E´Tude Originale
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E´ tude originale De la foreˆ t naturelle aux agroforeˆ ts en Guine´ e forestie` re Aboubacar Camara1 2 Re´ sume´ Patrick Dugue´ ´ ´ 3 Une demarche combinant geographie et agronomie a permis d’analyser les dynamiques Jean-Paul Cheylan spatiales des agrosyste`mes forestiers en Guine´e Forestie`re. La forte extension des asso- 2 Jean-Marie Kalms ciations de cultures pe´rennes entre elles (cafe´ier, kolatier, cacaoyer, fruitiers) et avec 1 Irag une ve´ge´tation forestie`re non plante´e–de´nomme´es « agroforeˆts » – a e´te´ observe´e dans BP 1523 3 villages de la re´gion de Kobe´la. Cette dynamique spatiale peut eˆtre assimile´ea` un Conakry cycle de renouvellement des e´cosyste`mes initialement domine´s par la foreˆt. Durant la Re´ publique de Guine´ e meˆme pe´riode d’environ 25 ans, les surfaces de coteaux affecte´es aux cultures vivrie`res France a` base de riz pluvial venant apre`s abattis-bruˆlis de recrus forestiers ont progresse´ <[email protected]> modestement. Il y a eu dans ce cas une re´duction de la dure´e de la jache`re et un allon- 2 Cirad gement de la dure´e de la culture, ce qui obe`re le maintien de la fertilite´ du sol pour ce UMR Innovation syste`me de culture. Par contre les agroforeˆts apportent des services environnementaux TA-C 85/15 utiles : maintien de la biodiversite´ et de la fertilite´ du sol, controˆle du ruissellement et 73, rue J-F Breton 34398 Montpellier cedex 5 de l’e´rosion. En revanche, leur extension pourrait fragiliser la se´curite´ alimentaire des France populations rurales en re´duisant l’espace de´volu aux cultures annuelles vivrie`res, sur- <[email protected]> tout en pe´riode de hausse des prix des produits alimentaires. Tout l’enjeu est donc de <[email protected]> combiner a` l’e´chelle des exploitations et des espaces villageois, les diffe´rents syste`mes 3 Universite´ d’Avignon de culture afin de re´pondre durablement aux objectifs des agriculteurs et de la socie´te´. et des Pays de Vaucluse Mots cle´s:agroe´cosyste`me ; agroforesterie ; de´veloppement durable ; Guine´e; 74, rue Louis Pasteur 84029 Avignon cedex syste`me de culture. France The`mes : syste`mes agraires ; productions ve´ge´tales ; foreˆts ; ressources naturelles et <[email protected]> environnement ; territoire ; foncier ; politique agricole et alimentaire. Abstract From natural forests to agroforests in the Guinea forest region A combined agronomic and geographic approach has helped to explain forest agrosystem spatio-temporal dynamics in the forest regions of Guinea. The important expansion of cropping systems associating various perennial crops (coffee, kola, cocoa, fruit trees) and native spontaneous forest species – called “agroforests”- has been observed in 3 villages of the Kobela area. This spatial dynamic can be considered as the renewing of an ecosys- tem dominated in the past by forest. During the same period of 25 years, the area of food crops on hills based on upland rice after slash and burn has increased slightly. In this case shortening of the fallow period has been observed simultaneously with an increase of cropping duration, leading to a soil fertility decrease trend. On the contrary, agroforests provide environmental services such as maintaining biodiversity and soil fertility, and reducing runoff and erosion. Still, they could also jeopardize food security for rural socie- ties by reducing annual food crop areas, especially in times of an increase in food prices. The challenge is to combine these various cropping systems at the village and farm scale in order to reach both farmer and societal objectives in terms of sustainable development. Key words: agroecosystems; agroforestry; cropping systems; Guinea; sustainable development. Subjects: farming systems; forestry; natural resources and environment; territory; land use; agricultural and food production policy; vegetal productions. doi: 10.1684/agr.2009.0325 Tire´s a`part:A. Camara Cah Agric, vol. 18, n° 5, septembre-octobre 2009 425 a plupart des diagnostics re´alise´s consistait typiquement en une pe´riode de mosaı¨ques au 1/50 000 de 1979 et une depuis un sie`cle en Guine´e fores- culture de 2 a` 3anssuivied’unejache`re image satellite SPOT 5 a` 2,5 m de re´solution L tie`re sur les syste`mes agricoles et d’une a` plusieurs de´cennies pour la re´ge´- de 2003. Du fait de l’exiguı¨te´ des bas-fonds ruraux mettent en avant le caracte`re ne´ration du couvert ve´ge´tal, permettant dans cette petite re´gion et de leur couver- «de´gradant et non durable » des syste`mes l’entretien la fertilite´ des sols. Cet agrosys- ture dans le passe´ par une ve´ge´tation dense de production agricole reposant sur te`me est reste´ en e´quilibre avec les res- a` base de palmier raphia, il n’a pas e´te´ pos- l’abattis-bruˆlis des recrus forestiers. L’im- sources naturelles mobilise´es car la faible sibledelescartographieravecpre´cision et minence d’une crise e´cologique et ali- densite´ de population, en ge´ne´ral infe´- d’analyser la dynamique de leur mise en mentaire est constamment proclame´e: rieure a` 10 hab/km2, induisait la mise en valeur entre 1979 et 2003. L’approche ge´o- de´forestation acce´le´re´e, e´rosion des sols, culture annuelle d’une petite proportion graphique est comple´te´e par une analyse perte de biodiversite´,pe´nurie vivrie`re, du territoire. Aujourd’hui, cet e´quilibre des pratiques paysannes fonde´e sur des etc. (Brasseur, 1956 ; Rossi, 1993). est devenu plus pre´caire (Rossi, 1993) car enqueˆtes re´alise´es aupre`s des 650 exploita- Ces constats alarmistes ont justifie´ plu- la densite´ de population a augmente´,attei- tions agricoles des trois villages et des sieurs programmes de de´veloppement gnant plus de 50 hab/km2 dans certaines entretiens avec des personnes ressources visant la protection de l’environnement zones rurales (Camara, 2007). La jache`re (autorite´s villageoises, responsables pay- par le classement de foreˆts et l’ame´nage- n’est plus assez longue (infe´rieure a` sans). Cette me´thode s’inspirant de la ge´oa- ment des bas-fonds pour limiter la 10 ans) pour permettre la re´ge´ne´ration gronomie de Deffontaines (1998) permet de´friche-bruˆlis des coteaux. Si le classe- de la foreˆt secondaire et de la fertilite´ du d’identifier les e´volutions des syste`mes de ment des foreˆts a e´te´ relativement effi- sol. En dehors des aires prote´ge´es, les production et des paysages ruraux. cace, les techniques d’intensification agri- foreˆts reliques ne couvrent plus que de cole ont e´te´ peu adopte´es par les petites superficies. On a donc affaire a` agriculteurs. Pour de´passer ces conclu- des syste`mes agraires postforestiers. sions ge´ne´rales, des analyses ont e´te´ Cet e´cosyste`me donne lieu a` trois syste`- Re´ sultats : entreprises pour affiner la compre´hen- mes de mise en valeur agricole : sion des changements en cours dans – le syste`me vivrier de coteaux sur dynamiques spatiales cette province de Guine´e forestie`re (Dela- de´friche-bruˆlis fonde´ sur la riziculture rue, 2007). Pre´sentant des travaux re´alise´s pluviale associe´e aux cultures alimentai- et e´ volution dans la Communaute´ rurale de de´velop- res secondaires (gombo, piment, oseille, pement (CRD) de Kobe´la (figure 1), cet taro…) en rotation avec l’arachide et le des syste` mes article s’inscrit dans cet objectif. Nous manioc. Ce syste`me est associe´ a` des montrerons l’e´volution spatio-temporelle peuplements de palmiers a` huile subs- de mise en valeur des syste`mes de mise en valeur dans cette pontane´s(Elaeis dura) de densite´ zone e´cologique de foreˆt humide et dis- variable (Madelaine et al., 2008) ; Les cartes d’occupation du sol de 1979 cuterons de leur durabilite´. – les syste`mes agroforestiers complexes et 2003 (figure 2) rendent compte de de´nomme´s par la suite « agroforeˆts », trois processus de « mise en valeur » de sont constitue´s de cultures pe´rennes cet e´cosyste`me forestier. comprenant une spe´culation principale Mate´ riel et me´ thode (cafe´ ou cacao) associe´ea` des cultures Disparition des foreˆ ts pe´rennes secondaires (kolatier, fruitiers) « naturelles » Contexte et sont conduits sous un couvert forestier de composition varie´e; La disparition de la foreˆt naturelle, est Notre zone d’e´tude, la CRD de Kobe´la sans doute l’e´volution la plus spectacu- 2 – le syste`me de culture de bas-fond ` (37 hab/km en moyenne en 2005), est constitue le domaine de la riziculture laire dans cette re´gion. A Nienh, la foreˆt repre´sentative de l’e´cosyste`me forestier inonde´e. Il associe a` la riziculture de sai- qui « bouchait l’horizon et faisait disparaıˆ- de Guine´e forestie`re. Ses paysages sont son des pluies un peuplement re´siduel tre presque comple`tement l’ide´ede caracte´rise´s par une succession de collines relief » (Brasseur, 1956), avait de´ja` com- de palmier raphia (Raphia ruffia) et par- ` ferralitiques et de pe´ne´plaines, draine´es fois en rotation, des cultures maraıˆche`res ple`tement disparu en 1979. A Konipara, par des cours d’eau faiblement encaisse´s de saison se`che. elle a e´galement totalement disparu dans des bas-fonds hydromorphes. Le cli- entre 1979 et 2003. A` Maouon, 20 % de mat de type sube´quatorial humide, avec la surface en foreˆtpre´sente en 1979 sub- 9 mois de pluie (2 000-2 500 mm/an), Analyse ge´ ographique sistent encore en 2003, graˆce au reclasse- permet une longue pe´riode ve´ge´tative et agronomique ment du Mont Yono en aire prote´ge´e (280 jours par an) favorable au de´veloppe- des pratiques paysannes (figure 2).