Les Îles Anglo-Normandes
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LES ILES ANGLO-NORMANDES « QUE SAIS-JE ? » LE POINT DES CONNAISSANCES ACTUELLES N° 1614 LES ILES ANGLO-NORMANDES par Claude GUILLOT Agrégé de l'Université PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS DU MÊME AUTEUR Les institutions britanniques, coll. « Que sais-je ? », Paris, Presses Universitaires de France, 1970. Traductions : W. B. Yeats, par Denis DONOGHUE, Paris, Seghers, 1973. Allen Ginsberg, par Christine TYSH, Paris, Seghers, 1974. T. S. Eliot, par Helen GARDNER, Paris, Seghers, 1975. Dépôt légal. — 1 édition : 3 trimestre 1975 1975, Presses Universitaires de France Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays INTRODUCTION « Les îles de la Manche sont des morceaux de France tombés dans la mer et ramassés par l'Angleterre. » C'est en ces termes que, dans un beau texte, chaleu- reux, fort, plein de la mer et du vent marin, Victor Hugo décrit les îles anglo-normandes. Ce texte, intitulé L'archipel de la Manche, est une sorte de préface à ce roman dédié à Guernesey, composé par le « proscrit » au dernier étage de Hauteville House d'où l'on domine la petite ville et le port de St Peter Port, Les travailleurs de la mer. Plus d'un siècle après leur rédaction, les pages de Victor Hugo sur Jersey et Guernesey méritent encore d'être lues, et l'on sera surpris parfois, malgré les transformations profondes apportées par l'évolution de notre civilisation, de constater combien les choses ont peu changé. Que l'on ne s'y trompe pas, les îles de la Manche sont des îles très « modernes », mais on a volontiers l'impression qu'elles ont su, dans notre époque, discerner le meilleur et refuser le reste, choisir la voie de l'évolution et du progrès sans pour autant renoncer à la tradition, adapter sans détruire, innover sans briser. Ce sont des îles sans révolution, sans rupture. Leur histoire est toujours contrecoup, ne leur appartient pas en propre, leur vient d'Angleterre ou de France — et pourtant leur histoire est riche. Privilégiées, ces îles le sont sans aucun doute, comme le sont de nombreux petits Etats — Monaco, Saint-Marin ou le Liechtenstein. Elles possèdent tous les avan- tages d'une grande nation sans en connaître les inconvénients. Elles n'ont à se soucier que d'elles- mêmes. L'Angleterre se charge du reste. Elles sont riches et leur prospérité semble devoir durer. Bien sûr, elles ont quelques problèmes, d'ordre social surtout, problèmes de main-d'œuvre, d'emploi, d'immigration, mais il n'y a rien là que l'on puisse comparer aux soucis de leurs grands voisins. Les îles anglo-normandes reflètent avant tout la paix, une certaine sérénité qui naît du climat et des paysages, qu'il s'agisse des tendres ondulations du centre de Jersey ou des hautes falaises de Sark ; même dans la bourrasque, même quand la mer se déchire sur les innombrables rocs qui furent autant d'écueils mortels et vient frapper le flanc des îles, il y a dans cet archipel une majesté sauvage et calme qui est celle de la nature à vif, sans ornements, la mer, le roc, une végétation courte et trapue, peu d'arbres, du vent. Victor Hugo, dans le texte déjà cité, décrit en deux phrases les insulaires anglo-normands : « C'est là un noble petit peuple, grand par l'âme. Il a l'âme de la mer. » Et il ajoute un peu plus loin : « Le pays est beau, le peuple est bon, l'histoire est fière. » Bonté, générosité sont, en effet, les premiers mots qui viennent à l'esprit de qui songe aux Jersiais et Guernesiais. L'auteur de ces lignes en a fait l'heureuse expérience et offre ce petit livre à tous ceux, membres du gouvernement et de l'adminis- tration, journalistes, simples particuliers de St Helier et de St Peter Port, qui l'ont aidé sans compter dans son travail. Note : Nous avons conservé aux îles et aux villes leur nom anglais qui est le plus communément utilisé aujourd'hui, sauf dans le cas de Guernesey où l'orthographe française a été adoptée. CHAPITRE PREMIER GÉOGRAPHIE Si, politiquement, les îles anglo-normandes — que les Anglais appellent, d'une expression plus géné- rale, îles de la Manche (Channel Islands) — sont rattachées, et depuis longtemps, au Royaume-Uni, un simple coup d'œil sur une carte permet de remar- quer que, géographiquement, en tevanche, ces îles sont françaises (ce qui, sur le plan administratif, n'est vrai que des petites îles Chausey). La géologie, quant à elle, fait de cet archipel plutôt que des îles normandes des débris rongés par la mer du vieux Massif armoricain. En un mot, l'expression « îles anglo-normandes » nous apparaît dès l'abord comme un paradoxe puisque ces îles ne sont pas anglaises et que, bien que voisines des côtes de Normandie, elles sont en fait plutôt bretonnes si l'on se réfère à leur origine géologique. Et pourtant, ces îles sont bien anglo-normandes (l'on serait même tenté au- jourd'hui, de plus en plus, de dire anglaises) et cela non en raison de leurs traits physiques, mais en raison de leur population. Si le lieu géographique a une influence sur la population qui l'habite, le contraire est peut-être encore plus vrai. I. — Traits physiques Autrefois rattachées au continent, les îles anglo- normandes forment aujourd'hui un vaste archipel qui s'inscrit à l'intérieur d'un trapèze assez régulier dont les côtés seront ainsi tracés : au sud, une ligne d'environ 110 km suit les côtes de Bretagne depuis Paimpol jusqu'au Mont-Saint-Michel ; à l'est, en remontant vers le nord, on suit la côte normande sur 130 km du Mont-Saint-Michel au cap de la Hague, à la pointe extrême du Cotentin ; la limite nord sera formée par une ligne allant du cap de la Hague aux Casquets, ce qui représente environ 40 km ; enfin, le côté ouest, des Casquets à la côte française, s'étend sur 105 km environ. A l'intérieur de ce vaste espace qui couvre près de 7 800 km les îles, îlots et ensembles rocheux peuvent se répartir, du nord au sud, en quatre groupes distincts : — au nord, le premier groupe réunit Alderney, Burhou, les Casquets et de nombreuses forma- tions rocheuses ; — au centre-nord et centre-ouest, un second groupe assez compact rassemble Guernesey, Sark, Herm, Jethou et toute une ceinture de rochers et de récifs ; — au centre-sud, l'île de Jersey, la plus vaste, se détache seule parmi les hauts-fonds et les groupes d'îlots rocheux qui s'étendent jusqu'aux côtes de France ; — au sud, enfin, deux archipels rocheux, les Min- quiers et les Ecréhous, d'une part, les îles Chau- sey, d'autre part, forment le dernier groupe avec, à l'ouest, des rocs encore nombreux mais de moindre importance. Bien que toutes ces îles possèdent, d'une manière générale, de nombreux traits communs, chacune, parmi les plus grandes, a cependant son originalité propre, et nous les examinerons donc en suivant l'ordre indiqué plus haut dans la répartition par groupes. 1. Alderney (ou, en français, Aurigny, et parfois même Origny) est la plus septentrionale des îles anglo-normandes. Le point le plus proche de la côte française est à moins de 13 km, tandis que Guernesey se situe à environ 34 km au sud-ouest de l'île. Par ordre d'importance, Alderney est la troisième île de l'archipel avec une superficie d'en- viron 8 km Dans sa plus grande longueur, elle atteint 6,5 km, tandis que sa largeur ne dépasse pas deux kilomètres et demi. De forme oblongue, avec un étranglement vers le nord-est entre les baies de la Braye et de Longy, l'île est dans son ensemble assez élevée. Toute la partie centrale forme un plateau qui culmine à 90 m au-dessus du niveau de la mer et dont l'altitude moyenne se situe aux environs de 75 m. Au sud et au sud-ouest de l'île, ce plateau se termine par de hautes falaises abruptes et imposantes qui plongent brusquement dans la mer, tandis que vers le nord et l'est l'île s'incline et descend en pente douce vers de larges baies sa- blonneuses ou rocheuses, notamment la vaste baie de la Braye où se trouve le port d'Alderney. 2. Burhou, à 2 km environ au nord-ouest d'Alder- ney, couvre une superficie approximative de 1,5 km Longue de 1 200 m, large de 100 à 200 m, elle est séparée de sa voisine par une passe extrêmement dangereuse connue aujourd'hui sous le nom de Swinge qui est une altération de son ancien nom français, la Passe au Singe. Propriété des Etats d'Alderney, Burhou se situe au milieu d'un ensemble rocheux qui en rend l'accès très difficile. L'île est inhabitée, mais peuplée, en revanche, d'impor- tantes colonies d'oiseaux. Au-delà de Burhou s'étend un second ensemble rocheux, puis un seul roc abrupt qui domine la mer de plus de 20 m, Ortac. 3. Les Casquets, qui s'étendent à 11 km environ à l'ouest d'Alderney, sont un groupe d'îlots rocheux et de récifs qui s'alignent sur 2,5 km pour une lar- geur moyenne de 600 m. Ces rocs redoutables ont été, au cours des siècles, la cause de nombreux nau- frages malgré l'installation, dès 1790, d'un phare, puis de deux autres au XIX siècle. Il n'en reste aujourd'hui qu'un seul qui a été modernisé.