Françoise Hardy Le Temps D'après Les Yéyés
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Conf’ Chantée : Françoise Hardy, le temps d’après les yéyés Par Ludovic Perrin et Franck Monnet le 12 juillet 2009 aux Francofolies de La Rochelle INTRO - Pourquoi Françoise Hardy ? Pourquoi une conférence chantée sur Françoise Hardy ? Pourquoi pas Sylvie Vartan ou Sheila, également nées avec le mouvement yéyé ? Car Françoise Hardy, avec son timbre de voix et son allure androgyne, est une icône. Célébrée jusque chez les Anglais, elle est également en 2009 la plus digne et dernière représentante d’une génération qui a accompagné le développement de l’industrie de la musique en France. Dans trois ans, la chanteuse fêtera ses 50 ans de carrière. Au train où vont les choses, on ne sait même pas s’il y aura encore des maisons de disques. On ne sait pas beaucoup plus si la chanson française aura encore une existence, à force d’essayer vainement de prendre l’accent du globish, le global english. Françoise Hardy est l’un des derniers témoins d’une époque, qui en pleine explosion du tourisme et de l’industrie des loisirs, est passée de la chanson de rue avec les petits formats aux dernières mutations du CD et de l’Internet. 1 - 1962, ses premiers succès Pour être encore là, quarante-sept ans après, Françoise Hardy a dû commencer très jeune. Effectivement, elle a débuté en 1962, à 18 ans, sans se douter qu’une carrière de chanteur pouvait durer aussi longtemps. Née un an après Johnny Hallyday (et dans la même clinique), Françoise Hardy vient comme tous les artistes populaires d’un milieu modeste, fracturé en tout cas entre un père directeur d’une fabrique de machines à calculer et une mère aide-comptable. Ils se séparent vite. Et de ces deux strates sociales, la jeune fille hérite d’un côté un certain raffinement et de l’autre un goût pour les musiques populaires. Élevée par sa mère avec sa sœur cadette Michèle, Françoise Hardy, jeune fille tourmentée, achète à 12 ans des partitions de Jacques Brel ( Je ne sais pas ) et des disques de Georges Guétary. Un jour, en tournant le bouton de sa radio, elle découvre sur Radio-Luxembourg le rock’n’roll et la country : Elvis Presley, Paul Anka, Everly Brothers. Elle revendra tous ses disques de Georges Guétary pour s’acheter un disque de Paul Anka. Depuis, l’habitude ne l’a pas quittée. Françoise Hardy est une fan de musique, toujours en alerte sur les dernières nouveautés. En lisant France-Soir, la maman de Françoise s’est arrêtée sur une annonce d’une maison de disques à la recherche de jeunes talents. « Pour moi, ce ne pouvait être que Pathé-Marconi » , pense la jeune fille. Elle a raison. Ce n’est pas là qu’elle va signer son premier contrat, mais c’est là qu’elle va entendre pour la première fois sa voix enregistrée. Du haut de ses 18 ans, Françoise Hardy a déjà une petite expérience. Sur la guitare que lui a offerte son père à la demande de sa mère, elle compose des petites chansons, petites c’est-à-dire avec trois accords. Elle les interprète dans des lieux comme le Mokka Club et Le Club des mordus. Elle a également passé deux ans au Petit Conservatoire de Mireille, y glanant ses futurs succès comme Mon amie la rose. C’est là qu’elle fait sa première apparition télévisée à l’ORTF, le 6 février 1962. Revenons à France-Soir. Après un rendez-vous chez Philips, Françoise atterrit chez Vogue, la maison de disques de Johnny, qui a signé aussi un autre jeune talent, Jacques Dutronc , futur compagnon de la chanteuse. Également du square de la Trinité, il signera une des musiques du premier 45 tours de la chanteuse. C’est le showbiz dans un mouchoir de poche. Le directeur artistique lui propose de venir à la fin d’une séance d’enregistrement de l’accordéoniste Aimable . Elle présente deux chansons de Johnny : Oui mon cher et 24 000 baisers . « J’ai alors réalisé qu’il fallait chanter en mesure, ce que j’ignorais complètement » , resituera-t-elle. À l’issue de cette séance, Serge Goron, directeur artistique, lui conseille de poursuivre ses études - après un bac à 16 ans, elle est à la Sorbonne en Lettres et en Allemand. À son retour de vacances, la maison Vogue rappelle. Sa voix a touché un autre directeur artistique. Jacques Wolfsohn lui redonne une chance avec une chanson d’Elvis Presley, I gotta know , qu’Eddy Mitchell a francisé sous le nom de Je t’aime trop . En quelques jours, l’affaire est entendue. Françoise Hardy enregistre son premier EP, quatre chansons en direct, dans l’après-midi. Et le 28 octobre 1962, en attendant les résultats de l’élection au suffrage universel du président de la République, la France découvre une jeune chanteuse dans l’un des intermèdes musicaux de la première chaîne de l’ORTF : Françoise Hardy, dans un scopitone de Claude Lelouch. Il se vendra un million d’exemplaires de Tous les garçons et les filles . D’abord fixée sur le choix du single J’suis d’accord , Europe 1 a suivi l’avis de la chanteuse. Ce n’est pas une adaptation comme le yéyé en refourgue, mais un titre original paroles et musique F. Hardy. Jean-Marie Périer, son compagnon de l’époque, la photographie. Elle a le physique androgyne des mannequins à venir. Bientôt, Courrèges, Yves Saint Laurent et Paco Rabanne, dans sa fameuse robe en métal et diamants pesant plus de huit kilos, l’habilleront. Bientôt, les cinéastes la feront tourner, Roger Vadim dans Un Château en Suède, Jean-Daniel Pollet dans Une Balle au cœur (tournage en Grèce avec Sami Frey), John Frankenheimer dans Grand Prix (avec Yves Montand) et Clive Donner dans What’s New Pussycat ? Même si pour l’heure, elle habite un petit studio près de la gare Saint-Lazare. 2 - 1962-1969, entre la France et l’Angleterre Malgré une suite de succès comme Mon amie la rose , La Maison où j’ai grandi ou Le temps de l’amour , Françoise Hardy ne cache pas qu’elle a souvent été déçue par ses premiers enregistrements. Avec l’album Ma jeunesse fout l’camp , emmené par le succès Des Ronds dans l’eau , écrit par Pierre Barouh (cf. « Un homme et une femme », Claude Lelouch), elle effectue un premier virage. En rupture avec le style yéyé, elle enregistre le 30 cm Comment te dire adieu . C’est son huitième 30 cm. Serge Gainsbourg, qui refuse les adaptations, fait là une exception. Il pose ses paroles sur un instrumental américain proposé à la chanteuse par un éditeur, It Hurts to Say Goodbye . Serge Gainsbourg a cartonné avec Poupée de cire, poupée de son pour France Gall. Il vient aussi de connaître un succès outre-Manche avec la chanson Je t’aime moi non plus , en duo avec une jeune Anglaise, Jane Birkin. Dans son appartement de l’avenue Bugeaud, à deux pas de la porte Dauphine, il écrit le texte de ce qui deviendra un tube de l’année 1969. La chanteuse, dont il restera toute sa vie l’ami, est un espoir pour des ventes à l’export. Elle a donné des concerts en Italie, au festival de San Remo, d’où elle ramènera la chanson d’Adriano Celentano La maison où j’ai grandi , en Espagne, en Afrique du Sud, en Angleterre, sur les campus des universités et deux années de suite au Savoy, en smoking Saint Laurent. Elle s’est produit aux États-Unis, dans le Grace Kelly Show. En 1966, elle a enregistré son premier album en anglais, Françoise Hardy in English , qui sera suivi d’un deuxième album en 1969 — un troisième en 1972, If you Listen . Baptisée « The Yeh Yeh Girl from Paris » par la Warner, elle inspire Bob Dylan qui lui dédie un poème au dos de son album Another Side of Bob Dylan , en 1964. À Paris, le chanteur refuse même de remonter sur scène tant que Françoise Hardy ne vient pas le voir durant l’entracte de son Olympia 1966. À Londres, elle a croisé Mick Jagger, déjeuné avec David Bailey et Antonioni, dîné avec Lennon et Harrison, est passée chez Brian Jones et Anita Pallenberg. La jeune Française, dont Tous les garçons et les filles a connu un succès outre-Manche, est un objet de fascination. Perçue comme une réminiscence existentialiste, elle est un écho au Swingin London. Et son nom doit aussi y faire, Hardy, comme une plante vivace, accolée à la douceur un peu désuète de son prénom aux sonorités de fruit rouge. C’est là qu’est né le phénomène Hardy qui fera reprendre Tous les garçons et les filles au groupe Eurythmics des années en 1984, ou qui incitera Malcolm Mac Laren, ex-manager des Sex Pistols, à inviter la chanteuse sur son album hommage à Saint- Germain-des-Prés (1990’s) ou Blur avec To the End (1995). C’est de là que le groupe de Jimmy Sommerville, The Communards, effectuera dans les années 1980 une reprise de Comment te dire adieu . Françoise Hardy est dans l’air du temps. Serge Gainsbourg le comprend. Illustré par un dessin de Jean-Paul Goude, Comment te dire adieu est un disque à mi-chemin entre la France et l’Angleterre. Arrangé pour partie par le Français Jean- Pierre Sabar et l’Anglais Arthur Greenslade, qui a déjà servi Serge Gainsbourg sur Initials BB , c’est un mélange de plusieurs continents : des chansons de Serge Gainsbourg ( L’Anamour ), Carlos Jobim, Patrick Modiano ( Étonnez-moi Benoît ), Aragon mis en musique par Brassens ( Il n’y a pas d’amour heureux ), Jean-Max Rivière et Gérard Bourgeois, les auteurs fétiches de BB, ainsi qu’une adaptation par Graeme Allwright du Suzanne de Leonard Cohen.