Sidonie Gabrielle Colette
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www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Sidonie Gabrielle Colette dite COLETTE (France) (1873-1954) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées. Bonne lecture ! 1 Elle est née le 28 janvier 1873, derrière un bosquet au petit moulin de Saint-Sauveur en Puisaye (Yonne) aux confins de la Bourgogne et du Morvan. Sa mère, Sidonie Landoy, familièrement baptisée «Sido», femme très énergique, intelligente et cultivée, spontanée, généreuse, était née à Paris en 1835, avait épousé Robineau-Duclos, un gentilhomme fermier dont elle était devenue la veuve pour, en 1865, se remarier avec Jules-Joseph Colette. Ce Toulonnais, né en 1829, qui était passé par Saint-Cyr, qui avait fait la campagne de Kabylie, la guerre de Crimée, la guerre en Italie où, capitaine de zouaves, il avait été blessé la bataille de Magenta en 1859 et amputé de la jambe gauche. Il avait dû, en 1860, dès la trentaine, se contenter d’un modeste emploi sédentaire, celui de percepteur du canton de Saint-Sauveur. Cet homme à l’accent chantant, était gai, attentif, galant, empressé : «Lorsque ma mère était présente, mon père était tout à elle, avec une affectation d’effacement qui parfois arrivait à nous choquer. C’est à peine si, parvenus successivement à l’âge adulte, nous avons compris, chez mon père, et partagé les nobles et amoureuses rasons d’un effacement aussi volontaire.» Il était assez cultivé, une bibliothèque aussi importante que celle de la maison familiale n’étant pas courante au XIXe siècle et dans le milieu qui était le sien, et ce doux rêveur avait même des velléités d’écrivain. Sidonie Gabrielle, qu'on nommait «Gabri», que son père appelait «Bel-Gazou» (ce qui signifie «beau langage» en provençal), que sa mère surnommait «Minet-Chéri», était la dernière de quatre enfants : d'un premier mariage, sa mère avait eu une fille, Juliette, «ma sœur aux longs cheveux», née en 1860, et un fils, Achille, «l'aîné sans rivaux» né en 1863 ; puis elle avait eu Léopold (né en 1866). Le père, très tôt, la considéra comme une grande fille et lui fit découvir le monde des livres, lui faisant lire Balzac dès l’âge de six ans («Je suis née dans Balzac»), puis Hugo, Labiche et Daudet. Sa mère lui transmit son goût de la liberté, sa passion pour toutes les formes de la vie, son amour de la nature et sa naturelle sagesse. Son heureuse enfance campagnarde lui donna sa compréhension instinctive des animaux, son sens de l'observation et sa luxuriante et presque païenne sensualité. Elle la décrivit ainsi à Yannick Bellon : «Enfance heureuse, enfance des enfants villageois qui n’avaient besoin non de jouets mais de livres, non de friandises mais de gros mets sains et sapides, mais de langage pur et de crème fraîche.» Le seul inconvénient de cette enfance heureuse fut, comme elle l’a dit elle-même, d'être «une mauvaise préparation aux contacts humains». Pourtant, de 1880 à 1889, elle fut une bonne élève à l'école laïque de Saint-Sauveur, qui n’avait pour elle rien de rébarbatif, où elle eut notamment pour institutrice, à partir de la rentrée 1887, une remarquable pédagogue, Olympe Terrain. Elle obtint son certificat d'études en 1885 et son brevet élémentaire en 1899, avec 17 sur 20 en composition française. La fin des années 1880 fut marquée par des difficultés matérielles aiguës : le percepteur se révéla mauvais gestionnaire de l'héritage de son épouse, et les Colette, en 1890, après avoir été contraints de vendre aux enchères une partie de leurs biens, quittèrent Saint-Sauveur (la perte de la maison fut pour la petite Sidonie Gabrielle l’exclusion du paradis, la fin de l’enfance heureuse ; mais elle ne fut mise en vente qu'en 1925, les acquéreurs lui en laissant alors l'usufruit jusqu'en 1950) pour Châtillon- sur-Loing (actuellement Châtillon-Coligny, dans le Loiret), chez Achille, qui venait d'y installer son cabinet de médecin. Ce début de ruine provoqua aussi la brouille des parents avec Juliette, l'aînée, qui s'était mariée en 1885 et qui ne supporta pas de voir ainsi dilapidé l'héritage de son propre père. Tôt éveillée aux troubles de la sensualité, Sidonie Gabrielle eut, confia-telle à Yannick Bellon, une «adolescence longtemps détournée du mariage, d’ailleurs une fille sans le sou se marie-t-elle? Il arrrive pourtant qu’elle se fiance de la manière la plus imprévue, et qu’elle reste longtemps fiancée, comme les amoureuses jeunes filles.» Elle aimait, depuis l’âge de quatorze ans, un ami de son père, Henri Gauthier-Villars, alias Willy, qui avait perdu sa femme dont il avait eu en 1892 un enfant appelé Jacques, et qui venait à Châtillon-Coligny où il l’avait mis en nourrice pendant quelques mois. Cherchant à échapper à la tristesse de la perte d’une femme aimée, il ne put qu’être tenté par ce tendron qui jouait peut-être à «l’ingénue libertine» et était séduite par l’auréole parisienne et la sécurité que cet homme mûr (de quatorze ans son aîné) semblait lui offrir, avec sa calvitie, sa bedaine, ses yeux marqués, son visage souvent érubescent. Fils aîné du fondateur d’une grande maison d’édition scientifique, il y avait d’abord été associé avant de se lancer dans le journalisme et la littérature. Collaborant à d’innombrables journaux et revues, il était répandu dans le monde des lettres 2 et des théâtres. Il se dépensait en particulier dans le domaine de la critique musicale à “L’écho de Paris” où il était féroce, célébrant pratiquement seul contre tous Claude Debussy, Vincent d'lndy, Emmanuel Chabrier, André Messager, Paul Dukas, Ernest Chausson et Richard Wagner aussi. Très cultivé, il pouvait rédiger avec aisance ses critiques en latin. Mais, en fait, il avait monté un cartel d’échotiers qui rendaient compte des concerts à Paris, en province ou dans les pays limitrophes, qui se réunissaient le dimanche soir chez lui pour mettre la dernière main aux articles dans “L'écho de Paris” qui étaient signés «L’ouvreuse». Il était aussi romancier, mais, l'imagination lui faisant défaut, il recourait sans vergogne, au sein d’un «atelier» littéraire, à d'innombrables nègres, parmi lesquels Claude Farrère et Francis Carco, qui écrivaient pour lui des chroniques musicales et des romans légers mêlant érotisme et sentimentalité, peur de la femme vampire qui dévore le mâle, calembours et calembredaines, attaques directes ou voilées contre les ennemis du patron. Il les retravaillait et les signait de son nom. C’était un homme à femmes, un Don Juan notoire, un noceur aux fantaisies voyeuristes de Willy. Le capitaine Jules Colette voulut croire qu’il était un noceur repenti et jeta littéralement la délicieuse sauvageonne qu’était sa fille dans les bras de ce barbon, en dépit du désaccord de sa mère qui voulait pour elle un mari qui aurait ressemblé à Achille. Cette union faisait plutôt penser à l’association de deux demi-bonheurs qu’à un mariage d’amour. Dans le “Gil Blas”, parut cet entrefilet fielleux : «On jase beaucoup, à Châtillon, du flirt intense dont un de nos plus spirituels clubmen parisiens poursuit une exquise blonde, célèbre dans toute la contrée par sa merveilleuse chevelure», l’auteur anonyme conseillant à celle-ci de «n’accorder ses baisers, suivant le conseil de Méphistophélès, que la bague au doigt». Willy se battit en duel avec le directeur du journal et le blessa ! En 1891, des fiançailles officieuses eurent lieu, mais elles durèrent longtemps à cause des résistances de la famille Gauthier-Villars qui aurait préféré une bonne héritière alors que Sidonie Gabrielle n’aurait pas de dot. Le mariage fut célébré très modestement le 15 mai 1893, à Châtillon- Coligny. La nuit de noces fut un choc : «Le lendemain, mille lieues, des abîmes, des découvertes, des métamorphoses sans remède me séparaient de la veille.» Elle allait désormais montrer un visage soit mélancolique, soit empreint d’une affectation sous laquelle elle dissimulait sa tristesse. Il n’y eut pas de voyage de noces car Willy était sans le sou. Ils vinrent à Paris et, a-t-elle confié, « la joie de me sentir en chemin de fer toute nue dans des toiles m'a tenue éveillée une partie de la nuit. Non loin de moi, Willy, dans la même situation, étouffait de rage, de chaleur et de haine pour ces draps étrangers. » Sidonie Gabrielle, à l’âge de vingt ans, se séparant donc de ses parents chéris pour s’établir dans la garçonnière de Willy, 55, quai des Grands Augustins. Il s’employa à initier à l’amour et à ses perversions cette «fille maladroite» dont il allait faire un prodige de libertinage, sans qu’elle ressentît de dégoût : «Il vient plus tard comme l’honnetêté.» Il l'entraîna dans un tourbillon de vie mondaine, transformant la romanesque provinciale, qui étonnait par le primesaut de ses allures et de ses propos, en Parisienne adonnée à tous les plaisirs. Elle entra ainsi dans les salons littéraires et musicaux de Mme de Caillavet, de Rachilde, de Mme de Saint-Marceaux, y croisant Anatole France, Marcel Proust, Robert de Montesquiou, Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel, Jacques-Émile Blanche, Georges Courteline, Pierre Louÿs, Sacha Guitry, Jean de Tinan, Catulle Mendès, Charles Maurras, Jean Lorrain (à qui elle consacra des pages émues). Elle se lia avec, entre autres, Marcel Schwob (qui l’appelait «Lolette») et sa compagne, la comédienne Marguerite Moreno, avec la poète Lucie Delarue-Mardrus. Même si elle s’était vite adaptée au milieu littéraire parisien, la jeune provinciale prétendait détester «le parisianisme si habile dans la dissimulation».