Le Film Peu Commun D'un Cinéaste Maudit / La Commune

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Le Film Peu Commun D'un Cinéaste Maudit / La Commune Document généré le 2 oct. 2021 12:01 Ciné-Bulles Le cinéma d'auteur avant tout Le film peu commun d’un cinéaste maudit La Commune Jean Beaulieu Volume 19, numéro 1, automne 2000 URI : https://id.erudit.org/iderudit/33648ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association des cinémas parallèles du Québec ISSN 0820-8921 (imprimé) 1923-3221 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Beaulieu, J. (2000). Compte rendu de [Le film peu commun d’un cinéaste maudit / La Commune]. Ciné-Bulles, 19(1), 30–31. Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 2000 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ catip da caçféfontntuna e Le film peu commun PAR JEAN BEAULIEU d'un cinéaste maudit Vous connainaissei z mal ou ne connaissez pas du ce média constitue un outil du pouvoir pour tout l'histoire de la Commune de Paris? Vous mieux asservir les masses (Privilege, The Gla­ n'avez jamais vu un film de Peter Watkins? diators), et même les marginaux ou les soi- Voilà deux excellentes raisons de courir voir la disant révolutionnaires (Punishment Park). La Commune — pour autant que cette œuvre puisse Commune se trouve être un prolongement logi­ être accessible au public. En effet, si vous l'avez que de son vaste opus de 14 heures, le Voyage 1. La première (et, je crois, ratée lors de ses deux projections au dernier (The Journey), rarement diffusé', pendant lequel seule) diffusion au Québec de ce documentaire-fleuve Festival des films du monde, qui sait quand une il avait traîné sa caméra dans une douzaine de remonte à une dizaine autre occasion se présentera? Déjà, la durée pays pour interroger divers scientifiques et gens d'années, au défunt Conser­ exceptionnelle de ce document (5 h 45) limite «ordinaires» afin de dresser un véritable état du vatoire d'art cinématogra­ sa diffusion commerciale à néant, sans compter monde à l'aube de la dernière décennie du XXe phique alors dirigé par Serge Losique. Sauf erreur, sa nature plutôt subversive. siècle. comme il s'agissait d'une coproduction Suède-Canada, Disons d'entrée de jeu qu'il n'existe prati­ Pour Watkins, la Commune représente un film- la CBC l'avait présenté par la suite. quement aucun film ayant été réalisé sur ce somme, qui recoupe toutes les parties de son sujet précis. Mais plus troublante encore est œuvre. Il y traite toujours de ses deux princi­ cette mention dans la Commune selon laquelle pales préoccupations: le pouvoir manipulateur cet épisode important de l'Histoire de France des médias (en particulier, la télévision et le serait complètement «oublié» dans les pro­ cinéma) en tant qu'instrument de contrôle social grammes d'éducation des lycées français. Mais exercé par l'État au moyen de la désinformation c'était sans compter sur le toujours dissident (selon un discours marxiste, les médias figure­ Peter Watkins, qui allait créer l'événement autour raient parmi les appareils idéologiques d'État, de cette micro-société unique, de ce gouverne­ au même titre, par exemple, que la police ou ment révolutionnaire dont s'est inspiré Lénine, l'armée, ou encore jadis le clergé) ainsi que la car son docudrame allait être à l'origine d'une confrontation des idéologies, ou le combat iné­ exposition en mars 2000 au Musée d'Orsay sur gal entre le peuple et le Pouvoir. Pour ce faire, le thème de la Commune de Paris de 1871. il recourt à nouveau au procédé consistant à amalgamer passé et présent, afin d'apporter un Film peu commun d'un cinéaste maudit se récla­ éclairage lucide sur les conséquences des mant d'un cinéma militant d'une autre époque, événements d'hier, de souligner les hoquets de la Commune, qui est en fait une vidéo, fait figure l'Histoire et de lancer un avertissement aux d'ovni dans le ciel lisse de la cinématographie hommes et aux femmes de demain. Comment, mondiale d'aujourd'hui ou de la programma­ en effet, ne pas voir dans ce film des allusions tion traditionnelle de nos chaînes de télé. aux formes de la violence économique actu­ Watkins, fidèle à une méthode qu'il peaufine elle, entraînées par la mondialisation? depuis 35 années, pose même le pari de pré­ tendre réaliser un reportage en direct, au jour le Mais, à la différence de nombreux films jour, comme sur les ondes d'une chaîne d'infor­ considérés comme «politiques» (alors qu'ils mations continues, sur les événements qui mar­ utilisent les outils ou moyens de production quèrent l'insurrection populaire des Parisiens qu'ils prétendent dénoncer), la Commune e La Commune du XI arrondissement, de mars à mai 1871. adopte une approche révolutionnaire, tant dans vidéo / n. et b. / 345 min / son contenu que dans sa forme, y compris dans 2000 / fict. / France Peter Watkins, dont la filmographie est princi­ sa méthode de production. palement axée sur la politique-fiction, a certes Réal. et scén.: Peter Watkins été marqué par la télévision. Non seulement y L'idée à l'origine de ce film-collectif est en soi Image: Odd Geir Soether a-t-il fait ses armes (ses deux premiers films, fort originale. Watkins a contacté des respon­ Mont.: Peter Watkins, Culloden et War Game, ont été produits pour et sables de réseaux associatifs présents sur le Agathe Bluysen et Patrick par la BBC), mais chacun de ses films (sauf front des luttes sociales en vue de recruter des Watkins Prod. : Paul Saadoun - 13 Edvard Munch) soit utilise le format ou les gens qui pouvaient avoir un intérêt actif à 30 Production techniques de la télévision, soit démontre que participer à un film sur la Commune de Paris. FESTIVAL DES FILMS DU MONDE La Commune Les personnes recrutées se voyaient remettre de la caméra, qui cadre toujours de près les des questionnaires pour connaître leur profil, protagonistes, permet de déjouer la structure puis étaient réunies par groupes de dix ou habituelle des films historiques souvent pri­ quinze avec qui Watkins discutait du projet. sonniers d'un trop grand souci de précision L'intention consistait à associer le vécu des dans la reconstitution et dont les budgets consi­ acteurs et celui du personnage qu'ils pourraient dérables permettent des scènes à grand incarner au sein de la Commune (plutôt que des déploiement. Ici, le décor est épuré à l'extrême, figures emblématiques de cette révolution, on sinon occulté. Autre roublardise, à mesure que leur confiait un rôle qui du boulanger, qui d'un les événements tournent mal pour les Commu­ ouvrier, qui d'un soldat, qui de la patronne nards, la caméra devient de plus en plus ner­ d'une fabrique, etc.). Résultat: chacun écrivait veuse (en même temps que les personnages), ses propres dialogues. Quant aux représentants on accentue le bruit ambiant sur le plateau de «l'autre mémoire», les bourgeois «prison­ (battements de tambour, cris et chahut des figu­ niers de la Commune» ou les tenants du monar­ rants), ce qui force les intervenants «intervie­ chisme ou de l'Empire, ils ont été recrutés à wés» à hurler leurs répliques, contribuant ainsi partir d'annonces parues dans le Figaro qui à créer un climat de désordre et de chaos. Les lançaient un appel à ceux qui considéraient cartons noirs et intertitres informatifs brisent l'échec de la Commune comme un bienfait. peut-être le rythme, mais permettent de mieux Tout cela dans le but de chercher un lien entre 2 situer et comprendre les enjeux de l'époque, les opinions d'hier et celles d'aujourd'hui . 2. Information provenant tout en les mettant en perspective avec ceux du d'extraits d'un entretien avec monde d'aujourd'hui. Patrick Watkins, fils et colla­ Usant du même procédé que dans Culloden, borateur du réalisateur, par Watkins ouvre son film sur la présentation de Frédéric Bass paru dans les journalistes de la «télé communale», joués par Le tour de force tient du fait qu'à partir d'un Cahiers du cinéma, n° 546, p. 11. Aurélia Petit et Gérard Watkins, qui inter­ procédé qu'on pourrait qualifier d'artificiel — viewent durant tout le film les divers «acteurs» tournage en studio, anachronisme assumé et de cette insurrection. Ces reporters de la télé du distanciation exprimée par l'explication en XIXe siècle nous expliquent leur rôle et nous détail aux spectateurs des conditions de la parlent des conditions et du contexte dans production, alternance entre scènes s'appa- lesquels le film a été tourné. On aperçoit les rentant au cinéma-vérité et d'autres vraisem­ décors vides, tout juste après le treizième et blablement «rejouées», confrontation des dernier jour de tournage (du moins pour la points de vue par chaînes de télé partisanes partie reconstitution historique), où ne subsis­ interposées, enchevêtrement dans une même tent que la trace de l'ultime bataille et des séquence d'une reconstitution du drame nombreux détritus qui jonchent le sol du studio d'époque et des commentaires des comédiens de Montreuil. sur la situation sociale, politique et écono­ mique actuelle (y compris la leur) —, le réali­ Malgré une sympathie évidente à l'égard des sateur (ou plutôt le collectif de création) a su Communards, Watkins ne s'entête pas à dégager un accent d'authenticité rarement glorifier cet effort de gouvernement populaire; égalé.
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