dossier Le féminin Priorité du Programme FFT 2012, le tennis féminin dossier a fait l’objet d’un plan de relance. Mis en place par la direction

technique nationale, ce chantier a démarré par un état des lieux, s’est poursuivi par un intense travail de réflexion, pour aboutir à une stratégie de développement. dossier dossier dossier ÉDITORIAL

“Une compétition formatrice” e retrait du circuit de certaines de l faut semer pour récolter », n’a nos championnes, les blessures de de cesse de marteler le direc- L certaines autres de nos compéti- teur technique national, Patrice trices, la faible présence de nos joueuses Hagelauer, à propos du plan de dans le Top 100, un manque certain de relance du tennis féminin en France. Lancé depuis maintenant performances de notre élite… Tout cela a Deux jeunes joueuses échangent un peu plus d’un an, ce chantier des balles sur un court de mini-tennis. La DTN mis en lumière les difficultés que traverse Imajeur de la FFT a démarré par un état a modifié son approche du tennis féminin pour aujourd’hui notre tennis féminin. des lieux, s’est poursuivi par un intense « redonner envie de jouer aux petites filles », travail de réflexion qui a abouti à la mise comme l’explique Patrice Hagelauer. Pour autant, il ne faut pas se cacher der- en place d’une stratégie de développe- rière ces faits objectifs qui peuvent paraître ment du tennis féminin. Le premier volet conjoncturels. La cause de cette situation du plan concernant les jeunes filles de çons entre 5 et 9 ans. Et le nombre d’en- est beaucoup plus profonde. Même si nous 12 ans et moins a été élaboré par le dépar- seignantes est faible dans nos structures. » tement tennis régional. Concocté par Pour trouver des explications, un groupe avons toujours été performants dans ce celui du tennis national, le deuxième de travail a été mis en place et réuni à secteur, jamais nous ne nous sommes vrai- volet de cette politique s’attache aux Liévin lors du premier tour de Fed Cup ment intéressés au tennis féminin en tant joueuses de 13 à 18 ans. France-Etats-Unis. Avec huit CTR réfé- que tel, à ses spécificités. Directeur adjoint à la DTN en charge du rents sur le tennis féminin et plusieurs département tennis régional, Alain Sol- spécialistes en psychologie, en physio- Nous l’avons le plus souvent traité avec vès et son équipe ont œuvré sur le projet logie ou en préparation physique, les les mêmes outils que le tennis masculin pour les jeunes filles de 12 ans et moins. débats, riches et instructifs, ont permis de alors que toutes les études et les consul- « Quand on s’est penché sur la question cerner avec précision les caractéristiques tations menées avec des spécialistes de du tennis féminin dans cette catégorie, propres aux jeunes filles. on a fait des constats assez alarmants, Ne plus copier les garçons Ainsi, sur la prime enfance et de l’adolescence nous explique-t-il. Les licences baissent dès le plan psychologique, il apparaît que la confortent dans l’idée qu’il y a une dif- 9 ans dans cette population, alors qu’elles petite fille est souvent autant attachée férence notable entre filles et garçons. augmentent chez les garçons du même aux aspects relationnels qu’à l’activité Évident, me direz-vous… Certes, mais âge. Le taux de réinscription est de 50 % elle-même ; qu’elle joue avec quelqu’un chez les joueuses contre 70 % chez les gar- plutôt que contre ; qu’elle a besoin de se cela ne s’était pas encore traduit dans des faits précis et identifiés tout au long GDF SUEZ de notre formation. Cette prise de conscience permet aujourd’hui à notre fédération, à sa direc- Partenaire du tennis féminin tion technique en particulier, de déployer epuis 1992, le Groupe GDF SUEZ soutient l’essor et la promotion du tennis toute une pédagogie prenant en compte la D féminin. « Un sport grand public et convivial », selon Valérie Bernis, membre dimension psychologique des jeunes filles, du comité exécutif de GDF SUEZ, en charge de la direction de la communication, en termes de détection, d’entraînement ou de la communication financière et des relations institutionnelles. Et de poursuivre : « Notre engagement s’articule autour de 4 pôles d’actions principaux : le support de compétition. aux institutions à travers le partenariat avec la Fédération Française de Tennis Élargissons la base de notre pyramide, et des ligues régionales, la création et le parrainage d’événements, le soutien aux mettons en valeur le potentiel de nos joueuses de haut niveau et la solidarité. » Acteur engagé, GDF SUEZ participe ainsi au développement du tennis féminin, des jeunes espoirs à l’élite, des actions jeunes joueuses plutôt que les résultats locales de terrain aux plus prestigieuses rencontres internationales comme immédiats. Surtout, prenons le temps de l’Open GDF SUEZ – organisé chaque année à Paris – ou le GDF SUEZ Diamond former et d’éduquer. L’élitisme à tous crins Games organisé à Anvers, en Belgique. et la précocité absolue ne sont plus de Partenaire responsable, citoyen et solidaire, GDF SUEZ soutient des projets mise. Donnons du temps au temps… d’éducation et de solidarité par le sport en s’appuyant sur le tennis. Le groupe est Que la compétition devienne formatrice ainsi partenaire de l’association Fête le Mur, créée par Yannick Noah en 1996 et et non destructrice ! Telle est aujourd’hui qui contribue à l’animation de courts de tennis et de murs d’entraînement dans les centres-villes, au pied des immeubles, au cœur des zones d’éducation prioritaire. notre philosophie. « Nous avons développé nos engagements dans le tennis en Belgique et en Jean-Pierre Dartevelle Hongrie, et notre Team GDF SUEZ accueille 7 joueuses représentant 4 nationalités (française, hongroise, roumaine et russe) au cours de l’année 2010, confie Valérie Vice-président délégué de la Bernis. L’essor du tennis féminin en Europe illustre parfaitement les bénéfices de FFT, chargé de la compétition nationale et de la direction cette politique de long terme et notre engagement. » technique nationale

II n Tennis féminin

comparer à elle-même et non aux autres ; Une pédagogie appropriée La première que son niveau de confiance en elle est étape est de leur proposer un accueil pri- L’enseignant relativement bas et nécessite un besoin vilégié. Dans les clubs ou dans le forum fréquent de valorisation et de réussite ; des associations. « Souvent, alors que leur qu’elle est sensible et émotive ; qu’elle est imaginaire est peuplé d’images de prin- doit être plus concentrée et plus consciencieuse cesse, elles découvrent un monde plutôt dossier qu’un garçon. Associés aux observations masculin, explique Alain Solvès. Il fau- motivé et physiologiques et physiques (l’anatomie drait travailler sur un matériel approprié abdominale féminine est différente de la (raquettes, textiles), plus adapté à leur masculine, par exemple), ces constats ont univers. Tout comme nos espaces d’ac- formé pour permis aux cadres techniques fédéraux de cueil. Et pourquoi ne pas mettre en place concevoir une pédagogie et une compéti- un “pass” qui permettrait à la petite fille tion adaptées aux attentes de la jeune fille. de disposer d’un certain nombre d’invita- s’occuper Et non plus une approche calquée, comme tions pour sa famille ou ses copines ? » Ces c’était le cas jusqu’alors, sur les jeunes gar- missions sont développées par les Acti- des filles çons. « Tout notre plan est animé de cet vités fédérales. La Direction technique esprit, insiste Alain Solvès. On a imaginé nationale est, elle, à pied d’œuvre pour le parcours d’une petite fille qui ’na jamais une pédagogie appropriée. Jusqu’à 5-6 travail technique, les situations de par- pratiqué le tennis. Elle est au forum des ans, un travail visant à favoriser certaines tenariat sont à privilégier, plutôt que associations de sa ville et elle doit choi- habiletés motrices (appréciations des tra- les oppositions. L’encadrement fémi- sir entre les multiples activités qui lui jectoires, lancers à bras cassé) doit être nin est souhaitable. L’essentiel reste que sont offertes. Comment faire pour qu’elle mis en place. La mixité est possible à cet l’enseignant doit être motivé et formé dossier choisisse le tennis, qu’elle y reste, et qu’on âge, à condition d’éviter d’isoler une fille pour s’occuper de ce public. Sa com- lui offre les moyens ’dexploiter son poten- dans un groupe masculin. munication est en tout cas primordiale tiel au maximum ? » La stratégie, élabo- À partir de 7-8 ans, le tennis évolutif (ter- (être positif, prendre le temps d’expli- rée avec le concours des autres directions rain de 18 mètres, raquette adaptée, balle quer, d’écouter, valoriser l’exécution plus de la FFT (Activités fédérales, compéti- en mousse ou intermédiaire…) est pré- que le résultat, “débriefer” en tête-à-tête tion…), a pour but de fidéliser les filles. pondérant dans l’apprentissage. Pour le plutôt que devant le groupe, ➥ Des experts pour voir plus loin

e département tennis (SEM), Anthony Guillou Jean Slawinski (thèse en Pour coordonner les actions L régional s’est assuré (ESS), Patrick Vergnes (PYR), physiologie de l’effort), Alain sur l’ensemble de la filière le concours de plusieurs Rémi Leurs (FLA), Thierry Nédélec (Kiné osthéopathe), de la formation fédérale, des spécialistes du tennis féminin Tournemire (CEN), Jocelyne Nathalie Boisseau (métabo- chefs de projet ont été nom- dossier et des spécificités des jeunes Giraldi (PRO), Gérard Perrier lisme énergétique), Makis més. Marc Renoult s’occupe

filles pour redéfinir la straté- (LYO) et Vincent Bonnetain Chamalidis et Mélanie des préconisations clubs, gie de développement. Ainsi (BOU). Les personnes Maillard (psychologie fémi- Odile de Roubin du lexique en 2010 les huit CTR réfé- ressources principales sont nine), ainsi que le docteur pédagogique et Nicolas rents étaient Gilles Carrère Nicolas Perrotte (physique), Jacques Bady (gynécologue). Perrotte du lexique physique. dossier

n III dossier Tennis féminin

stages. En revanche, plusieurs tournois de Le double double ont été créés. « On pense que c’est une excellente manière d’aborder la com- pétition, note Alain Solvès. À deux, elles pour mieux vont acquérir de la confiance, du sens tac- tique et du plaisir. Ce qui les encoura- gera à poursuivre la compétition. » D’au- aborder la tant plus que les conditions du double ont été facilitées. Les jeunes filles vont en compétition effet le jouer dans le format du simple de l’année inférieure. Par exemple, à 11 ans, une joueuse disputera le simple sur un ➥ aucune remarque sur l’aspect phy- grand terrain avec une balle dure. Mais en sique). La mixité devient un inconvé- double, elle utilisera une balle intermé- nient jusque vers 14 ans, même si gar- diaire, comme en simple à 10 ans. de relancer la pratique A.Solvès et ses çons et filles peuvent se retrouver ponc- Mais les dispositions pour faciliter ce pre- féminine, ainsi que le équipes ont tuellement en certaines occasions. mier contact avec la compétition sont vivier de jeunes talents. travaillé sur La compétition repensée La première nombreuses. Les tournois multichances Mais la formation est la catégorie d’âge approche de la compétition a également (TMC) vont être modifiés. ’Lidée est de loin d’être achevée. 12 ans et moins. été profondément remaniée. Souvent ces raccourcir les formats pour permettre de Attirance des Pôles premiers matchs sont mal vécus. « Les disputer plus de deux simples par jour et Pour les meilleures pertes de licences dès neuf ans, ça corres- ainsi relativiser le résultat. Les compéti- de la catégorie 13-18 ans, la passion pond à l’entrée en compétition, étaye Alain tions à la date anniversaire ont été mises devient plus intense, le projet plus pré- Solvès. La compétition est identique pour en place. Elles permettront à une fille cis. Le département du tennis national tout le monde. Or filles et garçons ’nont d’être à un moment donné la plus âgée dirigé par Dominique Poey entre alors en pas le même moteur. Les classements, les du tournoi et d’avoir ainsi une chance de scène. Avec un objectif majeur : que ces résultats, ça ne leur parle pas dans un le gagner, d’acquérir de la confiance et de joueuses soient armées du mieux possible premier temps. Les filles ont besoin ’dob- l’ambition. Le département tennis régio- pour entrer dans le monde profession- jectifs d’amélioration plutôt que de résul- nal demandera de ne plus annuler de tour- nel et percer au plus haut niveau national. tat. » Avec la direction de la compéti- nois dès qu’il y aura deux inscrites pour ne Dès sa prise de fonction, Patrice Hage- tion, le calendrier des tournois nationaux pas créer de frustration ou ne pas surclas- lauer avait pris des décisions en ce sens. a été modifié. Plusieurs tournois ont été ser les joueuses dans une catégorie d’âge « Beaucoup de joueuses s’étaient arrêtées remplacés par des rassemblements natio- supérieur synonyme de lourde défaite et d’un coup, rappelle Carine Bornu, coor- naux au cours desquels il n’y a presque de déception, mais d’organiser des matchs donnatrice du tennis féminin au sein du plus de matchs de simple. L’analyse de poule sur un temps donné. Toutes ces département du tennis national. Il res- vidéo, les entraînements, les matchs de mesures, dont beaucoup sont entrées tait peu de Françaises dans le top 100 et double, la préparation physique consti- en vigueur dès cette rentrée 2010-2011 il existait des incertitudes sur la relève. » tuent la majeure partie du contenu de ces (voir encadré p. 23), devraient permettre Les Pôles France de Boulouris et ➥

3 questions à… Martine Gérard, vice-présidente de la FFT en charge du tennis féminin “Tout le monde doit se sentir concerné”

Aujourd’hui, quel regard portez-vous aux besoins des jeunes filles et des femmes. Dans les clubs, sur le tennis féminin ? par exemple, on annule les tournois de 4e série féminin 1 Il existe un vrai malaise dans ce domaine, qui a faute d’un nombre suffisant d’inscrites. Depuis qu’a été votée longtemps été occulté par les belles performances de quelques en Bureau fédéral et en Comité de direction la mise individualités. Aujourd’hui que ces dernières ont arrêté leur en place de TMC pour les 4e Série féminines, on s’aperçoit que carrière, le problème se révèle au grand jour. Avouons-le, le les femmes reviennent en nombre. Parce qu’il s’agit tennis féminin a longtemps été laissé de côté. C’est pourquoi, d’un format qui correspond à leur disponibilité. dans le Programme FFT 2012, le président Gachassin en a Je rappelle que les TMC sont des compétitions regroupées sur fait l’un des axes prioritaires du mandat. une après-midi ou sur une journée. Selon vous, quelle est la raison Dites-nous un mot du programme de cette situation ? mis en place par la DTN… 2 Pour simplifier, je dirai que le problème vient 3 La DTN a réalisé un formidable travail de la base et qu’il touche avant tout nos petites filles. de réflexion. Elle a travaillé en étroite collaboration avec Statistiquement, on les accueille dans les clubs à 10 ans les directions de la compétition et des Activités fédérales. et elles nous quittent à 12 ans ! Pourquoi ? Parce qu’on Maintenant, la réussite du tennis féminin est l’affaire n’a pas tenu compte de leurs spécificités. Et cela commence de tous. Tout le monde doit se sentir concerné. dès les écoles de tennis, où les groupes sont mixtes… Par ailleurs, je voudrais en profiter pour remercier Le tennis tel qu’il est enseigné aujourd’hui n’est pas adapté GDF SUEZ de leur soutien constant.

IV n ENTRETIEN AVEC… Patrice hagelauer

aussi. Mathilde Johansson, les plus jeunes générations. dont on a soutenu le projet C’est la mission du tennis personnel, vient de faire régional, un département son retour dans les 100 que j’ai créé avec une idée : meilleures mondiales. on ne peut rien faire sans Pauline Parmentier peut les ligues, sans les comités réintégrer cette élite elle départementaux, et surtout dossier

aussi. Ces joueuses sont sans les clubs et les ensei- notre base pour la Fed Cup. gnants professionnels. On doit être derrière elles. Y compris les élus, essen- Vient ensuite un groupe de tiels pour le bon fonctionne- filles classées entre la 100e ment des écoles de tennis. et la 200e place mondiale. On doit stimuler leur intérêt Peu sont jeunes. C’est ce qui pour le tennis féminin, les m’a inquiété. Bien sûr, nous aider à être plus perfor- allons aider celles qui sont mants, mieux armés sur le à ce niveau et motivées à plan pédagogique, mieux rejoindre les 100 meilleures. préparés à travailler avec les Mais la question se pose de filles. Ils sont la base de la savoir pourquoi on n’a pas pyramide. L’hiver dernier, on de jeunes dans ces classe- a donc créé un groupe de

ments-là. Aujourd’hui, il faut réflexion sur la population dossier être à ce niveau entre 20 et des jeunes filles composé de 22 ans environ. Quand on CTR, de psychologues, de s’y retrouve à 24 ans, tout spécialistes en physiologie. “Parfois, nous avons été trop devient plus compliqué. On a évoqué de multiples Quelles ont été questions : quels problèmes sélectifs, trop restrictifs” vos solutions ? rencontrent-elles ? Pourquoi Avec les différents dépar- certaines quittent-elles les Depuis sa prise de fonction le 28 septembre tements de la DTN et les clubs ? Pourquoi d’autres 2009, le directeur technique national entraîneurs spécialistes nous ont-elles des difficultés en a fait du tennis féminin l’une des priorités avons analysé à fond les compétition ? On a abouti de son action. Explications. choses. Nous nous sommes à un plan. Au final, il a aperçus qu’on avait été trop été voté par le Bureau fédéral puis présenté au nouvelle dynamique avec sélectifs, trop restrictifs, Quel état des lieux du tennis Comité directeur de la FFT. les gens en poste – Nicolas les années précédentes, féminin français avez-vous Ainsi tout le monde a été Escudé et Alexia Dechaume qu’on n’avait pas utilisé nos dossier dressé en arrivant à la tête concerné. notamment – pour essayer outils les plus performants : de la DTN, il y a un an ? de reconstruire un groupe nos Pôles France. On avait J’ai essayé de comprendre Quelles idées sous-tendent Fed Cup. Ce n’était pas supprimé des Pôles et ce qu’il se passait. Amélie ce plan ? évident. Les joueuses et on entraînait trop peu de Nous voulons relancer une Mauresmo, Émilie Loit l’encadrement ont eu le bon filles. Ma priorité a donc dynamique, redonner envie et Nathalie Dechy s’arrê- état d’esprit. Et le maintien été en priorité de recréer de jouer aux petites filles. taient. Derrière, on avait dans le groupe mondial cette dynamique. Ces pôles Puis les amener à jouer en une nouvelle génération, acquis en Allemagne a été France représentent pour compétition. Nous souhai- des joueuses formées hors un super moment, avec une moi l’idéal. Ce sont eux qui tons aussi redonner aux de la structure fédérale Aravane à fond dans l’esprit, nous ont permis, des années entraîneurs et aux clubs le mais qui ont fait leur qui portait le drapeau les durant – y compris pour la goût de s’occuper des jeunes parcours. Marion Bartoli a larmes aux yeux. génération 1979 – de les filles, leur faire intégrer le été 9e mondiale et finaliste aider à progresser. Et pour fait qu’elles sont différentes à Wimbledon. Aravane Quelle suite voyez-vous les garçons, ce sont eux qui des garçons. Qu’il faut Rezaï était, elle, en pleine pour cette élite ? nous fournissent 80 % de s’en occuper d’une autre progression. Alizé Cornet Il faut que ce groupe de tête dossier nos meilleurs joueurs. Ces manière, ne jamais chercher était, malheureusement continue à se développer. Pôles sont le point fort de à les comparer aux garçons. pour elle, dans le doute. On Elles ont du potentiel. Il n’y notre parcours de l’excel- En fait, on a tout repris avait aussi un petit groupe a pas de raison pour qu’Alizé lence. C’est pourquoi cette à la base. Et l’idée, c’est de jeunes filles au bon état Cornet ne reparte pas. année, on est passés de vraiment de semer à tous d’esprit, qui avaient envie Aravane Rezaï a vraiment 4 filles en pôles à 15. les niveaux, et je suis bien de progresser. Mais pour bien progressé, même si elle placé, j’ai suffisamment des raisons diverses, elles marque un petit peu le pas. Qu’avez-vous imaginé de recul, pour savoir étaient un peu perdues Marion Bartoli, même si elle pour la détection ? qu’on ne récolte pas dans la nature. Ma première est à part de la Fed Cup, Pour approvisionner ces en un an ou deux. mission a été de créer une trace sa route et joue bien Pôles, il faut travailler dès ➥

n V dossier Tennis féminin

ENTRETIEN SUITE “La précocité n’est pas le talent” Carine Bornu (à g.) supervise un ➥ C’est un investissement à long entraînement au Pôle terme, indispensable si on veut France de l’Insep. vraiment avoir davantage de joueuses au haut-niveau. Il doit y avoir plus de compétitivité et d’émulation entre les joueuses pour que progres- “On ne peut pas calquer ser, en bas comme en haut. Le drame, c’est quand on est champion de son club ou de sa ligue notre modèle sur celui des et qu’on ne voit pas les références internationales. C’est ça l’idée : Pays de l’Est.” Carine Bornu il faut se former pour pouvoir être bon plus tard, au plus haut niveau. Être fort à 12 ans, ne signifie rien. ➥ de l’Insep ont donc été rouverts il cière et sportive. Les échanges sont nom- La route est longue. y a un an. Et le champ de compétences breux et réguliers entre DTN, joueuses C’est-à-dire ? de Carine Bornu a été étendu des catégo- et entraîneurs. « Nous parlons beaucoup La précocité n’est pas le talent. ries 13-15 ans aux 13-18 ans. « On conti- et donnons des conseils notamment en Souvent, il y a même des effets per- nue ainsi de suivre les joueuses après 15 matière de programmation de tournois, ans, à un âge où elles se lancent sur le cir- d’entraînements physiques, poursuit la vers qu’il faut bien connaître. cuit junior, voire le circuit “pro”, explique- cadre technique. Il est important que les On croit que tout est arrivé parce t-elle. Je supervise donc le parcours de for- joueuses sentent qu’elles sont reconnues. » qu’on a un gamin qui tape bien dans mation d’excellence des joueuses. » Programme junior national La phi- la balle. Le talent, c’est autre chose. En cette rentrée, le processus de densifica- losophie du département tennis natio- Il y a beaucoup de choses en plus tion de l’élite s’est poursuivi. Quinze filles nal a évolué. Désormais on souhaite lais- de la technique et de l’adresse. Il sont entraînées en Pôles France. Trente ser le temps aux joueuses de se dévelop- faut posséder des qualités physiques, autres font partie du programme junior per. « Dans notre pays, on arrive tardive- mentales, pour espérer vraiment national (PJN). « Il concerne les filles qui ment à maturité, note Carine Bornu. Cer- quelque chose par la suite. n’ont pas souhaité entrer en Pôle ou bien taines joueuses prennent conscience de Une autre idée que je développe qui ont voulu rester chez elles parce que leur potentiel plus tard que d’autres. Et on beaucoup est qu’on ne peut pas leurs conditions d’entraînement sont a le devoir de les accompagner. On ne peut envisager la professionnalisation bonnes », détaille Carine Bornu. Ces pro- calquer notre modèle sur celui des Pays avant d’avoir terminé la phase de jets sont accompagnés de manière finan- de l’Est. » Outre les Pôles France, le pro- formation. La formation, c’est indis- pensable. Et c’est dans les petites pôles France catégories d’âge qu’on se forme. On n’est pas professionnel à 12 ans. À cet âge, on doit jouer avec l’idée qu’il Puissance 15 faut encore travailler pour progresser, qu’il faut aussi prendre du plaisir Depuis la rentrée scolaire de septembre dernier, quinze joueuses et aimer ce que l’on fait. Enfin – et ont été intégrées dans les trois Pôles France féminins. cet aspect est très important – ce n’est pas la quantité de jeu qui fait • PÔLE FRANCE DE BOULOURIS Entraîneurs : Philippe Pech (responsable), Jean-Luc Cotard, Nicolas Sabas, Nicolas Job (physique) le talent. Ce n’est pas parce qu’on Joueuses : Mathilde Armitano (-2/6, Lyonnais, 13 ans), Sybille Gauvain (-4/6, Côte d’Azur, va passer quatre ou cinq heures par 16 ans, externe), Inasse Hamouti (5/6, Paris, 11 ans), Alizée Michaud (-2/6, Essonne, 14 ans), jour sur le court dès le plus jeune Manon Plessy (5/6, Centre, 11 ans), Christina Randriamirehitra (5/6, Lyonnais, 11 ans). âge qu’on va devenir un champion. • PÔLE FRANCE DE L’INSEP Surtout avec les petites filles. On Entraîneurs : Aloïs Beust (responsable), Roch Vidal, Nicolas Copin, Sébastien Poublet (physique) pense parfois que les filles de sept, Joueuses : Lou Brouleau (-30, Poitou-Charentes, 15 ans), Clothilde de Bernardi (-30, Corse, huit ans, doivent s’entraîner de 16 ans), (-30, Paris, 17 ans), Laëtitia Sarrazin (-15, Paris, 17 ans) manière intensive. C’est une gros- • PÔLE FRANCE DE POITIERS sière erreur. On aboutit seulement à Entraîneurs : Patrick Labazuy (responsable), Laurent Storai, Sophie Couret, Jean-Charles Quillon des dégâts physiques et psycholo- (physique) giques parfois irrémédiables. Il faut Joueuses : Estelle Cascino (-15, Provence, 14 ans), Chloé Helbringer (2/6, Alsace, 13 ans), Marine faire très attention à ça. Partaud (-15, Poitou-Charentes, 16 ans, externe), Julia Soica (4/6, Poitou-Charentes, 12 ans), Laura Tanfin (-4/6, Picardie, 14 ans)

VI n Nouvelle approche, nouveaux contenus pédagogiques, compétition adaptée. Le tennis féminin fait sa révolution.

gramme junior national permet ainsi de suivre un vivier de joueuses plus impor- tant, donc de multiplier les chances de dossier former de futures championnes.

Dans cette filière, tenir compte des spé- cificités des filles est devenu une exi- gence. Un suivi gynécologique a été mis en place. L’aspect diététique est aussi pris en compte, comme la psychologie. Un Les échanges vont continuer d’être nour- elle les acquérir ?, s’interroge Carine biologiste a même été embauché au Pôle ris cette saison. Car le prochain chantier Bornu. J’espère qu’on pourra compter France de l’Insep. Et les entraîneurs vont sera l’élaboration de contenus pédago- sur les anciennes joueuses et les entraî- recevoir des formations sur ces thèmes. giques afin de redéfinir la politique de neurs. » Le gros des semis aura alors été Deux entraîneurs spécialistes de la for- formation. « Nous allons entamer notre accompli. D’ici quelque temps, ce sera le mation et du tennis féminin ont fait leur réflexion : quels coups devra posséder moment de la récolte. Elle semble s’an- arrivée en Pôle France. Nicolas Sabas a une joueuse française ? Comment peut- noncer prometteuse… n ainsi rejoint Jean-Luc Cotard à Boulou- ris. Nicolas Copin travaille, lui, désormais à l’Insep avec Roch Vidal. « Entre 13 et 18 Et le haut niveau ? ans, les filles constituent une population dossier fragile, elles traversent l’adolescence, rap- Le département tennis international poursuit son travail afin de déterminer la stratégie pelle Carine Bornu. On a voulu des per- à adopter pour le développement du haut niveau féminin français.Un groupe de sonnes expérimentées et motivées. » réflexion (composé d’Amélie Mauresmo, Émilie Loit, Alexandra Fusai, Nathalie Dechy, La Fed Cup en tête Le département ten- Loïc Courteau et Nicolas Escudé, en attendant d’autres experts du tennis féminin nis national souhaite poursuivre et entre- qui pourraient être invités) est à l’œuvre autour de Patrice Hagelauer pour définir le tenir les liens avec les entraîneurs du PJN, profil du successeur d’Alexia Dechaume, ex-coordonnatrice du haut niveau féminin voire intégrer ponctuellement certaines (Dechaume et Nicolas Escudé ont été reconduits en tant qu’entraîneur et capitaine de joueuses sur des rassemblements ou lors de l’équipe de France de Fed Cup). «Je rappelle que ce groupe n’est pas là pour caution- tournées. « Cette politique d’ouverture va ner notre travail, explique Patrice Hagelauer, mais surtout pour amener des idées, des rendre tout le monde plus riche », dit Carine réflexions, voire de la contradiction afin de prendre les meilleures décisions et rendre Bornu. Elle insiste aussi sur la notion col- notre tennis féminin plus performant, plus adapté à ses besoins.» lective que la DTN veut introduire dans À noter que sept joueuses sont désormais entraînées au CNE à Roland-Garros. toutes ses filières.« C’est important que Championne du monde juniors 2009, (n° 12, 17 ans) est coachée par Georges Goven. Pauline Parmentier (24 ans, 40e mondiale en les joueuses ne s’isolent pas, ajoute Carine e Bornu. Après on risque de déclencher la juillet 2008) et Julie Coin (n° 8, 27 ans, 60 mondiale en juillet 2009) s’entraî- nent avec Hugo Lecoq. Cindy Chala (Promotion, 19 ans) et peur du groupe. J’ai toujours l’idée qu’il dossier faut accompagner ces projets pour que si (Promotion, 19 ans) travaillent avec Yannick Hesse. Alizé Lim (Promotion, 20 ans) ces filles doivent jouer en Fed Cup à ’lave- et Morgane Pons (-30, 18 ans) sont encadrées par Stéphane Huet. nir, ça se fasse naturellement. »

DÉVELOPPEMENT DU TENNIS FÉMININ Une stratégie très appliquée Décidée dès le printemps 2010, la stratégie de développement du tennis féminin a été appliquée à la rentrée 2010-2011. Voici les actions déjà en cours ou qui le seront à très court terme.

Mise en place sur la plateforme vidéo de la DTN Quatre nouvelles compétitions de double 10 ans et 11 ans 1 d’un clip éducatif relatif à l’enseignement du service 6 (Petits Marcassins, Balle d’Or de la Chartreuse, Mini Ladies, pour les jeunes filles. les Petits Cabotins) dossier 2 Début le 1er novembre 2010 de la première des 7 Modification du format de double lors des rassemblements 24 compétitions-formations 8 ans à la date anniversaire. et compétitions non officielles. Organisation de nouveaux rassemblements nationaux, interré- Aménagement du circuit d’été 10 ans filles avec épreuves 3 gionaux et régionaux (80 % de plus que la saison précédente). 8 de double. Deux tournois nationaux 10 ans (Besançon, les Pitchouns) sont Communication et information de cette stratégie lors des 4 remplacés par des rassemblements nationaux (janvier et avril). 9 rassemblements nationaux des conseillers en développement, et lors de la journée nationale des déléguées du tennis féminin. Élaboration de contenus spécifiques pour les rassemblements 5 et les stages (entrée en application pour le premier Projet de vidéo relative aux exercices de travail abdominal rassemblement national 9 ans du 27 août).  spécifique aux jeunes filles.

À noter que des livrets pédagogiques et des kits “club” sont en cours de rédaction.

n VII dossier Tennis féminin

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