Claudio Monteverdi : Vespro Della Beata Vergine
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André Larquié président Brigitte Marger directeur général Claudio Monteverdi - Vespro della Beata Vergine jeudi 10 Claudio Monteverdi En septembre 1610, l’éditeur vénitien Ricciardo et samedi 12 mai - 20h Claudio Monteverdi Vespro della Beata Vergine Amadino sortait de ses presses le deuxième recueil de salle des concerts Vespro della Beata Vergine (1610) musique sacrée réalisé par Claudio Monteverdi Responsorium : Domine ad adiuvandum (Crémone 1567 - Venise 1643). Le musicien avait Psalmus 109 : Dixit Dominus publié son premier recueil en 1582 (il avait tout juste Concerto : Nigra sum quinze ans), et depuis, n’avait jamais cessé d’écrire Psalmus 112 : Laudate pueri pour l’Église. En effet, en 1590, il était entré au service Concerto : Pulchra es de Vincenzo Gonzaga, le duc de Mantoue, qui lui Psalmus 121 : Laetatus sum avait confié en 1602 la charge de Maestro di Capella Concerto : Duo Seraphim della Camera e della Chiesa : une charge écrasante, Psalmus 126 : Nisi Dominus que le compositeur jugeait mal rétribuée et qui l’in- durée : 45 minutes cita, dès 1608, à se tourner vers d’autres horizons. À l'automne 1610, il se rendit à Rome auprès du pape entracte Paul V Borghese avec l'espoir que ce dernier accorde une bourse à son fils Francesco pour venir étudier Concerto : Audi Cœlum au séminaire du Vatican. Sans doute espérait-il éga- Psalmus 147 : Lauda Jerusalem lement une nouvelle charge pour lui-même. Tous ses Sonata sopra Sancta Maria espoirs furent déçus : la bourse et la charge ne furent Hymnus : Ave maris stella jamais accordées, et Monteverdi ne put quitter les Canticum : Magnificat Gonzague qu’en 1612, avant d’être nommé en 1613 durée : 50 minutes maître de chapelle de Saint-Marc de Venise. durée du concert : 1 heure 55 entre art, religion et Pour appuyer sa requête romaine, Monteverdi avait politique dédié au pape son nouveau recueil de musique reli- Jordi Savall, direction gieuse, comprenant une messe polyphonique à six La Capella Reial de Catalunya : voix (la Missa in illo Tempore) et quatorze compositions Elisabetta Tiso, Monica Piccinini, pour les vêpres (le Vespro della Beata Vergine). La Lia Serafini, sopranos dimension politique de cette édition est frappante, Carlos Mena, contre-ténor puisqu’elle suit très fidèlement les préceptes de la Lambert Climent, Lluis Vilamajo, Contre-Réforme catholique (dont Paul V était l’un des Francesc Garrigosa, ténors plus ardents promoteurs). Tout d’abord, la taille des Furio Zanasi, baryton caractères sur le frontispice met l’accent sur la des- Antonio Abete, Daniele Carnovich, basses tination mariale de ces compositions (SANCTISSI- Chœur de La Capella Reial de Catalunya MAE/ VIRGINI/ missa senis vocibus...), comme une Hespèrion XXI véritable profession de foi. De plus, cette Missa di sei voci di studio e di fatica grande (ainsi que la décrivit La Capella Reial de Catalunya bénéficie du soutien de la Generalitat Monteverdi dans une lettre) suit fidèlement les prin- de Catalunya qui s’applique en particulier à ce concert. cipes d’écriture du stile antico palestrinien et exploite en contrepoint canonique dix « fugues » (motifs) Le concert du 10 mai est enregistré par Radio Classique. empruntées à un motet de Gombert, l’un des musi- notes de programme | 3 Claudio Monteverdi - Vespro della Beata Vergine Claudio Monteverdi - Vespro della Beata Vergine ciens de Charles Quint. Le Vespro honore tout autant son recueil comme une anthologie où les musiciens les préceptes de la Contre-Réforme : le traitement « des églises et des chapelles princières » (ainsi que des textes dans chacune des pièces est très res- le rappelle le frontispice) pouvaient puiser à leur guise, pectueux des usages et des convenances liturgiques, suivant les nécessités des multiples offices vespé- ce qui ne sera plus le cas dans les psaumes véni- raux. Rappelons enfin que l’ultime recueil de musique tiens de la Selva Morale publiée en 1640. Par ailleurs, sacrée publié par Monteverdi, la monumentale Selva les fastes musicaux déployés ne viennent plus seu- Morale (1640) et le recueil posthume de 1650 adop- lement illustrer le dogme, comme dans la messe, tent un plan éditorial assez proche de celui du recueil mais doivent également édifier le fidèle par l’émotion de 1610, ce qui pourrait étayer une telle idée. consciemment suscitée et par la séduction sonore. Cependant si la Missa in Illo tempore est une œuvre un dispositif polychoral L'édition originale de 1610 est une collection de sept d’une unité et d’une cohérence stylistique extraordi- manifeste volumes séparés où sont disséminées toutes les par- naires, le Vespro surprend par son apparence hété- ties vocales et instrumentales, auxquelles s’ajoute roclite et suscite de nombreuses interrogations. Tout une partie de « bassus generalis » spécifiquement d’abord, les pièces qui le constituent font appel à des destinée à l'orgue (précisant jusqu’à sa registration effectifs vocaux et instrumentaux sans cesse renou- dans le Magnificat). Ces parties séparées sont en fait velés, opposant divers styles d’écriture, et mêlant organisées en deux groupes de quatre et trois livres, hardiment tradition et modernité. De plus, la destina- permettant une exécution spatialisée en double- tion liturgique et la nature même de cet ensemble de chœur, et mettant en évidence l'écriture antiphonée pièces paraissent peu claires. explicite de la composition montéverdienne. Il est assez certain que l'œuvre a été originellement exé- énigmes et évidences Certes, le Vespro propose les cinq psaumes, l'hymne cutée à la chapelle de la cour de Mantoue par un et le Magnificat (dont il offre même deux versions) ensemble de chanteurs et d'instruments solistes : en indispensables à l'élaboration d'un office de vêpres témoigne, outre les documents d’archives (pas plus pouvant correspondre à l’une des sept fêtes mariales de cinq ou six chanteurs étaient appointés pour cette de l'année liturgique. Cependant, cinq pièces ne trou- chapelle), l'écriture très virtuose des voix et des ins- vent pas leur place dans ces offices : Nigra sum, truments, en particulier dans le Dixit Dominus, le Pulchra es, Duo Serafim, Audi Coelum et la Sonata Laudate Pueri (a 8 voci sole nel organo) et le Laetatus. sopra Sancta Maria. Sans doute ces concerti sacri Cependant, les plus importantes institutions musi- étaient-ils destinés à remplacer la reprise des cales italiennes – telle la chapelle Saint-Marc de antiennes grégoriennes après les psaumes, suivant un Venise – engageaient, pour les occasions solennelles, usage courant à cette époque. Le Duo Serafim (qui est un nombre important de chanteurs supplémentaires. un chant de dévotion pour la Sainte Trinité) a pu faire Le Nisi Dominus, le Lauda Jerusalem et certains pas- penser que le Vespro aurait été composé pour la fête sages du Magnificat se prêtent volontiers à une exé- de Sainte-Barbe (à qui est dédiée l'église palatine de cution avec des capellae étoffées, suivant le dispositif Mantoue), vierge qui fut martyrisée pour sa foi en la que Heinrich Schütz a décrit dans la préface de ses Trinité. Cette hypothèse n'a rien de définitif, et la lon- Psaumes de David (1619) : gueur exceptionnelle du Vespro (dépassant large- ment les cadres liturgiques traditionnels) laisse « Il faut bien distinguer les cori favoriti (solistes) des capel- également supposer que Monteverdi aurait conçu lae (chœurs). Les cori favoriti sont les parties que le maître 4| cité de la musique notes de programme | 5 Claudio Monteverdi - Vespro della Beata Vergine Claudio Monteverdi - Vespro della Beata Vergine de chapelle doit favoriser au maximum et qu'il doit deuchtet). Il explique également que l'organiste et les employer au mieux ; tandis que les capellae doivent contri- instrumentistes doivent improviser des diminutions : buer à faire accroître la sonorité et la splendeur. L'organiste une fonction ornementale que Monteverdi confia dans doit tenir compte de ces indications qui se trouvent dans le Responsorium introductif à la toccata instrumentale le continuo et faire une registration très nuancée de qui accompagne les chanteurs. l'orgue, tantôt faible, tantôt forte. » vers une « nouvelle Les concerti sacri sont les pièces où la modernité du une tradition sublimée L’héritage de la tradition polyphonique de la musique » Vespro s’affirme avec le plus d’évidence. Dans le Nigra Renaissance transparaît avec force dans les cinq sum et le Pulchra es apparaît le nouveau stile recitativo psaumes, l'hymne Ave Maris Stella et les deux dont l'invention coïncide avec la naissance de l'opéra. Magnificat, qui exploitent la technique du contrepoint sur S’éloignant du modèle offert par les premiers motets cantus firmus. La récitation du texte liturgique sur des de solistes publiés en 1602 par Ludovico Viadana, « tons simples », si caractéristique des offices de Monteverdi choisit de représenter musicalement les Vêpres, constitue le matériau initial, incroyablement passions contenues dans les paroles. Le choix de épuré, à partir duquel Monteverdi déploie son habillage textes évocateurs (issus du très sensuel Cantique des polyphonique toujours renouvelé. La déclamation psal- Cantiques) l’a sans doute incité à une telle attitude, modique est parfois généralisée à toutes les voix (Dixit qui lui permettait de confondre en un seul visage Dominus), mais également traitée en style concertant l’épouse mystique du roi Salomon, la Vierge Marie, et «à la vénitienne », opposant les différentes masses la Bien-Aimée dont il est question dans tout opéra. vocales et instrumentales. Ainsi, le Deus ad adjuvandum Quant à la virtuosité paroxystique du Duo Serafim, qui d'introduction associe la psalmodie en falsobordone n’est pas sans parenté avec l’air d’Orphée « Possente [faux-bourdon] du chœur à une brillante fanfare instru- Spirto », elle apparaît comme un ultime hommage, en mentale, qui n'est autre que la parodie de la Toccata de forme d’apothéose, à l’art de l’ornementation de la L’Orfeo (1607), véritable emblème musical des Renaissance.