Allocution de la juge Suzanne Côté : Réception de bienvenue

The judges of the Supreme Court of Les juges de la Cour suprême du Canada and the ’s Canada et la Faculté de droit de l’Uni- Faculty of Law have always maintained versité d’Ottawa ont toujours entretenu close personal and professional ties. It is d’étroites relations, tant personnelles tradition to hold a welcoming reception que professionnelles. La tradition veut for each newly appointed judge to the que l’on tienne une réception d’accueil . The Chief Jus- pour chaque juge nouvellement nommé tice and Puisne Judges of the Supreme à la Cour suprême du Canada. La juge Court of Canada, Deans of the Common en chef et les juges puînés de la Cour Law and Civil Law Sections, professors suprême du Canada, les doyennes des and students are invited to attend. In sections respectives de common law keeping with this tradition, the Faculty et de droit civil, le corps professoral et of Law celebrated on March 19th, 2015 the la population étudiante sont conviés à appointment of the Honourable Justice cette réception. Pour perpétuer cette Suzanne Côté. Here are her full remarks tradition, la Faculté de droit a célébré, le at this event. 19 mars 2015, la nomination de l’hono- rable juge Suzanne Côté. Voici la version intégrale de ses remarques lors de cet évènement.

283

Allocution de la juge Suzanne Côté : Réception de bienvenue

Madame la Juge en chef, Chers collègues de la Cour suprême, Chers collègues des autres cours et tribunaux, Mesdames les Doyennes des sections de common law et de droit civil, Chers anciens confrères et consœurs du Barreau, Mesdames et Messieurs, C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai reçu l’invitation de Mesdames les Doyennes Des Rosiers1 et Lévesque2 d’assister à cette réception laquelle, me dit-on, s’inscrit dans une tradition maintenant bien ancrée de souhaiter

1 La doyenne Nathalie Des Rosiers a reçu sa licence en droit de l’Université de Montréal et a obtenu sa maitrise en droit de la Harvard Law School. Elle a pratiqué dans le secteur privé pendant de nombreuses années avant d’être nommée doyenne de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa à la Section de droit civil de 2004 à 2008. Elle a aussi servi en tant qu’avocate principale de l’Association canadienne des libertés civiles de 2009 à 2013. En juillet 2013, elle est devenue doyenne de la Section de common law. Voir Université d’Ot- tawa — Faculté de droit, « Nathalie Des Rosiers », en ligne : Site officiel de la Section de com- mon law . 2 La doyenne Céline Lévesque a reçu sa licence en droit civil de l’Université d’Ottawa et son baccalauréat en common law de l’Université de Dalhousie. Elle a travaillé pour la Banque mondiale à Washington de 1995 à 1998 avant de se joindre au corps professoral de l’Univer- sité d’Ottawa. Elle est devenue doyenne de la section de droit civil en 2014. Voir Université d’Ottawa — Faculté de droit, « Céline Lévesque », en ligne : Site officiel de la Section de droit civil .

285 286 Revue de droit d’Ottawa • 47:1 | Ottawa Law Review • 47:1 la bienvenue aux juges nouvellement nommés à la Cour suprême du Canada3. Vous m’en voyez ravie et je vous en remercie Mesdames les Doyennes. Depuis mon arrivée en Outaouais, j’ai reçu de nombreuses marques d’attention, non seulement de mes collègues, mais aussi d’amis, qui veulent faciliter mon intégration. Cette tradition de votre université vient confirmer l’hospitalité légendaire de votre région. Contrairement à mon collègue, l’honorable Wagner4, et à deux anciens juges de notre Cour, les honorables Bastarache5 et Charron6, mon alma mater7 n’est pas l’Université d’Ottawa, mais cette dernière ne m’est point

3 Voir par ex « Nomination à la Cour suprême du Canada : L’honorable Juge Thomas A. Cromwell », Cérémonie d’accueil du juge Thomas A. Cromwell, présentée à la Faculté de droit d’Ottawa, le 26 mars 2009 (2009) 40:2 RD Ottawa 301 (« [c]onformément à la tra- dition, les Sections de droit civil et de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa sont heureuses d’accueillir chaque juge nouvellement nommé à la Cour suprême du Canada » à la p 302) ; « Nominations à la Cour suprême du Canada : L’honorable juge Michael J. Moldaver et l’honorable juge », présentée à la Faculté de droit d’Ottawa, le 18 janvier 2012 (2011–2012) 43:1 RD Ottawa 125. 4 Voir Cour suprême du Canada, « L’honorable », en ligne : Site officiel de la Cour suprême du Canada . Voir aussi Sébastien Grammond, « Nomination à la Cour suprême du Canada : L’honorable juge Richard Wagner » (2013) 44:2 RD Ottawa 419 (« [ j]e sais que le juge Wagner n’a jamais caché sa fierté envers son alma mater et nous lui en sommes très reconnaissants. En fait, le juge Wagner a obtenu deux diplômes de l’Université d’Ottawa, le premier, en sciences politiques en 1978, puis sa licence en droit en 1979. Il a été admis au Barreau du Québec l’année suivante » à la p 420). 5 L’honorable a fait ses études à l’Université de Moncton (B.A.), à l’Université de Montréal (LL.L.), à l’Université d’Ottawa (LL.B) et à l’Université de Nice (diplôme d’études supérieures en droit public). Il a occupé le poste de doyen associé de la Section de common law à l’Université d’Ottawa de 1984 à 1987. Il a été nommé à la Cour suprême du Canada le 30 septembre 1997 et a pris sa retraite le 30 juin 2008. Voir Cour suprême du Canada, « L’honorable Michel Bastarache », en ligne : Site officiel de la Cour suprême du Canada ; Cour suprême du Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, La Cour suprême du Canada et ses juges, 1875-2000 : un livre commémoratif, Toronto, Dundurn Group, 2000 à la p 182. 6 L’honorable Louise Charron a fait ses études à l’Université de Carleton (B.A.) et a obtenu sa licence en droit de l’Université d’Ottawa en 1975. Elle a été admise au Barreau de l’On- tario en 1977 et a pratiqué le droit au sein du cabinet Lalonde et Chartrand de 1977 à 1980. Elle a enseigné à la Section de common law en français de l’Université d’Ottawa de 1978 à 1988. Elle a été juge à la Cour d’appel de l’Ontario en 1995 et a servi en tant que juge à la Cour suprême du Canada du 30 août 2004 au 30 août 2011. Voir Cour suprême du Cana- da, « L’honorable Louise Charron », en ligne : Site officiel de la Cour suprême du Canada . 7 Contrairement aux juges Wagner, Bastarache et Charron, la juge Côté a décidé d’entre- prendre ses études à l’Université de Laval même si elle a été acceptée à l’Université d’Ot- Allocution de la juge Suzanne Côté : Réception de bienvenue 287 inconnue, au contraire. Je me souviens qu’à l’époque de mes demandes d’admission pour mes études en droit, j’avais fait une demande auprès de votre université — acceptée d’ailleurs —, mais la jeune gaspésienne que j’étais à l’époque considérait qu’Ottawa était bien loin de la maison fami- liale8. Je dois dire que mes parents pensaient aussi la même chose, et je suis donc partie pour l’Université Laval9. Je pense cependant que je peux dire que votre université est mon alma mater par alliance, puisque c’est ici que mon compagnon de vie y a acquis une solide formation juridique10 et que j’ai pu, par son entremise, rencon- trer beaucoup de vos professeurs et étudiants, de même que participer à certaines activités de votre Faculté de droit. Pendant plusieurs années, j’ai aussi eu l’occasion de rencontrer de nombreux étudiants et étudiantes de votre université, de même que certains de leurs professeurs et entraîneurs émérites à l’occasion de la compétition annuelle de la Coupe Guy Guérin11 (compétition provinciale menant à la Coupe Sopinka12).

tawa, à l’Université de Montréal et à l’Université de Sherbrooke. Voir « Entretien avec Suzanne Côté » (2014) 45:3 RD Ottawa 529 [« Entretien avec Suzanne Côté »]. 8 Ibid à la p 530. 9 La Faculté de droit de l’Université de Laval est bien connue au Canada. Fondée en 1852, l’Université de Laval compte parmi les universités les plus anciennes de l’Amérique du Nord. Ses fondateurs avaient comme objectif de structurer leur université en suivant le modèle des universités britanniques. Voir Sylvio Normand, Le droit comme discipline univer- sitaire : une histoire de la Faculté de droit de l’Université Laval, Québec, Les Presses de l’Uni- versité Laval, 2005 à la p 15. 10 Me Gérald R. Tremblay est un associé chez McCarthy Tétrault dans le groupe de litige à Montréal. Il a obtenu un baccalauréat ès arts de l’Université Laval en 1964 et sa licence en droit de l’Université d’Ottawa en 1967. Il a été admis au Barreau du Québec en 1968, et aujourd’hui, il pratique principalement dans le droit commercial, le droit des sociétés, le droit civil, le droit de l’environnement, ainsi qu’en matière de litiges constitutionnels et administratifs. Voir McCarthy Tétrault, « Gérald R. Tremblay, Ad.E., C.M., O.Q., c.r. », en ligne : . 11 La coupe Guy-Guérin est la compétition provinciale de la Coupe Sopinka. Ces deux com- pétitions portent sur des affaires criminelles. La coupe Guy-Guérin comprend un vrai juge et un jury qui sont chargés de choisir les gagnants des différents prix. De plus, un com- mentateur sur place offre des commentaires aux participants. La juge Côté, alors qu’elle pratiquait encore dans le domaine privé, était parfois membre du jury et parfois appelée à choisir le meilleur plaideur ou la meilleure plaideuse de la compétition. Voir « Entretien avec Suzanne Côté », supra note 7 à la p 543. 12 Cette compétition est une série de concours de plaidoirie axée sur le droit pénal qui est entamée par la Coupe Guy Guérin. C’est en fait une des plus importantes compétitions de plaidoirie de première instance au Canada. Six facultés de droit de l’Ontario participent à la Coupe Guérin et les deux facultés gagnantes participent ensuite à la compétition na- tionale de la Coupe Sopinka. Voir Université d’Ottawa – Faculté de droit, « Coupe Arnup/ 288 Revue de droit d’Ottawa • 47:1 | Ottawa Law Review • 47:1 En effet, j’ai été responsable pendant plusieurs années — en collabora- tion avec un confrère d’un autre cabinet d’avocats — de l’organisation de cette compétition. À chaque fois, en voyant vos étudiants et étudiantes plaider, j’ai été en mesure de constater la solidité et la qualité de la for- mation dispensée par votre Faculté. Je conserve d’ailleurs un excellent souvenir de ces rencontres qui furent l’occasion de discussions fort in- téressantes. Je profite ici de l’occasion pour souligner la contribution gé- néreuse de Me Gene Assad13, qui nous a malheureusement quittés depuis. J’ai aussi été à même d’observer, au cours des années, le rayonnement de votre université au niveau national. En effet, ayant été impliquée tout récemment dans le recrutement de nos clercs pour la période 2016-201714, j’ai pu constater à quel point les vocations bijuridique et bilingue de votre Faculté de droit sont un atout précieux et essentiel pour notre Cour15. Les liens entre nos institutions respectives remontent à plus de soixante ans, et je crois que la tradition qui nous réunit aujourd’hui est l’occasion de resserrer et renforcer ces liens. Me voilà juge à la Cour suprême depuis maintenant presque quatre mois16. Je dois avouer que j’avais sous-estimé la satisfaction et la stimula-

Sopinka – Droit pénal », en ligne : Site officiel de la Section de common law . 13 Me Gene Assad est né et a grandi à Buckingham, Québec. Il a obtenu son diplôme en droit en 1978 et a été appelé au Barreau du Québec l’année suivante. Après avoir travaillé au dé- partement de justice comme avocat spécialisé en droit de la sécurité nationale, il a décidé d’enseigner le droit à l’Université d’Ottawa, dans la Section de droit civil. Il est décédé le 16 avril 2013 à Chelsea, Québec. Voir Linda Butcher, « Lives Lived: Gene Assad », The Globe and Mail (5 novembre 2013), en ligne : . 14 Le recrutement de clercs se fait par l’entremise du programme d’auxiliaires juridiques. Les clercs choisis travaillent sous la direction d’un juge en l’assistant envers diverses tâches. Ces tâches varient d’un juge à l’autre et sont basées sur les besoins et attentes des différents juges. Notamment, les clercs travaillent à la rédaction des précis d’audience et participent à la rédaction des motifs de jugement. Voir Julie Dagenais Blackburn et al, « Le programme de clercs à la Cour suprême du Canada » (1995) 36:4 C de D 765 à la p 781–82. 15 Notre université offre de nombreux programmes combinés en français afin de mieux refléter la diversité linguistique et juridique du Canada. Par exemple, l’université offre le programme national, un programme de quatre ans menant au J.D. et au LL.L. Voir Université d’Ottawa — ​ Faculté de droit, « J.D. Programme national », en ligne : Site officiel de la Section de common law . 16 La juge Côté a été nommée comme juge à la Cour suprême le 27 novembre 2014, pour remplacer le juge Louis LeBel, qui a pris sa retraite le 30 novembre 2014. Parmi ses nom- breuses réalisations, elle a reçu le prix Advocatus Emeritus du Barreau du Québec en 2011, un prix qui souligne une carrière exceptionnelle, et a été reconnue parmi les 25 avocates Allocution de la juge Suzanne Côté : Réception de bienvenue 289 tion intellectuelle que mes nouvelles fonctions me procurent, même si la responsabilité qui y est rattachée est immense. Lorsque je dis « immense », je ne vise pas nécessairement la quantité de travail — qui l’est, je peux le confirmer —, mais j’ai plutôt à l’esprit la nature des questions que nous avons à décider et l’impact qu’ont nos décisions17. Je suis fort consciente que notre Cour, comme plusieurs autres insti- tutions et organisations, doit faire face à plusieurs défis. Je me limiterai aujourd’hui à vous dire quelques mots quant à l’un d’eux. Vous avez sans doute constaté que les articles et commentaires affluent de plus en plus lorsque notre Cour rend une décision18. Ces articles et commentaires ne se limitent pas seulement à la « critique », ce qui serait tout à fait normal, mais vont au-delà, démontrant que l’acceptabilité de nos décisions est mise à rude épreuve19.

les plus influentes au Canada. Voir Gouvernement du Canada, communiqué, « Archivé — ​ Le PM annonce la nomination de Me Suzanne Côté à la Cour suprême du Canada » (27 no- vembre 2014), en ligne : Site officiel du Cabinet du Premier ministre . 17 On se rappellera notamment des décisions récentes et très médiatisées en ce qui concerne la prostitution et le suicide assisté. Voir Canada (PG) c Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 RCS 1101 (où la Cour a jugé à l’unanimité que certaines lois du Code criminel ayant trait à la prostitution étaient inconstitutionnelles) ; Carter c Canada (PG), 2015 CSC 5, [2015] 1 RCS 331 (où la Cour a jugé que l’article 241(b) du Code Criminel — interdisant le suicide assisté — et l’article 14 — interdisant toute personne à consentir à ce que la mort lui soit infligée —, sont nuls et inopérants). 18 Voir Florian Sauvageau, David Sheiderman et David Taras, La Cour suprême du Canada et les médias : À qui le dernier mot ?. Voir par ex Québec, Presses de l’Université Laval, 2006 à la p 249 et s ; Canada, Bibliothèque du Parlement, L’affaire Rodriguez : examen de la décision rendue par la Cour suprême du Canada sur l’aide au suicide, par Margaret Smith, Ottawa, Di- vision du droit et du gouvernement, octobre 1993. 19 Voir par ex Jocelyn Maclure, « L’erreur de la Cour suprême du Canada dans le dossier Éthique et culture religieuse », L’actualité (20 mars 2015), en ligne : (« la Cour suprême du Canada a jugé que l’école secondaire Loyo- la — un collège privé jésuite de Montréal — pouvait enseigner, à certaines conditions, sa propre version du programme obligatoire Éthique et culture religieuse (ÉCR) [. . .] La Cour suprême devait évaluer si les droits du Collège Loyola ont été restreints de façon in- due par la décision du Ministère et tenter de concilier la liberté de religion [. . .] et l’intérêt légitime du gouvernement du Québec d’offrir une éducation laïque et pluraliste ». Dans cet article, on a passé le commentaire à l’effet que la décision de la Cour suprême s’appuyait « sur des arguments fragiles, et dont les conséquences à long terme pourraient être néga- tives »). Voir École secondaire Loyola c Québec (PG), 2015 CSC 12, [2015] 1 RCS 613. 290 Revue de droit d’Ottawa • 47:1 | Ottawa Law Review • 47:1 D’aucuns estiment que la magistrature se livre de plus en plus à de l’ac- tivisme judiciaire20. D’autres allèguent que les juges usurpent le pouvoir du législateur en créant le droit au lieu de l’interpréter21. La Cour suprême est plus susceptible de faire face à une non-acceptabilité de ses décisions ; c’est l’instance ultime, donc elle est scrutée scrupuleusement. Il est indéniable que le droit s’exerce aujourd’hui dans un monde en continuelle mouvance, beaucoup plus qu’il y a dix ou quinze ans, alors que c’était plus statique. Le monde est devenu plus complexe. La hâte et l’im- patience sont palpables. Disons que la vertu de la tolérance est de moins en moins présente, et que de plus en plus de questions particulièrement sensibles font partie du quotidien des justiciables canadiens. C’est donc avec beaucoup de fierté, mais aussi d’humilité, que j’ai ac- cepté la fonction, en ayant à l’esprit de servir les intérêts des justiciables canadiens. Pour y arriver, je mettrai à contribution non seulement mes années d’études à mon alma mater, lesquelles m’ont permis d’acquérir une formation juridique que j’estime — sans fausse modestie — solide, mais aussi les trente-quatre années passées sur le terrain, d’une salle d’au- dience à l’autre, que ce soit en région, à Québec, à Montréal, ou devant la Cour fédérale dans plusieurs villes canadiennes, pour représenter soit des demandeurs, soit des défendeurs, qu’ils soient peu ou plus fortunés22. J’ai plaisir à penser que mon apport pourra contribuer à une plus grande acceptabilité de nos décisions — à des décisions que les justiciables cana-

20 Voir Kent Roach, The Supreme Court on Trial: Judicial Activism or Democratic Dialogue, To- ronto, Irwin Law, 2001 à la p 3 (le pouvoir de la Cour suprême à trancher sur des questions de grande importance, telles que l’avortement et les droits des homosexuels, a soulevé de nombreuses reproches à l’effet que la Cour pratique de l’activisme judiciaire). Voir aussi Alain-Robert Nadeau, « Juges et pouvoirs : le pouvoir des juges depuis l’avènement de la Charte canadienne des droits et libertés » (2003) numéro spécial R du B XIX (« [c]et exer- cice par les juges de leurs pouvoirs accrus et, surtout peut-être, le fait qu’ils doivent do- rénavant se prononcer sur des questions politiques controversées, irriguent les critiques, lesquelles se font de plus en plus nombreuses. De nombreux commentateurs, journalistes, professeurs de droit et des politologues, d’anciens premiers ministres provinciaux et même des juges considèrent que les tribunaux ont fait preuve d’activisme judiciaire, voire se sont substitués aux représentants élus de la population, lesquels bénéficieraient d’une plus grande légitimité » aux pp XXVII–XXVIII [notes omises]). 21 Voir Stéphane Bernatchez, « Les traces du débat sur la légitimité de la justice consti- tutionnelle dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada » (2005–2006) 36 RDUS 165 (« plusieurs tenants de la retenue judiciaire s’inscrivent dans une perspective que l’on peut associer au positivisme juridique, [c’est-à-dire selon laquelle] les juges doivent respecter les décisions des élus et s’abstenir de leur substituer leurs propres pré- férences, opinions ou valeurs » à la p 169). 22 « Entretien avec Suzanne Côté », supra note 7 à la p 544 et s. Allocution de la juge Suzanne Côté : Réception de bienvenue 291 diens peuvent comprendre et accepter — même si le résultat de ces déci- sions ne représente pas toujours ce qu’ils auraient ultimement souhaité. Objectif ambitieux me direz-vous ? Certes, mais je crois qu’il est in- contournable. Des efforts louables doivent être faits pour l’atteindre dans la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, face aux questions de plus en plus sensibles que notre Cour est appelée à trancher. Questions auxquelles les réponses que nous donnons suscitent diverses réactions non seulement de la part des parties, mais également des praticiens et praticiennes du droit, des universitaires et, de façon plus large, du public ou de la société en général. Je crois qu’il revient à chacun d’entre nous, juges, étudiants et étu- diantes, professeurs et professeures, praticiens et praticiennes du droit, de faire en sorte qu’il y ait une meilleure compréhension de la légitimité des décisions des tribunaux, de sorte que leur acceptabilité puisse en dé- couler naturellement. En terminant, je peux dire qu’avoir été praticienne du droit pendant toutes ces années ne fût ni de tout repos, ni ennuyeux. Mes quelques mois à la Cour suprême me permettent d’entrevoir que ma carrière judiciaire aura les mêmes caractéristiques. Je vous remercie de votre attention.