La Grâce De Saint-Roch Au Cœur De Paris La Paroisse Des Artistes
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La grâce de Saint-Roch Au cœur de Paris la paroisse des artistes La grâce de Saint-Roch La Nuée Bleue Place des Victoires 14 L’ÉGLISE SAINT-ROCH La « Gloire » en stuc de Falconet : des nuages cachant une multitude d’angelots aux ailes d’or se répandent depuis un vitrail central. INTRODUCTION « La grâce de Saint-Roch » PHILIPPE DESGENS Curé de Saint-Roch Aumônier des artistes du spectacle oici la demeure de Dieu parmi les hommes », C’est ainsi qu’en 1653, afin de remplacer une église devenue proclame le Livre de l’Apocalypse à propos de la trop petite, Louis XIV vint poser la première pierre d’un nouvel « V Jérusalem céleste, la cité sainte. Dans l’attente de édifice dans le centre historique de Paris, à proximité du Louvre, cette demeure qui descendra du ciel, d’auprès de Dieu, à la fin des pour quelques années encore palais royal, avant le déménagement temps, les hommes, au fil des siècles, ont eu à cœur de construire de la Cour à Versailles. Il fallut près d’un siècle pour qu’elle soit des maisons de Dieu, des églises pour Dieu, et de s’y rassembler achevée. Les meilleurs artistes de ce temps furent alors conviés pour prier. afin d’en concevoir le décor. PHOTOS JEAN-FRANÇOIS FORTCHANTRE L’architecte du roi, Robert de Cotte, a créé une façade aux lignes fortes, à deux niveaux. Elle sera achevée après sa mort (1736) par son successeur, Jacques V Gabriel, nouveau premier architecte du roi. 15 20 LA GRÂCE DE SAINT-ROCH « La rue Saint-Honoré et l’église Saint-Roch », par S. Mingasson de Martineau. Ce tableau de 1840, sous le règne du roi Louis-Philippe qui résidait aux Tuileries, montre le quartier avant les travaux d’Haussmann : les immeubles, à droite de l’église, ont été détruits pour permettre le prolongement de la rue des Pyramides entre 1875 et 1878. Ci-dessous, le plan de Bernard Jaillot, 1713, montre tous les couvents et monastères du quartier Saint-Roch. Ils ont, pour la plupart, été détruits. Les riches heures du quartier Saint-Roch Du XVIIe au XIXe siècle PHILIPPE GODOŸ Le quartier Saint-Roch, voisin des Tuileries et du Louvre, vit au rythme des bouleversements qui s’y jouent. Des couvents prestigieux, des salons où se répand l’esprit des Lumières en font l’un des lieux où se pensent et s’incarnent des moments clefs de l’histoire politique et spirituelle. À L’OMBRE DE LA COUR 2 La première pierre de l’actuelle église Saint-Roch est posée en 1653 sur l’emplacement d’une autre église. Elle-même avait remplacé une chapelle édifiée au début du XVIe siècle, consacrée au Christ et à ses cinq plaies. Inaugurée en 1521, cette chapelle se trouvait à l’extérieur de l’enceinte de Charles V, entourée de champs et dominée par la butte Saint-Roch, occupée par un 8 marché aux chevaux. Elle était appelée chapelle Sainte-Suzanne ou de Gaillon, nom de l’ancêtre du maquignon qui avait financé cet 3 oratoire. Paris était encore la ville du Moyen Âge qui, côté ouest, s’arrêtait à la porte Saint-Honoré. 9 Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le quartier commence à se transformer et à s’urbaniser en raison de l’installation de la Cour 4 1 au Louvre et de la construction du palais des Tuileries. La paroisse 11 royale est Saint-Germain-l’Auxerrois. Dans le prolongement de 12 10 l’actuelle rue Saint-Honoré, parallèlement au jardin des Tuileries, 5 des résidences aristocratiques et des couvents s’élèvent alors avec l’aide des souverains successifs : les Feuillants, les Jacobins, les Capucins notamment. Cette évolution s’accompagne d’un début 6 d’urbanisation car, sur ordre de Charles IX, les limites de Paris sont repoussées côté ouest jusqu’à l’actuelle place de la Concorde 7 et la rue Royale, marquées par une nouvelle enceinte dite « des Fossés jaunes ». Face à cette évolution urbaine, la chapelle s’avère trop petite. Une église la remplace, achevée en 1588 et dédiée à saint Roch. SAINT-ROCH ARCHIVES DE LA PAROISSE Ce saint, qui bénéficiait déjà d’une chapelle à Saint-Germain- 1. Église Saint-Roch 7. Saint-Nicolas du Louvre l’Auxerrois, avait soigné les victimes des épidémies à Rome au 2. Les Filles de Saint-Thomas 8. Les Capucines XIVe siècle, et il était invoqué pour obtenir la guérison des malades 3. Les bons Enfants 9. Les Jacobins de la peste. La nouvelle église qui lui est consacrée, occupant le 4. Église Saint-Honoré 10. Les Capucins transept du bâtiment actuel, donne sur la rue Saint-Roch et l’entrée 5. Les Quinze-Vingts 11. Les Feuillants 6. Saint-Thomas du Louvre 12. L'Assomption MUSÉE CARNAVALET/ROGER-VIOLLET du cimetière. Les riches heures du quartier Saint-Roch 21 Le 22 mai 1871, les membres de la Commune de Paris font venir des ambulances chargées de pétrole et commencent à incendier le quartier Saint-Roch. Le feu est mis aux Tuileries et un drapeau rouge est planté sur les ruines. Peinture de Georges Jules Victor Clairin Le feu est ensuite mis aux Tuileries pour brûler « la demeure à la rue d’Argenteuil en passant sous le clocher ; l’endroit avait des tyrans ». Puis l’ordre de la Commune est d’incendier le Palais- la réputation d’être mal famé, un vrai coupe-gorge. Au cours Royal. Trois brasiers sont allumés, côté Valois, côté Comédie- de ces travaux, on découvre des ossements ; ils proviennent du Française et devant le corps du bâtiment central. Des habitants du cimetière Saint-Roch, supprimé en 1753 pour prolonger l’église quartier et des pompiers tentent de combattre l’incendie. L’arrivée avec l’édification de la chapelle du Calvaire. des versaillais permet d’éviter le pire. L’affrontement continue Ces transformations du tissu urbain modifient la sociologie dans Paris pour aboutir, le 28 mai, à la fusillade des Fédérés au des habitants. La première conséquence est la diminution du Père-Lachaise et à la défaite de la Commune. nombre des paroissiens. L’ouverture d’artères spacieuses s’accom- pagne de la destruction de nombreux logements. Et les apparte- ments récemment créées sont vastes : ils occupent un étage entier, qui n’accueille donc qu’une seule famille. Ces nouveaux venus VERS UN QUARTIER appartiennent à une bourgeoisie d’affaires, banquiers ou profes- sions libérales. Les mansardes sont en revanche occupées par MOINS RÉSIDENTIEL une domesticité nombreuse et par des provinciaux qui viennent chercher des emplois de cochers, valets de chambre ou cuisinières dans les foyers aisés du quartier. Une fois le calme revenu, les projets d’Haussmann, qui n’est En parallèle, au début de la Troisième République et jusqu’à plus préfet de Paris depuis 1869, vont s’achever dans le quartier. la Belle Époque, apparaissent de luxueux palaces. Certains L’avenue de l’Opéra est enfin inaugurée en 1875 : pour édifier sa existent encore : le Meurice, rue de Rivoli, l’Intercontinental partie centrale, il avait fallu raser les derniers vestiges de la butte (devenu The Westin), rue de Castiglione, le Ritz, place Vendôme. des Moulins. Autre événement d’urbanisme capital : le prolon- Simultanément s’installent, place Vendôme et rue de la Paix, des gement de la rue des Pyramides jusqu’à l’avenue de l’Opéra. joailliers célèbres dans le monde entier ainsi que des couturiers. L’opération a rendu inévitable la destruction du clocher en 1878 Le personnel de ces maisons de luxe n’habite pas le quartier. et le réaménagement de la rue d’Argenteuil, avec des immeubles Cette situation va durer jusqu’à la fin des années 1960. À partir de style haussmannien. Au coup d’œil, la réussite est totale. Les de cette date, les appartements des grandes artères haussman- cloches sont transportées au Sacré-Cœur alors en construction. niennes se videront de leurs habitants... pour être transformés On assainit le passage Saint-Roch, qui relie la rue Saint-Honoré en bureaux. 38 LA GRÂCE DE SAINT-ROCH RMN-GRAND-PALAIS (MUSÉE D’ORSAY)/HERVÉ LEWANDOWSKI (MUSÉE D’ORSAY)/HERVÉ RMN-GRAND-PALAIS ARCHIVES LOÏC MÉTROPE/PAROISSE SAINT-ROCH ARCHIVES LOÏC MÉTROPE/PAROISSE En 1878, le prolongement de la rue des Pyramides rend obligatoire la destruction du clocher. Les cloches sont descendues, transportées à l’intérieur de l’église, entreposées dans la première chapelle du transept droit jusqu’en 1945, avantLes d’êtreriches installées heures du dans quartier le campanile Saint-Roch 39 de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre. Dessin de Jules Desprès. Avec son ordre dorique orné de mutules, inspiré de Vignole, que surmonte un riche ordre corinthien, Robert de Cotte a donné une façade aux lignes puissantes. Puissance que renforce un détail unique dans l’architecture religieuse parisienne : le motif de la colonne carrée et de la colonne ronde accouplées à l’angle du premier niveau. Ci-dessous : façade pour Saint-Roch, second projet, vers 1734-1735, agence Robert de Cotte. BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE, DÉPARTEMENT DES ESTAMPES, FONDS DE COTTE DES ESTAMPES, DE FRANCE, DÉPARTEMENT BIBLIOTHÈQUE NATIONALE Vignole, que surmonte un riche ordre corinthien, comme au 10 juillet 1740 par l’archevêque de Sens, Jean-Joseph Languet de dôme des Invalides, Robert de Cotte a donné une façade aux Gergy (frère du curé de Saint-Sulpice), Louis-Nicolas Chéret étant lignes puissantes. Puissance que renforce un détail unique dans alors curé de la paroisse. Quinze ans plus tard, Blondel pouvait l’architecture religieuse parisienne : le motif de la colonne carrée et écrire, en manière de conclusion à cette longue histoire : « Cette de la colonne ronde accouplées qui ferme latéralement le premier église fut commencée au mois de mars 1653 sur les desseins de niveau, inspiré là encore de la basilique Aemilia.