Casablanca : Representations Et Usages De L'espace Public
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UNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL • INSTITUT DE GÉOGRAPHIE Espace Louis–Agassiz 1 • CH – 2001 Neuchâtel Etude de terrain CASABLANCA : REPRESENTATIONS ET USAGES DE L’ESPACE PUBLIC AVRIL 2018 Corpus de textes TABLES DES MATIERES Introduction 4 Loïc Brüning et Marc Winz, assistants Le hammam féminin : un espace de partage. 6 Une recherche qualitative sur le rôle du hammam pour les femmes de Casablanca Manon Calore, Helen Joss, Nora Komposch et Anna Maspoli L’esplanade de la mosquée Hassan II à Ccasablanca : 26 cohabitation de pratiques au sein d’un même espace public Arnaud Cuennet, Philippe Fahrny, Anaïs Lardon et Mario Michel Les vies des abattoirs. 52 Comment la friche industrielle des anciens abattoirs cristallise différentes logiques d'appropriation d’un espace ? Marie Goy, Isis Joliat, Matilda Leonarz, Yvan Monnerat et Daniela Rodriguez Graffitis à Casablanca : la création d’un “streetartscape” 77 Célia Magliocco, Olivier Kenji Wyttenbach, Grégoire Yerly et Valerio Zgraggen 3 INTRODUCTION Loïc Brüning et Marc Winz Chaque année, l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel organise un travail sur le terrain pour ses étudiants de Master. Ainsi, durant cinq jours, ce séminaire permet aux étudiants de se confronter aux réalités et aux problèmes concrets que rencontre le chercheur lorsqu’il collecte ses données. Le but premier de cet exercice est de compléter la formation théorique par une expérience de recherche autour d’une thématique spécifique à un contexte urbain définie par le corps enseignant, et ainsi permettre aux étudiants de développer leurs capacités à organiser une recherche et à récolter leurs données en un temps relativement limité. Lors de l’édition 2018 du terrain urbain, les étudiants se sont intéressés aux représentations et usages de l’espace public dans la ville de Casablanca, au Maroc. La ville a connu une forte croissance urbaine sous le protectorat français, avec notamment la construction d’un des plus grands ports d’Afrique. Aujourd’hui, bien que Rabat soit la capitale du Maroc, Casablanca en est le poumon économique, ainsi que la plus grande ville grande ville du royaume. Se dotant d’une orientation internationale, Casablanca est également la vitrine d’un Maroc où modernisme et tradition se côtoient. Depuis trois décennies, Casablanca fait l’objet d’un processus de mutation profond, impliquant notamment un réaménagement particulièrement intensif de ses espaces publics. En effet, suite à la construction de ce qui à l’époque était la plus grande mosquée au monde, la ville de Casablanca a mis en route de nombreux grand projets d’aménagement. On peut citer à cet égard pour exemple le projet d’aménagement de la promenade maritime de la mosquée Hassan II, le parc de la Ligue arabe, le Grand théâtre de Casablanca ou encore l’aménagement de la Marina. Comme le relève Marie-Astrid Choplin et Vincent Gatin1, les lourdes mutations dont les espaces publics marocains on fait l’objet font évoluer leur analyse d’une posture qui questionne leurs existences à « celle de l’étude de leurs recompositions dans un contexte de mondialisation » (2010 :24). Ce dossier contient les rapports des étudiants sur quatre thématiques liées ce questionnement. Les sujets abordés sont liés aux hammams féminins et leurs rôles dans les processus de socialisation, les pratiques et usages multiples en jeu sur l’esplanade de la mosquée Hassan II, les logiques d’appropriation de la friche industrielle des anciens abattoirs de Casablanca et finalement le street-art et son déploiement dans la ville. Pour les étudiants, l’exercice de terrain se déroule en trois phases : - Durant les semaines qui précèdent le terrain, les étudiants – en groupe de quatre à cinq - approfondissent une problématique en lien avec le sujet proposé et définissent les méthodes qu’ils mobiliseront afin de collecter le matériel nécessaire à leur analyse. Ils prennent également soin de préparer le travail de terrain en prenant contact des interlocuteurs pertinents 1Choplin, M-A et Gatin, V. 2010 : L’espace public comme vitrine de la ville marocaine :conceptions et appropriations des places Jemaa El Fna à Marrakech, Boujloud à Fès et Al Mouahidine à Ouarzazate, Norois,1, pp.23-40 4 - La semaine de terrain est consacrée à la mise en œuvre de ces méthodes, exclusivement qualitatives (entretiens semi-directifs, observation participante ou non participante, parcours commentés, etc.). Durant cette semaine, les groupes s'organisent pour réaliser leur recherche dans les temps impartis, avec les contacts préalablement établis et ceux qu’ils parviennent à établir sur place. - A leur retour en Suisse, les étudiants analysent le matériel récolté, rédigent leur travail de recherche et présentent leurs résultats en classe. Les précédents terrains ont été réalisés à la Brévine, Saignelégier, Tavannes, Boncourt et Saint- Ursanne en Suisse ; en France, à Cluny, Arbois, Ornans, Abondance, Baume-les- Dames, Munster, Salins-les-Bains, Morez, Ronchamp, Poligny ou encore Crest. Dès 2008, le séminaire s’est redéployé sur l’étude de contextes urbains, en examinant une thématique spécifique pour chacune des villes sélectionnées. Ainsi, en 2008, il a porté sur la gentrification dans la Médina de Marrakech; en 2009, sur les projets urbains à Lyon ; en 2010, sur les dynamiques urbaines et universitaires à Grenoble ; en 2011, sur les espaces des institutions européennes et de leurs élites à Bruxelles ; en 2013 et 2014 sur les politiques culturelles mises en place par les villes de Toulouse et de Nantes. En 2015 et 2016, le terrain a été consacré à l’appropriation et à l’ergonomie des modes de mobilité alternative à l’automobilité à Marseille, puis à Liège. En 2017, le cours s’est intéressé à la question de la maîtrise de la croissance urbaine à Bordeaux. Au nom de l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel et de tous ses étudiants, il nous reste à remercier pour leur aide précieuse : Messieurs Abderrahim Kassou et Badre Bouzoubaa de l’école d’architecture de Casablanca, Madame Mounya Boushaba et Monsieur Rachid Andaloussi de l’association Casamémoire, Monsieur Mobarak et son équipe de l’hôtel Maâmoura pour leur accueil, Monsieur Oualid de AirArabia pour sa collaboration sans faille, ainsi que les habitants et professionnels de Casablanca qui ont eu la gentillesse de participer aux entretiens et de consacrer du temps pour répondre aux nombreuses sollicitations des étudiants. Ces remerciements s’adressent aussi aux restaurants qui nous ont chaleureusement accueillis durant cette semaine. Les Professeurs de l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel, les étudiants et les soussignées sont particulièrement reconnaissants à toutes ces personnes d’avoir permis la réalisation de ce travail dans des conditions optimales. Le hammam féminin : un espace de partage / Manon Calore, Helen Joss, Nora Komposch et Anna Maspoli 5 LE HAMMAM FÉMININ : UN ESPACE DE PARTAGE UNE RECHERCHE QUALITATIVE SUR LE RÔLE DU HAMMAM POUR LES FEMMES DE CASABLANCA Manon Calore, Helen Joss, Nora Komposch et Anna Maspoli 1. INTRODUCTION Casablanca est une ville en mouvement, pleine de contrastes et un lieu des réalités de vies très diverses et, comme CATTEDRA (2003 : 2) la décrit, elle est une métropole plurielle « touchée par l’urbanisation galopante ». Ces diversités caractérisent principalement les Casablancais.e.s qui participent à façonner la vie urbaine de manière formative. Un cadre essentiel dans lequel la vie urbaine se déroule et se transforme est celui de l'espace public. Dans la littérature, l'espace public au Maroc est décrit comme une sphère qui est principalement et traditionnellement façonnée par la partie masculine de la population (MONQID 2014 : 50). De cette façon, peu d'espaces publics sont accessibles aux femmes non accompagnées. Le hammam féminin joue un rôle particulier à cet égard. D’une part, il représente l’un des rares espaces semi-publics exclusivement réservés aux femmes. D'autre part, il est compris dans la littérature comme ayant une place importante dans la conception dominante de l’image de la femme qui diffère grandement de celle de l’homme, mais qui contribue aussi à une solidarité entre les femmes et favorise leur émancipation (BAUWENS 2012 : 79). Dans le contexte de la société de Casablanca, qui est actuellement en train de s'urbaniser et changer rapidement, la question se pose de savoir dans quelle mesure cette division traditionnelle des espaces entre les sexes est encore valable, et le rôle que le hammam joue dans la socialisation des femmes aujourd'hui. Bien que les particularités de la ville de Casablanca et les changements sociaux qui s'y produisent soient mis en évidence sous différents angles dans la littérature, il n'existe aucune étude traitant spécifiquement du rôle des hammams féminins à Casablanca. C'est dans ce contexte que se pose notre question de recherche suivante: Quel est le rôle du hammam comme espace semi-public dans la socialisation des femmes qui le fréquentent ? Cette question de recherche principale est la source de trois sous-questions de recherche : 1. Comment les femmes interagissent-elles dans le hammam ? 2. Quelles sont les pratiques des femmes dans le hammam et pourquoi les pratiquent- elles ? 3. Quelles sont les valeurs et les normes qui sont véhiculées par le hammam ? Afin de répondre à ces interrogations, nous adoptons comme perspective théorique la socialisation liée au genre. Nous allons dans ce travail examiner l’espace semi-public du hammam des femmes à Casablanca en analysant les déclarations des usagères de hammam et Le hammam féminin : un espace de partage / Manon Calore, Helen Joss, Nora Komposch et Anna Maspoli 6 de divers expert.e.s, ainsi que nos notes d’observations participantes réalisées dans divers hammams. Dans le chapitre suivant, nous allons décrire le contexte général du sujet du hammam des femmes en Maroc, avant de présenter, dans le troisième chapitre, le cadre théorique constitué des notions clés et de notre approche théorique de la socialisation liée au genre.