L'évolution De La Population Liancourtoise, Depuis La Révolution Jusqu'à La Seconde Guerre Mondiale
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L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION LIANCOURTOISE, DEPUIS LA RÉVOLUTION JUSQU'À LA SECONDE GUERRE MONDIALE. Par Franck SAHAGUIAN. Cet article reprend, dans une large mesure, les analyses d'un mémoire réalisé voici quatre ans, pour le compte de l'U.F.R. d'Histoire-Géographie de l'Université de Picardie. Il est le fruit du dépouillement systématique des listes nominatives et des registres d'Etat-Civil de la Commune, depuis la Révolution jusqu'à la seconde Guerre Mondiale. La commune est assez distante des grands axes de communication. Elle n'est traversée par aucune route nationale. Ainsi la RN 16 évite-t-elle Liancourt, de même que la RN 31, qui est éloignée du centre d'environ 8 kilomètres. La station de chemin de fer est elle-même si- tuée à trois kilomètres de la place de la Rochefoucauld (pour toute ré- férence à des noms de rues, on pourra se reporter au plan ci-joint), sur le territoire de Rantigny. Liancourt est bâtie au pied d'un plateau (dit "la Montagne") qui, à lui seul participe au quart de sa superficie (475 ha, ce qui la place au lle rang des communes du can- Située approximativement au Cauffry, Rantigny, Bailleval, Laigne- ton). La ville se distingue par des centre du département de l'Oise, ville...), des bourgs du Nord-Est de différences d'altitude assez consé- Liancourt est devenue, en 1803, la circonscription, bordant le pla- chef-lieu d'un de puis Picard (Catenoy, Nointel, Sacy- quentes : 55 mètres au centre, 137 canton 23 22 teau mètres sur le plateau. Or mis la ru- communes (avec le rattachement de le-Grand...). desse des pentes (rues à lacets, rues Sarron à la ville de Pont-Sainte- Excentrée, exiguë, subissant la en "épingle à cheveza"...), il faut Maxence en 1951). Un canton géo- présence du plateau, la ville de ajouter des problèmes liés à la pré- graphiquement et économiquement Liancourt n'était pas, d'entrée de sence de sources (rue de l'Ecole des hétérogène. La "Montagne" de Lian- jeu, promise à un fort développe- Arts et Métiers) qui rendent diffi- court dissocie nettement les pays de ment démographique. Cependant, il cile le développement de la ville. la vallée de la Brèche (Liancourt, n'en fut rien. Trois chiffres guideront notre réflexion : en 1791, la population s'élève à 1.074 habitants, 4.652 âmes sont recensées en 1881, un peu plus de 3.000 en 1936. Plusieurs questions s'impo- sent : tel développe- - Comment un ment démographique a-t-il été ren- du possible, entre la Révolution et le début de la Troisième Républi- que ? Quels en furent les acteurs et les conséquences au niveau de l'ur- banisme ? Pourquoi partir de la - à 1881, population de Liancourt régresse- t-elle de façon aussi significative ? ville garde une population inférieure Cette "Révolution démographi- ou égale à 1.500 personnes : que" n'est pas sans incidences sur le 1 DU GROS BOURG À 1806 1.236 habitants tissu urbain. Les maires eux-mêmes - - : CITÉ 1836 1.292 habitants semblent LA PETITE INDUS- - : se préoccuper de cette TRIELLE (1791-1881) - 1841 1.364 habitants sorte de raz-de-marée. Ils en font la 1846 1.325 habitants. - : remarque au-bas des listes nomina- Depuis la Constituante jus- Le recensement de 1856 est le tives qu'ils signent. En 1856 et 1861, qu'en 1881, la population Liancour- premier à attester l'accroissement le premier magistrat de la ville, toise quadruple. L'évolution est tou- Louis Chevallier (il fut maire notable de la population : 2.268 entre tefois irrégulière 1854 1865), écrit ceci assez : âmes, soit une augmentation de 755 et : Lucien Charton En 1720, re- rapport à 1851. La tendance "la population se trouve aug- cerise quelques par se 716 personnes, ce confirme régulièrement jusqu'en mentée (754 en 1856, 312 personnes qui place Liancourt tête des 1861) depuis le dernier en pa- 1881 en recense- roisses du futur canton dont elle se- : ment. Cet accroissement est dû à 1861: 2.580 : + 312 habitants ra chef-lieu. Elle est pourtant talon- - l'extension les fabriques 1866 3.112 +532 habitants que prennent née de près Nointel (648 hab.), - : : de chaussures dans la commune". par 1872 3.941 829 habitants Cinqueux (564 hab.), Bailleval (557 - : : + Et Joseph-Joli- 1876 4.053 +112 habitants son successeur, hab.), Sacy-le-Grand (469 hab.). A - : : don, d'ajouter 1872 1881: 4.652 +599 habitants. en : la Révolution, l'écart se creuse avec - : "la population qui trouve Le véritable "décollage" s'opère se ces villages, Liancourt franchissant augmentée de 800 habitants depuis donc le règne de l'Empereur le cap symbolique du millier d'habi- sous le dernier recensement arrêté le 19 Napoléon si la tendance tants (1.074). III, même à juillet 1866 est toujours due à l'ex- Jusqu'au Second Empire, la la hausse se poursuit après Sedan. tension considérable que prennent les industries et notamment les fabriques de chaussures dans la commune". Lesdits recensements se per- fectionnant tout au long du XIXe siècle, il est loisible de suivre les mutations qui s'opèrent : la ville s'é- tend, le maillage urbain se trans- forme sensiblement. En 1837, dans son "Précis Statistique du Canton de Liancourt", Louis Graves donnait du chef-lieu la description suivante : "il (le bourg) est bien bâti et formé de trois rues principales dites de l'église (actuelle rue Roger du Plessis), de Compiègne (rue de l'Ecole des Arts et Métiers) et du Hamel (rue Pasteur depuis 1904)". la fm de la Monarchie de juillet, la Seconde République, l'Empire et la première décennie de la Troisième République. D'un canton rural, affichant une population en majorité tournée vers les travaux des champs (L. Graves recense 950 agriculteurs et cultivateurs, mais aussi 530 "ouvriers et manouvriers", pour un total de 2.804 chefs de familles), on voit alors sourdre des poches d'indus- trialisation, s'implanter des fabri- ques, grandes demandeuses de main-d'oeuvre. Cette transformation explique, pour une très large part, Le Second Empire donne à la Les exemples développés ici le développement urbain des l'aspect qu'on lui connaît. des "accidents" ils commune ne sont pas ; ren- communes de la vallée de la Brèche Il suffit pour s'en convaincre de dent compte d'un phénomène de (les bourgs du Nord, Nord-Est du comparer les rues existant en 1856 qui affecte la ville croissance toute canton n'étant pas ou peu affectés et celles de 1881. En 1850, on ainsi que les communes de la vallée le phénomène). compte 13 et places, 24 en par rues de la Brèche, qui, à l'instar de Lian- de 1881. Petit pôle commerce sous court sont également affectées par Le nombre des maisons passe la Révolution, Liancourt a cette le développement industriel. En de 347 (1856) à 623 (1881). Tous les chance d'être située dans une région chemin de fer indicateurs sont à la hausse, qu'il 1845, l'arrivée du à louée richesses. La rivière Rantigny, Laigneville puis Rieux- pour ses s'agisse des habitations, des rues ou Brèche découvre contrée Angicourt, Nointel-Saint-Aubin, Ca- une sur- des ménages ( + 743 en 1836 et nommée "Vallée dorée", saluée à 1881). tenoy font du canton l'un des plus maintes reprises par Cambry, Ar- Sur une période de trente ans dynamiques du département. thur Young Graves qui, 1837, (couverte par sept recensements), la L'explication de cet accroisse- et en des activités ville ne cesse de s'étendre, englo- ment de la population tient évidem- résume l'état commer- de la Chèvresrue ciales du bassin liancourtois bant les écarts ment à la profonde métamorphose : (l'actuelle rue de l'Abbé-Ferry), de économique qui affecte le site, d'a- "les objets importés dans le la Ferme de Mognevillette, de bord prudemment stimulée, dans canton se composent de grains, vins, l'Hospice, de Papillon et du Por- - le premier tiers du siècle, cidre en petite quantité, sel, poudre et cher-Mignot (rue de Rieux). XIXe par l'action personnelle du duc de la tabacs, chevaux et bestiaux, plâtre, De nouvelles routes sont per- Rochefoucauld puis de manière cendres végétales, fer, cotons, laines, cées, telles celles de Pont-Sainte- -, depuis écorces. Maxence (rue Jules Michelet) et de beaucoup plus significative, cornes et Compiègne (rues Leclerc et E. Dolet actuelles). La ville s'égrenne le long de ces grands et nouveaux axes. Ainsi la rue de Compiègne (d'abord appelée rue de Catenoy), percée vers le milieu du XIXe siècle ne groupe qu'une quarantaine d'in- dividus en 1856. En 1861, 193 per- sonnes sont recensées, 574 en 1881, soit trois fois plus que vingt ans au- paravant. Entre 1856 et 1881, la rue du Hamel passe de 553 à 782 habitants ( + de 229), la rue de Pont en gagne 430 pour la même période. La rue de l'Abbé-Ferry, autrefois isolée du centre, triple sa population. L'exportation comprend surtout La Rochefoucauld fut égale- s'en greffer d'autres, à l'origine d'un main-d'oeuvre. Il faut des pierres de taille, des matériaux ment un pionnier dans le domaine fort appel de qu'il intro- ouvrir liste nominative de la les routes, des tourbes, des du textile. C'est en 1784 une se- pour métiers qu'il avait achetés conde moitié du XIXe siècle tuiles et des briques, des sabots, des duisit des pour la bonneterie, puis faire idée de l'importance grains, des fruits quantité, des à Troyes, fief de se une en d'Angleterre. Ces usines occupaient prise cette activité. cardes, faïences, fils et tissus de par co- importante d'ouvriers, Face à cette spécificité indus- des tricots, des tabatières, du une masse ton, femmes et enfants.