La lettre

desSociété Amis d’histoire et d’archéologiede Montluçon courriel : [email protected] web:http//www.amis-de-montlucon.com Compte rendu de la séance publique du 7 octobre 2007 numéro 121 - 13 e année Michel Colombe, le dernier imagier du roi

La séance publique des Amis de Montluçon Michel Colombe serait né vers 1430 à s’est déroulée à la salle Robert-Lebourg. Les où son père, Philippe Colombe, était tombier, c’est- soixante-quinze personnes présentes ont d’abord à-dire un spécialiste du monument funéraire. Il avait entendu le président Jean-Paul Michard donner une certaine réputation puisque le maréchal Jean la rétrospective des activités de la société durant 1er de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère, Boussac et l’année écoulée 2006-2007. Huriel, chambellan du roi et fidèle compagnon de Jeanne d’Arc, lui demanda d’exécuter son tombeau Ensuite ce fut au tour du conférencier de dans l’église Saint-Martin d’Huriel, où était la prendre la parole pour présenter sa conférence sur nécropole de la famille de Brosse. Ce travail avait « Michel Colombe, le dernier imagier du roi », ce été terminé en 1416. Après le décès du maréchal, grand sculpteur du XVe siècle (vers 1430-1513). Il Philippe Colombe fut chargé de graver l’épithaphe œuvra à la fin de l’art gothique qui fut supplanté à laquelle il ajouta : « Fait par Philippe Colombe ». peu à peu par celui de la Renaissance italienne, sans jamais être décadent, sous la poussée de la mode importée par les rois Charles VIII et Louis XII. La projection de diapositives a pu montrer toute la beauté et la perfection de son art. C’est le Montluçonnais Pierre Pradel (1), académicien et ancien conservateur en chef du département des sculptures du Moyen Âge au musée du , qui en a écrit la biographie en 1953. Pour cet érudit, Michel Colombe aurait travaillé à Moulins, à la nécropole des Bourbons, et c’est lui qui aurait été le sculpteur de la fameuse sainte Madeleine de l’église Saint-Pierre de Montluçon car, à cette époque, les artistes ne signaient pas leurs œuvres. Le conférencier, Raymond Bousquet, tailleur de pierre pour les Monuments historiques, a travaillé de longues années à la restauration des églises et de la cathédrale de Rouen dévastées par les bombardements. De ce fait il s’est imprégné des œuvres du Moyen Âge et investi dans la conception spirituelle des artistes dont le plus renommé a été Michel Colombe, nommé en son temps « tailleur d’images du roi », qui créa l’école de sculpture de la Loire à . Tombeau de Jean 1er de Brosse réalisé par Philippe Colombe dans l’église Saint-Martin d’Huriel (1) - Cf. Lettre des Amis de Montluçon, n° 71, du 13 avril 2002. (tiré de l’Ancien Bourbonnais d’Achille Allier). 1 De ce tombeau, détruit à la Révolution, il ne reste registre de la confrérie de Saint-Gratien. Il a fondé rien, qu’un dessin et la statue de saint Martin du dans le faubourg Saint-Étienne, rue des Filles-de- maître-autel, présentée au musée de Moulins. Dieu, l’atelier de sculpture de la Loire. Le frère de Michel Colombe, Jean, était C’est dans cet atelier, entre 1490 et 1496, qu’il peintre. C’était donc une famille d’artistes qui réalise la célèbre mise au tombeau de l’abbaye de vivait à Bourges, dans une maison du chapitre Solesme, œuvre qui est parvenue intacte. Le Christ de la cathédrale. À la mort de Philippe en 1457, est porté dans un linceul par deux hommes, Joseph sa femme, Guillemette, fut autorisée par les d’Arimatie et Nicodème. Derrière sont alignés la chanoines à demeurer dans son logis. Il est donc Vierge Marie soutenue par saint Jean, à côté de permis de penser que Michel Colombe a travaillé à Marie, Cléophas et Marie Salomé. Devant, Marie- la cathédrale sur les traces de Jean de Cambrai... Madeleine est assise, en prière. Le conférencier fait remarquer sur la projection le détail et la précision Ce n’est qu’en 1462 qu’on trouve sa trace du travail des étoffes, l’ourlet du voile de la Vierge, dans le texte d’un marché où Jean de Bar, bailli de le tissu de la cape qui rappelle le damassé des Touraine et seigneur de Beaugy, passe commande soieries de Tours. L’architecture de l’ensemble est à Michel Colombe, tailleur d’images, de cinq gothique, mais quelques influences d’Italie sont statues de cinq pieds de haut pour son château. à remarquer : les deux soldats debout de chaque La fille de ce seigneur est l’épouse d’un favori de côté du sépulcre, près des deux pilastres verticaux Louis XI, ce qui fait que le sculpteur est sollicité ornés de rinceaux florentins, portent des cuirasses pour le projet de tombeau de ce roi à Cléry, près comme les légionnaires romains. L’art d’outre- d’Orléans, mais ce sera finalement le projet du monts, imposé par Charles VIII aux architectes, peintre Jean Fouquet qui sera retenu. Dix ans peintres, sculpteurs et jardiniers, n’est, dans cette plus tard, à la chasse, Louis XI fut chargé par un œuvre magistrale, qu’utilisé de manière secondaire sanglier et sauvé par le prieur de Saint-Michel-en- par Michel Colombe. l’Herm qui l’accompagnait. Pour le remercier le roi commanda à Michel Colombe un bas-relief En 1500, pour l’entrée solennelle de Louis XII, où l’archange saint Michel, à cheval, transperce Michel Colombe est chargé de la mise en scène de sa lance un sanglier furieux près du roi à et des costumes pour les acteurs d’un mystère sur genoux. Ce bas-relief a été détruit en 1569 Turnus, héros troyen, fondateur légendaire de Tours. par les protestants. Le nom de Michel Il conçoit également une médaille commémorative Colombe se retrouve dans plusieurs représentant Louis XII de profil sur une face et un écrits de commandes mais hélas ! très porc-épic sur l’autre, médaille qui fut réalisée par souvent les œuvres ont été détruites. l’orfèvre Chapillon. Sur les soixante médailles fondues seule une est au cabinet des médailles En 1484 il se trouve à Moulins de Paris. avec la mission d’exécuter un arc de triomphe, avec des éléphants En 1502 il a réalisé une autre œuvre en et autres bêtes sauvages, destiné à marbre maintenant disparue : un retable, peut- l’entrée dans la ville de la seconde être un triptyque en demi-relief, représentant épouse du duc Jean II, Catherine le trépassement de la Vierge, destiné à l’église d’Armagnac, qui doit avoir lieu le 27 Saint-Saturnin de Tours. En 1541, Thibault novembre. Pierre Pradel pense qu’à Lepleigny en donne cette description « ce cette époque, entre 1480 et 1490, retable est un riche tableau tout peint d’or et Michel Colombe aurait participé d’azur comme on n’en voit pas en de à la sculpture de nombreuses plus beau ». statues de la Sainte-Chapelle De 1502 à 1507 l’atelier de la rue des Filles- de Bourbon-l’Archambault de-Dieu travaille sur un mausolée qui doit être e détruite au XIX siècle. Il pense installé dans la chapelle des Carmes à Nantes. aussi qu’il aurait travaillé à En voici l’histoire : après la mort du roi Charles Souvigny à la nécropole des VIII, son premier mari, Anne de Bretagne a Bourbons, et qu’il aurait été épousé Louis XII en 1499. Elle veut donner l’auteur de la statue de sainte à ses parents, les derniers duc et duchesse Madeleine de l’église Saint- de Bretagne, une grande sépulture. Pour cela Pierre de Montluçon. elle s’adresse au valet de chambre du roi, Jean En 1491 il est à Tours. C’est l’un des notables Église Saint-Pierre de Montluçon : sainte Madeleine. de la ville, inscrit sur le (photo tirée de l’ouvrage de Raymond Bousquet : 2 L’Atelier de la rue des Filles-de-Dieu) Perréal, qui est à la fois peintre, décorateur et Continuant ses descriptions sur cette grande intermédiaire influent entre la cour et les artistes. œuvre d’art, Raymond Bousquet passe aux Lorsqu’un personnage important désire réaliser oculus de l’étage inférieur qui représentent des quelque chose d’artistique il s’adresse à lui qui, d’un personnages encapuchonnés appelés des pleurants. coup de fusain, matérialise sur le papier le souhait À Brou, en Bourgogne, ou à Souvigny on peut en exprimé parfois vague et obscur, puis concrétise voir également car ils sont une tradition, mais ici ce projet en maquette et cherche ensuite l’artiste ils sont exécutés en marbre noir pour accentuer le capable de le réaliser. C’est Michel Colombe deuil. Les méplats qui séparent les médaillons sont qui est chargé du travail. Son atelier comprend à coquille et ornés de rinceaux italiens, de même son neveu par alliance, Guillaume Régnault, le les niches des apôtres et celles des saints patrons Bourbonnais Jean de Chartres venu en renfort et des gisants, sainte Catherine et saint François deux Italiens Gerome Pacherot et Gerome Fiesol. d’une part, et celle des saints patrons de la France, C’est à Michel Colombe de développer toute Charlemagne et Saint Louis d’autre part, ont des l’ampleur de son talent pour concrétiser la mise en décorations florentines à la mode nouvelle. scène compliquée conçue par Perréal. Le duc et la duchesse de Bretagne, en marbre Le mausolée se compose d’un sarcophage blanc, sont étendus sur une table en marbre à deux niveaux de décoration. En bas, une série noir, les mains jointes et les visages reposés. Les d’oculus dans lesquels sont des pleurants. En haut, costumes sont d’une exactitude scrupuleuse avec les douze apôtres, six de chaque côté, abrités des incrustations de marbre noir figurant l’hermine, dans des niches en plein cintre. Aux angles, ce que l’on retrouve à Bourges sur le gisant du duc quatre imposantes statues représentant les vertus de Berry. Les ramages des coussins reproduisent cardinales que le conférencier présente détail les riches draps brodés d’or tissés à Tours depuis après détail : Louis XI, et les détails des couronnes sont ciselés - la Prudence est une jeune fille qui se regarde avec une précision d’orfèvre. Ces coussins sont dans un miroir. Elle apprend à se connaître et présentés par trois angelots et soutenus par celui envisage l’avenir alors que le passé est symbolisé du milieu qui a les bras tendus. À eux seuls ils sont sur le derrière de la tête où est représenté le visage un chef-d’œuvre. d’un vieillard qui pourrait être l’autoportrait de Michel Colombe. Le visage de la Prudence est surmonté d’un simple et élégant chaperon en partie dissimulé sous un voile à l’avant ; - la Justice qui tient le livre de la Loi, pèse la valeur des actes et juge en souveraine, c’est pourquoi elle porte la couronne et présente l’épée qui défend le faible et venge l’opprimé. Elle est vêtue d’un surcot ouvert et coiffée d’une écharpe à franges qui vient se piquer dans l’épée, astuce de Michel Colombe pour consolider la pointe de celle-ci ; - la Force, avec son torse de guerrière, est revêtue d’une cuirasse qui rappelle celle des légionnaires romains de Solesme. Si le casque, dont la visière forme un mufle d’animal, est dans le style de la Renaissance italienne, la manche droite, d’où sort l’avant-bras nu dont la main tient la tête du dragon qui résiste et qu’elle arrache, est bien dans le style gothique ; - la Tempérance est une femme plus âgée, d’apparence modeste mais en costume soigné. Elle porte dans la main droite le mors, signe du frein qui doit maîtriser les pulsions de l’être humain. L’horloge qui symbolise la mesure du temps est aussi de style gothique. C’est la première fois que les vertus, sous l’influence des humanistes, apparaissent en France. Mausolée des ducs de Bretagne aujourd’hui dans la cathédrale de Nantes : la Justice. 3 Aux pieds du duc, le lion porte les armoiries Le dernier travail de Michel Colombe sera de de Bretagne et le lévrier aux pieds de la duchesse réaliser en 1511 une maquette dessinée par Jean arbore les armes de Bretagne et de Foix, son pays. Perréal pour Marguerite d’Autriche, duchesse douairière de Savoie devenue régente des Pays- Tout comme à Solesme, la part laissée aux Bas, qui veut faire réaliser une chapelle à Brou artistes italiens est secondaire : ils n’ont sculpté que pour les tombes de son époux, Philibert de Savoie, des décorations de remplissage sur le sarcophage, de sa belle-mère, Marguerite de Bourbon, et son les pilastres et les petits chapiteaux. propre tombeau. Vieux et malade, de ce projet Terminée en mai 1502 cette œuvre d’art Michel Colombe ne réalisera que la maquette exceptionnelle de Michel Colombe, qui a alors en terre cuite peinte par son neveu, l’enlumineur soixante-dix-sept ans, est présentée dans la François Colombe, et il adressera à Marguerite chapelle des Carmes de Nantes jusqu’en 1790, d’Autriche un courrier disant que « Guillaume année où celle-ci est vendue comme bien national, Regnault tailleur d’images, mon neveu, est bien puis démolie en 1793. Mais un Breton de grande expérimenté pour tailler les images suivant mes dévotion pour la duchesse Anne, reine de France, patrons ». Il meurt en 1513. et architecte de la ville sauva cette œuvre majeure Raymond Bousquet évoque ensuite la succes- en la faisant recouvrir d’une masse de décombres sion de son atelier et des héritiers de sa pensée et de gravats. Elle fut dégagée en 1819, restaurée, artistique qui furent Guillaume Regnault, Bastien puis installée dans la cathédrale où elle peut être François, François Colombe, ses neveux, et Jean admirée. de Chartres, Charles Courtois, Jean Regnault fils et En mai 1507, Michel Colombe signe un Nicolas Bachet, et rappelle les œuvres qu’ils ont contrat qui va lui demander trois ans de travail. Il ensuite exécutées. Le conférencier termine par un s’agit d’une mise au tombeau pour l’église Saint- petit exposé descriptif sur le tombeau de Louis XII Sauveur de La Rochelle représentant le Christ en à Saint-Denis, terminé en 1530, car ce fut Jean gisant, la Vierge, saint Jean l’Évangéliste, les deux Perréal qui en conçut le projet et que ce sont des Marie, Joseph d’Arimatie et Nicodème selon la Italiens, les frères Just, qui l’exécutèrent, inversant coutume. De cette œuvre détruite pendant les les rôles de l’époque de Michel Colombe. Dans guerres de religion il ne reste que la commande cette réalisation, en effet, le profane a pris le pas et le procès-verbal de réception par devant notaire sur le sacré. du procureur de la fabrique de Saint-Sauveur. Après la pose traditionnelle de questions, le En 1509, le cardinal Georges d’Amboise, conférencier a dédicacé son ouvrage : « L’Atelier archevêque de Rouen et ministre de Louis XII, lui de la rue des Filles-de-Dieu », publié par les Cahiers passe commande pour la chapelle de son château bourbonnais, roman original aux bases historiques de Gaillon, d’un bas-relief en marbre représentant où l’on retrouve Michel Colombe, Jean Perréal et saint Georges terrassant le dragon, pour lequel il autres personnages de cette époque dans le cadre fait transporter une énorme dalle de marbre de de vie de ces sculpteurs du Moyen Âge. Gaillon à Tours. Elle fut convoyée par le sculpteur italien Gerome Pacherot, lequel ne fera que l’encadrement de l’œuvre, comme à Solesme et Maurice Malleret à Nantes.

Désormais vous pouvez retrouver les Amis de Montluçon sur internet puisqu’ils viennent de créer un site qui vous donne toutes les informations concernant les activités de la société. Vous pouvez télécharger cette lettre ainsi que celles de la saison 2006-2007. Vous retrouverez aussi les sommaires de tous les bulletins publiés par la société depuis sa création en 1911. http://www.amis-de-montlucon.com/

À noter sur votre agenda … Séances mensuelles :

ÿ Vendredi 9 novembre 2007 – 20 h 30 : Pierre Couderc : - Une centenaire qui se porte bien : la fonderie de Saint-Rémy (1906-2006).

ÿ Vendredi 14 décembre 2007 – 20 h 30 : - Assemblée générale annuelle Olivier Troubat : - Histoires d’eaux : l’Amaron, les fossés de la ville et les droits de pêche, (suite…) 4 - Les cultes de l’eau dans la vallée du haut-Cher.