Chronos- Revue d’Histoire de l’Université de Balamand, is a bi-annual Journal published in three languages (Arabic, English and French). It deals particularly with the History of the ethnic and religious groups of the Arab world.

Journal Name: Chronos

ISSN: 1608-7526

Title: The Pilgrimage and the Christian Sanctuaries in the Near-East between the 4th and the 17th centuries

Author(s): Marlène Kanaan

To cite this document:

Kanaan, M. (2019). The Pilgrimage and the Christian Sanctuaries in the Near-East between the 4th and the 17th centuries. Chronos, 21, 73-97. https://doi.org/10.31377/chr.v21i0.483

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CHRONOS Revue d'Histoire de l'Universite de Balamand Numero 21, 2010, ISSN 16087526

PELERINAGES ET SANCTUAlRES CHRETIENS AU PROCHE-ORIENT DU lYe AU XVIle SIECLE

Mon article porte sur les pelerinages et les sanctuaires chretiens du Proche­ Orient du IVe au XVIIe siecle. II propose une reflexion en quatre temps : premierement, it vise a tracer 1'historique de cette pratique depuis son apparition; il a ensuite pour but de reflechir sur I'acception tMologique de cette pratique d'un point de vue chretien depuis Ie IVe siecle, date de recormaissance officielle du christianisme par l'Empire. II cherche, en troisicme li eu, a decrire les differents rituels et pratiques accomplis par les picux pelcrins lors de leurs visites des licux , ct arepertorier finalcmcnt quelques lieux saints de la region visites depuis I' Antiquite tardive en passant par Ie Moyen Age jusqu'au XVIIe siecle, durant la periode ottomane.' Evidemment, I' etude ne sera pas consacree a la Palestine qui a fini par accaparer a elle seule I'appellation de Terra SancIa. Elle privilegiera, dans Ie cadre de sa demiere partie, la presentation d'autres lieux saints visites en marge du . grand pelerinage, que j'ai designes dans deux publications anterieures par « Heux saints secondaires ».3Mes sources seront les itineraires et les recits des premiers pelerins chretiens au Proche-Orient, ainsi que les joumaux des voyageurs de I'epoque : je pense notamment a celui d'Egerie,'

I Univcrsite de Balamand.

2 La periodc historiquc de cette etudc m'a etc dictee par les sources et les references disponibles. J Kanaan 2000: 135 -142, et 2009. Cette publication reprend Ie textc d'une conference donnce a l'Universite d'Oxford au Royaume~Uni en juillet 2005. 4 Egerie M. 1982, reimp. 1997. Egerie est une noble dame originaire de Galice ou de Gaule du sud, interessee et attinSc par la vie ascctique. Elle effectua un pclerinage entre 381 et 384 et rapporta dans son journal de maniere interessante toutes ses visites effectuees dans la region.

Chronos If' 2 J ~ 20J 0 74 MARLENE KANAAN du pelerin de Bordeaux,' mais aussi it celui, plus tardif, de l'hegoumene Daniel' et a tant d' autres pelerins russes ; a celui du Pere Recollect Bernardin Surius qui eut lieu entre 1644 et 1647' - sans toutefoi. oublier les incontournables Onomasticon,' catalogue alphabetique des noms geographiques de la , et I'Hisloire Ecciesiaslique' d'Eusebe de Cesaree.

Bref apcr~u sur l'historique du pelerinage chretien et ses racines bibliques

Dans Ie chapitrc 12 du Livre de la Genese, Dieu dit aAbraham: « Pars de ton pays, de ta famille et de la maison de ton pere vers Ie pays que je te ferai voir »." Cc depart au pluto! ce voyage, car Ie terme latin peregrinalio duquel derive Ie franl'ais pelerinage renvoie etymologiquement au voyage (Maraval 1985 : 9), a certainement un but. Bien qu'aleatoire, ce bul « aller dans Ie pays» qu ' Abraham ne connall pas, releve suremenl de la foi ct de la confiance en Dieu. Aussi indique-t-il que certains lieux auxquels on arrive au prix de dures epreuves revetent un halo particulier el sont plus saints que d'autres. Voila pourquoi ils scront plus lard visites par les fideles qui rylhmeront leur pelerinage en s'arretanl aux differents licux eonstituant les etapes de eel itineraire des patriarches et de la eonquete de la terre promise." Ces lieux vont devenir de. lors non seulemenl des lieux de memo ire, mais aussi des lieux sacrt!s, terroirs de nouveaux rituels. Pour y arriver, les fideles devraient observer quelques exigences telles la marche, Ie deplaeement et Ie chernin ele. Mais eette nouvelle pratique ne tarda pas a se pervertir : l'introduction

S itinerarium Burdigalense, Ie texte latin de cettc relation figure dans Ie Corpus Christianorum. series Latina in Geyer et Cum? M. 1965. L'etude sc refere a. une traduction allemande commentee de Donner (1979 : 44-68). Un aper~u de eette relation se trouve aussi dans Ie Dictionnaire d'Archeologie Chretienne et de Litu.rgie, tome XIV, Paris, Librairie Lctouzey et Ane, col. 40-65 . En 333, ce pelerin se rend de Bordeaux a Jerusalem par la route. II laisse un rcleve de toutes les etapes avee Ie detail de tout ec qu' il a vu en Palestine. II cst considere par les historiens comme un fonctionnaire imperial.

6 Cf. De Khitrowo 1889. 7 Surius 1666. Franciscain beige, ce frere mineur rut Ie recollect, Ie president du SepuJcre et Ie commissaire de la terre sainte de 1644 a 1647. I Euscbe de Ccsaree 1904. Cc texte ful traduit par saint Jerome en latin vers 390 . • Eusebe de Cesare. 1952- t955- 1958- 1960. l(l Genese, 12, 1.

II Voir Genese 28, 1-33; Genese 35, 1-15; Josue, 4, 19-24; I Samuel 3, etc. PELERINAGES ET SANCTUAIRES CHRETIENS 75 d'observances idoliitriques sous l'influence du culte de Baal et d'Astarte, dont les sanctuaires eriges sur les hauts-lieux de Canaan seront une tentation permanente pour Israel, conduisit plus tard Ie roi Josias au VIle sieele avant a centraliser Ie culte a Jerusalem et a supprimer taus les autres sanctuaires. Mais Ia deportation et I'exil du VIe sieele avant Jesus, empechant Ies fideles de sacrifier au Temple, contribuerent d'une certaine fa90n it fixer les trois grandes retes du calendrier juif comme des retes de pelerinage, dont la signification profonde s'ancre dans la longue marche du peuple sortant de l'Egypte, terre de servitude, pour se diriger vers la Terre promise." Ces retes seront 'alors l'occasion de grands deplacements et de peregrinations. L' Evangile selon Saint Lucll evoque ajuste titre ces grandes marches, mentionnees auparavant dans les Psaumes et dont parle l'historien Flavius Josephe. Aussi, voit-on quelques apotres, comme Paul et Barnabe, aller it Jerusalem afin de visiter son Temple. A part les chretiensjudai'sants, il semble que les premiers chretiens n'ont accorde qu'une importance elementaire aux lieux au Jesus vecut. D'ailleurs, plus tard, la difficulte pour identifier ces memes lieux d'une maniere sure apres la destruction spectaculaire de Jerusalem par les Romains en 70 et en 135 suite aux revoltes juives, temoi!,'lle de l'interet plutot relatif de la premiere communaute chrctienne. Ce n'est qU'au lYe siecle qu'on a pu veritablement parler de pelerinages et de lieux saints, bien que la de quelques lieux rattaches a la vie du ct au culte des martyrs soit attestee des les trois premiers sie:cles de i'ere cmetienne. Je cite, fa titre d'exemples, Bethanie au-deli du Jourdain, Ii OU Jesus fut baptise, I'emplacement du Golgotha, du Saint Sepulere et de la tombe du diacre Etienne. lis etaient connus et visites par de rares voyageurs au TIe siecle, tels Meliton, I'eveque de l'Eglise des Sardes, qui, aux dires d'Eusebe de Cesaree, est « aile en Orient ( ... ) a I' endroit ou a "te prechee et accomplie (l'Ecriturc) »" ; ou Ie glorieux Origime, ainsi que Ies deux eveques de Cappadoce Firrnilian ct Alexandre au JlIe sieele. Au Livre VI de sa monumentale Histoire Ecciesiastique, Eusebc de Cesaree rapporte que Ie vieil eveque Alexandre, conduit par « un oracle divin, entreprit Ie voyage de !Crusalem pour prier et pour voir les licux (saints) »."

n Deuteronome, 16. l) Luc, 2, 44. l~ Eusebc de Cesaree 1952, IV, 26,14, Livres I-IV, pp. 211-212. t) Ibid, Xl, 2. Le mot « saints » est mis dans la traduction franyaise entre parentheses par Ie traducteuT du texte lui-mcme. II n'existe pas littcralemcnt dans Ie texte grec original, bien que son sens soit impiicite.

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Cependant, les historiens s'accordent pour designer aux origines des pelerinages chretiens les tombes des deux apotres Pierre et Paul. Ils indiquent egalement d'autres endroits attaches a leur memoire, par exemple Ie mur proche de la Via Appia au lieu dit Ad Catacumbas, a quelques kilometres des remparts de Rome, ou de pieux visiteurs ont laisse plusieurs « graffiti » remontant aux IIIe et IVe siecles, invoquant I'intercession des deux saints. Plus tard, les reliques et les tombes de venerables moines et eveques presentes dans cette meme ville feront I' objet d 'une pareille devotion. Ces nouvelles pratiques ont quelques similitudes avec les pelerinages pajens, du moins par I'usage des proscynemes, c'est-a-dire d'actes d'adoration graves en ces lieux saints pour altester Ie pelerinage et perpetuer une presence. Mais c'est a la faveur de la Pax Romana, de la liberte de croyance promulguee par I'edit de Milan en 313 et de la reconnaissance pad'Empire du christianisme comme religio iicita, que I'interet des fideles pour les lieux au se sont produits les evenements rapportes par les Evangites, apparait d 'une maniere claire. On commence alors a se rendre avec beaucoup de devotion a ces memes Heux ct a tant d'autres, cornme par exemple aux tombes des martyrs pour celebrer dans des premieres assemblees liturgiques en dehors du dimanche, I' eucharistic, accordant ainsi a certains espaces et temps une valeur cultuelle (Cabie 2000 : 65- 72). La veneration de ceux qui ont sacrifie leur vie pour Ie Christ s'accompagnait de la construction de basiliques dites martyria 16 donnant lieu aux pelerinages ad limina OU I'on est accueilli des Ie seuil par ceux qui nous ant devances sur Ie chemin de I'eternite.. . Pour identifier les places et constituer la geographie sacree ou Ie Christ et ses disciples ont vecu et accompli les reuvres du salut, I'Eglise commen~a d'abord par recueillir les differentes traditions conservees par les memoires vivantes des fideles. Les observances juives telles que la visite du Temple et Ie pelerinage de Jerusalem seront egalement retenus. L'Eglise invoquera en fin de compte les interventions surnatureHes ... C'est dans cette optique qu' i1 faudra comprendre, si I'on peut dire, Ie premier pelerinage de l'imperatrice Helene, mere de Constantin entrepris en 326. Grace a elle, de nombreux lieux veneres seront inventories et un reseau de sites bibliques constitue. L'edification en Palestine de grandes basiliques et eglises, a cote de plusieurs autres sanctuaires marquera cette periode. J1 Les fideles commenceront alors

16 Egerie (1982 : 157, 199,205) mentionne dans sonjournalles martyria. D'ailleurs, elle ne manque jamais de les visiter. Par exemplc, Ie martyrium de saint Thomas, ap6tre a Edessc. 11 On connait par Eusebe de Cesaree les travaux realises par Constantin a partir de 326 sur Ie site du Golgotha et du tombeau. Voir Eusebe de Cesaree 1975 : 909-985. PaERINAGES ET SANCTUAIRES CHREnENS 77 a se rendre en groupes ou individuellement aces lieux saints, comme I'attestent les lettres de saint Jerome (ed. 1955 : 163-176) a propos de cette noble dame romaine Paula et sa fille Eustochium qu'il avait gagnees a I'ascetisme et qu'il avait .ccompagnees avec d'autres compagnes lors de leur pelerinage en Palestine. Des guides verront egalement Ie jour indiquant les itineraires des pelerinages en direction des Iieux saints niches dans cette terre de l'Orient lointain. C' est done vers la fin du lVe sieele que la constitution de reseaux, d'etapes et de centres d' hebergement aux di vers lieux saints de l'Empire, devenu desorrnais chretien, permit une premiere organisation du voyage du pelerin venu de loin et scande de haltes pieuscs. Avant cette date, Ie pelerinage etait rare, voire controverse. Le chri stiani sme n'etant pas reconnu officiellement avant cette date, ses fideles ne pouvaient pas se montrer de maniere trop voyante. Aussi, cette pratique va-t-elle connaitre quelques transformations a travers Ie temps. Au VIle siecle par exemple et avec la conquete arabo-musulmane des provinces de Phenicie, de Syrie, de Palestine et d'Egypte, les conditions de ce phCnomene vont changer : quelques sanctuaires vont etre saccages ou detruits, d'autres demeureront de hauts lieux de pelerinage. Cependant, les difficultes pour parvenir aces lieux situes dans eet Orient dorenavant sous pOll voir musulman, surtout pour un pelerin occidental, ne doivent pas etre ignorees. Malgre tout, Ie phenomene se poursuivra, bon gre mal gre, comme I'attestent les nombreux recits de pelerins qui ont entrepris, depuis Ie Vile siecle en passant par les XIIe et XVIIIe sieeles et jusqu" I'epoque ottomane, leurs visites des Iieux saints.

Theologie du p'lerinage dans Ie christianisme

Le pelerinage est un voyage individuel ou collectif qu 'un fidele effectue a un lieu saint pour des motifs religieux et dans un esprit de devotion. Pierre Maraval, dans son incontournable etude sur les Lieux saints e/ pe/erinages d 'Orient," releve un probleme terminologique quant a I'u sage du mot forge par les Iinguistes pour dire a la fois Ie voyage et Ie lieu saint lui­ meme. II observe que les langues grecque et latine ne possedaient pas, durant les premiers siecies du christianisme, un mot specifique pour rendre compte de ce qu'on appelle auj ourd'hui pelerinage. Pour lui, Ie mot grec ~€vo" et Ie mot latin Peregrillus, d'ou derive Ie franyai s pelerin, designaient a I'origine

I' op. cit. : 9-10.

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!'etranger par opposIlIon au C1UlS, Ie citoyen qui a droit de cite. TIs s'appliquaient done au voyageur, sans que soit donnee a son voyage une coloration religieuse. Ce n'est que plus tardivement que cette coloration s'incorpora au terme donnant lieu it deux acceptions theologiques differentes : Ia premiere privilegiant Ie voyage Iui-meme, alors que Ia seconde Ie lieu de destination du pelerin. On sait que dans Ie christianisme, il existe, 5i l'on peut dire, une certaine fanne de « spiritualite de l'errance » qui prone Ie detachement par rapport aux Iieux terrestres. On lit par exemple au chapitre II de I' Epitre aux Hebreux que nous devons reconnaitre que nous sommes des « etrangers et voyageurs sur la terre »,19 et, au chapitre 13 de la meme epitre, que nous devons sortir « il sa rencontre (de Jesus) hors du camp »,20 « Car nous n'avons pas iei-bas de cite pennanente, mais nous sommes it la recherche de Ia cite future »" .. . Cette spiritualite qui prend il la Iettre Ies versets neotestamentaires, notamrnent ceux qui rapportent les paroles du Christ precisant que « son royaume n'est pas de ce mande », 22 affirme que Ie chretien doit etre etranger dans Ie mande, voire un « passant » pour reprendre cettc parole attribuee il Jesus dans I 'Evangile apocryphe selon Thomas (Bovon et Geoltrain 1997 : 42). D'ou ce deplacement perpetuel comme mode de vie pratique par de nombreux ascetes. Neanmoins, les deux acceptions se rejoigncnt dans la mesure au e1Ies admettent Ie voyage. II est vrai que Ia seconde acception ne s'interesse au voyage que comme un moyen inevitable pour atteindre certains lieux qu 'une grace mysterieuse a rendus sacres. Or, pour Ie croyant. Ie sacre est source de toute efficacite : il designe cette force avec Iaquelle I'homme doit compter, cette energie incomprehensible et dangereuse qui vivifie son experience religieuse. C'est pourquoi, il cherche toujours 3 etre en contact avec lui. Mais, Ie sacre se manifeste dans certains lieux comme ceux au se sont deroulecs Ies ",uvres du salut, relatees dans l'Ancien et Ie Nouveau Testaments. 11 se manifeste aussi 13 au tout simplement subsistent des traces relatives 3 lui comme les reliques, les icones, les tombes, les lieux de theophanie eux-memes, d'appatition mariale au angelique, pres d'un saint homme, etc. On peut parler dans ce cadre des lieux OU vecurent Ies patriarches et Ies prophetes de !'Ancien Testament, Ie Christ, Ies apotres et Ies saints, notamment Ies martyrs et Ies moines illustres. Les lieux les plus

" Hi breux 11 , 13. 20 Ibid, 13, 13. 21 1bid, 13, 14. II Jean 18, 36. PELERrNAGES ET SANCTUAIRES CliRtnENS 79 saints sont cependant ceux que Ie Christ a lui-meme sanctifies par sa presence depuis son incamationjusqu'a son ascension et ses apparitions miraculeuses. Seulle voyage pennet de les connailre, surtout pour un occidental. Dans ce contexte, il faudrait souligner que Ie pelerinage d'un point de vue chretien n'est theologiquement oi recommande oj interdit, it la difference de I' islam qui Ie considere comme une obligation religieuse faisant partie de ses cinq piliers.23 Aussi, remarque-t-on une variete recurrente des appreciations portees sur cette pratique. Par exemple, Ie Commingeois Vigilance, au 4"'" siecle, s'en prenait aux pelerinages sur les tombes des martyrs, aux prieres qu'on leur destinait et a la veneration que I'on accordait a leurs restes humains. II doutait aussi de I'efficacite des prieres d'intcrcession qu'an leur adressait. 24 De son cote, saint Augustin, mettait en garde, dans La Cite de Dieu, conlre les derives de ces pratiques et Ie culte exagere des martyrs sans pour autant les condamner radicalement. II ecrit : « Pour honorer les martyrs, DOUS n'avans 01 temples, ni ceremonies, ni sacrifices, tout simplement parce qu'ils ne sont pas des dieux. Nous avons leur souvenir en honneur parce qu'ils sont des serviteurs fideles de Dieu qui ont combattu pour la verite jusqu'a la mort. Le sacrifice qui est offert sur Ie tombeau des martyrs s'adresse aDieu seul. Nous I'offrons pour rendre grace de leur victoire au Dieu de verite. NallS implorons son assistance en commemorant leur souvenir afin que nous sayans encourages it les imiter dans leur combat et a obtenir la meme recompense. C'est pourquoi tout acte de piete accompli aupres du tombeau des martyrs est un hommage rendu a leur memoire et non pas un sacrifice que ron adresserait it des hommes mortcls considen!s comme des dieux ».25 Toutefois, il est admis que les pelerinages sont fort louables et qu 'un lieu peut eire plus saint qu'un autre. Les premiers chretiens croyaient fermement que les pelerinages sont bons, vertueux et profitables pour Ie salut, lorsqu'ils se font avec les circonstances requises. Leur motif est toujours la devotion, Ie zele et I'instruction. Saint Augustin et saint Jerome ont defendu la these selon laquelle Dieu a choisi quelques lieux pour y montrer et elargir ses graces. On sait par exemple, que

II Voir Ie Coran, sourate 3, 97 « La/amille de Imran » : « n incombe aux hommes, aceJu i qui en possede les moyens d'aller pour Dieu en pelerinagc a la maison » (Trad. Blachere). 1" Saint Jerome a redige un traitc apologetique inlitule ; Conlre Vigilance. PrStre, originaire de Comminges, Vigilancc a ramen6 de son pelerinagc en Orient des vues assez cri tiques sur Ie culte des reliques, ce qui lui valut cette terrible mercurialc de saint Jerome. Lcs diatribes d'un Julien cootre la nccrohitrie des chrctiens rendent aussi comptc des controverses concernant les deri ves de cette pratique. 15 Saint Augustin 2004, Livre VIII, 27.

Chronos II" 21 - 20 J0 80 MARLENE KANAAN lorsqu'un croyant honore un saint et I'admire, !'amour Ie tire vers Ie lieu OU ce saint a vecu ct plus singulierement vers Ie Jieu ou son corps repose. Plusieurs fideles vont donc en pelerinage pour mieux servir Dieu hors du trouble du monde. Une certaine lecture theologique va jusqu'a affirmer que Dieu commande les pelerinages. S'appuyant sur Ie premier verse! deja cite du chapitre 12 du livre de la Genese, ou Dieu ordonne it Abraham d'abandonner maison, biens, amis et parents pour allee a la terre promise, cette lecture incite les croyants a se mettre en marche a I'instar du patriarche. Elle s'appuie egalement sur Ie recit de !'evangeliste Luc raconlant que la Vierge Marie avait pour coutume d'aller annuellement visiter avec Joseph Ie Temple ... " La Bible fournit donc pour les defenseurs de cette pratique de nombreux fondements scripturaires. On y lit, par exemple, qu' Anne la mere du prophete Samuel elait sterile, mais faisant un pelerinage, son vreu 27 d'cnfantcr fut exauce ; que les apotres apres 1'a scension de Jesus ne prierent pas seulement chez cux, mais observerent certaines hetires pour allee faire leurs prieres au Temple. Pour cette raison, Paul vint de tres loin pour faire sa devotion au Temple. Tous ces recits confirment donc I'idee selon laquelle la priere est plus exaucee en un lieu consacre, Dieu favorisant de ses benefices les devots qui vont en pelerinage cherchant sa grace. Car il est des lieux choisis par Dieu pour faire pant.ltre ses gloires et ses reuvres. Si donc un pelerin se rend dans un lieu, c'est la saintete meme du lieu qui est a l' origine de son deplacement. II desire ainsi prier, venerer et adorer Ie Seigneur ayant la conviction qu'en ce lieu sa priere aura une efficacite particuliere et ses va::ux seront realises. Acte religieux complexe, Ie pelerinage est donc un acte public par excellence, de haute valeur spirituelle. II exige, it la fois, de celui qui l'accomplit l'exercice de plusieurs vertus telles la priere, la fatigue corporelle, le s veilles, l'ascese et souvent Ie vceu. Le volume consacre aux pelerinages de la collection Sources Orientales, enumere trois traits distinctifs de cette pra.tique : d'abord la saintete du lieu ou Ie pelerin se rend specialement ; ensuite Ie deplacement individuel ou collectif et finalement Ie but de ce deplacement, a savoir l'obtention d'un bien spirituel ou materiel , tel I'exaucement d'un vreu (Collectif 1960: 9-10). Pour saisir la signification religieuse du pelerinage, il suffit de lire attentivement la litterature asc"tique et par exemple Ie Pre spirituel de Jean Moschus. Dans ce texte remontant au VIe siecle, I'auteur rapporte, entre

26 Lue, 2, 41. 27 I Samuel. 1, P ELERlNAGES ET SANCruAIRES CHRETIENS 81 autres.l·emouvante histoire du Cierge du pelerin. On y apprend qu 'un moine demeurant dans une grotte. avait une icone de la Vierge portant dans ses bras Jesus. Chaque fois qu 'il voulait partir soit dans Ie desert. soit a Jerusalem pour venerer la sainte Croix et les lieux saints; soit au mont Sina'i pour prier ou aux tom beaux des martyrs loin de Jerusalem. par exemple a Ephese pour vem!rer saint Jean ; a Euchai"te pour venerer saint Theodore, a Seleucie d'lsaurie pour venerer sainte Theele .... il preparait un cierge. I'allumait et se mettait debout pour prier Dieu d'ctre son guide tout au long de son chemin. II disait a la Vierge de veiller sur Ie cierge afin qu'il ne s'eteigne pas. Quand il revenait de son pelerinage apn;s plusieurs mois d·absence. il trouvait Ie cierge allume. dans I'etat ou il I'avait laisse et jamais il ne Ie vit eteint (Moschus 1946 : 236- 237). II serait bon a ce niveau de I'etude de dire qU'aux origines. les lieux saints n'etaient pas necessairement des lieux de culte et de celebration eucharistique. Par exemple. certaines eglises destinees au culte ordinaire vont devenir, suite a I'introduction des reliques, d'authentiques lieux de pelerinage. In versement, certains sites cansideres camme saints vant voir ectifier sur leur emplacement meme des ';glises utilisees plus lard pour la liturgie quotidienne. Quand bien meme. ces sites continuaient a attirer les pelerins grace aleur propre valeur spirituelle independamment des cultes qui s'y celebraient. La translation des reliques va contribuer. ene aussi a sa maniere. a sanctifier certains lieux. Ces reliques sont trios diverses : fragments de corps de saints ou de martyrs. objets leur ayant appartenu ou qui etaient it leur usage comme les vetements. ou ceux qui ont seTVi au martyr ... Elles feront I'objet d'un ceremonial solennel lors de leur introduction dans une eglise. Plus tard. I'art contribuera a la grandeur de ces ceremonies en creant des chasses reliquaires rivalisant de beaute et dignes de contenir ces traces du divino

Rites et pratiques des pelerins

Quelles sont les differentes pratiques de devotion accomplies par les pieux pelerins lors de leurs visites des lieux saints? Et comment se deroule leur sojour dans ces Iieux? n est evident que les pelerins prenaient part. et avant toutes choses. aux offices et aux liturgies celebrees par Ie clerge du sanctuaire visite. en particulier si leur pelerinage co'incidait avec la !etc du saint ou du lieu consacre. Egerie (1982 : 143) parle d·oblation. Cependant. et a cote de ce

Chronos n° 21 - 2010 82 MARLENE KANAAN culte collectif et de ces prieres, on peut toujours continuer it parler de pratiques privees de devotion accomplies par les visiteurs, telles Ie culte des reliques, les offrandes votives. l'incubation, I'ascese, les bains curatifs, les eulogies, etc. Je me iimiterai, dans Ie cadre de eet article, a evoquer les pratiques les plus frequentes.

Le culle ella priere

A mesure que l'on avance dans Ie temps, les lieux saints chretiens vont tous comporter des edifices ou I'on celebre la divine liturgic. Certains vont deployer un tel faste architectural, proportionnel en tous cas a I'importance du lieu ou au saint honore, qu'i1s finissent par attirer a eux seuls un tres grand nombre de fideles. Pour marquer les jours des retes et notamment ceux du lieu visite, des messes solennelles etaient celebrees. Certaines relations de pelerinage parlent d'amuence des fideles et des cohortes de pelerins. II en est ainsi dans les gran des basiliques de Jerusalem. Egerie (1982 : 235- 319, 243) decrit avec Ie menu detail la liturgie et parle de la foule des croyants. Grace a elle, on apprend par exemple que la liturgie de Jerusalem« peregrinait», les celebrations avaient lieu aux endroits memes ou s'etait deroulee l'histoire du salut. Elle ecrit:« A I'aube, comme c'est dimanche, on se reunit dans I'eglise majeure batie par Constantin, celie qui est au Golgotha derriere la Croix, et I'on y fait tout ce qu'il est d'usage de faire partout Ie dimanche. Cependant, c'est ici I'usage que, de tous les pretres qui siegent, prechent ceux qui Ie veulent, et qu'apres eux tous proche I'evoque. ( ... ) Le temps que prennent ces predications retarde de beaucoup Ie renvoi de I'eglise ; aussi n'est-ce pas avant la quatrieme heure, voire avant 1a cinquieme, que Ie renvoi a lieu. Quand a eu lieu Ie renvoi ( ... ) alors les moines escortent I' evoque, avec des hymnes, de l'eglise it l'Anastasis. Au moment 01\ l'evoque se met en marche avec des hymnes, on ouvre toutes les portes de la basilique de l'Anastasis. Tout Ie peuple y entre ( ... ) » (Eg';rie 1982 : 245-247). Les celebrations eucharistiques de Jerusalem suivaient done et de tres pres les traces de 1a vie du Christ: sa naissance it Bethleem, sa passion au Golgotha et sa resurrection a I' Anastasis etc. Egerie releve une pratique ancienne du christianisme, a savoir les veillees nocturnes solennelles lors des fetes des Iieux saints. Le christianisme byzantin parle de « panegyrie », c'est-it-dire de grandes fetes Iiturgiques cornmemorant les martyrs et les saints. Theodoret de Cyr (ed. 1958 : 335) evoque la procession des reliques ou leur ostension pendant ces ce\i,brations eucharistiques panegyriques Ie jour des fetes des saints, ainsi PELERlNAGES ET SANCTUA IRES CIlRETI ENS 83 que les discours faisant leur eloge. II est evident que les pelerins touchaient ces reliques, du moins les cbasses qui les contenaien!, afin d'etre sanctifies, obtenir une grace et exaucer un vreu. Cette pratique sera decrite un peu plus bas. La priere est donc la premiere pratique des pelerins, qu'elle soit individuelle ou collective, pendant une liturgie officie lle ou en dehors d'elle. Dans son journal, Egerie (1982 : 169) ne manque pas d'ecrire que dans chaque lieu saint qu'elle visitait, elle priait et accompagnait ses prieres d'une lecture de la Bible ou des textes hagiographiques evoquant Ie sanctuaire visite. D'ailleurs, la priere est la premiere motivation du pelerinage et sa pierre angulaire : on se rend dans un lieu saint pour prier, car Ie pelerin a la creance que la priere est plus exaucee en ce li eu consacre et destine. Au XVlIe sieele, Ie frere mineur Bernardin Surius (1666: 114) precise que la priere, ainsi que I'adoration du Saint Sacrement, les messes et les communions ont rythmc ses visites pieuses.

Le contact avec les re/iques

Le contact avec les reliques constitue une pratique marquante des pelerinages. Les premiers visiteurs des Iieux saints d'Orient ont tOllS cherch'; it toucher les reliques afin d'etre sanctifies par leur contact. En un premier temps, les reliques se trouvaient dans les tombes des martyrs, devant lesquelles les fideles s'agenouillaient, priaient, baissaient les U:tes, versaient des larmes n'hesitant pas a embrasser la sepulture, la toucher, voire a verser sur ell e un parfum ou it deposer un objet avec beaucoup de devotion. Dans un roman historique, intitule Les Deux Visages de Janus, Andre Bonnery historien de I'art, specialiste de I' Antiquite tardive, decrit minutieusement Ie contact avec les reliques, lors du jour anniversaire du martyre des deux apOtres Pierre et Paul it Rome au VIle siecle. On y lit: « Depuis l'entree de la basilique jusqu'a la confession de l'apOtre, la foule avan9ait en file, canalisee par des barrieres. De chaque cote se tenaient deux diacres qui veillaient a ce que les pelerins ne s'attardent pas troP devant Ie tombeau et, surtout, ne cbapardent pas un objet qu'ils pourraient emporter comme relique ; cependant, ils etaient autorises a deposer un morceau de tissu, qu ' ils pla9aient ensuite dans un coffiet achete au prealable. Certains, apres avoir prie devant la confession, s'approchaicnt des pretres, qui versaient un peu d'huile dans I'ampoule qu 'ils leur presentaient, puis il s laissaient une offrande dans une corbeille » (Bonnery 2008 : 153). Cette ecriture romanesque s'inspire largement de la

Chronos It' 21 - 2010 84 MARLENE KANAAN realite historique. Les Chroniques de Michelle Syrien rapportent par exemple que la mere du patriarche d'Antioche Athanase, lorsqu'elle visitait les martyria, elle essuyait les chilsses reliquaires de son voile. Une fois rentree chez elle, elle etendait Ie voile sur la tete de ses enfants (Maraval1985 : 222). Les pieux pelerins faisaient de meme au martyrium de saint Leonce de Tripoli," considere a partir du VIe siec1e comme Ie centre de pelerinage Ie plus important de la Phenicie cotiere selon Severe d' Antioche. Certains parmi eux n'hesitaient pas a laisser des inscriptions, tels les noms ou les invocations sur Ie reliquaire lui-meme ou a proximite, une maniere d'attester leur pelerinage et de perpetuer leur presence. Dans certains sites, on buvait {'eall des sources proches et on en enduisait tout son corps ... Au XVlle siec1e, Ie franciscain Bernardin Sudus (1666 : 341) lars de son pelerinage !! Saydnaya, releva qU'une mamelle placee a cote de l'icone miraculeuse, distillait de l'huile, de laquelle I'abbesse du cloitre oignait les yeux des visiteurs. Certes, ces pratiques sont d'ordre materiel, mais elles attestent I'importance du contact physique qU'eprouvaient les pelerins avec Ie sacre.

Les dons d 'orgent et les offrandes votives

Les dons d'argent et les offrandes votives constituent aussi une pratique habituelle lors des pelerinages. lis consistent a donner des aumones aux necessiteux, et par exemple aceux assis, aux dires de Severe d'Antiochc, sur Ie chemin du sanctuaire de saint Leonce (Duval, Briere et Gramn 1970 : 573). Plusieurs rccits parlent de riches pelerins qui distribuent eux-memes de ['argent au Ie font distribuer par les personnes chargees de I'administration du lieu saint visite. Gerontius, Ie biographe de sainte Melanie la Jeune, nous apprend qu' !! Jerusalem, elle avait fait distribuer, par ceux qui etaient charges d'aider les pauvres, I'or qui lui etait reste (Gerontius 1962 : 35). Ce don d'argent per9u par certains cornme un acte de penitence, s'accompagnait parfois de dons importants aux sanctuaires eux-memes. Les pclerins de rang social "leve n'hcsitaient pas a offrir des bijoux au des terres, d'oi! les importants domaines fanciers de plusieurs sanctuaires, creant ainsi Ie noyau de ce qui sera appele plus tard les waq[. Parmi les offrandes, les ex-voto occupent une place particuliere. II s'agit de temoignages de reconnaissance offerts par les pelerins pour les faveurs obtenues.

U Passio et Miral'uia Leolltii (Peeters 1910 : 337). Voir aussi Garitte 1968 : 439 et Fiey 1982 : 77-98. PELERINAGES ET SANCllJAIRES CHRETIENS 8S

Les ex-voto peuvent etre des objets pn\cieux : icones, fresques, mosa"iques, lames d'or au d'argent sur lesquelles se trouve grave Ie recit de la faveur obtenue, par exemple une guerison au un pardon des peches ... Us comportent taus Ie nom du pelerin qui les offre. Hyppolite Delehaye rapporte dans son etude sur Les Saints Stylites" qu 'un pelerin libere par Daniel 1e Stylite d'une possession demoniaque, offht une icone d'argent Ie representant avec sa famille aupres du saint. On pourrait mcme considercr les « graffiti» ou les inscriptions gravees sur certains murs au objets it proximitc des lieux saints cammc appartcnant aux ex-vato.

L'incubation

11 serait interessant d'cvoquer ici une pratique fort observee dans certains heux de pelerinages a savoir l'incubation. Son but est tres souvent curatif. Elle consiste avenir s'installer dans un sanctuaire et it y caucher dans I'espoir d'obtenir en reve et durant Ie sommeil Ie vreu demand". Elle fut pratiquee generalement par des malades desireux d'obtenir une guerison. On sait par exemple qu'a saint Leonce de Tripoli, 1'incubation fut bien pratiquee (Garitte 1986 ; Fiey 1982). Certains lieux saints vont devenir particulierement celebres par les guerisons qui s'y accomplissaient. Je mentionne a titre indicatif Ie sanctuaire des deux saints anargyres C6me-et­ Damien a Constantinople et celui de sainte Theele de Seleucie ... Sans m'adonner davantage it 1'evocation des divers rites et pratique. des pelerins, man propos se concentrera dans sa demiere partie sur la presentation de quelques lieux de pclerinages secondaires qui etaient au sont encore au Proche-Orient veneres et visites par la population locale ou lointaine. Ces lieux saints ont sou vent connus un long passe, certains peuvent recouvrir les restes de religions supplantees, mais ant acquis dans Ie christianisme une individualite nouvelle; d'autres sont nes directement de la tradition chretienne. En l'absence des fouilles archeologiques, quelques lieux sont connus uniquement d'apres les sources historiques qui nous fournissent pourtant des renseignements touchant leur origine, temoignant de la consideration qu'its connurent alors ct des traditions qui s'y rattacherent.

19 Etude publiee en 1923 a Bruxelles, reprise en 1925 in Analecta Dol/aI/diana, 43, p. 58.

Chronos n° 21 - 2010 86 MARLENE KANAAN

De quelques lieux saints secondaires du Proche-Orient

L'appel1ation « lieux saints secondaires » renvoie leI aux sites, sanctuaires au eglises que les fideles, se rendant en Palestine, visitaient sur leur passage, a I'allee au au retour, et qui se trouvaient sur leur itineraire Proche-Oriental ou a proximite. II s'agit des tombeaux de martyrs, des lieux de residences de saints personnages au d'apparition mariale etc., nombreux dans cctte region christianisee des les origines et dont la visite ne constituait pas I' objectif principal du pelerinage. Dans Ie cas particulier de deux pays du Proche-Orient, Ie Liban ou la Phenicie cotiere et la Syrie, les documents semblent tres peu nombreux pour permettre d'etablir I'inventaire precis de tous ces lieux pendant l'Antiquite tardive en passant par Ie Moyen Age et jusqu'au XVIle sieclc. Le Liban et la Syne, terres appartenant a la geographie sacree du christianisme, possedent quelques sites evidemment moins prestigieux que ceux de la Palestine, mais qui inaugufent en quelque sorte la terre sainte, constituant ainsi un passage oblige pour tous les pelerins qui se rendaient en Palestine. Le Liban, vi site par Ie Christ lui-meme, offre aux pelerins traversant Ie patriarcat d' Antioche ou Ie diocese civil d'Orient quelques sites avisiter. 1e me limiterai a presenter les heux les plus frequentes de ces deux regions.

Lieux saints secondaires de fa Phenicie cotiere

- Saint Leonce de Tripoli

Situ" sur Ie littoral du Liban-Nord, Tripoli est connu pour Ie martyrium d'un saint local, Leonce, considere a partir du VIe siecle comme Ie centre de pelerinage Ie plus important de la Phenicie cotiere selon Ie temoignage de Severe d' Antioche (Duval, Briere et Graffin 1970 : 564-565), et dont la construction est attribuee it un certain Maurus, fonctionnairc. Le Dictionnaire d'Archeologie Chretienne ef de Lifurgie (col. 65-175) nous apprend que I'empereur lustinien fit elever a Tripoli une belle eglise dediee a saint Leonce. Ce martyrium aurait ete construit sur I'emplacement d'un temple palen d'apres une passion syriaque du saint (Peeters 1910). Entoure d'un monastere et d'un lieu d'hebergement, on y pratiquait l'incubation. Des guerisons furent obtenues et des Ie .VIe siecle son renom 6tait devenu 81 celebre qu'il serait possible de Ie comparer a Lourdes actuellement. PELERINAGES ET SANcruAlRES CHRETIENS 87

Dans un article publi" en 1982 et qui rassemble les donnees connues sur ce sanctuaire, Ie pere Jean-Maurice Fiey (1982 : 77-98) s'efforce de localiser Ie site de ce martyrium et propose I'emplacement actuel du couvent de Mar Doumit a 6 kIn du port de Tripoli. Saint Leonce etait un passage oblige a tous les pelerins qui gagnaient Jerusalem par la route cotiere et aux marins lors de leurs escales. On connait aussi a Tripoli au Vie siecle Ie tombeau de saint Publius pres de la grande cglise ct celui de sainte Panolbia-Christophora.

- L'eglise Saint-Sauveur de Beyrouth

Situ"e probab lement sur I'emplacement de I'actuelle mosquee du Serail, cette fameuse eglise visitee a partir du Ve siecle par tous les pelerins qui passaient par la ville, etait a l'origine une synagogue. On raconte qu'elle fut Ie lieu d'un miracle sur une icone du Crucifix. La tradition veut que des juifs iconoclastes y tTouvant une icone du Christ peinte par , avai ent crache des injures au visage di vin represente et s'etaient appliques a percer les pieds et les mains du Christ avec des c10us de fer, lui donnant meme un coup de lance dans Ie cot6 droit. A I'instant, du sang en grande abondance sortit des plaies, guerissant toutes sortes de maladies. La tradition rapporte aussi que par ce fait miraculeux, tous les juifs se convertircnt ala foi du Christ et furent baptises par I' eveque de la ville. Cette histoire rapportee par Athanase eveque d' Alexandrie, precise que ce sang fut envoy" par tout l'Orient et l'Occident. Cette eglise fut egalemen! citee dans les actes du concile de Nicee II en 787, dans un recit syriaque de Zacharie et dans plusieurs sources medievales ou des pelerins, entre autres russes et germaniques, disent avoir vu l'icone (Surius 1666 : 270-271 ; De Khitrowo 1889 : 54-55). A partir du XVe siecle, les eglises de Beyrouth ainsi que les lieux rattaches a l'hi stoire du saint et megalo-martyr Georges, vont devenir a leur tour un lieu de visite pour les differents pelerins (Kanaan 2008).

- Le martyrium de saint Phocas de Sidon

Atteste au Ve siecle, Sidon abritait Ie martyrium de saint Phocas (Gerontius 1962: 242-243; Marava11985 : 333) quejouxtait une hOtellerie.

Chronos If 21 - 2010 88 MARLENE KANAAN

On Ie tenait pour I' habitation de Ia Canam\enne de I'Evangile30 qui tomba it genoux devant Jesus, Ie priant d' intervenir pour la sante de sa fille possedee par Ie diable. Certains pelerins mentionnent, a un mille hors la ville, une eglise transformee en mosquee oil. se voit Ie sepulere de Zabulon, fils du patriarche biblique Jacob et prince des douze lignees d'Israel, devant leque! on entretenait une lampe ardente pendant que les pelerins, toutes religions con fondues, y faisaient leurs prieres (Surius 1666 : 117).

- L'eglise du prophete Elie de Sarepta

Cette localite du Liban-Sud est marquee par Ie souvenir du prophete Elie qui y vint loger chez une veuve en un temps de famine." L'episode est mentionne par Ie pelerin de Bordeaux et par saint Jerome des Ie IVe siecle (Geyer et Cuntz 1965: 583 , 13). Une eglise Ie commemora au VIe siede. On montrait aux pelerins la chamhrc du prophete, sa couche, Ie vase de marbre ou la femme fit lever Ia pate. Ce site etait tn,s frt\quente par Ies fideles, ou s'accomplissaient plusieurs miracles et se faisaient beaucoup d'offrandes. 32

Lieux saints secondaires des provinces de fa Syrie

Si I'on prend les routes de l'interieur dcs provinces de la Syrie, plusieurs lieux sainls de celte region de forte implantation chreticnne el monastique attiraient les nombreux pelerins qui se rendaient au revenaient de Jerusalem. Je presenterai dans Ie cadre de ce travail trois sites, a savoir Ia basilique de saint Symeon au nord d'Alep, Ie couvent de la Nalivite de Ia Vierge a Saydnaya et finalement Ie sanctuaire de saint Serge au Sergiopolis a Resapha.

- La basilique de saint Symeon, dite Qalaat Semaan

seton I 'Histoire des moines de Syrie de Theodoret de Cyr (1979 : 158- 223), it Telanissos, dans Ia proximite d'Antioche, Symeon Ie stylitc s'installa

JO Matthieu 15,27.

)1 I Rois, 17,8. l1 Dictionnaire d'Arche%gie Chn!tienne el de Liturgie, op. cit. PELE RrNAGES ET SANCTUAIRES CHRirrIENS 89 au debut du Ve sieele, en 416 plus precisement, au sommet d'une colonne (Maraval 1985 : 342-345). Lorsque ce moine ascete s 'etablit sur cette colline qui domine Telanissos, Ie village n'etait qu'un modeste lieu, situe Ie long de la route d' Aparnee a Cyr. Symeon y mena une vie eremitique d'abord en plein air, ensuite a I'interieur d'un enclos puis sur un rocher. Vers 41 7, Ie moine monta sur sa premiere colonne de 2,50 m, puis sur la deuxieme de 9 m, pour finalement s'etablir sur sa troisi"me colonne de 16 m OU il restera de 430 jusqu'a sa mort en 459 selon la reconstruction de la biographie du saint par A. J. Festugiere (1959). Cette progressive ascension s'accompagna d'une affiuence croissante de vi siteurs. Theodoret de Cyr nota qu 'elle avait commence avant meme que Ie saint ne filt monte sur sa premiere colonne. n est fort probable que cette affiuence des pelerins fut a l'origine de I'ascension progressive du saint, une maniere de fuir les gens et de se derober a leur curiosite grandissante, bien que la renommee du saint rut d'abord locale! Mais biento! les visiteurs vont affiuer de partout : des regions situees a plusieurs jours de voyage, puis d' Asie Mineure, de Constantinople, de Jerusalem, d'Egypte et de l'Occident. .. Cet affiux posa probleme et les moines vivant aupres du saint tenterent des solutions : un mur de cloture fut bati autour de la mandra du saint, assez haut pour empecher que de l'exterieur on voie Ie stylite. Cet enclos fut precede d'une petite cour qui fai sait office de vestibule: il faHait donc etre introduit aupres du saint. Dans son Histoire ecc/esiastique" , Evagre nous apprend que les femmes etaient exclues de la visite et que la mandra n'etait accessible qu'a certaines heures. A sa mort, Ie corps de Symeon fut transporte sous escorte militaire a Antioche, « vi He de Dieu » ; mais Ie pelerinage continua aupnls de la relique restee sur place, au lieu meme de son ermitage, je veux dire la colonne. Autour de ceHe-ci, on ectifia, au prix de travaux considerables, entre 476 et 490, un tres grand sanctuaire, Ie plus vaste de la region a cette epoque" : il s'agit d'un martyrium crucifonne entourant la colonne dressee au centre d'une vaste basilique octogone de 28 m de diametre forme de huit grands arcs; quatre d'entre eux donnant acces a quatre basiliques a trois nefs, quatre a des absidioles." La basilique orientale destinee a la liturgie eucbaristique fut la plus longue et comporta trois absides. Au sommet de la colline se trouvaient egalement un grand couvent et des hoteHeries. Ce site passa aux

J) Evagre 1898. J, 14 (traduction rran~ aisc de Festugiere 1975 : 187-488). 14 Dictionnaire d'Archeologie Chretienne et de Liturgie, op. cit., tome XV, col. 1855- 1942. 3l Le site de Qalaat Semaan a faill'objel de nombreuses etudes, nolamment Lassus 1947: 129- 132.

Chronos n ~ 21 - 2010 90 MARLENE KANAAN monophysites apres 517 el fut, pour un temps, I 'un des grands centres de pelerinage de I'Orient byzantin. Moins d'un siecle plus tard, Ie meme phenomene se reproduisit aupres d'un autre stylite, SYffil~on Ie Jeune." Mais c'est des Ie vivanl de celui-ci que I'on conslruisit aulour de sa colonne, situee au sammet du mont Admirable a I'est d' Antioche, un sanctuaire inspire de Qalaat Semaan el divers batiments deslines it recevoir des pelerins. Son sucees fut favoris" par la mainmise des monophysites sur Qalaat Semaan qui en eloigna les ehalcedoniens. L'histoire nous apprend que les eonllits issus du concile de Chalcedoine avaienl ete vecus tragiquement par les peterins : certains lieux saints avaient ete refuses aux chalcedoniens et rares etaient eeux qui re,urent les pelerins de toutes les confessions. Ces sanctuaires furent detruits au COUTS des siec1es par les catastrophes narurelles, les attaques des Perses et l'invasion musulmane, si bien que cette region fut entieremenl depeuplee et morte apres avoir ele un haut lieu de foi et de rayonnement spirituel. On raeonte qu 'au Ve siecle, sainte Genevieve de Paris fit porter son salut it. saint Symeon l' Ancien par des marchands syriens.

- Le couvenl de la Nativite de la Vierge it Saydnaya"

Dedie a la Nativite de la Vierge Marie, ce lieu de pelerinage situe dans un village antique perche sur les sommets de la chaine du Kalamoun it quelques kilometres au nord- est de Damas, riehe en vignobles18 et oliveraies, continue jusqu'it present a attirer les foules de pelerins. Ce couvenl, donI la conslruction esl attribuee par la Iradition soil a I'imperalrice Eudoxie au 5 '~ siecle; soit a I'empereur Justinien au VIe siecle, jouit d'une telle celebrile ­ les fideles et les pelerins ayanl ele favorises de lant de miracles insignes - qu'il est devenu un lieu de pelerinage eminemment frequente et un centre de prieres, de supplications et d'offrandes aussi venere que les grands sanctuaires de la Palestine. Appele par les vieux auteurs du Moyen Age, Notre-Dame de Sardenay au de la Roche, ee saneluaire marial etait considere

.l6 Pour I'histoirc de ce lieu, voir Van Den Yen 1962 ct 1970.

}7 Pour l'histoire de Saydnaya, voir Zayat 1950 et Zayat sd ; Collectif2007 : 116-147; Sheikho 1905: 461-467.

III Dans Ie recit de son voyage de Jerusalem, Ie frere mineur Bernardin Surius rapporte une legende concernant les vignobles de Saydnaya, selon laquelle NOt! planta dans cette localite le premier eep de vigne (Surius 1666 : 341). PELERINAGES ET SANLlUAIRES CHRETIENS 91 a I'egal des lieux saints de Jerusalem et de Bethleem. Les califes abbasides de Bagdad, ainsi que les sultans turcs de Constantinople, en accordant aux pelerins d'Europe I'autorisation de visiter les lieux saints, specifiaient dans leurs firmans les sanctuaires de Jerusalem, de Bethleem, de Nazareth et de Saydnaya." Ce sanctuaire abrite une icone miraculeuse de la Vierge honoree et visitee par les pelerins avec grande devotion dans la petite chapelle dite en arameen Shaghura ou Shiihura, qui signifie grotte, designant par Ia l'emplacement meme du sanctuaire. Une autre etymologie syriaque renvoie a une nouvelle signification: Shaghura qui veut dire I'illustre, la celebre ou la tres renommec. Les historiographes ne font pas I'unanimite quant a I'origine de I'icone. Certains pretendent qu'elle remonte a saint Luc I'evangeliste et qU'elle fut offerte par l'imperatrice Eudoxie, epouse de I'empereur Theodose II, a I'occasion de la construction de I'eglise du monastere. D'autres pensent que c'est la meme image sainte qui remit au VlIle sieele la main coupee a tort de saint Jean Damascene que Ie calife omeyyade, par la tromperie de l'empereur Leon l'lsaurien, lui avait fait couper.40 Mais avant de parler de l'icone miraculeuse, il serait interessant de comprendre les legendes et les traditions qui se rapportent a la construction du monastere Iui-meme. On racontc que Justinien premier, empereur de Byzance, allant aI' attaque des PeTSes, traversa un jour la Syric avec ses troupes. Arrives dans un desert, ils eprouverent I'urgent besom de prendre de l'eau non sculement pour eux, mais aussi pour leurs montures. Soudain, l'empereur aperl'ut une belle gazelle qu'il poursuivit pour la chasse. A un moment donne, elle s'arreta net sur une colline rocheuse et se dirigea vers une source d'cau douce. Sans laisser a l'empereur l'occasion de tirer, la gazelle se transfigura en icone de la Sainte Vierge et lui tend it la main en disant : « Tu ne m 'abattras pas, mais tu edifieras pour moi une eglise sur cette colline meme ». Aussitot, l'icone disparut. Effraye, lustinien rapporta la nouvelle a ses lieutenants et s'executa sur Ie champ en ordonnant l'etablissement rapide d'un plan pour l'eglise projetee. Mais comme les architectes du bataillon de genie n'arrivaient pas a se decider en faveur de l'un des plans etablis, la Vierge-gazelle reapparut a l'empereur dans son reve et lui dessina un plan. Ce fut ce plan meme, dit-on, qui avait ete retenu el

n Dans son livre Masiilik al- Absiir, Shihab a1- Din al 'Umar'i (2003) evoquc Saydnaya parmi les lieux de pelerinages autoriscs a la visite. YaqUt al- Hamawi (1977) mentionne egalement Saydnaya dans son M 'ujam 01- Ruldan. <0 Je renvoie a la polcmique qui a surgi entre iconophiles et iconodastes.

Chronos na 21 - 20]0 92 MARLENE KANAAN

execute alliant it sa grandeur toute sa beaute byzantine (Helena Tanios 1895 : 8). Une autre version rapportee par un peierin prenomme Thetmari qui visita Ie COlivent en 1217,41 attribue sa construction a une noble dame damascene, qui decida durant la periode byzantine d'embrasser la vie religieuse et de prendre I'habit monastique. Choisissant l'emplacement actuel de Saydnaya, elle y construisit un petit sanctuaire dont Ia premiere vocation fut d'assister les peterins qui se dirigeaient vers la terre sainte. Cette version est confirmee par la Grande Chronique de Mathieu Paris (Paris 1840-1841 (reCd. 2006) : 358-365). Saydnaya tient Ie second rang, apres Jerusalem, panni Ies Iieux saints Ies plus visites au Proche-Orient chretien. Sa renommee grandissait, au fur et a mesure que Ia Vierge Marie y prodiguait des miracles a tout Ie mQnde sans distinction aucune quant a la race au a I'appartenance religieuse. Et c'est justement pour visiter Ia Shiighurii que Ies pelerins affluent en grand nombre et de toutes parts afin de pouvoir se prostemer devant I'icone de la Vierge et implorer ses graces. Quant a Picone miraculeuse, ene fut introduite au monastere, ct toujours selon Ia tradition, bien Iongtemps apres sa construction. On rapporte aussi qu'un moine etranger, probablement d'origine grecque, allant a Jerusalem hebergea une nuit au monastere. A son depart, Ia prieure du couvent Ie chargea de lui ramener de Ia terre sainte une belle icone de Ia Vierge Marie. Arrive en Palestine, Ie moine s'executa fidelement. Mais sur son chemin de retour, il fut attaque avec tout Ie convoi qui l'accompagnait, d'abord par Ies betes feroces, ensuite par les bandits. Face au danger, Ie moine invoqua I'aide de la Vierge dont il portait 1'icone . Celle-ci lui prodigua sa puissante protection. Poursuivant sa route, Ie moine emprunta de nouveau Ie chemin de Saydnaya en possession de I' icone miraculeuse. II demanda une deuxieme fois l'hebergement a la prieure en s'excusant de n'avoir pas pu acheter l'icone promise. Mais Ie Iendemain matin, Iorsqu'il voulut quitter Ie monastere pour reprendre son voyage en direction de son pays natal, une force invisible Ie retint. .. Apres plusieurs tentatives inutiles, il remit la peinture religieuse a la superieure en lui avouant qu 'il etait irrevocablement decide a la garder pour lui, tellement elle lui avait Me bienfaitrice et miraculeuse. Le recollect de Ia terre sainte, Ie franciscain Surius observe dans son journal de pelerinage au XVIIe siecle, qu' une mamelle de cette

~I Epistola Magistiri Thelmari, in Memoires de l'Academie Royale de Belgique, (1851), tome XXVI, pp. 26-28, cite dans Zayyat sd : 64. PELERINAGES ET SANCTUAIRES CHIU:TIENS 93 image distille de I'huile, de laquelle, une abbesse du cloltre, oint les yeux des pelerins (SUfius 1666 : 317). Pour ce qui est des terrasses et domes du monastere, la tradition nOUS rapporte "galement nombreux miracles semblables a ceux qu' on Iisait et entendait a propos des tours de Constantinople, lorsqu'on y celebrait des processions et adorations pendant Ies guerres, les epidemics et les autres catastrophes qui assaillaient les chretiens de Byzance autrefois.

- Le sanctuaire de Resapha ou Sergiopolis

Cette localite mentionnee par Ia Bible sous Ie nom de Recef" ou 'P'l"'l

4) 2 Rois, 19,12. u Halkin 1959. Repris in Analecta Bollandiana. 1895, 14 : 394.

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Conclusion

Pour conclure, j'ai voulu it travers cette etude marquer l'importance du phenomene du pelerinage au Proche-Orient. Cette pratique qui a vu Ie jour aux premiers siecles du christianisme primitif et qui depuis ne s'cst pas arretee, meme lorsque les lieux saints chretiens sont tombes SOllS Ie pouvoir des Arabes musulmans. 1'ai voulu aussi attirer I'attention sur quelques lieux saints oublies, paree que secondaires, par rapport a ceux de la Palestine, qui a eclipse leur gloire, alors qu ' ils furcnt Ie theatre de miracles insignes. D'ailleurs, certains parmi cux, en l'occurrence Saydnaya, continuentjusqu'a present a voir affluer les pelerins, talltes appartenances confondues. Aussi, il me semble interessant de souligner Ie retentissement de cette pratique millenaire, sur Ie plan liturgique, monastique, artistique ct Htteraire. Ce qui a favorise un dialogue et un croisement des civilisations non seulement sur Ie plan religieux, mais egalement sur celui de la culture. L'etude de ce retentisscment fera immanquablement I'objet d'unc recherche ulterieure.

Mai 2009 PELERlNAGES ET SANCruAIRES CHRETIENS 95

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