D'œuvreurbanisme, Architecture, Design
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Édith Hallauer Du vernaculaire Thèse de doctorat en urbanisme Université Paris-Est à la déprise urbanisme, d'œuvre architecture, design Thèse dirigée par Thierry Paquot, soutenue le 1er décembre 2017 Jury M. Thierry Paquot, professeur émérite à l’Université Paris-Est. Mme Catherine Grout, professeure à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille. Mme Joëlle Zask, maître de conférences à l’Université de Provence, rapporteur. M. Pierre Frey, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, rapporteur. M. Pascal Nicolas-Le Strat, professeur à l’Université Paris 8 Saint-Denis. Édith Hallauer Du vernaculaire Thèse de doctorat en urbanisme Université Paris-Est à la déprise urbanisme, d'œuvre architecture, design Thèse dirigée par Thierry Paquot, soutenue le 1er décembre 2017 Jury M. Thierry Paquot, professeur émérite à l’Université Paris-Est. Mme Catherine Grout, professeure à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille. Mme Joëlle Zask, maître de conférences à l’Université de Provence, rapporteur. M. Pierre Frey, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, rapporteur. M. Pascal Nicolas-Le Strat, professeur à l’Université Paris 8 Saint-Denis. INTRODUCTION Cette thèse a été préparée au Lab'Urba (EA 3482), laboratoire de l’École d’Urbanisme de Paris. Cité Descartes, Bâtiment Bienvenüe, 14-20 Boulevard Newton, 77420 Champs-sur-Marne. Design graphique : Sophie Cure. 2 RESUME Résumé Cette thèse a pour point de départ le constat de l’émergence de revendications vernaculaires dans le champ urbain « alternatif » (Paquot, 2012 ; Béal & Rousseau, 2014) contemporain, en urbanisme, paysage, architecture et design. Des néologismes récents semblent empreints de tautologies et de paradoxes : on parle « d’urbanisme convivial » (Grünig, 2013), de « vernaculaire contemporain » ou de « nouveau vernaculaire » (Frey, 2010). Une première étude terminologique autour du vernaculaire dévoilera une étymologie fondamentalement dialectique et relative : ce mot savant désigne l’aspect populaire des choses – noms communs, pratiques ordinaires, savoirs non-doctes. Mais la géohistoire du vernaculaire révèle surtout sa subversivité latente, confirmant là sa place dans le champ des alternatives. C’est à partir des concepts de « travail fantôme » et de « genre vernaculaire » (Illich, 1983), que nous établirons que le terme est apparu lorsque la chose a disparu. Une dépossession (des savoirs, des techniques, des biens communs, des modes de faire) se lit au creux des révolutions industrielles (Giedion, 1980) et des mutations des pratiques de subsistance, désormais reléguées au champ des loisirs (Corbin, 2009). Le terme est donc intimement lié à un caractère revendicatif, de reprise, qui n’est pas sans écho avec un type de pratiques critiques en design : être contre, tout contre (Papanek, 1974). C’est alors par l’analyse de différents types de reprises récentes, posant les esquisses d’un paysage existentiel du vernaculaire (Jackson, 1984), que nous proposons l’idée de déprise d’œuvre, déployant les paradigmes d’un urbain soutenable. Dans un contexte de déprise urbaine qui la voit apparaître, la déprise d’œuvre répond à la maîtrise d’œuvre, par la quête du recouvrement des savoirs qu’aura révélé le vernaculaire : faire, laisser faire, faire faire. Nourrie d’improvisation, de processus et d’expérience (Zask, 2011), cette attitude affirme finalement le rôle de vecteur rhétorique et mobilisateur que joue le vernaculaire dans la réinvention de pratiques urbaines. 3 INTRODUCTION Abstract This research starts from observations of the emergence of "vernacular claims" in the alternative urban fields (Paquot, 2012; Béal & Rousseau, 2014) : urbanism, landscape, architecture and design. Recent neologisms seem to be characterized by tautologies and paradoxes : "convivial urban design" (Grünig, 2013), "contemporary vernacular" or "new vernacular" (Frey, 2010). A first terminological study of the vernacular will reveal a fundamentally dialectical and relative etymology : this scholarly word refers to a popular aspect of things - common names, ordinary practices, non-doctoral knowledges. But the geohistory of the vernacular reveals mostly a latent subversiveness, confirming its place in an alternative field. From the concepts of "ghost work" and "vernacular gender" (Illich, 1983), we will establish that the term appeared when the things disappeared. A dispossession (of knowledge, of techniques, of common goods, of crafts) can be found in the depths of industrial revolutions (Giedion, 1980), and from subsistence practices mutations, relegated to leisure fields (Corbin, 2009). The term is thus intimately linked to a reclaim feature, which is not far from a type of critical practices in design: to be close, very close (Papanek, 1974). By analyzing different types of recent recoveries, sketching in the edges of an existential vernacular landscape (Jackson, 1984), we finally suggest the idea of an déprise d’oeuvre, deploying some sustainable urban paradigms. In a context of urban shrinkage, this déprise d’oeuvre responds to traditionnal maîtrise d’oeuvre, in a quest to revover the knowledge revealed by the vernacular : to do, to let do, to make do. Nourished by improvisations, processes and experiences (Zask, 2011), this approach finally confirms the role that the vernacular plays as a mobilizing vector in the reinvention of urban practices. 4 ABSTRACT « On se souviendra de l'Âge des Professions comme de ce temps où la politique s'est étiolée, tandis que, sous la houlette des professeurs, les électeurs donnaient à des technocrates le pouvoir de légiférer à propos de leurs besoins, l'autorité de décider qui a besoin de quoi, et le monopole des moyens par lesquels ces besoins seraient satisfaits. On s'en souviendra aussi comme de l'Âge de la Scolarité, âge où les gens, pendant un tiers de leur vie, étaient formés à accumuler des besoins sur ordonnance et, pour les deux autres tiers, constituaient la clientèle de prestigieux trafiquants de drogue qui entretenaient leur intoxication. On s'en souviendra comme de l'âge où le voyage d'agrément signifiait un déplacement moutonnier pour aller lorgner des étrangers, où l'intimité nécessitait de s'exercer à l'orgasme sous la direction de Masters et Johnson, où avoir une opinion consistait à répéter la dernière causerie télévisée, où voter était approuver un vendeur et lui demander de "remettre ça". […] Il y aurait quelques présomptions à prédire si le souvenir de cet âge, où les besoins étaient modelés par les professionnels, sera encensé ou honni. Pour ma part, j’espère qu’on s’en souviendra comme du soir où papa a fait la noce et "claqué" la fortune familiale, obligeant ainsi ses enfants à recommencer à zéro. »1 1 Ivan Illich, « Le chômage créateur », in Œuvres complètes Volume II, Paris : Fayard, 2005, p. 51. 5 Sommaire Introduction 9 Europe, années zéros 9 De quoi vernaculaire est-il le nom ? 22 Partie I. Vernaculaires 51 1. Définitions 53 2. Les champs de l’ailleurs 67 3. Encyclopédisations 98 4. Séditions 135 Cahier d'images 166 Partie II. Reprises, déprises 167 1. Reprendre le terrain 171 2. Ce que permet la permanence 201 3. Attitudes incrémentales 247 4. Vers une déprise d’œuvre 300 Conclusion 343 Se passer du vernaculaire Annexes 349 Bibliographie 378 Index 402 Remerciements 405 Table des matières 406 EUROPE, ANNEES ZEROS Introduction Europe, années zéros « On pleure les Indiens des autres, mais on tue les siens », écrivait en 1973 Bernard Charbonneau (1910-1996) dans Tristes campagnes, récemment réédité2. Ce pionner de l’écologie politique, proche de Jacques Ellul, y critique l’ère de la « Grande Mue », cette « croissance technique et économique indéfinie »3. La question du fait urbain y est centrale : « Il fallait donc transformer la campagne, ou plutôt la liquider, sans cela elle eût freiné l'expansion. Le Plan [d'aménagement du territoire] prévoyait donc le passage d'une agriculture de subsistance à une agriculture de marché qui intégrait le paysan dans le cycle de l'argent et de la machine. Il fallait que l'agriculture se mécanise et qu'elle consomme de plus en plus de produits chimiques... »4, décrit-il déjà en 1969 dans Le Jardin de Babylone, republié en 2002. Quarante ans après sa parution, la France a perdu le quart5 de ses terres paysannes, englouties par l’urbanisation galopante. Mais depuis le début des années 2000, les luttes civiques autour de ces sujets se multiplient. Les arguments de Charbonneau semblent s’être diffusés : le déclin des spécificités locales face à la globalisation, l’acroissement d’espaces déterritorialisés, « l’artificialisation du monde »6, la consommation de l’espace et l’épuisement de ses réserves dans des limites pourtant définies7 sont des enjeux largement relayés. Le philosophe Daniel Cérézuelle écrivait en 2006 dans Bernard Charbonneau, précurseur de l’écologie politique : « Les problèmes écologiques et politiques que Charbonneau signalait dès les années trente dans l’incompréhension générale ne font que s’aggraver. »8. Mais cet ouvrage paraît dans un contexte où l’option d’une sortie de la croissance, même marginale, commence à être entendue. Il est justement publié dans la collection « l’Après-développement » dirigée par Serge Latouche, l’un des 2 Bernard Charbonneau, Tristes campagnes, Vierzon : Le Pas de côté, 2013. 3 Bernard Charbonneau, Le système et le chaos, Paris : Sang de la terre, 2012. 4 Bernard Charbonneau, Le jardin de Babylone, Paris : L’Encyclopédie des nuisances, 2002, p. 123. 5 Ministère de l’Agriculture, recensement 2010. 6 Daniel Cérézuelle, « Bernard Charbonneau. L’artificialisation du monde », in Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini (dirs.), Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques, Montreuil : L’Echappée, 2013. 7 Bernard Charbonneau, Finis terrae, La Bache : À plus d’un titre, 2010. 8 Daniel Cérézuelle, Écologie et liberté : Bernard Charbonneau, précurseur de l’écologie politique, Lyon : Parangon, 2006, p. 7. 9 INTRODUCTION théoriciens de la décroissance. Ces « objecteurs de croissance », parlant d’ailleurs plutôt d’a-croissance que de décroissance, luttent contre l’hybris – orgueilleuse démesure – et tentent de retrouver la mesure et les seuils de l’établissement humain.