie politique et institutionnelle du Cameroun ont pensé qu’il s’agissait de l’écriture d’une nouvelle Constitution(14). En effet, étant donné que la Constitution est «le moyen de proclamer le nouvel ordre juridique et politique tant du point de vue de la forme que de celui du fond »(15), il n’est donc pas surprenant qu’après la révision constitutionnelle du 18 Janvier 1996, la question de l’écriture d’une nouvelle Constitution se soit posée dans l’opinion publique camerounaise.

L’une des principales réformes de la révision constitutionnelle du 18 Janvier 1996 est la constitutionnalisation du principe de la décentralisation qui fait de la République du Cameroun, un État unitaire décentralisé. En effet, la décentralisation participe d’une technique de réforme continue de l’État unitaire pour mieux assurer sa gestion et surtout rapprocher le centre des décisions des populations. La décentralisation est donc le processus par lequel l’État transfère aux collectivités la

(10) Article 14, alinéa 6 de la Constitution (11) MauriceKamto, « Révision constitutionnelle ou écriture d’une nouvelle Constitution », Lex Lata, N°023-024, Février-Mars 1996. (12) Article 6, alinéa 2 de la Constitution du 18 Janvier 1996 (13) Article 6, alinéa 4 de la Constitution du 18 Janvier 1996 (14) Ibid (15) Klein (C), « Pourquoi écrit-on une Constitution ? » in 1789 et l’invention de la Constitution sous la direction de Michel Troper et Lucien Jaume, Bruylant, LGDJ, Bruxelles, Paris, 1994, p. 95. 12

gestion de leurs affaires propres. Bien qu’il soit ancien au Cameroun(16), le principe de la décentralisation a pris une tournure nouvelle avec la révision constitutionnelle de 1996 qui crée une nouvelle catégorie de collectivité territoriale décentralisée, à savoir la région. La mise en œuvre de cette importante réforme a été engagée avec l’adoption d’importants textes. Il s’agit de la loi N°2004/017 du 22 Juillet 2004 d’orientation de la décentralisation ; de la loi N°2004/018 du 22 Juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes, de la loi N°2004/019 du 22 Juillet 200 fixant les règles applicables aux régions, du décret N°2008/376 du 12 Novembre 2008 portant organisation administrative du Cameroun et du décret N°2008/377 du 12 Novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives et organisant leurs services.

La décentralisation procède d’une volonté politique qui met le citoyen au premier rang des préoccupations de l’administration. Cette nouvelle mutation politique et institutionnelle constitue l’un des acquis majeurs de la politique de libéralisation et de démocratisation de la vie politique camerounaise du début des années 1990. La décentralisation fait en outre partie des cinq secteurs identifiés par les pouvoirs publics pour la mise en œuvre du programme national de gouvernance dont le but ultime est d’assurer le bien-être des citoyens. Selon les lois et règlements en vigueur, la décentralisation consiste en un transfert par l’État, aux collectivités territoriales décentralisées, de compétences particulières et de moyens appropriés. Elle constitue l’axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local. C’est dire en d’autres termes que les populations locales doivent prendre en main leur destin dans la gestion des affaires locales par des autorités élues localement. La mise en œuvre de la décentralisation commence par le transfert effectif des compétences et des ressources pour assurer l’effectivité de la décentralisation. Au sens de la loi, on transfère à la fois les compétences, les ressources et les moyens nécessaires à l’exercice normal de la compétence transférée.

D — La révision constitutionnelle du 14 Avril 2008

La révision constitutionnelle du 14 Avril 2008 matérialisée par la loi N°2008/001 du 14 Avril 2008 a maintenu les grands acquis de la révision constitutionnelle de 1996. En effet, le régime politique issu de la révision constitutionnelle de 1996 pouvait être qualifié de présidentialisme fort notamment l’élection au suffrage universel du chef de l’État, la concentration de tous les pouvoirs entre les mains de l’exécutif et l’irresponsabilité du Président de la République vis-à-vis du Parlement. La nature monocéphale de l’exécutif est toujours en vigueur dans la constitution révisée. On peut d’ailleurs remarquer que les différentes révisions constitutionnelles adoptées au Cameroun consacrent un régime politique caractérisé par une influence toujours plus grande du chef de l’exécutif. Ce texte réaffirme la primauté du Président de la République sur les autres institutions du pays et ce, en dépit d’un formalisme démocratique énoncé dans les textes constitutionnels(17).

La révision constitutionnelle du 14 Avril 2008 confirme le caractère bicéphale de l’exécutif déjà acté en 1996. Cependant, dans la pratique, il en est autrement. La Constitution camerounaise attribue le pouvoir exécutif aussi bien au Président de la République qu’au Premier ministre(18). Toutefois, dans la pratique, le pouvoir exécutif est incontestablement monocéphale, c’es-à-dire que le Président de la République demeure de facto le chef du gouvernement et ce, à plusieurs titres. Premièrement, la Constitution indique que le Président de la République est à la fois chef de l’État et chef du gouvernement, c’est-à-dire qu’il est l’unique chef de l’exécutif puisque c’est lui qui définit la politique de la nation mise en œuvre par le gouvernement(19). Bien plus, il veille au respect de la Constitution(20), nomme le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement, fixe leurs attributions, met fin à leurs fonctions et préside le conseil des ministres(21). La nature ambiguë de la Constitution camerounaise provenant de son système politique qui n’est ni parlementaire ni présidentiel accentue cette prééminence du Président de la République aussi bien sur le gouvernement que sur l’ensemble des institutions du pays. En théorie, selon la Constitution, le pouvoir exécutif est exercé conjointement par deux personnes, qui sont le Président de la République et le Premier ministre(22). En comparaison avec des régimes parlementaires, comme l’Italie ou Israël, la logique voudrait que ce soit le Premier ministre qui détermine et conduise la politique de la nation. Seulement, il en est autrement pour le constituant camerounais. En effet, afin de se démarquer de la logique du système parlementaire tel qu’il est appliqué dans les pays cités ou par souci de « camerounisation » selon la

(16) La décentralisation est ancienne au Cameroun parce qu’avant 1996, l’organisation administrative du territoire en districts, en arrondissements, en départements et en provinces accordait des pouvoirs importants aux autorités administratives qui les dirigeaient. De même, les Mairies s’occupaient déjà aussi d’un pan important du développement du pays. (17) Alain Didier Olinga, « Le pouvoir exécutif dans la constitution révisée », Lex Lata, N° 23–24, Février-Mars 1996, p. 29. (18) Le titre II de la constitution du 18 janvier 1996 amendée le 10 avril 2008 intitulé. (19) Article 5(2) et 11 de la constitution du 18 janvier 1996 amendée le 10 avril 2008. (20) Article 5 de la Constitution. (21) Article 10 (1) de la Constitution. (22) Yacouba Moluh, « La nature du régime camerounais issu de la constitution du 18 Janvier 1996 », Revue de Droit Africain, N°. 18, avril 2001. 13

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formule de Yacouba Moluh(23),« le déséquilibre profite ici au Président de la république (24)» dans la mesure où c’est lui qui nomme le Premier ministre ainsi que les ministres sur proposition de ce dernier et surtout, c’est lui qui conçoit la politique de la nation, le gouvernement étant réduit à un simple rôle d’exécutant de ses ordres et décisions. En d’autres termes, « le gouvernement et le Premier ministre ne sont que des démembrements de l’institution présidentielle, chargés de traduire en actes, ses décisions et volontés »(25).

La révision constitutionnelle du 14 Avril 2008 est venue renforcer comme par le passé la prédominance du Président de la République sur l’ensemble des institutions du pays notamment le législatif et le judiciaire. En ce qui concerne le pouvoir législatif, la prépondérance du Président de la République sur le parlement tient au fait que la durée du mandat présidentiel est très longue (sept ans). Un mandat aussi long lui permet d’avoir une maîtrise et une domination sur les parlementaires qui ont un mandat de cinq ans. En effet, le mandat présidentiel ne coïncide pas souvent avec le mandat des parlementaires qui est plus court. Cela a comme conséquence le fait que l’Assemblée nationale et le Sénat, même si l’opposition s’y trouvait majoritaire seraient obligées soit de prendre leurs fonctions lorsque le programme politique du Président de la République est suffisamment avancé au point où il ne sera pas facile de le remettre fondamentalement en question, soit de se renouveler alors que le mandat présidentiel est en cours.

Pour ce qui est des relations du Président de la République avec le judiciaire, l’article 37(3) de la Constitution précise que le Président de la République nomme les magistrats, en consultation avec le Conseil Supérieur de la Magistrature. De même, les membres du Conseil constitutionnel sont aussi nommés par le Président de la République.

L’une des principales nouveautés de la révision constitutionnelle du 14 Avril 2008 concerne la suppression du verrou lié à la limitation du nombre de mandats présidentiels. Cette disposition qui a cristallisé le mécontentement d’une partie de la population(26) précise à l’article 2 nouveau que : « Le Président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans. Il est rééligible. ». De même, la révision constitutionnelle du 14 Avril 2008 consacre aussi l’irresponsabilité politique du Président de la République par rapport aux actions qu’il mène pendant sa présidence. Ainsi, il est précisé à l’article 53 alinéa 3 que: « Les actes accomplis par le Président de la République sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat ».

Comme le montre le tableau 2.1 ci-dessous, depuis 1960, le Cameroun a connu trois Constitutions révisées treize fois.

(23) Ibid (24) Ibid (25) Alain Didier Olinga, « Le pouvoir exécutif dans la constitution révisée », Lex Lata, N°23–24, Février-Mars 1996, p.33. (26) De nombreux observateurs avertis de la vie politique camerounaise affirment que les révoltes populaires de Février-Mars 2008 appelées « les émeutes de la faim » étaient en partie liées à la contestation de ce projet présidentiel. 14

Tableau 2.1 Les différentes Constitutions du Cameroun et leurs modifications depuis 1960(27)

Date de revision Domaine de la révision Les sujets traités

Adoption par référendum de x Adoption de la première Constitution La Constitution du 4 Mars 1960 la première Constitution le 1er Mars 1960

La révision constitutionnelle du x Institution de la République Fédérale Adoption de la deuxième 1er Septembre 1961 Constitution

La révision constitutionnelle du x Institutionnalisation de la possibilité Article 16 10 Novembre 1969 pour le Président de la République de proroger le mandat des députes

x La Constitution permet au Président Article 39 de la République de nommer les Premiers ministres des États fédérés

x Autorisation accordée au Président Article 2 de la République à soumettre au référendum tout projet de loi ou de réforme, qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait susceptible d’avoir des répercussions profondes sur l’avenir du pays et des institutions

Referendum du 20 mai 1972 x Proclamation de l’État Unitaire Constitution du 2 Juin 1972

Revision du 9 Mai 1975 x Création d’un poste de Premier Article 5 (nouveau) ministre

Le 9 Juin 1979 x Le Premier ministre devient un organe Article 5 permanent de l’exécutif. Le pouvoir de l’exécutif est redéfini, succession du Article 7 président

Le 5 Juillet 1983 x Augmentation du nombre des députés Article 12 qui passe de 120 à 150

Le 18 Novembre 1983 x La possibilité pour le Premier ministre Article 7 devenu président d’organiser l’élection présidentielle anticipée

(27) Voir François Mbomé, « Les expériences de la révision constitutionnelle au Cameroun », Penant,1992 et Alain Didier Olinga, « Le pouvoir exécutif dans la Constitution révisée », Lex Lata, N° 23–24, Février-Mars 1996 15

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Le 25 Janvier 1984 x La dénomination République Unie Articles 1, 5, 7, 8, 16 et 34 du Cameroun devient République du Cameroun Suppression du poste de Premier ministre

Le 17 mars 1988 x Possibilité pour le président de la Article 7 République de raccourcir son mandat

Le 17 mars 1988 x Le nombre des députés passe à 180 Article 12

Le 23 Avril 1991 x L’exécutif redevient dyarchique et Articles 5, 7, 8, 9, 26, 27, et 34 réforme de la Haute Cour de justice

Le 18 Janvier 1996 x La quasi-totalité de la Constitution est Révision constitutionnelle révisée

Le 14 Avril 2008 x Modification touchant la durée du Article 6 mandat du Président de la République

x La durée du mandat des membres du Article 47 Conseil constitutionnel passe de 9 ans à 6 ans

x Le Président de la République Article 53 bénéficie d’une immunité à vie

Source: Auteur.

2.1.2 Les principales évolutions politiques et institutionnelles en Corée du Sud depuis 1948

Parmi les pays ayant fait l’expérience d’une transition politique en Asie dans les années 1980, la Corée du Sud est d’ordinaire tenue pour un modèle de réussite démocratique et constitutionnelle. La Constitution sud-coréenne qui a été promulguée le 17 Juillet 1948 subsiste depuis cette date et a subi neuf amendements. La dernière révision constitutionnelle date de 1987 et portait principalement sur la réforme du mode de scrutin de l’élection présidentielle (avec le passage d’un vote indirect par la voie d’un collège électoral à un suffrage direct par l’ensemble des citoyens)(28). Elle a aussi été marquée par la réintroduction de la Cour constitutionnelle chargée d’assurer le contrôle de la conformité des lois aux normes constitutionnelles et d’invalider les premières en cas de conflit avec les secondes. Les neuf révisions constitutionnelles en Corée du Sud ont porté sur des amendements liés aux attributions du Comité constitutionnel, de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle qui sont des organes chargés essentiellement de veiller au contrôle ou au respect de la constitutionnalité des lois mais elles ont aussi permis de faire passer ce pays de la Première à la Sixième République. Depuis le 17 Juillet 1948 et l’adoption de la première Constitution, la Corée du Sud a été en proie de manière récurrente à une instabilité institutionnelle chronique : neuf révisions constitutionnelles et six Républiques. « Alternant régimes autoritaires et démocraties prétoriennes, la Corée du Sud a longtemps connu une vie politique tourmentée, au rythme des proscriptions, des scandales financiers et des émeutes étudiantes »(29). Ainsi, sous les six Républiques, les amendements constitutionnels ont eu lieu en 1952, en 1954, en 1960 (deux fois), en 1962, en 1969, en 1972, en 1980 et en 1987.

(28) Guichard, Justine, La fabrique constitutionnelle de l’ennemi. Analyse critique de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de Corée depuis 1988, Paris, Presses de Science Po, 2014. (29) Eric Seigelet : « La Constitution sud-coréenne de 1987 et les libertés publiques », Droit prospectif, N° 3, 1994, pp.957-974. 16

2.1.2.1 Les révisions constitutionnelles sous la première république (1948-1960)

La Constitution sud-coréenne qui instaure la Première République le 17 Juillet 1948 a été modifiée pour la première fois en 1952, avant la réélection du Président Syngman Rhee. Cette révision constitutionnelle a été adoptée en prévision des élections présidentielles qui devaient avoir lieu cette année-là. En effet, le 7 Juillet 1952, en pleine guerre de Corée, le Président Syngman Rhee réforme la Constitution pour être élu au suffrage universel direct, et non plus par l’Assemblée Nationale afin d’éviter d’être mis en minorité par son propre parti à l’intérieur duquel sa légitimité et son autorité étaient contestées. Cette révision constitutionnelle a été adoptée malgré de nombreuses irrégularités de procédure et après d’âpres discussions.

Le 29 Novembre 1954, le Président Rhee modifie à nouveau la Constitution sud-coréenne en y introduisant un amendement qui lève la limite du nombre de mandats présidentiels à deux. L’autre innovation de cette révision constitutionnelle est que le pays adopte le modèle capitaliste comme modèle de développement du pays. Pendant la Première République, le premier Comité constitutionnel a été mis en place pour veiller à la constitutionnalité des lois.

2.1.2.2 Les amendements constitutionnels sous la deuxième république (1960-1962)

L’avènement de la Deuxième République a été provoqué par les soulèvements des étudiants de Daegu qui ont conduit à la démission du Président Syngman Rhee, à la révolution du 19 Avril 1960 et à la chute de la Première République. En effet, face aux nombreuses protestations consécutives à des scandales politico-financiers, aux dérives autoritaires du régime du Président Syngman Rhee, la Deuxième République de la Corée du Sud a été inaugurée par la Constitution du 15 Juin 1960.Plus démocratique, elle créait un régime parlementaire, un conseil des ministres, un parlement bicaméral, une commission électorale, ainsi qu’une Cour constitutionnelle(30). Elle a également prévu des élections pour les juges de la Cour suprême et les gouverneurs de provinces, ainsi que la garantie des libertés individuelles basées sur le droit naturel.

Une autre révision constitutionnelle aura lieu six mois plus tard plus précisément le 29 Novembre 1960. Les changements apportés par cette révision constitutionnelle étaient que les auteurs des crimes de corruption perpétrés sous l’ancien régime de Syngman Rhee pouvaient faire l’objet de poursuites judiciaires. À cet effet, un tribunal et un procureur spécialement chargés de juger ces crimes furent institués. De même, il a aussi été créé un Conseil constitutionnel chargé de veiller à la constitutionnalité des lois appliquées dans le pays.

2.1.2.3 Les révisions constitutionnelles sous la troisième république (1962-1972)

La Troisième République sud-coréenne a été provoquée par le coup d’État du 16 Mai 1961conduit par le Général Park Chung-hee. Les deux premiers actes du nouvel homme fort du pays ont été la dissolution de l’Assemblée Nationale démocratiquement élue en 1961 et l’annulation des révisions constitutionnelles de 1960. Ainsi, après un référendum constitutionnel, la Troisième République est instituée par la Constitution du 26 Décembre 1962. Les amendements adoptés par cette révision s’inspirent de la Constitution américaine, afin d’assurer un examen de la constitutionnalité des lois avec la création de la Cour suprême.

Une autre révision constitutionnelle intervient le 21 Octobre 1969. Celle-ci autorise le Président Park Chung-hee à se présenter pour un troisième mandat. Ainsi, le verrou de la limitation des mandats sera finalement supprimé permettant au Président Park Chung-hee de gouverner jusqu’à son assassinat le 26 Octobre 1979(31).

(30) Guichard, Justine, La fabrique constitutionnelle de l’ennemi. Analyse critique de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de Corée depuis 1988, Paris, Presses de Science Po, 2014. (31) Ibid 17

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2.1.2.4 La révision constitutionnelle sous la quatrième république (1972-1980)

L’avènement de la Quatrième République sud-coréenne est précédé par la proclamation de l’État d’urgence, la suspension et la suppression de la Constitution de la Troisième République en Octobre 1972. Ainsi, le-27 Décembre 1972, Park Chung-hee renforce son autorité en promulguant la Constitution de la Quatrième République, appelée Constitution Yusin. Cette révision constitutionnelle supprime la limitation du nombre de mandats présidentiels et consacre la centralisation du pouvoir qui est désormais exercé par le Président qui contrôle désormais toutes les institutions. Cet amendement constitutionnel réinstaure le Comité constitutionnel qui avait déjà été mis en place sous la Première République(32).

Il est important de rappeler que c’est la dictature du Général Park Chung-hee qui met en place les bases du développement économique fulgurant de la Corée du Sud, l’un des plus rapides de l’histoire économique moderne. Cet essor économique a été favorisé par les importants investissements japonais consécutifs au traité nippo-coréen du 22 Juin 1965(33). Le régime du Général Park instaure surtout une discipline de fer dans l’organisation du travail. En effet, sous son règne, les ouvriers sont temporairement obligés de travailler gratuitement et sont astreints à de semaines de travail. De même, ils ne peuvent s’organiser en syndicats qui sont interdits.

2.1.2.5 La révision constitutionnelle sous la cinquième république (1980-1988)

Après l’assassinat du Général Park en 1979 lors du coup d’État conduit par le Général Chun Doo-hwan, la Cinquième République de Corée du Sud est instituée par la Constitution du 27 Octobre 1980. Ainsi, par cet amendement constitutionnel, les pouvoirs du Président élu au suffrage indirect, diminuent, le parlement est monocaméral et un Conseil des ministres est institué.

2.1.2.6 La révision constitutionnelle sous la sixième république (depuis 1988)

À la suite des manifestations en faveur de la démocratie qui ont agité le pays en 1987, la Constitution de 1988 a créé la Sixième République. En effet, la loi de révision constitutionnelle a été adoptée par l’Assemblée nationale le 12 Octobre 1987, puis approuvée par référendum le 28 octobre, avant d’entrer en vigueur le 25 février 1988, concomitamment avec la prise de fonctions du Président RohTae-woo. La principale innovation de cette révision constitutionnelle est le retour de la Cour constitutionnelle qui avait déjà mise en place sous la Deuxième République (voir tableau 2.2). En effet, cet amendement constitutionnel est le résultat d’un processus négocié par les élites politiques qui s’est soldé par la révision, et non le remplacement, de la Constitution adoptée en 1948. La transition démocratique sud-coréenne de 1987 qui a abouti au changement politique et à la réforme constitutionnelle est donc le fruit d’un compromis entre les forces du pouvoir et celles de l’opposition(34).

Selon la Constitution sud-coréenne, le Président de la République de Corée du Sud est élu au scrutin universel direct pour un mandat de cinq ans, non renouvelable. Premier représentant de la République, chef de l’exécutif et Chef des armées, le Président de la République dispose en outre d’un pouvoir exécutif considérable ; il nomme le Premier ministre après approbation du Parlement. Il nomme également les ministres et préside le Conseil d’État.

Le parlement sud-coréen qui est monocaméral est appelé Assemblée nationale ou Gukhoe. Il est composé de 299 députés élus pour un mandat de quatre ans dont 253 d’entre eux dans le cadre de circonscriptions électorales, tandis que les 46 membres restants sont issus d’un système de représentation proportionnelle. Outre les pouvoirs législatifs et de contrôle de l’action de l’exécutif et des finances de l’État, l’Assemblée nationale peut révoquer certaines personnalités coupables d’infraction à la Constitution(35).

L’instance judiciaire la plus élevée est la Cour suprême dont les 14 juges sont nommés par le Président de la République sur proposition du premier juge avec l’accord de l ‘Assemblée nationale. Les compétences des organes du pouvoir judiciaire, que sont la Cour suprême, la Cour constitutionnelle et les juridictions de rang inférieur sont définies par le Président de la

(32) James M. West et Yoon Dae-Kyu : « The Constitutional Court of the Republic of Korea »,The American Journal of Comparative Law, N° 1, 1997. (33) Tae Wan-son, The Economic Development of Korea: Past, Present and Future, Séoul, Samhwa Publishing, 1973. (34) Guichard, Justine, La fabrique constitutionnelle de l’ennemi. Analyse critique de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de Corée depuis 1988, Paris, Presses de Science Po, 2014. (35) Article 65 de la constitution de 1987 18

République après approbation de l’Assemblée nationale.

La Cour constitutionnelle qui a été rétablie en Septembre 1988, juge de la constitutionnalité des lois, arbitre les conflits de compétence entre les autorités gouvernementales, instruit les plaintes pour atteinte à la Constitution déposées par les citoyens, décide en cas de procédure d’impeachment et prononce la dissolution des partis politiques(36). Les dispositions antérieures de la Constitution prévoyaient différents modes de contrôle de la constitutionnalité des lois, mais le pouvoir judiciaire ne disposait pas de l’indépendance nécessaire à l’exercice de ces compétences. Le retour de la Cour constitutionnelle est une avancée sur la voie de la consolidation de l’État de droit en Corée du Sud. Cette institution vise à assurer la sauvegarde du pouvoir judiciaire. Surtout, elle est garante de la légalité des procédures tant judiciaires que parlementaires. Les neuf juges de la Cour constitutionnelle exercent leurs fonctions pendant un mandat de six ans, renouvelable.

Tableau 2.2 La Constitution sud-coréenne et ses différentes modifications

Organe chargé du contrôle de Révision constitutionnelle Événement politique constitutionnalité

17 Juillet 1948 Première République, Président Syngman Rhee

7 Juillet 1952 Le mode d’élection à la présidentielle devient direct Comité constitutionnel

29 Novembre 1954 La limite de deux mandats présidentiels est levée

15 Juin 1960 Révolution du 19 Avril 1960 ; Deuxième République, Premier Ministre Chang Myon

29 Novembre 1960 Les crimes de corruption perpétrés sous Cour constitutionnelle l’ancien régime peuvent faire l’objet de poursuites ex post facto ; un tribunal et un procureur spécialement en charge de ces crimes sont créés

26 Décembre 1962 Coup d’Etat de 1961 ; Troisième République, Général Park Chung-hee

Cour suprême

21 Octobre 1969 Le président est autorisé à se présenter pour un troisième mandat

(36) James M. West et Yoon Dae-Kyu : « The Constitional Court of the Republic of Korea »,The American Journal of Comparative Law, N° 1, 1997. 19

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27 Décembre 1972 Constitution Yusin; Quatrième République, Comité constitutionnel Général Park Chung-hee

27 Octobre 1980 Coup d’Etat de 1979 ; Cinquième Comité constitutionnel République, Général Chun Doo-hwan

29 Octobre 1987 Mouvement démocratique de juin, Cour constitutionnelle Sixième République, Présidents RohTae- woo (1988-1993), Kim Young-sam (1993-1998), Kim Dae-jung (1998-2003), RohMoo-hyun (2003-2008), Lee Myun- bak (2008-2013), Park Geun-hye (2013- 2017)

Source: L’auteur.

Comme le montre le tableau 2.2 ci-dessous, la Constitution sud-coréenne en vigueur depuis 1948 a été révisée à neuf reprises.

2.2 L’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique du Cameroun et de la Corée du Sud

2.2.1 L’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique du Cameroun depuis 1960

L’État, en tant que société politique fonctionne et évolue au moyen des institutions qui rythment et déterminent sa trajectoire politique, économique, humaine et sociale (Tricot et al., 1995). S’il est un défi permanent pour les États, c’est bien celui du développement. Tous les pays du monde luttent soit pour réaliser le développement, soit pour maintenir et consolider les acquis en la matière. La problématique du développement est donc au cœur de l’action de l’État appelé à organiser l’espace public et la gestion des ressources disponibles et limitées, de façon à ce que les besoins illimités des individus, des ménages, bref des agents économiques soient satisfaits au mieux (Gadji, 2014). En effet, il est nécessaire de souligner que la qualité des institutions en termes de management, de ressources humaines et de stratégie, peut arriver à transformer celles-ci, soit en facteur de développement, soit alors en faiblesses dans la lutte pour le développement. Ainsi, l’importance des institutions dans le processus de développement d’un pays n’est plus à démontrer. À cet effet, il convient, à l’heure des réformes de l’État et de la multiplication des stratégies et des politiques de développement, que l’on puisse disposer d’une note synthétique et synoptique sur l’influence des institutions sur le processus de développement (Owona Nguini, 2012).

Au Cameroun, deux types d’institutions contribuent à l’élaboration des politiques de développement. Il s’agit des institutions politiques et des institutions économiques. 20

2.2.1.1 Les institutions politiques situées au niveau stratégique

Les institutions politiques interviennent essentiellement au niveau stratégique. Il s’agit principalement du parlement et du Président de la République.

A — Le Président de la République

Depuis l’indépendance, le Président de la République est la figure prédominante du système politique et institutionnel du Cameroun. De la première Constitution du 4 Mars 1960 à celle du 02 juin 1972 qui reste en vigueur malgré les différentes révisions, le Chef de l’État se présente comme la clé de voûte du système institutionnel et politique du Cameroun. Sa fonction d’impulsion, qui renvoie à la mise en mouvement de la vie politique dans son ensemble n’a jamais été remise en cause au fil des différents textes constitutionnels. Malgré le bicéphalisme qui s’est souvent observé au niveau de l’exécutif, notamment dans la loi Constitutionnelle du 1er septembre 1961, qui consacrait la fonction de Vice-président, ou depuis celle du 18 Janvier 1996, le Chef de l’État a conservé une stature hiérarchique incontestable. Cela est visible à travers son pouvoir de nomination qui fait des membres du gouvernement, de simples auxiliaires du Président de la République. Il nomme aux emplois civils et militaires et détermine la politique de la nation. Le constituant a posé pour principe que c’est le Président de la République qui définit la politique de la nation(37). Ainsi, le Président est entouré d’un certain nombre d’experts et techniciens que sont les Chargés de mission, les Conseillers techniques et les Conseillers spéciaux.

Le Secrétariat Général de la Présidence de la République fait à cet effet office de laboratoire institutionnel des politiques que le Chef de l’État souhaite mettre en œuvre, et des axes prioritaires sur lesquels le gouvernement doit s’engager afin de permettre au Chef de l’État d’accomplir ses missions fondamentales ; étant entendu que certains organes doivent prendre le relai pour les décisions et la coordination des politiques. Le Secrétariat Général confirme de par ses missions et ses pouvoirs, la prééminence des services de la Présidence de la République sur ceux des Ministres. L’article 2 du Décret du 08 Juin 1972 disposait déjà que le Secrétariat Général est chargé « d’instruire toutes les affaires administratives et juridiques soumises à la sanction du Président de la République, et de suivre l’exécution des décisions prises par lui ». Placé sous l’autorité d’un Secrétaire général, ce dernier fait pratiquement office de Premier ministre, notamment par le fait qu’il est chargé de présider les réunions des comités techniques interministériels ; de mettre en forme et de publier au Journal officiel, les textes législatifs et règlementaires, et même de préparer les réunions ministérielles. De nombreuses autorités sont rattachées aux services du Secrétariat Général, à l’instar du Secrétariat permanent au Conseil national de sécurité, de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale…

B — Le Parlement

Depuis la réforme constitutionnelle du 18 Janvier 1996, le parlement camerounais est bicaméral avec l’Assemblée nationale et le Sénat(38). Les attributions essentielles du parlement ainsi constitué renvoient au vote des lois et au contrôle de l’action du gouvernement(39). Le vote des lois se fait selon le calendrier des sessions parlementaires et suivant une procédure particulière. Le contrôle s’effectue au moyen des questions orales et écrites au gouvernement, ainsi que par les motions de censure(40). Cependant, on ne peut occulter leurs fonctions de représentation qui ont trait au national pour l’Assemblée nationale et au local pour ce qui est du Sénat(41).

L’impact du travail parlementaire est décisif dans la lutte pour le développement. C’est en effet le parlement qui vote le budget de l’État chaque année après avoir réceptionné et questionné le programme économique, social et culturel du gouvernement que présente le Premier Ministre au début de chaque session consacrée à l’examen et à l’adoption de la loi des finances. C’est donc le parlement qui valide le programme économique et financier de l’État et contrôle sa mise en œuvre au moyen de la technique des questions orales et écrites aux membres du gouvernement. Les deux chambres du

(37) Il est vrai que cette disposition constitutionnelle de l’article 5 (2) n’a pas toujours existé ainsi. Ce sont les évènements du putsch manqué en 1984, qui ont conduit le président Paul Biya a modifié cette disposition, qui à l’origine prévoyait que c’est le président du parti au pouvoir à l’époque l’UNC qui définissait la politique de la nation. La persistance d’une telle disposition le plaçait dans une situation politique et institutionnelle inconfortable vis à vis du président du parti à côté de qui il ne faisait plus que figure d’inaugurateur de chrysanthèmes. Lire à ce sujet Henri Bandolo, La flamme et la fumée, Yaoundé, Editions SOPECAM, 1985. (38) Voir Article 14 alinéa 1 de la Constitution camerounaise : « Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui comprend deux chambres : l’Assemblée Nationale et le Sénat ». (39) Article 14 alinéa de la Constitution (40) Article 34 de la Constitution (41) L’article 20 de la Constitution stipule que : « (1) Le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées. (2) Chaque région est représentée au Sénat par dix sénateurs… ». 21

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parlement ont d’ailleurs aussi la possibilité d’effectuer des enquêtes parlementaires. L’impôt qui est un outil décisif dans la formulation et l’exécution de la politique économique, est également de la compétence du parlement en vertu de l’article 26 de la constitution.

Au-delà de ses missions de législation et de contrôle, le parlement camerounais couvre aussi tous les aspects de la vie publique, institutionnelle et sociale du pays de telle sorte que la loi peut saisir et encadrer tous les actes, les conduites de la vie publique au sein de l’État. Les différentes fonctions de représentation des deux chambres peuvent aussi constituer des opportunités en vue du développement de l’État camerounais. En effet, si l’Assemblée Nationale représente la nation, comme corps social de façon égalitaire, le Sénat est le lieu de la représentation des collectivités territoriales décentralisées. Or, l’on sait depuis les lois sur la décentralisation de 2004, que les collectivités territoriales décentralisées au Cameroun sont des structures qui sont appelées à mener des actions de développement intégral des localités.

L’on attend donc beaucoup des collectivités territoriales décentralisées pour la formulation des stratégies de développement endogène, et pour la défense des intérêts des régions et des communes lors des débats parlementaires. Il faut relever pour s’en féliciter que le parlement camerounais arrive à accomplir ses missions fondamentales même si des efforts restent encore à faire, notamment en termes de développement de cabinets parlementaires pour accroître la masse critique nécessaire au travail de législation et de contrôle qui exige souvent une expertise avérée dans de nombreux domaines.

2.2.1.2 Les principaux organes de prise décision, de planification et de coordination des politiques

A — Le Premier Ministre

Le système institutionnel camerounais est constitué de plusieurs paliers dans une sorte d’organisation scientifique du travail. En effet, il y a une spécialisation des fonctions que l’on peut déceler à travers la structuration de l’appareil gouvernemental dans ses dimensions de prise de décision de planification et de coordination. En termes de prise de décision etde planification, l’on a de façon hiérarchique : le Président de la République qu’assiste le Secrétariat Général à la Présidence et le Premier ministre qui est l’une des figures de l’exécutif camerounais.

Le Premier ministre est doté constitutionnellement de pouvoirs de décision dans les domaines précis ayant trait à l’économie, au social et au culturel. L’article 12 de la Constitution camerounaise donne un pouvoir réglementaire au Premier ministre. En tant que chef du gouvernement chargé de mettre en œuvre la politique de la nation, il est logique de confier au Premier ministre, un travail de coordination du travail gouvernemental dans le sens de la mise en œuvre des politiques publiques(42). Cela se traduit par l’institution et la pratique du visa administratif qui est tout à la fois un contrôle a priori et d’opportunité. Pour ce travail de coordination en vue de la cohérence de l’action gouvernementale, le Premier ministre est assisté d’un Secrétariat Général qui est en réalité une structure de technocrates et d’experts de tous ordres.

B — Le MINEPAT (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire) et le Ministère des Finances

En ce qui concerne la planification du développement du pays, il y a au sein du gouvernement, deux départements ministériels particuliers qui œuvrent de façon spéciale dans ce domaine. Il s’agit :

x du Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT), un Ministère très important dans la conception des projets de développement du Cameroun et la réalisation des études de planification et de programmation techniques nécessaires ;

x du Ministère des Finances. Généralement perçu comme un super Ministère, ce département ministériel s’intéresse également à la planification, en termes d’allocation de moyens et de ressources nécessaires au financement de l’économie nationale. C’est la raison pour laquelle, un pan important de son activité est destiné à l’investissement et au budget qui doit l’alimenter. Cependant, ce travail de planification au niveau central de l’État se nourrit des demandes souvent formulées à l’échelle locale.

(42) Voir article 11 alinéa 1 de la Constitution camerounaise : « Le Gouvernement est chargé de la mise en œuvre de la politique de la Nation telle que définie par le Président de la République » ; Article 12 alinéa 1 de la Constitution : « Le Premier Ministre est le Chef du Gouvernement et dirige l’action de celui-ci ». 22

2.2.1.3 Les interactions entre l’administration centrale et les collectivités territoriales décentralisées dans la mise en œuvre des politiques de développement

Selon l’alinéa 2 de l’article premier de la Constitution camerounaise, « La République du Cameroun est un État unitaire décentralisé ». En effet, la décentralisation est la technique de gestion de l’État du Cameroun qui permet que se formulent et se réalisent la coaction et la coopération en matière de développement entre l’administration centrale et les collectivités territoriales décentralisées à l’échelle locale. La décentralisation suppose trois critères constants que sont: l’autonomie des collectivités, l’existence d’affaires propres et la désignation des autorités décentralisées par l’élection (Verpeaux, 1993).

Les interactions entre l’administration centrale et les collectivités territoriales décentralisées ont d’abord un fondement constitutionnel et légal, à savoir l’unité juridique du territoire camerounais. Une Commune ou une région ne peut donc prendre des actes qui menacent l’intégrité territoriale, violent la Constitution ou les lois de la République. Cela constituerait d’ailleurs des motifs permettant au Président de la République de démettre soit le Conseil municipal, soit le Conseil régional. Sur la base de ce principe, les collectivités territoriales décentralisées disposent de l’autonomie administrative et financière nécessaire pour gérer les affaires locales que le législateur leur a reconnues depuis les lois d’orientation de la décentralisation de 2004. Le transfert des compétences s’effectue de façon inexorable avec déjà une allocation de moyens financiers propres tirés soit de la fiscalité locale, soit de la coopération décentralisée. L’utilisation des ressources se fait d’ailleurs suivant l’orthodoxie budgétaire de l’État, d’où la présence des agents du Ministère des finances dans les services de ces collectivités. On voit en outre comment la conurbation se gère avec succès entre des métropoles et des villes attenantes notamment entre Yaoundé et les villes de Mfou, Soa et Okola ; entre Douala, Limbe et Dibombari. Un organe comme le Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention Intercommunal (FEICOM), assure l’harmonisation et la redistribution solidaire des moyens financiers entre les différentes Communes du pays. Tout le travail de développement local, qui est encadré par la technique de la tutelle administrative, assure et consolide le principe de l’unité nationale. C’est donc logiquement qu’il a été créé au sein du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD), une Direction des collectivités territoriales décentralisées. Il revient donc à ces dernières de formuler des plans de développement économique, social et culturel adaptés à leur contexte et de les mettre en œuvre avec les ressources propres ou allouées, en se conformant aux exigences de l’unité de l’État, qui est comptable de leurs actions.

Ainsi, la tutelle administrative est une technique qui permet de construire et de consolider l’interaction entre l’administration centrale et les collectivités territoriales décentralisées. En effet, la tutelle de l’État sur les collectivités territoriales décentralisées s’exerce à la fois sur les actes et sur les personnes de façon à ce que l’action générale de l’État demeure cohérente, articulée et solide. Les Secrétaires généraux des Mairies constituent ainsi des figures du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, chargées de répercuter auprès des Communes, les objectifs et les visions stratégiques du gouvernement de la République. Un Conseil municipal qui prend des actes contraires à la loi ou à la Constitution peut ainsi voir ses actes annulés ou son équipe dissoute en cas d’atteinte à l’intégrité territoriale ou à la Constitution. En retour, les collectivités territoriales décentralisées sont appelées à prendre le relais de l’État pour ses nombreuses missions afin que la décentralisation permette effectivement qu’il y ait un développement intégral au niveau local. La matrice des lois sur la décentralisation de 2004 confère ainsi aux Régions et aux Communes, des missions en termes de construction d’écoles, de centres de santé, de promotion des langues et cultures locales ; de sport et de protection de l’environnement. C’est donc aux Mairies de mettre sur pied des bibliothèques municipales, de construire des espaces verts et de créer des centres de loisirs et d’épanouissement de la jeunesse. 23

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2.2.1.4 Le rôle des institutions qui exercent l’obligation de rendre compte dans le développement économique du pays

L’obligation de rendre compte incombe à toute personne qui gère la chose publique. Le constituant camerounais a sur ce point été innovant depuis 1996 : « Le Président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, …tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leurs mandats ou de leurs fonctions(43) ». La responsabilité est donc le fait de répondre de ses actes et aussi parfois de ses omissions.

La responsabilité étatique est aussi possible. Il faut d’ailleurs remarquer que c’est la personnalité juridique dont est doté l’État qui rend celui-ci responsable. C’est un principe inhérent à l’État de droit et à ce qu’on peut qualifier de gouvernance responsable. L’État de droit signifie en effet que tous les actes au sein de l’État sont soumis au droit (Mockle, 2007).

La gouvernance quant à elle, est une exigence constante dans la conception de l’État moderne aujourd’hui. Elle suppose que les gouvernants soumis à l’autorité, le soient aussi à la règle de droit autant que les gouvernés. La gouvernance est également perçue comme un mode de gestion des affaires publiques de façon efficace et efficiente (PNUD, 2002). C’est pour cette raison qu’une reddition des comptes est à envisager pour ceux qui ont en charge des biens publics de l’État. La gouvernance responsable appelle donc à l’éthique et à la délicatesse des agents publics. Cependant, il faut que les institutions traduisent de façon objective cette obligation de rendre compte.

Les institutions de contrôle de l’État Le contrôle de l’État qui se manifeste par une obligation de responsabilité est à la fois constitutionnel et extra constitutionnel.

i. L’obligation de responsabilité de l’État devant les institutions constitutionnelles

L’action de l’État est contrôlée par le parlement. Le parlement le fait par des questions orales et écrites, la question de confiance qui peut aboutir à une motion de censure, ou les commissions d’enquête parlementaire(44). Par ailleurs, l’action du Président de la République quant à la mise en œuvre de la Constitution est contrôlée par le Conseil constitutionnel et sa responsabilité engagée devant la Haute Cour de justice qui a des mécanismes extra constitutionnels de contrôle de l’État. Il faut noter que la mise en cause de la responsabilité du Président de la République devant la Haute Cour de justice pour haute trahison, est une éventualité qui est très difficile à mettre en œuvre. Les tribunaux administratifs peuvent aussi condamner l’État.

ii. L’obligation de responsabilité de l’État en dehors des institutions constitutionnelles

Ici, il s’agit des institutions moins puissantes que les institutions constitutionnelles. Cependant, ces institutions jouent un rôle important dans la mise en œuvre de l’obligation de responsabilité de l’État. On peut, entre autres citer la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC), l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF) et le Conseil de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF) du Ministère délégué à la Présidence de la République chargé du Contrôle Supérieur de l’État (CONSUPE). Cette obligation de rendre compte, si elle est effective, peut avoir un impact certain sur le développement de l’État. Il convient d’ailleurs de relever que le CONSUPE peut déclencher une procédure d’enquête sur simple dénonciation, en dehors du cadre classique.

La CONAC, l’ANIF ou le CDBF, sont toutes des structures qui témoignent de l’obligation de délicatesse qui pèse sur les agents publics de l’État. Leur action est importante lorsqu’on sait que la corruption et le blanchiment d’argent sont des fléaux graves qui nuisent à la sérénité du climat des affaires, tout en faisant perdre à l’État d’importantes ressources au profit des criminels économiques et financiers. On peut donc affirmer que ces institutions sont des instruments pratiques de la lutte pour la bonne gouvernance, la gouvernance responsable et l’État de droit.

(43) Article 66 de la Constitution (44) Voir alinéas 2 et 3 de l’article 34 de la Constitution camerounaise 24

2.2.1.5 L’influence de l’obligation de responsabilité de l’État sur le développement économique

L’obligation pour l’État de répondre de ses actes de gestion peut avoir une influence sur son développement. L’obligation de responsabilité est un rempart contre la prévarication des fonds publics. Ceci peut donc favoriser l’élargissement de l’assiette de l’investissement public.

Les institutions constitutionnelles sont celles prévues par les trois pouvoirs retenus par la charte fondamentale de l’État. Celles dites gouvernementales sont créées par le pouvoir exécutif. L’État étant en quête perpétuelle du bien-être de ses citoyens, la réforme institutionnelle peut à tout moment intervenir dans ce sens. Ces dernières années, plusieurs réformes ont été menées pour rendre les institutions de l’État plus efficaces. Était-ce de la cosmétique ou pour un réel besoin de développement ?

2.2.1.6 L’incidence de la réforme institutionnelle sur le développement économique du Cameroun

Comme relevé précédemment, l’État est à la quête permanente du bien-être de ses citoyens. Pour atteindre cet objectif, l’État choisit très souvent de procéder à des réformes institutionnelles dans le but d’améliorer son efficacité. La réforme institutionnelle peut donc être perçue comme une quête d’efficacité. En effet, l’action de l’État doit être adaptée au temps et même à l’espace. Dans ce cas, l’État pour s’adapter au temps et se développer en fonction du temps, doit réformer sa technostructure. La réforme peut ainsi rectifier les lenteurs administratives et les lourdeurs institutionnelles. Sans pour autant tout réduire au quantitatif, il est intéressant de relever que de plus en plus, l’on cherche à adapter l’administration de l’État au rythme de l’économie moderne. L’efficacité et même l’efficience sont devenues des leitmotivs dutravail administratif.

On peut ainsi lier l’évolution dans un sens comme dans l’autre de l’économie camerounaise à l’incidence de la réforme institutionnelle. L’Institut National de la Statistique met ainsi continuellement à jour, les données de la productivité de nos administrations. De plus en plus, le système de gestion et de fonctionnement de l’administration est guidé par la quête de la performance. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre le fait que l’on parle de plus en plus au Cameroun, de la gestion axée sur les résultats. Ce mode de gestion de l’administration en tant qu’institution, s’est d’ailleurs enrichi d’un nouveau type de cadrage budgétaire stratégique appelé le budget programme.

On peut également envisager la réforme institutionnelle comme un atout pour le développement. Cela s’est traduit au Cameroun à travers la réforme des institutions judiciaires et gouvernementales qui a rendu possible la restitution d’une partie des fonds détournés. En effet, l’opération d’assainissement des mœurs publiques dénommée « Opération Épervier », a rapporté dans les caisses de l’État près d’une dizaine de milliards de francs CFA. Des résultats récents montrent également que la CONAC a permis au trésor public de récupérer 50 milliards de francs CFA dans le cadre de ses investigations au cours de l’année 2013(45). Cette politique de lutte contre la corruption a permis d’engranger des ressources supplémentaires pour relancer les investissements pour le développement global de l’État.

2.2.1.7 Les institutions qui coordonnent les activités des différents secteurs de l’économie camerounaise

Généralement, les activités économiques sont regroupées à l’intérieur de trois secteurs qui sont le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire. Le Cameroun dispose d’institutions qui œuvrent dans ces secteurs pour en faire des piliers pour la croissance et le développement économique. Ainsi, dans le secteur primaire qui comprend l’extraction des matières premières et des mines liquides ou solides, la pêche, l’élevage et l’agriculture, l’on a des institutions stratégiques et des institutions opérationnelles.

Au niveau stratégique, on peut citer le Ministère des Mines de l’Industrie et du Développement Technologique (MINMIDT), le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER), le Ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries Animales (MINEPIA). Tous ces départements ministériels conduisent à un niveau stratégique, les politiques publiques du gouvernement concernant leurs domaines d’activité. Ils conduisent les projets économiques qui concernent leurs champs d’opération sous la coordination des services du Premier ministre qui harmonisent le travail gouvernemental. Le niveau opérationnel du secteur primaire renvoie aux entreprises publiques et parapubliques œuvrant dans leur domaine

(45) Cf Cameroon Tribune du jeudi 26 Novembre 2015. 25

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de compétence privilégié. De nombreux projets ciblés sont également formulés et mis en route avec des partenaires privés nationaux et multinationaux, qui agissent soit comme prestataires, soit comme partenaires et bailleurs de fonds. Les difficultés dans ce secteur d’activité sont liées aux contraintes externes du coût des matières premières sur le marché mondial. Or, l’instabilité chronique qui caractérise ce marché sensible que de nombreux facteurs politiques perturbent régulièrement, peut inhiber des efforts d’expertise et de lobbying ayant mobilisé d’importantes ressources de l’État, à l’instar du projet d’exploitation du fer de Mbalam.

Le secteur secondaire qui concerne les industries de transformation est également soumis à un contrôle institutionnel en matière de norme et de qualité des produits fabriqués conformément aux normes ISO internationales. Les opérateurs de ce secteur plaident régulièrement pour une amélioration du climat des affaires, à travers l’assainissement des mœurs des agents publics placés dans les institutions ayant la charge de les contrôler. Cependant, de nombreux problèmes de gouvernance interne et certains aléas liés à la conjoncture internationale, constituent des freins au développement de ces secteurs. Ce fut le cas des entreprises du secteur bois au Cameroun entre 2006 et 2008.

Le secteur tertiaire qui est lié aux services est supervisé par des Ministères comme le Ministère du Commerce (MINCOMMERCE), le Ministère du Tourisme et des Loisirs (MINTOUL), le Ministère des Transports (MINT). Ce secteur est dominé par les opérateurs privés en raison de son potentiel en termes de création des biens et des richesses.

2.2.1.8 La réforme du secteur de la commande publique

La réforme du secteur de la commande publique est l’une des grandes réformes de ces dix dernières années en matière d’action gouvernementale au Cameroun. La commande publique est un terme générique relatif à l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques en vue de la satisfaction des besoins de leurs administrations. Ces contrats sont très souvent soumis aux codes des marchés publics. La notion de commande publique est davantage une notion générique qui englobe toutes les demandes effectuées par l’Administration au sens organique, pour la fourniture des biens, des prestations des services ; les réalisations d’ouvrages ; les facilités financières, en contrepartie d’une rémunération. Ainsi, la commande publique concerne les demandes qu’effectuent les différents départements ministériels ou d’autres services de l’État dans le cadre de leurs missions en matière de mise en œuvre des politiques publiques dans les différents secteurs concernés. Le rapport entre la gouvernance et la commande publique est devenu incontournable en matière de réflexion sur la gestion et la réforme de l’État. Il permet de comprendre comment les règles de gouvernance sont prises en compte dans le processus de réalisation de la commande publique. Il permet aussi de voir la manière dont les Ministères et les autres structures publiques intègrent la notion de gouvernance lorsqu’il faut faire une demande de prestation, de fourniture ou de réalisation des travaux.

Plusieurs institutions interviennent dans la procédure de passation des marchés publics au Cameroun. Il s’agit du Ministère des Marchés Publics (MINMAP), de l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP), des commissions de passation des marchés publics des différents départements ministériels et des entreprises publiques et parapubliques.

Ainsi, le marché public ou la commande publique a fait l’objet d’une définition à travers des actes réglementaires notamment le décret N°2004/275 du 24 Septembre 2004 portant code des marchés publics, ainsi que le décret N°2012/074 du 08 Mars 2012 portant création, organisation et fonctionnement des commissions de passation des marchés publics. Le décret de 2012 reprend dans son article 2, la définition proposée dans l’article 5 alinéa 1 du décret de 2004. En effet, selon ces deux décrets, « le marché public est un contrat écrit, passé conformément aux dispositions réglementaires, par lequel un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services s’engage envers l’État, une collectivité territoriale décentralisée, un établissement public ou parapublic ou une entreprise du secteur public ou parapublic, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou des services, dans un délai déterminé, moyennant un prix ».

Les marchés publics au Cameroun sont de plusieurs ordres notamment : les marchés de travaux routiers ; les marchés de travaux de bâtiments et d’équipements collectifs ; les marchés de travaux d’hydraulique, d’électrification et de télécommunications ; les marchés de services et de prestations intellectuelles ; les marchés d’approvisionnements généraux (Cf. décret N°2012/074 du 08 Mars 2012. Art 5 à 12). 26

2.2.1.9 La réforme des trois pouvoirs de l’État

Ici, nous passons en revue les dernières réformes intervenues dans l’exécutif, le législatif et le judiciaire.

A — La réforme de l’exécutif

Ces dernières années, l’exécutif s’est davantage réformé au niveau de ses démembrements qui sont les départements ministériels. Outre la création de ministères nouveaux traduisant la volonté politique de mettre en exergue l’importance de l’initiative privée dans la croissance et le développement, l’on note également des réformes de l’action gouvernementale. Ces réformes ont fait l’objet de deux principaux documents cadres qui guident la politique du gouvernement en vue du développement, de la croissance et de l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Il s’agit du Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DRSP) et du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE). Si la première cité a eu le défaut d’un manque d’ambition économique, puisqu’il ne visait que la réduction de la pauvreté, le second pour sa part, se donne pour objectif stratégique d’impulser un nouveau mouvement dans la quête de la croissance et du développement global.

La création de nouveaux départements ministériels renvoie aussi à une nouvelle option managériale de l’État. Avec le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises de l’Économie Sociale et de l’Artisanat (MINPMESA), le gouvernement veut valoriser l’action des PME. De façon constante, l’on s’accorde à démontrer que les PME constituent le principal moteur de la croissance et du développement (Ngoa Tabi et Nyonsaba-Sebigunda, 2013). Cela est dû à leur capacité à créer plus facilement les emplois, à créer des biens et des richesses et à réduire la pauvreté au sein des ménages. Leur principale faiblesse demeure l’accès au financement (lire à cet effet, l’étude de NgoaTabi et Nyonsaba-Sebigunda, 2013), étant entendu que les défis macroéconomiques et leur capacité structurelle interne ne leur permettent pas de bénéficier de la confiance des bailleurs de fonds classiques que sont les banques. Heureusement, en 2015, le gouvernement a mis sur pied une banque des PME pour trouver des solutions aux problèmes de financement de ces unités de production.

B — La réforme du législatif

La révision constitutionnelle de 1996 a instauré le bicaméralisme. En raison du principe de progressivité introduit par le constituant, ce n’est qu’en 2013 que le Sénat a été mis en place comme Chambre parlementaire à la faveur de la loi N° 2013/006 du 10 janvier 2013 portant règlement intérieur du Senat. Les premières élections sénatoriales ont quant à elles eu lieu en 2014. Les Conseils régionaux n’étant pas encore mis en place au moment où ces élections se tenaient, ce sont conseillers municipaux des différentes Mairies du pays qui ont élu les premiers sénateurs camerounais. En tant que chambre des représentants locaux, le Sénat est un lieu de protection des droits des groupes particuliers ou des minorités. En effet, le Président de l’exécutif régional aura le pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel chaque fois que les intérêts de la région seront en cause. Cette faculté de protéger les intérêts de la région permet d’espérer que les intérêts sociaux, économiques, culturels et politiques des collectivités seront mieux protégés.

C — La réforme du judiciaire

Consacré comme pouvoir par la révision constitutionnelle du 18 Janvier 1996, le pouvoir judiciaire s’exerce par la Cour suprême, les cours d’appel et les tribunaux(46). La justice est rendue au nom du peuple camerounais par les juges qui ne se réfèrent qu’à la loi et à leur conscience.

Le juge administratif veille à ce que les titulaires des charges publiques fassent preuve de probité et de mesure dans la gestion des affaires de l’État. En effet, le juge administratif intervient dans le cadre du contentieux administratif qui renvoie de façon matérielle et générale au recours en annulation pour excès de pouvoir, les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif ; ainsi que les litiges concernant les contrats administratifs, le domaine public ou les opérations du maintien de l’ordre (Cf. art 2 de la loi N°2006/022 du 29 Décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs).

De même, le juge judiciaire continue de jouer son rôle de censeur de droit commun. La Haute Cour de Justice quant à elle

(46) Article 37 alinéa 2 de la Constitution 27

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est une juridiction atypique chargée essentiellement de connaître des cas de haute trahison. Celle-ci est un crime grave qui ne bénéficie pas encore d’une assise conceptuelle acceptée de tous, mais qui semble renvoyer à des actes graves portant atteinte à l’intégrité de la Constitution, à l’intégrité territoriale, à la sûreté de l’État ou à la violation du serment par le Président de la République. À cette ambiguïté conceptuelle, vient s’ajouter la difficulté opérationnelle de la mise en œuvre de la responsabilité du Chef de l’État pour crime de haute trahison, notamment avec la révision constitutionnelle du 14 Avril 2008 qui a pratiquement organisé l’immunité du Chef de l’État pour des actes accomplis dans la cadre de ses attributions constitutionnelles.

Après la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996, le pouvoir judiciaire a considérablement changé de physionomie. Il y a eu d’une part l’institution d’un Conseil constitutionnel, et d’autre part, la création et la réorganisation de l’appareil judiciaire.

Le Conseil constitutionnel opère un contrôle des institutions de l’État. En effet, le Conseil constitutionnel est l’instance chargée des questions constitutionnelles et notamment du contrôle de constitutionnalité, de l’arbitrage entre les institutions, et de la sincérité et de la conformité des consultations électorales et référendaires. La mise sur pied encore attendue du Conseil constitutionnel traduit la volonté d’ériger le juge constitutionnel au rang des figures marquantes du système constitutionnel et politique camerounais. Fruit de la revendication des forces politiques des années 1990, notamment à travers les travaux de la tripartite et des différentes Commissions chargées d’élaborer une nouvelle Constitution pour le Cameroun, l’avènement du Conseil constitutionnel est certainement l’une des grandes réformes judiciaires du Cameroun. Les grands tournants de l’histoire politique et institutionnelle des peuples ont toujours été marqués par l’érection d’une justice constitutionnelle qui renforce la normativité des règles de droit constitutionnel (Cambot, 1998). Le dédoublement fonctionnel qui s’opérait jusque- là au niveau de la Cour suprême est appelé à prendre fin. Désormais, le contentieux constitutionnel est clairement identifié tant dans ses matières qui renvoient au contentieux des élections présidentielles et législatives, aux consultations référendaires et aux conflits institutionnels pour arbitrage, que dans sa composition organique et son fonctionnement. L’une des interrogations relatives à son efficacité concerne son indépendance et son autorité. En effet, si des garanties d’indépendance traditionnelles ont été accordées à cette institution et à ses membres, la question du mandat des conseillers reste encore sujette à débat. En effet, alors qu’initialement, leur mandat n’était pas renouvelable et débordait le mandat présidentiel, désormais, le verrou de la limitation de leur mandat a sauté, laissant ainsi l’opportunité de faire prospérer la critique selon laquelle les juges du Conseil constitutionnel n’auront plus la même liberté d’esprit pour trancher les questions qui leur seront soumises. Ainsi, l’éventualité d’un renouvellement de la confiance qu’on leur aurait accordée peut servir comme rétribution à la loyauté vis-à-vis du pouvoir exécutif, qui lui-même influence profondément leur désignation.

Les autres réformes judiciaires de ces dernières années concernent la création des nouvelles juridictions et la réforme de la procédure pénale. De nouvelles juridictions comme les tribunaux administratifs et le tribunal criminel spécial ont vu le jour. En effet, depuis la loi N°2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire, l’organisation judiciaire comprend outre les juridictions anciennes, le tribunal criminel spécial, les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif et les juridictions inférieures des comptes(47).

S’agissant du tribunal criminel spécial, il a été créé par la loi N°2011/028 du 14 Décembre 2011 et modifié par la loi N°2012/011 du 16 Juillet 2012. Cette juridiction est compétente pour connaître des infractions de détournements de deniers publics et des infractions connexes lorsque le montant est d’au moins cinquante millions (50 000 000) de Francs CFA. La possibilité d’un remboursement du corps du délit aboutissant à la libération si le Ministre de la justice y consent est l’une des particularités de la procédure au sein de cette juridiction. En effet, selon le législateur, « (1) En cas de restitution du corps du délit, le Procureur général près le tribunal peut, sur autorisation du Ministre chargé de la justice, arrêter les poursuites engagées avant la saisine de la juridiction de jugement »(48). Le décret présidentiel N°2013/288 du 04 Septembre 2013 est venu compléter ses compétences en fixant les modalités de restitution du corps du délit.

Il faut aussi se féliciter de l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale au Cameroun qui a permis de faire un pas décisif et significatif dans l’évolution vers la construction de l’État de droit. Non seulement la structure judiciaire s’est améliorée avec une définition plus claire du champ d’action du juge d’instruction et des officiers de police judiciaire, mais aussi, les droits des justiciables sont mieux protégés avec les précisions sur les méthodes d’arrestation, les gardes à vue, les comparutions libres et l’application du principe de la présomption d’innocence.

(47) Cf Art. 3 de la loi N°2011/028 du 14 Décembre 2011. (48) Art. 18 (1) de la loiN°2012/011 du 16 juillet 2012 sur le Tribunal Criminel Spécial. 28

2.2.2 L’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique en Corée depuis 1948

Les institutions sont importantes dans le développement économique d’un pays(49). Le cas de la Corée du Sud fait école dans ce domaine. En effet, à travers la réforme de ses institutions, la Corée du Sud a enregistré une forte évolution de sa production économique. Au cours des cinquante dernières années, la Corée du Sud a connu un développement économique remarquable qui a fait d’elle, un pays membre de l’OCDE.

2.2.2.1 Les années 1950 et le dogme de la politique de substitution des importations

La Corée du Sud qui engage sa reconstruction après l’armistice de juillet 1953 était un pays agraire pauvrement doté en ressources naturelles. L’économie de ce pays reposait alors sur le traitement des matières premières. Cependant, le gouvernement coréen adopte deux mesures importantes à savoir l’éducation obligatoire et la réforme agraire. L’adoption d’une loi rendant l’éducation obligatoire pour les écoles primaires a permis de créer un important vivier de personnes qualifiées qui joueront après un rôle important dans la stratégie d’industrialisation du pays. Après 1953, les politiques industrielles et commerciales ont reposé sur la substitution des importations qui visait à réduire les importations en tentant de produire les denrées de base. Au cours des années qui ont suivi la fin de la guerre de Corée, le gouvernement sud- coréen a privilégié la stabilité politique plutôt que le développement systématique de l’économie.

2.2.2.2 Les années 1960 et l’adoption d’une stratégie de développement tournée vers l’industrialisation et les exportations

Aux premières heures de son développement économique, la Corée du Sud a opté pour une stratégie de développement orientée vers l’extérieur et favorisant la promotion des échanges commerciaux. Cette stratégie de développement tournée vers l’extérieur et adoptée au cours des années 1960 reposait sur la promotion des exportations de produits manufacturés nécessitant une main-d’œuvre importante, un domaine dans lequel la Corée avait un avantage comparatif(50). À partir de 1965, la Corée du Sud est passée progressivement d’un statut d’économie agraire pauvre avec un excédent de main- d’œuvre à une économie axée sur les exportations. Ce tournant résulte de l’arrivée au pouvoir du général Park Chung Hee en 1961 qui met en place des politiques qui marquent le point de départ d’une relance économique progressive. En effet, les années 1960 voient une réorientation stratégique de la politique économique sud-coréenne désormais marquée par la fin de la politique de substitution aux importations et l’adoption d’une stratégie désormais tournée vers les exportations(51). Ce changement de ligne est suivi par d’autres mesures comme le vote de la loi anti-corruption de 1961 qui marque le début d’une épuration tournée contre les fonctionnaires de l’ancien régime ; le lancement d’un complexe sidérurgique à Ulsan en 1962 ; le rétablissement des relations diplomatiques avec le Japon en 1966(52). La stratégie de développement de la Corée du Sud des années 1960 reposait non seulement sur la promotion des industries d’exportation mais aussi sur la substitution des importations, en commençant par les secteurs de l’industrie légère à forte intensité de main-d’œuvre. Le gouvernement sud-coréen a mis en place une série d’incitations qui ont fait de l’exportation une activité rentable pour les entrepreneurs privés. Bien plus, l’expansion du commerce mondial dans le cadre du GATT et l’accès au marché américain grâce au système de préférences généralisées (SPG), conjugués aux efforts de promotion du pays, ont joué un rôle fondamental dans la croissance des exportations de la Corée du Sud(53). Les exportateurs sud-coréens ont été exemptés de tarifs, de quotas d’importation, de taxes indirectes sur les biens intermédiaires et les biens d’équipement, ainsi que de taxes indirectes à l’exportation. Pendant les années 1960, le gouvernement sud-coréen a concentré les ressources disponibles sur une quinzaine de complexes industriels qui ont joué un rôle déterminant dans la promotion des exportations et ont posé les jalons d’une croissance future.

Au cours des années 1960, la plus grande partie de la main-d’œuvre de la Corée du Sud était utilisée dans l’agriculture, l’industrie forestière et la pêche et produisait des denrées alimentaires pour la consommation intérieure. Le nombre limité de surfaces cultivables empêchait d’augmenter le volume des produits destinés à l’exportation. Un pays comme la Corée du

(49) Edison Hali, « Qualité des institutions et résultats économiques », Finances & Développement, Juin 2003, pp 36-37 (50) Tae Wan-son, The Economic Development of Korea: Past, Present and Future, Séoul, Samhwa Publishing, 1973. (51) Cha Dong-Se, Kwang Suk Kim et Dwight H. Perkins, The Korean Economy 1945–1995: Performance and Vision for the 21st Century. Séoul, Korea Development Institute, 1997 (52) Ibid (53) La Corée a adhéré au GATT en 1967 29

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Sud dépourvu de matières premières a su développer son agriculture et promouvoir les industries lourdes et chimique pour accélérer son industrialisation et son développement économique(54). De même, l’initiative privée fut fortement encouragée par l’État sud-coréen. Pour asseoir sa politique d’industrialisation axée sur les exportations, le gouvernement sud-coréen adopta certaines politiques notamment :

x Pour se développer, l’industrialisation devait prendre appui sur la croissance des industries tournées vers les exportations ;

x Pour stimuler les exportations, l’industrialisation devait commencer dans les secteurs produisant des biens de consommation légers où les besoins en capitaux étaient moindres ;

x La faible marge dégagée par certains produits exportés pouvait être compensée par des subventions des exportations par l’Etat comme l’exemption des droits de douane sur les matières premières, l’octroi de prêts à des conditions préférentielles, l’exonération d’impôt et la subvention de certains services aux collectivités publiques ;

x L’éducation doit porter sur les activités de production en mettant l’accent sur la formation professionnelle.

Ainsi, la politique d’industrialisation axée sur les exportations de la Corée du Sud des années 1960 s’est traduite par l’accélération de la croissance industrielle, le ralentissement de l’inflation à partir du milieu des années 1960 et une forte augmentation du volume des échanges avec l’extérieur.

2.2.2.3 Les années 1970 et la consolidation des acquis des politiques d’industrialisation des années 1960

La promotion par l’État sud-coréen des industries lourdes et chimique au cours des années 1970 a contribué à réduire l’efficacité de la bureaucratie sud-coréenne qui avait consolidé la politique des exportations. Au cours de cette période, plusieurs grands groupes industriels stratégiques sont créés dans des secteurs comme l’automobile, l’électronique, la construction navale, la pétrochimie et l’acier. Cette période consacre l’avènement des chaebols qui sont de grands conglomérats d’entreprises familiales qui se sont révélés comme des acteurs majeurs du décollage économique et industriel de la Corée du Sud. Pour développer les industries lourdes et chimique, le gouvernement sud-coréen endossa l’essentiel du risque des premiers investissements avant de laisser les grandes entreprises, principalement les chaebols prendre la relève en investissant massivement dans certains secteurs comme celui des machines(55). Ce changement de cap densifia nettement la structure industrielle mais entraîna des effets négatifs dus essentiellement au caractère démesuré des investissements, qui ont dépassé les capacités technologiques et financières de l’économie.

Pendant les années 1970, le gouvernement sud-coréen a aussi créé des zones franches d’exportation (ZFE) dans certaines régions du pays afin de permettre aux entreprises étrangères de produire des articles destinés à l’exportation. Les ZFE nécessitaient une coopération interministérielle, car le Ministère de la Construction était chargé de la préparation du terrain et des infrastructures alors que le Ministère du Commerce et de l’Industrie s’occupait de la gestion. Les investisseurs des ZFE ont bénéficié d’exemptions tarifaires à l’importation de marchandises dans les ZFE, ainsi que d’incitations fiscales et de faibles coûts d’investissement. À titre d’exemple, la ZFE de Masan a accru les exportations, les investissements et les emplois et a contribué au développement de l’industrie dans son voisinage en introduisant des technologies de pointe(56). Le choix de l’emplacement d’une ZFE tenait compte de l’accessibilité des marchés d’extrants et d’intrants, ainsi que des coûts d’infrastructure qui en découlaient.

2.2.2.4 Les années 1980 et le réajustement structurel de l’économie et de l’industrie sud-coréenne

Les années 1980 furent une période de transition d’un État autoritaire à une société plus démocratique. Pendant cette période, l’économie sud-coréenne continua sa marche en avant, affichant une forte croissance et un redressement de sa balance des paiements. Cependant, l’économie sud-coréenne accusa le coût, en termes de multiplication des conflits

(54) Cha Dong-Se, Kwang Suk Kim et Dwight H. Perkins, The Korean Economy 1945–1995: Performance and Vision for the 21st Century. Séoul, Korea Development Institute, 1997. (55) Banque Mondiale, The East Asian Miracle: Economic Growth and Public Policy, New York: Oxford University Press, 1993. (56) Tae Wan-son, The Economic Development of Korea: Past, Present and Future, Séoul, Samhwa Publishing, 1973. 30

sociaux notamment pour mener à bien le processus de démocratisation. De même, le gouvernement sud-coréen simplifia les procédures d’approbation et d’autorisation qui freinaient jusque-là les initiatives privées. Au cours des années 1980, les politiques du gouvernement mettaient l’accent sur la résolution des problèmes économiques générés par l’expansion des industries lourdes et chimique des années 1970. Des mesures fortes de stabilisation de l’économie furent mises en œuvre pour infléchir les tendances inflationnistes. Dans les années 1980, les préoccupations liées au développement inégal des régions ont mené à la dispersion des complexes industriels. Ainsi, en 1984, sept complexes agroindustriels de petite taille ont été créés dans sept provinces et leur nombre s’est accru, au fil des ans(57). Ces mesures visaient à réduire le fossé existant entre les petites et les grandes entreprises, les déséquilibres entre les zones urbaines et rurales et la distribution inégale des revenus. Ainsi, dans les années 1980, le gouvernement sud-coréen consentit d’importants efforts pour améliorer la distribution des revenus et promouvoir l’équité sociale.

La transition démocratique de 1987 fut un tournant décisif dans les relations entre le patronat et les syndicats en Corée du Sud. En effet, une révision en profondeur du droit du travail fut menée pour promouvoir les droits des travailleurs et garantir la liberté d’action des syndicats. De même, le gouvernement sud-coréen a fait voter la loi sur le salaire minimum en 1988 et a introduit un système national de retraites ainsi qu’un système national d’assurance médicale en 1989(58). Le désengagement de l’État sud-coréen de nombreux secteurs de l’économie nationale ainsi que la multiplication des mesures visant à encourager l’initiative privée se sont poursuivis.

2.2.2.5 Les 1990 et la libéralisation de l’économie sud-coréenne

Au cours des années 1990, les résultats des mesures politiques prises pendant les années 1990 furent satisfaisants. Ainsi, l’économie sud-coréenne renoua avec une croissance vigoureuse. En effet, cette croissance économique soutenue peut s’expliquer par plusieurs facteurs notamment l’effet positif des Jeux olympiques de Séoul de 1988, l’élection d’un premier Président de la République civil en 1993 et l’adhésion de la Corée du Sud à l’OMC en 1995(59). L’économie sud-coréenne s’adapte à ce nouveau contexte avec un léger déclin de l’industrie légère par rapport à l’industrie lourde qui est elle- même soutenue par le dynamisme du secteur informatique. Le gouvernement du Président Kim Young-sam élu en Février 1993 lança une série de réformes économiques connues sous le nom de Plan quinquennal pour la nouvelle économie afin d’adapter les structures de l’économie sud-coréenne au nouvel environnement (60) économique . Le nouvel ordre démocratique qui accorde une plus grande importance aux libertés individuelles est favorable à l’adoption de nouvelles règles et de nouveaux systèmes économiques qui correspondent mieux aux normes internationales. L’une des premières réformes du nouveau gouvernement sud-coréen fut la réforme financière de 1993 connue sous le nom de « système de transactions financières en nom propre (61)» . En effet, de nombreux économistes considéraient que le triangle de fer banques- chaebols-gouvernement entravait le libre flux des ressources financières qui étaient nécessaires à la restructuration des industries caractérisées par le surinvestissement. Considéré jusque-là comme le moteur de l’industrialisation accélérée de la Corée du Sud, ce système ancien commençait à devenir un frein au développement de l’économie sud-coréenne.

Ainsi, la crise financière de 1997 qui a été provoquée par l’effondrement de la devise thaïlandaise toucha rapidement la Corée du Sud à tel point que le mythe du miracle sud-coréen fut sérieusement ébranlé. La raison ici est la conjonction de plusieurs facteurs négatifs notamment la spéculation, la libéralisation trop rapide des marchés sous la pression du FMI, des carences institutionnelles et une corruption criante. Au-delà de la défaillance du système financier sud-coréen, la vulnérabilité de l’économie sud-coréenne tient aussi aux faiblesses des chaebols dont l’endettement excessif et le manque de compétitivité étaient désormais visibles. Lorsque le FMI imposa un relèvement brutal de ses taux d’intérêts, les banques étrangères refusèrent de renouveler à l’État sud-coréen, leurs prêts à court terme reconductibles, d’où l’effondrement des chaebols. En effet, plusieurs décennies de croissance ont renforcé les positions des chaebols qui sont devenus très puissants au point d’influencer les hommes politiques.

(57) Ibid (58) Banque Mondiale, The East Asian Miracle: Economic Growth and Public Policy, New York: Oxford University Press, 1993. (59) Amsden, A.,Asia’s Next Giant: and Late Industrialization. Oxford: Oxford University Press, 1989. (60) Ibid (61) Chung, Un-Chan, «The Korean Economy before and after the Crisis » in The Korean Economy Beyond the Crisis, Ed. Duck-Koo Chung et Barry Eichengreen, Cheltenham, UK : EdwardElgar,2004. 31

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Les réformes post-crise seront orientées vers la restructuration des grandes entreprises (chaebols) autour de cinq points :

x Assurer la transparence de la gestion des grandes entreprises ;

x Démanteler les garanties croisées de dettes parmi les affiliés ;

x Améliorer de façon significative la structure du capital ;

x Identifier les activités essentielles et renforcer les relations de coopération avec les compagnies de petite taille et de taille moyenne ;

x Renforcer la responsabilisation du contrôle des actionnaires et de la direction.

Ces réformes étaient importantes car, les cinq premiers chaebols représentaient environ la moitié de la dette totale de la Corée qui s’élevait à 500 milliards de Dollars US (150 % du PIB) et plus d’un tiers de la production manufacturière(62).

D’autres réformes post-crise ont été menées notamment la poursuite d’une politique fondée sur les exportations, le renforcement de la compétitivité dans les secteurs à forte intensité capitalistique (sidérurgie, construction navale, automobile, électronique et semi-conducteurs, etc.), l’orientation vers les nouvelles technologies et la mobilisation de gros investissements dans la formation professionnelle.

2.2.2.6 Les années 2000 et l’adaptation progressive de l’économie sud-coréenne au contexte de la mondialisation

Suite aux réformes du gouvernement consécutives à la crise financière de 1997, l’économie sud-coréenne se relève progressivement. En effet, en 2001, la Corée du Sud apparaît moins vulnérable que ses concurrents asiatiques àla contraction du marché américain. Le PNB s’accroît de +5,1 %, soutenu par un dynamisme fragile de la consommation des ménages(63). Certes, à partir du 11 Septembre, les exportations chutent nonobstant une percée de la Corée du Sud en Chine et en Asie autour de trois secteurs porteurs que sont l’automobile, la construction navale et l’électronique.

En 2002, la Corée du Sud était le pays asiatique le plus performant avec un taux de croissance annuel moyen du PNB de +5,5 % porté par une production industrielle (+8,5 %) et des exportations à la hausse (+26 %)(64). Quelques inquiétudes subsistent cependant notamment la dépendance par rapport à la conjoncture américaine, un risque de « bulle » du crédit à la consommation et les effets plutôt décevants de la Coupe du monde de football malgré la bonne performance de l’équipe nationale (demi-finales). La principale préoccupation demeure toutefois le système de crédit qui malgré l’apurement des mauvaises créances des banques, ont trop favorisé le crédit à la consommation et au logement, d’où un endettement élevé des ménages. Les chiffres relatifs à l’emploi demeurent cependant satisfaisants avec 2,9 % de chômeurs seulement(65).

L’arrivée au pouvoir contre toute attente du Président Roh Moo-Hyun provoque une crise de confiance dans la société et les institutions sud-coréennes. Néanmoins, la production industrielle reprend à un rythme soutenu, grâce à l’essor des exportations. En dépit de l’importance des grèves (47 jours chez Hyundai Motors), l’industrie se trouve portée par l’expansion de la production des semi-conducteurs et des équipements de consommation. De 2005 à 2007, la croissance de l’économie sud-coréenne tend à devenir plus stable. En effet, 2005 constitue une année de reprise progressive avec la relance de la consommation des ménages et le ralentissement moins fort que prévu des exportations. En 2006, malgré les difficultés du Président Roh Moo-Hyun fragilisé par des revendications sociales, le pays bénéficie des performances des chaebols à l’exportation qui permettent à la Corée du Sud de se hisser parmi les grands exportateurs mondiaux, et de la force du Won par rapport au Dollar.

L’année 2007 marque un changement politique avec l’élection du Président Lee Myung Bak qui engage la négociation d’une série d’accords de libre-échange, favorisés par l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le début d’une politique de dérégulation, elle-même motivée par le soutien de la croissance.

(62) Chung, Un-Chan, «The Korean Economy before and after the Crisis » in The Korean Economy Beyond the Crisis, Ed. Duck-Koo Chung et Barry Eichengreen, Cheltenham, UK : EdwardElgar,2004. (63) Ibid (64) Ministry of Economy and Finances of Republic of Korea, (2004), Dynamic Korea: A Nation on the Move. (65) Ibid 32

La crise du système des chaebols et les réformes conduites par le gouvernement entraînent une évolution de l’économie sud-coréenne vers le modèle de la grande entreprise multidivisionnelle et managériale de type américain. En même temps, le gouvernement sud-coréen pousse les chaebols à opérer un recentrage de leurs activités. Ainsi, Hyundai se concentre sur l’automobile, les constructions navales, la construction et l’ingénierie, Samsung sur l’électronique, les activités financières et l’ingénierie, LG sur l’électronique grand public. De tous les secteurs, c’est celui de l’automobile qui a subi les restructurations les plus complètes : faillite de Daewoo passée sous le giron de General Motors, abandon par Samsung de son secteur automobile à Renault, concentration autour de Hyundai qui rachète Sangyong puis Kia et s’impose ainsi comme l’un des plus grands constructeurs mondiaux.

La Corée du Sud est l’un des pays de l’OCDE où l’expansion économique a été la plus rapide au cours des années 2000. Cependant, l’essoufflement de la croissance entre 2011 et 2012 a mis au jour des problèmes structurels, tels que l’endettement élevé des ménages, le retard pris par le secteur des services et la faiblesse des petites et moyennes entreprises. Cela a jeté le doute sur la stratégie coréenne traditionnelle de développement tiré par les exportations portées par les chaebols. En 2013, la Présidente Park Geun-hye a lancé un plan triennal pour l’innovation économique en vue de revitaliser l’économie sud-coréenne. Ce plan triennal pour l’innovation économique repose sur trois grands piliers. Le premier pilier repose sur une économie reposant sur des fondamentaux solides notamment la réforme du secteur public, l’instauration d’une économie de marché fondée sur des règles et la mise en place de fortes mesures de protection sociale. Le deuxième pilier renvoie à une économie reposant sur une innovation dynamique à travers le développement des industries créatives, des investissements pour le futur et sur les marchés étrangers. Le troisième pilier tient à une économie reposant sur l’équilibre entre les exportations et la demande intérieure à travers l’amélioration des conditions liées à l’investissement, la consolidation de la demande intérieure et l’incitation à l’activité des jeunes et des femmes. Ces trois piliers sont tous tournés vers l’objectif ultime qui est la préparation de la réunification des deux Corées qui est l’une des grandes préoccupations de l’État sud-coréen depuis plusieurs années.

Effets des principales réformes politiques et institutionnelles sur le développement de la Corée du Sud et du Cameroun Parvenu au terme de la présente étude dont l’objectif était de présenter les principales évolutions politiques et institutionnelles au Cameroun et en Corée du Sud depuis les indépendances et de montrer l’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique de ces pays, nous pouvons retenir que depuis leurs indépendances respectives en 1960 et en 1948, le Cameroun et la Corée du Sud ont eu des trajectoires politico-institutionnelles et de développement différentes. En effet, depuis son indépendance le 1er Janvier 1960, les réformes politiques et institutionnelles intervenues au Cameroun se sont faites sous trois Constitutions révisées treize fois et adoptées respectivement le 4 Mars 1960, le 1er Septembre 1961 et le 2 Juin 1972. L’histoire du Cameroun est marquée par deux années très importantes :1960 qui consacre l’indépendance du pays avec le début de l’exercice des compétences nationales et internationales d’un État devenu véritable sujet de droit, et 1990 qui marque l’éveil de la démocratie et le début d’un encadrement juridique résultant de l’évolution vers un État de droit. La forme de l’État camerounais a aussi été modifiée à plusieurs reprises : République du Cameroun en 1960, République Fédérale en 1961 après la réunification avec l’ancien Cameroun britannique, République Unie du Cameroun en 1972, République du Cameroun en 1984 et État unitaire décentralisé depuis 1996. La décentralisation est l’un des acquis majeurs de la politique de libéralisation et de démocratisation de la vie politique camerounaise du début des années 1990 avec la mise en place des Collectivités territoriales décentralisées que sont les Régions et les Communes.

En ce qui concerne la Corée du Sud, ce pays est un modèle de réussite démocratique et constitutionnelle parmi les pays ayant fait l’expérience d’une transition politique en Asie dans les années 1980. La Constitution sud-coréenne qui a été promulguée le 17 Juillet 1948 subsiste depuis cette date et a subi neuf révisions dont la dernière en 1987. Les différentes révisions constitutionnelles ont entraîné les changements de Républiques en faisant passer le pays de la Première à la Sixième Républiques. Ces différentes révisions constitutionnelles sont dues au fait que la Corée du Sud a été en proie de manière récurrente à une instabilité institutionnelle et politique chronique.

Quant à l’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique du Cameroun et de la Corée du Sud, nous devons au préalable relever que la qualité des institutions d’un pays est un facteur explicatif important de son développement économique. Des études empiriques ont mis en évidence une relation positive entre la qualité des institutions et la performance des politiques de réforme engagées dans certains secteurs clés des économies 33

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des pays en voie de développement. Cela se confirme d’ailleurs dans les résultats des performances économiques entre le Cameroun et la Corée du Sud. En effet, si au Cameroun l’évolution politique et institutionnelle semble s’être faite dans le sens d’une personnalisation de l’État et des institutions, en Corée du Sud par contre, même en période de dictature militaire, les réformes entreprises ont beaucoup contribué au décollage économique de ce pays. Ainsi, les différents plans de développement ont transformé ce pays pauvre en matières premières en misant sur les exportations. L’évolution de la Corée du Sud d’un pays pauvre à une puissance industrielle est riche d’enseignements pour le Cameroun qui devrait s’en inspirer. La stratégie de développement de la Corée du Sud a mis l’accent sur l’ouverture vers l’extérieur, la stabilité macroéconomique et de gros investissements dans le capital humain. Les différents gouvernements sud-coréens ont mis en place des politiques pour l’émergence des champions nationaux appelés les chaebols qui sont aujourd’hui de grandes multinationales connues partout dans le monde.

Au Cameroun, la rigidité du système politique caractérisé par un fort tropisme présidentialiste a tendance à créer des goulots d’étranglement. Le jacobinisme institutionnel ne libère pas assez les énergies et les intelligences à tel point que le pays tout entier semble plongé dans l’attentisme. Pourtant, de nombreuses réformes sont menées pour créer les conditions d’un développement économique optimal mais les multiples problèmes de coordination et d’arbitrage entre les différents services de l’État empêchent que les résultats attendus soient visibles et perceptibles par la population. 34

Chapitre 3 UNE ANALYSE COMPARATIVE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES IMPLÉMENTÉES AU CAMEROUN ET CORÉE DU SUD

3.1 Analyse comparative des politiques budgétaire menées au Cameroun et en 36 Corée du Sud

3.2 Analyse comparative des politiques monétaires menées par le Cameroun et la 49 Corée du Sud 35

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La République de Corée (Ci-après désignée Corée du Sud) est citée comme l’exemple de référence en matière de vérification des thèses du rattrapage des pays riches par les pays pauvres(66). En effet, ce pays qui au début des années 1960, se situait à un niveau de développement similaire à celui de bon nombre de pays africains au Sud du Sahara, a pu en l’espace de trois décennies, rattraper le niveau de vie des pays leaders comme les États Unis et le Japon (Lee, 2016 ; Chang, 1994 ; World Bank, 1993). Pour réaliser une telle performance, la Corée du Sud a fait du Japon sa référence en matière de développement économique. Cependant, elle ne va pas seulement se contenter de suivre les pas de son modèle, mais elle va surtout sauter certaines étapes du développement de ce dernier, pour créer des sentiers totalement différents (Lee et Lim, 2001).

Ce « miracle économique », comme l’a qualifié la Banque Mondiale (World Bank, 1993), qui s’est également opéré dans d’autres pays de l’Asie de l’Est, s’oppose totalement à « la tragédie de croissance » ou au « désastre économique » observé dans la plupart des pays africains sur la même période (Easterly et Levine, 1997, Devarajan, 2013, Artadi et Sala- I-Martin, 2003. Alors que le revenu par habitant avait plus que triplé en Corée du Sud entre 1960 et 1990, ce dernier a plutôt diminué dans bon nombre de pays africains dont les populations sont devenues plus pauvres qu’au moment où leurs pays accédaient aux indépendances (Artadi et Sala-i-Martin, 2003). En 2007, le continent africain abritait environ 30% des pauvres du monde (World Bank, 2007). De toutes les régions du monde, l’Afrique subsaharienne est celle où les indicateurs de développement socioéconomique sont les plus inquiétants.

Ces statistiques alarmantes, et ce retard considérable qu’accuse l’Afrique Subsaharienne par rapport aux autres régions du monde en développement, pourraient réconforter les partisans des thèses fatalistes qui attribuent le sous-développement du continent noir à sa position géographique, à son climat, à la colonisation, ou encore à la race de la population qui y vit. Mais, au regard des performances économiques remarquables que réalisent actuellement certains pays africains (l’Ile Maurice, le Rwanda, le Botswana ou le Kenya, etc.) , et surtout, à la lumière de l’expérience de développement de la Corée du Sud qui partagent certaines des caractéristiques physiques et historiques des pays africains, il convient de reconnaitre que le sous-développement loin d’être une fatalité, serait d’abord un phénomène endogène qui tire principalement ses sources des mauvais choix politiques effectués par des dirigeants beaucoup plus motivés par la recherche de l’intérêt personnel et des enjeux politiciens, que par le souci de sortir résolument leurs populations de la précarité.

En effet, l’exemple sud-coréen et de la plupart des pays qui enregistrent de bonnes performances économiques, met en lumière le rôle prépondérant que l’État joue dans la transformation des structures économiques et par conséquent, dans le processus de développement. Si on admet avec l’économiste français François Perroux (Perroux,1961) que le développement commence d’abord par un changement de mentalité, on est alors obligé de reconnaitre, au-delà des débats théoriques de la pensée économique, que l’État est un acteur majeur du développement. C’est l’État, incarné par des hommes politiques élus ou non au suffrage universel, qui dans la plupart des cas en général, et dans le cas sud- coréen en particulier, a inculqué une mentalité du développement aux citoyens, et mis sur pied l’ensemble des structures favorables à l’éclosion d’un secteur privé performant et compétitif. C’est donc à juste titre que l’État sud-coréen a été qualifié « d’État développementaliste ».

Le « miracle asiatique » en général, et l’exemple sud-coréen en particulier, ne doivent donc pas uniquement être consignés dans des manuels d’économie, et enseignés aux étudiants dans les facultés des sciences économiques. Cet exemple devrait plutôt servir de leçon et inspirer les dirigeants africains démocratiquement élus ou non, qui ont la charge de définir et d’implémenter la plupart des projets et programmes de développement. Tout comme l’expérience de développement du Japon fut un modèle pour la Corée du Sud dans les années 1960, l’expérience du développement de la Corée du Sud pourrait servir de modèle aux pays africains d’aujourd’hui, afin que la « tragédie économique du 20è siècle », soit, pourquoi pas, transformée en « miracle économique du 21è siècle ».

Au regard du rôle essentiel que l’État a joué aussi bien dans la réalisation du « miracle économique » sud-coréen que dans la « tragédie de croissance » des pays africains, il convient d’analyser et de tirer les leçons de la manière dont la politique

(66) La thèse du rattrapage est une thèse explicative du sous-développement développée par l’économiste américain Walt Whitman Rostow qui prétend que les pays qui sont aujourd’hui sous-développés, sont simplement des pays en retard qui sont encore à un stade inférieur de leur développement, et ne sont pas encore intégrés à l’économie mondiale. Ces pays sous-développés finiront par rattraper les pays riches, grâce à la modernisation de leurs structures de production traditionnelles. 36

économique(67) a été implémentée dans l’un et l’autre cas. Dans cette étude, l’accent est mis sur le Cameroun, pays dont le PIB par habitant est actuellement 10 fois plus faible que celui de la Corée du Sud, mais qui fait partie des pays qui en 1960, se situai presque à un même niveau de développement que cette dernière. Le cas camerounais constitue un bon exemple de comparaison car, les deux pays ont connu après leurs indépendances respectives, une histoire politique assez similaire caractérisée par une première période d’expérience démocratique, interrompu ensuite par une période de dictature qui prendra fin au début des années 1990 avec le vent de démocratisation qui a soufflé dans presque toutes les régions du monde après chute du mur de Berlin. Le chapitre sera organisé autour de deux principales sections. La première section consacrée à la politique budgétaire met l’accent sur la structure des recettes et des dépenses de l’État. La deuxième section est consacrée à l’analyse de la politique monétaire et financière.

3.1 Analyse comparative des politiques budgétaire menées au Cameroun et en Corée du Sud

La politique budgétaire est définie comme l’action qui consiste pour le gouvernement d’un pays, à modifier la structure de ses recettes et de ses dépenses, afin de donner de nouvelles orientations à l’activité économique (Mankiw, 2003). Analyser les politiques budgétaires de deux pays revient donc à analyser d’une part, la structure des recettes de l’État, et d’autre part, la structure des dépenses publiques.

3.1.1 Analyse de la structure des recettes de l’État au Cameroun et en Corée du Sud

L’un des grands enjeux pour la plupart des gouvernements africains est celui de la mobilisation des ressources nécessaires au financement des projets de développement menés aussi bien par le secteur privé que par le secteur public. Pour faire face à cette difficulté, les gouvernements des pays en développement se tournent généralement vers les pays développés et les organismes internationaux, ce qui accroit leur dépendance vis-à-vis de l’aide extérieur. L’analyse de la structure des recettes de l’État au Cameroun et en Corée du Sud fait ressortir que contrairement au Cameroun, la Corée du Sud a su réduire sa dépendance vis-à-vis de la dette et de l’aide extérieure, qu’elle a eu un taux de pression fiscale relativement stable, et qu’elle a profondément modifié la composition de ses recettes fiscales à partir des années 1980, en diminuant les taxes sur le commerce international et les taxes sur les biens et services au profit d’autres sources de revenu.

3.1.1.1 Une forte augmentation de la dépendance du Cameroun vis-à-vis de l’aide extérieure contre une nette diminution en Corée Sud

Comme bon nombre de pays en développement, le Cameroun est resté fortement dépendant des ressources extérieures, et notamment de l’aide au développement pour financer ses grands projets de développement et de lutte contre la pauvreté. Par contre, la République de Corée a en l’espace de deux décennies seulement, cessé d’être dépendante vis- à-vis des ressources en provenance des pays développés. Non seulement le pays a cessé d’être receveur net de l’aide publique au développement pour devenir donateur nette à partir de 1990, mais aussi, il a pu réduire à stricte expression, le poids de la dette publique dans son PIB. L’aide au développement englobe les prêts octroyés à titre concessionnels (nets des remboursements du principal), et les dons reçus par les agences officielles des pays membres du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE, et par d’autres pays non-membres du CAD pour promouvoir le développement économique et le bien-être dans les pays récipiendaires de la liste du CAD. Elle inclut également les prêts octroyés avec un élément de don d’au moins 25%.

(67) La politique économique est définie comme l’ensemble des interventions des pouvoirs publics dans l’activité économique en vue de lui donner une orientation jugée souhaitable (Greffe, 1993). Pour les libéraux, et notamment pour les nouveaux économistes classiques (Lucas, 1976 ; Barro, 1974 ; Muth, 1961 ; Sargent et Wallace, 1974 ; McCallum, 1980), les interventions de l’Etat sont vouées à l’échec, car les agents économiques rationnels et intelligents, vont anticiper les effets de ces politiques. Mais pour les économistes keynésiens, l’intervention de l’État est salutaire parce qu’elle crée un effet multiplicateur sur le revenu de la nation et permet de rapprocher celui-ci du niveau du plein emploi. 37

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Même lorsque la Corée du Sud recevait plus d’aide au développement que le Cameroun, le poids de l’aide publique au développement dans le revenu national brut a parfois été plus élevé au Cameroun. Le graphique 3.1 ci-dessous, qui retrace l’évolution de l’aide au développement en pourcentage du Revenu National Brut (RNB), montre qu’alors qu’en 1970 la Corée du sud recevait trois fois plus d’aide au développement que le Cameroun, l’aide publique au développement représentait déjà 6% du RNB environ au Cameroun, alors que son pourcentage n’était que 3% en Corée du Sud. À partir du début des années 1980, l’aide publique au développement est devenue quasiment insignifiante dans le RNB de la Corée du Sud, et durant toute la décennie 1990, son pourcentage dans le RNB est demeuré nul.

Graphique 3.1 Évolution de l’aide publique au développement en pourcentage du revenu national brut au Cameroun et en Corée du Sud

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Au Cameroun par contre, malgré la légère baisse que l’on a pu observer à la fin des années 1970—certainement due à l’accroissement des revenus issues de l’exploitation du pétrole brut— la part de l’aide publique au développement dans le RNB a recommencé à croitre rapidement à partir du milieu des années 1980, pour se situer au-delà de 8% en 1994. L’admission du pays à l’initiative PPTE et surtout, l’atteinte du point d’achèvement de cette initiative en avril 2006, vont permettre de réduire le poids de l’aide dans le RNB, passant de 7% environ en 2003 pour se stabiliser autour de 2% depuis 2008.

Ainsi, parti d’un niveau de développement similaire à celui du Cameroun au début des années 1960, la Corée du Sud a pu totalement se libérer de la dépendance vis-à-vis de l’aide en provenance des pays développés, au point où en 1990, elle a commencé à octroyer de l’aide au Cameroun comme le montre le graphique 3.2 ci-dessous. Bien que cette aide soit relativement faible comparativement à celle octroyée par les autres pays du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), elle met en lumière la différence des visions et surtout des ambitions des décideurs politiques de ces pays. L’octroi de l’aide et le refus de l’assistance peuvent en effet être analysés comme une volonté manifeste des autorités, de prouver leur ambition et leur détermination à sortir du sous- développement et de la dépendance, alors que l’assistance éternelle peut s’interpréter comme un manque réel d’ambition de la part des autorités à sortir leur nation du sous-développement. 38

Graphique 3.2 Flux net de l’aide publique au développement octroyée par la République de Corée à la république du Cameroun (dollars courants des États-Unis)

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Cette réduction de la dépendance du gouvernement de la Corée du sud vis-à-vis de l’aide au développement, s’est également traduite par une nette diminution du poids de la dette publique dans l’économie, alors qu’au Cameroun, cette dette s’est considérablement accrue au début de la décennie 1990.

3.1.1.2 Une forte accélération du poids de la dette extérieure au Cameroun contre une nette maitrise en Corée du Sud

La dette publique englobe à la fois des engagements non encore payées des entités publiques (État central, collectivités locales, entreprises publiques), et ceux d’un débiteur privé qui sont garantis par une entité publique. La dette publique ne doit donc pas être confondue au déficit budgétaire qui représente quant à lui, le solde négatif entre les recettes propres et les dépenses de l’État. Le déficit budgétaire est un flux, alors que la dette publique est un stock qui résulte de l’accumulation de ces déficits dans le temps. Lorsque les recettes de l’État sont insuffisantes pour financer l’ensemble de ses dépenses, il peut financer ce déficit de ressources soit par l’emprunt (émission de titres sur le marché financier) — ce qui accroit la dette publique et la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur— soit par émission monétaire (planche à billets) source d’inflation(68).

L’impact de la dette publique sur l’économie oppose les économistes keynésiens aux économistes libéraux. Pour les keynésiens, une politique de dépenses soutenues, qu’elles soient financées par l’impôt ou qu’elle soit financée par la création d’un déficit budgétaire, crée un effet multiplicateur dans l’économie, et permet de la rapprocher du plein emploi des facteurs (Keynes, 1936 ; Hicks, 1937, Haavelmo, 1945, Samuelson, 1953 ; Hansen, 1956). Mais pour les économistes libéraux, au-delà du montant nécessaire pour assurer les missions régaliennes de l’État (défense, justice, police), que les dépenses publiques soient financées par l’emprunt ou qu’elles soient financées par l’impôt, elles auront un effet pervers sur l’économie. Lorsqu’elles sont financées par l’impôt, les dépenses publiques réduisent la profitabilité des investissements privés et peuvent conduire l’économie vers la stagnation. Si par contre elles sont financées par l’emprunt auprès des

(68) De nos jours, très peu de gouvernements utilisent la planche à billets pour financer leurs déficits. En effet, depuis les travaux de Kydland et Prescott (1977) et de Barro et Gordon (1983a, 1983b), il est reconnu qu’il y a une incohérence dans le temps dans les décisions des autorités monétaires, qui se fixent pour objectif de long terme de combattre l’inflation, mais qui en même temps, sont tentées dans le court terme de soutenir l’activité économique. Cette incohérence dans le temps des autorités monétaires crée un biais inflationniste dans l’économie. Il est donc préférable d’assigner un seul objectif à la Banque centrale—celui de la stabilité des prix—et de la rendre totalement indépendante des pouvoirs politiques, d’où le concept « d’indépendance des banques centrales » développé au milieu des années 1980 (Rogoff, 1985 ; McCallum, 1988). 39

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marchés financiers domestiques, elles créent un effet d’éviction, car les emprunts de l’État étant plus rémunérateurs, les entreprises privées vont être confrontées à une raréfaction des capitaux et à une hausse du taux d’intérêt(69).

Le principe de l’équivalence ricardienne énoncé par l’économiste classique David Ricardo au 18è siècle, et repris par Robert Barro au début des années 1970, montre également que l’effet d’un financement des dépenses publiques par l’emprunt est équivalent à celui d’un financement par l’impôt. Les agents économiques étant rationnels, ceux-ci vont anticiper une augmentation future des impôts par le gouvernement pour rembourser les emprunts contractés aujourd’hui. Par conséquent, au lieu d’accroitre leur consommation présente, ils augmenteront plutôt leur épargne pour s’y préparer, ce qui diminuera leur propension à consommer, et réduira le multiplicateur keynésien. Au final, que les dépenses soient financées par l’impôt ou qu’elles soient financées par l’emprunt, la valeur actuelle des impôts restera identique, ce qui ne modifiera pas le revenu permanent des ménages (Barro, 1974).

Le graphique 3.3, ci-dessous, montre qu’à partir des années 1990, la Corée du Sud a plutôt adopté une vision libérale, alors que le Cameroun a continué dans la vision keynésienne. Durant la décennie 1990, la dette de l’État sud-coréen a été maintenue à un niveau moyen de 5% du PIB, alors qu’au Cameroun, le poids de la dette publique dans l’économie était encore très élevé. De 28% du PIB environ en 1990, la part de la dette publique du Cameroun dans le PIB est passée à plus de 60% en 1993, pour atteindre 131% en 1994.

Graphique 3.3 Poids de la dette publique dans le PIB au Cameroun et de la Corée du Sud entre 1990 et 1995

E

E

E

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E

Cameroon orea ep

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

(69) Lorsque l’économie est ouverte, cet effet d’éviction est atténué par les entrées des capitaux étrangers attirés par la hausse des taux d’intérêt. Mais cela se traduira par un endettement du pays auprès de l’étranger. 40

3.1.1.3 Une relative stabilité de la pression fiscale en Corée du Sud contre une forte instabilité au Cameroun

L’analyse de la structure des recettes fiscales de la Corée du Sud fait ressortir deux principaux faits. En premier lieu, on remarque une relative stabilité du niveau de pression fiscale (part des recettes fiscales dans le PIB), et en second lieu, le poids relatif des différents types de prélèvements s’est fortement modifié au début des années 1980. S’agit du taux de pression fiscale, le graphique 3.4 ci-dessous montre que la part des recettes fiscales dans le PIB n’a pas beaucoup varié en Corée du Sud. De l’année 1984 à l’année 2000, cette part est demeurée dans l’intervalle [12%; 14%]. Au Cameroun par contre, on remarque une forte variabilité de la pression fiscale qui tend à être pro-cyclique, augmentant pendant les périodes de croissance économique, et diminuant lors des récessions. Alors qu’au début des années 1980, les taux de pression fiscale étaient quasiment identiques au Cameroun et en Corée (environ 14%), ce taux est passé à plus de 18% en 1986, pour ensuite diminuer pendant la période de forte dépression que le pays a traversée entre 1987 et 1994. En 1994, les recettes fiscales prélevées par le gouvernement camerounais représentaient environ 7% du PIB. La reprise économique qui a suivi la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, a permis à l’État camerounais d’accroitre la pression fiscale dont le taux atteindra sa valeur maximale en 2001 (19% du PIB).

Graphique 3.4 Évolution du taux de pression fiscale au Cameroun et en Corée du Sud (%) Corée épulique de Cameroun

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement en Afrique 2005 pour le Cameroun, Indicateurs du développement dans le monde 2017 pour la Corée du sud

3.1.1.4 Une profonde modification de la composition des recettes fiscales de la Corée du Sud

S’agissant de la composition des recettes fiscales, on note que la Corée du sud a effectué une importante modification dès le milieu des années 1980. Le graphique 3.5, ci-dessous, montre que le poids des taxes sur les biens et services et celui des taxes sur le commerce international a progressivement diminué à partir de 1986. Alors qu’en 1975, les taxes sur les biens et services représentaient près de 50% des revenus de l’État sud-coréen, ce pourcentage est passé à 35% environ en 1988 pour se situer à peu près à 20% en 2015. La part des taxes sur le commerce international dans revenu total de l’État est quant à elle passée de plus de 19% en 1978, 14% en 1985. Durant toute la décennie 1990, les taxes sur le commerce international ont représenté moins de 10% des recettes de l’État, et en 2015, cette part n’est plus que de 2%. La diminution de ces deux types d’impôts montre à suffisance, que dès le milieu des années 1980, la Corée du sud s’était déjà engagée sur la voie de la libéralisation de son économie aussi bien sur le plan interne que sur le plan externe. Les droits de douane qui représentaient plus 20% des recettes fiscales en 1978, sont passés sous la barre de 10% durant toute la décennie 1990, pour se situer à 4% seulement en 2015. 41

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Graphique 3.5 Évolution de la composition des recettes fiscales de la Corée du Sud entre 1972 et 2014 (%)

Cotisations sociales des revenus

Taxes sur les iens et services des revenus

Douanes et autres droits l’importantion des recettes iscales

Taxes sur le commerce international des revenus

utres taxes des revenus

mpts sur les revenus les proits et les gains en capital des revenus

mpts sur les revenus les proits et les gains en capital des impts totaux

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Pour suppléer cette baisse drastique des taxes sur les biens et services et des taxes sur le commerce international, on a assisté à une augmentation d’autres formes de prélèvements obligatoires, notamment les cotisations sociales, l’impôt sur les revenus, les profits et les gains en capital, et les autres formes de taxes. La part de l’impôt sur les revenus, les profits et les gains en capital qui se situait à 25% en moyenne des recettes de l’État durant la décennie 1970, est passée à plus de 30% durant et partir de 1988 et durant toute la décennie 1990. On note également que cet impôt est devenu la principale source des recettes fiscales de l’État. Alors qu’il représentait moins de 30% des recettes fiscales durant la décennie 1970 et le début de la décennie 1980, l’impôt sur les revenus, les profits et les gains en capital a franchi la barra des 40% des recettes fiscales en 1989, pour atteindre 50% en 2015. Pour ce qui est des cotisations sociales, leur part qui représentait moins de 5% des recettes totales jusqu’en 1987, a franchi la barre des 10% en 1997, pour se situer à 25% environ en 2015.

Contrairement à la Corée du Sud, le gouvernement Camerounais n’a pas beaucoup modifié la composition de ses recettes, même si on peut noter une relative augmentation du pourcentage des taxes sur les biens et services dans les recettes totales entre 1985 et 1997 comme le montre le graphique 3.6 ci-dessous. Sur la période 1985-1994, période durant laquelle le taux de pression fiscale a diminué, la part des taxes sur les biens et services dans les recettes totales a plutôt augmenté, passant de 16% en 1985, à près de 41% en 1995, pour ensuite atteindre une valeur record de 62% en 1997. La part des taxes sur le commerce international quant à elle n’a pas beaucoup changé, mais est restée très élevée par rapport à la Corée du Sud. En 1995, les taxes sur le commerce international représentaient 20% des revenus de l’État camerounais, alors que pour la même année, ce pourcentage se situait à moins de 5% en Corée du sud. 42

Graphique 3.6 Évolution de la composition de certains revenus de l’État du Cameroun entre 1985 et 2003

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E

Taxes sur les iens et services nationaux en pourcentage du revenu total ors dons Taxes sur le commerce international en pourcentage des revenus totaux ors dons evenus non iscaux en pourcentage des revenus totaux

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement en Afrique 2005

On remarque également sur le graphique 3.6 que la grande majorité des recettes du gouvernement camerounais provient essentiellement des sources fiscales. Le pourcentage des recettes non fiscales dans le revenu total du gouvernement est inférieur à 15%. Ce pourcentage a fortement diminué dans la deuxième moitié de la décennie 1980, passant de 13% en 1985 à 3,7% en 1990. Durant toute la décennie 1990, les recettes non fiscales ont représenté moins de 10% des revenus du gouvernement camerounais. Cette analyse met en lumière le fait que les recettes du gouvernement camerounais sont fortement dépendantes des fluctuations que subit le cours de ses matières premières qui malheureusement sont fixés sur les marchés internationaux. En d’autres termes, la capacité de l’État à mobiliser les recettes est fortement influencée par les chocs qui affectent l’économie mondiale.

3.1.2 Analyse de la structure des dépenses publiques au Cameroun et en Corée du Sud

L’analyse de la structure des dépenses publiques au Cameroun et en Corée du Sud montre en premier lieu, qu’il y a eu une accélération rapide du niveau de ces dépenses au début de la décennie 1970, et en deuxième lieu, que la composition même de ces dépenses s’est considérablement modifié.

3.1.2.1 Une forte accélération du niveau des dépenses publiques en Corée du Sud comparativement au Cameroun

Le graphique 3.7, ci-dessous, montre qu’au début de la décennie 1960, les niveaux de consommation finale des gouvernements camerounais et sud-coréen n’étaient pas très éloignés. En 1960, les dépenses de consommation gouvernementale en Corée du Sud était de 6 fois seulement celle du Cameroun. Celles-ci vont par la suite connaitre une évolution régulière et rapide à la hausse en Corée du Sud, alors qu’au Cameroun, elles connaitront une évolution plus lente et instable surtout entre la fin de la décennie 1970 et le début de la décennie 1990. En 1980, la consommation 43

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gouvernementale était déjà 18 fois plus élevée en Corée du Sud, et en 1990, ce rapport passera à 26. Cette analyse met en évidence le fait que la consommation publique ne constitue pas un problème en soi, car elle s’est accompagnée dans le cas de la Corée du Sud de bonnes performances économiques. Mais, une telle comparaison pourrait être biaisée car ne prenant en compte ni la taille de l’économie (niveau du PIB réel), ni la taille de la population qui sont des facteurs pouvant déterminer le montant de la richesse d’un pays qui est consommé par les administrations publiques.

Graphique 3.7 Évolution des dépenses de consommation finale du gouvernement au Cameroun et en Corée du Sud (1960-2016)

Cameroun Corée, République de E E

E E

E E E E E

E E

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Sur le graphique 3.8 ci-dessous, nous avons retracé l’évolution de la consommation finale gouvernementale par tête d’habitant. Cette figure montre qu’au début de la décennie 1960, le Cameroun et la Corée du Sud avaient des niveaux de consommation gouvernementale par tête presque identiques. Mais, l’écart qui a commencé à se creuser dans la deuxième moitié de la décennie est allé grandissant, et en 1985, le gouvernement sud-coréen dépensait 4 fois plus par habitant que le gouvernement camerounais. En 1996, au moment où le Cameroun sortait des turbulences économiques qui avaient commencé au milieu des années 1980, le gouvernement sud-coréen dépensait déjà 11 fois plus par tête que le gouvernement camerounais. On remarque également que de 1960 à 2016, la consommation gouvernementale par tête n’a jamais dépassé 2000$, alors que ce gap a été franchi par la Corée du Sud dès 1970. En 2016, la consommation gouvernementale par tête n’est que 1200$ environ au Cameroun, alors qu’elle atteint 16 000$ en Corée du Sud. 44

Graphique 3.8 Évolution de des dépenses de consommation finale gouvernementale par tête au Cameroun et en Corée du Sud (1960-2016)

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017 45

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3.1.2.2 Une profonde modification de la composition des dépenses publiques

A — La diminution des dépenses en biens et services et l’augmentation des subventions et des transferts sociaux en Corée du Sud

L’analyse de la composition des dépenses de l’État montre que durant les premières phases de son développement, l’État sud-coréen a consacré la majorité de ses dépenses aux dépenses en biens et services, au paiement des employés, et au paiement des intérêts sur la dette contractée. Mais dès la fin de la décennie 1980, le poids de ces dépenses dans les dépenses totales de l’État a commencé à diminuer, au profit d’autres types de dépenses, et principalement des subventions et des transferts en faveur des ménages (graphique 3.9). Depuis le début de la décennie 1990, les subventions et les transferts représentent plus de 50% des dépenses de l’État.

Cette politique de réallocation de la dépense publique au profit des subventions et des transferts sociaux, s’est traduite par une amélioration du bien-être des ménages et des indicateurs de développement humain. Le gouvernement sud-coréen s’est donc d’abord attelé à fournir aux populations et à doter l’économie des biens et services essentiels pour un bon développement de l’activité économique. Une fois cet objectif atteint, la priorité s’est ensuite portée sur l’augmentation du revenu des citoyens et l’amélioration de leur bien-être en subventionnant les biens et services que ceux-ci consomment, et en accordant des transferts sociaux aux couches les plus défavorisées pour soutenir leur consommation.

Graphique 3.9 Évolution des composantes de la dépense gouvernementale en Corée du Sud (% de la dépense totale)

Emploées lens et services Paiements d’intért

utres dépenses Suventions et autres transerts

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017 46

B — La diminution des dépenses militaires au profit des dépenses en capital humain

Le graphique 3.10, ci-dessous, montre que les dépenses militaires, qui absorbaient plus de 35% des dépenses totales de l’État dans la décennie 1970, ont considérablement diminué pour ne plus représenter que 15% environ en 2001.

Graphique 3.10 Évolution de la part des dépenses militaires et des dépenses de santé dans les dépenses totales de l’État en Corée du Sud (1972-2014)

Dépenses militaires des dépenses du gouvernement central Dépenses en santé puliques des dépenses du gouvernement

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Alors qu’en 1995, le PIB de la Corée du sud était déjà 40 fois plus élevé que celui du Cameroun, le pourcentage des dépenses publiques en santé dans le PIB était plus élevé en Corée du Sud comme le montre le graphique 3.11. Ce pourcentage a continué de croitre pour atteindre 4% du PIB en 2014, alors qu’au Cameroun, il est de moins de 1%. 47

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Graphique 3.11 Évolution des dépenses publiques de santé (% du PIB) au Cameroun et en Corée du sud

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Ainsi, l’exemple sud-coréen montre que l’État a joué un rôle important dans le domaine de la santé des populations. Dès 1995, l’État prenait en charge près 39% des dépenses totales de santé en Corée du Sud, alors que ce pourcentage n’était que 25% environ au Cameroun. Depuis l’année 2001, ce pourcentage est passé à plus de 50% en Corée du Sud alors qu’il n’est que de 21% au Cameroun (graphique 3.12).

Graphique 3.12 Évolution des dépenses publiques de santé au Cameroun et en Corée du Sud (% des dépenses totales en santé)

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017 48

La modification de la composition des dépenses publiques s’est également faite au profit des dépenses d’éducation. Mais le fait le plus marquant ici est la modification même de ces dépenses entre les différents niveaux d’enseignement. Sur le graphique 3.13, on voit que l’enseignement primaire a absorbé la majorité des dépenses totales d’éducation (plus de 60%) durant la décennie 1970, alors que la part de l’enseignement tertiaire était inférieure à 10%. Mais à partir du début des années 1980, la part des ressources consacrées à l’enseignement primaire a commencé à diminuer au profit notamment de l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur conservant à peu près le même pourcentage des ressources que dans les années 1970. À partir, des années 1990, la part des dépenses d’éducation consacrée à l’enseignement secondaire s’est relativement stabilisé, au profit de l’enseignement tertiaire dont la part est passée de 11% environ en 1998, à 15% en 2012, puis à 21% en 2015.

Graphique 3.13 Évolution de la composition des dépenses publiques d’éducation en Corée du Sud entre 1970 et 2015 (% des dépenses publiques totales en éducation)

Primaire Secondaire Tertiaire

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Cette analyse montre que la Corée du sud a correctement planifié sa politique éducative. Celle-ci a consisté à doter d’abord l’ensemble de la population d’un niveau d’éducation primaire, puis une fois cet objectif atteint, à investir dans l’enseignement secondaire, et enfin dans l’enseignement supérieur. Cette politique a permis à la Corée du Sud dès les années 1970, de doter les écoles primaires des inputs essentiels que sont les enseignants qualifiés et les salles de classes équipées d’une part, et d’autre part, de réaliser de très bonnes performances en termes de taux de scolarisation et de taux d’achèvement du cycle au primaire aussi bien chez les filles que chez les garçons.

Ainsi, la structure des recettes et des dépenses publiques a connu des évolutions très différentes au Cameroun et en Corée du Sud. 49

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3.2 Analyse comparative des politiques monétaires menées par le Cameroun et la Corée du Sud

Selon Michell (1981), la politique monétaire de la Corée du Sud a traversé deux grandes phases. La première phase que l’on peut qualifier de période keynésienne a été marquée par une politique monétaire assez expansionniste qui a fortement soutenu l’activité économique avec des taux d’inflation très élevé, allant de 10 à 20% par an (Michell, 1979). L’idée au centre de cette politique implémentée par le vice-premier ministre Nam Duck-Woo, et soutenue par le président Park Chung- Hee était que la croissance économique est bien plus importante que l’inflation. Bien que cette politique n’ait pas connu d’échec particulier, le premier ministre Nam sera démis de ses fonctions à cause de la forte aversion que la population avait vis-à-vis de l’inflation, et surtout de l’idée défendue par certains économistes libéraux selon laquelle les taux de croissance auraient été bien plus élevés si des politiques de stabilisation avaient été mises en œuvre. À partir de 1979, le vice-premier ministre Shin Hyon-Hwak devint chef de la planification économique de la Corée du Sud, ce qui a changé le cap de la politique monétaire et marqué le passage de la vision keynésienne à la vision monétariste de la monnaie.

3.2.1 Un changement de cap dans la politique monétaire en Corée du Sud au début de la décennie 1980 : du keynésianisme au monétarisme

La figure ci-dessous montre que la masse monétaire a connu des taux de croissance annuels très élevés en Corée jusqu’à la fin des années 1960, avec des taux de croissance supérieurs de 40%. Dès l’arrivée aux affaires de Shin Hyon-Hwak en 1979, ce taux est retombé à 20% environ, pour ensuite fluctuer dans l’intervalle [20%, 40%] jusqu’en 1981. Depuis le début de la décennie 1980, la masse monétaire a cru à un taux moyen de 20% jusqu’au déclenchement de la crise asiatique en 1997. Après la résorption de cette crise, la progression de la masse monétaire a été maitrisée, et contenue autour de 5% en moyenne (graphique 3.14).

En faisant un rapprochement avec le cas camerounais, on constate sur le graphique 3.15 que l’utilisation de l’arme monétaire pendant les périodes de difficulté économique n’a pas été possible. Le graphique ci-dessus cité montre pour le cas du Cameroun que durant la période de crise économique que le pays a traversée entre le milieu des années 1980 et le milieu de la décennie 1990, il y a eu un fort ralentissement de la croissance de la masse monétaire, alors qu’en Corée du sud, c’est plutôt l’inverse qui a été fait. Bien que fluctuant d’une année à l’autre, les taux de croissance de la masse monétaire qui jusque-là étaient positifs et supérieurs à 5%, ont été négatifs ou proche de zéro entre 1986 et 1993.

Graphique 3.14 Taux de croissance annuel de la masse monétaire au Cameroun et en Corée du Sud (%)

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017 50

Cette situation peut s’expliquer par le fait que contrairement à la Corée du Sud qui dispose de sa propre monnaie - le won - le Cameroun quant à lui, avant même son indépendance, se trouvait déjà dans la zone franc qui est une zone de coopération monétaire entre la France et ses ex-colonies d’Afrique. Dans cette zone de taux de change fixe, le mandat de la Banque centrale la restreint à la défense de la parité de la monnaie tout en préservant l’objectif de stabilité des prix (Graphique 3.15). La politique monétaire n’est donc pas utilisée au Cameroun à des fins de relance de l’activité, même lorsque les taux d’inflation sont très bas comme ils l’ont été dans la période trouble allant de 1989 à 1993.

Graphique 3.15 Évolution du taux d’inflation (indice des prix à la consommation) au Cameroun et en Corée du Sud (% annuel)

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Un autre fait marquant des politiques monétaires au Cameroun et en Corée du sud est le faible soutient du secteur bancaire à l’activité économique du secteur privé. Le graphique 3.16 montre que jusqu’en 1967, le crédit bancaire accordé au secteur privé représentait un pourcentage identique du PIB au Cameroun et en Corée du Sud. Bien que ce pourcentage soit devenu plus élevé en Corée du Sud à partir e 1968, il ne s’est pas trop éloigné de celui du Cameroun. L’écart a commencé à se creuser durant toute la décennie 1980, pour s’accentuer dans les années 1990. Depuis 2001, le crédit octroyé par les banques est supérieur au PIB du pays, et en 2016, ce crédit représente environ 170% du PIB alors qu’au Cameroun, il ne représente que 23% du PIB. 51

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Graphique 3.16 Évolution du crédit accordé par les banques au secteur privé au Cameroun et en Corée du sud (%PIB)

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Cette analyse témoigne de la volonté du système financier à soutenir l’activité économique en Corée du Sud, contrairement au Cameroun où l’objectif de stabilité monétaire impose à la banque centrale un taux d’inflation faible et un taux de couverture de la monnaie minimal de 20%. Il apparait également au regard de l’analyse des taux d’intérêt, que contrairement à la Corée du Sud, le système bancaire camerounais ne s’est pas tourné très tôt vers la mobilisation de l’épargne nécessaire au financement de l’économie, mais beaucoup plus vers la recherche de la rentabilité en rémunérant plus les prêts que les dépôts. Au Cameroun, les taux d’intérêt sur les prêts ont toujours été plus élevés que les taux d’intérêt sur les dépôts. L’écart des taux s’est même accentué après les mesures de restructurations du système bancaire prise par les autorités au début de la décennie 1990. Alors que le système avait été libéralisé, le taux d’intérêt sur les dépôts a plutôt connu une baisse passant de 8% environ en 1994, pour ensuite se situer autour de 5%. Le taux sur les prêts a par contre connu une hausse après 1994, passant de 17% à 22% (graphique 3.17). Même si on observe une baisse du taux sur les prêts depuis le début de la décennie 2000, l’écart entre les deux taux reste encore très élevé par rapport à la Corée du Sud.

Graphique 3.17 Évolution du taux d’intérêt sur les prêts et du taux d’intérêt sur les dépôts au Cameroun entre 1979 et 2007

Taux d’intért des dépts Taux d’intért des prts

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017 52

En Corée du Sud par contre, tel que le montre le graphique 3.18, l’écart entre les deux taux d’intérêt a été comblé depuis les années 1980. Même si l’on peut observer certaines périodes où cet écart est positif comme depuis la fin de la décennie 1990, il est en général très faible. Mais au-delà de l’écart des taux, ce qu’il convient de souligner ici est que le taux d’intérêt sur les prêts a été considérablement réduit en Corée du Sud depuis le début des années 1980 alors qu’il est resté élevé au Cameroun. Partant d’un niveau élevé dans les années 1970 où il se rapprochait parfois de 20%, le taux d’intérêt sur les prêts est passé à 10% dès l’année 1983 en Corée du Sud, alors qu’au Cameroun il était encore de 15% environ. Malgré la légère hausse qu’on a observée après le déclenchement de la crise asiatique, il a continué de décroitre pour se situer en 2015 à son niveau le plus faible (3,36%).

Graphique 3.18 Évolution du taux d’intérêt sur les prêts et du taux d’intérêt sur les dépôts en Corée du Sud entre 1979 et 2015

Taux d’intért des dépts Taux d’intért des prts

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Le dernier fait à relever dans le domaine monétaire et financier est le comportement de l’État vis-à-vis du système financier. Les données disponibles les plus récentes montrent que les créances du système financier vis-à-vis du gouvernement central, c’est-à-dire, la différence entre les prêts accordés au gouvernement central et les dépôts que celui-ci a effectué, représentent 23% du PIB en 2016 au Cameroun, contre 0% en Corée du Sud (graphique 3.19). Même sous la présidence du président Park où l’État sud-coréen implémentait la plupart des grands travaux d’aménagement du territoire, les créances sur le gouvernement central n’ont pas dépassé 5% du PIB. Depuis 1987, les créances du système bancaire sur le gouvernement central ont été négatives, mettant en évidence le fait que les dépôts de ce dernier auprès du système financier sont supérieurs aux prêts qu’il contracte auprès de ce dernier. 53

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Graphique 3.19 Évolution des créances sur le gouvernement central au Cameroun et en Corée du Sud (%PIB)

Cameroun Corée épulique de

Source: Données de la Banque Mondiale, Indicateurs du développement dans le monde 2017

Bilan des politiques économiques suivis par le Cameroun et la Corée du Sud Au final, les orientations et les choix de politique économique des gouvernements sud-coréen et camerounais semblent avoir été déterminants pour la réalisation du miracle et de la tragédie que ces deux pays ont respectivement connue entre 1960 et 1990. Bien que les réalités économiques ne soient pas les mêmes dans les deux pays, le fait que ceux-ci soient partis de niveaux relativement identiques de développement au début de la décennie 1960, et que ceux-ci soient arrivés à des résultats totalement opposés en termes de développement économique, il est tout à fait logique que le Cameroun sache tirer les leçons de l’expérience de développement de la Corée du sud et essayer de transformer la tragédie de croissance qu’il a traversé au 20è siècle en miracle économique. Au terme de ce chapitre, il ressort que le rôle de l’Etat dans l’économie bien que nécessaire, doit être profondément repensé afin que l’Etat devienne véritablement une institution au service du développement, capable de donner la bonne impulsion pour un véritable décollage économique, et de soutenir l’activité lors des périodes de crise. 54

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Chapitre 4 LE RÔLE DE L’ÉTAT DANS LA FOURNITURE DES BIENS ET SERVICES SOCIAUX : cas de la Corée du Sud et du Cameroun

4.1 Le rôle de l’État dans la formation du capital en Corée du Sud et au Cameroun 55

4.2 La production des infrastructures en Corée du Sud et au Cameroun 68 55

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Dans la théorie normative de l’action par les dépenses et les recettes publiques, la fourniture des biens et services sociaux qui relève de la redistribution est la troisième fonction de l’État, les deux premières étant la stabilisation et l’allocation (Musgrave, 1959). En fait, tout État doit corriger la répartition primaire pour réduire les inégalités sociales par des outils tels que les allocations familiales ou de chômage et la production des biens et services sociaux tels que les routes, la défense nationale, les soins de santé et les services éducatifs. L’État doit ainsi produire les biens publics purs et impurs mais aussi des biens tutélaires. Pour ces derniers, l’autorité publique considère qu’elle doit interférer sur la souveraineté des consommateurs et imposer la consommation de ces biens (cas de l’éducation et de la santé) ou modérer leur consommation (cas de l’alcool et du tabac). La production de ces biens et services sociaux est indispensable pour le bien-être des populations et permet de relancer la croissance économique. Dans le modèle de Lucas (1988) par exemple, un pays qui éduque sa population élargit les sources de sa croissance économique. Selon Romer (1986), la connaissance est une source de la croissance économique. D’abord parce que la découverte d’une nouvelle technologie par une firme génère des effets externes positifs sur la frontière de production des autres firmes. Ensuite, parce que la connaissance ne peut être gardée secrète, une innovation étant un bien public. Il faut aussi rappeler que les infrastructures publiques améliorent la productivité des entreprises privées par l’intermédiaire des externalités (Barro, 1990).

La Corée du Sud et le Cameroun n’avaient certes pas le même niveau de développement au cours de la décennie 1960, mais la Corée du Sud a nettement amélioré ces indicateurs de développement alors que le Cameroun a progressé lentement depuis le début des années 1970. Selon les indicateurs de développement de la Banque Mondiale, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans était estimé à 281,6 pour mille au Cameroun contre 112,9 pour mille pour la Corée du Sud ; en 2015, la même statistique est évaluée à 87,3 pour mille au Cameroun et 3,4 pour mille en Corée du Sud. Pour ce qui de l’éducation, les données se présentent ainsi : taux bruts de scolarisation dans le supérieur au Cameroun en 1971, 0, 46% contre 7,24% en Corée du Sud ; 17,47% au Cameroun en 2015 contre 93,17% en Corée du Sud. Le taux d’accès à l’électricité est passé de 36% en 1995 à 56,8% en 2014 au Cameroun alors qu’il a franchi la barre 100% en Corée du Sud depuis 1990. En 1980, la ligne de chemin de fer du Cameroun était estimé à 1143 km contre 3135 pour la Corée du Sud ; en 2015 la même statistique se présente ainsi 976 km au Cameroun contre 3668 km en Corée du Sud. On le voit, sur certains indicateurs sociaux, le Cameroun a lentement avancé et a même régressé sur d’autres alors que la Corée du Sud a nettement réalisé des progrès notables sur plusieurs indicateurs sociaux. Ces écarts de développement s’expliquent par les stratégies de développement mises en œuvre dans ces deux pays. Dans ce chapitre, nous allons procéder à une étude comparative des stratégies de production des biens et services sociaux de la Corée du Sud et du Cameroun afin de mieux comprendre les politiques qui sont à la base du succès de la Corée du Sud dans le domaine et expliquer le retard du Cameroun par rapport à ce pays. De ce fait, le chapitre est ainsi organisé : la première section est consacrée à une étude comparative de la formation du capital humain dans les deux pays ; la deuxième section quant à elle présente une étude comparative sur la production des infrastructures.

4.1 Le rôle de l’État dans la formation du capital en Corée du Sud et au Cameroun

Le capital humain se définit comme l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par l’accumulation de connaissances générales ou spécifiques et de savoir-faire. La notion de capital exprime l’idée que c’est unstock immatériel incorporé en une personne et qui peut être accumulé ou s’user (Becker, 1964). Le capital humain recouvre ainsi les connaissances, les qualifications, les compétences et les autres qualités d’un individu qui favorisent le bien-être personnel, social et économique. De surcroît, affirme Schultz, il existe un lien entre la qualité du capital humain, les niveaux d’éducation et de santé et la croissance économique. Selon Schultz (1988), dans une économie moderne, la croissance repose sur l’existence d’une population active ayant un bon niveau d’instruction et un bon état de santé. Le capital humain est un déterminant important de la productivité et d’autres résultats économiques. Au niveau microéconomique, il est tout à fait évident que le niveau d’études constitue un des principaux déterminants des revenus individuels (Mincer, 1974). L’éducation et la santé améliorent la capacité à maitriser les naissances et à respecter la loi. 56

Les États du Cameroun et de la Corée du Sud ont joué un rôle important dans la formation du capital humain, ils ont contribué au financement de l’éducation et de la santé, au développement des entreprises privées dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Les résultats de ces deux secteurs sont nettement encourageants en Corée du Sud et relativement moins encourageants au Cameroun. Dans cette section, nous allons analyser les efforts et les résultats obtenus par les deux États dans les domaines de l’éducation et de la santé.

4.1.1 Le rôle de l’État dans le secteur éducatif en Corée du Sud et au Cameroun

4.1.1.1 Les faits historiques des systèmes éducatifs Sud-Coréens et Camerounais

A — En Corée du Sud

Les faits historiques de la décennie 1960

Les systèmes éducatifs camerounais et Sud-coréen avaient entre autres objectifs de contribuer au développement des deux États au lendemain des indépendances. En Corée du Sud, le gouvernement voulait à travers le système éducatif, satisfaire la demande d’une main d’œuvre qualifiée. De ce fait, il a introduit le concept de “ressources humaines” dans sa politique éducative à travers l’expression “développement d’une ressource humaine effective et fonctionnelle “. De ce fait, le système éducatif est devenu plus compétitif pendant le règne du président Park, avec une augmentation du taux de scolarisation dans l’enseignement intermédiaire qui est passé de 35,1% en 1966 à 40,8% quatre ans plus tard. En 1961, le Président Park a rendu les écoles moins autonomes et a créé au moins un collège dans chaque province et a ouvert le premier lycée technique du pays en 1962. En 1966, certaines écoles d’enseignement secondaire ont été transformées en universités pour former les maitres et les enseignants du secondaire. En 1968, le système éducatif Sud-coréen a connu des mutations profondes avec l’introduction d’un concours d’entrer à l’université et la suppression du concours d’entrer à l’enseignement secondaire. Entre les années 1970 et 1972, le système éducatif a connu ses premiers problèmes causés par l’accroissement des effectifs scolaires, le déficit en enseignants et la détérioration de la qualité du service éducatif (Yoon, 2014).

Les faits historiques de la décennie 1970

À partir des années 1970, le système éducatif est devenu un véritable instrument de développement puisque l’éducation devrait entre autres contribuer au développement agricole et industriel, favoriser la démocratie, améliorer le style de vie et promouvoir « l’autosuffisance ». La politique éducative sous l’égide du Présidence Park a donc mis l’accent surla souveraineté et la « conscience civique » (Yoon, 2010a). Parallèlement à cette orientation sur la politique éducative, le gouvernement a initié un nouveau slogan le « bien-être éducatif ». À travers cette expression, le gouvernement voulait signifier sa volonté d’aider les enfants issus des milieux défavorisés à s’éduquer sans entrave. De ce fait, les institutions universitaires telles que Korea National Open Middle School et l’Université nationale de Corée ont toutes été créées pour fournir des supports d’apprentissage à distance, ainsi qu’une école spéciale pour les étudiants qui travaillent. Le bien- être des enseignants était aussi une préoccupation majeure des autorités car elles ont promulgué la « Loi sur les régimes d’enseignants des écoles privées » et la loi sur la pension des enseignants du privé. Ces deux lois ont significativement amélioré les conditions de vie des enseignants des écoles privées. Parallèlement, le gouvernement a impliqué les entreprises privées et publiques dans le financement des écoles privées à travers la « loi sur l’établissement et l’exploitation des sociétés publiques » et «la loi sur la promotion académique ».

En bref, ces lois ont permis de financer les écoles privées et de réguler le secteur éducatif. Elles ont aussi permis de créer des établissements d’enseignement à distance pour assurer l’expansion des possibilités d’enseignement et pour s’assurer que les enseignants ont une forte motivation en matière d’éducation, (The Ministry of Education and Human Resource, 2003). 57

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Les faits historiques depuis 1980

Avec l’assassinat du Président Park, au cours de la décennie 1980, le système éducatif Sud-coréen a connu d’autres réformes. Les plus importantes sont : 1) la spécialisation des universités avec un accent particulier sur les sciences dures ; 2) l’allocation de 5% du PNB au secteur éducatif ; 3) la création d’un système d’évaluation scolaire ; 4) la création des écoles professionnelles ; 5) la réduction des dépenses supportées par les ménages ; la promotion du bien être des enseignants. Depuis 2003, le gouvernement Sud-coréen expérimente l’activité parascolaire (une activité qui consiste à offrir des services éducatifs en dehors des écoles) pour offrir une meilleure opportunité d’éducation et bénéficier de la créativité des élèves. Le but de l’activité parascolaire est de satisfaire les intérêts privés de la demande d’éducation au niveau de l’école, ceci permet de réduire les dépenses privées d’éducation, promouvoir l’égalité en matière d’éducation en protégeant les groupes éducatifs vulnérables. Au niveau de l’enseignement secondaire second cycle (“High Schools”, ce qui ne correspond pas à l’université), le gouvernement a envisagé de réduire l’offre d’enseignement général. Selon la loi de 1990, la demande d’éducation devait à terme se présenter ainsi : 50% pour l’enseignement général et 50% pour l’enseignement technique. La loi de 1990 devait donc contribuer au développement de l’enseignement professionnel. Les écoles professionnelles doivent former les futurs employés des industries, des services et de l’agriculture. En 2007, l’offre d’enseignement à ce niveau se présentait ainsi : écoles publiques 47% écoles privées 53% et seulement 18% d’élèves de l’enseignement secondaire second cycle général étaient inscrits dans des écoles professionnelles (The Ministry of Education and Human Resource, 2007).

B — Au Cameroun

Lorsque la France et la Grande Bretagne prennent possession du pays, le système éducatif camerounais a pour objectif de former les employés qui vont servir dans l’administration. Les colons ont porté leurs premiers efforts de scolarisation sur les régions du Centre, du Sud, du Littoral, de l’Ouest, de l’Est et du Nord-Ouest. L’école coloniale franco-britannique est l’œuvre de l’État, des missions et des autorités indigènes. Depuis la période de l’indépendance et de la réunification (1960 et 1961) à nos jours, l’État camerounais a développé deux sous-systèmes éducatifs (francophone et anglophone) datant de la période coloniale et ayant connu très peu de réformes. Tandis que le système élémentaire francophone durait sept ans, celui anglophone était de huit ans avant de passer à sept ans en 1965. Ce n’est qu’en 2008 que la durée des deux sous-systèmes a été réduite à un même nombre d’années, six ans. Au Cameroun, les deux sous-systèmes éducatifs laissés par les colons ont été conçus pour apprendre à lire et à écrire et pour travailler dans la fonction publique (CAMYOSFOP, 2014).

Dans chaque système éducatif, il existe trois types d’écoles primaires : publiques, communautaires et privées.

Les écoles publiques sont créées par l’État qui assure leur fonctionnement, elles scolarisent plus de 70% d’élèves.

Les écoles communautaires sont créées par les collectivités locales ou les associations des parents. Elles sont rétrocédées à l’État après une ou deux années d’existence pour assurer leur fonctionnement et deviennent des écoles publiques. Les communautés continuent à contribuer au financement de l’école et en dehors de l’appellation officielle, nombre d’écoles publiques fonctionnent, faute d’enseignants, principalement sur la base du financement des ménages, qui représente 44% des dépenses globales d’éducation.

Les écoles privées sont créées par des personnes physiques ou morales qui en sont responsables sur les plans administratif, financier et pédagogique. Ces écoles sont structurées en quatre organisations dont trois sont confessionnelles (catholique, protestant, islamique) et une laïque. Le secteur privé est actuellement régi par la loi 2004/022 du 22 juillet 2004 (PASEC, 2007). Au niveau secondaire, on retrouve uniquement des écoles privées et des écoles publiques. Avec une prédominance des établissements d’enseignement général public. 58

Jusqu’en 1960, l’administration coloniale n’avait pas pensé à développer l’enseignement supérieur au Cameroun. Plusieurs camerounais qui voulaient poursuivre leurs études à l’université accédaient aux bourses pour aller étudier dans des universités américaines, britanniques, françaises ou dans d’autres pays africains. Aux lendemains des indépendances, le déficit des employés qualifiés pour servir la nouvelle administration et la volonté politique affirmée de l’ancien régime de promouvoir le développement économique et social ont amené les autorités à investir dans la formation d’une main d’œuvre qualifiée dans plusieurs spécialités. Ceci était les principales motivations qui ont conduit à la création de l’Université Fédérale du Cameroun. Selon le Décret du président Ahidjo, l’Université Fédérale du Cameroun devait remplir les missions suivantes :

x satisfaire les besoins du Cameroun dans les domaines de la science et de la technologie ;

x contribuer au développement rationnel de l’enseignement à tous les niveaux par la création des institutions nationales ;

x consolider l’unité nationale et l’indépendance du Cameroun.

Ces missions étaient une indication des objectifs économiques, politiques et sociaux que le gouvernement indépendant du Cameroun voulait réaliser immédiatement après les indépendances à travers l’Université de Yaoundé. Toutefois, d’autres institutions d’enseignement supérieur ont aussi été créées à l’instar de l’institut national de la jeunesse et des sports ; l’école nationale supérieure des travaux publics.

En 1962, l’enseignement supérieur débute au Cameroun avec l’ouverture de l’université fédérale à Yaoundé et ce, jusqu’en 1972. Dès lors, l’université fédérale devient l’université de Yaoundé et offre un diplôme d’études supérieures (DES) au bout de deux ans de formation. Depuis 1993, plusieurs universités, grandes écoles étatiques et privées ont été créées et offrent davantage de filières professionnelles et techniques et forment des diplômés qualifiés pour le marché de l’emploi. Au rang de ces filières, nous pouvons citer : la restauration, le tourisme, le journalisme, la traduction, l’interprétation, l’agriculture, la santé et les sciences médicales.

L’éducation était une des principales priorités du gouvernement camerounais, les dépenses d’éducation représentaient plus de 9% du budget total de l’État du Cameroun depuis 1970 (Tafah, 2003). Le gouvernement a augmenté le montant des budgets alloués au secteur éducatif. Entre 1982 et 2005, les dépenses publiques d’éducation sont passées de 35,73 milliards FCFA à 262 milliards FCFA (Tafah, 1998).

C — Des divergences entre les deux systèmes éducatifs

En bref, on observe des différences notables sur la politique éducative dans les deux pays. Au Cameroun, l’éducation est financée par les pouvoirs publics et les ménages, la contribution des entreprises au financement de l’éducation reste marginale et relève de la philanthropie car aucune loi n’oblige les entreprises à financer l’éducation, ce qui n’est pas le cas en Corée du Sud. En plus, malgré la professionnalisation, on observe encore la prédominance des sciences sociales sur les sciences dures, exactement le contraire de ce qui est observé en Corée du Sud. Tout comme on observe la forte présence de l’Etat dans le marché de l’éducation au détriment du secteur privé aux niveaux primaires et secondaires, cette tendance est certes observée en Corée du Sud mais elle s’inverse au niveau supérieur. Plusieurs universitaires camerounais ont été formés en Europe et aux États-Unis grâce aux systèmes des bourses, la Corée du Sud a opté pour une formation locale de ses universitaires en s’appuyant sur l’expertise étrangère. L’université Sud-coréenne a été à la base du développement industriel et agricole à travers la formation des ingénieurs et des techniciens dans plusieurs domaines. Les diplômés de ces écoles étaient directement employés dans des industries qui contribuent d’ailleurs au financement de leur fonctionnement. Au Cameroun, le lien entre l’université et l’industrie est formellement établi mais il est moins opérationnel. Toutefois, les deux systèmes éducatifs présentent certaines similitudes notamment la priorité accordée à la scolarisation des pauvres, le gouvernement camerounais a supprimé les frais d’écolage au niveau primaire en 2001. Les deux systèmes accordement la même priorité à tous les niveaux d’étude et ont opté pour la professionnalisation des enseignements. Mais, les deux systèmes ne présentent pas les mêmes rendements. 59

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4.1.1.2 Les faits stylisés des systèmes éducatifs Sud-Coréens et Camerounais

Les faits stylisés des deux systèmes éducatifs sont analysés dans les graphiques 4.1, 4.2, 4.3 et 4.4. Le graphique 4.1 présente les taux de scolarisation dans les deux pays aux niveaux primaire, secondaire et supérieur. On observe que les taux bruts de scolarisation dans le supérieur étaient inférieurs à 10% en 1971 dans les deux pays. En 2015, il est passé à 17% au Cameroun contre 93% en Corée du Sud, alors le Cameroun a eu sa première université en 1962 avant la Corée du Sud. Au niveau secondaire, la disparité qui existait entre les systèmes en termes de scolarisation en 1970 est reste la même en 2015, soit 33 points d’écart. Par contre, le Cameroun a rattrapé la Corée du Sud en termes de scolarisation au niveau primaire.

Graphique 4.1 Taux de scolarisation en Corée du Sud et au Cameroun

Taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur au Cameroun rut Taux de scolarisation dans l’enseignement primaire au Cameroun rut Taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire au Cameroun rut Taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire en Corée du Sud rut Taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur en Corée du Sud rut Taux de scolarisation dans l’enseignement primaire en Corée du Sud rut

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale

Dans le graphique 4.2, on observe que le taux d’achèvement des cycles primaire et secondaire premier cycle pour le groupe qui a l’âge requis a dépassé 100% en depuis 2005 en Corée du Sud. Au Cameroun, ce taux demeure inférieur à 45% au niveau primaire et 90% au niveau secondaire. En d’autres termes, le taux de déperdition scolaire reste élevé au Cameroun depuis les indépendances. Alors que ces deux taux ont dépassé 100% en Corée du Sud depuis 1990. 60

Graphique 4.2 Taux d’achèvement des cycles primaires et secondaires premier cycles au Cameroun et en Corée du sud

Taux d’acvement du ccle primaire au Cameroun total de la classe d’ge concernée Taux d’acvement du premier ccle du secondaire au Cameroun total de la classe d’ge concernée Taux d’acvement du ccle primaire en Corée du Sud total de la classe d’ge concernée Taux d’acvement du premier ccle du secondaire en Corée du Sud total de la classe d’ge concernée

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale

La graphique 4.3, démontre que l’État est le principal producteur du service éducatif au niveau primaire et secondaire en Corée du Sud avec un taux d’enrôlement de presque 100% des élèves au niveau primaire. Au Cameroun, le secteur privé perd des parts de marché au niveau primaire puisque les données démontrent que la part de marché du secteur privé est passée de 55% en 1971 à 25% en 2015. Au niveau secondaire, la part de marché du secteur privé, qui gravite autour de 25% dans les deux pays, a une tendance haussière en Corée du Sud et baissière au Cameroun. 61

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Graphique 4.3 Part de marché du secteur privé dans le marché de l’éducation au Cameroun et en Corée du sud

Taux de scolarisation dans les écoles primaires privées au Cameroun Taux de scolarisation dans les écoles primaires en Corée du Sud Taux de scolarisation dans les écoles secondaires privées au Cameroun Taux de scolarisation dans les écoles secondaires privées en Corée du Sud

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale

Le graphique 4.4 démontre que la qualité de l’éducation s’améliore dans les deux pays puisque le ratio élève enseignant baisse dans les deux pays mais elle s’est nettement améliorée en Corée du Sud et reste approximative au Cameroun. Exemples, le ratio élève enseignant était estimé à 40 au niveau primaire au Cameroun en 2015 contre 17 en Corée du Sud. Au niveau supérieur, les données se présentent ainsi : ratio élève enseignant 17 en Corée du sud contre 51 au Cameroun.

Graphique 4.4 Ratios élèves enseignants en Corée du sud et au Cameroun

atio élvesenseignants dans le ccle supérieur au Cameroun atio élvesenseignants dans le ccle secondaire en Corée du Sud atio élvesenseignants dans le ccle secondaire au Cameroun atio élvesenseignants dans le ccle primaire en Corée du Sud atio élvesenseignants dans le ccle primaire au Cameroun atio élvesenseignants dans le ccle supérieur en Corée du Sud

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale 62

Les dépenses en matière d’éducation en pourcentage du PIB ont connu une légère baisse entre 1970 et 2012 au Cameroun passant de 3,07 à 2,96% du PIB (cf. graphique 4.5). En Corée du Sud, la tendance inverse est observée puisque les dépenses d’éducation sont passées de 3,26 à 4,61% au cours de la même période avec un pic de 6,07% du PIB en 1982 (cf. graphique 4.5).

Graphique 4.5 Évolution du budget de l’éducation au Cameroun et en Corée du Sud (% PIB)

Corée du Sud Dépenses du overnement sur l’éducation total du P Cameroun Dépenses du overnement sur l’éducation total du P

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale (2015)

La Corée a également procédé à un déploiement rapide de l’éducation, avec le développement systématique de l’enseignement primaire et secondaire, des universités et de la formation professionnelle, ainsi que des instituts de recherche et développement. Toutefois, au cours de la décennie 60-70, l’essentiel des dépenses publiques a été alloué à l’éducation, soit 14,9% du budget national en 1980 (et 5,8% pour le reste), c’est-à-dire environ 3% du PNB. Durant cette période, le gouvernement a financé plus de la moitié des coûts de construction et de fonctionnement des nouvelles écoles, le reste étant assumé par les ménages et d’autres sources privées. Très tôt, il a également assuré une protection sociale des enseignants. L’effort a surtout porté sur l’enseignement primaire obligatoire généralisé, en partant du concept que l’industrie naissante avait besoin de ressources humaines possédant une bonne éducation de base (Régnier, 1999).

Cas spécifique des universités Sud coréennes et camerounaises En 2014, la Corée compte 433 établissements d’enseignement supérieur (y compris les cyber-universités), dont 227 universités (48 publiques et 179 privées), 163 collèges universitaires équivalents des IUT (9 publiques et 154 privées), et 43 écoles supérieures. Il existe également quelques établissements spécialisés régis par d’autres ministères que le ministère de l’Éducation (MOE), comme la Korea National Police University (sous la tutelle du ministère de l’administration publique et de la sécurité), ou encore les Korea , Korea , Korean Air Force Academy, et Armed Forces Nursing Academy (sous la tutelle du ministère de la Défense). En 2013, la Corée du Sud comptait 3,7 millions d’étudiants dont 1,5 million de femmes (42%) et plus de 86 600 enseignants-chercheurs, dont 20 018 femmes (23%). La Corée accueille désormais de plus en plus d’étudiants étrangers, principalement originaires des autres pays d’Asie. On compte 85 923 étudiants étrangers. Il existe sept types d’établissements supérieurs. Plus de 30 % des programmes d’enseignement supérieur sont d’une durée inférieure à trois ans. Environ 80 % des étudiants fréquentent un établissement universitaire privé et le budget des établissements est essentiellement financé (plus de 70 %) par les frais de scolarité (Ambassade de France en République de Corée, 2014). 63

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Le Cameroun quant à lui compte 20 universités dont 8 Universités d’État et 12 universités privées ; et plus de 100 instituts universitaires privés pour près de 450 000 étudiants en 2015. Les Sciences sociales telles que le droit, l’économie la littérature sont les plus sollicitées. On assiste une professionnalisation avec le passage au système LMD (Licence Master Doctorat) depuis 2007/2008 dans les premières années des universités d’État et la mise en œuvre d’un programme d’appui à la composante technologique et professionnelle (MINESUP, 2016).

4.1.2 Le rôle de l’État dans le secteur de la santé en Corée du Sud et au Cameroun

La qualité de la vie des Coréens a été de plus en plus améliorée à cause du développement de la technologie médicale. En conséquence, l’expérience de vie à la naissance augmente depuis 1960, la mortalité a nettement baissé. Au Cameroun, les progrès ont aussi été accomplis dans le secteur de la santé. Toutefois, ces progrès restent assez modestes. L’objectif de cette sous-section est de procéder à une étude comparative portant sur les stratégies de développement du secteur de la santé en Corée du Sud et au Cameroun.

4.1.2.1 Les stratégies de développement du secteur de la santé au Cameroun et en Corée du Sud

A — En Corée du Sud

En Corée du Sud et depuis la décennie 1970, seuls les professionnels de la santé autorisés peuvent fournir des services de santé. La loi médicale stipule que seuls les médecins, les dentistes, les infirmières, et les sages-femmes autorisés par le ministère de la Santé, du Bien-être social et de la famille (MIHWAF) peuvent fournir des services de santé. Les patients coréens peuvent s’adresser à tout médecin ou à tout établissement médical, y compris les hôpitaux qu’ils choisissent. Le système d’orientation d’un patient est divisé en deux étapes. Le patient peut se rendre dans un bureau de médecins, sauf dans les hôpitaux généraux spécialisés. Si le patient veut aller dans un hôpital secondaire, il doit présenter un bulletin de recommandation délivré par le médecin qui l’a diagnostiqué d’abord. Il existe quelques exceptions: en cas d’accouchement, de soins médicaux d’urgence, de soins dentaires, de réadaptation, de services de médecine familiale et de maladie hémophile, le patient peut aller dans un hôpital sans bordereau de recommandation.

L’assurance maladie en Corée du Sud

La première loi sur l’assurance maladie en Corée du Sud est entrée en vigueur en décembre 1963. À partir de juillet 1977, toutes les entreprises de plus de 500 employés étaient tenues de fournir un programme d’assurance maladie et des sociétés distinctes d’assurance maladie étaient établies. En janvier 1979, l’obligation de couverture d’assurance a été élargie aux entreprises comptant plus de 300 employés, fonctionnaires et employés des écoles privées. En janvier 1988, les travailleurs autonomes dans les zones rurales ont été inclus dans ce système. L’année 1989 est l’année la plus importante de l’histoire du programme national d’assurance maladie sud-coréen. En juillet, le programme d’assurance maladie pour les zones urbaines a été élargi pour inclure les travailleurs indépendants. Il a fallu 12 ans de l’établissement de la Loi sur l’assurance médicale pour obtenir une couverture d’assurance santé universelle pour tous les citoyens. En 2000, toutes les sociétés d’assurance maladie ont formé un seul assureur, le Programme national d’Assurance Maladie qui est divisé en quatre prestations:

x premièrement, il supervise le fonctionnement, la formulation et la mise en œuvre des politiques ;

x deuxièmement, il est chargé de la gestion l’inscription des personnes assurées et leurs personnes à charge, la collecte des cotisations et la fixation des tarifs médicaux ;

x troisièmement, il est responsable de l’examen des frais médicaux et de l’évaluation des soins de santé. Après avoir reçu des soins médicaux, le patient peut soumettre une réclamation au programme et demander un examen de ses frais médicaux ;

x quatrièmement, il offre de soins médicaux. 64

Le programme national d’assurance maladie comporte trois sources de financement : les souscriptions, les subventions gouvernementales et les taxes sur la consommation du tabac (Young Joo Song, 2009).

B — Au Cameroun

Après le départ des allemands suite à la deuxième guerre mondiale après 1914, il y avait une certaine organisation sanitaire pour répondre aux endémies qui minaient les populations indigènes. Par la suite, la France s’est attelée, en tant que puissance tutélaire agissant au nom de l’ONU, et ce jusqu’à la mise en œuvre du premier gouvernement autonome, à développer des infrastructures sanitaires, qui nécessita l’organisation du territoire du Cameroun occidental du point de vue sanitaire, la restructuration des équipements existants. Au Cameroun oriental ou britannique, il revenait aux anglais d’assurer aux populations un certain niveau de santé diverses actions. De manière générale, les politiques sanitaires au Cameroun ont connu quatre grandes séquences dans leur progression, à savoir :

x la période dite de Docteur Jamot qui caractérise toute la période française marquée par la lutte contre la maladie du sommeil ;

x ensuite, la période post indépendance partant de 1960 jusqu’à la période marquant la conférence d’Alma Ata, la période suivant la conférence d’Alma Ata de 1978 caractérisée par l’instauration du concept des soins de santé primaire qui a bouleversé le paysage médical en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Désormais, toutes les politiques sanitaires dans les pays devaient s’arrimer aux recommandations prises à Alma Ata. Ce concept a inauguré l’ère de la globalisation de la santé ;

x Enfin, la réorientation des soins de santé primaire à partir de 1985, suite aux échecs des principes qu’avait recommandé la Conférence d’Alma Ata pour améliorer la santé des populations.

Depuis les années soixante-dix, sous l’inspiration de l’O.M.S. et plus récemment sous l’impulsion de la Banque mondiale, le Cameroun est engagé dans un processus de réforme quasi permanente de son système de santé. Suite à la conférence d’Alma Ata en 1978, le Cameroun avait ratifié la Charte de développement sanitaire de l’Afrique, charte qui faisait des soins de santé primaires, la stratégie essentielle en vue d’atteindre l’objectif de la « Santé pour tous en l’An 2000 ». Ce fut un échec. Le Cameroun s’est associé par la suite à un certain nombre d’initiatives prises ultérieurement en Afrique, avec les conférences de Lusaka (1985), d’Hararé (1987) et surtout celle de Bamako (1987) qui a jeté les bases du recouvrement des coûts.

Jusqu’aux années 1970, la santé était coordonnée de manière cohérente avec la mise en place des grandes actions de santé, adossées à une politique de gratuité des soins. Toutefois, l’avènement de la crise économique vers la moitié des années 70, l’adoption du Programme d’Ajustement Structurel au cours des années 80, et d’autres contraintes ont dépourvu l’Etat de son autonomie dans la gestion de sa politique sanitaire. Il faut dorénavant prendre en compte dans la planification sanitaire et le financement de la santé, les orientations des partenaires internationaux dont l’OMS figurait en bonne place. Qu’il s’agisse de la coopération bilatérale avec la France, les Etats Unis, ou multilatérale comprenant l’action des organisations internationales non gouvernementales comme Save the Children, USAIDS, etc., le rôle des acteurs internationaux est devenu prépondérant dans la conception et la mise en œuvre des actions de santé (Fongang Kontcheu, 2000).

Après avoir été principalement assuré par l’État durant des décennies, le financement des soins est actuellement diversifié. Y participent : le budget de l’État (ministère de la Santé et autres départements ministériels), les ménages par le paiement direct, les ONG, l’aide extérieure, les entreprises et les sociétés privées. La gratuité des soins n’existe pas. Le patient choisit son médecin et paye directement les soins qu’il reçoit. Mais ces frais ne sont pas remboursés, car il n’existe pas de système d’assurance maladie à l’exception de certaines sociétés privées qui prennent en charge les frais de maladie de leurs employés. Ces sociétés privées signent généralement des accords avec des établissements privés de soins pour la prise en charge des patients qui, dans certains cas, ne sont pas tenus d’avancer les frais des soins. La tarification est variable selon les établissements (Beyeme Ondoua, 2002).

Dans le but de produire les documents de référence exigés par les bailleurs de fonds pour les opérations de remise de la dette notamment le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP), le gouvernement camerounais a adopté en 2001 une Stratégie Sectorielle de Santé 2001-2010. Après l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE en avril 2006, de nouvelles orientations stratégiques ont été dégagées avec notamment l’adoption d’une vision 65

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de développement à l’horizon 2035, qui va entrainer une révision des stratégies sectorielles. Ce changement de vision de développement couplé au lancement d’un certain nombre d’initiatives d’accélération de l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement liés à la santé, vont entrainer en 2009, une révision de la Stratégie Sectorielle de santé 2001-2010, qui deviendra la Stratégie Sectorielle de Santé 2001-2015. La structure actuelle, le fonctionnement et les objectifs du système de santé camerounais sont donc ceux définis dans la Stratégie Sectorielle de Santé 2001-2015.

Le système de santé camerounais s’articule autour de trois sous-secteurs : un sous-secteur public, un sous-secteur privé, et un sous-secteur de la médecine traditionnelle (MINSANTE, 2009). Le sous-secteur public comprend en plus des hôpitaux et les structures sanitaires publics, d’autres structures sanitaires sous-tutelle d’autres Départements Ministériels à l’instar du ministère de la défense (hôpitaux militaires), du ministère du travail et de la sécurité sociale (hôpital de la Caisse Nationale de la Prévoyance Sociale), du ministère de l’Enseignement Supérieur, du ministère de l’Administration territorial et de la décentralisation, de la Sureté Nationale, etc. Le sous-secteur privé regroupe les structures sanitaires privées à but non lucratif (confessions religieuses, associations et diverses organisations non gouvernementales) et celles à but lucratif. La médecine traditionnelle quant à elle, bien que n’étant pas très bien structurée, est une composante du système de santé que l’on ne saurait négliger ou ignorer.

Ainsi, les principaux intervenants dans le secteur de la santé sont : l’État, les ménages, les Organisations de la Société Civile, le secteur privé à but lucratif et non lucratif, les tradi-praticiens, les partenaires techniques et financiers et les collectivités locales. Le système est de mois en mois centralisé grâce à la mise en œuvre d’un certain nombre de principes de la décentralisation inscrit dans la constitution de 1996 qui du Cameroun un État unitaire décentralisé. À ce titre, la loi No 2004/018 fixant les règles applicables aux communes et la loi No 2004/019 du 22 Juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions, ont conféré aux collectivités territoriales décentralisées, un rôle important dans le développement sanitaire. Il s’agit notamment de :

x la création, l’équipement, la gestion et l’entretien des centres de santé d’intérêt communal ou régional conformément à la carte sanitaire ;

x la participation à l’organisation et à la gestion de l’approvisionnement des médicaments, réactifs et dispositifs médicaux essentiels en conformité avec la politique nationale de santé ;

x l’organisation et la gestion de l’assistance au profit des nécessiteux.

Dans sa vision de développement à l’horizon 2035, le gouvernement camerounais a fait de l’amélioration de l’état de santé des populations un objectif de développement social étroitement lié à la poursuite d’une politique de croissance économique soutenue. Les objectifs de la stratégie sectorielle de la santé actualisés pour l’échéance 2015, en relation avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) visent notamment à : (i) viabiliser 80% des districts de santé ; (ii) amener 100% des structures de santé des niveaux stratégique et intermédiaire à jouer leur rôle d’appui et d’orientation- recours; (iii) réduire de 1/3 la charge morbide chez les pauvres et les populations les plus vulnérables; (iv) réduire de 2/3 la mortalité des enfants de moins de 5 ans et (v) réduire de ¾ la mortalité maternelle (MINEPAT, 2009b).

4.1.2.2 Les faits stylisés dans le secteur de la santé au Cameroun et en Corée du Sud

Le système de santé camerounais est caractérisé par la forte présence des formations sanitaires publiques et comptait en 2009, 05 hôpitaux généraux, 04 hôpitaux centraux, 11 hôpitaux régionaux hôpitaux de district, 155 centres médicaux d’arrondissement, et 1888 centres de santé intégrés. Il faut ajouter 93 hôpitaux privés, 193 centres de santé privés à but non lucratif, 289 cliniques et 384 cabinets de soins. En outre, il faut compter 12 laboratoires d’analyses médicales agréés dont le Centre Pasteur constitue la référence, 05 fabricants de médicaments, 14 grossistes, 331 officines, 01 Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments et Consommables médicaux essentiels (INS, 2010). En Corée du Sud, le système de santé est caractérisé par la prédominance des formations sanitaires privées soit plus 93% en 2012 comme en témoigne le graphique 4.6. 66

Graphique 4.6 Carte sanitaire de la Corée du Sud

Pulic Privé

Source: Auteur à partir des données de Statista (2014)

En termes de financement, en moyenne et en 2014, la dépense de santé par tête était égale à 2500 dollars contre 500 dollars en 1995. La dépense de santé par tête a donc été multipliée par 5 en 20 ans en Corée du sud. La dépense de santé par tête est passée de 65 dollars en 1995 à 121 dollars en 2014, elle a à peine doublé en 20 ans. En Corée du Sud, les dépenses de santé sont financées par le secteur privé (2.5% du PIB en moyenne depuis 2005) et l’État (entre 3 et 4% du PIB depuis 2005). Au Cameroun, les dépenses de santé sont surtout financées par les ménages qui consacrent plus 3.5% du PIB au financement de la santé contre seulement 1% pour le secteur public (Graphique 4.7 et 4.8). En conséquence, l’espérance de vie reste faible au Cameroun 55 ans en 2014 alors qu’elle a dépassé 82 ans en Corée du Sud depuis 2014 (Graphique 4.9). Il en est ainsi parce que le taux de mortalité est encore élevé au Cameroun 87 pour mille en 2014 contre 281 en 1960 pour les enfants de moins de cinq ans. Le même taux de mortalité est passé de 112 pour mille à 3,4 pour mille en Corée du Sud (Graphique 4.10).

Graphique 4.7 Dépense de santé par tête en Corée du Sud et au Cameroun

Dépenses de santé par aitant en Corée du Sud en PP en dollars internationaux constants de Dépenses de santé par aitant au Cameroun PP en dollars internationaux constants de

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale 67

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Graphique 4.8 Financement de la santé au Cameroun et en Corée du Sud

Dépenses de santé du secteur privé au Cameroun du P Dépenses de santé du secteur privé en Corée du Sud du P Dépenses de santé du secteur pulic au Cameroun du P Dépenses de santé du secteur pulic en Corée du Sud du P

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale

Graphique 4.9 Espérance de vie au Cameroun et en Corée du Sud

Espérance de vie la naissance au Cameroun total années Espérance de vie la naissance en Corée du Sud total années

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale 68

Graphique 4.10 Taux de mortalité des enfants de moins 5 ans au Cameroun et en Corée du Sud

Taux de mortalité au Cameroun inérieur pour naissances vivantes Taux de mortalité en Corée du Sud inérieur pour naissances vivantes

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale

En définitive, les systèmes de santé et éducatif de la Corée du Sud sont plus efficaces par rapport aux systèmes de santé et éducatif du Cameroun parce qu’ils s’appuient sur les secteurs privés. En Corée du Sud, les universités privées sont largement majoritaires et scolarisent plus de 70% d’étudiants. Au Cameroun, les universités privées sont majoritaires mais scolarisent moins de 50% d’étudiants. Pour ce qui est de la santé, le système de santé sud-coréen a développé un programme national d’assurance maladie qui est financé par les entreprises, la taxe sur la consommation du tabac et les subventions. Au Cameroun, le programme national d’assurance maladie n’est pas encore opérationnel et les hôpitaux privés ne sont pas assez dotés en ressources humaines qualifiées et en équipements appropriés.

4.2 La production des infrastructures en Corée du Sud et au Cameroun

L’un des principaux freins à la croissance reste la faiblesse des infrastructures dans les pays en développement si bien que nombre d’études sur le climat des affaires suggèrent fortement aux gouvernements de placer les infrastructures au sommet de leurs priorités. Dans cette section, nous allons analyser les politiques adoptées par la Corée du Sud et le Cameroun dans le secteur des infrastructures, par suite nous allons présenter les faits stylisés dans les deux pays.

4.2.1 Les politiques adoptées par la Corée du Sud et le Cameroun dans le secteur des infrastructures

4.2.1.1 En Corée du Sud

La politique de production des infrastructures était axée sur l’initiative privée et touchait les catégories d’infrastructures notamment l’approvisionnement en énergie, y compris l’électricité, la construction de sites industriels et le transport afin de garantir que le déficit infrastructurel ne cause pas des goulets d’étranglement sur la voie de la croissance économique. Dans les années 1960, les investissements dans le secteur des transports étaient principalement réalisés dans les 69

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chemins de fer, les ports industriels ont également été construits pour traiter les matériaux importés. Cependant, à la fin des années 1960, l’investissement dans le secteur des transports a commencé à passer aux infrastructures routières avec la construction massive des autoroutes. Au cours des années 1970 et 1980, la République de Corée a réalisé un développement économique exceptionnel. Les plans de développement à long terme du gouvernement se focalisaient clairement et exclusivement sur les infrastructures, la priorité étant accordée aux infrastructures qui doivent contribuer à l’industrialisation, comme l’autoroute de Séoul-Pusan.

Cependant, au cours de cette décennie, le gouvernement a modifié sa politique infrastructurelle et a commencé à mettre l’accent sur le développement régional. Moins de ressources sont désormais allouées aux infrastructures de transport supposées contribuer au développement industriel, la priorité est désormais accordée aux problèmes de congestion.

L’introduction d’un premier programme de promotion de la participation du secteur privé au développement des infrastructures (PPI) a débuté en 1994. Puisque La « Loi sur l’investissement en capital privé » de la République de Corée a officiellement été lancée en 1994. Toutefois, la notion de participation privée n’était pas nouvelle en Corée mais cette loi a été le premier cadre juridique qui a privilégié le PPI. Le programme PPI visant à inciter les entreprises à produire des infrastructures afin de réduire le budget public et d’exploiter l’efficience du secteur privé. C’est à cette époque que l’importance des systèmes de transport a été reconnue. Elle distingue deux types de projets PPI: les projets de catégorie I ou projets qui regroupent les infrastructures les plus stratégiques telles que les routes (et aussi les chemins de fer, les métros, les ports, Aéroports, approvisionnement en eau et télécommunications); les projets de catégorie II ont porté sur d’autres projets d’infrastructure (comme l’approvisionnement en gaz, les terminaux de bus, les usines de production d’électricité, le secteur de la promotion du tourisme, les complexes sportifs et autres espaces commerciaux). Cela signifiait que le secteur privé ne pouvait obtenir la propriété que dans les projets de catégorie II. En conséquence, les projets PPI de catégorie I (en particulier pour les routes) ne peuvent être réalisés que par le biais du projet BTO (Build Transfer Operate) alors que les autres projets PPI (dans la catégorie II) étaient éligibles à d’autres options comme BOT (Build Operate and Transfer) Ou BOO (Build Own Operate) ainsi que le système de partenariat public-privé (dans lequel moins de 50% de la participation en capital était par État ou gouvernement local).

Par la suite, la crise financière asiatique de 1997 a endommagé l’ensemble de l’économie coréenne. Ce contexte particulier a conduit le gouvernement à prendre de nouvelles initiatives pour promouvoir la participation du secteur privé au développement des infrastructures. Une nouvelle loi PPI a été adoptée en décembre 1998, intitulée « Loi sur la participation du secteur privé au développement des infrastructures ». Cette nouvelle loi a aboli l’ancienne catégorisation des projets d’infrastructure. En outre, elle a créé une unité spéciale, le Centre d’investissement privé en infrastructure de Corée. Ce centre sert à fournir une assistance technique au gouvernement et aux autorités locales compétentes pour promouvoir la participation du secteur privé dans la production des infrastructures. Ses missions sont la préparation des études de faisabilité et des soumissions PPI, la réalisation des études techniques, l’évaluation des offres, des négociations et la conclusion de l’accord de concession. Enfin, le gouvernement coréen avait préparé un plan décennal qui a identifié des projets PPI souhaitables. Il avait défini leurs conditions d’investissement, leurs conditions d’exploitation et de maintenance ainsi que les mesures de soutien du gouvernement. Ces projets impliquaient des infrastructures routières majeures.

La loi a été modifiée à nouveau en 2005. Cette révision a non seulement introduit le programme “Build Transfer Lease (BTL)”, mais aussi des infrastructures sociales telles que l’éducation, la défense, la culture et la santé. De plus, la loi révisée a créé une agence spécialisée (« Centre de gestion des investissements dans l’infrastructure public-privé ») pour fournir une assistance technique au ministère de la Stratégie et des Finances et aux autorités chargées de l’acquisition.

Les changements suivants ont été introduits :

x l’intégration de nouvelles infrastructures (44 types au lieu de 35 avant, ils comprennent maintenant, par exemple, les infrastructures sociales en tant que secteur du PPI) ;

x la participation du secteur privée maintenant plus diversifiée: BTO (en particulier dans le secteur routier considéré comme un foyer clé d’infrastructure), BOT, BOO, BTL (ce dernier étant le type le plus populaire maintenant) et ROT (Rehabilitate Operate Transfer) ;

x la période de garantie a été réduite de 15 à 10 ans et la limite maximale de garantie a également été réduite de 90% à 75% (puis à 65%) ;

x la création d’un fonds infrastructurel ; 70

x une nouvelle unité PPI a également été établie (PIMAC). Elle est gérée par l’Institut de Développement de la Corée (KDI), un prestigieux institut de recherche du gouvernement qui joue un rôle clé dans la planification nationale et régionale (PPIAF, 2009).

Pour le cas spécifique de l’énergie, les sources d’approvisionnement en énergie primaire de la Corée sont relativement diversifiées, mais dominées par le pétrole et le charbon et, dans une moindre mesure, par l’énergie nucléaire et le gaz naturel. Le pays a des ressources naturelles limitées et dépend fortement des énergies importées, tandis que l’exploitation des énergies renouvelables présente les niveaux les plus faibles de l’OCDE. La Corée n’a pas de ressources pétrolières, des réserves très limitées de gaz naturel et produit de petites quantités d’anthracite indigène. C’est le troisième importateur de pétrole brut d’Asie après la Chine et le Japon. Pour ces raisons, ce n’est qu’en 2008 que le gouvernement a promulgué la première loi fondamentale sur l’énergie. Cette loi prévoyait l’établissement et la mise en œuvre d’un plan national pour l’énergie tous les cinq ans sur une période de 20 ans. La loi prévoit que le plan sera mis en œuvre après consultation avec le responsable d’un organisme administratif concerné et le comité national de l’énergie. Le but de chaque plan est de déterminer les stratégies à moyen et à long terme pour sécuriser systématiquement les ressources énergétiques, offrir des infrastructures stables pour soutenir la production de l’énergie domestique et rationaliser l’utilisation de l’énergie nécessaire au développement de l’économie nationale. Le plan devrait également permettre de minimiser les conséquences négatives de l’exploitation énergétique sur l’environnement et à contribuer efficacement à la réalisation des politiques énergétiques nationales favorables au développement des technologies liées à l’énergie (IEA, 2012).

Pour le secteur des télécommunications, le développement du système de commutation numérique propre au coréen TDX a été basé sur la technologie achetée des pays avancés qui remonte aux années 1970. Avant de développer et de produire ses propres appareils numériques, le gouvernement coréen a décidé d’acheter en premier lieu la technologie de commutation analogique en raison de la faible capacité technologique et de la capacité financière. En 1979, selon les lignes directrices établies par le quatrième plan quinquennal de développement économique national du gouvernement, 300 000 nouvelles lignes téléphoniques devraient être activées chaque année. Ce plan a été réalisé de manière approximative et le développement des lignes téléphoniques a connu un retard à cause de l’inefficacité des industries locales à fabriquer les lignes téléphoniques. Par conséquent, le ministère des Postes et Télécommunications a développé une stratégie basée sur l’importation du matériel informatique et sur la formation de l’expertise locale (Keun lee, Sunil Mani and Qing MU, 2006).

4.2.1.2 Au Cameroun

En matière d’infrastructures, on peut distinguer deux principales phases de développement au Cameroun. La première est celle de la planification indicative marquée par la mise en œuvre des plans quinquennaux : 1960-1965 ; 1966-1971 ; 1971- 1976 ; 1976-1981 ; 1981-1986 ; 1986-1991. Les trois premiers plans ont majoritairement été financés par les partenaires bilatéraux et multilatéraux. Il a fallu attendre le troisième plan quinquennal pour voir les objectifs du gouvernement en matière d’infrastructures (voir encadré 4.1).

En fait, les priorités du Cameroun en matière d’infrastructures étaient diluées par la vision globale de développement qui était axée sur la promotion de l’indépendance socioéconomique et politique du Cameroun alors même que le gouvernement consacrait des fonds non négligeables à la production des infrastructures. Exemples, Dans le premier plan quinquennal (1960-1965) la priorité était donnée aux infrastructures (45,8% des investissements) et au développement rural (18,8%) pour un volume d’investissements prévus de 53,18 milliards FCFA. Lors du deuxième plan quinquennal (1966-1971), le volume des investissements prévus est de 165,176 milliards dont 18,58% vont au secteur rural, 23,86% aux infrastructures. Les objectifs du deuxième n’ont pas été atteints. Pour cette raison, certains objectifs du deuxième plan ont été transférés au troisième plan. Dans ce troisième plan (1972-1976), l’accent était mis sur l’industrie, l’énergie et les mines qui prennent 25,1% contre 9,02% pour le développement rural et 20,5% pour les infrastructures sur un volume des investissements qui s’élève à 280 milliards de FCFA. Au Cours du quatrième plan quinquennal (1976 – 1981) le financement n’est plus essentiellement constitué par l’apport extérieur des partenaires bilatéraux et multilatéraux, puisque l’épargne nationale est mise à contribution. Le secteur industrie-énergie se taille la part du lion avec 31% des investissements contre 17,2% au secteur rural, 21,6% aux infrastructures et 6,65% aux services sur un volume d’investissements prévus de 725,232 milliards. Le cinquième plan quinquennal (1981 – 1986) a commencé à montrer ses limites car, le gouvernement n’avait pas honoré ses engagements en termes surtout financiers. Le sixième plan quinquennal quant à lui a été un mort-né car il a été interrompu par la crise économique de la décennie 1980 et par la mise en œuvre des PAS sous l’aide du FMI et la Banque Mondiale (Touna Mama, 2008). 71

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Encadré 4.1 Les principaux objectifs des plans quinquennaux

1er plan x le doublement du revenu national par habitant (à savoir un taux de progression de 4,6 % par an), mais plus généralement :

x la mise en place des structures économiques et sociales ;

x l’extension du système coopératif;

x la création de communautés villageoises ;

x la réduction des disparités régionales.

2ème plan x doublement du revenu par habitant en vingt ans ;

x réduction des disparités régionales ;

x modifications des structures en vue de passer des structures économiques agricoles aux structures industrialisées ;

x la mise en œuvre de la réforme foncière ;

x la création d’un ministère de l’agriculture.

3ème plan x les investissements consacrés à l’industrie, à l’énergie et aux mines ;

x les investissements d’infrastructures

4ème plan x la réalisation effective de l’unité nationale et du développement autocentré ;

x un taux de croissance du PIB par habitant de 5% par an.

5ème plan x la réalisation d’un développement endogène ;

x la sauvegarde de l’autosuffisance alimentaire ;

x la santé, l’eau potable et l’électricité pour tous en l’an 2000 ;

x l’enseignement primaire gratuit et obligatoire pour tous les enfants de moins de 14 ans ;

x le développement de l’enseignement technique et l’institutionnalisation de la formation continue ;

x la réalisation entre villes et campagnes ;

x la diversification de l’appareil de production ;

x une amélioration du niveau de revenu d’au moins 4 % par an et par habitant.

6ème plan x le «libéralisme» communautaire ;

x le développement auto-entretenu et équilibré ;

x la démocratisation et la justice sociale ;

x l’intégration nationale.

Source: Touna-Mama (2008).

La deuxième débute en 1991 marquée par les objectifs précis dans le secteur des infrastructures avec des objectifs précis dans les secteurs de l’eau, énergie, les transports et les télécommunications. 72

A — Eau Au Cameroun, c’est le Ministère de l’Énergie et de l’Eau (MINEE) qui est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de production, de transport et de distribution de l’eau potable. Mais étant donné que l’eau n’est pas seulement utilisée pour les besoins de consommation des ménages, d’autres administrations interviennent également dans ce processus pour permettre un meilleur déploiement des activités de certains secteurs d’activité économique. Il s’agit du Ministère de l’Élevage des Pêches et des Industries Animales (MINEPIA) dans le cadre de l’hydraulique pastorale et de l’hydraulique villageoise pour la satisfaction des besoins en eau du bétail, du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) pour l’hydraulique agricole, et du Ministère de l’Économie, du Plan et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT). Mais, l’accent sera mis ici sur l’eau potable.

Au plan juridique, c’est la loi n°84/013 du 05 octobre 1984 qui va pour la première fois, fixer de façon spécifique le régime de l’eau au Cameroun. Mais, avec l’accroissement démographique, et principalement de la population urbaine qui est passée de 2 184 242 habitants en 1976, à 3 968 919 habitants en 1987 et à 6 748 475 en 1997, les pouvoirs publics, vont définir de nouveaux instruments de politique de gestion du secteur de l’eau (MINEE, 2009). Ainsi, en 1998, la loi n°98/005 du 14 avril 1998 portant régime de l’eau au Cameroun va être adoptée. Cette loi va permettre une plus grande ouverture vers la délégation de gestion, de même que la rupture du monopole dans ce secteur exercée jusque-là par la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC). Parallèlement, la loi du 14 avril 1998 fait de l’eau un bien du patrimoine national dont l’État assure la protection et la gestion.

C’est pour mettre en application ces textes de loi que le président de la République a signé le décret n°2005/493 du 31 décembre 2005 fixant les modalités de délégation des services publics de l’eau potable et de l’assainissement liquide en milieu urbain et périurbain. Avec ce décret, le service public de l’eau est confié d’une part à une société de patrimoine à capital public, et d’autre part, à une ou plusieurs sociétés chargées de la production et de la distribution de l’eau potable ainsi que de l’entretien des infrastructures, du traitement de l’eau, et de l’activité commerciale y afférente. C’est en vertu de ces dispositions, que le Cameroun Water Utilities corporation (CAMWATER) sera créée par décret n°2005/494 du 31 décembre 2005. A l’issue d’un appel d’offres auquel deux candidats ont répondu, l’affermage a été attribué à un groupement marocain piloté par l’Office National de l’Eau Potable (ONEP). Le contrat a été signé le 18 décembre 2007 par les actionnaires fondateurs qui ont constitué une société camerounaise de droit privé, la Camerounaise des Eaux (CDE).

Le nouveau schéma institutionnel est donc celui d’un affermage dans le cadre d’un Partenariat Public Privé. Il repose sur les relations triangulaires État-société de patrimoine-exploitant définies dans deux contrats :

x un contrat de concession et de gestion des infrastructures entre l’État et la société publique de patrimoine— CAMWATER. La durée de cette concession est de 30 ans, renouvelable en 10 ans ;

x un contrat d’affermage du service d’alimentation en eau potable conclu entre l’État, la société de patrimoine (CAMWATER) et l’exploitant privé (CDE). La durée de cet affermage est 10 ans avec possibilité de la prolonger de 5 ans par avenant.

Les objectifs et obligations des parties sont matérialisés à travers deux autres contrats qui précisent les précédents : le contrat plan entre l’État et CAMWATER, et le contrat de performance entre l’État, CAMWATER et la CDE qui stipule les objectifs du fermier. CAMWATER est maître d’ouvrage des principaux investissements et est chargée du contrôle du contrat d’affermage conjointement avec l’État. Le fermier est associé à la programmation des investissements de CAMWATER à travers des conventions programmes triennales ainsi que de la réception des ouvrages ou équipements. Il a des obligations propres d’investissement : branchements (prix en principe répercuté au client), renouvellement des équipements de comptage et télégestion, renouvellement de certains équipements électromécaniques, renouvellement d’un linéaire prédéfini de canalisations.

Dans le but d’une meilleure application de la loi portant régime de l’eau au Cameroun, un comité National de l’Eau a été créé par décret n°2001/161/PM du 08 mai 2001 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Comité National de l’Eau. Le Comité national de l’eau est un organe interministériel qui a pour objectif d’étudier et de proposer au Gouvernement toutes mesures permettant d’assurer la conservation, la protection et l’utilisation durables de l’eau, et d’émettre un avis sur les questions ou problèmes relatifs à l’eau dont il est saisi par le Gouvernement. Ce comité comprend en plus des départements ministériels impliqués dans la gestion de l’eau, la Chambre d’Agriculture, d’Elevage et des Forêts, les collectivités territoriales décentralisées, et les concessionnaires du service public d’eau et d’énergie. 73

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En milieu rural, l’accès à l’eau potable repose sur le Projet d’Alimentation en Eau Potable et d’Assainissement en Milieu Rural (PAEPA-MRU) pour la période 2008-2015. Ici, l’eau de consommation est distribuée à partir des points d’eau (sources, puits et forages) et des mini adductions d’eau pour des agglomérations de moyenne importance. Pour des besoins de quantification des infrastructures existantes, le concept d’Équivalent en Point d’Eau (EPE) a été retenu. D’après le Ministère de l’énergie et de l’eau, un EPE « représente tout ouvrage de mobilisation en eau potable, conçu pour ravitailler la population suivant les normes adoptées par le Cameroun : à savoir 250 à 300 personnes environ, avec une dotation journalière fixée à 25 litres par habitant, l’ouvrage devant fournir par jour environ 7,5 à 8 m3 d’eau pendant 12 heures par jour » (MINEE, 2009). Ainsi, sont considérés comme des points d’eau :

x une borne fontaine : 1 EPE ;

x un puits avec pompe manuelle : 1 EPE ;

x un forage avec pompe manuelle : 1 EPE.

L’accès à l’eau potable en milieu rural est également facilité par la construction des points d’eau dans les établissements scolaires et les hôpitaux, par les administrations en charge de ces secteurs.

Le financement

La forte corrélation entre l’eau et le développement économique et social justifie le nombre important d’acteurs qui injecte des ressources dans ce domaine. Les principaux fournisseurs de ressources dans le secteur de l’eau potable sont :

x les pouvoirs publics par le budget de l’État ;

x les partenaires au développement (BAD, Banque Mondiale, Union Européenne etc.) ;

x les exploitants de l’hydraulique urbaine (CDE, CAMWATER) ;

x les collectivités territoriales décentralisées à travers le FEICOM(70), le PNDP(71), et les missions de développement ;

La majorité des financements publics destinés au secteur de l’eau potable proviennent du MINEE, du MINEDUB, du MINESEC, du MINEPAT, et du MINSANTE pour l’hydraulique rurale et l’hydraulique urbaine, et du MINADER et du MINEPIA pour l’hydraulique agricole et l’hydraulique pastorale (MINEE, 2009).

L’hydraulique urbaine est principalement financée par la CAMWATER et la CDE, mais aussi, par les collectivités territoriales décentralisées à travers le FEICOM, et le PNDP. L’action des municipalités en matière d’alimentation en eau des populations peut être illustrée à travers celle des Communautés Urbaines de Douala (CUD) et de Yaoundé (CUY). La CUD a entrepris depuis août 2006, le projet Action pilote « Eau et assainissement », sur cofinancement UE (subvention sur ligne budgétaire « facilité ACP-UE pour l’eau ») et GTZ d’un montant de 918 277 484 FCFA. Quant à la CUY, elle finance la pose par CAMWATER/CDE de grands conducteurs d’eau potable dans certaines parties de la ville où le besoin en eau se pose avec acuité. Lesdites réalisations depuis l’an 2000, sont résumées dans le tableau 4.1.

(70) Le Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention Intercommunal (FEICOM) a été créé par la loi No 74/23 du 05 décembre 1974 portant organisation communale au Cameroun et rendue opératoire par le décret No 77/85 du 22 mars 1977. Sa principale mission est d’accompagner les collectivités territoriales décentralisées dans le processus de développement en leur apportant une assistance technique et financière. (71) Programme National de Développement participatif 74

Tableau 4.1 Réalisations de la CUY dans la pose des conducteurs d’eau potable en 2008

Arrondissements bénéficiaires Longueur (m) Montant de l’investissement (FCFA)

Yaoundé 6è 3000 312 233 815

Yaoundé IIè 1790 74 536 235

Yaoundé Vè 470 6 725 700

Yaoundé IIIè 960 48 029 400

Total 6220 441 525 150

Source: Auteur à partir des données du MINEE (2009)

Concernant le FEICOM, cet organisme offre aux Communes, différents concours : avances de trésorerie, prêtsou subventions selon que le projet à financer est à caractère social, générateur de revenus ou non générateurs des revenus. Le FEICOM a consacré à l’alimentation des populations en eau, les fonds retracés dans le tableau 4.2 suivant :

Tableau 4.2 Financement du secteur de l’eau par le FEICOM

Années 2001 2002 2003 2004 2005 Moyenne

Investissements en 276 342 300 500 1 028 379 108 755 102 218 363 239 milliers de FCFA

Source: Auteur à partir des données du MINEE (2009)

S’agissant du PNDP, toutes les communes et communautés des régions de l’Adamaoua, du Nord, de l’Extrême-Nord, du Centre, du Sud et de l’Ouest, peuvent accéder à ses financements, à condition de disposer d’un plan de développement. Plus concrètement, la mobilisation des financements passe par l’ouverture d’un « compte conjoint » dans lequel le PNDP et le bénéficiaire déposent chacun sa quote-part, respectivement 95 et 5 % pour le financement de microprojets. Les financements consentis par le PNDP dans la réalisation des ouvrages hydrauliques, notamment ceux alimentant les populations en eau potable, sont présentés dans le tableau 4.3. 75

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Tableau 4.3 Financement des investissements hydrauliques par le PNDP

Années montant PNDP montant bénéficiaire montant total

2004 24 271 445 945 075 25 216 520

2005 200 967 479 13 883 968 214 851 447

2006 196 262 845 10 378 888 206 641 733

2007 251 493 025 14 488 785 265 981 810

2008 146 974 249 7 733 672 154 707 921

Source: Auteur à partir des données du MINEE (2009)

Concernant le Ministère de l’eau et de l’énergie, principale administration en charge du secteur de l’eau, on note que la part consacrée à ce secteur dans le budget de ce ministère est très faible. En 2015, pour un budget total de 125 988 554 000 de FCFA, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement n’a bénéficié que 232 728 865 000 FCFA, soit 18% du budget de ce ministère (cf. graphique 4.11). La part la plus importante est consacrée à l’électricité.

Graphique 4.11 Part de l’eau dans le budget du MINEE en 2015

ccs leau potale et lassainissement udget du EE

Source: Auteur à partir des données de la Banque Mondiale 76

B — Énergie

Le Cameroun traverse depuis le milieu des années 1990 une grave crise énergétique qui affecte le bien-être des ménages et perturbe considérablement l’activité économique. Pourtant, selon la Banque Africaine de Développement, le pays possède le deuxième potentiel hydroélectrique (12000 MW environ) d’Afrique après la République Démocratique du Congo. L’origine de cette crise peut remonter aux difficultés économiques que le pays a traversées au milieu des années 1980, et aux mesures d’austérité imposées par les PAS. En effet, la réduction du train de vie de l’État s’est traduite par une importante diminution des investissements publics et l’arrêt des grands chantiers infrastructurels entamés après l’indépendance. Actuellement, à peine 5% du potentiel hydroélectrique du pays est effectivement exploité.

En vue d’ouvrir le secteur de l’électricité à la concurrence, le gouvernement s’est engagé à le réformer. Cette réforme a commencé avec la loi No 98/022 du 24 décembre 1998 régissant le secteur de l’électricité, complétée par le décret d’application du 30 juin 2000. Cette réforme avait pour objectif de libéraliser le secteur, d’inciter à l’arrivée de producteurs indépendants, d’améliorer la qualité du service, d’accroitre la desserte (il y avait 450 000 abonnés en 2001 contre 976 000 aujourd’hui), et d’attirer les investisseurs privés. En application de cette loi, le gouvernement a décidé le 18 juillet 2001, de céder la majorité des parts (56%) qu’il détenait dans l’ex Société Nationale d’Électricité du Cameroun (SONEL), au groupe américain AES Corp. L’État du Cameroun est néanmoins resté actionnaire (44% du capital) dans la nouvelle société créée (AES/SONEL)(72), qui s’est vue confiée les activités de production, de transport, de distribution et de vente de l’électricité(73).

Pour promouvoir les investissements dans le secteur et accroitre l’offre de l’énergie électrique, une société à capitaux publics—Electricity Development Corporation (EDC), a été créée par décret No 2006/406 du 29 novembre 2006 portant création de la Société Electricity Development Corporation. La société EDC a pour objet de gérer pour le compte de l’État, le patrimoine public dans le secteur de l’électricité ; d’étudier, de préparer ou de réaliser tout projet d’infrastructure dans le secteur de l’électricité qui lui est confié par l’État ; et de participer à la promotion des investissements publics et privés dans le secteur de l’électricité.

Pour établir les bases d’une concurrence saine dans le secteur, l’organisation et le fonctionnement de l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (ARSEL) instituée par la loi régissant le secteur de l’électricité,(74) ont été fixés par décret No 99/125 du 15 juin 1999. Elle assure la régulation, le contrôle et le suivi des activités des exploitations et des opérateurs du secteur de l’électricité dans le cadre de la politique définie par le gouvernement. À ce titre, elle arbitre les différends entre les opérateurs du secteur de l’électricité sur saisine des parties. Pour accroitre le taux d’accès à l’électricité en zone rurale, l’organisation et les modalités de fonctionnement de l’Agence d’Électrification Rurale (AER) créée par la loi régissant le secteur de l’électricité ont été fixées par décret No 99/193 du 8 septembre 1999. Y est par ailleurs logé, le Fonds d’Énergie Rurale (FER), dont la mission est de financer les projets et programmes d’énergie rurale.

Malgré toutes ces mesures, on déplore toujours autant de désagréments électriques marqués par des délestages fréquents et même parfois des « blackouts » (coupures générales) qui peuvent durer plusieurs heures voire plusieurs jours. Les pénuries d’électricité qui entravent le bien être des ménages et perturbent le fonctionnement des entreprises sont devenues chroniques au fil des années. Aujourd’hui, moins de 40% de la population a accès à l’électricité (moins de 10% en zones rurales) et à peu près 3000 localités seulement sur 18000 sont électrifiées.

La demande d’électricité du secteur public (clients basse tension et moyenne tension), augmente en moyenne de 6 % par an et est estimée à 4 700 GWh (soit une puissance de l’ordre de 842 MW) en 2015 ; puis à 7 600 GWh (soit une puissance de 1370 MW) en 2025. La demande industrielle quant à elle, très fortement conditionnée par les besoins d’énergie de l’industrie d’aluminium, s’établit actuellement autour de 1 315 GWh (soit une puissance de 150 MW). Avec la mise en œuvre du projet d’extension de l’usine d’aluminium d’Edéa, cette demande se situera autour de 500 MW à l’horizon 2015. La mise en œuvre du plan ambitieux de développement de la filière Bauxite-Aluminium qu’envisage le gouvernement avec ses partenaires à travers le projet Greenfield et les perspectives de développement de la zone industrielle du futur port en eaux profondes de Kribi entraîneront des besoins d’énergie supplémentaires de plus 13 000 GWh (1500 MW) de l’horizon 2016 à l’horizon 2025.

(72) AES-SONEL est devenu ENEO en 2014 suite au rachat des parts détenues par d’AES Corp. par le fonds d’investissement britannique Actis. (73) Il convient de souligner qu’une nouvelle société à capitaux publics chargée du transport et de l’entretien du réseau de distribution de l’électricité (SONATREL) a été créée par décret du chef de l’État le 08 octobre 2015. (74) En vue moderniser et de développer le secteur de l’électricité, la loi de 1998 régissant le secteur de l’électricité a été modifiée par la loi 2011/022 du 14 décembre 2011. 77

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Le parc infrastructurel de production d’électricité comprend : (i) la production hydroélectrique issue de trois centrales hydroélectriques d’une capacité installée de 723 MW à Edea et Song-loulou sur le fleuve Sanaga pour le réseau Interconnecté Sud, et à Lagdo sur le fleuve Bénoué pour le réseau interconnecté Nord (cf. Tableau 4.4). Le Réseau interconnecté Sud comprend en outre trois digues réservoirs de retenue d’eau à Mbakaou, Bamendjin et Mape d’une capacité totale de 7,6 milliards de m3 permettant de réguler le débit du fleuve Sanaga ; (ii) la production thermique issue de plusieurs petites centrales diesel et de d’une centrale à Mazout lourd à Limbe (BAD, 2012). Actuellement, la puissance totale installée au Cameroun est estimée à environ 1367 MW, ce qui est largement insuffisant pour satisfaire la demande qui croit au rythme de 6% par an (MINEPAT, 2009b). Cette puissance est repartie de la manière suivante :

Tableau 4.4 Capacité des différents centres de production d’électricité au Cameroun (MW)

Centre de 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2012 2013 production

Lagdo 72 72 72 72 72 72 72 72

Song Loulou 384 384 384 384 384 384 384 384

Edea 263 263 263 263 263 267 277 276,7

Thermique 209,2 205,9 202,5 217,9 303 284,1 423 634,3

Total 928,2 924,9 921,5 936,9 1022 1007,1 1156 1367

Source: Auteur à partir des données d’AES-SONEL et de l’Annuaire statistique du Cameroun

Une autre défaillance importante du système électrique camerounais provient de la déconnexion entre le réseau nord et le réseau Sud. Le Réseau Interconnecté Nord (RIN) autour du barrage de Lagdo alimente essentiellement les 03 régions septentrionales du pays (Extrême Nord, Nord et Adamaoua). Quant au Réseau interconnecté Sud (RIS), il est alimenté par les barrages hydroélectriques d’Edea et de Song loulou et dessert plus de 95% des usagers. La quasi-totalité de la production de la centrale hydroélectrique d’Edéa est destinée à alimenter l’usine d’aluminium ALUCAM, succursale locale du groupe anglo-australien RIOTINTOALCAN ; la centrale de Songlulu quant à elle ravitaille le « secteur public », c’est-à- dire tous les clients Moyenne tension (MT) et Basse tension (BT).

Pour résorber ce déficit, le gouvernement accélère depuis 2010 la préparation et la mise en œuvre de certains projets d’envergure. Il s’agit prioritairement de la construction d’infrastructures de production d’énergie (barrages hydroélectriques, centrales thermiques) d’une part, et de la réhabilitation des infrastructures existantes d’autre part. L’objectif était de tripler à l’horizon 2020, les capacités de production de l’énergie électrique en passant de 1000 MW environ en 2010 à 3000 MW en 2020. Les principaux travaux en cours d’exécution pour atteindre cet objectif sont :

x le projet hydroélectrique de Lom Pangar qui prévoit d’une part, la construction d’un barrage réservoir d’une capacité de 6 milliards de M3 qui permettra de régulariser le débit du fleuve Sanaga qui abrite les principaux barrages hydroélectriques existants et de favoriser l’aménagement de nouveaux sites hydroélectrique à l’aval(75), et d’autre part, l’implémentation d’une usine hydroélectrique de pied d’une puissance de 30 MW permettra d’alimenter la région de l’Est par l’installation d’une ligne de transport de 90 KV d’une longueur d’environ 120 Km entre le site du barrage et Bertoua.

x le projet hydroélectrique de Memve’ele sur le fleuve Ntem d’une capacité de 201 MW ;

(75) Le barrage de Lom Pangar permettra d’augmenter le débit régularisé de la Sanaga à plus de 1000 m3 par seconde même en saison sèche. Cela permettra de saturer le débit d’équipement du barrage hydroélectrique de Song-Loulou, et d’augmenter la production du barrage d’hydroélectrique d’Edea en période d’étiage. On aura donc 160 MW supplémentaires qui seront produits par les deux ouvrages. 78

x la centrale hydroélectrique de Mekin sur le fleuve Dja d’une capacité de 15 MW ;

x la construction d’une centrale thermique d’une capacité de 216 MW dans la ville de Kribi sur le site de Mpolongwe, qui sera alimentée avec du gaz naturel provenant du champ gazier offshore de Sanaga Sud exploité par la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH).

D’autres projets de barrages hydroélectriques sont en préparation à : Song Mbenguè (950 MW), Nachtigal (330MW), Song Ndong (250-300 MW), Bini à Warack (75MW), Menchum (450 MW).

Le financement

D’après le directeur de la société de distribution de l’énergie électrique (ENEO), le secteur de l’électricité a besoin sur 10 ans des investissements de l’ordre de 3 700 milliards de FCFA. Le gouvernement a mis un accent particulier dans le secteur de l’électricité dans sa stratégie de croissance. Cette importance se traduit par la part importante que l’électricité occupe dans le budget du Ministère de l’eau et de l’énergie. Sur un budget total de 125 milliards 988 millions 554 mille francs CFA alloué au MINEE, l’offre et l’accès à l’énergie absorbent 77% (cf. graphique 4.12).

Graphique 4.12 Répartition du budget du MINEE en 2015

re dénergie

ccs lénergie

ccs leau potale et lassainissement

ouvernance et appui institutionnel

Source: Auteur à partir des données de la loi de finances de 2015

C — Les transports

Les infrastructures de transport englobent à la fois les routes, les chemins de fer, les ports et les aéroports. Mais compte tenu de la place centrale qu’elles occupent dans le transport des personnes et des marchandises au Cameroun, nous mettrons uniquement l’accent sur les infrastructures routières et ferroviaires(76).

Le transport routier

Le transport routier est le plus important de tous les modes de transport qui existent au Cameroun. Selon l’institut National de la Statistique, le secteur routier mobilise à lui tout seul près de 85% du transport national des passagers et des

(76) Dans le secteur des transports les objectifs du gouvernement camerounais en plus des projets en cours de réalisation (autoroute Yaoundé NSIMALEN, la construction des stades pour la CAN 2019, la fibre optique, la construction des barrages), sont entre autres :• la mise en œuvre d’un réseau ferroviaire allant de Douala à Kousséri, de Limbé à Kribi en passant par Douala, de Kribi à Mbalam en passant par Ebolowa, de Mini-martap à Ngaoundal, de Bélabo à la frontière de la République Centrafricaine, de Nkongsamba à Foumbot en passant par Bafoussam; • la construction et la mise en service d’un réseau autoroutier reliant les principaux pôles économiques (Douala, Yaoundé et Bafoussam); • la construction et la mise en service des ports en eau profonde de Limbé, ainsi que la mise aux standards internationaux des ports fluviaux de Douala et Garoua;• la construction des aéroports internationaux dans les principaux pôles économiques (Kribi, Limbé, Bafoussam), ainsi que la mise aux standards internationaux des aéroports de Douala, Yaoundé et Garoua; • la construction et la mise en service des aérodromes fonctionnels dans tous les chefs-lieux de région et les villes de plus de 200 000 habitants (BAD, 2015). 79

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marchandises. Malheureusement, sur les 475 442 Km2 de superficie que compte le pays, on ne dénombre que 50 000 Km de routes environ dont 24% seulement sont en bon état et 10% sont bitumés.

Les routes sont classées en quatre principales catégories : les routes nationales, les routes régionales, les routes départementales, et les routes rurales. Les routes nationales relient les chefs-lieux des régions à la Capitale politique Yaoundé, à la capitale économique Douala, et aux pays voisins ; les routes régionales relient à l’intérieur d’une région, les chefs-lieux de département à la capitale régionale ; les routes départementales relient à l’intérieur d’un département, les arrondissements au chef-lieu du département ; les routes rurales desservent les campagnes, les plantations et les zones industrielles locales.

Pour des raisons de rentabilité économique, un réseau routier prioritaire, représentant un peu plus de la moitié du réseau total, et canalisant près de 80% du trafic a été défini. Ce réseau prioritaire comprend l’ensemble des routes bitumées (5 000 Km), les routes en terre classées (11 601 Km) et certaines routes rurales (12 338 Km). Malheureusement ce réseau prioritaire est très mal entretenu. Les statistiques disponibles pour l’année 2007 révélaient que sur les 4 918 Km de routes bitumées que comptaient le pays, 42% étaient en très mauvais état, 37% dans un état médiocre, et seulement 21% peuvent être considérées comme étant en bon état. Sur les 11 601 Km de routes en terre non rurales, 16% étaient en très mauvais état, 63% sont dans un état médiocre, et 21% seulement en bon état. Sur les 12 338 km de routes rurales, 68% étaient en très mauvais état, 29% dans un état médiocre et seulement 3% en bon état.

La construction, la réhabilitation et l’entretien du domaine routier national demeure de la seule compétence de l’État. Les principaux intervenants sur le secteur routier sont les suivants :

x le Ministère des Marchés Publics (rattaché directement à la présidence de la république), procède et participe le cas échéant, au lancement des appels d’offre des marchés de construction, de réhabilitation et d’entretien du réseau routier ; à la passation des marchés et au contrôle de leur exécution sur le terrain ;

x le Ministère des Travaux Publics est responsable des travaux de construction, de réhabilitation et d’entretien des routes inter-urbaines ;

x le Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain, à travers les communautés urbaines, chargé de la construction et de l’entretien des routes urbaines.

x les communes chargées de l’entretien et de la construction des routes rurales.

Pour garantir les financements des programmes d’entretien, de réhabilitation et d’aménagement du réseau routier, il a été institué par la loi No. 96/07 du 08 avril 1996 un fonds Routier qui est un établissement public administratif. Le décret No 2005/239 du 24 juin 2005, modifié et complété par le décret No 2012/173 du 29 mars 2012 place le Fonds Routier sous la tutelle financière du Ministère des Finances et sous la tutelle technique du ministère des travaux publics (Fonds Routier, 2013). Les ressources destinées au financement du Fonds Routier sont logées dans un compte domicilié à la Banque Des États de l’Afrique Centrale (BEAC). En vue d’instaurer et de renforcer le dialogue entre les acteurs du secteur de la route (administrations publiques, secteur privé, société civile et usagers de la routes) il a été créé par décret No 2005/155 du 9 mai 2005, un Conseil National de la route (CONAROUTE).

Le transport ferroviaire

La construction des lignes de chemin de fer au Cameroun a débuté durant la période la colonisation allemande et s’est poursuivie pendant la tutelle franco-britannique. En 1947, la Régie Nationale des Chemins de fer du Cameroun (REGIFERCAM) a été créée. Lorsque le pays accède à l’indépendance en 1960, le réseau ferroviaire était long de 517 kilomètres et ne comprenait que deux lignes de chemins de fer : la ligne Douala-Yaoundé (Transcam I) longue de 262 Km, construite entre 1908 et 1927, et la ligne Douala-Nkongsamba (74 Km) construite entre 1906 et 1911. Pour mener les travaux d’extension et de rénovation du réseau, il sera créé un office du chemin de fer transcamerounais, les trains restant exploités par la REGIFERCAM. Le réseau va donc s’étendre avec la construction de la ligne Yaoundé-Ngaoundéré (Transcam II) longue de 620 Km entre 1964 et 1974, puis de la ligne Ouest entre Mbanga et Kumba (27 Km) après l’unification.

Depuis le 1er avril 1999, l’exploitation du réseau ferroviaire camerounais est assurée par le concessionnaire privé CAMRAIL, dont l’actionnaire principal est le groupe Bolloré Africa Logistics. La convention de concession signée en 1999 pour une durée de 30 ans concède à CAMRAIL, l’exploitation technique et commerciale des services de transport ferroviaire ; la 80

maintenance, le renouvellement, l’aménagement et l’exploitation des infrastructures ferroviaires ; et la gestion courante du domaine ferroviaire. Actuellement, CAMRAIL gère un réseau ferroviaire à voie unique d’environ 1000 Km à écartement métrique.

S’agissant du trafic, on note qu’outre le transport des passagers, le chemin de fer permet de transporter en moyenne 1,7 millions de tonnes de marchandises par an. Une bonne partie des marchandises transportées sont soit destinées à l’exportation, soit proviennent des importations. À cet effet, les terminaux de Bélabo et de Ngaoundéré permettent de desservir les pays voisins, notamment le Tchad, la RCA et le Congo.

Les performances actuelles du réseau ferré en matière de vitesse et de charge à l’essieu sont limitées puisque l’ensemble du réseau ferré camerounais n’est pas à écartement standard. Les trains de voyageurs actuels sont limités à 90 km/h et les trains de fret à 1 500 tonnes de charge utile circulant au mieux à 50 km/h. la fréquence maximale est de 11 trains par jour dans un sens sur le tronçon Douala-Yaoundé, et respectivement de 8 et 6 trains par jour sur les tronçons Yaoundé- Bélabo et Bélabo-Ngaoundéré. Le nombre de trains passagers par jour est de 3 trains pour Douala-Yaoundé, un train pour Yaoundé-Bélabo, et 2 trains sur Bélabo-Ngaoundéré.

La mise à l’écartement permettra d’améliorer sensiblement ces performances : pour des lignes à trafic mixte, les trains de voyageurs pourront rouler jusqu’à 220 km/h en toute sécurité et ceux de fret pourront charger jusqu’à 20 000 tonnes de minerais à 60 km/h ou 150 containers de 20’ à 140 km/h (MINTRANSPORT, 2010). Le gouvernement envisage également de dissocier la gestion des infrastructures ferroviaires des services d’exploitation qui, tant pour les services voyageurs que marchandises, seront assurés par plusieurs opérateurs privés exerçant leur activité dans un cadre régulé par la puissance publique.

Le financement

De toutes les administrations intervenant dans le secteur des infrastructures, c’est le ministère des travaux publics chargé de la construction et de l’entretien des routes interurbaines qui a l’enveloppe budgétaire la plus élevée. La loi de finances pour l’exercice 2015 indique que la dotation du MINTP s’est élevée à plus de 325 75 milliards de FCFA. Plus de 185 milliards de ce budget seront consacrés à la construction des routes et aux autres infrastructures, 106 milliards environ seront alloués à la maintenance des infrastructures routières et des autres infrastructures, 7 milliards iront aux études techniques d’infrastructures, et 25 milliards seront consacrés à la gouvernance et à l’appui institutionnel du sous-secteur des travaux publics.

Pour ce qui est des routes urbaines, elles sont prises en charge par le ministère de l’habitat et du développement urbain (MINHDU). Le budget de ce ministère pour l’année 2015 est de 103 226 millions de FCFA. Dans ce budget, 31 milliards environ seront consacrés au développement des infrastructures de transport urbain, la route demeurant le principal sinon le seul moyen de transport en milieu urbain au Cameroun.

D — Cas particulier des télécommunications

Après l’indépendance et au cours des années 1960, les télécommunications étaient un secteur suffisamment stratégique pour être logé au sein d’un seul ministère avec les Mines et les Transports. Jusqu’à la fin des années 1980, la Direction des Télécommunications assure à la fois les fonctions de réglementation et d’exploitation. Afin d’outiller le pays en personnels techniques spécialisés et aptes à être des interlocuteurs crédibles des partenaires étrangers, l’État crée en 1969 à Yaoundé, l’École Nationale Supérieure des Postes et Télécommunications (ENSPT) qui forme les techniciens supérieurs et les ingénieurs en télécommunications. En 1972, l’entreprise INTELCAM a été créée sous le régime de la société anonyme avec pour objectif prioritaire d’arrimer le Cameroun aux télécommunications internationales par satellite, matérialisant ainsi la séparation de la gestion des télécommunications internationales de celles domestiques qui restent dans le portefeuille de la Direction des Télécommunications. Trente-quatre centraux téléphoniques dans l’ensemble du pays sont mis sur pied et les réseaux de Douala et Yaoundé sont modernisés. Afin de renforcer ses moyens d’action, l’État va octroyer une autonomie financière au ministère des Postes et Télécommunications (MINPTT) par la loi N°87/021 du 17 décembre 1987 portant création du budget annexe des Postes et Télécommunications. 81

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Depuis 1990, l’État a entrepris plusieurs réformes dans le secteur des télécommunications à travers plusieurs lois.

La loi N°98/014 du 14 juillet 1998 portant réglementation des télécommunications au Cameroun, principale loi de ce secteur, encourage et favorise la participation du secteur privé, dans un environnement concurrentiel. Elle favorise la participation d’opérateurs de tailles et de potentialités différentes en prévoyant trois régimes juridiques, et notamment :

x la concession, consistant à confier la gestion d’un service public à un concessionnaire recruté contractuellement, agissant à ses risques et rémunéré par des perceptions prélevées sur les usagers. Grâce à cette concession, plusieurs firmes multinationales sont installées au Cameroun. Il s’agit notamment de MTN, Orange, Vodafone, Nextel...

x l’autorisation, procédure qui permet à l’administration après avoir examiné les activités que souhaite mener un opérateur, de les autoriser formellement pour une durée déterminée ;

x la déclaration, procédure imposant aux particuliers de prévenir l’administration de la naissance d’une activité.

Le décret N°98/198 du 08 septembre 1998 portant création de la Cameroon Telecommunications (CAMTEL) en fait la société publique en charge de mettre en place les infrastructures et les équipements adaptés aux télécommunications nationales et internationales, et de fournir tout service public de télécommunications au niveau national et international, en particulier les services de téléphone, de télex, de télégramme et de télécopie entre points fixes. CAMTEL est chargé d’assurer l’étude, l’installation, l’exploitation et l’entretien de tout système nécessaire à la fourniture des services de télécommunications sur l’ensemble du territoire national, ainsi qu’à la connexion des réseaux locaux ou nationaux aux réseaux étrangers.

L’État a aussi créé une agence de régulation des télécommunications (ART) qui est placée sous la tutelle de l’administration chargée des télécommunications. Elle est chargée de la régulation, du contrôle et du suivi des activités du secteur des télécommunications. Les huit membres du Conseil d’Administration sont nommés par le Président de la République et cinq de ces membres proviennent de l’administration centrale (Siyam, Kuaté et Daho, 2009).

Il apparait que la Corée du Sud a financé ses infrastructures par le secteur privé et par les recettes publiques. Le Cameroun finance ses infrastructures par l’endettement domestique et international. La Corée du Sud a mis plus de dix ans pour la maturation des projets dans le secteur des infrastructures et travaille avec des centres de recherche universitaires ; le Cameroun échoue dans la maturation des projets infrastructurels et travaille rarement avec des centres de recherche universitaires.

4.2.2 Les faits stylisés dans le secteur des télécommunications au Cameroun et en Corée du Sud

4.2.2.1 Accès à l’eau potable et aux sanitaires modernes

Depuis 1990, presque toutes les populations ont accès à l’eau potable et aux sanitaires modernes en Corée du Sud parce que les pouvois publics ont investi des ressources considérables pour des adductions d’eau potable. Il en est de même pour l’accès aux sanitaires modernes. Au Cameroun, les taux d’accès à l’eau potable et aux sanitaires modernes sont respectivement évalués à 70% et à 61% en 2012. La situation est dramatique en milieu rural avec des taux d’accès à l’eau potable et aux sanitaires qui gravitent respectivement autour de 45% et 27% (cf. graphique 4.13 et 4.14 ). 82

Graphique 4.13 Évolution des indicateurs d’accès à l’eau potable au Cameroun et en Corée du Sud

ccs l’eau potale en millieu rural en de la pop totale du mulien rural au Cameroun ccs l’eau potale en millieu urain en de la pop totale du mulien urain au Cameroun ccs l’eau potale en de la pop totale au Cameroun ccs l’eau potale en millieu rural en de la pop totale du mulien rural en Corée du Sud ccs l’eau potale en millieu urain en de la pop totale du mulien urain en Corée du Sud ccs l’eau potale en de la pop totale en Corée du Sud

Source: l’auteur à partir des données de la Banque Mondiale (2015)

Graphique 4.14 Évolution des indicateurs de l’accès aux sanitaires au Cameroun et en Corée du Sud

nstallations sanitaires améliorées au Cameroun de la population aant accs nstallations sanitaires améliorées au Cameroun de la population rurale aant accs nstallations sanitaires améliorées au Cameroun de la population uraine aant accs nstallations sanitaires améliorées de la Corée du Sud de la population aant accs

Source: l’auteur à partir des données de la Banque Mondiale (2015) 83

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La Politique de Développement dans la Pratique: Enseignements Tirés de l’expérience de Développement de la Corée du Sud

Les causes de ce déficit en eau potable sont multiples. La première est le changement climatique qui cause le tarissement des fleuves qui abritent les stations de pompage d’eau. La deuxième est la mauvaise restructuration de la société nationale d’eau du Cameroun qui n’a pas été bien menée. En effet, la gestion de l’étiage pendant la saison sèche ne préoccupe pas assez les responsables du secteur d’eau au Cameroun. Il faut aussi noter que les investissements ont été gelés à cause de la crise économique que le Cameroun a connue entre les années 1984 et 1995. Toutefois, dans le cadre de la mise en œuvre des projets structurants, le gouvernement a relancé des investissements dans ce secteur depuis l’année 2005 pour accroitre la production d’eau potable au Cameroun avec l’appui des bailleurs bilatéraux comme la France et la Chine. En outre, le gouvernement a avec l’appui des ONG internationales lancé un programme de construction des forages communautaires en milieu rural. Pour ce qui est des sanitaires, aucune politique publique n’est appliquée au Cameroun.

4.2.2.2 Accès à l’énergie

Depuis le début de la décennie 1990, tous les sud-coréens ont accès à l’électricité ce qui n’est pas le cas au Cameroun (Graphique 4.15).

Graphique 4.15 Évolution du taux d’accès à l’électricité au Cameroun et en Corée du Sud

ccs l’électricité en Corée du Sud de la population ccs l’électricité au Cameroun de la population ccs l’électricité au Cameroun de la population uraine ccs l’électricité au Cameroun de la population rurale

Source: Auteur à partir des données de Banque Mondiale (2017)

En 2014, le taux d’accès à l’électricité était évalué à 56,8% au Cameroun dans l’ensemble ; respectivement 86,5% et 22,1% en milieu urbain et en milieu rural. En 1991, les mêmes statistiques étaient estimées à 29% dans l’ensemble, 63 % en milieu urbain et 8,7% en milieu rural (graphique 4.15). Le taux d’accès à l’électricité reste donc faible en milieu rural, pour combler ce déficit gouvernement camerounais a créé, le 24 Décembre 1998, l’Agence d’Electrification Rurale (AER) qui est un établissement public administratif, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par le décret n° 99/193 du 08 Septembre 1999. En outre, à travers le Décret N° 2009/ 409 du 10 Décembre 2009, le gouvernement a créé le Fonds d’Energie Rurale qui est rattaché à AER. La mission de l’AER est de réaliser des enquêtes et des études qui doivent permettre de proposer des solutions techniques et économiquement applicables en milieu rural, dans le respect des standards et normes homologués ; d’élaborer des dossiers techniques en liaison avec les administrations concernées, pour le compte des communautés rurales. Mais, l’Agence d’Electrification Rurale semble moins efficace puisque le taux d’électrification en milieu rural n’a pratiquement pas évolué depuis sa création ; 21% en 2000 ; 14% en 2006 et 22,1% en 2014. De ce fait, le gouvernement a, en 2016, lancé le projet d’électrification du milieu rural phase II. Le coût du projet est estimé à un milliard de dollars et l’objectif est de porter le taux d’électrification à 98%. Dans la phase II, cinq régions sur 10 à savoir l’Adamoua, le Centre, le Nord l’ouest et le Sud sont concernées et à court terme, l’AER compte réaliser 60 000 branchements en milieu rural. 84

4.2.2.3 Accès aux TIC

La Corée du Sud est classée première en matière de développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) selon l’Union Internationale des télécommunications (ITU). Au Cameroun par contre, le taux d’accès aux TIC est encore faible (voir Graphique 4.16)

Graphique 4.16 Évolution du taux d’accès aux TIC au Cameroun et en Corée du Sud

onnements la téléponie ixe au Cameroun pour personnes Particuliers utilisant l’nternet au Cameroun de la population

onnements la téléponie moile au Cameroun pour personnes Particuliers utilisant l’nternet en Corée du Sud de la population

onnements la téléponie ixe en Corée du Sud pour personnes onnements la téléponie moile en Corée du Sud pour personnes

Source: Auteur à partir des données de Banque Mondiale (2017)

La Corée du Sud devance les 167 pays sur l’accès à Internet des ménages, les abonnements à Internet à haut débit par câble et les abonnements à Internet à haut débit mobile. En fait, l’usage du téléphone portable est universel en Corée du Sud depuis l’année 2008 alors que le taux d’utilisation du téléphone portable n’était 2% en 1996. Sur ces critères, la Corée du Sud devance la Suède, le Danemark, l’Islande, la Finlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Japon, le Royaume-Uni et la Suisse. Les États-Unis sont 15e et la France 18e seulement, entre la Nouvelle-Zélande et l’Autriche. Le taux d’accès à Internet a presque que la même évolution ; 1,6% en 1996 et 89,6% en 2015. Au Cameroun, le taux d’utilisation du téléphone portable et le taux d’accès à Internet sont respectivement passés de 0,28% et 0,005% en 1996 à 71,84% et 20,68% en 2015 (graphique 4.15). Le taux d’accès aux TIC reste donc faible au Cameroun malgré la création de l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC) par le décret n° 2012/180 du 10 avril 2012 dont les missions sont les suivantes :

x la promotion et le suivi de l’action des pouvoirs public en matière de Technologies de l’Information et de la Communication ;

x la régulation, le contrôle et le suivi des activités liées à la sécurité des systèmes d’information et des réseaux de communications électriques ainsi qu’à la certification électrique, en collaboration avec l’agence de régulation des télécommunications.

En outre, le gouvernement a décidé d’octroyer un ordinateur à chaque inscrit dans toutes les universités camerounaises au cours de l’année académique 2016/2017.

Le succès de la Corée du Sud en matière de TIC s’explique par une stratégie murie et mise en œuvre par le gouvernement depuis la fin de la décennie 2000. En fait, les TIC ont été l’un des principaux secteurs de la croissance 85

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La Politique de Développement dans la Pratique: Enseignements Tirés de l’expérience de Développement de la Corée du Sud

de l’économie coréenne pour en sortir. Pour cette raison, le gouvernement sud-coréen a lancé un programme d’infrastructures intitulé « Cyber-Korea 21 » en 1999. L’objectif du programme était d’accélérer le développement des TIC et relier les réseaux de l’ensemble des régions. De plus, des réductions d’impôt ont été accordées aux entreprises pour les inciter à investir. Les restrictions à l’investissement étranger ont également été supprimées. En 2000, il a mis en œuvre ce que l’on appelait le projet « Dix millions de personnes d’éducation à l’Internet », dont le but était de fournir une éducation sur Internet à dix millions de personnes. Ainsi, le gouvernement a joué un vrai rôle d’impulsion en misant sur les technologies pour assurer la croissance. Cette crise financière peut être considérée non comme un frein, mais au contraire comme une raison supplémentaire d’accroître les investissements dans les technologies de l’information et de la communication.

4.2.2.4 Les infrastructures de transport

En matière d’infrastructures de transport, la Corée du Sud est également nettement avancée par rapport au Cameroun (graphique 4.17).

Graphique 4.17 Évolution des voies ferrées au Cameroun et Corée du Sud

Cemins de er marcandises transportées au Cameroun millions de tonnesm Lignes erroviaires au Cameroun total des itinérairesm

Cemins de er passagers transportés au Cameroun millions de passagersm Lignes erroviaires en Corée du Sud total de l’itinérairem

Cemins de er marcandises transportées en Corée du Sud millions de tonnesm Cemins de er passagers transportés en Corée du Sud millions de passagersm

Source: Auteur à partir des données de Banque Mondiale (2017)

Pour le cas des infrastructures ferroviaires, la Corée du Sud dispose de plus 3140 km de voie ferrée depuis 1980. Au Cameroun, la voie ferrée est passée de 1143 en 1980 km à 976 km en 2015, soit une baisse de 14,61% en 25 ans. Au cours de la même période, le transport des passagers est passé de 244 millions de passagers en 1980 à 394 millions de passagers en 2015 au Cameroun, soit une hausse de 61,47% en 25 ans; et le transport des marchandises est passé de 578 millions de tonnes en 1980 à 1056 millions de tonnes en 2015, soit une hausse de 82,69% en 25 ans. En d’autres termes, les infrastructures ferroviaires diminuent au Cameroun alors que le besoin dans le domaine est plus pressent. En Corée du Sud par contre, le transport des marchandises est passé de 10549 en millions de tonnes en 1980 à 9479 millions de tonnes en 2015, soit une baisse de 11,28% en 25 ans; et le transport des passagers de 21640 millions de passagers en 1980 à 23450 millions de passagers en 2015, soit une hausse de 8,36% en 25 ans contre 82,69% au Cameroun. Ce qui veut dire que les sud-coréens s’intéressent de moins en moins au transport ferroviaire parce que d’autres infrastructures de transports concurrentes telles que les autoroutes, les ports et les aéroports ont suffisamment été développées. 86

Bilan des stratégies de production des biens et services sociaux en Corée du Sud et au Cameroun L’objectif de ce chapitre était de procéder à une étude comparative des stratégies de production des biens et services sociaux en Corée du Sud et au Cameroun afin de mieux comprendre les politiques qui sont à la base du succès de la Corée du Sud dans le domaine et expliquer le retard du Cameroun par rapport à ce pays. De ce fait, nous avons distingué deux catégories de services sociaux qui constituent la base du capital humain à savoir l’éducation et la santé. Nous avons par ailleurs distingué plusieurs types d’infrastructures à savoir, les infrastructures qui permettent d’accéder à certains biens et services sociaux tels que l’eau, l’énergie, les TIC et les sanitaires mais aussi les infrastructures de transport à savoir les routes et les chemins de fer. L’étude démontre que la Corée du Sud qui avait presque les mêmes indicateurs de développement que le Cameroun a nettement distancé le Cameroun dans la production des biens et services sociaux parce qu’elle s’est appuyée sur le secteur privé tout juste après les indépendances. Au Cameroun, la participation du secteur privé dans la production et le financement des biens et services sociaux est une réalité mais reste mal opérationnalisée. Le gouvernement devrait donc définir une stratégie qui permettra d’impliquer et de rendre le secteur privé plus opérationnel et efficace dans la production des biens et services sociaux. 87

AFRICAÉTUDE SUR LOOKING L’ÉCONOMIE EAST: DU CAMEROUN DevelopmentalLa Politique de State,Développement Economic dans Transformation, la Pratique: Enseignements andTirés the de Relevancel’expérience of deSouth Développement Korea's Experience de la Corée du Sud

Chapitre 5 ÉVOLUTION DES TRAJECTOIRES D’INDUSTRIALISATION AU CAMEROUN ET EN CORÉE DU SUD

5.1 Le modèle conceptuel d’analyse comparative entre le Cameroun et la Corée 90 du Sud

5.2 Les choix des secteurs socles de l’industrialisation 98

5.3 La formation du capital humain : une exigence incontournable de la stratégie 109 d’industrialisation

5.4 Le financement de l’industrialisation : une comparaison entre le Cameroun et 117 la Corée du Sud

5.5 Le management de l’environnement institutionnel : une comparaison des 125 modèles camerounais et coréen 88

Du latin trajectum et du grec trajicere qui veulent dirent traverser, la trajectoire est définie comme étant une ligne (visible/ invisible) décrite dans l’air ou dans l’espace par un corps en mouvement et particulièrement par son centre de gravité. C’est aussi la courbe suivie par un corps en mouvement par rapport à un repère. Rapporté à l’économie d’un pays et, plus spécifiquement à l’industrialisation d’un pays, le concept de trajectoire renvoie à la modification au cours du temps des politiques économiques, des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus par rapport à une date prise comme repère.

Cette définition permet de mettre en évidence l’objectif que poursuit ce chapitre, à savoir examiner l’évolution du processus d’industrialisation au Cameroun et en Corée du Sud puis en tirer les leçons importantes pour le développement industriel du Cameroun. Dans cette perspective, ce chapitre pose, à l’entame un problème de définition du repère temporel à partir duquel l’on devrait observer le mouvement des deux économies concernées.

Afin de résoudre cette difficulté il nous semble opportun de remonter dans l’histoire économique et politique de ces deux pays, de manière à identifier la période au cours de laquelle ces pays étaient semblables ou, à tout le moins, comparables. Cette rétrospective historico-économique permet d’identifier l’année 1960 comme étant la date repère. Au plan historique, c’est l’année à laquelle le Cameroun devient un Etat, véritable sujet de droit, du fait de l’obtention de son indépendance. Au plan économique, de nombreux indicateurs permettent de dire que le Cameroun et la Corée du Sud sont des économies comparables à cette date.

Ainsi que l’indique la figure 5.1, au début des années 1960, le PIB, les Investissements et la Valeur ajoutée manufacturière(77) sont comparables au Cameroun et en Corée du Sud. En termes simples, les indicateurs de ces pays sont marqués par des écarts de faible amplitude. De même, les exportations manufacturières(78) et les exportations vers les pays en développement(79) sont comparables et inférieur à 20%, même si la Corée du Sud semble un peu plus avancée que le Cameroun. Au plan humain, l’espérance de vie à la naissance est inférieure à 60 ans dans les deux pays.

La décennie 1960 peut donc être considérée comme un point de départ pertinent pour l’analyse des trajectoires respectives du Cameroun et de la Corée de Sud. A partir de ce moment, il est aisé d’adresser le second problème que pose ce chapitre, à savoir la définition d’un plan d’analyse. Dans cette perspective, il semble judicieux d’en référer à la définition du concept d’industrialisation.

(77) En dollar constant, base 2005 (78) En pourcentage des exportations totales (79) En pourcentage des exportations totales 89

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La Politique de Développement dans la Pratique: Enseignements Tirés de l’expérience de Développement de la Corée du Sud

Figure 5.1 Évolution des indicateurs économiques au Cameroun et en Corée du Sud (1960-1965)

Valeur ajoutée PIB Investissement manufacturière

E E ,E ,E E E ,E ,E E E ,E ,E

En constant de En constant de E E

E En Dollars constant de E

Exportations Exportations de marchandises Espérance de vie manufacturières vers les PVD à la naissance

omre dannes En exportations totales de marchandises des exportations totales de marchandises

ameroun ore du Sud

Source: Construction des Auteurs. Données du Indicateurs du développement dans le monde 2017

Globalement, l’industrialisation est le passage d’une économie à dominante agricole à une économie dominée par le secteur industriel. Plus précisément, l’industrialisation est un processus social et économique qui vise à accroître la rentabilité des moyens de production et d’échange en les faisant dépendre davantage des progrès techniques et scientifiques ainsi que de la hiérarchisation.

En tant que processus, l’industrialisation est faite d’étapes. Si la majorité des auteurs admettent l’importance de l’industrialisation, il n’en demeure pas moins que le modèle d’industrialisation le plus efficace est encore âprement discuté (Lee, 2016 ; Todaro & Smith, 2012 ; Perkins & al ; 2008). Théoriquement, l’on identifie généralement trois modes d’industrialisation, à savoir l’industrialisation par la substitution des importations (ISI), l’industrialisation par la promotion des industries industrialisantes (III) et l’industrialisation par la substitution des exportations (ISE).

Ce chapitre voudrait aller au-delà du simple choix d’un mode d’industrialisation qui, en réalité, s’apparente au choix des produits à promouvoir au plan industriel. Il s’agit plutôt de décomposer le processus d’industrialisation en des éléments plus simples dont la combinaison concourt à l’industrialisation, dans une perspective comparative. À cet effet, le modèle Coréen décrit par Lee& Lim (2016) nous semble pertinent dans la mesure où il met en évidence à la fois l’aspect institutionnel 90

(politique industrielle), l’aspect financier et technique (moyens) et l’aspect des résultats. Après avoir succinctement décrit ce modèle pris comme modèle conceptuel d’analyse (section 1), le processus d’industrialisation sera décomposé suivant les éléments de ce modèle, à savoir la planification de l’industrialisation (section 2), le choix des secteurs de spécialisation industrielle (section 3), la formation du capital humain (section 4), la constitution du capital financier (section 5) et le management de l’environnement institutionnel (section 6). La conclusion est consacrée aux leçons à tirer pour le Cameroun dans le cadre d’une démarche de transformation structurelle, telle que décrite dans le rapport ACET (2014).

5.1 Le modèle conceptuel d’analyse comparative entre le Cameroun et la Corée du Sud

Afin de tirer le meilleur parti de l’analyse comparative d’un processus, il est nécessaire de suivre une démarche rigoureuse bâtie à partir d’un modèle précis. Dans cette perspective, nous nous proposons d’adopter le modèle de rattrapage technologique et du marché de Lee & Lim (2016) (cf. Figure 5.2).

Figure 5.2 Modèle de Rattrapage technologique et du marché

Régime technologique luidit de la traectoire technoloiue ossiilit espre de Savoirs et ruence dinnovation dveloppement des produits ressources ccs une ase de disponiles savoirs externes

Stratégies Rsultats de la Stratie des entreprises Effort de RD RD et nouvelles Succès Rle du ouvernement connaissances

Source des avantages comparatifs Existence proales de ots Diffrenciation ressources sur le march vantae li linnovation

Source: Lee & Lim (2016 :171)

Le modèle de Lee & Lim (2016) s’appuie sur l’idée que le développement industriel d’une économie relève de plusieurs facteurs, notamment le régime technologique des différentes industries qui explique l’innovation dans les secteurs concernés ; les dotations en ressources (humaines, technologiques et financières) qui conditionnent leur disponibilité ; le management institutionnel à l’échelle de l’entreprise et de l’État qui, associé aux deux premiers éléments, explique l’effort de R&D fourni en vue du développement industriel ; l’effort de R&D déployé associé aux savoirs et aux ressources disponibles génère de nouvelles connaissances et le développement de nouveaux produits qui peuvent être exportés. Cette approche est générale dans la mesure où elle peut permettre de comprendre les causes de la différence de trajectoire entre les pays qui suivent un modèle de rattrapage industriel (catching up model), les pays qui suivent un modèle de saut industriel (leapfrogging model) et même les pays dont le décollage industriel tarde à arriver. 91

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La première étape d’une industrialisation réussie est la planification. Selon Mintzberg (1994), la planification est un procédé qui consiste à fixer des objectifs et à déterminer les actions qui permettent de les atteindre. En règle générale, la planification s’appuie sur une analyse du passé, sur la comptabilité des ressources disponibles et du besoin de ressources, sur une évaluation des compétences disponibles et des besoins en compétences, sur une appréciation de l’écart entre la situation actuelle et la situation à atteindre. Globalement, le processus de planification pourrait suivre le modèle de questionnement décrit au tableau 5.1 suivant.

Tableau 5.1 La méthode de planification QQOQCCPP(80)

Lettre Question Sous-questions Exemples

Responsable, acteur, sujet, Q Qui ? De qui ? Avec qui ? Pour qui ? cible…

Outil, objet, résultat, objectif, Quoi ? Avec quoi ? en relation avec Q Quoi ? moyens matériel, moyens quoi ? … humains, moyens financiers…

O Où ? Où ? passant par où ?allant où ?… Lieu, service…

Q Quand ? début, délai, durée … Dates, périodicité, durée…

De quelle façon ? Dans quelles Procédure, technique, C Comment ? conditions ? Par quel procédé ? actions,… Avec combien d’étapes ? …

Dans quelles mesures ? Quel prix ? Quelles quantités ? Cela coute C Combien ? Quantités, budget… combien ? quel nombre d’employés ? quel nombre d’écoles ? …

Pour quelle raison ? A partir de quel Justification par les causes qui P Pourquoi ? fondement (théorique, empirique) ? ont amené à… (la « raison » …. d’être, la croyance)

Justification par le souhait, P Pour (faire) quoi ? Motif, finalité, objectif l’ambition, la prévision…

Source: Construction des auteurs

Une fois que le plan est adopté, il faut s’assurer qu’il est effectivement mis en œuvre et de la bonne manière. À cet effet, certains auteurs font remarquer, et à juste titre, que des institutions pilotes sont nécessaires pour guider et coordonner le développement industriel (Gerschenkron, 1962 ; Lee, 2016). Leur rôle est de mettre en cohérence les différents éléments du processus d’industrialisation définis dans le plan (ressources nécessaires, mode de collecte ou de création de ces ressources, délais nécessaires pour chaque étape, secteurs ayant les externalités les plus importantes, ….) et de rationnaliser l’action des différentes parties prenantes. Après avoir discuté des grands traits de la planification coréenne puis de l’expérience de planification camerounaise, nous mettons en évidence les spécificités qui peuvent expliquer les différences de trajectoire entre ces deux pays.

(80) En anglais The Five Ws (and One H) 92

5.1.1 Les grands traits de l’expérience de planification coréenne

Jusqu’en 1961, la Corée applique une politique de substitution des importations (ISI). A partir de 1961, la Corée modifie son approche et opte pour une croissance tirée par l’industrialisation. Dans cette perspective, la croissance économique tournée vers les exportations et l’industrialisation sont des parties et des lots d’un agenda unique de développement (Mwangi wa Gĩthĩnji & Adesida, 2011). En l’espace de quelques années, la Corée a réussi à développer brillamment à la fois ses exportations et son industrie. Elle s’inscrit désormais parmi les plus grands fabricants et exportateurs de produits industriels à haute intensité technologique. En 1995, quatre de ses entreprises étaient classées parmi les 100 premières entreprises mondiales, à savoir DAEWOO - Électronique, 19è ; SSANGYONG – Holding diversifiée, 57è ; SUNKYONG - Pétrole, 60è ; SAMSUNG ELECTRONICS - Électronique, 61è. Ran Kim (1995) explique cette expansion fulgurante du secteur industriel, des exportations et de la croissance économique par une savante interaction entre l’action de l’État, des institutions de pilotage, de la dynamique du marché et les stratégies des différentes firmes.

L’histoire de la Corée montre que les institutions de pilotage et de planification du développement en général et de l’industrialisation, en particulier, ont été établies dans les années 1960 sous le régime du Président Park. Parmi ces institutions on peut citer le comité de planification économique chargé de faire les plans, le ministère du commerce et de l’industrie chargé d’accompagner la politique industrielle et d’exportations, le ministère des finances en charge du financement des plans économiques. A ces institutions, il faut ajouter le rôle de l’État dit État développementiste, c’est- à-dire un État qui a fait du développement son objectif primaire et ultime. Pour reprendre les termes de Mins (2001) le gouvernement coréen était obsédé par le développement.

Le gouvernement coréen a utilisé à la fois l’agressive promotion des exportations et la protection classique du marché intérieur (Ngoa Tabi, 1996 ; Mwangi wa Gĩthĩnji et Adesida, 2011). En effet, avant la révolution industrielle, la Corée était protégée de la concurrence surtout en raison de la faiblesse des moyens de transport et de communication qui induisait une faible vitesse de dissémination des innovations technologiques. À la suite de la révolution industrielle, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures afin de résister voire de répondre à la concurrence. Il s’agit du renforcement de l’éducation technique et scientifique, de la protection des jeunes industries, de l’importation des travailleurs qualifiés pour assurer le transfert technologique, de la lutte contre la fuite des cerveaux par la restriction des mouvements des résidents hautement qualifiés et même de l’espionnage industriel (Ha‐Joon Chang, 2003).

Les principales interventions de l’État dans le secteur industriel peuvent être regroupées en cinq grandes catégories (cf. figure 5.3), à savoir (i) la provision d’une main-d’œuvre qualifiée ; (ii) la création d’un environnement propice à la recherche développement et à l’innovation ; (iii) la mise en place d’incitations à l’adoption et à l’utilisation des innovations ; (iv) la provision des facilités de financement pour les industries ; (v) la gestion des personnes formées à l’étranger aussi bien que des personnes formées au pays (Lee & Lee, 2016).

Figure 5.3 Les cinq apports de l’État au développement industriel

une main-doeuvre qualifiée + un environnement favorable linnovation

un climat incitatif linvestissement+ et ladoption des innovations Croissance par les exportations et l'industrialisation un environnement et des partenaires+ extérieurs favorables + la gestion des citoens formés létranger

Source: Construction des auteurs 93

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La Politique de Développement dans la Pratique: Enseignements Tirés de l’expérience de Développement de la Corée du Sud

En ce qui concerne le premier élément du rôle de l’État, les stratégies mises en œuvre par le gouvernement dans le secteur de l’éducation se sont avérées efficaces. Aujourd’hui, la Corée dispose du taux le plus élevé au monde de personnes ayant un niveau d’études supérieur et concentrés dans le secteur technologique.

En ce qui concerne la promotion d’un environnement incitatif à l’innovation et à la recherche, l’État a eu un rôle déterminant pour trois raisons au moins. Premièrement, l’État a créé des instituts de recherches industrielles auxquels il a assuré une large liberté de recherche scientifique. Deuxièmement, l’État a centralisé les arrangements relatifs à l’information sur les nouvelles technologies. L’objectif était de faciliter l’accès des petites entreprises à l’information technologique à moindre coûts. Troisièmement, l’État a encouragé la coopération technologique des entreprises au moyen de primes lorsque plusieurs entreprises soumettent un projet commun. La coopération a l’avantage d’accroître la vitesse de recherche tout en diminuant les coûts y relatifs.

Si les résultats des recherches ne sont pas utilisés et que les nouvelles techniques ne sont pas adoptées, il devient difficile de parler d’industrialisation (Kim & Nelson, 2000). De ce fait, l’État a poursuivi ses actions dans le sens d’inciter les entreprises à utiliser le fruit de la recherche et les innovations. Pour cela, l’État s’est assuré de réduire les risques auxquels l’utilisation de nouvelles techniques expose les entreprises. Il s’est aussi assuré de fournir la main-d’œuvre appropriée pour l’utilisation des innovations.

Pour illustrer cela, Ha Joon Chang (2007) prend l’exemple de SAMSUNG qui, pendant au moins deux décennies n’a réalisé aucun bénéfice et devait sa survie aux subventions de l’État. L’État a aussi développé plusieurs modes alternatifs de financement pour les entreprises, parmi lesquels les banques de développement industriel, les emprunts subventionnés et le partenariat public-privé. L’État a fourni les infrastructures nécessaires à l’utilisation des nouvelles techniques dans les entreprises et à l’attrait des investisseurs.

L’État s’est donné pour rôle de trouver des partenaires étrangers favorables à son projet de développement. Il a aussi bénéficié d’un climat des affaires extérieur favorable. Par exemple, les États-Unis ont accepté de localiser certaines de leurs opérations à forte valeur ajoutée en Corée et de faciliter l’accès des produits coréens à leur marché. Ils ont aussi accordé une aide financière substantielle à la Corée. À ce sujet, Mwangi wa Gĩthĩnji & Adesida (2011) font remarquer qu’en 2003, le montant accordé à la Corée à titre d’aide économique (6 milliards) était équivalent au montant accordé à l’Afrique toute entière. Globalement, en 2003, les États-Unis ont accordé 13 milliards de dollars à la Corée à titre d’aide militaire, économique et d’investissement en infrastructures.

Enfin, en ce qui concerne la gestion des personnes qualifiées, formées à l’étranger ou sur le territoire, l’État a mis en œuvre deux politiques complémentaires. La première consiste à empêcher la fuite des cerveaux en incitant les personnes formées ailleurs à rentrer. La deuxième consiste à empêcher les personnes formées sur le territoire de s’en aller. Pour atteindre ces deux objectifs, l’État a créé des institutions de recherche et développement. Il a entrepris des réformes institutionnelles et légales visant à assainir et à réglementer le cadre de travail des chercheurs. Il a distribué des gratifications particulières aux Coréens qui acceptent de rentrer.

Il est évident que l’État s’est profondément impliqué dans le développement industriel du pays (Song 2003; Kohli 2004 ; Lee, 2016). Mais tout le succès ne devrait pas lui être attribué, d’autant plus qu’il a été aidé en cela par des partenaires extérieurs favorables tels que les États-Unis ou que d’autres facteurs historiques, géopolitiques, … ont joué le rôle de catalyseur ou d’amplificateur (Minns, 2001 ; List-Jensen, 2008). D’autres auteurs, sans nier la pertinence des arguments développés ici, estiment qu’il serait erroné de surévaluer l’effet de la cohérence et du contrôle de l’État. Pour ces derniers, le rôle de l’État est de guider et de définir les étapes du développement des industries tandis que le rôle des industries est de travailler dur pour continuer de mériter les financements de l’État. De ce fait, l’État doit jouer le rôle de visionnaire pour choisir adéquatement les secteurs dans lesquels il est indiqué de financer les entreprises. C’est donc l’efficacité de l’État dans sa position prospective qui peut expliquer l’impressionnant développement des industries en Corée (Shin & Ciccantell, 2009). 94

5.1.2 Les grands traits de l’expérience de planification camerounaise

Au Cameroun, au cours de la même période, l’on observe la création d’un grand nombre d’entreprises publiques, d’agences publiques et de caisses de stabilisation des prix (marketing board), voire l’extension de ces structures sur tous les secteurs de l’économie. Dès les années 1960, le Cameroun opte pour une planification dite «indicative» ou encore souple. La planification indicative s’articule autour de trois points :

x Élaborer les grands objectifs de l’économie ;

x Confronter les projets et les plans des différentes branches de l’économie ;

x Assurer la cohérence de ces projets et de ces plans.

L’expérience de la planification au Cameroun porte sur six plans quinquennaux : 1960-1965 ; 1966-1971 ; 1971-1976 ; 1976-1981 ; 1981-1986 ; 1986-1991(81).Les principaux objectifs en lien avec le développement et l’industrialisation contenus dans les plans quinquennaux sont synthétisés dans l’encadré ci-après (cf. encadré 5.1). Touna Mama (2008) résume l’ancrage doctrinal de chacun de ces plans. Il ressort de son ouvrage que de 1960 à 1982 (quatre premiers plans), l’idéologie du développement est celle du libéralisme planifié. Suivant cette idéologie l’initiative privée est le moteur du développement et l’État a un rôle de mobilisation, de coordination et d’orientation des efforts de développement. L’idéologie du cinquième plan quinquennal est le reflet du changement intervenu au sommet de l’État. On passe du libéralisme planifié (1981-1982) au libéralisme communautaire qui privilégie la justice sociale, la moralisation des comportements et la rigueur dans la gestion des affaires publiques. Toutefois, le secteur privé est toujours perçu comme étant le moteur du développement et le rôle de l’État reste inchangé (mobilisation, coordination, orientation). À partir de 1986 commence l’ère de l’ultralibéralisme avec les programmes d’ajustement structurels et l’exaltation du marché (1988-2003 - six plans). Le rôle de l’État devient minimaliste.

Selon Touna-Mama (2008), si le premier plan peut être considéré comme un échec, le second plan par contre se révèle être une « réussite ». En effet, le taux de réalisation de ce second plan est de l’ordre de 82 %.

Les résultats du troisième plan sont par contre mitigés, du fait de la baisse des financements publics, de la hausse généralisée des prix des biens d’équipement et de l’inflation. En effet, les taux de réalisation fluctuent de 40 % à 205 % dans le secteur agricole – de production vivrière et d’exportation –, s’élèvent à 69 % dans le secteur de l’élevage, à 55 % dans celui de la pêche, à 41,2 % dans le secteur de l’industrie.

(81) Cf. pour de plus amples détails Touna-Mama (2008). 95

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Encadré 5.1 Les principaux objectifs des plans quinquennaux

1er plan x le doublement du revenu national par habitant (à savoir un taux de progression de 4,6 % par an), mais plus généralement :

x la mise en place des structures économiques et sociales ;

x l’extension du système coopératif ;

x la création de communautés villageoises ;

x la réduction des disparités régionales.

2ème plan x doublement du revenu par habitant en vingt ans ;

x réduction des disparités régionales ;

x modifications des structures en vue de passer des structures économiques agricoles aux structures industrialisées ;

x la mise en œuvre de la réforme foncière ;

x la création d’un ministère de l’agriculture.

3ème plan x les investissements consacrés à l’industrie, à l’énergie et aux mines ;

x les investissements d’infrastructures.

4ème plan x la réalisation effective de l’unité nationale et du développement autocentré ;

x un taux de croissance du PIB par habitant de 5% par an.

5ème plan x la réalisation d’un développement endogène ;

x la santé, l’eau potable et l’électricité pour tous en l’an 2000 ;

x l’enseignement primaire gratuit et obligatoire pour tous les enfants de moins de 14 ans ;

x le développement de l’enseignement technique et l’institutionnalisation de la formation continue ;

x la diversification de l’appareil de production ;

x une amélioration du niveau de revenu d’au moins 4% par an et par habitant.

6ème plan x le développement auto-entretenu et équilibré ;

x la démocratisation et la justice sociale ;

x l’intégration nationale.

Source: Touna-Mama (2008). 96

Les résultats du quatrième plan sont encore plus mitigés, voire désastreux. Car aucun objectif de production agricole n’est atteint. Le taux de réalisation du secteur secondaire est tout de même de 69 %. Les résultats du secteur tertiaire enregistrent également une tendance à la baisse. Cela peut être illustré par la part de ce secteur dans le PIB qui passe de 44 % en 1974-75 à 41,3 % en 1979-80.

Les résultats du cinquième plan quinquennal se traduisent par une hausse substantielle du poids du secteur secondaire sur le PIB, qui passe de 19 % en 1978-79 à 34,6 % en 1983-84, au détriment du secteur primaire (22 %) et du secteur tertiaire (30 %).

Le sixième plan n’est pas mis en œuvre du fait de la crise économique qui sévit depuis 1986. Les préoccupations de moyen et long terme sont mises sous le boisseau au profit de celles de court terme avec la mise en œuvre des politiques d’ajustement structurel dont les résultats sont connus (Banque mondiale, 1994). De même, la mise en œuvre d’un « plan directeur d’industrialisation », développé avec l’appui de l’ONUDI(82) et le PNUD(83) en 1989 afin de faire face à la désintégration du tissu industriel camerounais, et dont l’objectif était de favoriser la mise en place d’une structure industrielle résolument orientée vers l’exportation, en mettant l’accent sur la transformation locale de la production agricole, s’est aussi révélé un échec (cf. Encadré 5.2).

Encadré 5.2 Le Plan Directeur d’Industrialisation, 1989

L’objet du plan directeur d’industrialisation est de favoriser la mise en place d’une structure industrielle résolument orientée vers l’exportation, la politique de substitution aux importations ayant échoué.

1. Le cadre institutionnel du PDI

Dans le but de coordonner les travaux qui lui sont assignés et mener à bien leur réalisation, un comité national de gestion du PDI a été créé. Le décret n°90/1429 portant création d’un Comité National de Gestion du plan directeur d’industrialisation du Cameroun définit les attributions du dit comité, à savoir :

x la définition des programmes sectoriels d’exploitation de ces ressources assortis de plannings de mise en œuvre des différentes phases desdits programmes :

x la délimitation des champs de compétences des administrations et organismes impliqués dans la réalisation de programmes sectoriels ;

x la coordination et le suivi de la mise en œuvre effective de ces programmes ;

x la définition des plannings de mise à disposition des ressources connexes nécessaires à la bonne exécution des projets retenus (formation, infrastructures, énergie,…).

En outre, le comité peut décider de la création des Groupes Stratégiques (GS), chargés :

x de mener des études spécifiques sur la valorisation des ressources naturelles ;

x d’élaborer et/ou d’examiner et de soumettre à l’appréciation du comité, les séquences des programmes de valorisation des ressources naturelles en dégageant les actions concrètes, de mise en œuvre, parmi lesquelles la recherche de financement et leur planning de réalisation ;

x de suivre sur le plan technique, l’exécution sur le terrain des projets retenus.

Mais au préalable, ces projets sont conçus et réalisés selon un canevas de critères précis et surtout selon un certain nombre d’objectifs à atteindre.

(82) Organisation des Nations-Unies pour le Développement Industriel (83) Programme des Nations Unies pour le Développement 97

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Encadré 5.2 Le Plan Directeur d’Industrialisation, 1989 (Cont.)

2. Les objectifs du PDI

D’après le ministère du développement industriel et commercial, l’appareil industriel camerounais « est un appareil industriel qui souffre d’une grave pénurie de communication, et de connaissances scientifiques pouvant aboutir à la réalisation de projets nouveaux ».

En outre, l’industrialisation du Cameroun a consisté, au cours des trois dernières décennies en une juxtaposition d’unités de caractère extraverti, entretenant peu de relations interindustrielles. Aussi le PDI vise-t-il à réorienter l’activité industrielle du Cameroun, en privilégiant l’exploitation optimale des matières premières locales, le développement et l’intégration de l’infrastructure industrielle, la promotion des PME/PMI et enfin, à créer un tissu industriel compétitif à l’exportation.

Pour ce faire, la stratégie industrielle du PDI repose sur une politique de filières, caractérisées par des secteurs industriels identifiés tels que : l’agro-industrie, le textile, le bois, le pétrole, le gaz, les industries chimiques,les industries de produits pharmaceutiques, la sidérurgie, l’aluminium, les industries métalliques, mécaniques, électriques, électroniques et de maintenance, les industries de matériaux de construction et d’emballage.

Concrètement, le PDI est conçu comme un ensemble de plans sectoriels assortis d’une série de mesures d’accompagnement destinées à soutenir les opérateurs économiques. Mais compte tenu de certaines priorités, l’action de mise en œuvre du PDI s’oriente vers les objectifs suivants :

x sauvegarde et consolidation de l’autosuffisance alimentaire,

x intégration de la filière textile et dynamisation du secteur informel,

x orientation de l’industrie du bois,

x mise en place des industries de maintenance.

En outre, en collaboration avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ainsi que des investisseurs institutionnels nationaux et internationaux, il est question d’orienter les efforts de coopération vers un développement progressif de l’industrie lourde, à savoir : l’aluminium, la sidérurgie, le gaz, le pétrole, entre autres industries retenues par le PDI.

Source: Construction des auteurs

Le plan directeur d’industrialisation a été une tentative de systématisation de l’industrie au Cameroun. Cependant, les projets retenus restent marqués par la structure de l’industrie camerounaise. L’aluminium, le gaz et le pétrole en sont les éléments prééminents. Aussi, pour assurer la réussite de cette politique d’industrialisation, il est prôné une politique cohérente des prix qui orientera plus efficacement l’emploi des ressources disponibles dans les domaines où le Cameroun jouit d’un avantage comparatif évident.

En tout état de cause, les recommandations du PDI sont encore, pour la plupart, d’actualité. Dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et des forêts, les PME/PMI peuvent notamment se développer dans les filières suivantes : élevage et pêche, céréales et féculents, fruits et légumes, bières et malteries, boissons stimulantes et café, tabac, provenderies, équipements frigorifiques etc. (CIESP, 2006).

C’est de fait à la suite de ce constat que les autorités camerounaises ont décidé de rompre avec une politique de développement dont les principales sources d’accumulation sont basées sur les produits de rente pour se lancer dans une politique tous azimuts de la transformation structurelle de l’économie, afin de devenir un pays à revenu intermédiaire au cours de cette génération, en cohérence d’ailleurs avec les objectifs du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE). Élaboré en 2009, le DSCE est bâti sur sept (07) stratégies sectorielles parmi lesquelles l’industrialisation. Toutefois, en raison de son fondement théorique(84) (Ngoa Tabi et al, 2017), le DSCE se heurte à trois problèmes fondamentaux, à

(84) Idéologie d’un développement équilibré de tous les secteurs encore appelé big push theory 98

savoir des problèmes de coordination, les problèmes de limitation des ressources et l’absence de réalisme.

5.1.3 Les gaps de planification industrielle entre le Cameroun et la Corée du Sud

L’ensemble des développements précédents met en évidence plusieurs différences entre les expériences camerounaise et coréenne. En effet, s’il est indéniable que les deux économies ont procédé à l’élaboration des plans d’industrialisation, il est tout aussi incontestable que les résultats obtenus ont été très différents. Pour preuve, entre 1960 et aujourd’hui, l’écart entre ces deux pays s’est considérablement creusé en termes de positionnement dans les exportations de biens manufacturés. Au Cameroun, toutes les tentatives de planification se sont soldées par un échec, à l’exception du second plan. Par contre, en Corée, la planification de l’industrialisation s’est soldée par une éclosion du secteur industriel et un rattrapage rapide des grands pays industriels.

Une autre différence plus fondamentale est liée au rôle joué par l’État et surtout, par la cohérence des interventions de l’État. À ce sujet, l’État développementaliste coréen s’est impliqué dans l’orientation du développement, dans la prospection des niches de développement actuelles et à venir ainsi que dans la coordination du développement. Selon les termes de Lee & Lee (2016) l’État participait même dans les décisions et le management des entreprises presque comme un partenaire en affaires. Cette approche qualifiée de quasi-organisation interne avait pour objectif de s’assurer que les décisions des entreprises (choix des investissements, activités de production, utilisation des fruits de la recherche, …) concourent au développement industriel et économique à l’échelle macroéconomique. Au Cameroun, par contre, l’État ne brille pas par un degré d’interventionnisme aussi élevé. Les entreprises publiques se révèlent alors être de véritables gouffres financiers, en raison d’une gestion bureaucratique et d’interférences de politiques, absorbant ainsi en moyenne 2% du PIB par an en subventions. Les entreprises publiques seront d’ailleurs en partie responsables des faillites bancaires des années 1990.

Notons aussi l’absence d’une imbrication cohérente de l’ensemble des éléments du plan au Cameroun. Par exemple la main-d’œuvre industrielle interne est faible et généralement peu qualifiée. L’on en veut pour preuve que l’essentiel des personnes scolarisées s’orientent vers l’enseignement général et l’administration, alors même que le pays poursuit un objectif de diversification et d’industrialisation. Par contre, en Corée, la main-d’œuvre permettant d’atteindre l’objectif d’industrialisation a été trouvée à l’intérieur du pays, formée à l’intérieur et à l’extérieur du pays et rapatriée au moyen de mesures incitatives et d’accompagnement. De plus, la fusion entre recherche et entreprise a été assurée afin que les innovations soient utilisées par les entreprises locales.

Ce premier élément d’analyse comparative souligne à suffisance quelques-uns des éléments permettant d’expliquer que la planification puisse donner des résultats différents dans deux économies qui étaient semblables à la date repère. Il s’agit notamment du choix des socles de l’industrialisation, du management du capital humain, de la gestion du financement, de la coordination et de l’évaluation du plan et du rôle important de l’État pour impulser l’effectivité du plan.

5.2 Les choix des secteurs socles de l’industrialisation

C’est le premier élément d’une stratégie d’industrialisation (Lee, 2016). La question d’intérêt est celle de savoir comment identifier les secteurs industriels potentiellement porteurs dans lesquels se fera l’impulsion, surtout lorsque l’on est un late comer (dernier arrivé) sur le marché de l’industrialisation. Lee (2016) affirme, dans cette perspective, que le développement des capacités ne se fait pas dans le vague et que le choix des secteurs est important surtout dans le paradigme du développement déséquilibré.

5.2.1 La spécialisation industrielle : une brève analyse théorique

Au plan théorique, plusieurs réponses ont été apportées à la question de savoir quelle spécialisation industrielle. Pour Lin (2012) les pays les moins avancés (PMA) devraient se spécialiser dans les secteurs où ils jouissent d’un avantage 99

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comparatif déterminé par leur dotation en facteurs de production. Quant aux pays à revenu intermédiaire, leur spécialisation industrielle devrait s’appuyer soit sur les secteurs où la productivité du travail est la plus importante, soit sur les secteurs où il existe des avantages comparatifs dynamiques c’est-à-dire des industries avec un avantage comparatif latent ou alors des industries matures en provenance des pays avancés. Greenwal & Stiglitz (2014) suggèrent de choisir des secteurs où il existe des possibilités d’apprentissage importantes. Pour Hausmann, Hwang et Rodrik (2007) la sophistication des produits est un facteur important de spécialisation. Lee (2016 :49) propose de s’appuyer sur le cycle temporel technologique c’est-à-dire la vitesse à laquelle la technologie change ou devient obsolète, induisant ainsi l’émergence plus rapide de nouvelles technologies. Sa théorie est simple et s’appuie sur une comparaison des besoins pour une spécialisation dans une industrie avec un cycle technologique long comparativement à une spécialisation dans un secteur avec un cycle technologique court. Une industrie avec un cycle technologique long (médecine, pharmacie, machines, …) est caractérisé par une plus grande importance des savoirs centenaires. En revanche, une industrie avec un cycle technologique court (information, télécommunication, …) s’appuie sur un savoir changeant avec de faibles pertes pour les pays. Ce type d’industries présente au moins trois avantages, à savoir un faible appui sur les technologies existantes et partant des coûts d’apprentissage faibles ; de nouvelles opportunités d’expansion ; une plus grande profitabilité et la compétitivité.

Ces développements théoriques étant faits, Lee (2013 : chap. 4) démontre qu’il n’existe aucun lien entre l’indicateur d’opportunité technologique et le décollage coréen. Par ailleurs, Lee & Kim (2016) notent que le rattrapage industriel dans le secteur des biens d’équipement (machines) est différent du rattrapage industriel dans les biens de consommation. Cela est dû au fait que les biens d’équipement s’adressent à d’autres entreprises, sont souvent de faible qualité et les entreprises peuvent être sujettes à des actions judiciaires liées aux droits de propriété. Ces remarques induisent la nécessité d’analyser brièvement le choix des secteurs d’industrialisation en Corée.

5.2.2 Le choix des secteurs d’industrialisation en Corée du Sud

Dans le contexte coréen, l’efficacité de l’État ne réside pas uniquement dans les différents concours qu’elle apporte aux industries, mais plutôt dans l’identification et le soutien des industries génératrices, notamment la sidérurgie et l’industrie navale (Shin & Ciccantell, 2009). Le développement de ces deux industries est à l’origine de la configuration institutionnelle et commerciale de la Corée. En effet, dès les années 1970, le gouvernement coréen a fait des investissements importants dans l’industrie lourde et l’industrie chimique. Le résultat est qu’en 2003; la Corée est le 6è producteur mondial d’automobiles ; le 5è producteur mondial d’acier, le 3è producteur mondial de matériel électronique et le 1er producteur mondial dans l’industrie navale (Shin & Ciccantell, 2009). Ce succès est attribuable en partie à l’État et en partie aux industries elles- mêmes.

Shin & Ciccantell (2009) appuient leur démonstration sur la nature des industries choisies comme levier de croissance. En effet, le processus mis en œuvre par l’État coréen ne pouvait donner des fruits que s’il y a des effets d’entraînement sur d’autres secteurs. Autrement dit, l’industrie bénéficiaire des subsides de l’État est à même de générer l’apparition d’autres industries en amont et en aval. On parle alors d’une industrie génératrice.

En ce qui concerne la Sidérurgie, la Pohang Iron and Steel Company (POSCO) a été créée en 1968 et a bénéficié dès cet instant d’un soutien financier de l’État. Les petites aciéries ne recevaient, en revanche, aucun financement de l’État. Dès 1980, la sidérurgie coréenne devient le catalyseur d’autres industries telles que l’industrie automobile, l’industrie navale, la fabrication des conteneurs, les chemins de fer, la construction et les appareils (Hogan 2001; Shin & Yoo 2004). Dans le même temps, la demande de ces secteurs est un moteur pour la production d’acier en Corée. Shin & Ciccantell (2009) montrent alors qu’une partie des réalisations attribuées à l’État sont en réalité des initiatives de POSCO, quoiqu’avec un total soutien de l’État.

Par exemple, dans l’intention de réduire ses coûts de production, POSCO a affecté une part substantielle de son capital et de ses ressources humaines aux activités de R&D en mettant sur pied deux institutions de recherche, notamment la Pohang University of Science and Technology (POSTECH) en 1986 et l’Institut de Recherche en Sciences Industrielles et Technologiques (RIST) en 1987. POSTECH avait pour vocation de conduire des recherches scientifiques de base tandis que RIST était dédié au développement de technologies appliquées dont bénéficiait POSCO.

Un autre exemple c’est la construction de deux ports en eaux profondes à Young II Bay et à Kwzngyang Bay. Même la recherche des partenaires extérieurs a été l’initiative de POSCO qui a formé plusieurs partenariats, notamment Miller Pohang Company (en 1981) avec la Mount Thorley Coal Mine Project en Australie ; POSCAN (en 1993) avec Greenhills 100

Coal Mine Project au Canada et KOBRASCO (en 1996) avec un partenaire brésilien (Shin & Ciccantell, 2009).

In fine, s’il est indéniable que POSCO ait bénéficié des supports financiers de l’État dont d’autres entreprises n’ont pas été récipiendaires, il est tout aussi incontestable que ce secteur est un secteur générateur au-delà même du secteur industriel.

En ce qui concerne l’industrie navale, lorsque la Hyundai Heavy Industry commence ses activités dans les années 1970, le marché est caractérisé par un excès de capacité productive et une concurrence ardue sur les prix. Ce sont alors la diversification des produits, le soutien de l’État et l’appartenance au grand groupe Hyundai qui expliquent la survie et la croissance de cette entreprise industrielle. En tant qu’industrie génératrice, elle fournit tout le matériel maritime pour le transport des personnes et des marchandises y compris le gaz et le pétrole, l’équipement maritime militaire, etc.

Au-delà de la fabrication du matériel de navigation maritime, la Hyundai Heavy Industry a construit en 1973 le plus grand port au monde à Ulsan Bay. Elle a été suivie en cela par SAMSUNG en 1979 et DAEWOO en 1981. Le nombre de personnes affectées à la recherche dans ce domaine s’est accru de 1 331 en 1996 à 2 360 en 2004. Le succès des entreprises d’industrie navale de Corée s’explique par trois facteurs, à savoir l’environnement réglementaire international, le développement de l’économie chinoise qui a entraîné un accroissement du commerce maritime et le développement des autres pays asiatiques qui a induit un accroissement de la demande de pétrole et de gaz naturel.

En somme, l’État a eu un rôle déterminant pour la survie de cette entreprise pendant les périodes difficiles. Il a été aidé en cela par les partenaires européens qui ont accordé à la Hyundai Heavy Industry des contrats de construction de ports (Amsden 1989 : 276-77). Par ailleurs, c’est une entreprises génératrice d’autres entreprises ce qui lui permet une expansion soutenue.

À côté de ces exemples, il est important de souligner l’existence des programmes d’industrialisation rurale en République de Corée (voir tableau 5.2). Les résultats de ces programmes d’industrialisation rurale restent mitigés. En effet, si le nombre de firmes rurales a doublé au cours de la décennie 1980, la part relative des industries rurales n’a cessé de diminuer. Cela traduit une polarisation du développement dans la zone urbaine (Douglass, 2013 ; Chong-Hyuk & Hyong-Mo, 2013). En 2011, l’on décomptait 386 zones industrielles rurales construites depuis 1984. Les programmes d’industrialisation ont favorisé la relocation des industries de la zone urbaine à la zone rurale. Mais ce résultat doit être nuancé puisqu’il ne concerne que les zones rurales situées à proximité des grandes villes. Plusieurs autres raisons sont avancées pour expliquer le succès partiel de ces initiatives, notamment l’absence d’incitation à investir dans ce secteur d’activité en raison de l’acception générale péjorative du statut d’entrepreneur, de l’importance des taxes liées à la promotion de nouveaux produits, des conditions économiques initiales inappropriées, de l’absence d’infrastructures liées à une mauvaise orientation de la politique gouvernementale(85), etc.

(85) Au lieu de mettre l’accent sur les conditions d’installation des entreprises (industrialisation des zones rurales), le gouvernement a financé les entreprises rurales (industrialisation en zone rurale). 101

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Tableau 5.2 Les programmes d’industrialisation rurale en Corée

But et principales Conditions Période Programme activités économiques

Étape initiale de x Programme x Réduction de la pauvreté rurale Trois premiers plans l’industrialisation Entrepreneurial pour quinquennaux du x Approche individuelle rurale les Ménages Agricoles développement (1967-1971) (FHSP) x Promotion des industries économique rurales x Établissement des Baisse de la force de firmes de transformation x Promotion de l’agriculture travail agricole agricole exportable

Promotion des x Programme de Approche un canton-une usine Taux de croissance usines Saemaul Promotion des Usines économique élevé (1972-1983) Saemaul x Installation gratuite de l’usine dans le canton Faible gap de revenu entre les populations urbaines et les populations rurales

Création de parcs x Zone de Promotion des Approche collective Taux de croissance industriels ruraux Industries Rurales (RIPZ) économique élevé (depuis 1984) x Diversification des sources de x Programme Immobilier revenu agricole Ouverture au marché Industriel Rural (RIEP) agricole x Promulgation de la loi sur le x Programme de développement des sources Promotion du Tourisme de revenus ruraux Fermier (FTPP)

Diversification du x RIEP, FTTP x Développement des sources Libéralisation du programme alternatives de revenu commerce x Promotion de la d’industrialisation agricoles transformation des rurale Ouverture du marché produits traditionnels x Promotion de diverses activités (depuis 1990) agricole domestique de la chaîne de valeur des x Promotion des produits ménages agricoles agricoles régionaux Ajustement structurel spécialisés du secteur agricole

Source: Chang-Hyuk & Hyong-Mo (2013: 54)

5.2.3 Les critères de choix des secteurs d’industrialisation au Cameroun

Le choix des secteurs d’industrialisation au Cameroun a été tributaire à la fois de la stratégie d’industrialisation retenue à chaque période et de la dotation factorielle du pays. Ainsi, l’on identifie trois principales phases d’industrialisation au Cameroun. La première phase ou phase de l’industrialisation par import-substitution, dite de « repli sur soi » (Samen, 1990), débute au Cameroun au lendemain des indépendances en 1960, et connait son apogée avec le boom pétrolier de 1978-86 : c’est la phase active du processus d’industrialisation du Cameroun. La deuxième phase du processus d’industrialisation se déroule dans une conjoncture difficile marquée par la crise bancaire, l’adoption du consensus de Washington et la dévaluation du FCFA intervenue en 1994(86). Quant à la troisième phase, elle adopte une approche alternative suite à

(86) Le Cameroun, en collaboration avec les autres pays de la zone franc, dévalue en effet sa monnaie de 50 % le 12 janvier 1994. Mais l’effet escompté s’estompe très rapidement. Bien que la part des exportations de produits manufacturés se soit améliorée (7 % en 2002), celle des produits de haute technologie s’est plutôt détériorée (1 % en 2002). 102

l’échec de la deuxième phase. Cette approche consiste, au moyen d’un ambitieux programme d’investissement de moyen-terme(87), à une quête de la transformation économique en vue de propulser le Cameroun dans le groupe des pays émergents.

Quelle que soit la phase considérée, le résultat est quasiment le même. L’industrialisation s’appuie sur les produits agricoles dont le Cameroun regorge abondamment (cf. Encadré 5.3). Durant la première phase, la promotion de la production locale est concomitante à l’instauration des barrières et des quotas d’importation destinés à protéger le marché local, à l’origine de l’émergence d’entrepreneurs locaux, le plus souvent en situation de monopole et de fait, n’ayant pas de contrainte de compétitivité (Konings, 1986 ; Verre, 1986 ; Vallée, 1992). La mise en œuvre de ce processus d’industrialisation nécessite ce faisant, une intervention massive de l’Etat. C’est ainsi qu’à la suite du boom économique, le gouvernement camerounais adopte une stratégie de développement centrée sur le secteur public à travers trois grands axes : (i) la hausse des dépenses prioritaires et la réduction des dépenses courantes ; (ii) la création d’un grand nombre d’entreprises publiques, d’agences et de caisses de stabilisation des prix, voire l’extension de ces structures sur tous les secteurs de l’économie, le plus souvent subventionnées ; (iii) la création dans le secteur des transports des entreprises publiques de transports, ainsi que la gestion portuaire et la maintenance routière (Assiga-Ateba, 1993, 1998, 2009).

Encadré 5.3 Les avatars de la valorisation des ressources forestières

Le secteur forestier semble offrir des perspectives fortes intéressantes, à tel enseigne qu’un département ministériel lui est désormais dédié. En effet, le secteur forestier primaire du Cameroun, qui contribue pour 2% environ du PIB, représente 10 % du total agricole en 1989. Le bois représente 12 % des exportations totales à la même période, et ce pour une valeur de 28 millions de FCFA, constituant ainsi la 4ème source de devises du pays. Quant au bois d’œuvre vendu localement, il est évalué à 25 milliards et le bois d’énergie à 40 milliards. La forêt dense exploitable s’étend sur 23 millions d’hectares, i.e. 40 % du territoire national, 300 essences recensées dont 90 % exploitables, 12,6 % des potentialités mondiales, sur un stock de près de 4 milliards de mètre-cubes, dont seulement la moitié est exploitée.

Cependant, l’exploitation forestière est freinée par le manque de moyens financiers, l’enclavement des zones forestières renfermant les essences recherchées et le faible taux de transformation locale. Dans l’optique d’y remédier, un contrat est signé avec Voest Alpine (Consortium Autrichien) pour la réalisation, clés en main, d’une usine de pâte à papier de haute qualité, destinée à l’exportation à partir d’un mélange de bois tropicaux, dès 1974.

La Société Cellulose du Cameroun (CELLUCAM) est créée le 13 Juillet 1976 avec un capital de 20,27 milliards de FCFA. Mais ce n’est qu’en 1981 que l’usine est mise en service et sa réception est prononcée le 23 janvier 1982. La capacité de production est de 122 000 t/an de pâte à papier blanchie, extensible à 240 000 t/an, voire 480 000 t/an. En amont, l’approvisionnement est assuré par une concession forestière de 100 000 ha, assortie d’un projet forestier dont le coût initial est estimé à 35,5 millions de dollars financé par un prêt de 17 millions de dollars de la Banque Mondiale accordé au Fonds National Forestier et Piscicole (FNFP). A la mi-1992, les investissements totaux réalisés s’élevaient à 92 milliards de FCFA et l’on estime qu’à la fin de l’exercice 1982-1983, le projet a coûté plus de 100 milliards de FCFA, presque sans contrepartie.

La Cameroon Pulp and Paper Company (CPPC) est créée en août 1991 selon la technique de scission-liquidation déjà utilisée pour la réhabilitation des banques (SCB par exemple). L’État prend à sa charge les arriérés de salaires, les indemnités de licenciement du personnel et le passif de la société. En contrepartie un protocole d’accord est signé entre l’État et le groupe de repreneurs. Ceux-ci s’engagent à appliquer un programme d’investissement et à créer des emplois. Dans le cas de la CPPC, le coût final des investissements envisagés est de 250 millions de dollars, soit environ 75 milliards de FCFA. Cet investissement est programmé par un holding financier dénommé LAFIMAR (Indonésie, Singapour, Japon, Allemagne, Italie, France). Les activités de ce holding ne se limiteront pas à la production de pâte à papier, mais s’étendent également à la production de contre-plaqués et bois débités et même de meubles.

Source: Construction des auteurs

( 8 7 ) «L’Agenda des Grandes Ambitions du Président» désormais remplacé depuis 2011 par celui des «Grandes Réalisations». 103

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Malgré les efforts ainsi consentis, les performances à l’exportation de ces industries se sont avérées plutôt médiocres. Les exportations de produits manufacturés ne représentent à peine que 4% des exportations de marchandises en 1980. De même, les exportations de produits de haute technologie ne représentent que 4% des exportations de marchandises à la même période, consacrant de fait l’échec de la stratégie d’import-substitution. De plus, le développement de cette industrie, s’est révélée très vite d’une gloutonnerie excessive en subventions et en investissements – physique et humain – sans précédent et ce pour des résultats financiers parfois catastrophiques (cf. Encadré 5.3).

Dès lors, à la suite de l’échec de la stratégie d’ajustement « autonome » (Mukoko, 1988), la seconde phase est marquée par le choix d’une stratégie d’industrialisation par les industries industrialisantes. Cette seconde phase se solde par un échec puisque les exportations de produits manufacturés restent faibles (figure 5.4).

Compte tenu du fait que la conjoncture économique ayant prévalu durant la seconde phase d’industrialisation, étaie peu propice à une industrialisation effective, une approche alternative a été adoptée durant la troisième phase. Elle consiste, pour les pouvoirs publics, dans le sillage des élections présidentielles de 2004, à booster le processus de redressement de l’économie grâce à la mise en place de conditions devant permettre une croissance rapide, forte et durable axée sur la diversification de l’économie, encore trop largement dépendante de la production agricole. Les résultats de cette troisième phase d’industrialisation restent mitigés. En effet, le secteur secondaire est constitué d’industries manufacturières, d’industries extractives, des secteurs de l’eau et de l’électricité et des bâtiments et travaux publics. Sa contribution à la valeur ajoutée est de 16% du PIB en 2004. Cependant, la contribution de ce secteur à la structure de l’économie a peu évolué durant plusieurs décennies. Il y représente ainsi 29,7% en 2005 contre 32,4% en 1990, soit tout de même une régression de 12,7 points de pourcentage entre les deux périodes.

Figure 5.4 Évolution des exportations de produits manufacturés entre 1960 et 2010

S romotion des exportations iralisation commerciale oom ptrolier rcession postdvaluation exportations du ptrole

exportations totales

importations de produits manufacturs

exportations de produits manufacturs

Source: Kouty Manfred (2015 :3)

Le taux de croissance de ce secteur a par ailleurs diminué de 2,6% en 2009 contre 0,6% en 2008, en raison de la baisse de 13,1% de la production pétrolière, du déficit énergétique et de la concurrence des produits asiatiques bon marché. Ce secteur représente 25,9% du PIB en 2009 tandis que sa valeur ajoutée a augmenté de 0,6% en 2008 grâce aux sous-secteurs des industries manufacturières (+2,5%) qui ont en l’occurrence bénéficié du renouvellement de l’outil de production. Le tableau 5.3 retrace l’évolution du secteur secondaire entre 1992 et 2012. 104

Tableau 5.3 La structure du secteur secondaire (% du PIB)

1992-1996 1997-2001 2002-2006 2007-2012

Mine 8,2 8,2 6,3 4,7

Industrie Manufacturière 10,9 15,8 17,8 16,8

Électricité, gaz et eau 1,3 1,3 0,6 0,8

Bâtiments&Travaux Publics 3,0 3,6 2,8 2,6

Source: Données du FMI et de l’Institut National de la statistique, www.statistics-cameroon.org

Au vu des standards subsahariens, le secteur manufacturier camerounais est relativement diversifié. Il est d’ailleurs le plus diversifié des pays de la zone CEMAC et comparable à celui de la Côte d’Ivoire. L’ONUDI (2005) recense 205 entreprises industrielles, en général des PME, employant environ 53 000 personnes. La majorité de ces entreprises exercent leurs activités pour le compte du marché domestique. À cet égard, la structure du secteur manufacturier peut être décomposée en cinq principaux groupes, à savoir (i) l’agro-industrie ; (2) les industries chimiques, de raffineries pétrolières, de caoutchouc et plastiques ; (3) les industries textiles, du cuir et des chaussures ; (4) l’industrie des machines-outils et (5) les matériaux de construction et les industries métallurgiques.

L’agro-industrie représente le groupe le plus représentatif, avec une part moyenne de la valeur ajoutée de 40% et près de 30% de la main-d’œuvre. Elle comprend les industries alimentaires, des boissons gazeuses et des bières (cf. Encadré 5.4), du tabac, du textile, de la sylviculture et de l’exploitation forestière (cf. Encadré 5.3). L’industrie brassicole y occupe une place relativement importante.

Encadré 5.4 L’industrie de la bière au Cameroun

Le Cameroun se retrouve au premier rang des producteurs de bières et de boissons gazeuses en Afrique Noire. Le pays compte à lui seul quatre brasseries. À la suite de quoi on estime à plus de 5,3 millions d’hectolitres de bière produits et consommés en 1985/1986, soit une croissance de plus de 11 % par rapport à l’exercice précédent.

Malgré la crise, les nouvelles taxes sur les bières et les boissons gazeuses, la consommation ne semble pas évoluée à la baisse. En effet, la production de bières s’est accrue en 1987 pour atteindre 5,8 millions d’hectolitres, mais a connu une légère déprime en 1988 avec seulement 5,1 millions d’hectolitres, i.e. une variation de près de 10,35 % entre 1986

et 1987, mais une chute de 12,85 % entre 1987 et 1988. Cette production reste néanmoins importante. La baisse constatée est attribuable à celle du pouvoir d’achat des consommateurs, depuis 1987/1988 justement.

Le niveau de la production des boissons gazeuses reste à peu près stable d’année en année i.e. environ 1,5 million d’hectolitres en 1986, 1,2 en 1987 et 1,7 en 1988, soit tout de même une baisse de 17,5 % entre 1986 et 1987, mais une hausse 4,6 % entre 1987 et 1988. La production de bières et de boissons gazeuses est peu contrôlée par l’État ni même par les sociétés d’État (17,4 % des parts détenues par la SNI en 1988 aux Brasseries du Cameroun), mais ne contribue pas moins aux recettes budgétaires non fiscales (taxe spécifique de 5 %) estimées à 167 milliards du budget de l’État en 1991/1992 (Budget arrêté à 545 milliards de FCFA).

Source: Assiga-Ateba (1993). 105

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Le potentiel du secteur agro-industriel est en effet, à tous points de vue, considérable. Cependant, ces produits sont transformés et exportés en faibles quantités (cf. Encadré 5.5).

Encadré 5.5 Les principaux produits agro-industriels destinés à l’exportation

Le caoutchouc Les exportations représentent 2,6% du total des exportations hors pétrole du Cameroun en 2008 contre 6,9% en 1996. Elles sont ainsi passées de 40 milliards de francs CFA en 1996 à 30 milliards en 2008. Par contre, les dépenses d’importation des matières plastiques et caoutchouc qui représentent en moyenne 5,7% des importations hors pétrole, sont passées de 32,3 milliards de francs CFA en 1996 à 86 milliards de francs CFA en 2008. Cette situation traduit non seulement l’accroissement des besoins domestiques en matières plastiques, mais aussi et surtout la difficulté du système productif du pays à satisfaire ce besoin. Toutefois, avec une production de caoutchouc naturel de 60 000 tonnes, cette filière d’exportation rapporte 30 millions d’euros par an. Les prix ont bénéficié pleinement du renchérissement du pétrole qui avantage encore le caoutchouc naturel par rapport au synthétique. Les trois principales sociétés productrices sont HEVECAM (groupe GMG de Singapour), CDC et SAFACAM (groupe Bolloré).

Le coton et les Les quantités exportées de coton sont en recul depuis la campagne matières textiles 2004/2005 du fait des difficultés structurelles que rencontre cette filière notamment la baisse des cours et la hausse des prix des intrants (engrais). Cependant, les importations de produits dérivés du coton (produits pharmaceutiques et textile) n’ont pas cessé de croître passant ainsi d’une valeur de 18,2 milliards de franc CFA en 1996 à 50,3 milliards de francs CFA en 2008, traduisant une demande locale sans cesse croissante.

L’huile de palme Deux types d’exploitation coexistent : un secteur moderne avec cinq producteurs sur 60 000 ha de palmeraies (produisant 120 000 tonnes), la compagnie locale CDC (16 000 ha) et la Ferme Suisse ; et un secteur villageois dispersé pour un total de 43 000 ha (30 000 tonnes). Cette filière offre des perspectives très prometteuses en raison de la forte demande intérieure pour les industries alimentaires, les savonneries et l’alimentation animale.

Le cacao C’est l’une des matières premières agricoles dont les produits dérivés après transformation pour la consommation sont assez nombreux (chocolat, pâtisserie-confiserie, beurre, etc.). La première transformation du cacao (portant sur un quart de la production) est assurée par Sic Cacaos et CHOCOCAM, disposant d’un outil très performant qui produisent la pâte, le beurre et la poudre. Mais la faible transformation locale a conduit à une évolution de la structure des exportations en faveur des produits bruts notamment les fèves de cacao. Les produits dérivés tels que le beurre ou la pâte de cacao voient leur poids décroître depuis 2000 passant ainsi de 18% entre 1996 et 2000 à 14,7% entre 2001 et 2008. Les achats à l’extérieur des produits dérivés du cacao et ses préparations bien que croissants sur la période restent assez marginales comparativement aux autres produits d’exportations. 106

Encadré 5.5 Les principaux produits agro-industriels destinés à l’exportation (Cont.)

Le bois Deuxième source de recettes d’exportation après le pétrole, les produits du bois ont représenté respectivement 4% de la valeur des importations et 17% de la valeur totale des exportations sur la période 1996-2008. Les exportations portent essentiellement sur des produits bruts ou issus de la première transformation, à faible valeur ajoutée. Les recettes d’exportation connaissent une baisse de 5% en 2008 et de 30% en 2009 du fait de la baisse de la demande mondiale. A contrario, les importations sont composées de produits dérivés de la troisième et de la quatrième transformation, notamment du papier et des cartons.

Source: auteurs

Les industries chimiques, de raffineries pétrolières, de caoutchouc et plastiques représentent 17% de la valeur ajoutée et 41% de la main-d’œuvre. Les raffineries pétrolières représentent une part substantielle de la valeur ajoutée, qui a cependant considérablement décru depuis 1995. Quant à l’industrie du caoutchouc, elle est relativement avancée et emploie une main-d’œuvre importante. Par contraste, le secteur des industries chimiques occupe toujours une position limitée. Le Cameroun produit principalement les produits pharmaceutiques et cosmétiques, incluant les parfums et les savons.

S’agissant du secteur de transformation du bois, il est en pleine expansion du fait de l’adoption en 1994 d’une nouvelle loi régissant l’exploitation forestière(88). Ce secteur représente 14% de la valeur ajoutée et 15% de la main-d’œuvre.

Les industries textiles, du cuir et des chaussures représentent 12% de la valeur ajoutée et 6% de la main-d’œuvre. L’industrie du textile, généralement pressentie comme le secteur dont le potentiel en Afrique est le plus important y joue un rôle prédominant et compte pour 11% de la valeur ajoutée. Il n’en demeure pas moins que ce secteur subit une forte concurrence étrangère au moment où la Cotonnière Industrielle du Cameroun (CICAM) est à la recherche de partenaires étrangers afin de rénover son capital-physique et d’améliorer sa profitabilité. Les industries du cuir et des chaussures sont en déclin, voire en faillite.

Les matériaux de construction et les industries métallurgiques : le fer et l’acier, constituent le dernier grand groupe du secteur industriel au Cameroun avec 9 % de la valeur ajoutée et 3% de la main-d’œuvre.

Les autres industries sont encore sous développées, en particulier l’industrie des machines-outils demeure à un stade embryonnaire. Ce secteur fait face à une concurrence effrénée des pays asiatiques, ainsi qu’à un marché limité de la sous- région. Cette mauvaise performance est la résultante du faible degré d’industrialisation de l’économie, notamment le faible niveau de transformation des matières premières et l’insuffisance des facteurs de production, en particulier l’énergie(89). En effet, en l’absence d’investissement dans le secteur de l’énergie durant la longue période de crise qu’a traversée le pays, l’énergie électrique est devenue un goulot d’étranglement pour le développement de l’industrie. Les réformes structurelles en vue de libéraliser le marché et de favoriser la concurrence ont déjà commencé à lever ces contraintes. Au-delà de cette stratégie générale, les autorités ont engagé des efforts pour élaborer une stratégie industrielle et des études exhaustives sur la compétitivité des filières (CIESP, 2006).

Globalement, le niveau de transformation au Cameroun demeure encore faible (tableau 5.4). À cet égard, d’après la classification de Lall relative à la structure des exportations, les produits de base ont représenté près de 70% des exportations, les produits transformés utilisant un faible niveau de technologie et les produits utilisant un niveau de technologie moyen représentent respectivement 1,58% et 2,01% des exportations en moyenne annuelle entre 1995 et 2011. Les produits

(88) Cf. la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche; le Décret n°95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d’application du régime des forêts; le Décret n°99/781/PM du 13 octobre 1999 fixant les modalités d’application de l’article 71 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 ; le Décret n°2000/PM du 27 mars 2000 modifiant le décret n°95/531/PM du 23 août 1995, destinés en outre à favoriser la mise en œuvre du plan d’action forestier national en vue d’une gestion durable des ressources forestières et fauniques du Cameroun. (89) A titre illustratif, dans ce secteur, la valeur ajoutée par travailleur est passé de 30,13 $ en 1981 à 1,23 $ en 2009. 107

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utilisant un niveau élevé de technologie sont relativement peu représentés dans l’économie camerounaise. La part de la valeur ajoutée du secteur manufacturier reste dès lors largement dominée par les ressources naturelles. Cette part a même tendance à croître avec le temps. Parallèlement, la part des produits de moyenne et haute technologie décroît de façon plutôt drastique.

Tableau 5.4 La structure des exportations camerounaises entre 1995 et 2011 (%)

Produits Produits à Produits à Matières Ressources à faible technologie technologie premières naturelles technologie moyenne élevée

Part dans les exportations 69,66 24,62 1,58 2,01 0,61

Source: CNUCED (2013)

5.2.4 Le choix des secteurs d’industrialisation : une explication du gap d’industrialisation

Les développements théoriques et factuels précédents mettent en évidence un certain nombre de raisons permettant à la fois d’expliquer l’échec de l’industrialisation au Cameroun et l’éclosion du secteur industriel coréen. Concrètement, la Corée, de notre point de vue n’a pas choisi une industrie. Elle a choisi une chaîne industrielle constituée de la matière première, des industries utilisatrices, des établissements universitaires censés mener des recherches innovantes susceptibles d’être utilisées dans les industries, des extensions potentielles de ces industries (effet d’entraînement). Par contre, le Cameroun s’est appuyé sur sa dotation factorielle, notamment les produits agricoles, sans penser la stratégie d’expansion de l’exploitation industrielle de ces produits. Ainsi, la chaîne de valeur n’a jamais vu le jour. Le capital, la main- d’œuvre et les matières premières nécessaires ont continué à être importés et à représenter un coût important, nuisant ainsi à la compétitivité de ces entreprises. Une main-d’œuvre industrielle qualifiée en quantité suffisante n’a jamais été formée ou rapatriée lorsqu’elle existe. Ainsi entre 1960 et 2015, les matières premières brutes et les ressources naturelles représentent toujours l’essentiel des exportations camerounaises. L’encadré 5.6, présente quelques-unes des causes de l’échec d’une industrie de papier au Cameroun. 108

Encadré 5.6 Les causes de la débâcle de la valorisation des ressources forestières

La contre-performance de la CELLUCAM provient du fait que le projet de réalisation a été mal conçu, à telle enseigne que très vite, l’unité de production se révèle surdimensionnée par rapport au marché local et non concurrentiel à l’exportation. En effet, le projet n’a pas été intégré dans une vision globale. Les missions mises en avant se sont, en dernière analyse, avérées des desiderata sans stratégie conséquente, qui, engouffrant des ressources rares et des crédits liés dans les inputs technologiques importés, semblent avoir tourné le dos aux conditions minimales de fonctionnement et de rentabilité (cf. Boutat, 1991). La production, s’en trouve en-dessous de la capacité réelle de l’entreprise et ne représente à peine que 49 % de cette dernière lors du premier exercice, et seulement 33 % et 17 % lors des exercices suivants. Ainsi donc, malgré de gros investissements des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds, malgré l’abondance de matières premières, le projet CELLUCAM est un échec cuisant. Cet échec est en partie imputable à un choix technologique erroné.

En effet, les déboires de la CELLUCAM proviennent de l’adoption d’une technologie inadaptée à la matière première locale et ce malgré les tests concluants en laboratoire. À cela s’ajoutent les carences d’entretien d’un matériel mal maîtrisé par un personnel mal formé. Malgré un investissement de près de 120 milliards de FCFA consacrés au projet, avec un plan annuel de frais d’exploitation et d’assistance de 33 milliards de FCFA, du fait d’un montage financier caractérisé par une insuffisance de capitaux propres (15 milliards de FCFA pour un coût initial de 75 milliards) et d’inputs à forte intensité de capital (environ 100 milliards de FCFA par unité d’emploi), la situation de la CELLUCAM s’est aggravée par son incapacité à maîtriser la technologie de la cellulose.

Selon Boutat (1991), l’altération de fonctionnement du système interne de transfert technologique est due aux facteurs suivants :

x Les lacunes dans la préparation n’ont pas permis de tenir suffisamment compte des différents problèmes essentiels, propres au contexte dans lequel le transfert technologique devait s’opérer,

x Les considérations financières et socio-politiques ont été privilégiées au détriment des variantes plus performantes sur les plans technologique et économique,

x L’identification des besoins a été effectuée, au niveau des objectifs de production et en termes d’effets espérés, mais la mise en œuvre du projet a été laissée à l’appréciation de l’émetteur,

x Les évaluations antérieures et l’insuffisance du processus de logistique-support eurent de graves conséquences sur l’exécution des activités de diffusion technologique, notamment en raison de l’absence d’une véritable interface entre le niveau conceptuel et le niveau opérationnel du système.

Quoiqu’il en soit, malgré la cessation des activités de la CELLUCAM en 1986, les objectifs relatifs à la valorisation du secteur forestier, à l’amélioration de la balance commerciale ainsi qu’à la création d’emplois sont toujours d’actualité. C’est sur la base de ces objectifs que la privatisation de la CELLUCAM a été prononcée.

Source: Construction des auteurs

La comparaison de ces deux expériences permet de tirer un certain nombre de leçons. La première est que le secteur industriel retenu importe peu si l’on s’assure de l’existence d’un effet d’entrainement sur d’autres secteurs et à la possibilité de mise en place d’une chaîne de valeur. Toutes les stratégies de choix sont pertinentes si elles sont cohérentes, bien pensées et que les éléments qui concourent à l’effectivité de la stratégie d’industrialisation sont convenablement articulés. De fait, chacun des choix de la Corée s’est appuyé sur l’idée d’une chaîne de valeur. Tout d’abord il a fallu s’assurer un classement parmi les 5 premiers producteurs de la matière première (industrialisation de la production de la matière première) afin de pouvoir influencer les prix sur le marché international et de limiter toute dépendance de l’industrie au bon vouloir des partenaires extérieurs. Puis, la Corée a développé une industrie utilisatrice de la matière première. Ensuite, elle a développé d’autres activités autour de l’activité principale (effets d’entrainement). Tout ceci a été associé à une coopération étroite avec le milieu universitaire et les centres de recherche dont le rôle principal était de développer des savoirs nouveaux permettant à l’industrie toute entière d’innover et de conserver sa position sur le marché international. 109

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Ces deux expériences mettent aussi en évidence le rôle de l’État dans l’émergence d’un secteur industriel durable et dans l’assurance de la cohérence du projet d’industrialisation. Son rôle n’est pas seulement de choisir les secteurs potentiellement porteurs ou de trouver les financements. L’état doit s’assurer que les besoins de l’industrie peuvent être satisfaits à moindre coût avec une préférence pour les ressources locales. Il doit s’assurer que la production industrielle a effectivement des débouchés, c’est-à-dire qu’elle répond effectivement à une demande nationale et internationale, ou à tout le moins qu’elle peut créer une demande capable de l’absorber. Elle doit soutenir le processus de production et veiller à ce que les exigences du programme d’industrialisation ne soient pas supplantées par d’autres considérations. L’État doit insuffler un sentiment de fierté nationale qui incite ses compatriotes à s’investir dans le projet d’industrialisation. Il doit contrôler la mise en œuvre de manière rigoureuse et manier adéquatement la rigueur et les récompenses.

L’un des leviers importants que l’État développementaliste coréen a actionné est la formation d’un capital humain industriel adéquat non seulement pour l’utilisation de la technologie (les techniciens) mais aussi pour la création de savoirs nouveaux et de ressources nouvelles (les chercheurs). Ce levier est d’autant plus important que, comme le souligne l’expérience camerounaise (voir encadré 5.6) l’absence d’une main-d’œuvre nationale qualifiée a entravé le processus de transfert de technologie et catalysé l’échec de la CELLUCAM. La section suivante s’appesantit spécifiquement sur la formation du capital humain dans une perspective comparative.

5.3 La formation du capital humain : une exigence incontournable de la stratégie d’industrialisation

A la faveur des théories de la croissance endogène, le capital humain a été présenté comme étant un élément incontournable de la croissance économique et, partant, du développement (Lucas, 1990 ; Todaro & Smith, 2012). A ce sujet, si l’effet de l’accroissement de la population n’est pas encore tranché, le rôle de l’éducation en revanche ne laisse plus de place au doute (Todaro & Smith, 2012). La Corée du Sud a su tirer parti de cet outil de croissance économique (Lee, 2009 ; Lee, 2016) au point où l’on en fait un modèle pour les autres pays en développement. D’ailleurs, Lee (2016) affirme que l’industrialisation de la Corée est le fruit d’une stratégie basée sur la construction d’un capital humain adéquat.

5.3.1 Les grands traits de l’expérience Sud-Coréenne

En Corée du Sud, l’éducation a été insérée dans un « package-développement ». Plus simplement, même si quelques auteurs lui reconnaissent un ancrage culturel (Kim, 1991), l’éducation s’est inscrite dans une stratégie globale de développement de l’industrie et de la technologie.

En effet, lorsque les militaires prennent le pouvoir en 1961, ils attribuent à l’éducation les objectifs d’éradication de la corruption et de l’injustice sociale (Parnini, 2011). Selon eux, ce sont les maux qui ont entravé l’action du gouvernement précédent. A côté de cela, la Corée du Sud choisit une stratégie de développement orientée vers les exportations (Ha, 2006 ; Parnini, 2011). L’éducation apparaît alors comme un élément de cette stratégie d’industrialisation. Elle a pour objectif de former une main-d’œuvre capable d’utiliser les nouvelles technologies et d’innover de manière autonome, dans des secteurs capables de rivaliser avec les grandes nations industrialisées. Le gouvernement met donc l’accent sur l’éducation supérieure.

Dans l’esprit du gouvernement Sud-Coréen, l’éducation supérieure est une motivation pour l’extension du pouvoir national et pour la promotion de l’industrialisation. Aux yeux du peuple Coréen, l’éducation supérieure est un outil d’autoréalisation sociale et d’accroissement des retombées économiques (Amsden, 1989). La promotion de l’éducation vise à répondre à une demande de compétences spécifiques liées à l’expansion de l’industrie. 110

Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement Coréen va mettre en œuvre plusieurs stratégies. Premièrement, le gouvernement va créer des établissements d’enseignement supérieur et de recherche spécialisés, parmi lesquels l’Institut Coréen de Sciences et de Technologie (KIST en 1966), le Bureau of Science and Technology en 1967, l’Institut Coréen Supérieur des Sciences (KAIS) en 1972(90). Ces instituts recevront des financements pour la recherche et la formation d’une élite Coréenne. Deuxièmement, le gouvernement mettra en œuvre des politiques de renversement de la fuite des cerveaux (reverse brain drain). La spécificité de cette politique est la création d’un environnement incitatif comportant la création d’institutions de R&D, des réformes institutionnelles et légales et surtout des gratifications particulières pour les Coréens qui reviennent (matériel de travail, garantie d’autonomie dans la recherche, etc).

Troisièmement, le gouvernement va créer une institution chargée de coordonner le secteur de l’éducation et le secteur industriel. Son rôle est de s’assurer que l’on forme des personnes capables de s’insérer dans les secteurs émergents existants ou à venir. Quatrièmement, le gouvernement a mis en place des incitations pour encourager les entreprises à former leur personnel et à utiliser les processus techniques à forte valeur ajoutée qui demandent des employés hautement qualifiés. Concrètement, il arrivait que l’on institue une taxe sur le nombre d’employés peu ou pas qualifiés.

Cinquièmement, au cours de la décennie 1960-1970, l’essentiel des dépenses publiques a été alloué à l’éducation, soit 14,9% du budget national en 1980 (et 5,8% pour le reste), c’est-à-dire environ 3% du PNB. Durant cette période, le gouvernement a financé plus de la moitié des coûts de construction et de fonctionnement des nouvelles écoles, le reste étant assumé par les ménages et d’autres sources privées. Très tôt, il a également assuré une protection sociale des enseignants. L’effort a surtout porté sur l’enseignement primaire obligatoire généralisé, en partant du concept que l’industrie naissante avait besoin de ressources humaines possédant une bonne éducation de base (Régnier, 1999).

Comme le montre le graphique 5.1, la présence d’une main-d’œuvre hautement qualifiée en Corée est l’un des résultats de cette stratégie d’éducation tournée vers l’industrialisation. En effet, en 1965 la structure de la population Coréenne indiquait que 29,6% de la population a une éducation primaire, 10,9% une éducation secondaire et 2,6% au niveau supérieur (Lee, 2009). Dix ans plus tard, en 1975, l’on enregistrait plus de 100% d’inscrits au niveau primaire et plus de 50% au niveau secondaire (WDI, 2015). Il faudra attendre 1998 pour que le niveau supérieur dépasse les 50% d’inscrits. Depuis lors, le nombre d’inscrits au niveau supérieur n’a cessé de s’accroître.

Graphique 5.1 Évolution des inscriptions à l’école, par niveau d’étude en Corée

En

ncriptions lcole, primaire rut ncriptions lcole, secondaire rut ncriptions lcole, enseinement suprieur rut

Source: L’Auteur. Données du Indicateurs du développement dans le monde 2015

(90) Cet institut a été rebaptisé plus tard the Korea Advanced Institute of Science and Technology 111

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Aujourd’hui, la part de la population ayant un niveau d’éducation supérieur est le plus élevé du monde (Todaro & Smith, 2012 ; Lee, 2009), avec une concentration dans le secteur technologique. Cette modification de la structure de compétence de la population est l’une des explications de la croissance rapide de ce pays (Kim, 1991 ; Lee, 2009 ; Todaro & Smith, 2012 ; Lee, 2016).

5.3.2 L’expérience Camerounaise

L’éducation est une composante essentielle du développement humain et toute avancée en direction de cet objectif se répercute fortement sur la réalisation des autres objectifs économiques, sociaux et politiques d’un pays. Le taux d’achèvement de l’école primaire sert à juger l’aptitude du système en place à réduire les abandons scolaires et à stimuler les élèves à achever leur cycle primaire. En Corée du Sud, les taux bruts de scolarisation aux niveaux primaire, secondaire et tertiaire depuis plus de 10 ans ont sérieusement évolué. Il est à noter que le taux brut de scolarisation dans le tertiaire est passé de 40% en 1990 à 100% en 2004. Par contre au Cameroun, le taux brut de scolarisation atteint à peine 10% dans le supérieur en 2010 et 55% dans le secondaire. Seul, le taux brut de scolarisation du primaire atteint les 100% au Cameroun depuis l’année 2002, comme le montre le graphique 5.2 ci-dessous.

Graphique 5.2 Évolution de l’éducation au Cameroun

En %

Taux rute de scolarisation au ameroun dans le primaire Taux rute de scolarisation au ameroun dans le secondaire Taux rute de scolarisation au ameroun dans le tertiaire

Source: L’auteur. Données de la Banque Mondiale (2015)

Pour ce qui est de la scolarisation des filles, il apparaît dans le graphique 5.3 ci-dessous que la Corée du Sudest également en avance par rapport au Cameroun aux niveaux primaire et secondaire. Par contre, au niveau supérieur, le Cameroun est avancé par rapport à la Corée du Sud. En ce qui concerne le taux d’achèvement du cycle primaire, presque tous les élèves ayant l’âge d’aller à l’école primaire achèvent le cycle. Par contre, moins de 80% des élèves achèvent le cycle primaire au Cameroun. On peut donc affirmer que le Cameroun a avancé dans la scolarisation au niveau primaire et non au niveau supérieur. 112

Graphique 5.3 Évolution de certains indicateurs éducatifs au Cameroun et en Corée du Sud

Taux d'achvement du primaire au R du roupe reuis Ratio fille aron dans le primaire au ameroun Ratio fille aron dans le secondaire au ameroun Ratio fille aron dans le tertiaire au ameroun Taux d'achvement du pri en ore du Sud du roupe reuis Ratio fille aron dans le primaire en ore du Sud Taux d'achvement du pri en ore du Sud du roupe reuis Ratio fille aron dans le tertiaire en ore du Sud

Source: Les Auteurs. Données de la Banque Mondiale (2015)

L’état camerounais a procédé à la sensibilisation des populations vivant en milieu rural et dans le septentrion en raison d’un constat établissant la faiblesse de l’accès à l’éducation dans ces zones. A ces mesures, sont associées des réflexions et études sociales menées par le projet PASE sur les facteurs qui pourraient influencer l’accès desdites populations à l’école. Les résultats de ces études identifient un certain nombre de facteurs concrets (calendrier et/ou horaires inadaptés, équipements sanitaires des écoles en particulier pour les filles) ; ou d’une inquiétude plus générale des communautés sur les valeurs véhiculées par l’école, sur le comportement de ses acteurs ou sur les contenus enseignés (MINEDUC, 2006). En outre, de nombreux partenariats ont été signés avec des pays tels que le Japon qui ont eu pour effet la construction des écoles publiques primaires à travers l’étendue du territoire.

Dans le même ordre d’idées, une stratégie prévoit de définir des sous-cycles de deux ans au sein desquels le redoublement devient prohibé, ainsi que des mesures de sensibilisation des personnels et d’amélioration des prestations pédagogiques et des techniques d’évaluation. De manière concrète un arrêté relatif à la politique des sous-cycles au primaire a été pris par le Ministre de l’Éducation de Base après visa du le Premier Ministre depuis l’année 2005. Des mesures de diffusion, de sensibilisation des acteurs et des communautés (MINEDUC, 2006).

Au plan financier, l’éducation est une priorité au Cameroun. Pour preuve, le budget destiné à l’éducation au Cameroun est assez consistant et connait une réelle croissance. Entre 1981 et 1982, le Ministère de l’Éducation Nationale bénéficie d’un financement de l’État à hauteur de 35 282 551 693 F CFA et 44 918 000 000 en 1983. En 1990, ce budget croît à 65 021 128 000 puis 99 138 000 000 FCFA en 2000 et atteint 144 382 000 000 FCFA en 2010. En outre, depuis la décennie 1990, des fonds issus des allégements de la dette ont été utilisés pour assurer la scolarisation au Cameroun. Ces ressources ont aussi contribué à l’accroissement de l’offre du service éducatif au niveau tertiaire puisque le nombre d’universités publiques est passé de 1 en 1990 à 9 en 2010 sans compter les universités privées dont le nombre dépasse 100 en 2015, la réforme universitaire de 1993 ayant introduit le secteur privé dans la production du service éducatif au niveau supérieur au Cameroun.

Entre 1970 et 2012, les dépenses en matière d’éducation en pourcentage du PIB ont connu une légère baisse au Cameroun passant de 3,07 à 2,96% du PIB (cf. graphique 5.4). Par contre, en Corée du Sud, le phénomène inverse est observé puisque les dépenses d’éducation sont passées de 3,26 à 4,61% au cours de la même période avec un pic de 6,07% du PIB en 1982. 113

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Au Cameroun, le financement de l’éducation est assuré par une multitude d’acteurs dont le principal est l’Etat. La loi N° 98/004 du 14 avril 1998 d’orientation scolaire précise en son article 2 que l’éducation est une grande priorité nationale assurée par l’Etat. Elle précise également en son article 11, alinéa 1 que l’État assure l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de l’éducation à laquelle concourent les collectivités territoriales décentralisées, les familles, ainsi que les institutions publiques et privées. En application des lois sur la décentralisation, les communes sont supposées jouer un rôle de plus en plus important en matière de financement de l’éducation et en particulier de l’éducation de base.

Graphique 5.4 Évolution du budget de l’éducation au Cameroun et en Corée du Sud

En % du PIB

ore du Sud Dpenses du overnement sur lducation, total ameroun Dpenses du overnement sur lducation, total

Source: Les auteurs. Données de la Banque Mondiale (2015)

En effet, la loi N° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes, les compétences transférées aux communes se déclinent ainsi qu’il suit :

x la création conformément à la carte scolaire, la gestion, l’équipement, l’entretien, et la maintenance des écoles maternelles et primaires et des établissements préscolaires de la commune ;

x le recrutement et la prise en charge du personnel d’appoint desdites écoles ;

x la participation à l’acquisition des matériels et fournitures scolaires.

La nécessité d’assurer une éducation primaire pour tous a permis d’augmenter considérablement les ressources publiques allouées à l’ensemble du système éducatif. La grande majorité des ressources est destinée à la construction des salles de classe, à l’amélioration du cadre de vie et de travail des élèves (cantines scolaires, points d’eau, toilettes aménagées) et des enseignants (primes diverses). On observe donc que depuis le début de la décennie 2000, les ressources budgétaires affectées au secteur de l’enseignement de la formation et de la recherche(91) sont en nette augmentation. De 250 milliards de FCFA environ en 2005, le budget de ce secteur est passé à près de 430 milliards de FCFA en 2010, puis à un peu plus de 500 milliards (cf. graphique 5.5).

(91) Le secteur de l’enseignement, de la formation et de la recherche englobe le Ministère de l’éducation de base, le ministère des enseignements secondaires, le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, le ministère de l’enseignement supérieur, et le ministère de la recherche scientifique et de l’innovation. 114

Graphique 5.5 Évolution du budget de l’éducation entre 2005 et 2015 au Cameroun

En CA

Années

Source: Les auteurs. Données de la Banque Mondiale (2015)

Cependant, la part du secteur de l’enseignement de la formation et de la recherche dans le budget de l’État ne s’est pas sensiblement améliorée sur la période 2005-2015. Cette part reste toujours inférieure aux 20% requis par l’Initiative Fast Track. De 17% environ en 2005, la part de l’éducation dans le budget de l’État a régulièrement diminué pour se situer à 13% environ en 2015 (cf. graphique 5.6).

Graphique 5.6 Part du budget de l’éducation dans le budget total de l’État entre 2005 et 2015 au Cameroun

En du budget total de l’Etat

Années

Source: Les auteurs. Données des lois des finances

La décomposition des dépenses d’éducation par niveau d’enseignement montre que c’est l’enseignement secondaire et l’éducation de base qui bénéficient de la grande majorité des ressources allouées au secteur de l’éducation. Les dotations allouées à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique restent très faibles comme on peut le voir sur le graphique 5.7 ci-dessous : 115

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Graphique 5.7 Évolution des dépenses publiques d’éducation par niveau d’enseignement entre 2005 et 2015 au Cameroun ED ESE ES RES

En FCFA

Source: Les auteurs. Données des Lois des finances

Comme le montre le graphique 5.8, quel que soit le niveau d’enseignement considéré, la grande majorité des ressources est affectée au fonctionnement. La part du budget d’investissement public demeure donc faible dans le secteur de l’éducation.

Graphique 5.8 Répartition du budget de l’éducation entre le fonctionnement et l’investissement en 2011 au Cameroun

En millions de FCFA udet de onctionnement udet d nvestissement

ED

ESE

ES

RES

Source: LLes auteurs. Données de la Loi des finances 2011

Bien que les taux d’exécution de la dépense publique soient relativement élevés dans le secteur de l’éducation (comparativement à d’autres secteurs comme celui de l’eau et de l’énergie où ceux-ci sont souvent inférieurs à 50%), on note cependant qu’une proportion non négligeable des ressources se perd dans le circuit de la dépense publique d’éducation comme l’atteste l’enquête Public Expenditure Tracking Survey (PETS) effectuée par l’Institut National de la Statistique en 2010. 116

5.3.3 Les leçons à tirer de la comparaison des expériences Camerounaise et Coréenne

L’expérience coréenne suggère deux principales leçons pour le Cameroun. Premièrement, la stratégie d’éducation doit être cohérente avec le plan de développement du pays. En effet, une stratégie d’industrialisation ne peut être menée adéquatement si l’État ne s’assure pas de disposer ou de pouvoir former une masse critique de personnes capables de s’approprier les nouvelles technologies et de les utiliser à bon escient ; de personnes capables de s’autonomiser par rapport aux technologies existantes pour en créer de nouvelles; de personnes capables d’innover et de repérer les niches d’innovation ; d’un capital humain rompu aux questions de propriété intellectuelle liées à la technologique ; d’un capital humain capable de répondre aux exigences d’un transfert de technologie... Dans cette perspective l’État doit mettre en œuvre une politique d’éducation de niveau supérieur dans les domaines technologiques en particulier, mais aussi dans toutes les disciplines connexes.

Or, si l’on jette un regard sur le DSCE, il en ressort que la stratégie gouvernementale de promotion de l’éducation s’appuie sur six piliers, notamment « (i) un enseignement fondamental de qualité couvrant le cycle primaire et le premier cycle du secondaire ; (ii) un enseignement secondaire de deuxième cycle de qualité reposant sur un équilibre dynamique entre l’enseignement général et l’enseignement technique, et préparant aux études supérieures dans les filières prioritaires pour le développement ; (iii) une formation professionnelle reposant sur un dispositif modernisé et considérablement renforcé pour pouvoir dispenser aux élèves sortant des cycles d’enseignement fondamental et secondaire un paquet solide de connaissances axées sur la maîtrise des savoir-faire requis sur le marché de l’emploi et préparant les bénéficiaires à la création d’emplois, (iv) un enseignement universitaire professionnalisé ; (v) une formation continue étendue et doublée d’un système de valorisation des acquis de l’expérience ; et (vi) la maîtrise réelle des effectifs indispensables pour garantir la qualité de l’enseignement, ce qui suppose la définition d’un système de régulation des flux transparent et crédible, le renforcement du dispositif d’orientation scolaire et la revalorisation de la grille des salaires des métiers techniques ».

L’un des critères d’évaluation de cette stratégie est le taux d’achèvement de l’école primaire. Cela n’est pas cohérent avec une stratégie de développement basée sur l’industrialisation, le commerce international et le secteur minier qui ne saurait se satisfaire d’une population à peine formée. Cela engendrerait des coûts liés à une main-d’œuvre étrangère. Par ailleurs, les retombées technologiques d’une ouverture de l’économie ne pourront pas être captées au profit du Cameroun.

La seconde leçon est la mise en place d’une liaison solide entre le secteur industriel et le secteur universitaire. Il est en effet important que les recherches des universitaires soient axées sur les questions qui intéressent les industriels ; sur les sujets qui leur permettent d’innover, de saisir les opportunités du marché international, de comprendre le fonctionnement du système commercial multilatéral et d’en tirer avantage, d’évaluer la mise en œuvre des programmes d’industrialisation et de les améliorer si besoin est. De même, il est essentiel que l’industrie camerounaise se serve des résultats des recherches universitaires et des centres de recherche. Or, pour l’instant, il existe une fracture importante (a missing link) entre le secteur privé et les universités. Les résultats des recherches universitaires ne sont pas suffisamment portés à la connaissance de ceux auxquels ils s’adressent. D’ailleurs, il semble y avoir une sorte de rivalité entre ces deux éléments d’une stratégie d’industrialisation réussie. Ainsi, la création des programmes de professionnalisation dans les universités devrait résulter d’une concertation tripartite entre l’État promoteur de l’industrialisation, les industries actrices de l’industrialisation et les institutions d’enseignement supérieur, fournisseuses du capital humain nécessaire.

La troisième leçon que nous inspire l’expérience coréenne est la mise en place d’incitations au retour des camerounais formés dans les établissements d’enseignement supérieurs étrangers.

La quatrième leçon qui mérite certainement des approfondissements réside dans la capacité de la République de Corée à réaliser un tel boom dans l’éducation de ses populations sans pour autant accroître la dépense publique d’éducation. En effet, si les dépenses publiques d’éducation sont semblables dans les deux pays (3,5% en moyenne), en revanche la dépense par élève est très élevée au Cameroun. Par exemple, la dépense par étudiant de l’enseignement supérieur au Cameroun est de près de 50% du PIB (2004 – 2011), tandis qu’en République de Corée, elle n’est que de 9% du PIB en moyenne. De même, les dépenses publiques d’éducation représentent environ 4% du PIB en moyenne (1970-2012) dans les deux pays. Cette dernière leçon nous permet d’embrayer sur la stratégie de financement d’un programme d’industrialisation. 117

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5.4 Le financement de l’industrialisation : une comparaison entre le Cameroun et la Corée du Sud

L’effectivité de toute stratégie de développement nécessite de trouver des sources de financements suffisants à moindre coût. Le financement reste pourtant encore aujourd’hui l’un des deux principaux problèmes auxquels font face les entreprises des pays en développement. L’absence de financements pourrait donc être une cause, parmi d’autres, de l’échec des programmes d’industrialisation au Cameroun. Ainsi que cela est relevé à l’encadré 5.6, les entreprises ne disposent même pas souvent du tiers des fonds nécessaires à leur fonctionnement. Mais avant de s’appesantir plus profondément sur le cas du Cameroun, il nous semble judicieux de mettre en évidence les grands traits de la situation coréenne.

5.4.1 Le modèle de financement de l’industrie Sud-Coréenne

La discussion de cette section s’appuie spécifiquement sur le travail de Lee (2017) qui décrit, d’abord brièvement puis extensivement à l’aide de quelques cas, la stratégie de financement de l’industrie coréenne.

Comme dans la plupart des pays en développement, la Corée faisait face, dans les années 1960 et 1970, à une rareté des ressources financières, qui l’obligeait à recourir bien trop souvent aux crédits. De même, comme dans la plupart des pays africains aujourd’hui, la Corée ne disposait pas d’un marché des capitaux actif. Le système financier était dominé par les banques. L’Etat coréen exercera donc son influence et un contrôle effectif sur ces banques ; et à travers ces banques un contrôle sur le secteur privé. Lee (2017) soutient d’ailleurs qu’un tel contrôle est d’une importance capitale pour assurer la réussite de la politique d’industrialisation. Mais au-delà du contrôle, la motivation des industries émanait du fait que le maintien du soutien financier était lié au succès de l’activité d’une part ; et du fait que les revenus d’une super performance (au-delà du niveau attendu) revenait à l’entreprise d’autre part.

La situation de départ (années 1960) est telle que la Corée présente un gap financier du à l’écart entre l’épargne collectée (9% du PIB) et les besoins pour investissement (15% du PIB). Malgré tout, la Corée n’a pas réduit son taux d’investissement en raison de la suppression des taux d’intérêt élevés par l’État. Ainsi la Corée se trouvait dans un modèle de répression financière au sens de Hellmand, Murdock & Stiglitz (1997) c’est-à-dire avec des taux d’intérêt réels positifs. Indépendamment de la suppression des taux d’intérêt encourageant l’épargne, l’épargne s’est accrue de 9% au début des années 1960 à 30% au milieu des années 1980. La raison en est que les salaires ont été relevés et les investissements commençaient à porter leur fruit.

Pour réduire le recours à l’emprunt, l’État s’est assuré que le secteur bancaire fournisse au secteur industriel l’argent dont il avait besoin à des taux d’intérêt incitatifs (tableau 5.5). Le succès de cette pratique est la résultante de trois facteurs. Premièrement, la plupart des banques commerciales étaient contrôlées ou possédées par l’État jusqu’à leur privatisation dans les années 1980. Deuxièmement, la Corée a créé de nombreuses banques de développement telles que la Korea Development Bank (KDB), l’Ex-Im Bank et l’Industrial Bank. Troisièmement, l’État s’est assuré, par la réduction des marges de taux d’intérêt, que les opportunités de bénéfice migreraient du secteur financier (faible profitabilité) vers le secteur manufacturier (grande profitabilité). 118

Tableau 5.5 Quelques spécificités des banques de développement en Corée

Nom de la Date de Source des fonds à la Rôle banque création création

Korea 1954 Aide étrangère des USA Financer la politique industrielle Development Bank

Ex-Im Bank 1976 — Finance de long terme pour les entreprises exportatrices de biens d’équipement

Industrial Bank of 1961 Dépôts des ménages et Octroyer des prêts aux petites et moyennes Korea des entreprises entreprises

Source: L’auteur. Données de Lee (2017)

Le rôle des banques de développement ainsi créées est de financer des secteurs précis du système de production coréen. Pour les aider, l’État identifie un secteur d’industrialisation et organise la structure du marché en question (nombre d’entreprises sur le marché ; conditions d’entrée sur le marché, …). Progressivement, une fois que la tâche qui leur a été attribuée, à la création est réalisée, ces banques peuvent étendre leurs activités à d’autres aspects tels que l’aide à la délocalisation de tout ou partie des entreprises. Le volume des prêts accordés par chacune de ces banques va s’accroître entre la date de création et la décennie 1980.

Lee (2017) présente trois exemples de financement de l’industrie parmi lesquels l’expérience de POSCO. On observe alors, dans la structure de financement de POSCO, l’État a joué un rôle capital au début de l’activité alors même que POSCO ne disposait pas d’un apport personnel ainsi que le montre le tableau 5.6 suivant. L’État, qui croyait en son projet, a trouvé des sources alternatives de financement tels que l’effort de guerre en provenance du Japon ; l’emprunt auprès de banques étrangères.

Tableau 5.6 Les différentes phases et la structure du financement de POSCO (millions USD)

Fonds Fonds Phase Période K du Gvt K étranger Coût total domestiques propres

I 1970-1973 111 (33,2%) 26 (7,7%) 0 (0%) 197 (59,1%) 334 (100%)

II 1973-1976 19 (3,2%) 39 (6,5%) 157 (26,6%) 376 (63,6%) 591 (100%)

III 1976-1978 225 (16,2%) 101 (7,3%) 293 (21,1%) 768 (55,4%) 1387 (100%)

IV-1 1979-1981 121 (7,8%) 336 (21,7%) 327 (21,1%) 768 (49,5%) 1552 (100%)

IV-2 1981-1983 0 (0%) 47 (13,3%) 189 (53,4%) 118 (33,3%) 354 (100%)

Total 1961 476 (11,3%) 549 (13,0%) 966 (22,9%) 2227 (52,8%) 4218 (100%)

Source: Les auteurs. Données de Lee (2017 :13) 119

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Au fil des différentes phases du projet, POSCO a dégagé des bénéfices qui ont été réinvestis dans sa propre activité ainsi que dans le développement d’activités de recherche et de R&D. A la quatrième phase, POSCO a apporté plus de 50% du financement nécessaire à la poursuite de ses activités. L’intervention directe de l’Etat reste faible. Cependant, l’Etat assure la crédibilité de l’entreprise pour l’obtention de financements étrangers et nationaux.

Les trois cas pris comme exemples dans le papier de Lee (2017) permettent de mettre en évidence la nécessité d’adapter le choix de financement au type d’entreprise concerné. Les caractéristiques les plus importantes à ce sujet semblent être la taille de l’entreprise, le secteur industriel concerné (cycle long versus cycle court), les possibilités d’expansion de l’activité et les rendements escomptés. Ainsi, le mode de financement de POSCO n’est pas le même qui a été appliqué aux PME participantes aux projets d’industrialisation basé sur le développement de la technologie (Industrial Base Technology development projects) et encore moins aux entreprises innovantes du secteur digital. En effet, le projet d’industrialisation basé sur le développement de la technologie est une stratégie tripartite (privé-académique-public) en trois étapes, à savoir (i) la conduite d’une enquête auprès du plus grand nombre de PME pour identifier les technologies dont elles ont besoin ; (ii) la classification des technologies en deux groupes, notamment celles qui peuvent être développées localement et celles qui peuvent être importées ; (iii) la construction d’un plan de financement de l’acquisition/du développement des différents groupes de technologies ainsi identifiées.

Le tableau 5.7 suivant résume le plan de financement issu du processus mené entre 1987 et 1991 (5 enquêtes) et ayant conduit à l’identification d’un besoin de 1329 technologies parmi lesquelles 947 devaient être développées localement, 217 nécessitaient une mise à niveau des capacités et une assistance et 165 devaient être importées. Il ressort de ce tableau que certains projets de R&D peuvent être financés par le secteur entrepreneurial qui en a besoin ; d’autres peuvent être financés par une levée de fonds plus importante avec le concours de l’État ; d’autres encore nécessitent un partenariat plus large impliquant le secteur de la recherche, les bailleurs de fonds, l’État et le secteur privé qui en est le bénéficiaire.

Tableau 5.7 Le plan de financement du développement technologique : une fonction des caractéristiques du projet

Groupe Caractéristiques de la technologie Origine du soutien financier

I x Technologies nécessaires à la production Financées par le projet ou d’autres emprunts

x Technologies génériques identifiées comme communes à plusieurs PME

x Technologies avec un fort potentiel de commercialisation et technologies qui peuvent être développées par les entreprises dans un court délai

II x Projets de long terme à grande échelle Financées par les projets spécifiques de R&D y relatifs et administrés par les Ministère des x Technologies qui nécessitent des Sciences et de la Technologie (MOST) recherches plus pointues et profondes pour être développées

III x Technologies qui peuvent être développées Accord de crédits à l’entreprise pour la dépense aisément avec le financement de de R&D en questionPrêts de long terme à faible l’entreprise demanderesse taux d’intérêt (Fonds de développement industriel)

Politique générale d’emprunts auprès des banques de développement.

Source: Les auteurs. Données de Lee (2017 :18) 120

Il n’existe donc pas un modèle de financement figé. Toutefois, c’est une prérogative de l’État développementaliste que d’identifier le modèle de financement le plus approprié pour chaque type de projet.

5.4.2 Le modèle de financement de l’industrie au Cameroun

Au Cameroun, le financement du développement a connu deux périodes. La première période, qui s’étend de 1965 à 1990 est représentative de la politique dite de répression financière. La deuxième période, à partir de 1990, correspond à l’ère de la libéralisation financière. L’on peut d’ores et déjà observer que, comparativement à la Corée, la période de répression financière a été plus longue au Cameroun.

Par ailleurs, du fait de la fixité du taux de change du franc CFA par rapport au franc français – et depuis 1999 par rapport à l’euro –, seules deux alternatives s’offrent en termes de politiques économiques aux pays membres de la zone franc, à savoir, d’une part, la politique fiscale et, d’autre part, la politique du crédit. Ces politiques étant les principaux instruments d’ajustement, elles ont été utilisées de façon intensive par les gouvernements avec en arrière-plan la promotion de la croissance économique et du développement (Nachega, 2001).

Entre 1960 et le début des années 1980, la BEAC a conduit une politique monétaire avec en point de mire l’accélération du développement économique à travers l’octroi de crédits spécifiques à des secteurs qualifiés de «prioritaires» etla maintenance des taux d’intérêt à un bas niveau : la sélectivité par les taux d’intérêt et par les plafonds de crédit ainsi d’ailleurs que la fixation administrative des marges bancaires, sont à cet égard censées faciliter le financement à moindre coût desdits secteurs.

De ce point de vue, la stratégie de financement camerounaise présente de nombreux points communs avec la stratégie coréenne (taux d’intérêts bas, financement sélectif des secteurs jugés prioritaires, …). Néanmoins, et contrairement à la Corée, le Cameroun a accordé peu d’égards à la promotion de l’épargne domestique. De plus, l’accès au crédit ne concernait que les entreprises publiques, le but étant de financer leurs investissements et leur fonctionnement d’une part et de leur assurer un accès aux emprunts extérieurs – 40% de la dette publique extérieure entre 1983 et 1987 – garantis par l’État. Les entreprises privées ne peuvent prétendre à ces financements et à ce soutien étatique.

Pour mener à bien une telle politique, les pouvoirs publics se dotent de moyens institutionnels spécifiques et d’instruments de politique de crédit(92). Ces instruments sont de type quantitatifs : limitations des avances au Trésor National, fixation des plafonds globaux aux banques, système de réserves obligatoires ; ainsi que de type qualitatifs : pluralité des taux d’intérêt et sélectivité des plafonds de réescompte (Ossié, 1993 ; Touna-Mama, 2002).

Il s’agit en fait d’une approche dite « keynésienne » qui préconise, dans une situation de plein-emploi des facteurs de production, d’adopter une politique monétaire expansionniste dans le but d’offrir à l’économie des financements à bon marché nécessaires à la mobilisation des ressources oisives à travers la promotion de l’investissement (Ossié,1993). Ce point de vue – keynésien donc – qui prédomine à cette période stipule à cet égard que la hausse de l’épargne domestique résulte de la croissance économique à travers l’élévation du revenu.

En outre, la plupart des gouvernements des pays de la zone franc sont à cette époque capable de financer les déficits fiscaux grâce à des emprunts massifs contractés auprès des marchés de capitaux privés internationaux, ainsi qu’auprès des bailleurs de fonds multilatéraux. Dès lors, compte tenu des accords de Bretton Woods, associés au bas niveau des taux d’intérêt et à la relative stabilité des taux de change observée dans la plupart des pays industriels – y compris la France – qui s’en sont suivis, la mutualisation de ces externalités s’est révélée un facteur décisif ayant conduit au maintien de faibles taux d’intérêt dans la zone CEMAC, plus particulièrement au cours de la période allant de 1960 au début des années 1970 (Nachega, 2001).

En effet, durant la période allant de 1963 à 1985, la BEAC a ajusté son taux d’escompte seulement cinq fois, tandis que le différentiel de taux d’intérêt entre la CEMAC et la France est demeuré négatif (Nachega, 2001)(93). Le plafonnement des taux d’intérêts débiteurs se révèle en fin de compte un véritable obstacle à la provision de crédits pour la petite clientèle.

(92) Il s’agit en l’occurrence de la création de la Banque des États de l’Afrique Centrale, du Comité Monétaire National et du Conseil National du Crédit. (93) Le comité de politique monétaire de la BEAC s’engage toutefois dès 2008 à se réunir au moins quatre fois par an afin de fixer les conditions d’intervention de la banque centrale. 121

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Les banques considèrent en effet que le taux actuel de 15% est insuffisant pour couvrir la perception des risques de prêts aux PME, bien que les commissions ajoutées au taux d’intérêt de base soient susceptibles d’augmenter les taux de prêts. Dès lors, il serait approprié, selon les analystes du FMI (2009), de considérer :

x l’abrogation du plafonnement des taux ;

x la conduite d’une étude approfondie des taux bancaires et des commissions avec en perspective le développement d’une formule qui identifierait les coûts directs et indirects ;

x l’obligation pour les banques de notifier à chaque emprunteur le coût réel de son emprunt en utilisant un indicateur uniforme avant la signature du contrat de prêt ;

x l’obligation pour les banques de diffuser les taux de base, ainsi que les taux de prêts et de dépôts minimum et maximum auprès de la COBAC de façon régulière, ainsi que la hausse ou la baisse desdits taux.

Toutefois, le poids quelque peu excessif de l’encours de la dette(94) – consécutive à la politique du crédit évoquée ci-dessus –, a totalement compromis la trésorerie des banques commerciales(95). L’explication d’une telle dérive relève notamment, entre autres, du concept de crédits «politiques», c’est-à-dire des crédits obtenus pour le compte d’entreprises – publiques, voire privées – et de particuliers, grâce à des appuis politiques ou alors à la suite de trafics d’influence orchestrés par des lobbies, et ce d’autant plus facilement que l’État est l’actionnaire majoritaire ou à tout le moins ayant un droit de veto – à travers une minorité de blocage – dans la plupart des banques commerciales à cette période (cf. Verre,1986;Vallée,1992).

Par ailleurs, l’aggravation du déficit budgétaire consécutif à l’expansion des dépenses publiques a été financée par les emprunts extérieurs et par l’accumulation d’arriérés de paiement à l’égard du secteur privé, un des facteurs significatifs de la crise du système bancaire au Cameroun (Tybout et al., 1996)(96).

En tout état de cause, la situation financière de la quasi-totalité des secteurs jugés prioritaires montre que l’allocation des financements s’est avérée sous optimale et a plutôt favorisé des projets peu fiables, voire non rentables. La levée de la répression financière participe dès lors de la logique de l’approfondissement financier à court-terme et du développement financier à long-terme. Une telle démarche semble, dans un tel contexte, pertinente, voire impérative(97).

Au Cameroun spécifiquement, on constate au vu de l’évolution des agrégats d’approfondissement financiers au cours du temps que la thèse de la libéralisation financière n’est pas pertinente. En effet, la politique de libéralisation financière ne semble à cet égard n’avoir entraîné un relatif approfondissement financier qu’à la suite de la dévaluation du franc CFA, ainsi que le confirme d’ailleurs l’évolution des agrégats évoqués ci-dessus. De fait, la période allant de 1963 à 1985 se caractérise au Cameroun par un processus d’approfondissement financier continu : la croissance du ratio M2/PIB est ainsi évaluée à 15% en 1963/64 contre plus de 20% en 1984/85.

Cependant, durant la période 1986-1994, le taux de croissance du PIB réel décroît de 4% annuellement tandis que le ratio M2/PIB passe de 24% en 1991/92 à 17% en 1993/94 (Nachega, 2001). Il atteint même le seuil de 13,8 % en 1995. Il s’est finalement stabilisé depuis lors en moyenne autour de 17 % (cf. tableau 5.8).

(94) Par rapport au crédit cumulé de l’ordre de 593,22 milliards de francs CFA en 1995, i.e. 13,58 % du PIB (Ossié, 1996). (95) À telle enseigne d’ailleurs que les créances douteuses, voire définitivement compromises de ces dernières s’élèvent à cette période à 146,023 milliards de francs CFA, soit 3,54 % du PIB, dont 58,349 milliards de francs CFA (1,41 % du PIB) de besoins en fonds propres (Ossié, 1996). Il convient toutefois de noter qu’à la faveur des programmes de restructuration bancaire, le ratio créances douteuses/actifs a tendance à décliner au cours du temps : 57,3 % entre 1990 et 2004. (96) En effet, le déficit budgétaire – aussi bien réel que sur la base d’engagements – reste chronique durant les années 1990 et le début de la décennie 2000, même s’il convient de souligner une nette amélioration depuis 1993 où il a été le plus important : -25% du PIB, absorbant de fait une part non négligeable de ressources intérieures et extérieures. (97) L’analyse du développement financier, défini comme un processus de long-terme, se distingue de l’approfondissement financier, qui lui privilégie l’optique du financement de l’investissement productif à court-terme (Cf. Assidon, 1996 & 2005). 122

Tableau 5.8 Indicateurs financiers et croissance (en pourcentage)

Indicateurs 1960-2004 2005-2010

M2/PIB 17,42 17,24

Quasi-Monnaie/PIB 5,72 20,17

Crédit-Privé/PIB 17,09 9,61

Crédit-Domestique/PIB 18,86 8,10

Source: Calculs de l’auteur

Une telle vitalité est par ailleurs susceptible d’être appréhendée par le ratio quasi-monnaie/PIB. Toutefois, le ratio de quasi-monnaie (M1/M2) reste élevé – 45,1% en 2005 contre 50,8% en 1995 –, reflétant ainsi les difficultés intrinsèques du système financier à attirer l’épargne financière et à promouvoir l’accumulation du capital. En outre, une large part de crédit des banques commerciales s’oriente vers le secteur privé : 17,09 % en 1960-2004, part qui ne s’améliore d’ailleurs que fort peu lorsque l’on prend en compte le secteur des entreprises publiques – le crédit domestique n’est que de 18,86 % –, traduisant de fait une contribution somme toute marginale du secteur des entreprises publiques dans le développement financier.

La part du crédit privé a d’ailleurs tendance à décroître au cours du temps puisqu’elle ne représente plus que 9,61% du PIB en 2005-2010. À cet égard, l’intermédiation financière demeure faible au Cameroun, notamment en comparaison avec la plupart des pays africains, bien que ce pays soit considéré en position de leader au sein de la zone CEMAC. Par ailleurs, la concentration du système bancaire camerounais est plutôt modérée et au demeurant la plus faible de la zone CEMAC : deux des huit banques en 1999 détenaient la moitié des dépôts et crédits (cf. tableau 5.9). Plus généralement, l’indice de concentration de Hirschman-Herfindhal est considéré comme modéré, alors qu’il est supérieur à 2,00 pour les autres pays, synonyme d’une concentration plus élevée. On peut conclure à partir de ce tableau que les opérateurs économiques camerounais détiennent environ 17,42 % de leur revenu sous forme d’actifs liquides, contre 5,72 % seulement en titres durant la période 1960-2004.

Tableau 5.9 La concentration bancaire des pays de la zone CEMAC (Indice HH)

Pays 2002 2005

Cameroun 1,621 1,416

Source: Saab et Vacher (2007).

La politique de libéralisation financière mise en œuvre à partir des années 1990 à la faveur des programmes d’ajustement structurels ne se justifie dès lors que par le poids jugé excessif de l’État sur l’économie à cette période par les institutions financières multilatérales ainsi d’ailleurs que par les contre-performances y corrélatives : confirmant de fait le sacre de l’économie libérale sous-tendue par le phénomène de la mondialisation.

La libéralisation du système financier formel est dès lors censée favoriser le niveau de l’épargne, en l’occurrence en élargissant l’offre d’instruments d’épargne et en augmentant les rendements anticipés des placements à travers des taux d’intérêt réels plus élevés, car la rémunération compétitive des dépôts bancaires réduit l’incitation à la consommation courante, voire à la thésaurisation et attire ainsi l’épargne qui échappait auparavant au secteur formel (Turunç, 1999).

Le développement des intermédiaires bancaires assurerait en fin de compte une meilleure mobilisation de l’épargne disponible et soutiendrait par la même occasion la croissance économique. Et pourtant, l’évolution du taux d’épargne 123

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domestique – en % du PIB – est en baisse constante, soit 24,2% en 1980-89, 20,1% en 1990-99 et 19,1% en 2000-04 (Banque mondiale, 2006). L’incitation créditée aux taux d’intérêts réels élevés en Afrique pourrait dès lors s’avérer surfaite. Le soutien du processus de développement des intermédiaires bancaires sur la croissance évoquée ci-dessus, se révèle non significatif et se traduit par une corrélation négative entre le logarithme du crédit privé rapporté au PIB et le taux de croissance du PIB/habitant au cours du temps – 1960-2004 – et dont on observe un trend descendant durant cette période.

La « défiance » à l’encontre du système bancaire par les opérateurs économiques ainsi caractérisée peut toutefois s’expliquer par la vitalité de la finance informelle et semi-informelle et par l’expansion des établissements de microfinance(98), voire de celles de transferts de fonds nationaux et internationaux.

Les tontines et les établissements de microfinance (EMF) domicilient toutefois généralement leurs comptes – d’épargne – auprès des banques, faisant ainsi de ces dernières les prêteurs en « dernier ressort ». En effet, selon Eboué (1990), il n’y a pas d’opposition entre les deux segments du marché de crédit qui sont plutôt de nature capillaire. Ce faisant, l’expansion rapide ces dernières années des établissements de microfinance (EMF) exerce un impact plutôt marginal sur le système d’intermédiation financière, bien que les dépôts et les crédits des EMF aient pratiquement doublé entre 2001-05. Les dépôts en 2005 sont ainsi évalués à 7% de la valeur des dépôts des banques commerciales, en hausse de 4% depuis 2001.

La croissance des activités des EMF reflète en effet, d’une part, l’inadéquation de l’offre des banques commerciales vis- à-vis de la demande de services financiers des PME et des ménages et, d’autre part, du déclin de la pénétration des banques à l’issue du processus des restructurations bancaires du début des années 1990, et dont le résultat a été une forte concentration dans les grandes villes : les filiales bancaires sont en effet passées de 108 pour 8 banques en 1995 à 98 pour 10 banques en 2005. En 2007, seule une banque est représentée sur l’ensemble du territoire (Cf. FMI, 2007).

S’agissant par contre des transferts de fonds de la diaspora(99), ils sont crédités d’avoir un effet positif dans le pays de destination de plusieurs manières(100). En premier lieu, en tant qu’apports de capitaux étrangers, ces fonds améliorent la situation de la balance des paiements des pays qui la reçoivent. En deuxième lieu : ces fonds réduisent directement la pauvreté – étant donné que 80% desdits fonds sont utilisés pour des dépenses de consommation et pour couvrir des frais de scolarité. La consommation accroît ainsi la demande des produits locaux et peut, à travers un effet multiplicateur indirect, promouvoir l’emploi et l’investissement. Les dépenses faites pour les études ou la santé améliorent le capital humain et la productivité à long-terme. En troisième lieu : ces fonds servent à financer les PME et les petits projets d’infrastructures (Gayi et al., 2007).

Néanmoins, les ratios évoqués ci-dessus sont particulièrement bas et expliquent dès lors tout autant le sous-développement du secteur privé, malgré le processus de privatisation d’entreprises publiques en cours depuis 1990, que le caractère on ne peut plus frileux du système d’intermédiation financière. Cette frilosité milite par conséquent pour un approfondissement des réformes du secteur bancaire, à travers un certain nombre d’innovations susceptibles de favoriser l’accès au crédit de la plupart des agents économiques (cf. Eboué, 1990, en l’occurrence les couches sociales les plus défavorisées(101).

À cet égard, la structure du crédit a peu évolué entre 1995 et 2008, malgré les restructurations, ainsi que l’illustre le tableau ci-après (cf. tableau 5.10).

(98) Expansion qui nécessite de plus en plus une supervision renforcée par la COBAC, bien que cette dernière ne dispose pas de capacités suffisantes pour ce faire. (99) Les transferts de la diaspora représentent 0,8 % du PIB du Cameroun en 2008. (100) Voir à cet égard quelques études récentes de Giuliano et Ruiz-Arranz (2005), voire de Gupta et al. (2007). (101) En effet, seuls 5 % de la population ont accès aux services financiers (FMI, 2009). 124

Tableau 5.10 Évolution de la structure du crédit (en pourcentage)

Type de crédit 1995 2005 2008

Court-terme 87,5 65,4 63,54

Moyen-terme 12,5 33,6 31,86

Long-terme 0,2 0,9 4,60

Source: BEAC.

En effet, la part de crédit de court-terme reste dominante, malgré une hausse significative des parts de crédits de moyen et de long-terme. La prédominance des crédits de court-terme est en tout état de cause due à une tarification bancaire inappropriée. En effet le taux de dépôt plancher et le taux de prêt plafond, institués par la BEAC, ne seraient pas compatibles avec les fondamentaux du marché (FMI, 2007).

Le marché de services bancaires camerounais est de fait segmenté dans un secteur où les banques sont en compétition pour attirer la clientèle la plus solvable. Pour celle-ci, les taux d’intérêts sont plutôt faibles. Par contre, les crédits octroyés aux petites et moyennes entreprises, en particulier celles dont l’historique des créances est récent, sont rationnés en raison de la rigidité des taux débiteurs. À cet égard, le coût moyen d’un prêt est de 11 % pour les grandes entreprises, 16 ½ % pour les PME et 20 % pour les ménages. En comparaison, les taux d’intérêts pratiqués par les EMF, non plafonnés, peuvent atteindre 30 % (FMI, 2007).

En tout état de cause, la structure des dépôts peut se révéler un obstacle au crédit de long-terme. En effet, le financement de crédits de long-terme ne peut être assuré que par des dépôts longs. Ce faisant, compte tenu du fait que la masse de dépôts au Cameroun est de court et de moyen-terme par nature (75%), le crédit octroyé au secteur privé est par conséquent dominé par des prêts de court et de moyen-terme. Durant la période 1995-2005, le crédit de long-terme n’excède pas 1% du total des crédits accordés au secteur privé (Cf. encadré 5.7).

Encadré 5.7 Les raisons de la faiblesse persistante du crédit au secteur privé

(i) la médiocrité des cadres compte tenu des risques inhérents aux opérations de prêt au secteur privé, juridiques et institutionnels : il est indispensable de simplifier l’exécution de contrats commerciaux par voie judiciaire.

(ii) les taux prêteurs réels en effet, le taux d’intérêt réel est de 18 % en 2005, contre 13 % en Afrique élevés : subsaharienne, 8 % dans les autres pays à revenu faible et intermédiaire et 3,5 % seulement dans les pays industriels.

(iii) les déficiences des les carences des régimes de propriété – les terres ou les biens meubles – droits de propriété et du limitent l’utilisation de tels actifs comme garantie et font donc obstacle à droit foncier : l’intermédiation financière.

(iv) l’intérêt à financer l’État : les banques ont tendance à privilégier l’acquisition des titres de créances de l’État, voire de la Banque Centrale, au détriment de ceux du secteur privé, malgré des taux d’intérêts supérieurs.

Source: Christensen et al. (2006). 125

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Paradoxalement, la plupart des systèmes bancaires subsahariens – dont le Cameroun – disposent d’importantes liquidités issues pour l’essentiel des dépôts publics et de l’épargne du secteur privé structuré (Saxegaard, 2006 ; Christensen et al., 2006). Mais, il n’en demeure pas moins que la défiance du secteur financier pour le financement de crédits longs(102), en l’occurrence au profit du secteur agricole, constitue de fait une sérieuse entrave à la croissance économique. En effet, l’agriculture reste gravement sous financée tandis que la situation des agriculteurs, qui représentent l’immense majorité des pauvres en zone rurale (le taux de pauvreté y est de 90 %), a connu une aggravation entre 2001 et 2007 tandis que le fossé entre zones urbaines et zones rurales s’est fortement creusé (INS, 2010 ; PASAPE, 2010). D’où la nécessité impérieuse, d’une part, de trouver des sources de financements alternatives, s’agissant en l’occurrence du financement des investissements du secteur agricole et, d’autre part, de mettre en œuvre une politique volontariste de réformes agraires.

5.4.3 Les leçons résultant de l’analyse comparative des deux modèles

Les analyses précédentes mettent en évidence d’une part l’échec de l’État camerounais à tirer bénéfice de la période de répression financière et, d’autre part le renforcement de cet échec induit par le choix d’une politique de libéralisation financière.

Au sujet du premier échec, au lieu que l’interventionnisme de l’État consiste à orienter les financements vers les entreprises industrielles potentiellement porteuses, à instituer un contrôle strict des résultats obtenus et à inciter les entreprises à œuvrer dans le sens d’honorer leurs engagements envers le système financier, l’État camerounais a employé son influence à aider certaines entreprises à échapper à leurs engagements. Ces entreprises publiques sont donc devenues des gouffres financiers sans rentabilité qui ont entraîné dans leur chute le système bancaire camerounais. La débâcle de la CELLUCAM est, en la matière, illustrative.

L’expérience coréenne démontre que le contrôle financier de l’État est crucial pour assurer le financement des secteurs identifiés comme prioritaires. Dans cette perspective, la privatisation du secteur bancaire est un choix inadéquat puisque cette dernière entrave le contrôle financier de l’État et partant, l’usage d’un tel instrument de financement. Le recours aux banques de développement est aussi important en matière d’industrialisation ou de développement de technologies. Or après la crise bancaire de 1990, la plupart des banques de développement ont fait faillite au Cameroun.

Si le Cameroun et la Corée ont commencé avec une politique de répression financière et une épargne domestique faible, la Corée s’est assurée de promouvoir l’épargne nationale afin de réduire la dépendance à l’emprunt extérieur. Par contre, au Cameroun, le gap entre les besoins en investissement et l’épargne nationale n’a cessé de se creuser. De plus, les entreprises camerounaises n’ont pas travaillé de manière à financer elles-mêmes leurs besoins en R&D et en investissements. Le poids de la dette nationale et internationale n’a donc cessé de grandir pour la plupart des entreprises industrielles sélectionnées. Notons cependant que le problème de fond qui touche la stratégie de financement découle d’un problème en amont, à savoir le choix de la chaîne de valeur à développer.

5.5 Le management de l’environnement institutionnel : une comparaison des modèles camerounais et coréen

Cette section, l’avant dernière de ce chapitre, a pour objet de faire le point sur les aspects du management institutionnel de l’État coréen comparativement au management des institutions au Cameroun. En effet, les développements ci-dessus ont mis en évidence trois faits notoires de la trajectoire d’industrialisation de la Corée et du Cameroun. Premièrement, on observe que les conditions économiques de départ (en 1960) sont pratiquement les mêmes. Deuxièmement, ces pays ont plus ou moins adopté les mêmes stratégies d’industrialisation (planification, répression financière, financement de l’éducation, …) du moins au plan de la forme. Troisièmement, il semble évident que la différence entre ces pays réside dans

(102) Du fait d’une perception excessive du risque par les systèmes financiers locaux et internationaux (Cf. Collier, 2009). 126

la qualité de leurs institutions et de l’État. Toutes choses qui feront dire à la CEA que les pays africains ont besoin d’un État « développementaliste », en ces termes :

« La transformation économique en Afrique nécessite que l’État joue un rôle central – à partir d’un cadre de développement approprié – pour planifier, formuler et appliquer des politiques visant à assurer une allocation efficace des ressources (Commission» Économique pour l’Afrique, 2011).

5.5.1 Les implications du management par un État développementaliste

Dans son acception moderne, le concept d’État « développementaliste » émane de Chalmers Johnson (1982). Selon cet auteur, un État « développementaliste » peut se définir comme un État qui place le développement économique comme la priorité première de la politique du gouvernement. Il est alors capable de concevoir des instruments efficaces pour promouvoir un tel objectif, notamment la mise en place de nouvelles institutions formelles, l’établissement de réseaux formels et informels de collaboration entre les citoyens et les fonctionnaires et l’utilisation de nouvelles opportunités de commerce et de production rentable (Bagchi, 2000 : 398). C’est un État interventionniste qui s’emploie à promouvoir la stabilité macroéconomique, qui établit un cadre institutionnel assurant l’ordre, qui s’assure de l’administration efficace de la justice et du règlement pacifique des conflits. C’est aussi un État qui devrait garantir les droits de propriété et investir dans le développement humain (Mkandawire, 1999, 2010).

Dès lors, un État « développementaliste » doit avoir la légitimité pour mobiliser tous les acteurs autour d’un cadre de développement national, y compris sa vision et ses objectifs (Gayi et al., 2007). L’efficacité d’un État développementaliste« » dans la promotion de la transformation économique découle de sa capacité à promouvoir une allocation plus équitable et plus efficace des ressources ainsi que de son aptitude à concevoir et à appliquer la politique ainsi que de sa capacité à assurer la coordination étroite des institutions (CEA et UA, 2011).

L’État « développementaliste » devrait également garantir les droits de propriété et investir dans le développement humain. L’amélioration de la compétitivité globale y corrélative devrait par conséquent accélérer le niveau de transformation non seulement du secteur agro-industriel, qui dispose du potentiel le plus important – en plus des mines et des industries extractives –, mais aussi du secteur technologique, le Cameroun étant crédité de disposer de surcroît d’une main d’œuvre plutôt qualifiée.

En effet, la stratégie actuelle repose sur la «transformation accrue des matières premières », devant permettre au Cameroun d’« accéder à des technologies plus évoluées»(103). Le rôle de l’État se révèle à cet égard fondamental s’agissant de l’orientation et de la promotion de la transformation économique grâce, entre autres, à une plus grande efficience des institutions.

Cinq éléments majeurs sont supposés avoir une importance cruciale pour promouvoir la transformation économique et sociale :

x une administration éclairée et la formation d’une coalition « développementaliste » ;

x l’édification d’institutions transformatrices ;

x une politique industrielle ciblée ;

x l’investissement dans la recherche ;

x une meilleure politique sociale.

À cet égard, les pays comme le Japon, la Malaisie et Singapour, ont réalisé une profonde transformation économique structurelle ainsi qu’une croissance soutenue en l’espace de trois décennies, grâce essentiellement à une approche de planification rigoureuse (CEA et UA, 2011). Pour ce faire, les États africains devraient entreprendre trois tâches majeures, en l’occurrence : la planification des processus de développement, l’élaboration des politiques de développement pertinentes et la mise en œuvre des plans et politiques.

(103) Cf. Message du Chef de l’État à la Nation du 31.12.2012. 127

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5.5.2 Les leçons pour le Cameroun

Les développements précédents ainsi que la définition du concept d’État « développementaliste » permettent de tirer la leçon selon laquelle il est possible que L’État camerounais joue le rôle d’État « développementaliste ». Par ailleurs, ils soulignent à suffisance les modalités relatives à cela.

A cet égard, l’éclatement et la dispersion des centres de décision ne permettent pas la coordination des efforts en vue du développement. L’on en veut pour preuve que, depuis les années 1960, le programme de développement camerounais n’est pas en cohérence avec le programme de formation de la main-d’œuvre. En effet, le système scolaire camerounais ne reflète pas une stratégie de réponse aux besoins de développement industriel du pays. L’essentiel des personnes scolarisées s’oriente vers l’enseignement général et l’administration, alors même que c’est la diversification et l’industrialisation qui sont les objectifs.

Il est donc clair que l’État ne joue pas son rôle de fournisseur du capital humain adéquat. Le manque d’incitations au retour et même le manque d’incitation à rester entraînent la fuite des cerveaux et des personnes qualifiées. La faiblesse des moyens alloués à la recherche scientifique et universitaire se traduit par une faible innovation et une myopie pour l’avenir. L’État devrait donc renforcer le partenariat recherche-centres de décision. Au-delà de l’aspect financier, l’exemple coréen est aussi un exemple de management du développement qui consiste à identifier les secteurs d’avenir, de les soutenir en leur fournissant les infrastructures, les incitations et la main-d’œuvre nécessaire afin d’en bénéficier plus tard. C’est aussi un exemple de rigueur où l‘État aide les entreprises prometteuses et élimine les autres. Le concours de l’État n’est pas disponible pour les entreprises qui manquent de viabilité. L’État imagine des stratégies pour mettre fin à la corruption et récompense l’effort poussent ainsi les entrepreneurs à se surpasser.

Le développement est une construction progressive de longue durée qui demande des efforts soutenus de tous. L’État y a sa partition à jouer mais elle n’est pas la seule en cause. Les développements ci-dessus démontrent que les entreprises coréennes aussi pensent le développement et une fois qu’elles émergent, elles mettent en place les conditions de développement durable de leurs activités mais aussi de toutes les activités annexes. C’est le cas de la construction des ports les plus grands du monde. Cela est une interpellation pour les entreprises camerounaises.

Dans le DSCE qui émane de l’État Camerounais et se veut le document de référence du développement, de la croissance et de l’emploi au Cameroun, on peut observer que certaines tâches sont dévolues à l’État, notamment la création d’institutions spécifiques, la construction des textes qui constituent le cadre administratif de la mise en œuvre du DSCE, la signature d’accords divers avec les partenaires au développement, ….

Somme toute, la gestion institutionnelle a joué un rôle non négligeable dans la promotion de l’industrialisation coréenne. La différence dans les formes d’implication de l’État (choix des industries, construction du plan de financement, contrôle, incitations, …) explique en grande partie la trajectoire empruntée par chaque pays. La présence d’un État « développementaliste » est certainement le maillon le plus important qui a manqué au Cameroun.

Leçons pour la transformation structurelle de l’économie Camerounaise La transformation structurelle reflète le processus à travers lequel la composition sectorielle d’une économie, c’est-à- dire l’importance relative des différents secteurs et des différentes activités, se modifie au cours du temps (Lewis, 1954). En d’autres termes, c’est la réallocation des ressources des secteurs les moins productifs vers les secteurs les plus productifs (McMillan et Rodrik, 2011). La transformation structurelle implique aussi une réallocation intra-sectorielle depuis les activités à faible productivité vers les activités à plus forte valeur ajoutée, c’est-à-dire plus intensives en technologie et plus sophistiquées (ONUDI, 2013). Une telle modification de la structure économique permet de maintenir une croissance inclusive, forte et durable (PEA, 2013).

Une des caractéristiques clé décrivant la transformation structurelle est que les économies commencent seulement avec l’agriculture, ensuite la fabrication industrielle. Puis un troisième secteur des services, puis un quatrième secteur de la technologie, et ainsi de suite. La transformation structurelle émane de 4 sources, à savoir la croissance de la productivité tirée par la technologie, une accumulation rapide du capital, le rôle des liaisons ou interactions entre les différents secteurs et le rôle des institutions. Plus précisément, 128

i) La croissance de la productivité reflète l’évolution d’une économie traditionnelle vers une économie moderne et la contribution de l’accroissement de la productivité du secteur agricole y joue un rôle primordial.

ii) L’accumulation du capital, condition nécessaire mais non suffisante de la transformation, doit être associée à l’accroissement de la profitabilité agricole appuyée sur l’investissement dans les nouvelles technologies

iii) Les liaisons intersectorielles entre secteurs agricole et non agricole peuvent déterminer le cours de la transformation dans plusieurs pays en développement.

iv) Les capacités institutionnelles s’avèrent importantes pour gérer des infrastructures et biens publics complexes en agriculture tels que les systèmes d’irrigation étendus. Par ailleurs, les interventions directes du gouvernement peuvent permettre, lorsqu’elles sont appropriées de corriger certaines défaillances de marché.

La transformation structurelle offre donc au Cameroun, l’opportunité de construire une stratégie d’industrialisation cohérente, articulée et progressive. Il s’agit de commencer avec un secteur intensif en main-d’œuvre (l’agriculture) afin d’accroître les exportations et d’engranger les devises nécessaires au financement du développement, puis de passer au développement technologique en vue de la promotion des agro-industries et des industries-agroalimentaires ayant un fort potentiel d’entraînement d’autres secteurs. À partir de ce moment interviendra la transformation de la structure de production, des produits à faible technologie vers une part plus importante des produits à forte technologie.

Dans la perspective de la transformation structurelle et afin de ne pas retomber dans les travers qui ont jalonné l’histoire de l’industrialisation au Cameroun, il est important de garder à l’esprit les points suivants :

A — Une stratégie d’industrialisation est une stratégie globale

Une telle stratégie prend en compte les industries, le commerce, l’éducation, les infrastructures, la R&D, la politique sociale, la politiques commerciale. La figure 5.5 qui résulte d’une synthèse de l’analyse comparative décrit les éléments d’une stratégie d’industrialisation dite globale et souligne le rôle important de la gouvernance émanant de l’État « développementaliste ». Le premier élément de la stratégie est la planification qui comporte le choix des chaînes d’activité à développer (CHXACT), la définition des besoins en capitaux (ACQCAP) et l’ensemble des politiques annexes nécessaires à la réussite du plan, notamment les infrastructures (STRAT). Le tableau 5.7 est, en matière de planification, suffisamment détaillé. Le deuxième élément porte sur l’opérationnalisation des instruments d’industrialisation, à savoir le capital humain (CAPHUM), la technologie (TECHNO) dont les trois groupes sont définis au tableau 5.7, le capital financier (FINANCE) et l’innovation (R&D) qui suppose un partenariat entre les universités et centre de recherche, le secteur public et le secteur privé. Le troisième élément, et de loin le plus important, est la gouvernance impulsée par l’État « développementaliste ». La bonne gouvernance doit être implémentée à toutes les étapes du programme d’industrialisation. L’État « développementaliste » assure la cohérence du programme, prospecte, guide, contrôle, incite.

Si l’État joue bien son rôle et que les entreprises impliquées dans le processus jouent leur partition, le programme devrait efficacement conduire au développement industriel et technologique (INDUST). 129

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Figure 5.5 Modèle d’une stratégie d’industrialisation globale

GOUVERNANCE DE L’ETAT DEVELOPPEMENTISTE

PLANIF CAPHUM = EDUC + SANTE + GENRE

CHXACT TECHNO = GRP1 + GRP2 + GRP3 INDUST ACQCAP FiINANCE = EMPEXT + EPNAT + SYSTFIN

STRAT R&D = ERSTES ETRES DE REERE RTERT TRRTTE

Source: Construction de l’auteur.

B — Une stratégie d’industrialisation est une stratégie inclusive

L’inclusion est entendue ici au sens où une stratégie d’industrialisation appelle un partenariat étroit entre toutes les couches de la société, notamment le secteur entrepreneurial, l’État, le système financier et les Universités et Centres de Recherche.

C — Une stratégie d’industrialisation doit être impulsée, guidée et soutenue par un État visionnaire mais réaliste

Au sujet du rôle de l’État, le développement devrait être une obsession, un objectif au-dessus de tout autre objectif. L’État « développementaliste » est d’abord cet État qui pense le développement, le planifie et ne vit que pour ce développement. C’est avant tout une idéologie, un comportement. Ensuite, un État est un État « développementaliste » lorsqu’il s’implique dans l’orientation du développement, dans la prospection des niches de développement actuelles et à venir et dans la coordination du développement. Mise en place des institutions, orientation de l’épargne, orientation des secteurs d’éducation prioritaires, incitations contre la fuite des cerveaux et l’exode rural, incitations à la R&D, mise en place des politiques commerciales actives et stratégiques

D — Il est important de promouvoir l’épargne nationale pour qu’elle serve de socle au plan de financement de l’industrialisation

E — Le plan d’industrialisation devrait privilégier une approche de type technopole qui consiste à mettre sur pied une chaîne d’activités autour d’une technologie

Dans la perspective de la mise en place d’une technopole, c’est-à-dire d’un site comportant une chaine d’activités allant de l’étape du laboratoire jusqu’à celle de la commercialisation du produit (entreprises de production, centres de recherche, universités, organismes financiers, entreprises de distribution) et reposant sur des technologies de pointe, l’approche coréenne nous semble être la plus adaptée. En effet, la construction d’une technopole repose généralement sur les petites et moyennes entreprises (PME) regroupées de manière cohérente en un même lieu. Or les PME constituent l’essentiel du tissu entrepreneurial camerounais. Cependant, elles opèrent majoritairement dans le secteur primaire et dans le secteur des services. Le plan d’industrialisation devrait donc s’appuyer sur une modification de la répartition des activités des PME vers les technologies de pointe. 130

Selon l’importance et le type d’activité on peut avoir plusieurs types de technopoles (Manzagol, 1995), à savoir les centres d’innovation qui, généralement localisés dans les universités, fournissent de petites unités de recherche ou d’expertises pour les entreprises ; les parcs scientifiques, souvent aménagés dans les universités à l’initiative de celles-ci, qui émanent d’un partenariat entre le département R&D des grandes firmes et les universités ; les parcs technologiques dont l’activité principale est la production industrielle de haute technologie et les services aux entreprises ; les parcs d’affaires et commerciaux qui ont trois fonctions : la manufacture, le commerce et les services ; les zones industrielles supérieures ; les parcs scientifiques verts(green innovation parks) qui sont des parcs d’activités scientifiques et technologiques autosuffisants au plan énergétique (énergie solaire photovoltaïque et thermique, éoliennes, puits géothermiques, recyclage de l’eau et des déchets, agriculture locale, transports électriques …).

La mise en place d’une technopole au Cameroun pourrait s’appuyer sur le projet Agropole. Néanmoins, conformément à l’approche coréenne le projet doit s’appuyer sur plusieurs étapes. Dans un premier temps, il faut recenser le PME impliquées dans le secteur agricole, agro-alimentaire et agro-industriel et faire une enquête sur leurs besoins en technologie. Dans un deuxième temps, il faut classer ces différentes technologies de manière à identifier celles qui sont demandées par plusieurs PME et celles qui sont spécifiques à différents groupes de PME. Troisièmement, il faut établir un plan d’acquisition et d’utilisation de ces technologies (quelles sont leurs caractéristiques ? peut-on les fabriquer localement ? doit-on les importer ? Combien de temps prendra l’acquisition et l’utilisation effective par les techniciens locaux ? Y-a-t-il la technique suffisante pour s’en servir ? Quels besoins en formation créera l’acquisition de ces technologies ? …). Quatrièmement, il faut penser les liaisons entre les entreprises auxquelles l’État fournit la technologie et les autres activités industrielles ou non (partenariat privés-État-universités). Cinquièmement, il faut s’intéresser au site de localisation et au regroupement physique des PME et des Universités et Centres de recherche, surtout en fonction de la disponibilité de la matière première, des possibilités de logement des personnes et de l’objectif de protection de l’environnement. Enfin, il faut évaluer le coût de mise en œuvre du projet et établir une stratégie de levée des fonds à l’interne et auprès des partenaires extérieurs.

F— Le plan d’industrialisation devrait mettre un accent sur la promotion de la productivité

La productivité des activités agricoles et industrielles reste encore à construire. En effet, malgré les engagements pris par l’État, les analyses révèlent qu’au Cameroun, la productivité de l’ensemble des secteurs est faible. La productivité peut être construite par l’insertion de la technologie, par l’expansion et la conquête de nouveaux marchés, par l’accumulation rapide des capitaux, par le biais des liaisons et interconnexions entre les secteurs, par les institutions. Cependant, la dispersion des efforts d’amélioration de la productivité ne peut donner de bons résultats, d’où l’importance d’identifier quelques secteurs moteurs qui permettront de recueillir les moyens matériels, financiers et humains pour entraîner les autres secteurs de l’économie. Par ailleurs, il faut dans un premier temps relancer les industries agricoles existantes.

G— Un plan d’industrialisation peut s’appuyer sur les PME

À ce sujet Lee & Lim (2016 :74) proposent un modèle d’internationalisation des PME par leur insertion dans les chaînes de valeur internationales à travers une collaboration avec des firmes de plus grandes tailles. Ce modèle souligne aussi l’importance d’améliore la productivité des entreprises qui, quel que soit le mode de répartition des tâches (division du travail basé sur le produit, division du travail basé sur la chaîne de valeur, division du travail basé sur le marché), se voient généralement attribuer le rôle de production.

En suivant le processus d’insertion sur le marché international décrit par ces auteurs, une PME passera par trois étapes successives :

x OEM (original equipment manufacture) : la PME sous-traite la production d’une firme en conformité avec les spécifications voulues par ladite firme. Elle bénéficie des transferts de technologie et passe à l’étape suivante par apprentissage.

x ODM (original design manufacture) : la PME fabrique désormais des produits de son choix qu’elle vend à une firme internationale. Cette dernière se charge d’en assurer la vente et le marketing. La PME bénéficie ainsi de la renommée de la firme internationale.

x OBM (original brand manufacture) : la PME assure désormais l’ensemble du processus de production c’est-à-dire la fabrication des produits nouveaux, la R&D sur les produits et le processus de production, la distribution. 131

AFRICAÉTUDE SUR LOOKING L’ÉCONOMIE EAST: DU CAMEROUN DevelopmentalLa Politique de State,Développement Economic dans Transformation, la Pratique: Enseignements andTirés the de Relevancel’expérience of deSouth Développement Korea's Experience de la Corée du Sud

Chapitre 6 CONCLUSION GÉNÉRALE

6.1 Rôle transformationnel de l’État 132

6.2 Leçons à tirer de l’exemple Sud-Coréen 135

6.3 Recommandations pour la redynamisation du développement économique et 137 social du Cameroun 132

Cette étude sur le rôle transformationnel de l’État en matière de développement a eu pour but de rechercher, à partir d’une approche historique et comparative, le rôle transformatif de l’État et des réformes institutionnelles dans le processus de développement au Cameroun et en Corée du Sud, dans la perspective d’en tirer les leçons du modèle de développement coréen. Le travail s’est articulé autour de trois axes principaux : (i) l’évolution des institutions juridique, politique, économique et social (ii) l’évolution des processus d’industrialisation (iii) le niveau de contribution de l’État dans la formation du capital humain et la production d’infrastructures. Pour chaque axe, la description de l’évolution socio-économique s’est structurée autour de trois sous-périodes : la période coloniale, les décennies suivant les indépendances et les périodes récentes.

Dans le premier axe, le travail met en relief l’importance des institutions dans la définition des stratégies de développement économique. Le niveau de développement économique dans chaque pays est fortement lié à la qualité de ses institutions, ainsi qu’à la performance des politiques de réforme engagées dans les secteurs clés de l’économie.

Le deuxième axe, s’est appesanti sur les stratégies de production des biens et services sociaux en mettant en exergue deux catégories de services sociaux qui constituent la base du capital humain à savoir l’éducation et la santé ; de même que, plusieurs types d’infrastructures à savoir, celles permettant d’accéder à certains biens et services sociaux tels que l’eau, l’énergie, les TIC et les sanitaires, mais aussi les infrastructures de transport dont les routes et les chemins de fer. Cette investigation a également pris en compte le rôle du secteur privé dans la formation du capital humain et la fourniture d’infrastructures.

Au troisième axe, il a été question de se focaliser sur l’examen de la transformation structurelle reflétée par le processus à partir duquel la composition sectorielle d’une économie, c’est-à-dire l’importance relative des différents secteurs et des différentes activités, se modifie au cours du temps. Il est ressorti qu’une des caractéristiques clé décrivant la transformation structurelle est que les économies commencent seulement avec l’agriculture, ensuite l’agriculture et la fabrication industrielle. Puis un troisième secteur des services, puis un quatrième secteur de la technologie, et ainsi de suite. Aussi, la transformation structurelle émane de quatre (4) sources, à savoir la croissance de la productivité tirée par la technologie, une accumulation rapide du capital, le rôle des liaisons ou interactions entre les différents secteurs et le rôle des institutions.

Sur la base de ces trois axes, des tests empiriques ont été effectués pour capter les interdépendances entre d’une part le rôle transformatif de l’État, des réformes institutionnelles et d’autre part le niveau de développement économique et social. À cet effet, les différentes réformes politiques et institutionnelles, ont été analysées, à travers non seulement les révisions ou les changements de Constitution et l’évolution politique et institutionnel, mais aussi leurs effets sur le développement économique de ces deux États depuis leur accession à l’autonomie.

Dans cette perspective, les liens entre l’État et les institutions ont été abordés à la lumière d’indicateurs de gouvernance et à partir de la construction d’indicateurs synthétiques.

De ces différentes analyses, il ressort que les deux économies, sud-coréenne et ivoirienne, ont suivi des trajectoires différentes, aussi bien dans les choix politico-institutionnelles que dans leur application. Afin de tirer les leçonsde l’expérience coréenne et formuler des recommandations pour le Cameroun, cette conclusion générale présente le rôle transformationnel de l’État sur le développement économique et social autour de deux (2) points :

x L’évolution des institutions et la performance des politiques de réforme ;

x Les raisons de l’essor de l’économie coréenne et de la stagnation de l’économie camerounaise.

6.1 Rôle transformationnel de l’État

Cette évolution va montrer d’abord quelques similitudes au niveau de la politique institutionnelle, économique et sociale des deux pays, ensuite les différences fondamentales dans leurs approches en termes de développement et enfin, les limites des politiques mises en œuvre au Cameroun face à la Corée du Sud qui prend son envol économique. 133

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Les similitudes dans les premières décennies La situation économique et sociale de la Corée du Sud dans les années 50 est similaire à celle du Cameroun dans les années 60 ; situation caractérisée par une longue période de colonisation où le pays ne disposait pas de ressources financières et humaines suffisantes pour amorcer son développement.

Depuis leurs indépendances les deux pays, ont adopté des réformes constitutionnelles et politiques dont les performances ont favorisé l’amorce d’un décollage économique entre 1960 et 1980.

La Constitution sud-coréenne qui a été promulguée le 17 Juillet 1948 subsiste depuis cette date et a subi neuf révisions dont la dernière en 1987. Les différentes révisions constitutionnelles ont entraîné les changements de Républiques en faisant passer le pays de la Première à la Sixième Républiques. Ces différentes révisions constitutionnelles sont dues au fait que la Corée du Sud a été en proie de manière récurrente à une instabilité institutionnelle et politique chronique.

Quant au Cameroun, depuis son indépendance le 1er Janvier 1960, les réformes politiques et institutionnelles intervenues se sont faites sous trois Constitutions révisées treize fois et adoptées respectivement le 4 Mars 1960, le 1er Septembre 1961 et le 2 Juin 1972. L’histoire du Cameroun est marquée par deux années très importantes :1960 qui consacre l’indépendance du pays avec le début de l’exercice des compétences nationales et internationales d’un État devenu véritable sujet de droit, et 1990 qui marque l’éveil de la démocratie et le début d’un encadrement juridique résultant de l’évolution vers un État de droit. La forme de l’État camerounais a aussi été modifiée à plusieurs reprises : République du Cameroun en 1960, République Fédérale en 1961 après la réunification avec l’ancien Cameroun britannique, République Unie du Cameroun en 1972, République du Cameroun en 1984 et État unitaire décentralisé depuis 1996.

Dans la même période, les politiques sociales (emploi, éducation, santé) sont qualifiées de globalement satisfaisantes pour les deux pays dans un environnement de stabilité sociale et de forte croissance économique.

Les différentiations dans les orientations économiques et sociales Il semble évident que la différence entre la Corée du Sud et le Cameroun réside dans la qualité de leurs institutions et de l’État.

La différence de stratégies de développement et de cadre institutionnel entre la Corée du Sud et le Cameroun est nette : le décollage économique par l’industrialisation en Corée du Sud et le développement par l’agriculture pour une croissance rapide et équilibrée au Cameroun. Cela se confirme d’ailleurs dans les résultats des performances économiques entre le Cameroun et la Corée du Sud. En effet, si au Cameroun l’évolution politique et institutionnelle semble s’être faite dans le sens d’une personnalisation de l’État et des institutions, en Corée du Sud par contre, même en période de dictature militaire, les réformes entreprises ont beaucoup contribué au décollage économique de ce pays.

Ainsi, les différents plans de développement ont transformé la Corée du Sud pauvre en matières premières en misant sur les exportations. La stratégie de développement de ce pays a mis l’accent sur : i) l’ouverture vers l’extérieur ; ii) la stabilité macroéconomique et iii) de gros investissements dans le capital humain. Les différents gouvernements sud-coréens ont mis en place des politiques pour l’émergence des champions nationaux appelés les chaebols qui sont aujourd’hui de grandes multinationales connues partout dans le monde.

Concernant le Cameroun, l’implication totale de l’État dans le développement (capitalisme d’État) va se traduire par l’appui au secteur agricole, ayant pour rôle la production et/ou la transformation. La base de la croissance sera donc l’agriculture et l’agro-industrie. La rigidité du système politique caractérisé par un fort tropisme présidentialiste a tendance à créer des goulots d’étranglement. Le jacobinisme institutionnel ne libère pas assez les énergies et les intelligences à tel point que le pays tout entier semble plongé dans l’attentisme. Pourtant, de nombreuses réformes sont menées pour créer les conditions d’un développement économique optimal mais les multiples problèmes de coordination et d’arbitrage entre les différents services de l’État empêchent que les résultats attendus soient visibles et perceptibles par la population.

Au niveau des politiques sociales, le financement des services sociaux de santé sera essentiellement assuré par le secteur privé en Corée du Sud ; la lutte contre la pauvreté va se traduire dans le pays par une politique de réduction de la pauvreté, stratégiquement adossée à la politique industrielle. 134

Quant au Cameroun, les grands chantiers de santé seront principalement financés par l’État ; et les politiques de lutte contre la pauvreté seront liées à l’amélioration des revenus des populations à partir d’une croissance économique forte, issue des ressources tirées directement ou indirectement du secteur agricole.

Les ruptures : décollage de l’économie coréenne et stagnation de la croissance au Cameroun La première observation de cette rupture se situe au niveau de la tendance macroéconomique dans les deux pays. Cette tendance est caractérisée par des écarts très importants entre le Cameroun et la Corée du Sud par rapport aux dépenses publiques et aux investissements publics alors qu’elles avaient presque le même niveau d’investissement public en 1960.

La deuxième observation montre que l’économie camerounaise n’a pas de base d’une croissance inclusive et les déséquilibres économiques et sociaux vont rapidement apparaître. La Corée du Sud qui avait presque les mêmes indicateurs de développement que le Cameroun a nettement distancé le Cameroun dans la production des biens et services sociaux parce qu’elle s’est appuyée sur le secteur privé tout juste après les indépendances.

Les observations, montrent qu’au Cameroun la participation du secteur privé dans la production et le financement des biens et services sociaux est une réalité mais reste mal opérationnalisée. Aussi, l’État camerounais d’une part à échoué à tirer bénéfice de la période de répression financière et, d’autre part à subit le renforcement de cet échec induit par le choix d’une politique de libéralisation financière. Au sujet du premier échec, au lieu que l’interventionnisme de l’Etat consiste à orienter les financements vers les entreprises industrielles potentiellement porteuses, à instituer un contrôle strict des résultats obtenus et à inciter les entreprises à œuvrer dans le sens d’honorer leurs engagements envers le système financier, l’Etat camerounais a employé son influence à aider certaines entreprises à échapper à leurs engagements. Ces entreprises publiques sont donc devenues des gouffres financiers sans rentabilité qui ont entraîné dans leur chute le système bancaire camerounais. La débâcle de la CELLUCAM est, en la matière, illustrative.

Ainsi, la Corée du Sud maintient sa trajectoire de croissance amorcée depuis le premier plan quinquennal, malgré quelques épreuves économiques et sociales (crise pétrolière et crise politique). À partir de 1980, la Corée du Sud est considérée comme un nouveau pays industrialisé (NPI) : l’effort pour dynamiser la création de richesse est à son maximum et on considère que cette période pourrait être le point de départ de la différence entre les deux pays dans la poursuite de leurs efforts respectifs de développement économique et social.

Au total, la Corée du Sud en 2012 était classée 15ème économie mondiale, avec un statut de membre du G20, après son adhésion à l’OCDE en 1996. Selon les estimations, aujourd’hui, en fin 2015, le pays occuperait la 12ème place mondiale, détrônant ainsi l’Australie. Le Cameroun, quant à lui, peine à stabiliser son économie.

Les politiques économiques La transformation structurelle de l’économie est relativement lente au Cameroun où la valeur ajoutée manufacturière est encore très faible pour impulser une véritable dynamique, contrairement à la Corée du Sud où celle-ci, relativement importante à la fin de la décennie 80, a favorisé l’amorce d’une dynamique structurelle soutenue.

Dans les années 90, la Corée du Sud a achevé le premier stade de transformation structurelle et la valeur ajoutée manufacturière s’est stabilisée, avec une augmentation continue de celle des services. Au Cameroun, la faible productivité qui caractérise l’agriculture et les services et la contribution du secteur industriel (agro-industrie principalement) est incapable d’assurer sa propre croissance, à fortiori, amplifier ses effets d’entraînement sur les autres secteurs.

L’État sud-coréen quant à lui s’érige en un État « fort » lui conférant une réelle autonomie vis-à-vis du secteur privé ; ce qui va se traduire par une définition des choix stratégiques, une réalisation des mesures correspondantes résistant aux lobbies, une capacité de mise en œuvre des décisions.

Si le Cameroun et la Corée ont commencé avec une politique de répression financière et une épargne domestique faible, la Corée s’est assurée de promouvoir l’épargne nationale afin de réduire la dépendance à l’emprunt extérieur. Par contre, au Cameroun, le gap entre les besoins en investissement et l’épargne nationale n’a cessé de se creuser. De plus, les entreprises camerounaises n’ont pas travaillé de manière à financer elles-mêmes leurs besoins en R&D et en investissements. Le poids 135

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de la dette nationale et internationale n’a donc cessé de grandir pour la plupart des entreprises industrielles sélectionnées. Notons cependant que le problème de fond qui touche la stratégie de financement découle d’un problème en amont, à savoir le choix de la chaîne de valeur à développer.

De même, d’importants investissements dans le capital humain de base et des infrastructures sociales ont été réalisés en Corée du Sud dès les premières années d’indépendance. Depuis lors, le système sanitaire semble être bien maîtrisé, avec une population protégée par le risque maladie et une qualité des indicateurs de perception d’un système sanitaire optimal. En plus, entre 1980 et 2000, la Corée du Sud va mettre en place un vaste programme médical de base en milieu rural permettant ainsi d’assurer la protection en matière de santé de ces populations.

Au Cameroun, au niveau des reformes et adaptations du système global de protection sociale, des initiatives multiples en faveur de la réduction de la pauvreté ont été prises. Le caractère inapproprié des programmes mis en œuvre s’est traduit par la persistance de la pauvreté et sa progression sous diverses formes. Les résultats quantitatifs des investissements sont généralement exposés sans tenir compte de leurs impacts sur l’amélioration réelle des conditions de vie des populations.

Au niveau de la Corée du Sud, depuis la crise de 1997-1998, le pays a accompli de nombreux efforts en direction d’une amélioration de son système de protection sociale, en touchant tous les domaines de bien-être humain afin de limiter les risques sociaux liés à la précarité des individus.

En ce qui concerne la structure de l’emploi au Cameroun, elle n’a pas connu de changements notables depuis 1990 et le fort taux d’emplois moyennement qualifiés est un handicap pour la transformation structurelle du pays.

Pour la Corée du Sud, si elle présentait les mêmes caractéristiques de l’emploi que Cameroun dans les années 60, le pays a réussi sa transformation structurelle depuis plusieurs décennies, ce qui lui a permis d’accroître régulièrement et significativement la part des emplois qualifiés et de réduire par conséquent le taux de chômage.

Les politiques Culturelles L’influence des facteurs culturels et des courants de pensées tels le « confucianisme » a joué un rôle important dans l’éducation des citoyens coréens, comme la plupart des populations asiatiques.

Ainsi, en Corée du Sud, l’éducation demeure profondément enracinée dans le substrat historique et culturel. Avant la modernisation du système éducatif, des normes traditionnelles de formation de l’élite sociale existaient. Par la suite, la reconstruction du système éducatif, détruit par l’occupant japonais pendant la colonisation, s’effectuera lentement, encouragée par les nécessités d’un développement qui tiendra compte des valeurs culturelles propres aux pays.

Aussi, chaque sud-coréen devra-t-il communiquer avec son environnement et devenir un citoyen instruit, capable d’aborder les questions économiques et sociales avec un esprit de leadership.

Au Cameroun, la colonisation a quasiment détruit toutes les valeurs culturelles d’éducation traditionnelle. Aujourd’hui, le secteur éducatif moderne, basé principalement sur le système éducatif de l’ancien colonisateur, donc sans changements majeurs, a connu bien de reformes susceptibles de rehausser sa qualité. Cependant, l’instabilité institutionnelle à partir de 1999 a « plombé » le système éducatif ivoirien, toujours à la recherche d’une solution durable de formation adéquate.

6.2 Leçons à tirer de l’exemple Sud-Coréen

L’expérience de la Corée du Sud peut offrir de nouvelles orientations aux gouvernants en matière de formulation et de pilotage de la stratégie d’émergence. Cette expérience confirme le rôle central de l’État dans la transformation rapide des systèmes politiques, économiques et sociaux. 136

6.2.1 Les politiques institutionnelles

Les résultats globaux et sectoriels de la Corée du Sud traduisent parfaitement l’existence d’un État développementaliste dont la gouvernance politique et économique a favorisé la transformation structurelle du pays. Cet État développementaliste s’est manifesté par l’accélération du processus d’industrialisation et de développement économique et social.

Démocratisé, l’État sud-coréen a conservé sa volonté de développer, maintenu la cohérence de son action par-delà les changements politico-institutionnels et inventé de nouveaux moyens pour guider l’économie.

La qualité des institutions a été l’un des principaux déterminants de la transformation structurelle du pays : la bureaucratie a participé activement à la conception et à la mise en œuvre efficace de la stratégie d’industrialisation rapide du pays ; elle a su limiter la corruption et impacter positivement la rentabilité des investissements publics et privés.

6.2.2 Les politiques économiques

Au-delà des fonctions régaliennes, l’interventionnisme de l’État est caractérisé par le pilotage stratégique de l’industrialisation rapide grâce à une transformation structurelle réussie.

Le gouvernement établit ainsi des principes pour l’industrialisation ; le processus d’industrialisation est accompagné par des changements radicaux dans la structure industrielle notamment, l’augmentation régulière de la part des industries manufacturières et des services.

La détermination de l’État coréen à conduire la transformation économique se lit dans les projets énoncés par les chefs d’État successifs, quelle que soit leur tendance.

Concernant les Chaebols, la réforme de l’État les a transformés en partenaires du développement devenus de formidables acteurs sur la scène mondiale, verticalement intégrés à l’économie mondiale et très « coréens » par leur mode de gestion et leurs rapports étroits avec les élites publiques.

L’expérience coréenne démontre également que le contrôle financier de l’État est crucial pour assurer le financement des secteurs identifiés comme prioritaires. Dans cette perspective, la privatisation du secteur bancaire est un choix inadéquat puisque cette dernière entrave le contrôle financier de l’État et partant, l’usage d’un tel instrument de financement. Le recours aux banques de développement est aussi important en matière d’industrialisation ou de développement de technologies.

6.2.3 Les politiques sociales

La mise en place de nombreuses réformes sociales depuis 2006 ont permis à la Corée du Sud d’améliorer les indicateurs de niveau de vie ; les facteurs qui ont favorisé cette amélioration sont entre autres :

x la supériorité du pouvoir d’achat coréen favorisant la participation des populations ;

x la maîtrise du plan de développement social engagé ;

x la stabilité sociale ;

x la résilience face aux chocs exogènes internationaux ;

x la non dépendance à l’Aide Publique au Développement (APD) ;

x le financement efficace des programmes sociaux ;

x les investissements dans les secteurs stratégiques à forte valeur ajoutée traduits par la qualité de l’efficacité marginale du capital. 137

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6.3 Recommandations pour la redynamisation du développement économique et social du Cameroun

Les pays qui présentaient, il y a quelques décennies, les mêmes caractéristiques économiques que ceux de l’Afrique Subsaharienne, ont pu réduire durablement les inégalités sociales, transformer les structures de leur économie, pour devenir aujourd’hui les moteurs de la croissance de l’économie mondiale. Il apparaît que les chemins empruntés par la Corée du Sud et Cameroun pourraient constituer une source de bonnes pratiques pour beaucoup de pays africains. Les recommandations tirées de l’exemple de l’économie sud-coréenne pourraient favoriser l’orientation de l’économie camerounaise vers de nouvelles dynamiques.

6.3.1 Les politiques institutionnelles

Dans le contexte actuel du Cameroun, il s’agit d’initier une politique industrielle ambitieuse, de rechercher les financements et l’innovation technologique appropriés et de piloter le processus de croissance dans le style d’un État développementaliste comme la Corée du Sud.

Il faudra en outre stimuler l’investissement privé et donc donner davantage de place au secteur privé dans l’économie afin de contourner les problèmes liés à la faible productivité des administrations publiques.

À l’image des cheabols en Corée du Sud, l’État doit encourager une élite nationale à investir davantage dans le pays et s’ériger en détenteur principal des parts du secteur privé. Comme en Corée du Sud, cette élite d’investisseurs, notamment dans le secteur agro-industriel, devra pouvoir bénéficier de la protection de l’État contre la concurrence internationale.

Il faudra également veiller à ce qu’une part substantielle des bénéfices de la croissance soit réinvestie dans l’économie du pays afin de créer davantage de richesses pour une meilleure affectation des ressources. Cela contribuera à la réduction du taux de chômage.

La mise en place d’institutions bancaires et financières, par le développement d’un système financier national fort, est indispensable pour réorienter et soutenir la transformation structurelle et le décollage industriel du pays.

6.3.2 Les politiques économiques

A la lumière des enseignements du modèle coréen, une véritable politique industrielle est indispensable pour redémarrer le processus de transformation structurelle.

Les produits industriels choisis pour amorcer une croissance économique soutenue ne devraient pas demeurer à l’étape de matières premières à peine œuvrées, mais connaître une transformation industrielle ou agro-industrielle achevée ou quasi achevée.

Le Cameroun devra donc mettre en place une politique industrielle basée sur une industrie solide, capable d’amorcer le changement structurel pour un développement économique durable, comme le démontre la Corée du Sud. Aussi, l’essor de cette industrie devra reposer sur le développement d’un vaste réseau de Banques nationales capables d’assurer et garantir le financement.

6.3.3 Les politiques sociales

Le Cameroun devra mettre en place des politiques cohérentes et ambitieuses de croissance forte de son PIB afin de soutenir durablement le financement de son développement social, notamment dans les secteurs de la santé etde l’éducation, et donc répondre à la demande croissante en fourniture de services sociaux de base. 138

La qualité et l’efficacité des investissements sociaux devraient faire l’objet d’attention particulière de la part des dirigeants, afin de s’assurer d’une meilleure utilisation des ressources mobilisées et leurs effets certains sur les objectifs cibles.

Les politiques publiques devraient être planifiées à long terme afin d’avoir un impact plus important sur les conditions de vie des populations.

Le secteur de l’éducation devra connaître une allocation plus importante des ressources pour améliorer davantage la qualité de l’enseignement, mettre l’accent sur les formations spécialisées par l’adéquation formation-emploi, orienter les investissements vers des formations pour des secteurs stratégiques de développement du pays. Le Cameroun doit aussi planifier la production de son système d’éducation en conformité avec les exigences de développement économique et social à long terme.

La distribution des fruits de la croissance devra être plus équilibrée afin de lever les obstacles limitant l’accès des populations aux services sociaux de base. 139

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ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La Politique de Développement dans la Pratique: Enseignements Tirés de l’expérience de Développement de la Corée du Sud

Equipe de Rédation

Chercheur principal Chercheurs associés

NGOA TABI Henri ATANGANA ONDOA Henri

ONGONO Patrice

OKAH EFFOGO Françoise

EBODE Gérard josé 150 L’ÉCONOMIE AFRICAINE UNE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT EN PRATIQUE – LES LEÇONS DE L’EXPÉRIENCE DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORÉE DU SUD

ÉTUDE DE CAS PAYS 1 : CAMEROUN

ÉTUDE SUR L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN La politique de développement dans la pratique : Ensegnements tirés de l’expérience de dévéloppement de la Corée du Sud African Development Bank Group

Avenue Joseph Anoma Telephone: +225 2026 3900 01 BP 1387 Abidjan 01 Email: [email protected] Côte d’Ivoire Website: www.afdb.org Auteur Centre d'Etudes et des Recherches en Economie Et Gestion (CEREG), Cameroon.