Il Était Une Fois Leicester
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0123 4 | Samedi 30 janvier 2016 | SPORT & FORME | REPORTAGE Il était une fois Leicester... f o o t b a l l Au bord de la faillite en 2002, proche de la relégation en 2015, le modeste club des Midlands est le leader de la Premier League éric albert Français, de parents maliens, jouait en core pour Caen en Ligue 1, la saison der Leicester (RoyaumeUni), envoyé spécial nière. Son jeu, combiné à la pointe de vi ans leur petit stade tesse de Vardy, qui a été flashé à 35 km/h, sans prétention de fait des ravages. 32 000 places, les Au point qu’après vingttrois journées, supporteurs de Lei Leicester City constitue l’une des plus cester ont l’impres grosses surprises de l’histoire moderne sion de rêver les du football anglais. Echappant de justesse yeux ouverts. Ils à la relégation l’an dernier, les « Foxes » pensaient que le joli (les « Renards », car après la seconde conte ne survivrait pas à Noël. A la stupé guerre mondiale, leur président était un Dfaction de l’Angleterre et pour leur plus adepte de la chasse à courre) devancent grand bonheur, leur équipe a repris les désormais les clubs du Big Five : ils ont rênes de la Premier League après son trois points d’avance sur Manchester City succès, samedi 23 janvier, face à Stoke et Arsenal, dix sur Manchester United, City (30). « C’est vraiment une sensation treize sur Liverpool et dixneuf sur Chel étrange, sourit Gerard Glenton, un fan sea, futur adversaire du PSG en 8e de finale qui a assisté à son premier match de de la Ligue des champions le 16 février. Leicester City en 1971. Personne n’ose vrai Il faut se pincer pour croire à l’incroya ment y croire. » « Je pense toujours que ça ble conte de fées de cette équipe des ne peut pas continuer. Mais maintenant, Midlands et de ses trois joueurs ve nous sommes des prétendants au titre », dettes. « Je ne connais aucun précédent ajoute Ian Pason, le président du club des d’une progression aussi rapide », souli supporteurs les Foxes Trust, jusqu’ici plu gne Matt Taylor, du Centre international âgeuse de 330 000 habitants, située à quand les Foxes ont terminé quatre sai tôt habitué à voir ses « Blues » se débattre pour l’histoire du sport, à l’université de une heure de route de Birmingham, sons de suite dans la première moitié de dans les tréfonds du classement. Montford, basé à Leicester. l’idée semble complètement saugrenue. la Premier League. Imaginez. Il y a sept ans, Leicester City Février pourrait toutefois être un tour La cité n’est même pas vraiment pas Reste que personne n’a jamais cru à un évoluait en League One, la troisième nant. Le club joue trois matchs consécu sionnée de football. Au cœur du quartier exploit comparable à celui d’aujour division anglaise. A la même époque, tifs très difficiles. Il reçoit Liverpool le piétonnier, à proximité de la cathédrale d’hui. Si le rêve était interdit, le cauche Jamie Vardy jouait pour Stocksbridge mardi 2, avant de se déplacer à Manches gothique où repose Richard III, une sta mar en revanche n’était jamais bien loin. Park Steels, une équipe de huitième divi ter City et à Arsenal. Même Claudio Ra tue rappelle que les fidélités y sont divi En 2002, la chaîne de télévision ITV re sion. Alors âgé de 22 ans, le buteur ga nieri, le très débonnaire entraîneur de sées entre trois sports : football, rugby et tire son engagement financier pour dif gnait… 50 euros par semaine pour taper Leicester City, avec ses allures de gentil cricket. Elle représente un joueur de fuser des matchs de Premier League. dans un ballon. Deux ans plus tard, en chacune des trois disciplines, célébrant Dans le même temps, le club décide de France, dans la même indifférence gé l’exceptionnelle cuvée 1996. construire un nouveau stade, quittant nérale, Riyad Mahrez jouait à Sarcelles, Cette annéelà, les Tigers (rugby) son terrain historique de Filbert Street. et N’Golo Kanté évoluait avec Suresnes, Créé en 1884, Leicester City avaient remporté la Coupe Pilkington Couvert de dettes, Leicester City est forcé en banlieue parisienne. (tournoi entre les équipes anglaises et de déposer le bilan. Accompagné de l’ex En 2016, Leicester City est leader de la était un de ces clubs galloises), les joueurs de cricket s’étaient star Gary Lineker, aujourd’hui présenta Premier League et Jamie Vardy, son im imposés lors du championnat des com teur vedette de la BBC, Ian Pason, des probable révélation, meilleur buteur du apparemment condamnés tés (équivalent de la première division), Foxes Trust, est allé au centre du terrain championnat, avec déjà seize réalisa et Leicester City avait empoché la Coupe avant un coup d’envoi pour lancer aux tions. En marquant lors de onze matchs à osciller entre la première de la Ligue, la moins prestigieuse des supporteurs un appel aux dons de la der successifs, il a même inventé un nouveau deux Coupes d’Angleterre. Et depuis, le nière chance. Entre les donations et les record. A ses côtés, Riyad Mahrez, avec et la deuxième division nom de Leicester restait surtout associé à investisseurs privés, 8,5 millions d’euros son pied gauche magique et ses dribbles son équipe de rugby, double championne ont été rassemblés. « C’était assez, mais ravageurs, a déjà fait trembler les filets à d’Europe en 2001 et 2002, et qui affron d’extrême justesse », rappelle le patron du treize reprises. Le FrancoAlgérien, né en grandpère et son accent italien chan tera en avril le Stade français en quarts de club de supporteurs. Il s’en est fallu de France en février 1991, qui a porté les tant, semble commencer à y croire. finale de la Champions Cup. peu que le club ne disparaisse. couleurs du Havre en Ligue 2, a imposé « C’était important de terminer janvier en Créé en 1884, Leicester City était un de La décennie suivante a été une série de son imagination et sa vivacité : un petit tête. Février va être très dur. Mais c’est ces clubs apparemment condamnés à déceptions : une revente pour un pont dans la surface contre Stoke City le bien, nous sommes prêts. » Et lui qui rela osciller entre la première et la deuxième dixième du prix à un investisseur serbo 23 janvier, menant au troisième but, en tivise en permanence les chances de son division. L’historien du club, John Hut américain controversé, Milan Manda est la dernière illustration. équipe, comme lorsqu’il donnait le chison, souligne quand même trois âges ric ; une relégation en deuxième puis en Last but not least, N’Golo Kanté, du haut change au PSG avec Monaco entre 2012 d’or : les années 1920, quand le club avait troisième division, avant de remonter de son 1,69 m, réalise un travail prodi et 2014, ajoute, sibyllin : « C’est important terminé deuxième du championnat en deuxième. gieux en milieu défensif, récupérant les de laisser les supporteurs rêver. » en 1929 ; les années 1960, avec trois fina Et puis, en 2010, un don du ciel. Il porte ballons par dizaines et lançant les contre Alors, Leicester City, champion d’An les – perdues – de la FA Cup (la Coupe le nom à rallonge de Vichai Srivaddha attaques éclairs de ses coéquipiers. Le gleterre ? Dans cette petite ville moyen d’Angleterre) ; la fin des années 1990, naprabha. Le tycoon thaïlandais, alors 0123 REPORTAGE | SPORT & FORME | Samedi 30 janvier 2016 | 5 Leonardo Ulloa, à Leicester, après son but face à Norwich, le 3 octobre 2015. MICHAEL ZEMANEK/BPI/ ICON SPORT Une Premier League complètement folle ette saison est tellement renforcer l’année prochaine. imprévisible que l’on A partir de la saison 20162017, C doit juste se focaliser sur les droits de retransmission nousmêmes et essayer de bien de la Premier League, négociés jouer au match suivant. » C’est en 2015, vont faire un bond Arsène Wenger, le manageur de 71 %. « L’écart entre les clubs d’Arsenal, le dauphin du anglais et le reste de l’Europe surprenant Leicester, qui l’a va encore s’agrandir », note constaté, un peu avant Noël. Paul Rawnsley. Des équipes Leicester City en tête de la Pre comme Leicester, West Ham mier League ; Chelsea, cham ou Stoke City (9e) vont donc pion en titre, à la 13e place : pouvoir s’offrir des joueurs de le championnat anglais connaît très haut niveau. en effet une saison complète L’explication n’est cependant ment folle. Outre la singulière qu’à moitié convaincante. La trajectoire de ces deux clubs, relativement bonne répartition il a été ponctué de résultats des droits n’a pas empêché défiant tous les pronostics. jusqu’à présent la domination West Ham (actuellement 6e) a du Big Five. battu Arsenal, Manchester City Une deuxième raison est à et Liverpool. Bournemouth chercher du côté du fairplay (16e) a fait chuter Manchester financier (FPF), une règle fixée United et Chelsea. Que se pas par l’UEFA, qui impose aux clubs setil au royaume du football ? de ne plus dépenser plus qu’ils La Premier League est tradi ne gagnent. Une mesure qui tionnellement dominée par les limite – un peu – la capacité des cinq mêmes équipes, le Big milliardaires à « acheter » le titre Five, qui ont remporté le cham à coups de joueurs hors de prix. pionnat à tour de rôle depuis Mais là encore, l’explication est la saison 19971998 : Arsenal, insuffisante. Les nouvelles règles Chelsea, Liverpool, Manchester financières ont l’inconvénient City et Manchester United.