UNIVERSITÉ DE NANTES FACULTÉ DE PHARMACIE

Année 2013 N° 050

THÈSE Pour le

DIPLÔME D’ÉTAT

DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Par

Sabrina BENOIT

Présentée et soutenue publiquement le 07 Octobre 2013

Remèdes traditionnels sacrés des Amérindiens du Nord

Président :

Mme Gaétane COLLIN, Maître de Conférences en Chimie Générale et Minérale

Directeur de thèse :

Mme Karina PETIT, Maître de Conférences en Pharmacognosie

Membre du Jury :

Mme Sophie TARIEL, Pharmacien

Remerciements

A Mme Gaétane COLLIN, Maître de conférences en chimie générale et minérale

Pour l‟honneur que vous me faites de présider cette thèse, veuillez recevoir l‟expression de ma sincère reconnaissance.

A Mme Karina PETIT, Maître de conférences en pharmacognosie

Pour avoir accepté d‟encadrer ce sujet, pour les heures consacrées à ce travail et pour ses différents conseils. Recevez mes sincères remerciements.

A Mme Sophie TARIEL, Pharmacien d‟officine à Rennes.

Pour avoir accepté de faire partie du jury, veuillez trouvez l‟expression de ma reconnaissance sincère. Je vous remercie également pour votre implication au cours du stage de 6ème année, pour tout ce que vous m‟avez apporté durant ce stage et pour votre gentillesse. Ces 6 mois ont été très enrichissants.

Mes remerciements vont également :

A mes parents, pour m‟avoir encouragée et soutenue moralement depuis le début de mes études, y compris après mon BP de préparateur en pharmacie pour continuer vers la faculté de Pharmacie.

A mon frère, Ludo, pour son précieux soutien et ses différents messages d‟encouragements tout au long de ces études.

A ma belle sœur, Anaïs, pour son soutien.

A mes amis, Emilie JOSSERAND et Benoît HUCHEDE, pour leur précieux conseils, leurs diverses relectures et surtout pour leur soutien tout au long de ce travail.

A mon binôme, Pierre NAHAN, pour son amitié et pour tous les moments partagés au cours de ces études.

A ma marraine, Natacha Marsollier, pour nos échanges, ainsi que pour tous les moments que nous avons partagés à la Pharmacie de la Tortière à Nantes.

A mes autres amis au sein de cette promotion Annaïg, Elsa, Fanny, Sya, Claire, Maïder.

Ainsi qu‟à l‟ensemble de l‟équipe de la pharmacie Tariel à Rennes : Annette, Karin et Lucie, et à ceux de la Pharmacie de la Tortière à Nantes : Mr Pahud, Patricia, Isabelle, Olivia.

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Table des matières

REMERCIEMENTS ...... 2 TABLE DES MATIERES ...... 4 TABLE DES ILLUSTRATIONS ...... 7 PREAMBULE ...... 9 INTRODUCTION ...... 10 PARTIE 1 : REGARD DES AMERINDIENS SUR LA SANTE...... 15

1. LA NOTION DE SANTE/ MALADIE ET L’ESPRIT DE GUERISON...... 16 2. LA NOTION D'HOMME MEDECINE OU CHAMAN ...... 17 2.1 Qu’est-ce qu’un chaman ? ...... 17 2.2 Historique ...... 18 2.3 Le lien avec les esprits...... 19 2.4 La connaissance des plantes médicinales...... 20 3. LES METHODES DE TRAITEMENT ...... 20 3.1 Les prières et la spiritualité ...... 21 3.2 Les rêves ...... 21 3.3 La chaleur et les massages...... 23 3.4 La visualisation ...... 24 3.5 Les sons et les mouvements ...... 25 3.6 L’alimentation ...... 25 PARTIE 2 : LES REMEDES UTILISES PAR LES AMERINDIENS...... 27

1. LES REMEDES PSYCHOTROPES...... 28 1.1 Qu’est ce qu’une plante psychotrope ? ...... 29 1.2 Usages des plantes hallucinogènes...... 30 1.3 Les plantes et champignons utilisés ...... 32 1.3.1 Le peyotl ...... 32 1.3.1.1 Botanique ...... 34 Au niveau macroscopique ...... 34 Au niveau microscopique (histologie du peyotl) ...... 37 Reproduction ...... 38 Culture ...... 38 1.3.1.2 Historique ...... 38 1.3.1.3 Principaux constituants de la plante ...... 40 La ...... 40 L’hordénine ou anhaline ...... 42 La et l’anhalidine ...... 43

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L’anhalonidine ...... 43 La lophophorine ...... 44 1.3.1.4 Action physiologique ...... 44 1.3.1.5 Toxicologie et dépendance ...... 47 1.3.1.6 Usage de la plante et cérémonie ...... 49 Le caractère sacré ...... 49 Approvisionnement ...... 50 La cérémonie ...... 50 Son usage ...... 51 1.3.1.7 La loi autour du peyotl ...... 51 1.3.2 L’amanite tue-mouche ...... 52 1.3.2.1 Mycologie ...... 53 1.3.2.2 Historique ...... 54 1.3.2.3 Principaux constituants du champignon ...... 54 La muscarine ...... 54 Le muscimol ...... 55 L’acide iboténique ...... 56 La muscazone ...... 57 1.3.2.4 Action physiologique ...... 58 1.3.2.5 Toxicologie ...... 59 1.3.2.6 Usage ...... 59 1.3.3 L’acore odorant...... 60 1.3.3.1 Répartition ...... 61 1.3.3.2 Botanique ...... 61 Feuilles et rhizomes ...... 62 Les fleurs ...... 62 Les fleurs ...... 62 Appareil reproducteur ...... 63 Fruits ...... 63 Culture ...... 63 1.3.3.3 Principaux constituants de la plante ...... 63 La β-asarone ...... 63 1.3.3.4 Action physiologique ...... 64 1.3.3.5 Toxicologie ...... 64 1.3.3.6 Usage ...... 65 1.3.4 Le tabac ...... 65 1.3.4.1 Botanique ...... 66 Les feuilles et la tige ...... 68 L’inflorescence ...... 68 L’appareil reproducteur ...... 69 1.3.4.2 Historique ...... 69

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1.3.4.3 Principaux constituants de la plante ...... 70 La nicotine ...... 70 La nornicotine ...... 71 L’anabasine ...... 72 1.3.4.4 Action physiologique ...... 72 1.3.4.5 Toxicologie ...... 73 1.3.4.6 Usage ...... 73 1.3.4.6 Le Kinnik kinnik ...... 75 1.3.5 Le sassafra ...... 75 Les feuilles ...... 77 Les fleurs ...... 77 1.3.5.2 Historique ...... 77 1.3.5.3 Principaux constituants de la plante ...... 77 Le safrole ...... 77 1.3.5.4 Action physiologique ...... 78 1.3.5.5 Toxicologie ...... 78 1.3.5.6 Usage ...... 78 2. LES PLANTES NON PSYCHOTROPES...... 79 2.1 Le cèdre blanc ...... 79 2.1.1 Botanique ...... 79 2.1.1 Principaux constituants de la plante ...... 81 La thuyone ...... 81 2.1.2 Usage ...... 81 2.2 La sauge blanche et la sauge officinale...... 82 2.2.1 La sauge blanche ...... 82 2.2.1.1 Botanique ...... 84 2.2.1.2 Principaux constituants de la plante ...... 85 2.2.1.3 Usage ...... 85 2.2.2 La sauge officinale ...... 85 2.2.2.1 Botanique ...... 87 Les feuilles ...... 87 Les fleurs et les fruits ...... 87 2.2.2.2 Principaux constituants de la plante ...... 89 Le 1.8-cinéole ...... 89 L’acide rosmarinique ...... 89 L’acide ursolique ...... 90 2.2.2.3 Usage ...... 91 CONCLUSION ...... 92 BIBLIOGRAPHIE ...... 96

SITES WEB...... 101

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Table des illustrations

FIGURE 1 : LES PRINCIPALES AIRES CULTURELLES DE L’AMERIQUE DU NORD ...... 11 FIGURE 2 : REPARTITION DES PRINCIPALES TRIBUS AMERINDIENNES ...... 12 FIGURE 3 : CARTE DES RESERVES ENTRE LES ANNEES 1850 ET 2000 ...... 13 FIGURE 4 : LE GRAND ESPRIT ...... 14 FIGURE 5 : HOMME OU FEMME MEDECINE ...... 17 FIGURE 6 : DREAM CATCHERS OU CAPTEUR DE REVES ...... 22 FIGURE 7 : STRUCTURE D’UNE HUTTE DE SUDATION (ICI EN CONSTRUCTION) ...... 24 FIGURE 8 : LE PEYOTL, LOPHOPHORA WILLIAMSII ...... 33 FIGURE 9 : CULTURE DE PEYOTL D’UN PARTICULIER DANS LE SUD DE LA FRANCE ...... 34 FIGURE 10 : ILLUSTRATION ANCIENNE D’UNE RACINE DE PEYOTL ...... 35 FIGURE 11 : ILLUSTRATION ANCIENNE DE LA RACINE DE PEYOTL ...... 36 FIGURE 12 : STRUCTURE DE LA MESCALINE ...... 41 FIGURE 13 : BIOSYNTHESE DE LA MESCALINE ...... 41 FIGURE 14 : STRUCTURE DE LA NORADRENALINE ...... 42 FIGURE 15 : STRUCTURE DE L’HORDENINE ...... 42 FIGURE 16 : STRUCTURE DE LA PELLOTINE ...... 43 FIGURE 17 : STRUCTURE DE L’ANHALIDINE ...... 43 FIGURE 18 : STRUCTURE DE L’ANHALONIDINE ...... 44 FIGURE 19 : STRUCTURE DE LA LOPHOPHORINE ...... 44 FIGURE 20 : COMPARAISON DES STRUCTURES DE LA MESCALINE, DE LA PSILOCYBINE ET DU LSD .... 45 FIGURE 21 : AMANITA MUSCARIA ...... 53 FIGURE 22 : STRUCTURE DE LA MUSCARINE ...... 55 FIGURE 23 : STRUCTURE DU MUSCIMOL ...... 55 FIGURE 24 : STRUCTURE DU GABA ...... 56 FIGURE 25 : STRUCTURE DE L’ACIDE IBOTENIQUE ...... 57 FIGURE 26 : STRUCTURE DU GLUTAMATE ...... 57 FIGURE 27 : STRUCTURE DE LA MUSCAZONE ...... 58 FIGURE 28 : ACORE ODORANT (ACORUS CALAMUS) ...... 60 FIGURE 29 : SCHEMA D’UN SPADICE ...... 62 FIGURE 30 : STRUCTURE DE L’ASARONE ...... 63 FIGURE 31 : PLANCHE BOTANIQUE DE NICOTIANA TABACUM ...... 67 FIGURE 32 : PLANCHE BOTANIQUE DE NICOTIANA RUSTICA ...... 68 FIGURE 33 : SCHEMA D’UNE PANICULE ...... 69 FIGURE 34 : STRUCTURE DE LA NICOTINE ...... 71 FIGURE 35 : STRUCTURE DE LA NORNICOTINE ...... 71 FIGURE 36 : METABOLISME DE LA NICOTINE ...... 72 FIGURE 37 : STRUCTURE DE L’ANABASINE ...... 72 FIGURE 38 : PHOTOGRAPHIE D’UNE PIPE SACREE ...... 74 FIGURE 39 : SASSAFRAS ALBIDUM ...... 76 FIGURE 40 : STRUCTURE DU SAFROLE ...... 77

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FIGURE 41 : STRUCTURE DU MDMA ...... 78 FIGURE 42 : FEUILLE ET CONES DE THUJA OCCIDENTALIS ...... 80 FIGURE 43 : STRUCTURE DE LA THUYONE ...... 81 FIGURE 44 : SALVIA APIANA ...... 83 FIGURE 45 : FLEUR DE SALVIA APIANA ...... 84 FIGURE 46 : SALVIA OFFICINALIS ...... 86 FIGURE 47: PLANCHE BOTANIQUE DE SALVIA OFFICINALIS ...... 88 FIGURE 48 : STRUCTURE DE L’1,8-CINEOLE ...... 89 FIGURE 49 : STRUCTURE DE L’ACIDE ROSMARINIQUE ...... 90 FIGURE 50 : STRUCTURE DE L’ACIDE URSOLIQUE ...... 90

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Préambule

Les peuples des Amérindiens du Nord me fascine depuis plusieurs années. La relation harmonieuse qu‟ils entretiennent avec « Terre-Mère », la connaissance de la nature et l‟utilisation des plantes par les Amérindiens m‟a interpellé. Ces peuples avaient une très grande connaissance de la nature et des plantes, ce qui m‟attirait fortement. Avant de commencer mes études de pharmacie, je souhaitais devenir herboriste, ce qui n‟a pas été possible en raison de la suppression du diplôme en 1941 par le maréchal Pétain. Je me suis tournée naturellement vers la pharmacie. J‟ai continué à m‟intéresser à la phytothérapie et aux Amérindiens. Pour ces raisons, j‟ai choisi d‟approfondir un thème en rapport avec ces deux thématiques dans ma thèse. Ce sujet allait me permettre d‟apprendre davantage sur ces peuples auxquels je m‟intéresse depuis très longtemps. Je n‟ai pas encore pu aller à la rencontre des tribus sur le territoire américain mais c‟est un projet que j‟espère sincèrement réaliser. L‟utilisation des plantes par les Amérindiens es un sujet très vaste, puisque le nombre de plantes utilisées par ces peuples est estimé à près de 3000 (Moerman, 1991 ; Moerman, 2009).

J‟ai donc choisi de m‟intéresser aux remèdes sacrés utilisés, même si toutes les plantes revêtent un caractère sacré pour ces peuples. En effet, les Amérindiens ont une vision animiste c‟est-à-dire que tout dans la nature possède un esprit sacré ou une âme. Cela regroupe les animaux, les végétaux, les éléments naturels comme le feu, le vent. Ils conçoivent le monde comme un « grand tout » (Monnier, 2010). Un grand prophète Lakota, Black Elk dit : «Nous devons bien comprendre que tout est l‟œuvre du Grand-Esprit. Nous devons comprendre qu‟Il est présent en tout, les arbres, les herbes, les rivières, les montagnes, les animaux… » (Peelman, 1994).

C‟est essentiellement sur les remèdes considérés comme les plus sacrés, notamment utilisés au cours de certains rituels que j‟ai choisi d‟étudier. Ces remèdes sont également au cœur du tourisme chamanique qui connaît actuellement un plein essor, ce qui n‟est pas sans conséquences en terme de santé publique. C‟est un aspect que je développerai essentiellement dans la conclusion.

Dans un premier temps je présenterai le regard amérindien sur la santé, puis dans un second temps je parlerai de quelques remèdes.

Il faut noter qu‟à la différence des Mayas ou encore des Aztèques en Amérique du Sud, au Nord il n‟y avait pas de système d‟écriture. Il s‟agit donc essentiellement d‟une transmission orale, qui a ensuite pu être tracée par écrit quand les anthropologues ont commencé à s‟intéresser à la question. La littérature scientifique est par conséquent limitée.

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Introduction

Afin de bien situer le contexte, il est nécessaire de préciser quelques notions historiques et géographiques sur le sujet. Les Amérindiens sont les habitants du continent américain avant sa colonisation européenne. On distingue ainsi les Amérindiens d‟Amérique du Sud, ceux de l‟Amérique centrale ou Méso-Amérique, et ceux de l‟Amérique du Nord. Dans cette thèse, nous nous intéresserons uniquement aux Amérindiens d‟Amérique du Nord.

L‟Amérique du Nord comptait plus de 500 tribus avant l‟arrivée des colons européens. Il reste cependant très difficile d‟évaluer leur nombre avec précision avant l‟arrivée des colons européens. En fonction des auteurs, on trouve un chiffre qui varie entre 100 et 1000. Le nombre s‟est vu considérablement réduit au cours des dernières décennies (Collectif, 2001).

Ces peuples d‟Amérique furent d‟abord désignés sous le nom d‟Indiens lors de la découverte de l‟Amérique par Christophe Colomb en 1492, comme les colons espagnols pensaient avoir découvert l‟Inde. Le terme Indiens fut utilisé jusqu‟au XXème siècle de façon assez courante. Actuellement, les termes Amérindiens ou Autochtones sont plus facilement usités. Sur les terres canadiennes, les termes « First Nations » ou « Premières Nations » sont très largement utilisés.

En fonction de la répartition géographique, on pouvait noter une très grande diversité culturelle et linguistique. Les tribus avaient toutes leurs propres coutumes, croyances et rituels avec des spécificités propres. On distingue ainsi 9 grandes aires géographiques (Figure 1) qui sont le Nord-Est, le Sud-Est, le Sud-Ouest, la Californie, les Plaines, le Plateau, le Grand Bassin, la côte Nord-Est du Pacifique et le Subarctique (Zimmerman, 2003 ; Shimer, 2006).

Les Occidentaux pensent parfois que les Autochtones ont tous des coutumes semblables. La réalité est différente, comme il existe de nombreuses tribus aux coutumes spécifiques. Ainsi, les traditions, les pratiques médicinales, les végétaux utilisés pouvaient grandement varier. Les Algonquins au Nord-Est utilisaient les plantes que la végétation locale leur offrait, cette dernière n‟étant pas la même que celle des Sioux et des Cheyennes dans les Grandes Plaines, ou encore chez les Cherokees au Sud-Est (Figure 2). On ne peut donc pas parler d‟une seule médecine amérindienne, mais bien d‟un ensemble de pratiques très diverses sur l‟ensemble du territoire. On ne parle pas du peuple amérindien mais des peuples amérindiens. Nous, Occidentaux, avons souvent une image des Amérindiens véhiculée par le cinéma américain dans les westerns. Mais la diversité est bien plus large que cela.

On peut tout de même noter de grands points communs au sein de cette diversité. Ainsi chez toutes les tribus on retrouve un profond lien à la nature, une très grande connaissance de leur environnement et un même regard sur la santé.

L‟aspect spirituel de la santé reste une notion très floue pour nous Occidentaux, c‟est un aspect qu‟il est parfois difficile de comprendre. Le savoir des Amérindiens le mieux reconnu à l‟heure actuelle est celui des plantes médicinales, domaine dans lequel ils avaient énormément d‟avance sur les Occidentaux.

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Figure 1 : Les principales aires culturelles de l’Amérique du Nord

(Source : www.wikipedia.org)

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Figure 2 : Répartition des principales tribus amérindiennes

(Source : www.aaanativearts.com)

Aujourd‟hui les Amérindiens se sont pour la plupart « américanisés » et leur mode de consommation s'est aligné sur les standards américains, perdant ainsi leur richesse culturelle. Il reste bien des réserves, mais leur nombre a grandement diminué en 150 ans (Figure 3). Cependant, on note un retour progressif des peuples autochtones à la maîtrise de leur identité culturelle et de leur territoire. Depuis la Seconde Guerre Mondiale, on peut noter une réelle revivification des pratiques autochtones, où les Amérindiens d‟aujourd‟hui se réapproprient leurs traditions, leurs rites perdus au fil des années sous la pression des colons. La recherche de leur identité culturelle remet en avant l‟utilisation des remèdes traditionnels et des rites associés (Garrait-Bourrier, 2006 ; Vazeilles, 2008).

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Figure 3 : Carte des réserves entre les années 1850 et 2000

(Collectif, 2001)

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Ces peuples sont animistes, ce qui peut souvent surprendre en Occident. Par « animiste », on entend le fait de croire en une force vitale, une âme qui anime tout être vivant, mais également tout ce qui est relié à la nature. Tout est relié et ils conçoivent le monde comme un grand tout, fruit d‟un Dieu créateur appelé le « Grand Esprit » (Garrait-Bourrier, 2006).

Figure 4 : Le Grand Esprit

(Source : Photographie personnelle, Exposition sur les Amérindiens, Saint-Brieuc, septembre 2012)

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Partie 1 : Regard des Amérindiens sur la santé

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1. La notion de santé/ maladie et l’esprit de guérison

D‟après l‟Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la santé est « un état complet de bien- être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en l‟absence de maladie ou d‟infirmité. » (Préambule de la Constitution de l‟Organisation Mondiale de la Santé).

Les Amérindiens considéraient tous les êtres vivants, ainsi que certains aspects physiques de la nature, telles les montagnes, les rivières, les conditions climatiques, comme les membres de leur famille. C‟est ainsi que le psychothérapeute amérindien Robert Black Wolf Jones écrit : « Nous partageons la même souffrance avec tous les êtres visibles, avec le cerf, l‟ours, le faucon, le serpent, l‟arbre et le requin » (Shimer, 2006).

La maladie, pour un Amérindien, avait pour cause une mauvaise relation avec un élément de la nature. Les affections externes, comme les morsures de serpent, avaient des causes bien évidentes, de par la morsure elle-même. A l‟inverse, les affections internes, encore appelées maladies invisibles, étaient vues comme le résultat de la colère des esprits animaux. Ces esprits étaient une vengeance des différents affronts qu‟ils avaient subis au cours de leur vie.

Toute action qui faisait preuve d‟un manque de respect pour la nature, pouvait avoir des conséquences fâcheuses. On peut noter à titre d'exemple que le fait de cracher sur le feu pouvait provoquer la colère des esprits et être à l'origine de maladies. A contrario, les éléments de la nature et les esprits animaux, s‟ils étaient traités avec respect, faisaient preuve de bienveillance et détenaient d'immenses pouvoirs de guérison (Shimer, 2006).

Les Amérindiens vénéraient également les relations humaines. Ainsi, la maladie était pour eux causée par ce qu'ils appelaient la perte de l'âme. Cette perte de l'âme pouvait provoquer « une détérioration de la force et de la santé » (Lyon, 1998).

Le Dr Mehl Madrona, psychiatre dans un hôpital canadien et animateur des rituels chamaniques de guérison au "Center for complementary Medicine" de l'Université de Pittsburgh, mentionne que « les sentiments découlant du vide spirituel génèrent des états qui induisent la dégradation cellulaire. La foi et le sentiment d'être épanoui, en lien avec son environnement, sont indispensables au maintien d‟une bonne santé » (Shimer, 2006).

La philosophie amérindienne dit « il faut vivre en harmonie avec son environnement pour vivre en santé ». Cela sous-entend toutes les techniques de guérison amérindiennes (physiques, spirituelles, herboristerie). Avoir la relation la plus harmonieuse possible avec « Terre-Mère » était le garant d‟une bonne santé et un manque de respect à l‟égard de la nature avait nécessairement des conséquences néfastes sur la santé (Mehl-Madrona, 2011).

A l‟image des dons après la chasse, à chaque fois qu‟un Amérindien récoltait des plantes pour se nourrir ou se soigner, il devait manifester sa gratitude au travers de chants, de prières, ou encore au travers d‟offrandes de tabac à l‟esprit de la plante ou de l‟animal. En négligeant de le faire, il s‟attirait la maladie et la malchance (Shimer, 2006).

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2. La notion d'homme médecine ou chaman

Un des aspects importants dans les médecines traditionnelles amérindiennes est la présence du chaman.

2.1 Qu’est-ce qu’un chaman ?

Chaman (ou shaman), est un mot d'origine sibérienne, signifiant « celui qui sait» Le chaman est la personne qui peut relier le monde des êtres humains avec les mondes spirituels. Dans la culture traditionnelle et communautaire, le chaman a une fonction de pouvoir dans la tribu. Il est aussi connu pour les soins qu‟il prodigue aux moyens de plantes et de communications avec « des entités » encore appelées esprits (Figure 5). On peut faire une analogie entre le chaman et le guérisseur dans d‟autres cultures.

Figure 5 : Homme ou femme médecine

(Source : Photographie personnelle, Exposition sur les Amérindiens, Saint-Brieuc, septembre 2012)

Les chamans ont existé dans la plupart des régions du monde et il en subsiste à l‟heure actuelle principalement en Amérique du Nord, Amazonie, en Sibérie et en Afrique.

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Cependant, dans les sociétés amérindiennes, on parle plutôt de l‟Homme médecine. A côté de ses fonctions de pouvoir, le chaman se consacre à la guérison des maladies. La principale fonction de l‟Homme médecine est d‟assurer l‟aide du monde des esprits pour le bénéfice de la communauté. L‟aide peut être demandée à cause de la maladie, qu‟elle soit physique ou psychique, ou dans le but de promouvoir l‟harmonie entre les groupes humains ou entre les humains et la nature. Pour cela, le chaman est celui qui « voyage » dans un monde intermédiaire entre les humains et les esprits. Ce voyage est absolument nécessaire pour pouvoir prodiguer le soin, et notamment en touchant à l‟âme malade du patient (Eliade, 1992).

Très tôt, la personne qui deviendra chaman reçoit des signes précurseurs à travers des visions, des quêtes personnelles et solitaires, ou encore la maladie. On dit que le chaman est choisi par les esprits et non par le peuple. Dès les premiers signes précurseurs, le chaman va suivre un entraînement rigoureux sous la guidance d‟un autre chaman. Cette initiation est un passage assez difficile et comprend des moments de souffrance psychique, des peurs, afin de forger le caractère du chaman. Ainsi, il sera par la suite apte à affronter les pires situations. Au sein de cette communauté, le chaman est adoré pour les soins qu‟il prodigue, ses prévisions de chasse et de guerre. Il est également craint par les ennemis de par ses immenses pouvoirs et l‟utilisation qu‟il peut en faire (Costa, 2007).

Au cours des rituels de guérison, le chaman fait appel à l‟esprit des animaux pour recevoir leur assistance. A chaque espèce animale, les Amérindiens donnaient des attributs spécifiques comme la force, l‟intelligence. C‟est ainsi que le loup est vu comme un guide. Il symbolise la loyauté, la fidélité et ceci en lien avec sa vie en meute. L‟aigle représente le lien avec le Grand Esprit, comme il voit haut dans le ciel au cours de son vol, il est alors associé à la communication avec la pensée du créateur ou Grand Esprit. L‟ours représente la force, la puissance, l‟introspection et la force de l‟âme, en image avec le fait que c‟est un des seuls animaux susceptible de se lever et se tenir droit sur ses pattes arrières (Garrait-Bourrier, 2006 ; Meadows and Gontier, 2010). Au cours des cérémonies de guérison, il était donc naturel pour le chaman d‟invoquer l‟esprit de tel ou tel animal et de lui demander de partager ses attributs particuliers avec la personne à soigner (Shimer, 2006).

2.2 Historique

Le terme chaman est introduit en Europe à la fin du XVIIème à travers les récits publiés par quelques explorateurs. Lorsque les explorateurs européens commencèrent à explorer les Amériques, ils rencontrèrent des individus affirmant pouvoir communiquer avec les esprits afin de guérir les gens.

A partir du XVIIIème siècle, siècle des Lumières, les premiers observateurs rationalistes ont déconsidéré les chamans, car ils restaient troublés par ce qu'ils appelaient des « comportements étranges ». En effet les transes, les quêtes de visons ne faisaient pas partie de la connaissance scientifique et objective. Les chamans étaient alors vus comme des imposteurs.

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Le XIXème vit l'apparition d'une discipline nommée anthropologie, qui consiste à étudier l‟humain sous tous ses aspects, à savoir physiques et culturels. Mais les premiers anthropologues considéraient les peuples indigènes comme des « sauvages », des « primitifs », appartenant à des sociétés inférieures. On peut faire un parallèle avec un roman dramatique La controverse de Valladolid , adaptée par la suite en pièce de théâtre où le débat portait sur la question de l‟humanité des Indiens. Ce roman est une interprétation romancée de la réalité. On retrouve donc très peu d'écrits au sujet des chamans à cette époque, période qui fut pourtant signe de grands bouleversements pour les sociétés indigènes face à la pression reçue par la civilisation occidentale.

Ce n'est que vers la fin du XIXème siècle que certains anthropologues commencèrent à s'intéresser aux chamans. Ils se mirent par la suite à écrire des rapports détaillés sur le sujet. C'est à partir de cette période-là qu'ils donnèrent la possibilité aux chamans de s'exprimer avec leurs propres termes, leur permettant ainsi de traduire leur ressenti et leur expérience avec leurs mots, sans que des interprétations de leur pratique ne soient faites par les anthropologues. Ainsi, cela permet une transmission de leur propre réalité.

Mais pendant longtemps, les chamans furent perçus comme des êtres atteints de maladies mentales du fait qu‟ils prenaient au sérieux leurs hallucinations et qu'ils affirmaient communiquer avec les esprits. De longs débats sur la santé psychique des chamans furent conduits. La logique de ces débats a été renversée par Claude Levi-Strauss, anthropologue français, en 1949 (Gabarron-Garcia, 2009). Ce dernier a postulé que les chamans ressemblaient davantage à des psychanalystes qu'à des psychopathes. C'est ensuite que d'autres observateurs confirmèrent que les chamans étaient, au sein de leur communauté, vus comme des médecins (Narby and Huxley, 2002).

2.3 Le lien avec les esprits.

Les chamans sont généralement crédités de la capacité de parler aux esprits. En effet, le chaman atteignait un état de transe spirituelle grâce auquel il communiquait avec les esprits. Pour atteindre cet état, il utilisait divers rituels (chant, danse, tambour, plantes hallucinogènes). Notons que le rituel du chaman n‟est pas figé, et il y a une grande personnalisation des rituels. Lorsque le chaman est en contact avec les esprits, son expression donne une apparence de folie. Cependant hors des séances, le comportement du chaman est totalement normal, et n‟affecte en rien son autorité dans la tribu, ni les responsabilités qui lui sont confiées (Costa, 2007).

Les Amérindiens avaient une foi profonde dans les pouvoirs de guérison de leur chaman, et cette confiance était à elle seule un remède puissant (Shimer, 2006).

La transe est un état modifié de conscience. Cette dernière peut être atteinte à l‟aide de rituels et notamment le rythme du tambour, ou dans d'autres cas par la consommation de plantes hallucinogènes, mais cela n'est pas une obligation. Comme l'affirme le Dr Olivier Chambon,

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psychiatre français, « Sans substance psychédélique, et avec des techniques éprouvées depuis des dizaines de milliers d'années par les peuples premiers, on pouvait aller très loin dans l'utilisation des différents domaines de la conscience, pour voyager dans d'autres réalités et agir sur notre réalité ordinaire » (Chambon, 2011).

A cette notion de transe, on peut ajouter ce que les chamans appellent le voyage dans les trois mondes (d'en bas, du milieu, d'en haut), le recouvrement d'âme, les extractions (d'objets, d'énergies, d'entités) et le travail dit de psychopompe avec les consciences des défunts. Tout cela constitue des méthodes d'induction des processus thérapeutiques.

La transe permet pour le chaman le passage d‟un état de conscience à un autre et ce passage est vécu comme un « voyage » (Eliade, 1992).

2.4 La connaissance des plantes médicinales.

Dans les tribus, les connaissances majeures sur les plantes médicinales et alimentaires sont détenues par le chaman.

Jean-Patrick Costa, pharmacien, explique dans son article L’origine du savoir des autochtones, que ce savoir ne repose pas sur un tâtonnement empirique, mais sur des voies plus mystérieuses. Il s‟appuie notamment sur les paroles de certains chamans ayahuasqueros qu‟il a rencontré en forêt amazonienne, « Pour comprendre le monde, il faut prendre la Grand- Mère Ayahuasca. Elle est une plante enseignante, intelligente, maîtresse. Elle travaille en moi. Tout ce que je dis vient de la plante. C‟est elle qui me l‟a appris. Elle fait venir à moi les plantes qui conviennent à mon patient. On ne trouve pas les vertus thérapeutiques d‟une plante donnée, c‟est elle qui se manifeste à nous. Elles se mettent en travers de notre chemin ; elles nous appellent ; elles changent d‟attitude si on leur parle. »

C‟est au contact de la nature que les chamans ont acquis leurs connaissances. Il est important de noter l‟importance de l‟élément rituel dans l‟utilisation de telle ou telle plante.

3. Les méthodes de traitement

A côté des soins par les plantes que nous étudierons en seconde partie, d'autres méthodes complémentaires sont employées au cours des soins. Les Amérindiens avaient un grand recours à la prière et à la thérapie par les rêves, ainsi qu'à la chaleur, aux massages et aux sons.

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3.1 Les prières et la spiritualité

Les Amérindiens ne croyaient pas en un dieu unique, mais en un monde des esprits qui s'incarnaient dans tous les animaux, les plantes et dans les éléments physiques présents sur terre.

Ces prières se font en groupe, lors de cérémonies structurées avec des chants et des danses. Elles avaient une symbolique précise selon laquelle des qualités spécifiques étaient associées ou non au son de certaines voyelles. Parmi ces qualités spécifiques, on retrouve la sagesse, la pureté, ou encore la force. Pour retrouver la santé dès lors qu'ils étaient malades, ils priaient les esprits, leur demandaient conseil et leur faisaient des offrandes pour les remercier.

« Ces messages envoyés dans le monde des esprits étaient souvent visualisés comme des flèches lancées en direction des objectifs de santé et de rétablissement de l'harmonie entre le ou la malade et son environnement » explique Bernyce Balow, l‟auteur du Sacred Sites of the West (Shimer, 2006).

Pour le Dr Lewis Mehl Madrona, les méthodes de traitement cérémonielles des Amérindiens sont les plus puissantes qu'il ait connues. La prière et les rituels renferment une magie et un pouvoir indéniables. Bien que des explications rationnelles puissent être trouvées pour ces guérisons, il reste préférable de ne pas le faire : « C'est une grave erreur, parfois fatale, de vouloir à tout prix expliquer chaque expérience par un raisonnement qui évacue le pouvoir spirituel. Pour guérir, il faut croire à cette possibilité de guérison, à des forces plus grandes que ses propres forces » (Mehl Madrona). Certaines études scientifiques ont également mis en avant le pouvoir de la prière en général, comme appui aux processus de guérison. Les Amérindiens avaient une grande confiance en ces forces supérieures (Shimer, 2006).

3.2 Les rêves

On trouve de nos jours dans de nombreuses boutiques d'artisanat des capteurs de rêves ou « Dream catchers » (Figure 6).

Aujourd'hui ces éléments ne sont utilisés qu'à seule visée décorative. Mais bien au-delà de l'aspect décoratif, ces capteurs de rêves avaient une forte symbolique chez les Amérindiens. La légende dit que les fils entrelacés au centre de ces objets totémiques agissent comme un filet : ils laissent passer les bons rêves qui élèvent l'esprit, mais ils retiennent les mauvais rêves qui seront ensuite dissous par la lumière du jour.

Pour un Amérindien, la réalisation des désirs les plus profonds d'un individu est un facteur essentiel à la santé. La psychologie reconnaît aujourd'hui que toute personne a des désirs, des envies, des passions dont elle ne parle que rarement, voire dont elle n'est pas pleinement consciente. Malgré cela, ces aspirations restent actives à l'intérieur de chacun même si elles sont bien enfouies dans notre inconscient.

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Le pouvoir des rêves se retrouve bien plus tard chez Freud dans sa théorie de l'inconscient. Les techniques utilisées par les psychanalystes aujourd'hui sont très similaires aux méthodes utilisées chez les Amérindiens par les rêves.

Les rêves ne sont pas que des désirs non réalisés, pour les Amérindiens : ils symbolisent les peurs qui nous limitent et qui portent atteinte à notre santé.

Figure 6 : Dream Catchers ou capteur de rêves

(Source : www.wikipedia.org)

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3.3 La chaleur et les massages.

Les Amérindiens connaissaient les effets bénéfiques de la chaleur, et l'utilisaient notamment dans les huttes de sudation (Figure 7). Les huttes de sudation étaient utilisées aussi bien pour l'hygiène, que pour le traitement de différentes affections ou dans le cadre des pratiques spirituelles. Pour les Amérindiens, la hutte de sudation est devenue le symbole de l'espace où le corps et l'esprit se nettoyaient.

Ces huttes de sudation prenaient différents aspects en fonction des régions. Au Nord-Est, elles étaient faites de branches de saules recouvertes d'écorces de bouleaux ou de peaux d'animaux. Au Sud-Est, c'était dans une colline ou un gros amas de terre battue qu'elles étaient creusées. Au Nord-Ouest, elles étaient fabriquées avec des planches de cèdres.

La chaleur était apportée grâce aux pierres chauffées dans un feu. Ce feu était situé à l'extérieur de la hutte, puis les pierres étaient transportées jusqu'à la hutte. Des plantes odoriférantes comme le cèdre et la sauge étaient placées sur les pierres chaudes. Ces dernières étaient arrosées d'eau, ce qui générait une vapeur aromatique. Après ce rituel il était fréquent que les pratiquants se plongent dans l'eau froide d'une rivière ou d'un lac (Shimer, 2006).

Ces pratiques sont aujourd'hui appelées sueries par les peuples amérindiens francophones. De ces sueries, on peut faire un parallèle avec les techniques utilisées en hydrothérapie. Les Amérindiens pratiquaient ce rituel au moins une fois par semaine, et la préparation même d'une suerie nécessitait une journée de travail.

La chaleur est aujourd'hui reconnue pour ses bénéfices, car le fait de suer permet au corps d'éliminer ses toxines à travers la peau. C'est aussi un argument que l'on retrouve dans la pratique sportive, à savoir l‟élimination des toxines par la transpiration (Shimer, 2006).

« Ils savaient comment manipuler, masser et marteler les muscles endoloris et raidis. Ils avaient un véritable savoir-faire dans cette discipline qu'on appelle aujourd'hui physiothérapie » (Lyon, 1998).

Ces massages étaient souvent prodigués à l'intérieur de la hutte de sudation, ainsi leur efficacité était amplifiée par l'activation de la circulation provoquée par la chaleur et donnait de bons résultats dans la prise en charge des problèmes articulaires.

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Figure 7 : Structure d’une hutte de sudation (ici en construction)

(Source : www.wikipedia.org)

3.4 La visualisation

La visualisation est une technique mentale qui consiste à créer en pensée des images détaillées en vue d'améliorer sa santé physique et émotionnelle. La visualisation fait partie des approches corps-esprit. La visualisation n'est pas une technique médicale en soi, mais il s'agit plutôt d'un concept qui prend en compte les aspects physiques, mais aussi la conscience. Dès l'Antiquité, les grands philosophes affirmaient que l'esprit influence la santé : « Mens sana in corpore sano ». Par approche corps-esprits on entend l'ensemble des techniques qui met l'accent sur les interactions entre les pensées, les émotions, le psychisme et le corps physique. Ces techniques sont très utilisées par les chamans amérindiens. Ce sont des techniques que l'on retrouve de nos jours dans le milieu sportif dans les sports comme le golf ou l'heptathlon.

Lors des séances de guérison, le chaman enseignait la technique de méditation, afin d'amener le patient en état de relaxation. Ainsi, quand le patient avait atteint cet état semi-hypnotique, le chaman induisait alors chez le patient un état de suggestibilité propice à la guérison.

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Ces techniques de visualisation consistaient à ce que le patient visualise un animal carnassier qui pénétrait dans son corps et y dévorait la cause de la maladie. Ensuite, le chaman décrivait en détail l'arrivée d'un autre animal qui venait offrir le don d'une santé inaltérable.

Ces techniques de visualisation ont pu être comprises par certains chercheurs qui ont étudié le cerveau. C'est ainsi qu'ils ont pu noter que le cortex visuel, qui réagit à la vision d'un objet, réagit également quand on imagine ce même objet.

Les techniques de visualisation peuvent se faire n'importe où et à n'importe quel moment. Mais dans l'idéal, elles se font dans un endroit où l'on est assuré de ne pas être dérangé. On se laisse aller vers un état de relaxation, et une fois que l'on se sent complètement détendu, on pense alors au malaise que l'on voudrait dissiper.

Ces techniques nécessitent une pratique régulière et les résultats ne sont pas forcément au rendez-vous au départ, mais c'est le travail mental qui se met alors en place, et il peut être déstabilisant (Shimer, 2006).

3.5 Les sons et les mouvements

Chez les Amérindiens, presque toutes les cérémonies de guérison comprennent des chants et des percussions, très généralement accompagnés de danse et autres rituels, qui correspondent à des prières. Vues de l‟extérieur, ces musiques et danses peuvent sembler agressives et violentes. Mais ces sons étaient utilisés par les chamans pour attirer la bienveillance du monde des esprits et induire un état hypnotique propice à la fois au chaman et au patient.

« Les percussions étaient essentielles au chaman pour lui permettre de faire la transition entre un état de conscience ordinaire et l‟état de conscience chamanique » (Lyon, 1999).

Pour le son, le tambour fait partie des instruments les plus utilisés par les Amérindiens. Ces percussions rythmées étaient très bénéfiques pour le corps. Pour les Amérindiens, les organes affectés vibraient à une fréquente différente de celle du reste du corps. Ainsi, les chants et les percussions utilisés avaient pour but de rétablir les vibrations normales de ces organes (Shimer, 2006).

3.6 L’alimentation

Les Amérindiens avaient une alimentation où les légumes occupaient une grande place. Les végétaux étaient soit d‟origine sauvage, tel le navet, l‟igname, soit cultivés comme le maïs ou les haricots.

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« Bien que les Indiens n‟aient eu aucune connaissance scientifique de la nutrition, nombres d‟entre eux étaient arrivés à comprendre que certains types d‟aliments étaient nécessaires à une bonne santé » (Vogel, 1990).

Les Amérindiens avaient une alimentation dite maigre, en comparaison de l‟alimentation standard des Européens de l‟époque. Leur nourriture était composée à 70% de végétaux et les plats carnés étaient à base de gibiers sauvages ou de poissons sauvages, donc moins gras que les animaux d‟élevage. En fonction des saisons, d‟autres viandes étaient ajoutées, telles celle de bison, de marmotte, de wapiti,…

Pour les Amérindiens, les repas ne devaient pas être trop lourds, car c‟était pour eux une entrave au rétablissement de la santé, et dès qu‟ils étaient malades de façon naturelle, ils mangeaient très légèrement. Le repas était là pour nourrir le corps et réchauffer l‟âme (Shimer, 2006).

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Partie 2 : Les remèdes utilisés par les Amérindiens

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1. Les remèdes psychotropes

Dans nos sociétés occidentales, nous portons un regard négatif sur les plantes qualifiées de psychotropes et notamment vis-à-vis des plantes hallucinogènes. Ces dernières sont considérées comme dangereuses pour la santé. Or dans les sociétés indigènes, ces plantes sont vues d‟un tout autre regard. Elles sont utilisées de façon sacrée, notamment lors des sacrements religieux, mais aussi comme des guides spirituels et comme des plantes de guérison possèdant certaines propriétés thérapeutiques. Les chamans du monde entier ont de façon traditionnelle utilisé des plantes psychoactives.

Ces plantes utilisées de façon traditionnelle ont été souvent détournées de leur usage sacré par les peuples occidentaux, ce qui est souvent à l‟origine de leur statut juridique dans certains pays. Or au-delà des effets hallucinatoires de la plante, c‟est tout un caractère sacré qu‟il convient de prendre en compte, et par conséquent son utilisation selon un rituel précis, et de façon encadrée. L‟usage de ces plantes de façon traditionnelle ne connait pas les dérives que l‟on peut rencontrer dans les pays occidentaux et ces peuples ne connaissent pas de phénomènes de toxicomanie liés à l‟usage de ces plantes. Ce type d‟usage est cependant à différencier de l‟usage pouvant être fait dans le cadre de la sorcellerie.

Certaines plantes considérées aujourd‟hui comme des poisons, furent très utilisées dans certaines civilisations, et le sont encore aujourd‟hui. L‟usage des plantes psychotropes a longtemps fait partie de la vie des hommes dans certaines cultures et cela depuis des millénaires, mais ce n‟est que depuis une vingtaine d‟années que l‟intérêt pour les hallucinogènes dans le monde occidental s‟est vraiment accru (Schultes and Hofmann, 2005).

Chez les Amérindiens du Nord, la plante hallucinogène n‟est pas d‟usage systématique, et cela tient au fait de la répartition géographique des plantes psychotropes. Ils sont d‟ailleurs très peu consommateurs de ce genre de plantes et dans la littérature on retrouve très peu de preuves de l‟utilisation des plantes psychoactives, et notamment hallucinogènes. Ces dernières sont très présentes en Amérique du Sud et notamment en Amazonie, ainsi que l‟Amérique centrale qui comprend notamment le Mexique (au sein de la Méso-Amérique). Même si il n‟y a pas d‟absorption de drogues hallucinogènes, la recherche de visions, pour les Amérindiens, reste une notion très importante. En effet, les visions sont utilisées pour pouvoir communiquer avec le monde surnaturel. Les visions ont pour but de découvrir sa destinée, et cela est rendu possible en entrant en contact avec le monde des esprits. L‟accès à ces visions peut se faire par le biais du son rythmé du tambour, qui permet d‟entrer dans des états modifiés de conscience (Eliade, 1992).

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1.1Qu’est ce qu’une plante psychotrope ?

Une plante psychotrope est une plante capable de modifier les perceptions, qu‟elles soient auditives, visuelles, olfactives, gustatives et tactiles, ainsi que l‟humeur, la conscience et certaines fonctions physiologiques et comportementales, des personnes qui l‟utilisent. Ces phénomènes sont dus à des modifications, sous l‟action de certaines molécules, des processus biochimiques et physiologiques au niveau du cerveau (Richard et al., 2009).

Parmi les plantes psychotropes, différentes catégories sont retrouvées. On peut notamment évoquer la classification d‟Albert Hofman, découvreur du diéthylamide de l‟acide lysergique (LSD), classification qui repose en partie sur les travaux du toxicologue allemand Louis Lewin, dans son ouvrage Phantastica en 1924. On retrouve ainsi 4 catégories :

-les analgésiques et euphorisants (opium, cocaïne) ;

-les sédatifs (réserpine) qui ralentissent l‟activité du système nerveux ;

-les hypnotiques (kawa-kawa) ;

-les hallucinogènes ou psycho-mimétiques (peyotl, ayahuasca, marijuana).

Les travaux de pharmacologie ont fait évoluer les classifications et ainsi si l‟on se réfère à la classification de Delay et Deniker en 1957, qui repose sur l‟activité des substances sur le système nerveux, on retrouve alors :

-les psycholeptiques (ou sédatifs) qui ralentissent l‟activité du système nerveux, avec les anxiolytiques, les hypnotiques ;

-les psychoanaleptiques (ou excitants psychiques) qui accélèrent l‟activité du système nerveux, où on retrouve les psychostimulants tels les amphétamines, et les antidépresseurs ;

-les psychodysleptiques (ou perturbateurs psychiques) qui perturbent l‟activité du système nerveux où l‟on va retrouver les substances hallucinogènes.

De façon plus récente, on peut noter la classification selon Pellicier et Thuillier en 1991, où les substances sont classées en fonction de leur activité sur le cerveau. On retrouve ainsi :

-les stimulants qui comme leur nom l‟indique stimulent le fonctionnement du système nerveux : le tabac, la cocaïne, l‟ecstasy ;

-les dépresseurs qui eux à l‟inverse vont ralentir le fonctionnement du système nerveux avec les opiacées, l‟héroïne, l‟alcool ;

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-les hallucinogènes qui perturbent le fonctionnement du système nerveux et la perception de la réalité : le cannabis, l‟ayahuasca, l‟iboga, les champignons ou les cactus hallucinogènes dont le peyotl.

C‟est essentiellement à la catégorie des hallucinogènes que nous allons nous intéresser. A travers ces trois classifications, on peut remarquer que différents termes ont pu être utilisés pour désigner les substances hallucinogènes. On parle de psychodysleptiques, de psycho- mimétiques ou encore de psychédéliques selon la classification de Peters en 1991. Mais ce terme n‟est pas le plus approprié pour désigner les substances hallucinogènes dans la mesure où ces substances sont classées en trois grandes familles à savoir les hallucinogènes délirogènes avec l‟atropine ou la scopolamine que l‟on trouve chez le Datura, les dissociatifs avec la kétamine ou le muscimole et l‟acide iboténique chez les amanites, et les psychédéliques avec la mescaline chez le peyotl ou l‟harmine chez l‟ayahuasca (Chambon, 2009; Richard et al., 2009).

Les mots hallucinogènes, psychodysleptiques, psycho-mimétiques et hallucinogènes sont donc synonymes. Le terme psychédélique reste utilisé aux Etats-Unis pour désigner les hallucinogènes. Les hallucinogènes sont donc des substances qui ont la particularité d‟induire de profonds changements sensitifs et sensoriels. On assiste à une modification de la perception du réel et de la perception du soi, de la cohérence de la pensée. C‟est ce que l‟on nomme parfois état modifié de conscience. Notons que ces changements psychiques sont très différents de la réalité quotidienne qu‟il est difficile de décrire par des mots simples du quotidien (Richard et al., 2009).

1.2 Usages des plantes hallucinogènes.

Ces végétaux aux propriétés hallucinogènes sont très utilisés par les chamans dans certaines régions du monde, dans la mesure où ils permettent à ces derniers de communiquer avec « le monde des esprits ». En effet dans les cultures indigènes, la maladie et la mort ne sont pas vues comme des phénomènes physiologiques, mais issues d‟interférences avec le domaine des esprits. Ces plantes étaient utilisées en tant qu‟aide à la prise de décisions, à la guérison, à la spiritualité, et cela, afin de rester en harmonie avec le monde naturel. Les plantes psycho- actives font alors parties intégrantes des dimensions du système de guérison par le chaman. Chez les Amérindiens, ces plantes sont souvent appelées plantes de vision et sont utilisées le plus souvent dans le cadre des transes. La plante ne constitue alors qu‟un des éléments du rituel global qui entourent la transe.

Au sein du contexte chamanique, la plante aux propriétés hallucinogènes va être utilisée comme l‟outil permettant d‟accéder à certaines informations qui seraient difficiles à atteindre autrement. La plante hallucinogène est cependant toujours utilisée en complément d‟autres techniques et c‟est donc dans un rituel global que la plante s‟intègre, et cela, afin d‟induire des états modifiés de conscience. Les rituels comprennent des phases de jeûnes, des phases

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d‟épuisement, des danses, des chants, des prières, etc. Au cours du rituel, l‟Amérindien se met en lien avec l‟esprit de la plante (Schultes and Hofmann, 2005).

Bien que la liste soit longue, nous nous limiterons à quelques exemples d‟hallucinogènes végétaux (peyotl, acore odorant) et fongiques (amanite tue-mouche).

Leur étude est encore très récente, et ces plantes restent par conséquent très largement méconnues et sont vues comme étranges et déroutantes. Les études sur les hallucinogènes et notamment les psychédéliques sont de plus en plus nombreuses et notamment aux Etats-Unis ou encore en Suisse. La recherche légale sur cette catégorie a repris en 1992 par la FDA (Food and Drug Administration) et il existe actuellement huit principaux domaines de recherches sur l‟utilisation thérapeutique en psychiatrie. Pour autant, rappelons que ces substances sont totalement illégales en France et leur usage détourné est donc fortement sanctionné.

Ces plantes sont aujourd‟hui étudiées dans certains laboratoires, et hôpitaux pour leurs indications thérapeutiques notamment dans le cas de pathologies psychiatriques et résistantes aux traitements conventionnels, tels que les problèmes de dépressions chroniques, dépendance à l‟alcool ou drogues, de stress post traumatique (Chambon, 2009).

On peut citer à titre exemple la clinique Takiwasi au Pérou, sous la direction du Dr Jacques Mabit, Docteur en Médecine et pathologie tropicale. Cette clinique est spécialisée dans la désintoxication des toxicomanes, par l‟utilisation de la plante ayahuasca (Potiron, 2013).

Selon le Dr Olivier Chambon, psychiatre français, qui a fait l‟expérience de ces substances dans des pays où leur usage est légal, ces plantes possèdent de forts pouvoirs thérapeutiques, et cela uniquement quand elles sont utilisées avec de grandes précautions, dans des conditions précises et sous surveillance par un thérapeute possédant de fortes connaissances sur ces hallucinogènes psychédéliques Il rappelle que bien qu‟étant des médicaments puissants, leur usage ne doit donc nullement être anodin, et leur prise suppose un ensemble de précautions. Ces plantes sont malheureusement parfois utilisées à tort et à travers, et notamment en occident pour les expériences de « bad trip ». Il est vrai que lorsque ces plantes sont prises dans de mauvaises conditions elles peuvent mettre l‟individu en danger. Par mauvaises conditions, on entend le fait de ne pas être accompagné par un chaman ou autre personne connaissant la plante, la prise concomitante d‟alcool, d‟être en présence de foule (car il y a un risque d‟avoir un comportement que l‟on ne maîtrise pas). Or ces substances, lorsqu‟elles sont utilisées dans un cadre thérapeutique bien précis, peuvent s‟avérer de bons outils thérapeutiques. La prise nécessite une préparation psychologique, une présence thérapeutique, une intention particulière, ainsi qu‟un suivi. Ces plantes font vivre aux patients « des états mystiques », mais qui ne doivent pas être anodins et qui s‟accompagnent souvent d‟états désagréables avec des réactions du corps pouvant être assez fortes (Chambon, 2009).

Les chamans ayant recours à ces plantes affirment qu‟une partie de leur connaissance est acquise directement en expérimentant la plante, associée à une transmission orale des connaissances par la suite. En France, comme dans d‟autres pays ces substances sont rappelons-le, totalement interdites.

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Chaque hallucinogène entraîne des visions qui lui sont propres. Les visions obtenues vont dépendre de la composition de la plante et donc du ou des mécanismes d‟action de cette dernière (Chaumeil, 1982).

Notons que dans les sociétés traditionnelles, comme nous l‟avons vu en première partie, la santé est vue selon un modèle holistique, c‟est-à-dire vu comme un tout, où la santé du corps et la santé de l‟esprit sont intimement liées. On peut même ajouter que pour ces sociétés corps, esprits, âme et surnaturel ne font qu‟un, si bien que les plantes sont vues au-delà du caractère sacré, mais sont aussi très souvent utilisées pour la thérapeutique (Harner, 1997).

1.3 Les plantes et champignons utilisés

1.3.1 Le peyotl

Le peyotl (Lophophora williamsii) (Figure 8 et 9) est connu sous différentes appellations de mesc, mescal, bouton mescal, dessus de la lune, navet cactus, mauvaise graine, bouton (Lofton, 2005).

Il est également connu sous l‟expression « la plante qui fait les yeux émerveillés » en raison des phosphènes et des visions en couleurs qu‟il induit (Rouhier, 1990).

Chaque tribu possède également son nom propre : wokowi chez les Comanches, azee chez les Navajos, nezats chez les Wichita Comanche. On trouve également de nombreux autres noms communs comme la racine du diable, cactus pudding, racine diabolique, whisky sec, cactus boulette, doper-indien (Anderson, 1996 ; Rätsch, 2005).

Cependant, précisons que le peyotl a été confondu dans la littérature avec de nombreuses autres plantes, il a de ce fait reçu de nombreux noms communs et botaniques. Il a été classé dans différents genres et le peyotl fut au départ reconnu sous le nom latin de Anhalonium williamsii (Echinocactus williamsii) (Anderson, 1996). Le peyotl a longtemps été assimilé par erreur au teonanactl, qui est un champignon hallucinogène mexicain.

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Figure 8 : Le peyotl, Lophophora williamsii

(Source : www.wikipedia.org)

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Figure 9 : Culture de Peyotl d’un particulier dans le sud de la France

(Source : Photographie personnelle K. Petit)

1.3.1.1 Botanique

Le peyotl (Lophophora williamsii) n‟avait connu aucune étude botanique minutieuse avant les années 1950. Le peyotl appartient au genre Lophophora, qui regroupe deux espèces, diffusa et williamsii, ce dernier étant le plus connu. Comme de nombreux cactus, le peyotl pousse dans les zones désertiques sur un sol sec et minéral. Initialement localisé dans le sud des Etats-Unis (Texas et Nouveau-Mexique) et sur le plateau mexicain central dans le désert de Chihuahua, l‟augmentation de sa consommation a entraîné une extension de sa zone géographique suite à sa culture. Le cactus le plus répandu est le L. williamsii et il s‟étend du Sud du Texas, vers le Nord des hauts plateaux mexicains, alors que l‟espèce L. diffusa est surtout présente au Sud, dans le territoire mexicain. Le peyotl tolère une très large gamme de conditions climatiques.

Au niveau macroscopique

Le peyotl (L. williamsii) appartient à la famille des Cactacées, originaire du Mexique. Ce cactus fait partie des plantes charnues sans épines. Les épines sont cependant présentes chez les très jeunes plants. Mais on peut noter que la zone de tige produisant fleurs et épines, que

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l‟on nomme le cactus aréole, reste bien définie et est identifiée par une touffe de poils appelée trichome. Le système racinaire est très développé, permettant au cactus d‟aller puiser l‟humidité dans le sol (Figures 10 et 11).

Figure 10 : Illustration ancienne d’une racine de Peyotl

(Rätsch, 2005)

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Figure 11 : Illustration ancienne de la racine de peyotl

(Rätsch, 2005)

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Il contient une ou plusieurs tiges, légèrement aplaties, de hauteur allant de 2,5 cm à 7,5 cm, mais pouvant aller jusqu‟à 20 cm de haut dans certains cas. La tige présente de 6 à 13 côtes séparées dans la longueur par des sillons bien nets. La racine est très charnue et longue. Le cactus est de couleur grisâtre (ou bleu-vert) à la base, et tourne sur le vert cendré au sommet. Comme les autres Cactacées, le peyotl ne possède pas de feuilles. Le nombre de nervures et leurs dispositions sont variables. Il semblerait que cela soit dû à des interactions entre le phénotype et l‟environnement.

L‟aréole est arrondie, et présente une touffe de poils blancs dont le développement est très variable, sans épines.

Le peyotl fleurit de mai à septembre. Les fleurs sont petites, vertes intérieurement et en extérieur rose à blanche, solitaires et avec de nombreux tépales. Les fleurs ne s‟ouvrent qu‟au lever du jour, pour se refermer au coucher du soleil. C‟est ce que l‟on nomme la nyctinastie en botanique. Les fleurs ne durent que trois jours en moyenne.

Le L. williamsii, comme tous les Lophophora, a une croissance lente, pouvant aller jusqu‟à 30 ans pour atteindre la floraison en milieu naturel. Cependant, les espèces cultivées ont une croissance plus rapide, et notamment dès lors que le peyotl est greffé à un autre cactus tel que le Trichocereux pachanoi (le San Pedro) où la plante peut atteindre, grâce à cette technique, l‟âge adulte en moins de 3 ans.

Le peyotl est un cactus à ovaire nu et ne possède pas d‟écailles sur la paroi de l‟ovaire à la différence des autres cactus tels les Echinocactus. Les étamines sont à filets blancs, les anthères jaunes, le style blanc, les stigmates jaunâtres ou rosés.

Le fruit est une baie de couleur rose clair ou jaune-vert. Notons que sa maturation est très longue et peut durer jusqu‟à un an après la floraison. Le fruit de L. williamsii n‟est rempli que dans sa partie supérieure de graines. Les graines, peu nombreuses, sont petites, noir mat, et possèdent un grand hile aplati et blanchâtre

Les grains de pollen du peyotl, à la différence des autres Dicotylédones, ont un nombre variable d‟ouvertures, leur nombre va de 0 à 18 pour L. williamsii et de 0 à 6 pour L. diffusa.

(Soulaire, 1948 ; La Barre, 1979 ; Anderson, 1996).

Au niveau microscopique (histologie du peyotl)

Les tissus de protection des cellules épidermiques sont composés de cinq à six faces. Signalons que la paroi cellulaire de ces cellules n‟est que légèrement plus épaisse que celles des cellules du parenchyme sous-jacent. De façon non systématique, un hypoderme est présent très tôt dans le développement, mais finit par disparaître. L‟épiderme est recouvert de deux cuticules et de cires, ce qui donne la couleur bleu-vert de L. williamsii. Les stomates sont présents en grand nombre et notamment sur la partie la plus jeune du cactus (Anderson, 1996).

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Reproduction

Le nombre de chromosomes du peyotl est de 2n=22. La reproduction du peyotl se fait principalement par voie sexuée. La floraison s‟effectuant au début de l‟été, les ovules sont alors fécondés, et matures dans les graines un an plus tard. Le fruit qui en résulte apparait à la fin du printemps voire au début de l‟été et s‟allonge de façon rapide au sein d‟une structure cylindrique rose ou rougeâtre. En quelques semaines, le fruit sèche et prend une couleur brunâtre. Ensuite sous l‟action des facteurs climatiques tels que la pluie ou le vent, les parois des fruits se fendillent et libèrent de petites graines noires. Les graines sont ensuite dispersées sous l‟action des fortes pluies de l‟été.

On peut également noter une reproduction asexuée. Cela se fait via les pousses latérales, qui lorsqu‟elles ont atteint une taille suffisante, peuvent prendre racine et survivre après la rupture avec la plante mère (Anderson, 1996).

Culture

Suite à l‟augmentation de sa consommation, la culture du peyotl s‟est beaucoup développée, et cela, dans la mesure où c‟est une plante simple à cultiver, et notamment lors de greffe de plants. A l‟inverse, la culture du peyotl à partir de graines nécessite de la patience puisque cela peut nécessiter jusqu‟à cinq ans pour une obtenir une plante de 15 mm de diamètre contre un diamètre autour de 5 cm pour la plante adulte. La croissance du peyotl est longue et se fait sur une échelle de plusieurs années, c‟est donc une expérience qui à partir de la propagation des semences suppose une longue patience. Cette méthode est donc peu pratiquée.

Notons que lors de la récolte du cactus, les indiens prenaient soin de n‟en prendre que la partie supérieure, en laissant en terre la grande racine pivot, ce qui permet alors au végétal de se redévelopper. Mais on observe alors souvent un développement comportant alors plusieurs têtes. En effet, autour de la cicatrice de coupe, plusieurs bourgeons repoussent, donnant ensuite à la plante l‟aspect que plusieurs peyotls auraient poussé l‟un à côté de l‟autre (Stewart, 2001).

1.3.1.2 Historique

Le peyotl est un cactus d‟origine mexicaine qui s‟est, depuis une centaine d‟années, répandu à travers les tribus de l‟Amérique du Nord. Cette plante a toujours été au centre des débats, et c‟est d‟ailleurs l‟une des premières drogues découvertes par les Européens sur le continent Américain. De nombreux efforts ont été mis en place par les Européens pour éradiquer les pratiques cérémoniales autour du peyotl. Ce cactus serait utilisé depuis plus de deux millénaires par les tribus mexicaines. Mais ce n‟est que de façon plus récente qu‟il a été introduit dans les tribus de l‟Amérique du Nord (Stewart, 2001 ; Schultes and Hofmann, 2005).

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Le peyotl est à l‟origine d‟un mouvement religieux qui réussit à regrouper les Indiens en une communauté active : le peyotisme, mouvement dont l‟objectif est la quête de visions et la possibilité d‟annoncer un monde meilleur.

Le peyotisme fut d‟abord cantonné dans les zones limitrophes de culture du peyotl, qui correspondent au Texas et à l‟Arizona, zones où se trouvent notamment les tribus Apaches, Mescaleros, Tonkawas, Karankawas et Caddos. Ce n‟est qu‟à partir des années 1880 que le peyotisme s‟étend des Indiens Caddos aux Indiens Kiowas et aux Comanches, et cela notamment sous l‟influence de JohnWilson, un chaman connu sous le nom de Wovoka. Dès la fin du XXème siècle, ce culte s‟étend à tous les Indiens des plaines, ainsi qu‟aux Indiens du Canada. On estime à plus de quarante tribus indiennes des Etats-Unis et de l‟ouest du Canada, le nombre de tribus qui utilisent le peyotl au cours des cérémonies religieuses (Basset, 2011).

Le peyotl était à la base de la culture aztèque depuis fort longtemps, et avait déjà fait l‟objet de haine de la part des Blancs, car contraire au principe du christianisme : les Espagnols en avaient alors interdit l‟usage au XVIème siècle. C‟est chargé de cette histoire que le peyotl vint s‟implanter en Amérique du Nord, ce qui créa une résistance assez forte de la part des pouvoirs publics qui s‟opposèrent à l‟emploi libre du peyotl durant les cérémonies indiennes. Les Européens souhaitaient éliminer autant que possible ces pratiques. Les Indiens Kiowas et les Comanches ont été très impliqués dans la défense de cette pratique, et c‟est aujourd‟hui leurs cérémonies qui dominent au nord de la frontière mexicaine. Le peyotl connut un fort succès et fut à l‟origine de lois répressives quant à son usage. Le peyotl fut désigné par les Blancs comme stupéfiant avant d‟être interdit au début du XXème siècle. Mais son usage aux cours des pratiques chamaniques, persista de façon clandestine, ainsi que son usage thérapeutique traditionnel, et cela, jusqu‟au début du XIXème siècle. C‟est autour du peyotl que fut fondée la Native American Church en 1918, afin de fédérer cette nouvelle pratique religieuse et de protéger le droit à la liberté de culte. Cette église pose pour principe que « le peyotl a été révélé aux Indiens comme le Christ aux Blancs » (Weatherford, 1993 ; Richard, 2005 ; Garrait-Bourrier, 2006).

Cette église indienne insiste sur son rattachement à la religion chrétienne, et en ce sens la Bible sert aux Indiens pour rendre crédible le peyotl auprès des Blancs. Mais ces derniers restent à ce jour encore très réticents face à tous ces aspects, et notamment face à une plante qu‟ils considèrent comme un produit stupéfiant, sans prendre en compte la dimension sacrée de cette dernière pour les cultures indigènes. Cette communauté rassemble aujourd‟hui environ 250 000 adeptes. Le peyotisme est en quelque sorte une réponse adaptative des Indiens face à la situation imposée par les Blancs. Le peyotisme a donc intégré des éléments chrétiens tout en étant basé sur les principes des anciennes traditions indiennes. Le peyotisme n‟est donc pas une religion nouvelle mise en place face à un besoin ponctuel, mais bien un mélange entre le culte indigène traditionnel très ancien et quelques éléments du christianisme qui sont venus s‟y greffer (Henri, 1962).

En 1990, le peyotl fut inscrit par la Cour Suprême Internationale à la liste des drogues classées hallucinogènes par l‟arrêt Smith, mais son usage fut toléré lors des cérémonies religieuses, au regard de son caractère sacré et d‟un usage limité. La notion « d‟exception »

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pour le peyotl à usage sacré fut appliquée dans une vingtaine d‟Etats et la consommation du peyotl autorisé aux membres de la Native American Church. Notons cependant que le peyotl continue à être utilisé dans la discrétion. Le peyotl reste associé à une forte symbolique pour la communauté indienne (Garrait-Bourrier, 2006).

1.3.1.3 Principaux constituants de la plante

Le peyotl contient une cinquantaine d‟alcaloïdes, dérivés de la tyrosine, dont les principaux sont la mescaline, la pellotine, l‟anhalodine, l‟, l‟anhalidine, l‟anhalonidine, la lopophorine, et l‟hordénine. Ces alcaloïdes sont associés dans la plante à des matières résineuses et à de la saponine. La teneur en alcaloïdes et donc la puissance de la plante, varie en fonction de l‟âge, du lieu de récolte, de la saison. En réponse à une agression, le cactus va avoir tendance à produire plus d‟alcaloïdes, afin de se protéger. On trouve dans le peyotl un nombre très élevé d‟alcaloïdes, un nombre que l‟on ne retrouve pas chez les autres cactus (Soulaire, 1948 ; Ott, 1993 ; Stafford, 1993 ; Anderson, 1996).

La mescaline

La mescaline représente à elle seule environ 30% des alcaloïdes de la plante sous sa forme sèche. La mescaline est essentiellement localisée dans la périphérie de la tige, les racines en contiennent à peine le quart et leur récolte est fortement déconseillée afin de laisser la plante repousser. La mescaline se trouve de façon plus concentrée dans la plante sèche (3 à 6%) que dans la plante fraîche (0,4%).

C‟est un alcaloïde de type phényléthylamine, de formule brute C11H17NO3. Les phényltéthylamines sont des alcaloïdes monoaminés de structure générale (S) aromatique-

CH2-CH-NH2.

La mescaline porte le nom chimique 3,4,5-triméthoxyphénéthylamine et c‟est elle qui est responsable de l‟essentiel des propriétés hallucinogènes. La mescaline est l‟alcaloïde du peyotl qui a été le plus étudié, car il semblerait être le seul susceptible de produire des hallucinations (Shulgin, 1973 ; Lofton, 2005).

La mescaline (Figure 12) est dérivée de la tyrosine. La voie de biosynthèse implique le passage par la dopamine (Figure 13). La dopamine subit une double méthylation sous l‟action d‟une catéchol-O-méthyltransférase (COMT). L‟intermédiaire obtenu subit alors une méthylation en C4 sous l‟action d‟une gaïacol-O-méthyltransférase pour former la mescaline (Dewick, 2009).

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Figure 12 : Structure de la mescaline

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

Figure 13 : Biosynthèse de la mescaline

(Source : Dewick, 2009)

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Elle a une structure proche de celle du neurotransmetteur noradrénaline (Figure 14). La mescaline est un agoniste des récepteurs sérotoninergiques et agit notamment sur les récepteurs 5HT2A et 5HT2C. Elle se lie avec une haute affinité sur le récepteur 5HT2A. L‟effet hallucinogène serait dû à une excitation des neurones dans le cortex préfontal (Shulgin, 1973 ; Monte et al., 1997 ; Béïque et al., 2007).

Figure 14 : Structure de la noradrénaline

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

La dose moyenne de mescaline est de 200 à 300 mg consommée, ce qui correspond environ à 6 à 12 boutons de mescal en fonction de l‟effet recherché, léger, commun, intense.

La mescaline contenue dans les boutons séchés peut représenter jusqu‟à 5% du poids total, mais les taux les plus fréquents sont de l‟ordre de 2% voire moins. Le poids moyen d‟un bouton de peyotl séché est de l‟ordre de 2 à 3 grammes (Trout, 1997).

L’hordénine ou anhaline

L‟hordénine est un alcaloïde de formule brute C10H15NO. Son nom chimique est la p-hydroxyphényléthyl diméthylamine. C‟est un dérivé direct de la tyramine (Figure 15). Cet alcaloïde n‟est présent qu‟en faible quantité dans le peyotl. L‟hordénine a une action similaire à celle de l‟éphédrine sur les récepteurs adrénergiques : cardiotonique, vasoconstrictrice et bronchodilatatrice.

L‟hordénine présente également des propriétés antibiotiques (Rao, 1970 ; Hintz, 1988) et inhibitrices de la mélanogenèse des mélanocytes humains (Kim et al., 2013).

Figure 15 : Structure de l’hordénine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

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La pellotine et l’anhalidine

Parmi les autres alcaloïdes, on trouve la pellotine (Figure 16) qui représente 17% des alcaloïdes et l‟anhalidine (Figure 17) qui en représente 14%. Ce sont deux alcaloïdes aux propriétés sédatives.

La pellotine est un alcaloïde de formule brute C13H19NO3.

La pellotine possède une activité sédative, hypnotique plus forte que l‟anhalidine. L‟effet sédatif est obtenu pour des doses de 15 à 30 mg de pellotine. Une dose de 50 à 60 mg a un effet hypnotique marqué, avec un effet dans les deux heures suivant la prise. Son action est essentiellement sédative et il ne provoque pas de phénomènes d‟hallucinations. Les doses d‟anhalidine pour un même effet sédatif sont trois à cinq fois plus élevées.

Figure 16 : Structure de la pellotine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

Figure 17 : Structure de l’anhalidine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

L’anhalonidine

Elle représente 14% de la teneur des alcaloïdes totaux du peyotl. Sa formule brute est

C12H17NO3 (Figure 18). Elle induit pour des doses de 200 mg une légère somnolence et des céphalées.

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Figure 18 : Structure de l’anhalonidine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

La lophophorine

La lophophorine est surtout impliquée dans les phénomènes de vasodilatation et d‟augmentation de la pression artérielle, de tétanie. C‟est une isoquinoléine de formule brute

C13H17NO3 (Figure 19). Elle représente 5% des alcaloïdes (LaBarre, 2012).

Figure 19 : Structure de la lophophorine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

1.3.1.4 Action physiologique

Le peyotl est consommé soit à l‟état frais, soit desséché. L‟action du séchage n‟a pas d‟action sur les propriétés mêmes de la plante. L‟activité du peyotl après ingestion est due à l‟action synergique des différents alcaloïdes que nous venons de voir.

Notons que l‟alcaloïde principal est la mescaline, les autres alcaloïdes auraient peu d‟effet sur les hallucinations, mais semblent surtout responsables de certains effets indésirables, voire de masquer les réactions de la mescaline. Cela a pu être observé en étudiant l‟effet de chaque alcaloïde obtenu par synthèse et pris séparément (Soulaire, 1948).

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La mescaline est utilisée pour ses propriétés enthéogènes, c‟est-à-dire provoquant un état modifié de conscience et utilisée à des fins spirituelles, religieuses ou chamaniques, ainsi que des propriétés hallucinogènes. Notons cependant que la mescaline n‟est jamais utilisée seule par les chamans amérindiens puisque le cactus entier est utilisé au cours des rituels, et la mescaline est alors associée aux autres alcaloïdes de la plante, et donc une activité qui n‟est pas tout à fait identique selon que l‟on utilise le peyotl ou la mescaline seule. La mescaline est considérée comme une drogue de plus faible activité que le LSD (diéthylamide de l‟acide lysergique). La dose active de mescaline est de 0,4 à 0,8 g en prise orale, les effets surviennent dans les 2 heures qui suivent l‟ingestion et durent de 4 à 12 heures (Osmond, 1967 ; Richard et al., 2009).

La mescaline induit un état hallucinatoire proche de celui obtenu sous l‟action du LSD et de la psilocybine, mais avec des caractéristiques qui lui sont propre. En observant les structures de ces différentes molécules (Figure 20), on peut noter une analogie structurale qui pourrait expliquer le phénomène hallucinatoire proche.

(mescaline) (psilocybine)

(LSD)

Figure 20 : Comparaison des structures de la mescaline, de la psilocybine et du LSD

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

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On obtient pour l‟essentiel des effets psychodysleptiques, une altération de la pensée, une désorientation spatio-temporelle, une altération de la conscience, et des hallucinations visuelles. Les couleurs apparaissent intenses et brillantes. Les motifs visuels sont des formes animées, comme des rayures, des damiers, des pointes. On note également une distorsion des formes, que l‟on qualifie de kaléidoscopiques, c‟est-à-dire des images qui mêlent une combinaison de formes et de couleurs variées. Notons que les descriptions de ces visions restent assez subjectives et varient dans leur intensité et dans leur perception d‟un individu à un autre. Mais on retrouve une constance de forme à type de grille, de toile d‟araignée, d‟échiquier, de tunnel, d‟entonnoir. Ces hallucinations visuelles sont d‟autant plus marquées que l‟expérience est faite les yeux fermés et avec un éclairage environnant faible (Anderson, 1996). L‟ensemble des effets comprend une action physique et psychique. Les effets observés sont dus à l‟action sympathomimétique de la mescaline et des autres alcaloïdes :

-nausée, vomissement au moment de l‟ingestion essentiellement -mydriase -hypertension artérielle -tachycardie -augmentation de la fréquence respiratoire -hypothermie, suivie d‟une phase d‟hyperthermie, sudation -hypersalivation -trouble de l‟équilibre -trouble de l‟humeur -flush cutané -hyperglycémie -hypokaliémie -augmentation de la fréquence de la diurèse et des envies de défécations -hyperleucocytose -hypokaliémie

Les principaux effets physiques observés sont les troubles digestifs, les phénomènes de tachycardie et d‟hypertension artérielle, de troubles de l‟équilibre. Ces signes disparaissent dans l‟heure qui suit l‟ingestion et laissent place à des altérations des différentes perceptions et notamment des perceptions visuelles avec des distorsions du champ visuel, une désorientation temporo-spatiale. Les autres effets à noter sont les suivants : -euphorie -phosphènes (sensations de mouches devant les yeux) -hallucinations auditives -troubles de la concentration -désorientation

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Les effets physiques sont accompagnés des effets psychiques dès lors que la dose de prise atteint les 5mg/kg de poids corporel.

(Soulaire, 1948 ; Osmond, 1967 ; Richard, 2005)

1.3.1.5 Toxicologie et dépendance

Au sein de la société traditionnelle, le peyotl est utilisé dans un contexte précis et on n‟observe pas ou très rarement des détournements face à l‟usage de ces substances. Ainsi, la pratique de conduite à risque est quasi absente. La prise du peyotl ne se fait pas dans un but récréatif et doit se faire accompagner d‟un chaman.

La consommation du peyotl entraine ce que l‟on nomme l‟ivresse peyotique qui se manifeste au maximum trois heures après l‟ingestion qui s‟étend en général sur l‟ensemble d‟une journée. Signalons que les doses pour atteindre cet état d‟ivresse peyotique sont variables d‟un individu à un autre. Il convient donc d‟y aller progressivement sur les doses employées, et c‟est ce qui est pratiqué par les peuples Amérindiens sous la guidance du chaman. Cette ivresse peyotique se décompose en deux phases : la phase d‟excitation, suivie d‟une phase de sédation au cours de laquelle les hallucinations visuelles très colorées surviennent.

La première phase est essentiellement une phase d‟euphorie, qui commence par un état de bradycardie. On observe en parallèle un état euphorique croissant associé à une certaine hilarité, et une élocution importante. Une vivacité psycho-sensorielle se fait sentir, et le sujet peut réaliser ses tâches habituelles avec une grande rapidité, un sentiment de légèreté, d‟endurance et de puissance. Ce sentiment de légèreté permet au sujet d‟accomplir des efforts intenses sans faim, ni soif, ni fatigue et il se fait sans perte de contact avec la réalité. Le sujet peut entreprendre diverses actions qu‟il ne ferait pas en temps normal avec beaucoup d‟assurance. On note une perte d‟appétit due à la sensation de plénitude stomacale. Apparait ensuite une mydriase qui va aller croissante et peut durer jusqu‟à 24 heures. La sensibilité à la lumière s‟accroit et l‟œil commence à discerner des détails plus subtils.

A cette première phase d‟excitation, une phase de sédation se fait suivre. On note une nette diminution de la vivacité psycho-sensorielle, une sédation nette apparait, avec perte de la coordination pouvant conduire à des pertes d‟équilibre, voir une phase de prosternation. Le sujet a alors du mal à maintenir sa concentration. Apparaissent ensuite des phosphènes, c‟est- à-dire apparition de tâches et/ou de lumière dans le champ visuel. Les phosphènes deviennent de plus en plus intenses pour devenir de très fortes lumières et des hallucinations visuelles très colorées, au sein desquelles les formes s‟entremêlent, se déforment, changent de couleurs.

On peut noter qu‟il y a plusieurs types d‟hallucinations visuelles possibles :

-les phosphènes -les visions d‟objets ou de personnages familiers, mais vus de façon déformés. -les visions ne se rapportant à aucun élément familier. Ce sont les visions les plus fréquentes.

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Ces hallucinations sont différentes qu‟elles soient obtenues avec les yeux ouverts ou avec les yeux fermés. Aux hallucinations visuelles peuvent s‟ajouter des hallucinations affectant les autres sens, et notamment l‟audition. Au point le plus fort de cette ivresse peyotique, on note une polypnée. Un flush cutané peut être observé, associé à une rougeur oculaire. On note une diminution importante des facultés mentales notamment de mémorisation, de concentration, d‟attention. Certains sujets rapportent également des phénomènes de dédoublement de personnalité, à savoir la sensation d‟être en dehors de soi-même et de se regarder). L‟ivresse peyotique dure en moyenne de 6 h chez les hommes, et de 7 à 8 h chez les femmes ( Rouhier, 1990 ; Meyers, 2007 ; La Barre, 2012).

La consommation répétée du peyotl n‟entrainerait pas de dépendance physique, à la différence des drogues comme l‟héroïne ou la cocaïne mais essentiellement une dépendance psychique au cours des usages réguliers. Or ces usages très réguliers ne sont pas des plus courants au sein des populations amérindiennes, dans la mesure où l‟usage de la plante doit se faire selon un rituel précis. Il convient donc de faire la distinction entre l‟usage dans un cadre de rituel, comme on le retrouve chez les Amérindiens, (à l‟exclusion de la sorcellerie) et l‟expérience du peyotl par les populations non amérindiennes. Des études faites sur les Amérindiens utilisant le peyotl dans un cadre religieux, n‟ont pas pu mettre en avant des déficits cognitifs ou psychologique due à l‟usage du peyotl. Ceci est bien sûr à différencier de l‟usage détourné du peyotl que l‟on retrouve chez des individus en recherche d‟hallucinations (Unger, 1963 ; Halpern et al., 2005).

La mescaline, étant le principal alcaloïde responsable des effets psychotropes de la plante, peut entrainer chez les consommateurs réguliers un phénomène de tolérance, et notamment chez les consommateurs recherchant ces hallucinations hors du commun.

Signalons un point important à savoir que les personnes fragiles et notamment présentant une pathologie mentale sous-jacente, peuvent vivre par l‟usage du peyotl une expérience très néfaste. C‟est notamment le cas lorsque le peyotl est consommé hors de son rituel d‟usage, notamment lorsqu‟il est consommé par les occidentaux, qui ne cherchent que l‟obtention des hallucinations, sans tout le caractère sacré qu‟il y a derrière. Ces états négatifs sont connus sous le nom de « bad trip ». Ces derniers peuvent conduire le sujet à se blesser ou à blesser autrui en raison de l‟altération de ses fonctions cognitives. Les « bad trip » réguliers comme on peut le retrouver hors des populations amérindiennes, peuvent conduire à certaines démences.

Pour ces consommateurs réguliers, qui utilisent des boutons séchés de peyotl, ou d‟autres cactus similaires comme le San Pedro ( Echinopsis pachanoi), de la mescaline de synthèse, et qui cherchent uniquement à vivre une expérience psychédélique, des signes de dépendances psychiques peuvent apparaitre. Notamment une très forte augmentation des doses car la mescaline semblerait être bien tolérée. Les consommateurs de mescaline sont en général des consommateurs poly-toxicomanes et consomment souvent en parallèle du LSD, des champignons hallucinogènes, voire des stimulants synthétiques comme de l‟ecstasy (ou

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MDMA pour 3,4-méthylène-dioxy-N-méthylamphétamine). On peut cependant noter que les patients consommateurs de mescaline donnent l‟impression d‟être dépassé, et de ne plus pouvoir répondre normalement à des stimuli. Les utilisateurs peuvent sembler très anxieux, voire devenir paranoïaques (La Barre, 1979 ; Holstege, 2005 ; Aronson, 2006).

1.3.1.6 Usage de la plante et cérémonie

Le peyotl est utilisé à des fins sacrées au cours de cérémonies, mais il a également un usage thérapeutique.

Le cactus est consommé soit frais (notamment lors des pèlerinages) soient séchés sous sa forme de « mescal-buttons ». En effet, la plante entière n‟est jamais consommée, car au cours de la cueillette, seule une section horizontale de la plante est coupée, puis tranchée de façon circulaire. Les morceaux sont alors mis à sécher au soleil, et c‟est sous cette forme qu‟ils sont disponibles dans le commerce. Une fois séchés, ils ont l‟aspect de petits disques de couleur brun à grisâtre, dont la surface est très plissée. Lorsqu‟ils sont jeunes, ils peuvent être difficilement réduits en poudre.

Le caractère sacré

Il y a autour du peyotl tout un culte, appelé culte du peyotl ou peyotisme qui a pour objectif la quête de vision et la possibilité d‟annoncer un monde meilleur comme nous l‟avons vu dans la partie historique. Ce culte a été importé du Nord-Ouest Mexicain, d‟où est originaire la plante. Ce culte du peyotl avait commencé par toucher les Indiens des plaines du Texas, et notamment les Indiens Kiowas et les Comanches dès la fin du XVIIIème siècle, mais ce n‟est qu‟à partir du milieu du XIXème qu‟il s‟est largement répandu à travers les Etats-Unis. Dans l‟Oklahoma, le culte du peyotl est notamment organisé autour d‟une pratique religieuse à travers la Native American Church. Le peyotisme représente le mouvement qui a permis la diffusion du peyotl dans toute l‟Amérique du Nord.

Les Indiens qui vivent loin des zones de répartition géographique du peyotl utilisent la couronne séchée du cactus : le bouton à mescal. Cette couronne séchée est disponible dans le commerce, dans la mesure où plusieurs maisons se sont spécialisées dans sa distribution. Ces commerces se procurent généralement au Texas. Certaines tribus du Sud des Etats-Unis, partent en pèlerinage annuel au Texas ou dans l‟Etat de Chihuahua au Mexique, pour se procurer le peyotl en allant le cueillir eux-mêmes dans les plaines (J, 1938).

Le culte commence dès la cueillette pour ceux qui vont encore le cueillir dans les plaines, et notamment à travers un pèlerinage. Ce dernier n‟est cependant pas très pratiqué par les Indiens du Nord à la différence des Indiens Huichol au Mexique, qui sont les seuls à conserver cette tradition autour du peyotl. Le pèlerinage est destiné à se rendre sur les terres sacrées, et le parcours permet aux pèlerins de pénétrer dans le monde sacré et de s‟identifier à lui. Ce voyage est considéré par les peuples le pratiquant comme un voyage initiatique vers la Terre des ancêtres et de « Dieux » (Stewart, 2001).

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La plante est donc utilisée pour avoir des visions et entrer en communication avec les esprits de leur ancêtre, et cela notamment au cours de cérémonies rituelles.

Approvisionnement

En raison de la rapidité de diffusion du culte dans toute l‟Amérique du Nord et notamment aux Etats-Unis, des commerces spécialisés dans la vente des boutons séchés se sont développés. Ceci a été permis du fait de l‟absence de règlementation juridique émanent du gouvernement fédéral, le peyotl peut donc être obtenu de façon tout à fait légale, et de manière relativement simple. On peut ajouter à cela la fin des guerres intertribales, la commodité des moyens de transport et du trafic postal. Si bien que pour les Indiens, il est devenu simple de se procurer des boutons de mescal.

La cérémonie

La consommation du peyotl se fait au cours de cérémonies. Le rituel varie d‟une tribu à l‟autre, chaque tribu apportant ses subtilités. La cérémonie se déroule au sein d‟une tente dressée au dessus d‟un autel de terre ou d‟argile, et qui est démontée dès la fin de la cérémonie chez les Indiens des plaines. D‟autres tribus vont procéder à la cérémonie dans des huttes rondes en bois avec un autel en ciment au milieu.

Diverses occasions peuvent être à l‟origine d‟une telle cérémonie, à savoir le succès d‟un pèlerinage au pays du peyotl, la naissance d‟un enfant, la mort, en action de grâces pour une guérison, ou comme action de grâces générales. Cela tient au fait que pour les indigènes américains, le peyotl est un messager divin qui leur permet de communiquer avec Dieu et les esprits cela sans l‟intermédiaire d‟un prêtre.

Le guide de la cérémonie est appelé « Homme du chemin», signalons que l‟homme de chemin n‟est pas forcément un chaman. Le culte du peyotl impose quelques interdits qui doivent être respectés : interdiction de consommer du sel la veille et le jour de la cérémonie (car considéré comme un élément qui coupe l‟humain de son lien avec la nature) ; interdiction de se baigner dans les jours suivant la cérémonie. Les femmes peuvent participer à la cérémonie. Cependant, elles peuvent seulement consommer le peyotl et prier, à la différence des hommes qui participent aux chants. Dès l‟âge de 10 ans, les enfants ont le droit d‟observer la cérémonie, mais ne peuvent pas y participer.

La couronne séchée du cactus (ou Père Peyotl) est posée au centre de l‟autel sur une croix faite de feuilles de sauge. Dès que cette dernière est posée au centre de l‟autel, toutes les discussions cessent et les yeux se tournent vers le centre de l‟autel. Des feuilles de tabac circulent parmi les présents, et chaque personne se prépare une cigarette. Celle-ci sera alors fumée lorsque la prière d‟ouverture de la cérémonie sera prononcée. Un sac renfermant des boutons de mescal séchés est purifié grâce à de l‟encens de résine de cèdre. L‟homme du chemin sort alors quatre boutons à mescal du sac venant d‟être purifié et les fait circuler dans le sens des aiguilles d‟une montre. Ces boutons sont destinés à être consommés, chaque

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personne prend quatre boutons, et peut si elle le désire en redemander à son vouloir au cours de la cérémonie. La quantité est du libre arbitre du participant, certains pouvant en consommer plusieurs dizaines au cours de la nuit. L‟homme de chemin prononce le chant d‟introduction avec évocation d‟une prière.

Le rituel thérapeutique est légèrement différent du rituel sacré, et comprend toujours des prières simples (Schultes and Hofmann, 2005).

Son usage

Le peyotl est utilisé pour son caractère sacré, dans la mesure où la plante est considérée comme un messager divin. C‟est ce caractère sacré qui aurait empêchait sa consommation au seul titre du plaisir (Schultes, 2000).

Le peyotl est utilisé comme psychotrope enthéogène, cela se réfère notamment au fait que la substance permet « la libération ou l‟expression d‟un sentiment divin à l‟intérieur de soi ». Le peyotl est utilisé de façon à enter en contact avec les esprits (Ott, 1995).

Les Amérindiens qui utilisaient le peyotl voyaient en ce cactus une source d‟inspiration. Ainsi, le peyotl était utilisé par les chamans pour prédire l‟avenir, pour solliciter une aide surnaturelle que cela soit pour l‟harmonie de la communauté ou la guérison. De par ce caractère sacré il est également utilisé comme remède universel.

Le peyotl est utilisé dans les sociétés traditionnelles comme stimulant en cas d‟activités éprouvantes (voyage ou guerre), mais à des doses plus faibles que celles utilisées au cours des rituels. On trouve également des allusions à un usage externe et notamment en cataplasme sur les blessures (Stewart, 2001 ; Schultes and Hofmann, 2005).

1.3.1.7 La loi autour du peyotl

L‟usage du peyotl est contrôlé sur le territoire américain et le peyotl est inscrit dans la catégorie des plantes hallucinogènes. Son utilisation doit faire l‟objet d‟un enregistrement. Cependant, son usage est autorisé dans le cadre d‟une utilisation non médicamenteuse, au cours des cérémonies de la Native American Church. Précisons que les lois relatives à l‟usage du peyotl varient d‟un Etat américain à l‟autre, avec de nombreux Etats autorisant l‟usage religieux du peyotl et notamment : l‟Arizona, le Colorado, le Minnesota, le Nevada, le Nouveau-Mexique, l‟Oklahoma, l‟Oregon et l‟Utah, où le peyotl peut être utilisé par toute organisation religieuse de bonne foi. Dans l‟Idaho, l‟Iowa, le Kansas, l‟Oklahoma, le Dakota du Sud et le Wisconsin, l‟utilisation du cactus n‟est autorisée que dans les cérémonies religieuses amérindiennes.

Le peyotl peut être cultivé de façon tout à fait légale par des cultivateurs agrées aux Etats- Unis mais seulement pour fournir la Native Americain Church (Anderson, 1996).

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En France depuis 2004, le peyotl est inscrit comme produit stupéfiant, tout comme la mescaline. Il l‟avait déjà été par le passé en 1957 et en 1966 avant d‟être relégalisé en 1990. En France et en Suisse, il est interdit mais dans les autres pays européens son usage reste autorisé.

Le peyotl est également protégé par la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d‟extinction).

1.3.2 L’amanite tue-mouche

L‟amanite tue-mouche (Amanita muscaria, Figure 21) est un champignon cosmopolite à travers le monde. Ce champignon est également connu sous le nom de Fausse –oronge. L‟amanite tue-mouche semble être l‟hallucinogène le plus ancien employé par les peuples indigènes. Avant l‟introduction de l‟alcool dans certaines régions, ce champignon était un des seuls moyens d‟atteindre l‟ivresse. C‟est un champignon dont l‟usage n‟est pas commun, car les effets peuvent être fortement désagréables, et notamment avec des troubles digestifs importants associés à des frissons et son usage reste donc limité aux rituels chamaniques (Schultes and Hofmann, 2005).

Notons que son usage chez les Amérindiens du Nord reste concentré à certaines tribus uniquement. L‟amanite tue-mouche était notamment utilisée par les Indiens Objiway, qui représentent la plus grande nation amérindienne en Amérique du Nord, ainsi que par les Indiens du Nord-Ouest du Canada ( Navet, 1988 ; Schultes and Hofmann, 2005).

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Figure 21 : Amanita muscaria

(Source : www.wikipedia.org)

1.3.2.1 Mycologie

L‟amanite tue-mouche (Amanita muscaria) est un champignon appartenant au groupe des Amanitales et à la famille des Agaricacées. C‟est un champignon à lames libres et spores blanches. Le chapeau et le pied sont séparables. Le pied est blanc, le chapeau de couleur rouge-orange. La couleur rouge est surtout prononcée quand le champignon est plus jeune, puis la couleur évolue vers le rouge-orangé, voire l‟orange. Le chapeau porte des verrues blanches détachables, qui sont issues du voile général présent sur l‟amanite lorsqu‟elle est jeune. Le pied porte une volve, et présente un anneau. La marge est légèrement striée (Courtecuisse, 2011 ; Pouchus, 2012).

C‟est un champignon qui pousse dans les sous-bois, et le plus souvent près des bouleaux, pins, sapins ou autres mélèzes, et cela du fait de l‟état symbiotique qui s‟opère entre le

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champignon et ces arbres. L‟amanite tue-mouche pousse plus facilement sur des terrains légèrement acides.

1.3.2.2 Historique

L‟Amanite tue-mouche est un champignon utilisé de façon très lointaine dans les sociétés traditionnelles, et c‟est probablement le champignon le plus anciennement et le plus largement utilisé pour ces propriétés hallucinogènes. Ce champignon est connu depuis plus de 3500 ans avec une utilisation notamment dans l‟Inde Antique, où il entrait dans la composition du Soma, une boisson divine (Wasson, 1972).

L‟Amanite tue-mouche est utilisée de façon traditionnelle au cours des rituels chamaniques, et notamment en Sibérie, où elle est vue comme le médium du chaman. Il était également connu auprès des Mayas, en Amérique du Sud. En Amérique du Nord, ce champignon n‟est utilisé que par certaines tribus amérindiennes aux cours des rituels chamaniques, afin de pouvoir entrer en communication avec les esprits. Ils étaient essentiellement consommés par les chamans (Pol, 2002).

1.3.2.3 Principaux constituants du champignon

L‟amanite tue-mouche renferme plusieurs alcaloïdes, dont le premier isolé fut la muscarine. Cependant, notons que la muscarine n‟est pas l‟alcaloïde responsable des effets psychotropes du champignon. Les alcaloïdes principaux responsables de l‟effet psychotrope du champignon sont le muscimol, l‟acide iboténique et la muscazone (Michelot and Melendez-Howell, 2003).

Tout le champignon est psycho-actif, mais c‟est surtout dans le chapeau que les composés psycho-actifs sont concentrés. On note une importante variation des concentrations de ces substances en fonction des saisons. Les champignons sont plus puissants quand ils sont consommés au mois d‟août.

La muscarine

La muscarine est un alcaloïde de formule brute C9H20NO2 (Figure 22). Elle a une structure proche de celle de l‟acétylcholine. C‟est l‟alcaloïde le plus connu pour ce champignon, mais qui est pourtant présent en très faible quantité dans le champignon à l‟état frais, à la différence de ce que l‟on peut trouver dans les Clitocybes et les Inocybes (Page, 1980). En effet, les travaux d‟Eugster en 1953 mirent en avant que la muscarine représentait moins de 0.0005%, et que cette concentration ne pouvait donc pas être responsable des effets puissants psychotropes obtenus par consommation d‟amanite tue-mouche, mais également peu impliquée dans la toxicologie de l‟amanite tue-mouche, du moins aux doses auxquelles on la trouve dans ce dernier (Ott, 1993 ; Benjamin, 1995).

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Figure 22 : Structure de la muscarine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

La muscarine est une amine quaternaire qui est absorbée lentement au niveau de la muqueuse digestive et a une action parasympathomimétique. C‟est un agoniste des récepteurs muscariniques. La muscarine franchit difficilement la barrière hémato-encéphalique et son passage à travers celle-ci ne semble possible que si elle est combinée à un ou plusieurs acides aminés. La muscarine n‟est pas métabolisée par l‟organisme malgré sa structure proche de l‟acétylcholine. En effet, elle n‟est pas dégradée par l‟action des acétylcholinestérases. Elle se retrouve donc intacte dans l‟urine. Les effets principaux de la muscarine sont des troubles digestifs importants avec une augmentation du péristaltisme intestinal, associés à une augmentation des sécrétions salivaires et sudorales et une broncho-constriction. Ses effets semblent être combinés à ceux du muscimol (Festi and Bianchi, 1980).

La muscarine se concentre essentiellement dans la cuticule du chapeau.

Le muscimol

C‟est le principal alcaloïde psychoactif présent chez l‟amanite tue-mouche. Le muscimol a pour formule brute C4H6N2O2 (Figure 23), et pour dénomination chimique 3-hydroxy-5- aminométhyl-1-isxazol. Le muscimol, tout comme l‟acide iboténique, a été découvert en 1964, grâce aux travaux de trois laboratoires situés au Japon, en Angleterre et en Suisse.

Figure 23 : Structure du muscimol

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

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Le muscimol est un agoniste puissant du récepteur au GABA-A (acide-γ-aminobutyrique) (Figure 24), qui est un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central.

Figure 24 : Structure du GABA

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

Le muscimol est absorbé au niveau digestif, et atteint ensuite essentiellement la région cérébrale, après passage de la barrière hémato-encéphalique où il exercera ses effets psychotropes et notamment son effet hallucinogène. Les effets psychoactifs du muscimol sont observés pour des doses de 15 à 20 mg. Le muscimol a donc essentiellement des activités de neurotoxiques psychodysleptiques (Ott, 1993).

Son action s‟exerce principalement au niveau du cortex cérébral, l‟hippocampe et le cervelet qui sont des zones où les récepteurs GABA-A se trouvent en fortes concentrations. La stimulation du récepteur au GABA implique des mouvements d‟ions chlorure, au niveau neuronal. A l‟image du GABA, la fixation du muscimol sur le récepteur va donc entraîner une ouverture du canal chlore et avoir pour effet d‟inhiber la transmission neuronale. Il en résulte donc un effet sédatif (Michelot and Melendez-Howell, 2003). Le muscimol semble également être impliqué dans des modifications métaboliques de certains neurotransmetteurs comme la dopamine, la sérotonine et de noradrénaline. Ainsi, le muscimol diminuerait les taux de noradrénaline. La diminution de l‟activité motrice, l‟apparition d‟une ataxie (manque de coordination des mouvements fins volontaires), les étourdissements seraient en lien avec l‟action sur le système dopaminergique. Ces hallucinations semblent alors être induites par un déséquilibre qui s‟installe entre les différentes connexions des neurotransmetteurs, au niveau cérébral (Festi and Bianchi, 1980).

Le muscimol est peu concentré (inférieur à 0,1%) dans le champignon frais, mais sa concentration augmente au cours du séchage, ceci du fait que par un processus de décarboxylation le muscimol peut être formé à partir de l‟acide iboténique au cours du séchage (Pol, 2002).

L’acide iboténique

L‟acide iboténique a pour formule brute C5H6N2O4 (Figure 25), c‟est un acide aminé, précurseur du muscimol. En effet lors du séchage une partie de l‟acide iboténique subit une décarboxylation pour former le muscimol.

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Figure 25 : Structure de l’acide iboténique

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

L‟acide iboténique est un agoniste des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) du glutamate (Figure 26), qui sont impliqués dans le contrôle de l‟activité neuronale (Rätsch, 2005).

Figure 26 : Structure du glutamate

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

L‟acide iboténique semble présent à des concentrations allant de 0,03 à 0,1 %.Cette concentration est cependant plus élevée que celle du muscimol dans le champignon frais, mais l‟acide iboténique est transformé en muscimol au cours du séchage. L‟acide iboténique est surtout présent au niveau du chapeau (Michelot and Melendez-Howell, 2003).

Les effets de l‟acide iboténique se manifestent pour des doses de 50 à 100 mg, soit une dose cinq à six fois plus importante que le muscimol, avec un pic d‟intoxication qui est atteint dans les deux heures suivant l‟ingestion. On observe alors des hallucinations visuelles et une altération des perceptions sensorielles, associées à une perte d‟équilibre et des contractions musculaires. Les effets durent environ six heures.

La muscazone

La muscazone se forme également à partir de l‟acide iboténique sous l‟action des UV (Figure 27).

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Figure 27 : Structure de la muscazone

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

La muscazone est essentiellement responsable des effets sédatifs et hypnotiques mais est moins active que l‟acide iboténique ou le muscimol (Eugster et al., 1965 ; Michelot and Melendez-Howell, 2003).

Notons que ces principes actifs sont peu métabolisés et éliminés en grande partie par voie urinaire.

1.3.2.4 Action physiologique

L‟amanite tue-mouche possède trois actions principales, à savoir l‟action toxique avec des signes digestifs importants, l‟action hallucinogène due essentiellement au muscimol et à l‟acide iboténique, et l‟action sédative, hypnotique essentiellement due aux effets de la muscazone.

Les premiers symptômes apparaissent dans l‟heure qui suit l‟ingestion, pour atteindre un maximum dans les trois heures après la prise, et durer de douze à vingt heures. Ils vont mimer ceux d‟une affection gastro-intestinale avec des nausées et des vomissements fréquents. Apparaissent également des confusions, une sensation de plus grande résistance, des délires, des convulsions dans certains cas, ainsi que des hallucinations essentiellement visuelles voire auditives. Une forte somnolence est présente au bout de quatre à huit heures, et l‟utilisateur tombe alors dans un profond sommeil. En fonction de la dose consommée, cela peut conduire éventuellement à un état comateux. Au réveil, l‟utilisateur ne se souvient de rien.

Les hallucinations visuelles comprennent des visions en mouvement permanent, avec des géométries très diverses et colorées, que l‟on appelle des formes kaléidoscopes comme ceux que l‟on peut retrouver avec la consommation du peyotl, mais aussi des hallucinations avec des personnages et des environnements très familiers, ce qui peut alors conduire à des accidents voire l‟apparition de psychoses (Pol, 2002 ; Michelot and Melendez-Howell, 2003).

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1.3.2.5 Toxicologie

A la différence de l‟amanite phalloïde, l‟amanite tue-mouche n‟est pas mortelle, mais toxique notamment du fait qu‟elle est très indigeste. En effet, la consommation d‟amanite tue-mouche entraine des troubles digestifs, mais ces derniers sont rarement graves.

La consommation de l‟amanite tue-mouche ne provoque pas de dépendance qu‟elles soient physiques ou psychiques.

1.3.2.6 Usage

L‟Amanite tue-mouche est assez peu utilisée par les Amérindiens du Nord, qui de coutume consomment peu de champignons, et son usage se limite essentiellement à quelques tribus, et notamment les tribus Ojibways. Cette tribu indienne résidait pour l‟essentiel en forêt boréale, là où poussaient les pins, les sapins, les bouleaux, arbres aux pieds desquels l‟amanite tue- mouche peut facilement être trouvée (Schultes and Hofmann, 2005).

Le champignon est consommé séché à raison d‟un à six chapeaux au cours des cérémonies chamaniques. Les utilisateurs commencent toujours à faible dose, soit un à cinq grammes en moyenne afin d‟observer les effets. Les doses moyennes d‟utilisation vont de cinq à vingt grammes (Ott, 1993).

Les Ojibways utilisaient l‟amanite tue-mouche comme guide spirituel au cours des cérémonies. Les Amérindiens, avaient tout comme dans les tribus sibériennes qui utilisent largement ce champignon, recourt à la consommation d‟urine de personnes ayant consommés de l‟amanite tue-mouche. Selon C. Levi-Strauss « certains composés chimiques, présents dans le champignon, et responsables des symptômes désagréables, s‟élimineraient au cours de leur passage dans le corps, tandis que le ou les alcaloïdes hallucinogènes seraient préservés » (Navet, 1988). Cette pratique de consommation de l‟urine reste encore très pratiquée en Sibérie de nos jours.

Pour les Ojibways, le champignon est vu comme « la meilleure ou la pire des choses ». Ils font un parallèle avec le chaman qui est vu lui aussi comme « la meilleure ou la pire des choses », dans la mesure où le chaman est celui qui maintient le contact avec l‟au-delà. En cela le retour au monde « normal » après la pratique onirique, c‟est-à-dire en lien avec les rêves et les hallucinations n‟est possible que par la ritualisation de la consommation de l‟amanite tue-mouche, sous la guidance d‟un chaman. Ainsi, les effets négatifs de l‟amanite tue-mouche sont minimisés par la consommation concomitante de fraise des bois (Fragaria vesca). Cette dernière, de par son action astringente, limite les effets gastro-intestinaux présents lors de la consommation de l‟amanite tue-mouche (Navet, 1988).

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1.3.3 L’acore odorant.

L‟acore odorant (Acorus calamus) ou Jonc odorant est consommé par certains Indiens du Nord-Ouest canadien pour ses effets psychotropes. La plante possède également des propriétés curatives comme antiasthénique notamment. La partie utilisée est le rhizome (Figure 28) (Schultes and Hofmann, 2005).

Figure 28 : Acore odorant (Acorus calamus)

(Source : www.wikipedia.org)

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La plante porte de nombreux noms français, dont certains peuvent désigner d‟autres plantes, on retrouve ainsi les noms suivants acore, acore roseau, acore odorant, acore vrai, belle- angélique, jonc odorant, lis des marais, roseau aromatique, Mais signalons que ses noms d‟appellation sont nombreux. Le nom de « belle-angélique» est très utilisé au Québec, mais son origine reste incertaine. Il est probable que cela soit en lien avec l‟odeur dégagé par le rhizome, qui peut rappeler l‟odeur de certaines angéliques (Angelica sp.). Notons également que le nom acore roseau est plutôt réservé aux variétés européennes implantées en Amérique du Nord, qui sont légèrement différente de la variété indigène Acorus calamus var americana. Le nom Acorus est tiré du grec « Akoros » qui signifie plante à racine aromatique, et calamus, du grec « kalamos », qui signifie roseau. Le qualificatif odorant est dû au parfum dégagé par le feuillage dès qu‟il est froissé. L‟odeur est une odeur de mandarine (Small and Catling, 2000).

La mise en avant de ces effets hallucinogènes est récente, et les premières publications à ce sujet datent de 1967 par Hoffer et Osmond (Rätsch, 2005).

1.3.3.1 Répartition

C‟est une plante qui pousse dans les régions tempérées et subtropicales. Elle se retrouve dans le centre de l‟Europe et le Nord de l‟Europe, en Asie, et en Amérique du Nord. Ainsi, on distingue trois variétés, la variété americanus (A.calamus var.americanus) qui est surtout présente en Amérique du Nord et qui se retrouve également en Sibérie. L’A. calamus var. angustatus est elle surtout présente dans les régions orientales et tropicales du Sud de l‟Asie. Alors que l’A. calamus var. calomus se trouve présent en Europe, en région tempérée de l‟Inde, dans la région de l‟Himalaya ainsi que dans l‟est de l‟Amérique du Nord. La variété americanus se trouve dans toutes les provinces canadiennes. La variété calamus, a été introduite d‟Europe et a pu être récoltée au Québec, en Ontario et sur l‟île du Prince Edouard. Aux Etats-Unis, on trouve l‟acore jusque dans le sud de l‟Amérique du Nord (Floride, Texas, Colorado). La dissémination de l‟acore sur le territoire américain est en lien avec les flux migratoires des Amérindiens, où ils les plantaient pour une récolte ultérieure (Small and Catling, 2000 ; Debuigne et al., 2006).

1.3.3.2 Botanique

L‟acore odorant (Acorus calamus) est une Monocotylédone vivace et aquatique de la famille des Aracées, pouvant atteindre jusqu‟à 2 mètres de hauteur.

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Feuilles et rhizomes

Elle possède des feuilles allongées, dressées en forme d‟épées étroites, à nervures parallèles. Le limbe est long. Ces feuilles sont semblables à celle de l‟Iris (Iris versicolore) mais peuvent facilement s‟en différencier à l‟odeur caractéristique que dégage le frottement de la feuille. Les feuilles sont issues d‟un rhizome souterrain assez ramifié, d‟une épaisseur moyenne de 1 à 2 cm, et jusqu‟à 1 m de longueur. La chaire du rhizome est de couleur rose, blanchâtre. Les ébauches de feuilles présentes, sont en forme de V (Small and Catling, 2000 ; Rätsch, 2005).

Les fleurs

L‟inflorescence est formée d‟un spadice, caractéristique de la famille des Aracées. Les fleurs de couleur jaunes, vertes sont nombreuses. Un spadice est un axe en forme d‟épi, qui présente également une bractée foliacée nommée spathe, comme celle présente sur les Arums (Figure 29). Le spadice, de couleur jaunâtre, mesure 5 à 10 cm de long. La période de floraison s‟étend de mai à août.

Figure 29 : Schéma d’un spadice

(Source : www.wikipedia.org)

Les fleurs

Les fleurs sont très petites, de couleur jaune-verdâtre. Chaque fleur contient six étamines. Enfermée dans le périanthe et entourant l‟ovaire avec un stigmate sessile. Les fleurs sont très odorantes, ce qui favorise la pollinisation. Notons que le fruit n‟apparait pas sur la variété calamus.

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Appareil reproducteur

C‟est une plante hermaphrodite. La variété americanus est une variété diploïde à 24 chromosomes. La variété angustatus est elle tétraploïde et possède 48 chromosomes. La variété calomus est une variété stérile et triploïde, avec 36 chromosomes. La pollinisation est de type entomogame, c‟est-à-dire par le biais des insectes.

Fruits

Les fruits sont des baies remplies de mucus, qui se détachent à maturité.

Culture

L‟acore se propage par la plantation de morceaux de rhizome de la plante. C‟est une plante qui a besoin de lieux très humides, pour pouvoir se développer. Elle peut survivre soit la base immergée dans l‟eau, soit sur la marge humide des étangs.

1.3.3.3 Principaux constituants de la plante

Le calamus contient des alcaloïdes, des flavonoïdes, des gommes, des saponines, des lectines, des phénols et des mucilages, ainsi que des principes amers tels l‟acorone. Une huile essentielle riche en dérivés mono- et sesquiterpéniques (camphène et p-cymène) et dérivés phénylpropaniques (β-asarone) est présente dans toute la plante mais essentiellement dans le rhizome.

La β-asarone

La β-asarone est le principal constituant de l‟huile essentielle mais elle est absente de l’A.calamus var. americanus. L‟asarone (Figure 30) est un dérivé du phénylpropane.

Figure 30 : Structure de l’asarone

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

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1.3.3.4 Action physiologique

C‟est le rhizome séché à l‟ombre qui est utilisé. Il est consommé essentiellement pour ses propriétés thérapeutiques, plutôt que pour ses propriétés hallucinogènes, car ces dernières bien que présentes, sont peu marquées pour des doses courantes d‟utilisation par les Amérindiens. C‟est un tonique amer, stimulant les glandes digestives, et donc favorisant la digestion et stimulant l‟appétit. Il est également cholérétique, stimulant du péristaltisme intestinal, carminatif et antispasmodique. La plante possède également une action antiémétique, très intéressante dans les maux des transports, ou lors des déplacements en altitude avec présence de vertige, car son action est très rapide. On peut également signaler ses propriétés anxiolytiques. De par ces propriétés, ainsi que son action orexigène, l‟usage de cette plante est intéressant lors de troubles de l‟appétit à type anorexie.

Le monde occidental connait essentiellement les propriétés digestives de l‟acore. Mais les Amérindiens l‟utilisaient pour de bien plus larges indications. C‟est également un stimulant général de l‟organisme, qui aide ce dernier à surmonter les épisodes infectieux, il augmente l‟énergie et l‟endurance. Le rhizome présente également des propriétés antibactériennes, très utilisées par les Amérindiens dans les maux de gorge et les rhumes. C‟est ainsi qu‟ils nomment l‟acore « Bitterroot » (Rätsch, 2005).

L‟acore consommé à fortes doses, c‟est-à-dire au-delà de 300 mg, présenterait des effets hallucinogènes, mais ce sont surtout des effets anxiolytiques qui ont pu être mis en avant aux doses courantes d‟utilisation. L‟acore agit essentiellement comme calmant, et permet le recentrage de l‟utilisateur, ainsi il peut être utilisé comme stimulant, mais aussi comme calmant, avec une action qui semble marquée dans les états de paniques, mais ce n‟est en aucun cas une plante qui donnera des hallucinations fortes. Les hallucinations visuelles qui sont observées sont légères, avec la vision de certaines couleurs dans le champ visuel. C‟est donc à tort que l‟acore a été considéré comme hallucinogène par certains auteurs (Rätsch, 2005).

L‟acore, de par sa composition riche en huile essentielle, possède également une action insecticide marquée (Yao et al., 2008).

1.3.3.5 Toxicologie

Les études de toxicologie ont essentiellement concerné la -asarone consommée seule et en grande quantité. Or ce composant est absent de la variété indigène americanus. Concernant les autres variétés, leur dangerosité reste faible. Seule une grande consommation, en un temps rapide, semble susceptible de provoquer une hyperstimulation de l‟estomac et de l‟appareil digestif, et ainsi engendrer des vomissements (Motley, 1994).

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1.3.3.6 Usage

Le rhizome est consommé séché et mâché. Il ne semble pas nécessaire d‟avaler la plante séchée, mais seulement de la mâcher. Le fait de la mâcher aiderait à mieux comprendre l‟esprit de la plante. Plus la plante est mâchée longuement et plus les effets se font sentir. La dose généralement consommée était de l‟ordre de la taille d‟un doigt. Le rhizome est amer. La racine doit être consommée dans l‟année qui suit son séchage pour une meilleure efficacité.

Signalons que l‟espèce A. calamus var. americanus, est très concentrée en huile essentielle, et dans la tradition c‟est surtout sur ces vertus digestives que l‟accent est mis. De nombreux Amérindiens considèrent l‟acore comme une panacée et un excellent tonique, et l‟acore est une herbe très sacrée, pour de nombreuses tribus. L’Acorus calamus est vu comme une plante d‟enseignement. Ainsi, elle est vue comme une plante qui aide à vivre dans la lucidité et à avoir une meilleure finesse de perception, une meilleure subtilité de la conscience de soi. Et c‟est en cela que la plante doit être utilisée sur une période régulière et prolongée et en aucun cas en une prise pour espérer observer des effets très rapides comme cela peut être le cas avec le peyotl par exemple. En consommer en doses importantes en une prise conduit essentiellement à une action vomitive.

L‟acore est utilisé comme stimulant notamment au cours des voyages pour l‟endurance des voyageurs fatigués. L‟acore semblerait être utilisé à cet effet de la même façon que les Amérindiens du Sud avec les feuilles de coca. C‟est à ce titre que l‟acore a été cultivé le long des routes commerciales. Il était de tradition de mâcher la racine pour maintenir la vigueur.

L‟acore permet de calmer, et est à ce propos utilisé pour mieux apprécier les choses autour de soi. Ainsi, l‟acore est vu comme une plante qui purifie et revitalise le système nerveux.

De nombreux Amérindiens des forêts du Nord croient en ses vertus contre les esprits maléfiques, c‟est ainsi que l‟acore est retrouvé accroché dans les habitations et même cousu aux vêtements des enfants. Mais il est également présent comme encens lors des cérémonies dans les huttes de sudation ou « Sweat-lodge ». Pour les Cheyennes, le fait de fumer le rhizome d‟acore permet de nettoyer l‟esprit et d‟apporter des bénéfices sur la santé.

Les Cree sont connus pour utiliser le rhizome pour ses effets hallucinogènes, mais il est fort probable que cela soit tiré d‟une autre plante que l’Acorus calamus, et dont le nom Cree aurait porté à confusion.

1.3.4 Le tabac

Le tabac n‟est pas une plante aux propriétés hallucinogènes aussi marquées, que les précédentes, mais une plante psychotrope au sens plus large, dont l‟usage sacré au sein des populations amérindiennes est très présent. C‟est en raison de ce caractère sacré qu‟il a été très utilisé au cours des rituels chamaniques par presque tous les peuples autochtones de

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l‟Amérique du Nord. Le tabac était d‟usage sacré dans les tribus des plaines et ce n‟est qu‟après l‟arrivée des Européens lors de la conquête de l‟Ouest que l‟usage plus quotidien du tabac au sein des réserves est apparu (Vincent, 2004). Au-delà de ses propriétés sacrées, le tabac était également utilisé en thérapeutique (Debuigne et al., 2006).

1.3.4.1 Botanique

Le tabac (Nicotiana sp.) est une plante herbacée de la famille des Solanacées. C‟est une plante annuelle qui peut atteindre 2 m de haut pour l‟espèce tabacum (Figure 31). Nicotiana rustica (Figure 32) serait issue d‟une hybridation entre Nicotiana paniculata L. et Nicotiana undulata Ruiz (Debuigne et al., 2006).

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Figure 31 : Planche botanique de Nicotiana tabacum

(Source : www.wikipedia.org)

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Figure 32 : Planche botanique de Nicotiana rustica

(Source : www.wikipedia.org)

Les feuilles et la tige

Les feuilles sont nombreuses, alternes, allongées, et de formes ovales à lancéolées, de couleur vert pâle. La tige présente une section circulaire, pubescente. Notons que les feuilles de l‟espèce rustica sont plus petites et plus arrondies que celles de chez N.tabacum.

L’inflorescence

Les fleurs sont de couleurs rosées (N. tabacum), blanches, ou jaunâtres (N. rustica) et l‟inflorescence est une panicule lâche (Figure 33). La corolle est en forme d‟entonnoir, à tube

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très allongé et épaissi. La corolle présente cinq lobes, et seule l‟extrémité de la corolle est colorée. Les fleurs sont plus courtes et plus petites dans l‟espèce N. rustica. La période de floraison s‟étend sur les mois de juin et juillet en général.

Figure 33 : Schéma d’une panicule

(Source : www.wikipedia.org)

L’appareil reproducteur.

L‟ovaire est glabre. La plante est hermaphrodite, diploïde à 48 chromosomes. La pollinisation est entomophile. Les fruits apparaissent vers le mois d‟octobre et sont formés par une capsule renfermant de nombreuses petites graines de couleurs bruns rougeâtres (Kenton et al., 1993 ; Rätsch, 2005 ; Debuigne et al., 2006).

1.3.4.2 Historique

Le tabac (Nicotiana sp.) est une plante originaire d‟Amérique du Sud et d‟Amérique centrale, mais qui s‟est très vite étendue à l‟Amérique du Nord. Le tabac y était d‟usage très ancien, et l‟origine préhistorique de son utilisation reste encore mal comprise. Les fouilles archéologiques, ont pu mettre en avant la présence de tabac dans les pipes retrouvées, et cela grâce à des techniques couplant la chromatographie en phase gazeuse et la spectrométrie de masse. Le tabac constitue avec la sauge, le cèdre, et le foin d‟odeur, les quatre plantes sacrées les plus utilisées par les Amérindiens. Le tabac était utilisé pour communiquer avec les Esprits. On retrouve près de 100 espèces de tabac, et il existe deux espèces principalement cultivées et qui sont absentes à l‟état sauvage, le « vrai tabac » (Nicotiana rustica L.) était

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celui le plus utilisé par les peuples autochtones. Le tabac commercial, ou tabac commun, est connu sous le nom botanique de Nicotiana tabacum Linnaeus, variété dont la culture s‟est développée avec grand succès et notamment dans l‟Etat de Virginie avec l‟arrivée des colons britanniques. Ces deux espèces sont celles qui sont les plus retrouvées. Le tabac est utilisé depuis longtemps pour ses propriétés magiques par les peuples Amérindiens. Le tabac est une des premières plantes qui a été domestiquée en Amérique et qui est largement cultivée aujourd‟hui pour l‟industrie du tabac (Winter, 2000 ; Vincent, 2004 ; Rafferty, 2006 ; Tushingham et al., 2013).

Il est cependant important de comprendre que l‟usage du tabac au sein des tribus amérindiennes est totalement différent de l‟usage du tabac que nous connaissons dans nos pays occidentaux, en effet le tabac est une plante d‟usage sacré et qui reste essentiellement consommé lors des rituels du moins à l‟origine, car de nos jours on trouve des pratiques importantes de tabagisme dans les réserves suites à leur accès à diverses pratiques lors de leur contact avec le milieu urbain.

1.3.4.3 Principaux constituants de la plante

Le constituant majeur de la plante est la nicotine. La teneur en nicotine est plus importante dans l‟espèce rustica, avec des taux pouvant aller jusqu‟à plus de 8,5% des composants de la plante (plus de 16% dans les feuilles séchées), ce qui explique que ce soit la variété essentiellement consommée au cours des rituels chamaniques. Et à ce titre N. rustica est considérée comme une plante plus puissante que N. tabacum et que toutes les espèces de Nicotiana. On trouve également d‟autres alcaloïdes tels que la nornicotine, l‟anabasine et l‟anatabine. Ces trois alcaloïdes constituent avec la nicotine, les quatre alcaloïdes majeurs du plant de tabac. On trouve également des flavonoïdes, des huiles essentielles. Les graines sont riches en acide linoléique et en acide palmitique (Agbaji et al., 1993 ; Siminszky et al., 2005).

La nicotine

C‟est un alcaloïde de formule brute C10H14N2 (Figure 34). Elle représente 90% des alcaloïdes totaux de N. tabacum C‟est un agoniste des récepteurs nicotiniques à l‟acétylcholine. Il agit après ingestion, inhalation, ou contact ou contact au niveau de la peau. En effet la nicotine est facilement absorbée au niveau des muqueuses buccales, nasales, ainsi qu‟au niveau des alvéoles pulmonaires. Lorsqu‟une personne fume, il suffit d‟une dizaine de secondes pour que la nicotine arrive au cerveau. Le taux de nicotine réellement absorbé est de l‟ordre de 10% mais cette absorption dépend de nombreux paramètres (Benowitz et al., 2009).

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Figure 34 : Structure de la nicotine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

La nicotine, après fixation sur ses récepteurs, va influencer sur la libération de nombreux transmetteurs comme la dopamine, la sérotonine, les β-endorphines, le GABA, le glutamate, et bien sûr l‟acétylcholine, expliquant ses effets psycho-actifs. De par son action d‟agoniste cholinergique, à faible dose la nicotine agit comme stimulant du système nerveux central, en augmentant la vigilance, la concentration, et exerce également une action relaxante avec des effets anxiolytiques et anorexigène. Au niveau du système nerveux périphérique, on observe une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque, ainsi qu‟une augmentation du métabolisme. La nicotine est métabolisée en nornicotine et en cotinine, principalement, mais ce sont six métabolites primaires qui ont pu être identifiés, avec la cotinine qui représente quantitativement le métabolite le plus important (Benowitz, 1998 ; Benowitz et al., 2009 ; Rätsch, 2005).

La nicotine pourrait jouer le rôle d‟insecticide pour le plant de tabac de par son action ganglioplégique sur les parasites, et cette propriété a été mise à profit par l‟industrie des produits phyto-chimiques.

La nornicotine

La nornicotine est le second alcaloïde du tabac (Figure 35). Sa formule brute est C9H12N2. Elle est obtenue à partir de la nicotine par N-déméthylation (Figure 36).

Figure 35 : Structure de la nornicotine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

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Figure 36 : Métabolisme de la nicotine

(Siminszky et al., 2005)

C‟est un alcaloïde mineur du tabac, où sa teneur ne dépasse pas les 5% dans la plante fraîche, mais chez certaines variétés -dont N. rustica- il peut être présent en quantité importante, suite à la métabolisation de la nicotine au cours du processus de séchage de la plante (Figure 36). Or cette accumulation de nornicotine présente des effets délétères dans la mesure où cet alcaloïde est un précurseur du NNN, ou N‟-nitrosonornicotine, composé dont les études ont pu mettre en avant le caractère cancérigène (Siminszky et al., 2005).

L’anabasine

C‟est un alcaloïde de formule brute C10H14N2 (Figure 37). Au même titre que la nicotine, c‟est un agoniste cholinergique des récepteurs nicotiniques.

Figure 37 : Structure de l’anabasine

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

1.3.4.4 Action physiologique

L‟effet obtenu va dépendre de la quantité inhalée ou mâchée, ainsi que de l‟état dans lequel se trouvait la personne avant la consommation, à savoir si elle était ou non en état de tension, de stress. La consommation du tabac va avoir à la fois un effet stimulant et apaisant (Winter,

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2000). Pris en grande quantité le tabac possède un effet hallucinogène, des hallucinations que souvent seuls les chamans connaissent, dans la mesure où le tabac fait partie comme une plante sacrée tout au long de leur apprentissage, et dont ils vont consommer, soit en fumant, soit en chiquant les feuilles de tabac, soit sous la forme de jus de feuilles, de grandes quantités. Les hallucinations sont très colorées, avec une impression de brillant de la lumière. Ces phénomènes hallucinatoires ne semblent apparaitre que chez les chamans initiés, qui de par leurs pratiques, ne connaissent plus les effets secondaires de la consommation de la feuille de tabac. Le tabac est vu comme une plante magique qui aide à avoir des visions.

1.3.4.5 Toxicologie

La toxicité du tabac est due à un alcaloïde, la nicotine, qui est classée comme neurotoxine dangereuse. Comme nous l‟avons vu, la nicotine exerce un effet stimulant et relaxant à faible dose, mais à plus fortes doses on observe des nausées et vomissements, avec un effet dépresseur pouvant aller jusqu‟à la paralysie respiratoire, et donc la mort. La dose létale est de 60 mg de nicotine en une prise chez l‟humain. La nicotine est d‟ailleurs utilisée comme insecticide par sa propriété à provoquer la mort par paralysie. La LD50 chez la souris est de 0,3mg/kg. Notons que la nicotine est très vite dégradée au sein de l‟organisme, ce qui explique que certaines personnes peuvent enchainer cigarette sur cigarette. Des études ont mis en avant qu‟un gros fumeur n‟absorbe pas plus que 20 à 40 mg de nicotine par jour. A côté de ces effets létaux, on peut également noter l‟effet additif de la nicotine qui apparaît pour une consommation en plus petite quantité. La nicotine provoque un phénomène de tolérance, du à l‟insensibilisation des récepteurs nicotiniques. La demi-vie de la nicotine n‟étant que de quelques heures, ses effets disparaissent rapidement (Benowitz, 1998 ; Rätsch, 2005).

Notons également la toxicité, de par l‟action cancérigène de la nicotine. Cette action résulte de la métabolisation de cet alcaloïde avec formation de nitrosamines, dont les propriétés cancérigènes sont aujourd‟hui mises en avant par différentes études.

1.3.4.6 Usage

L‟utilisation du tabac par les peuples amérindiens est très ancienne, et il est essentiellement utilisé comme offrande pour demander protection, ou en guise de remerciement pour exprimer sa gratitude. Pour les peuples autochtones, l‟usage du tabac se faisait selon un rituel, dans la mesure où la plante était vue comme une plante sacrée. Les Amérindiens semblaient reconnaitre cinq usages majeurs au tabac. C‟est ainsi que séchées ou fumées les feuilles servaient d‟offrande aux Dieux, et étaient utilisées pour les prières, car la fumée était porteuse d‟un message permettant de faire le lien avec l‟au-delà. C‟est ainsi que la pipe (Figure 38) était vue comme un des meilleurs moyens pour entrer en communication avec les esprits. Lorsque les feuilles étaient jetées dans l‟eau, déposées au sol ou posées près d‟une roche ou d‟un arbre, elles étaient utilisées pour apaiser les esprits de la Terre. Les feuilles de tabac

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étaient utilisées en cataplasme pour les infections externes, telles les piqûres d‟insectes. Outre les vertus spirituelles et thérapeutiques qui leur étaient attribuées, elles étaient également utilisées comme cadeau pour consoler les parents d‟un défunt, ou lors d‟occasion spéciale quand l‟usage du calumet de la paix était de rigueur. Le tabac était fumé à l‟aide de pipe au cours des cérémonies, c‟est ce que l‟on nomme la pipe sacrée, mais également mâché, ou utilisé en externe sous forme de cataplasme. La pipe sacrée était le principal outil utilisé pour établir la communication avec le monde des esprits (Paper, 1988 ; Pego et al., 1995).

Figure 38 : Photographie d’une pipe sacrée

(Source : Native American Encyclopedia)

Le rite de la pipe est partagé par la quasi-totalité des tribus amérindiennes, et cela même que la forme de la pipe et leur matériau puissent être différents entre les tribus. La taille des pipes était très variable, ainsi que les matériaux utilisés qui pouvaient être de l‟os ou de la terre cuite. Notons que la pipe possède une symbolique qui lui est propre et cela en fonction des matériaux, de la forme et des décorations qu‟elle peut prendre. Et cette symbolique prend toute son importance au cours des rites cérémoniels.

Les feuilles étaient soit pressées pour en retirer le jus, soit séchées au soleil dans un endroit bien aéré et étaient parfois mixées puis mélangées à d‟autres substances pour former ce qu‟ils nomment le kinnik kinnik dont nous parlerons plus tard. Les feuilles séchées sont alors roulées pour être utilisées au cours des rituels chamaniques.

Il est également de coutume qu‟avant toute séance chamanique, de hutte de sudation ou autres les pratiquants se purifient grâce à des fumigations de tabac entre autres. Le tabac était également utilisé pour purifier les lieux et en chasser les mauvais esprits. En usage externe les feuilles de tabac étaient utilisées dans les affections de la peau, les entorses comme analgésiques, les morsures (Winter, 2000 ; Struthers and Hodge, 2004).

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1.3.4.6 Le Kinnik kinnik

Le kinnik kinnik est également connu sous le nom de « tabac indien », « larb », « native blend ». C‟est un terme algonquin qui signifie « le mélange » ou « quelque chose de mixé ». Il se réfère à un ensemble de plantes qui sont broyées grossièrement et fumées au cours des rituels des Amérindiens, et notamment lors de l„usage de pipe sacrée. Signalons que la busserole seule peut aussi être appelée kinnik kinnik. Comme nous l‟avons vu, le fait de fumer au cours des cérémonies était une pratique sacrée car vu comme une pratique destinée à ouvrir l‟esprit de la plante et à purifier l‟esprit de l‟humain ensuite. Le kinnik kinnik est un mélange présentant une grande variété dans les plantes utilisées entre les tribus, mais l‟ingrédient principal reste souvent la busserole ou raisin d‟ours (Arctostaphylos uva-ursi) et qui chez certains Amérindiens est mixé avec les feuilles du tabac et/ou avec d‟autres herbes psychoactives comme la lobelia (Lobelia inflata) ou le sassafra (Sassafra albidum), ce mélange étant alors utilisé en remplacement du tabac. Ces différents mélanges présentent des effets qui peuvent être différents entre eux, mais dont les effets psychoactifs sont très marqués et ceux pourraient être due à une synergie d‟action importante entre les différentes plantes, y compris avec des plantes ne présentant pas d‟action psychotrope lorsqu‟elles sont utilisées seules (Rätsch, 2005).

Sous ce nom c‟est donc une très grande diversité de mélange que l‟on peut retrouver avec certains qui peuvent avoir des effets très importants sur la santé. Ces mélanges étaient destinés chez les Amérindiens à être fumés avec la pipe sacrée lors de grandes cérémonies afin d‟aider le chaman ans sa quête de divination, mais en aucun cas ce mélange n‟était utilisé de façon quotidienne.

1.3.5 Le sassafra

Le sassafra (Sassafras albidum) est une plante de la famille des Lauracées, endémique des forêts de l‟est des Etats-Unis, consommé sous forme de boissons par les Amérindiens du Nord et consommé sous forme de boissons, pour ses actions stimulantes et toniques. Son nom vernaculaire est « Laurier des Iroquois » (Figure 39).

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Figure 39 : Sassafras albidum

(Source : www.wikipedia.org)

.1.3.5.1 Botanique

C‟est un arbre à feuilles caduques, qui peut atteindre 30 m de haut. Il est facilement reconnaissable à ses grandes feuilles, largement découpées. Le tronc de l‟arbre est épais, de couleur rouge-brun. Une odeur aromatique, épicée se dégage de l‟arbre.

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Les feuilles

Les feuilles sont alternes, de couleurs vertes à jaunes vertes en été et avec des teintes jaunâtres-rougeâtres en automne, plus ou moins ovales avec une taille moyenne de 10 à 15 cm de long et 5 à 10 cm de large. Le pétiole est court. Les feuilles sont découpées le plus souvent en trois lobes.

Les fleurs

L‟inflorescence est une grappe comportant peu de fleurs de couleur jaune. C‟est un arbre dioïque. La période de floraison s‟étend d‟avril à mai. L‟ovaire est supère.

1.3.5.2 Historique

Le sassafra est une plante utilisée par les Amérindiens depuis de très longues années sous forme de thé.

1.3.5.3 Principaux constituants de la plante

Le sassafra est riche en huile essentielle dont le principal représentant est le safrole (environ 80%). On trouve ensuite du camphre à hauteur de 3,25% et du méthyleugénol à hauteur de 1,10%. Ces huiles essentielles sont essentiellement concentrées dans l‟écorce de la racine de l‟arbre. On trouve également des alcaloïdes. La graine est riche en acide gras et les principaux représentants sont l‟acide linoléique et l‟acide oléique (Kamdem and Gage, 1995 ; Rätsch, 2005).

Le safrole

C‟est un phénylpropène de formule brute C10H10O2 (Figure 40).

Figure 40 : Structure du safrole

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

Le safrole est un précurseur du MDMA (3,4-méthylène-dioxy-N-méthylamphétamine) ou ectasy, substance de la famille des amphétamines (Figure 41) (Schäffer et al., 2013).

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Figure 41 : Structure du MDMA

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

1.3.5.4 Action physiologique

Le safrole à faible dose est stimulant et euphorisant. A forte dose, il induit une modification de la perception auditive et visuelle, de la sensibilité émotionnelle et possède un effet légèrement hallucinogène. Ces effets sont également associés des effets peu agréables tels que sueurs froides, contraction des muscles masticateurs ou nervosité Les effets apparaissent rapidement après la prise (Rätsch, 2005).

1.3.5.5 Toxicologie

Plusieurs études ont mis en avant la toxicité du safrole, et notamment son action cancérigène. A ce titre en 1960, la Food and Drug Administration (FDA) a interdit son usage dans l‟alimentation. Cette action cancérigène n‟est pas directement liée au safrole, mais à un de ses métabolites l‟hydroxysafrole, qui est hépatocarcinogène de par la formation d‟adduit sur l‟ADN (Sethi et al., 1976 ; Chiang et al., 2011).

1.3.5.6 Usage

Le sassafra peut être utilisé sous forme de boisson comme le thé, ou encore mâché ou sous forme d‟huile. Ce sont les feuilles et l‟écorce qui sont utilisées. Il est notamment utilisé comme tonique général. Mais on lui voue aussi un caractère sacré, afin d‟éloigner les esprits maléfiques et la maladie. Bien que son usage soit aujourd‟hui détourné à des fins psycho- actives notamment pour la synthèse du MDMA, la littérature ne met pas en avant de rituels d‟usage à des fins psycho-actives chez les Amérindiens, mais surtout un usage comme tonique, stimulant général. Il était également utilisé comme purificateur sanguin (Moerman, 1998).

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2. Les plantes non psychotropes.

Les plantes utilisées par les Amérindiens du Nord sont très nombreuses. Leur survie dépendait entièrement de la nature, en cela ils étudiaient la croissance des plantes, leur habitat, les effets observés sur les animaux après ingestion des plantes. C‟est au travers de leur observation sur des milliers d‟années qu‟ils ont accumulé de très bonnes connaissances sur le sujet des plantes. Une notion qui peut nous sembler étrange pour nous occidentaux c‟est que pour les Amérindiens, la conception de la guérison intègre le pouvoir de communiquer avec les plantes au sujet de leur pouvoir de guérison. La plante est vue comme un élément qui permet aux malades de fusionner avec la « Mère-Nature».

« Le guérisseur considère les plantes comme des membres de sa propre famille, et dans ce sens, il les appelle lui-même « guérisseuses », persuadé qu‟elles sont habitées de la même énergie que tous les autres êtres vivants de l‟Univers » (Shimer, 2006).

Les Amérindiens utilisaient de façon courante un très grand nombre de plantes, on estime à près de 3000 le nombre de plantes utilisées il est donc impossible de toutes les évoquer ici (Moerman, 2009). Les premières plantes abordées seront le cèdre, la sauge et le foin d‟odeur, pour faire un lien avec le tabac évoqué plus haut. Ces quatre plantes constituant les quatre plantes les plus importantes utilisées et notamment en guise d‟offrande au cours des prières. Les Amérindiens leurs attribuaient une symbolique très forte.

2.1 Le cèdre blanc

Le cèdre des Amérindiens n‟est pas le cèdre occidental, mais un arbre de la famille des Thuyas. Son nom botanique est Thuja occidentalis. Il est également connu sous le nom de Cèdre blanc, Thuya du Canada ou encore Arbor vitae pour arbre de vie. C‟est un arbre considéré comme l‟un des plus importants par les Amérindiens du Nord-Est, et auquel de nombreuses vertus sacrées sont accordées.

2.1.1 Botanique

Le Thuya appartient à la famille des Cupressacées (Figure 42). Il pousse dans la région des Grands Lacs, et donc essentiellement au Canada. Il atteint une hauteur 15 à 20 m de hauteur ce qui en fait un petit arbre parmi les conifères.

Comme la plupart des conifères, il présente des rameaux aplatis. Ces derniers sont de couleurs rougeâtres et recouverts de petites feuilles en forme d‟écailles de couleur vert jaunâtre. La pollinisation se déroule au printemps. Le fruit est un cône ovoïde et mesure environ 2 cm de

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long. Les graines sont de petites tailles et portent deux ailes latérales. C‟est un arbre avec une odeur légère, et agréable (Naser et al., 2005).

Figure 42 : Feuille et cônes de Thuja occidentalis

(Source : Kurt Stüber, 2004. Licence Creative commons.)

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2.1.1 Principaux constituants de la plante

Les rameaux de la plante contiennent des tanins, des polysaccharides, des glycoprotéines, des mucilages, une huile essentielle (en moyenne 0,6% de la plante fraîche) riche en thuyone à hauteur de 60%, mais également d‟autres monoterpènes tels que l‟isothuyone et des α- pinènes.

La thuyone

C‟est une cétone monoterpénique de formule brute C10H160 (Figure 43). Cette cétone présente deux stéréo-isomères, α-thuyone et β-thuyone, que l‟on retrouve naturellement dans le T.occidentalis, la toxicité étant essentiellement du au premier isomère.

Figure 43 : Structure de la thuyone

(Source : www.wikipedia.org)

La thuyone est une molécule toxique, qui possède des propriétés convulsivantes et hallucinogènes. Ses propriétés convulsivantes sont essentiellement due à l‟α-thuyone qui agit en modulant l‟activité GABAergique, avec une action sur plusieurs sous unités du récepteur GABA. Sa neurotoxicité est largement mise en avant dans les études actuelles (Höld et al., 2000 ; Naser et al., 2005 ; Czyzewska and Mozrzymas, 2013 ; Pelkonen et al, 2013).

2.1.2 Usage

Le cèdre est une plante très utilisée à titre sacré par les peuples amérindiens. En effet, le cèdre est utilisé afin de purifier les lieux et de chasser les mauvais esprits, c‟est pourquoi il est utilisé sous forme d‟encens au début des différents rites tribaux. Pour les Amérindiens le

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cèdre est vu comme une plante qui apporte des énergies apaisantes et qui aide donc à trouver le calme. Cette herbe sacrée est également, au même titre que le tabac utilisée en guise d‟offrande aux esprits où des brindilles sont jetées sur le feu. C‟est ainsi qu‟elle est souvent utilisée lors des cérémonies de guérison par le chaman en raison des propriétés de chasser les mauvais esprits qui lui sont attribués. Dans la symbolique amérindienne, cette plante représente l‟équilibre des polarités masculines et féminines.

Au-delà de ses vertus sacrées, cette plante était utilisée pour ses propriétés thérapeutiques, notamment cicatrisant, et comme antiparasitaire externe. Il semblerait avoir été utilisée contre le scorbut également, d‟où son appellation d‟arbre de vie, mais les données restent floues quant à cet usage dans la mesure où plusieurs conifères ont pu être assimilés à cette expression. Il n‟y a pas d‟usage connu pour la recherche d‟hallucinations (Buhner and Eagle, 2006 ; Moerman, 2009).

2.2 La sauge blanche et la sauge officinale.

La sauge blanche (Salvia apiana) est la plante sacrée la plus importante pour les Amérindiens, elle trouve donc sa place dans de nombreux rituels. N‟importe quelle espèce de sauge peut être utilisée au cours des cérémonies, mais la sauge blanche est la plus courante, cependant elle n‟est présente qu‟au sud des Etats-Unis car elle nécessite des conditions d‟ensoleillement et de sécheresse. C‟est ainsi que sur le territoire canadien où le climat est différent c‟est la sauge officinale qui sera la plus employée (Salvia officinalis), dont les vertus thérapeutiques sont plus connues.

2.2.1 La sauge blanche

La sauge blanche (S. apiana) (Figure 44), sauge sacrée, est une plante originaire de l‟Amérique du Nord, qui est très utilisée au même titre que le cèdre, pour son action purificatrice des lieux de cérémonies. Les Amérindiens considéraient la sauge blanche comme l‟herbe la plus puissante en terme de nettoyage, et de purification.

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Figure 44 : Salvia apiana

(Source : Stan Shebs, 2006. Licence Creative commons)

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2.2.1.1 Botanique

C‟est une Lamiacée qui présente une forte odeur aromatique au frottement. C‟est un arbuste vivace, de hauteur moyenne de 1,5 mètre. Les feuilles sont blanchâtres et les fleurs de petites tailles sont blanches à violettes, avec de longues anthères (Figure 45).

Figure 45 : Fleur de Salvia apiana

(Source : Stan Shebs, 2006. Licence Creative commons)

Elle pousse sur un sol bien sec, bien exposée au soleil, et nécessite peu d‟eau pour son développement. On la retrouve essentiellement au sud des Etats-Unis, vers la Californie.

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2.2.1.2 Principaux constituants de la plante

Les feuilles de sauge blanche sont riches en flavonoïdes, tanins, et huile essentielle riche en di-et tri- terpènes, dont une grande quantité de 1,8 cinéole ou eucalyptol ( plus de 70%) et responsable de l‟activité antibactérienne et antiseptique de la sauge sclarée (Adams and Garcia, 2005 ; Borek et al., 2006).

2.2.1.3 Usage

Le chaman utilise très souvent la sauge en début de cérémonie afin de purifier les lieux. En effet, la sauge blanche est vue comme l‟un des plus grands purificateurs par les Amérindiens. C‟est une pratique également très courante avant tous soins par le chaman dans la mesure où la sauge est vue comme un purificateur du système nerveux qui aide à trouver le calme. La sauge blanche est alors vue comme une plante protectrice. La cueillette de la plante doit répondre également à la pratique de certaines prières afin de remercier la terre. Notons que la sauge blanche est une plante sacrée pour les Amérindiens, mais que cette dernière ne possède pas de propriétés hallucinogènes comme on peut les retrouver chez Salvia divinorum qui elle est, essentiellement retrouvée au Mexique.

Les feuilles sont consommées fraiches ou séchées. Elles sont mâchées ou utilisées en infusion, mais également jetées sur le feu, sous forme de fumigation (Adams and Garcia, 2005).

La sauge est également utilisée pour ses vertus thérapeutiques, dans les affections ORL, mais aussi pour ses propriétés anti-inflammatoires dans les affections de la peau, ou comme déodorant corporel. La sauge blanche est également utilisée dans l‟alimentation. Ce sont alors les graines qui sont consommées, broyées avec une farine.

2.2.2 La sauge officinale

La sauge officinale (Salvia officinalis, Figure 46) est essentiellement utilisée pour ses vertus médicinales à la différence de la sauge blanche. Elle est très cultivée de par le monde, pour ses propriétés médicinales, et en France c‟est une plante très populaire en Provence. Elle est également connue sous le nom d‟herbe sacrée ou thé d‟Europe. C‟est également une Lamiacée qui pousse sous forme de sous-arbrisseau de hauteur moyenne de 50 centimètres. L‟odeur est très aromatique, est agréable, et s‟adoucit au séchage.

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Figure 46 : Salvia officinalis

(Source : Poulos, 2004. Licence Creative commons)

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2.2.2.1 Botanique

Les feuilles

Les feuilles sont vertes, grisâtres, épaisses et rugueuses le plus souvent avec une forme lancéolée. Les feuilles sont opposées, persistantes. Comme toutes les Lamiacées, la tige est carrée et chez S. officinalis elle présente des poils blancs.

Les fleurs et les fruits

Les fleurs sont regroupées au sommet des tiges et forment une grappe simple. Les fleurs bilabiales sont de couleurs bleu-violacées ou rose. Les fruits sont des akènes (Debuigne et al., 2006 ; Couplan, 2009) (Figure 47).

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Figure 47: Planche botanique de Salvia officinalis

(Source : www.wikipedia.org)

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2.2.2.2 Principaux constituants de la plante

La feuille de sauge officinale est riche en tanins, mucilage, des phénols dont l‟acide rosmarinique et en huile essentielle. Cette dernière contient notamment de l‟eucalyptol ou 1,8 -cinéole, de l‟α-pinène, du bornéol, du camphre, de la thuyone, de l‟acide ursolique. Ces composés sont responsables de l‟action antibactérienne de la plante, ainsi que de son action anti-inflammatoire (Baricevic et al., 2001 ; Máthé et al., 2007 ; Miguel et al., 2011).

La sauge officinale contient jusqu‟à 60 % de thuyone dans son huile essentielle, composé dont la neurotoxicité a été évoquée dans cet exposé lorsque le cèdre a été traité.

Le 1.8-cinéole

C‟est un monoterpène de formule brute C10H18O (Figure 48). Il correspond à l‟eucalyptol, sa teneur peut dépasser les 20% de la teneur totale en huile essentielle. C‟est un mono terpène de formule brute C10H18O. C‟est un ester cyclique.

Figure 48 : Structure de l’1,8-cinéole

(Source : www.wikipedia.org)

Il présente des propriétés antibactériennes importantes ainsi qu‟une forte activité antioxydante (Bozin et al., 2007).

L’acide rosmarinique

C‟est un polyphénol (Figure 49) qui présente des propriétés anti-inflammatoires et anti- oxydantes importantes (Petersen and Simmonds, 2003).

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Figure 49 : Structure de l’acide rosmarinique

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

L’acide ursolique

C‟est un tri-terpène (Figure 50) aux propriétés anti-inflammatoires, et notamment en usage topique (Baricevic et al., 2001). C‟est d‟ailleurs un usage qui était très connu des Amérindiens, bien qu‟ils ne connaissaient pas la composition biochimique des plantes.

Figure 50 : Structure de l’acide ursolique

(Source : https://www.cas.org/products/scifinder)

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2.2.2.3 Usage

Tout comme la sauge blanche, la sauge officinale était utilisée dans un but sacré à savoir la purification des lieux. C‟est une plante d‟importance dans la guérison et la protection des personnes.

La sauge officinale était utilisée pour ses vertus thérapeutiques sous forme de tisane en cas de céphalée, de fièvre ou d‟arthrite, mais aussi pour son action astringente en cas de diarrhées de par sa richesse en tanins. En gargarisme, l‟infusion était utilisée pour les problèmes de gorge et de gingivite. La racine était utilisée sous forme de décoction dans le traitement des problèmes féminins et notamment les douleurs menstruelles et les syndromes de la ménopause (Vogel, 1990 ; Shimer, 2006).

D‟ailleurs, la sauge officinale est une plante très reconnue depuis des siècles, c‟était une plante largement utilisée comme tonique général, antispasmodique digestif. L‟action oestrogénique de la sauge a été largement mise en avant dans la prise en charge phytothérapique des bouffées de chaleur de la ménopause (Debuigne et al., 2006 ; Bommer et al., 2011 ).

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Conclusion

Tout au long de cet exposé, j‟ai insisté sur le caractère sacré des remèdes utilisés, le tout intégré à un ensemble de rituels. Notons que parmi les remèdes cités, certains sont interdits en France tels le peyotl ou encore l‟huile de sassafra. Ces remèdes, en particulier ceux aux propriétés psychotropes, ne sont pas anodins et ne doivent en aucun cas être pris à la légère.

On assiste actuellement à un regain d‟intérêt de la part des Occidentaux pour les pratiques chamaniques. Ces pratiques se développent sur le territoire européen et on note, de plus en plus de voyages vers les contrées amérindiennes. Tout cela n‟est pas sans conséquences, que cela soit en matière de santé publique, ou d‟impacts sur les cultures ancestrales et autochtones.

Dans de nombreux stages, la pratique des huttes de sudation et des rituels chamaniques divers, se développent en Europe, ainsi que les boutiques ésotériques mettant en avant des objets, comme issus des pratiques traditionnelles. Par exemple, on va trouver des capteurs de rêves qui s‟apparentent à ceux que l‟on peut trouver dans la culture amérindienne, mais qui au final ne font que s‟en inspirer, car derrière un capteur de rêves il y a toute une signification et notamment une trame de fil, qui n‟est pas issue du hasard.

Je suis allée à la foire-exposition internationale de Saint-Brieuc en septembre 2012, consacrée aux Amérindiens du Nord. Sur place, des Amérindiens étaient présents et vendaient certains objets artisanaux et on pouvait très rapidement noter la différence par un simple toucher, avec ce qui se vend dans les boutiques ésotériques. Un autre exemple peut être cité avec « les jeux amérindiens » de cartes divinatoires, décorées avec des animaux totems. Ces pratiques sont totalement inconnues des Amérindiens !

En parallèle, de plus en plus de pratiques néo chamaniques se développent, afin d‟adapter le chamanisme traditionnel au monde occidental. Le néo-chaman et le chaman traditionnel présentent des similarités, telles que la communication avec le monde des esprits, mais également des particularités qui leur sont propres. Ainsi, le chaman est né dans une culture chamane ou dans une tribu, il ne choisit pas de devenir chaman, il est choisi selon une tradition socio géographique propre à chaque tribu. Être choisi chaman par « le monde des esprits » est un cadeau qui ne peut être refusé. Le chaman ne peut exercer ses pouvoirs que dans un groupe ethnique et selon un contexte culturel et symbolique. Le néo-chaman, va choisir volontairement cette voie, hors de tout contexte religieux ou culturel. Il n‟est lié à aucun groupe ethnique et peut pratiquer en dehors de tout contexte symbolique. Le chaman va exercer ses pouvoirs surtout dans le but de servir la communauté, bien que les pratiques au niveau de l‟individu soient également très présentes. Le néo-chaman va plus agir dans un but de recherche de mieux-être au niveau de l‟individu (Vazeilles, 2008).

Ces pratiques vont pouvoir être utilisées dans les pratiques de « coaching » par exemple, où les pratiques traditionnelles vont parfois être simplifiées pour s‟adapter à la réalité occidentale. Le néo-chamanisme et la culture « New-Age » en plein développement, ont favorisé l‟essor du tourisme chamanique. L‟essor de ces pratiques est dénoncé par des

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anthropologues et certaines tribus. Ces derniers évoquent le fait que ces pratiques néo- chamaniques agissent comme des « vampires » face aux traditions et cultures autochtones. Ils dénoncent une exploitation commerciale des pratiques amérindiennes, où l‟originalité des traditions est niée et expliquée par des croyances ésotériques occidentales, mêlant parfois différentes inspirations telles que le druidisme, le new âge, le chamanisme amérindien. Ceci conduit à des dérives des Européens lors de rencontres avec les peuples autochtones, par exemple la pratique de rituels mêlant diverses cultures, à proximité des rituels sacrés se produisant par les autochtones. Ceci est vu par ces derniers comme une attaque, une forme de moquerie de leurs propres rituels. Les rituels furent ainsi fermés aux « touristes occidentaux » au sein de plusieurs réserves.

Les anthropologues dénoncent la simplification des traditions et pratiques chamaniques et y pointent là un non-respect de ces peuples déjà opprimés par le passé. Les Amérindiens ont déjà été la cible d‟un génocide lors de la colonisation européenne des Amériques, certains anthropologues parlent aujourd‟hui d‟ethnocide face aux autochtones avec la reproduction des mêmes oppressions, mais de façon différente. L‟éthnocide est la destruction de l‟identité culturelle. Des chamans des réserves amérindiennes ont exposé leurs préoccupations dès les années 1980, à travers différents journaux indiens comme le Lakota Times, journal des Sioux Lakotas. En 1993 à Chicago des Indiens Sioux ont lancé une « Declaration of War Against Exploiters of Lakota Spirituality » au Parliament of the World’s Religion. La légitimité des néo-chamans qui s‟autoproclament « chamans amérindiens » est fortement contestée par les Amérindiens (Vazeilles, 2008 ; Perreault, 2009).

Après cette notion d‟ethnocide, qu‟en est-il des risques en matière de santé publique de ces pratiques néo-chamanisques et de ce tourisme chamanique ? Les risques se situent notamment dans la consommation de plantes hallucinogènes, qui peut être faite au cours de certains rituels néo-chamaniques, comme le peyotl, l‟iboga ou encore l‟ayahuasca telle que le met en avant la thèse « L‟Ayahuasca : traditions et dérives d‟une boisson amazonienne » (Potiron, 2013).

La consommation de ces substances n‟est pas anodine, certaines réactions peuvent être très vives, et leur prise nécessite une certaine préparation du corps avec les jeûnes, les purges et surtout un encadrement d‟une personne connaissant les effets de la plante. Ces néo-chamans mettent en avant que les doses ingérées restent infimes par rapport à celles retrouvées dans les populations amérindiennes. Pour autant, si la plante n‟est pas consommée selon les rituels autochtones les effets ressentis et notamment les effets secondaires peuvent être intenses et fort désagréables. Des enquêtes orales conduites sur trois ans dans le Sud de la France, ont mis en avant que certaines personnes assistent à ces séances, uniquement dans la recherche du « voyage » que la prise de ces substances procure, sans en intégrer le sens profond et sacré présent à l‟origine derrière la consommation de ces plantes. Certaines personnes fragiles sur le plan psychique sont tentées d‟y chercher un mieux-être face à leur vie actuelle, où ils se sentent souvent impuissants (Vazeilles, 2008).

Ces pratiques sont parfois retrouvées au sein de certaines sectes et la MIVILUDES (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires) a émis des alertes en

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ce sens. Rappelons également que ces drogues hallucinogènes - comme le peyotl issu du chamanisme nord-amérindien, l‟ayahuasca en Amazonie ou l‟Iboga issu des rites africains - sont des plantes classées comme stupéfiantes en France et leur usage est donc interdit. De par l‟intérêt croissant du monde occidental pour les pratiques chamaniques, certaines personnes mal intentionnées peuvent s‟approprier ces pratiques autochtones et les utiliser de façon détournée. Ce n‟est donc pas le chamanisme qu‟il faut viser, mais les dérives autour de ce dernier. Il convient de faire la part des choses entre ces deux aspects très différents, et de ne pas attribuer au chamanisme des éléments qui lui sont étrangers. Ces dérives portent à la fois préjudice en terme de santé publique, mais aussi aux peuples autochtones.

Bien sûr ces dérives ne sont pas les plus courantes et de nombreux néo-chamans n‟observent pas ce genre de dérives Au contraire, ils œuvrent pour un retour aux pratiques originelles, tout en respectant la législation autour des plantes et par conséquent ne les intègrent pas à leur pratique. Ils préfèrent alors se tourner vers le tambour qui peut conduire au même résultat et permet de rester dans la légalité. Cependant dans de très nombreux pays, l‟usage des substances hallucinogènes est étudié pour leur action dans les pathologies psychiatriques résistantes aux traitements. Ces études ont pour but d‟examiner les bases physiologiques et les effets, sur le système nerveux central, des hallucinogènes afin de justifier leur mise en œuvre en thérapeutique. La France reste un des seuls pays à ne pas s‟intéresser à ces pratiques. Rappelons que ces substances, tout comme les médicaments, possèdent des indications et des contre-indications et ne devraient être consommées que sous la supervision d‟un thérapeute qualifié (Chambon, 2009 ; Chambon, 2011).

Au-delà du chamanisme et du néo-chamanisme, on peut aussi noter la consommation illicite de ces substances dans un but de toxicomanie. Il suffit de regarder sur internet, où l‟on peut trouver plusieurs forums sur ces plantes et champignons hallucinogènes. Des forums, évoquant tantôt les méthodes de cultures, tantôt le « trip » en lui-même des consommateurs, sont très facilement accessibles. C‟est notamment le cas au sujet du peyotl et il semble assez simple de s‟en procurer. Les sites indiquent un paiement discret, une livraison rapide et confidentielle !

Outre ces pratiques en Occident, que cela soit dans un contexte de néo-chamanisme ou de toxicomanie ce sont surtout les voyages des Occidentaux sur les terres amérindiennes qui sont les plus fréquents. C‟est ce que l‟on nomme le tourisme chamanique. Là encore, on peut noter certaines dérives face à la consommation des plantes psychotropes, où toute l‟étape de préparation comprenant le jeûne et la purge du participant est négligée. Cependant celle-ci a toute son importance et doit faire partie intégrante du « voyage » avec la plante hallucinogène.

En France on entend encore peu parler des voyages en Amérique du Nord pour la consommation du peyotl, même si le tourisme mystique autour du peyotl existe bel et bien. C‟est surtout l‟ayahuasca en Amazonie qui semble attirer les Occidentaux, tout comme l‟iboga en Afrique. En interrogeant certaines personnes autour de moi à la fois dans le milieu pharmaceutique et en dehors, j‟ai pu me rendre compte qu‟un bon nombre de personnes, ou une de leurs connaissances avait déjà consommé de l‟ayahuasca. Pour certains le rituel, le fait

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d‟être encadré par un chaman avait toute son importance, et ils ne tenteraient pas l‟expérience dans des conditions autres, alors qu‟à l‟inverse certains ne prenaient en compte que la seule expérience ou « voyage » que procure la drogue. Il est donc important de rappeler que ces pratiques ne doivent pas être prises à la légère, et qu‟elles doivent être faites de façon bien encadrée. La thèse nantaise sur le sujet de l‟ayahuasca met bien cela en avant (Potiron, 2013).

Je n‟ai, par contre, pas eu de retour de pratique autour du peyotl.

L‟usage des plantes psychotropes reste un marqueur identitaire au sein des sociétés autochtones. C‟est un usage qui est indissociable des contextes culturels et qui va répondre à différentes fonctions : magico-religieuses, alimentaires ou curatives. Les psychotropes sont généralement utilisés pour accéder à une réalité surnaturelle expliquant les causes de la maladie, où tout va se dérouler entre le chaman et les forces surnaturelles (Perreault, 2009).

Les plantes sacrées ont toutes leur place au sein de la culture amérindienne. La culture de ces peuples doit être préservée autant que possible afin qu‟elle continue d‟être transmise. Mais l‟usage de ces plantes doit absolument se faire sous la supervision d‟un thérapeute. Pour nous professionnels de santé, il est important d‟informer les patients, en quête de voyage ésotérique, sur l‟utilisation de ces plantes. Leur usage ne doit nullement être anodin.

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UNIVERSITE DE NANTES Année de la soutenance

FACULTE DE PHARMACIE 2013

Nom - Prénoms : BENOIT Sabrina

Titre de la thèse : Remèdes traditionnels sacrés des Amérindiens du Nord

Résumé de la thèse :

Les Amérindiens ont une grande connaissance des plantes médicinales et les utilisent pour se soigner ou lors de rituels. Au cours de ces derniers, ils ont recours à l‟usage de plantes psychotropes aux propriétés hallucinogènes, qui font partie intégrante de la culture des autochtones, afin d‟entrer en contact avec le monde des « esprits ».

Elles vont êtres utilisée soit pour obtenir des visions, le plus souvent colorées, soit pour purifier les lieux avant une cérémonie.

Cependant, l‟usage de ces plantes hallucinogènes ne doit pas être fait de façon anodine. Comme les médicaments, elles comportent des indications et contres-indications et leur consommation doit se faire sous la supervision d‟une personne initiée.

L‟objectif de ce travail est de mettre en avant les différents usages de ces plantes hallucinogènes dans un cadre sacré, tout en rappelant que certaines de ces plantes sont interdites en France en raison de leur appartenance à la liste des produits stupéfiants.

MOTS CLÉS -

AMERINDIENS ; PEYOTL ; HALLUCINOGENES ; CHAMANISME ; RITUELS, STUPEFIANT

JURY PRÉSIDENT : Mme Gaétane Collin, Maître de conférences en Chimie générale et minérale Faculté de Pharmacie de Nantes

ASSESSEURS : Mme Karina PETIT, Maître de Conférences en Pharmacognosie Faculté de Pharmacie de Nantes

Mme Sophie TARIEL, Pharmacien , 35000 RENNES

Adresse de l'auteur :. 74300 CLUSES