L'assasin Des Servantes
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1991 - Décembre : L'Assasin des Servantes L'Assasin des Servantes Avec la sinistre histoire de Martin Dumollard qui touche, mais seulement de façon incidente, la commune de Tramoyes, nous sortons aujourd'hui du cadre de nos rencontres habi•tuelles avec le patrimoine talançonnais. En fait, bien qu'il paraisse, il ne s'agit pas exactement d'une annexion soudaine de Tramoyes par Reyrieux ; cette annexion est déjà officielle, puisque la com•mune de Tramoyes, cependant assez lointaine, en direction de la côtière du Rhône appartient désormais au jeune canton de Reyrieux. Maintenant, pourquoi aborder cet aspect plutôt négatif de l'héri•tage du passé ? Simplement parce que nombreux sont parmi nous ceux qui ont une prédilection marquée pour la série noire... Alors plutôt que de se plonger dans un roman de valeur douteuse, puisons cette fois sans remords dans l'authentique et convenons que la réalité, parfois, atteint et même dépasse la fiction. Le choix d'un tel sujet est, j'en conviens, discutable. Aussi, tenant compte de ce que le bulletin municipal de Reyrieux n'entre pas, que l'on sache, dans la catégorie des feuilles à sensation, je m'attacherai surtout à retracer, à travers cette sombre affaire, les conditions d'une époque sans insister sur l'aspect souillure, non plus que sur les détails macabres. II est un minimum de respect envers les victimes dont généralement, en ce genre de délits, on ne se soucie guère. Comme si le fait malheureux d'être une victime privait de certains droits alors que l'on s'acharne, dans une bonne intention, à conserver leurs droits, tous leurs droits, aux criminels. Nous avons du tueur des servantes un portrait ô combien précis, où s'accordèrent les témoignages de celles qui, au comble de la frayeur, purent lui échapper ou, sur un plan moins dramatique, durent lui abandonner leur modeste avoir. Une blouse bleue de campagnard sur un dos voûté, la jambe traînante et sous un chapeau à larges ailes, un visage à la barbe inculte, à la lèvre difforme, aux cheveux noirs tombant sur un front très bas; un physique au total pas tel cependant qu'il puisse effaroucher à cette époque une Lyonnaise, même encore jeunette. La preuve en est. Ses victimes le dépeindront constamment en termes significatifs: un homme de /a campagne. Vous apprécierez la nuance... Toutes sont des Lyonnaises et bien que certaines proviennent peut-être de cette campagne, toutes se considèrent comme des citadines, à l'aise en ville et ne voulant pas ou ne voulant plus connaître la boue et la bouse. Ce sont des domestiques et la plupart bnt des vêtements propres et soignés; elles ont même quelques bijoux, de menus objets personnels et aussi un petit pécule. Bref, elles sont socialement mieux placées que les femmes qui s'emploient à la culture, ces rustiques, qui en 1900 encore seront plus de deux millions en France. Aussi bien, ce ne sont pas ces dernières qui intéressent Martin Dumollard. Je note dans les origines de ce dernier une ambiguïté, une semblance d'anomalie que je ne chercherai pas à approfondir: Dumollard lui fut donné comme véritable nom alors que l'homme, natif de Tramoyes, vivait à Dagneux, à l'orient du village, au hameau de Molard. De plus, il était né vers 1812 d'un père hongrois réfugié en France sous le Premier Empire en raison d'un méfait sans doute de taille puisque, retrouvé finalement par les Autrichiens en Italie après Waterloo, il fut écartelé. Par la déplorable force des choses, Martin n'eut dans son enfance qu'une mère réduite à la mendicité. Puis il se maria. Il vivait donc avec son épouse à Dagneux, plutôt comme une bête dans sa tanière, sortant surtout de nuit en évitant les rencontres, avec de fréquentes absences qui donnaient à penser au voisinage que lorsqu'il ne vivait pas de maraude, il devait aller à Lyon, aux Fardeaux (traduisez: au déchargement des bateaux, sur les quais). L'accusation devait le montrer comme un homme violent, lubri•que, adonné aux pires instincts et déjà condamné deux fois pour vol. Il semble, en tant que brute sournoise, la vivante émanation du pire aspect de cette terre vouée par la Nature aux eaux dormantes et aux bêtes sauvages autour du marais lacustre qui entourait jadis Tramoyes, ce territoire à vocation initiale frontalière, connu surtout des pêcheurs au temps du lac, de tout temps des chasseurs et que la paix romaine seule avait ouvert à un peu de quiétude par une villa rurale, à Poleteins, du reste vite abandonnée. Les fermes y étaient rares et repliées sur elles-mêmes ; de nuit, la campagne devait y être pratiquement déserte. Il n'est aujourd'hui qu'à considérer ce véritable donjon moderne avec ses murailles de pierre et ses volets de fer, la tour qui domine la Goutte, cet établissement isolé de la commune de Mionnay, pour juger du sentiment d'insécurité qui régnait encore au siècle dernier chez les habitants. La Goutte fut reconstruite en 1850, sensiblement à l'époque où sévissait le monstre de Dagneux. Martin Dumollard fut donc l'homme des circonstances, à ce point qu'il paraît douteux que des faits exactement semblables eussent pu se produire ailleurs, en d'autres lieux. Le premier crime reconnu se plaçait vers le début de l'année 1855, mais rien ne prouve qu'il n'y eut pas des précédents, les aveux du meurtrier n'ayant jamais été vraiment complets. Il y avait donc huit ou peut-être dix années déjà qu'en toute impunité Martin Dumollard volait ou tuait les servantes lyonnaises lorsque le Ciel, la Justice Immanente ou simplement le Hasard (?) placèrent sur sa route, plus précisément sur l'un des ponts de la cité du confluent, Marie Pichon qui, bien contre son gré d'ailleurs, devait venger d'un coup toutes les autres. Certes, Marie Pichon n'était pas la première: elle venait après bien d'autres rescapées. En fait, elle fut pour le moins la septième parmi celles qui se plaignirent, mais cette fois, sur sa personne, il y avait eu tentative d'assassinat caractérisé... L'excès qui fit déborder le vase de la peur et de la colère publique. Il est permis de s'interroger sur l'évidente carence de la justice de Napoléon III à cette époque, alors que tant de méfaits semblable•ment perpétrés dénonçaient un même malfaiteur. L'opinion publi•que à l'occasion du procès devait du reste se plaindre à juste titre de cette mollesse, d'investigations précédentes mal conduites. On en arrive ainsi à la conclusion que cette société éminemment bourgeoise du Second Empire ne se souciait que médiocrement du sort et surtout du mauvais sort de ses domestiques. Un autre genre de circonstances pesa sans doute dans la balance de l'aveugle Thémis, sinon dans la balance tout court; les délits ressortaient au tribunal de Trévoux dans le département de l'Ain et les plaignantes étaient pratiquement toutes de Lyon, donc du Rhône, ce qui ne devait pas rendre la procédure plus facile. Quelquefois, les intentions de Dumollard apparaissent limitées seulement au vol: il emmène alors ses futures victimes assez loin de Lyon, du côté d'amont, soit à pied par le plateau croix roussien, soit en voiture, probablement un service public par la rive droite du Rhône. L'aventure se termine à la nuit tombée près d'un bois. Vers Neyron, sans doute dans les ravins de http://www.lesamisduvillagedereyrieux.com Propulsé par Joomla! Généré: 27 November, 2009, 02:23 Semzenaz, ce qui suppose une marche d'au moins 10 kilomètres, il disparaît avec le bagage de l'une contenant 50 francs, des francs de l'époque bien entendu. Ou alors il extorque à une autre, par la menace, ses maigres écono•mies: 60 francs. Selon ses propres aveux, une troisième, une blonde bien faite, lui aurait même échappé dans la région de Vénissieux. Assez souvent, il tient en réserve à ces malheureuses un sort autrement plus terrible. Il lui faut pour cela s'écarter davantage de la grande ville, s'enfoncer plus loin dans la campagne, précisément cette partie du plateau qui avoisine le marais des Echets, là où les fermes et les habitations se raréfient et qu'il connaît bien puisqu'il est né à Tramoyes, région peu fréquentée où le malfaiteur se sent doublement sûr de lui car loin de son repaire, de sa maison de Dagneux. Par contre, si le plan, quoique primitif, est relativement bien conçu, si cette campagne déserte est particulièrement propice aux mauvais coups, le système n'est pas sans un inconvénient majeur. La fatigue gagne les candidates: du centre-ville, d'où elles partent soutenues par l'espérance d'une place avantageuse, aux deux sites d'élections du criminel, il n'y a pas moins de vingt kilomètres. Ces deux sites sont les bois de Tramoyes, qui ne peuvent être que la forêt dite du Noyer à l'est du village et ceux qui s'étendent à l'ouest de la route de Bourg et de la voie ferrée, entre Mionnay et Saint André de Corcy. Certaines fois, il pousseront le bourreau et sa possible victime jusqu'aux bois de l'hôpital en cette dernière commune. Une large part du trajet, sinon la totalité, est faite à pied mais à cette époque, on se sert de ses jambes. Donc la fatigue gagne les servantes et avec elle le doute et l'inquiétude, finalement la peur. Les moins confiantes refusent d'aller plus loin et d'écouter leur guide, se réfugient si possible dans l'une des rares fermes de cette campagne.