Automne / Autumn 2019

Bernard Frize Douglas Coupland Ben Thorp Brown Les frères Quistrebert Sylvain Darrifourcq Kill Your Id(e)ol(ogie)s

02 Revue d’art contemporain gratuite / 02 Free Contemporary Art Review 20.09.2019 26.01.2020 BÉATRICE BALCOU WWW.MLEUVEN.BE/BALCOU

TERESA MARGOLLES NEL TU T’ALIGNES OU ON T’ALIGNE AERTS 20.09.2019 26.01.2020

27.09.2019 > 05.01.2020 WWW.MLEUVEN.BE/AERTS

MUSÉE D’ART DE LA PROVINCE DE HAINAUT The exhibition Béatrice Balcou is a co-production of M and La Ferme du Buisson, BD SOLVAY, 22 B-6000 CHARLEROI - BELGIQUE with the support of ADAGP and la copie privée.

WWW.BPS22.BE Province de Bain de lumière Placebo (after Ann Veronica Janssens) en Ladies Jacket Smoking HAINAUT Placebo - Frac Corse collection (after Liz Magor). View from the exhibition L’économie des apostrophes at La Ferme du Buisson Contemporary Art Center, Noisiel © Emile Ouroumov | Waddle Works, 2019 © Nel Aerts CAC Brétigny Slash Universe 13.10—15.12.19

Dana Michel et Yoan Sorin

Une proposition de Marie Bechetoille

Scénographie: Romain Guillet

LE FIL D’ALERTE 21e Prix Fondation d’entreprise Ricard Une proposition de Claire Le Restif

Artistes : Estefanía Peñafel Loaiza Gaëlle Choisne Paul Maheke Corentin Canesson Kapwani Kiwanga Simon Boudvin Eva Barto Marcos Ávila Forero Sarah Tritz

fondation-entreprise-ricard.com METTRE DES CLOPES DANS UN VERRE À BALLON Dana Michel et Yoan Sorin U+1F377-000 EN ÉQUILIBRE Fichier numérique, IMG_0729.jpg Fondation d’entreprise Ricard, N° siret 490 388 154 000 18, dont le siège est situé au 4-6 rue Berthelot 13014 Marseille. Verre de vin Dessin 1080 × 810 px 2019 des Œillets La Manufacture en 2020: Expositions le Crédac d’Ivry - contemporain Centre d’art Entrée libre

Jochen Lempert Septembre—décembre Derek Jarman Gosnat 1 place Pierre 13.09 –15.12.19 Exposition www.credac.fr

Janvier—mars Janvier—mars

© Sarah Tritz / ADAGP , 2019. Paris, ADAGP / Tritz Sarah ©

2019. , haute voix À Sarah Tritz, Tritz, Sarah Kapwani Kiwanga Ivry-sur-Seine 94200 reçoit lesoutiendelaVilled’Ivry-sur-Seine, duMinistèrede la - du Conseil Départementaldu Conseil du Val-de-Marne et du Conseil Régional Direction régionale desaffairesculturelles d’Île-de-France, Avril—juin Avril—juin Membre des réseaux TRAM et d.c.a, le Crédac Centre d’art contemporain d’intérêt national d’Île-de-France.

PARIS NEW YORK HONG KONG SEOUL TOKYO SHANGHAI ERIC DUYCKAERTS BERNARD FRIZE BARRY MCGEE TAKASH I M U RAKAM I EMILY MAE SMITH HANS HARTUNG LIONEL ESTEVE LESLIE HEWITT NI YOUYU THILO HEINZMANN JR

NYT, (detail) 2018. Mixed media. 120 x 80 x 4 cm | 47 1/4 x 31 1/2 x 1 9/16 in. Courtesy the artist & Perrotin CHEMICAL LANDSCAPES CHEMICAL PARIS PARIS ESTEVE LIONEL SEPTEMBER 7SEPTEMBER - 21, 2019 Expositions 05 octobre 2019 — 04 janvier 2020

Anna Solal

Eléonore False ⁄ Aurélie Pétrel L’Echappée belle 26.10.19 — 12.01.20

Emmanuelle Huynh & Jocelyn Cottencin Nous venons de trop loin pour oublier qui nous sommes 1.12.19 — 26.01.20

Duane Linklater 8.02.20 — 3.05.20

Archives de l’invisible

Déambulation Exposition collective Commissaire : Guillaume Désanges dans la collection du Frac Bretagne 30.05.20 — 13.09.20

le grand cafe centre d'art contemporai n. sai nt-nazai re

grandcafe-saintnazaire.fr Le Cnap soutient l’art contemporain depuis 1791

Bertfalhe Hélène Bertin, Éléonore False, Ingrid Luche

Exposition présentée dans le cadre du programme Suite, initié par le Cnap en partenariat avec l’ADAGP This exhibition is part of the Suite program, initiated by the Cnap in partnership with the ADAGP

Commissariat / Curated by 40mcube Production / Produced by 40mcube - Cnap

Exposition / Exhibition 19.10.2019 – 21.12.2019 Vernissage / Opening 18.10.2019, 18h30 / 6:30 pm L’actualité de l’art Des ressources Des dispositifs Une collection contemporain pour les artistes de soutien de plus de Du mercredi au samedi de 14h à 19h / From Wednesday to Saturday 2 pm - 7 pm et professionnels à la création 100 000 œuvres Fermé les jours fériés / Closed on bank holidays

Le Centre national des arts plastiques est un établissement public administratif du ministère de la Culture. www.cnap.fr ZOO GALERIE PAINTING SPIRIT #2 Les anneaux de Saturne Mireille Blanc Damien Cadio Damien Deroubaix

Commissariat Sylvie Coulon 2015 Exposition du 9.11 au 14.12.2019 Vernissage le 8.11.2019 à 18h30 (détail), Ouvert du mercredi au samedi Mladić de 15h à 19h et sur rendez-vous Cadio,

Damien Zoo Galerie

49 chaussée de la Madeleine Visuel : 44000 Nantes Tram L2 arrêt Aimé Delrue 02 40 35 41 55 / 06 76 73 35 50 [email protected] Zoo Galerie reçoit le soutien de la Ville de Nantes, de la Région des Pays de la Loire, du Conseil Départemental de la www.zoogalerie.fr Loire-Atlantique et de l’État — DRAC des Pays de la Loire.

PUB 02.indd 2 06/09/2019 16:59 Abdelkader Benchamma Production type Production | Typographie Typographie | Julien Lelièvre

Dove Allouche, Marie Cool & Fabio Balducci, Caroline Corbasson, Attila Csörgő, Edith Dekyndt, Hugo Deverchère, Julien Discrit, Anne-Charlotte Finel, Mark Gefriaud, Joan Jonas, Pierre Malphettes, Masaki Nakayama, Otobong Nkanga, Elisa Pône, Linda Sanchez, Stéphane Sautour, Daniel Steegman Mangrané, Francisco Tropa, Keiji Uematsu, Capucine Vandebrouck, Adrien Vescovi, Maya Watanabe, Lois Weinberger Nathalie Brevet_Hughes Rochette, 48708 1 409319 2, 2019, Six conteneurs aménagés, eau, lumière. Production GIGANTISME – ART & INDUSTRIE, Dunkerque, France © Adagp, Paris 2019. Courtesy des artistes. Photo : Aurélien Mole. Design graphique Mole. Aurélien : Photo des artistes. Courtesy 2019. Paris Adagp, © France Dunkerque, & INDUSTRIE, ART GIGANTISME – Production lumière. eau, aménagés, conteneurs Six 2019, 1 409319 2, 48708 Rochette, Nathalie Brevet_Hughes

23 novembre 2019 → 19 avril 2020

Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée 146 avenue de la plage, Sérignan mrac.laregion.fr F Champagne-Ardenne DOMINIQUE BLAIS EVELYN Messe grise TAOCHENG WANG 12 Octobre 2019 – 23 Février 2020

FRAC Champagne-Ardenne 1, place Museux - 51100 Reims Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h www.frac-champagneardenne.org — Suivez-nous sur Facebook & Instagram

EXPOSITION 14 SEPT › 10 NOV 2019 CHAPELLE DU GENÊTEIL Rue du Général Lemonnier 53200 Château-Gontier sur Mayenne

Le FRAC Champagne-Ardenne est soutenu T. 02 43 07 88 96 par la DRAC Grand Est – Ministère de la Culture, la Région Grand Est et la Ville de Reims. www.le-carre.org Il est membre des réseaux Bulles et Platform. Le FRAC Alsace, le FRAC Champagne Ardenne et le 49 Nord 6 Est — FRAC Lorraine constituent le réseau des trois FRAC du Grand Est. Vernissage le 11 Octobre 2019

Commissaire d’exposition : Marie Griffay Avec le soutien du Mondriaan Fonds : Léa Audouze & Margot Duvivier Margot & Audouze Léa : et de l’ambassade du royaume des Pays-Bas. design graphique design 17Sommaire

Guest Reviews

Olafur Eliasson 3URJUDPPDWLRQ Bernard Frize Tate gallery, Londres 78-79 par / by Vincent Pécoil Mathieu Mercier 6DWHOOLWH FRAC Normandie Caen 18-25 Sylvain 80 Laëtitia Badaut Haussmann Château de Rochechouart Darrifourcq 81 par / by Aude Launay Stefan Rinck Chapelle du Genêteil, Château-Gontier 38-49 82 Les frères Gigantisme FRAC, HP2, LAAC, etc., Dunkerque Quistrebert 83 Vanessa Billy par / by Elena Cardin Parc Saint Léger, Pougues-les-Eaux 84 /H1RXYHDX Marianne Vitale 52-59 Mosquito Coast Factory, Savenay Ben Thorp Brown 85 par / by Patrice Joly Stephan Balkenhol Le Portique, Le Havre 86 70-77 At the Gates 6DQFWXDLUH Interview La Criée, Rennes 87 Douglas Coupland 'DLVXNH par / by Daniel Birnbaum Essai / Essay .RVXJL 28-35 Kill Your GXRFWREUH Id(e)ol(ogie)s DXMDQYLHU par / by Ingrid Luquet-Gad 62-69

02#91

Automne / Autumn 2019

En couverture / Cover Directeur de la publication / Rédacteurs / Contributors Publicité / Advertising Éditeur / Publisher Ben Thorp Brown, Cura, 2019. Publishing Director Daniel Birnbaum, Elena Cardin, Patrice Joly Association Zoo galerie Video. Coproduction : Rédacteur-en-chef / Alexandrine Dhainaut, Patrice Joly, [email protected] 10 rue Bonne Louise Jeu de Paume, Paris ; Editor-in-Chief Aude Launay, Pauline Lisowski, 44 000 Nantes (F) 8QHSURSRVLWLRQ CAPC musée d’art contemporain Patrice Joly Ingrid Luquet-Gad, Vanessa Graphisme / Graphic Design [email protected] de Bordeaux ; Museo Amparo, Morisset, Camille Paulhan, Aurore Chassé Puebla. © Ben Thorp Brown. Vincent Pécoil, Martha Telliug, Avec le soutien Anne-Lou Vicente. Impression / Printing de la Ville de Nantes Ziur Navarra, Espagne Traduction / Translation Textes inédits et archives sur GH/DXUD+HUPDQ Aude Launay, Simon Pleasance www.zerodeux.fr Unpublished texts and archives www.zerodeux.fr/en 18Guest Bernard Frize 19Guest Bernard Frize

À la place du conducteur Bernard Frize — par Vincent Pécoil

Frize travaille par séries disparates. Il n’y a pas dans cette chose extraordinaire qui est « l’illusion son œuvre de formes emblématiques, à l’exception, d’une image », en l’occurrence une illusion peut-être, des tableaux exécutés avec des pinceaux de paysage. Les coulures, le bain chimique dans « peints » (c’est-à-dire sur lesquels plusieurs lequel les différents types de peintures utilisées couleurs ont été déposées et qui, une fois appliqués interagissent, l’inclinaison de la toile après sur la toile, laissent une empreinte multicolore). l’application, tout ça finit par produire une image, Chaque série est liée à un type particulier de une image qui n’en est pas une à proprement procédure, est une tentative d’épuiser un ensemble parler mais qui évoque les paysages de montagnes de possibilités qui lui sont propres, en matière de la peinture chinoise. Le titre, Emir, invite de composition. En changeant fréquemment à un rapprochement avec le monde des mirages, de façon de faire, Frize cherche à éviter ce qu’il tandis que celui donné à Rami souligne le rôle appelle la « personnification de l’abstraction ». du hasard dans sa fabrication — un jeu En montrant tout simultanément, l’exposition de combinaisons, obtenu à partir de règles rétrospective au Centre Pompidou doublait mais qui conserve une part d’aléatoire. Le même l’intention du travail lui-même en étant elle-même genre d’illusion involontaire était déjà à l’œuvre une lutte contre le style, contre la signature. dans ses toutes premières peintures, celles C’était une rétrospective all-over, sans hiérarchie exécutées à l’aide de « traînards » (un genre entre l’ancien et le nouveau, l’abstrait et le figuratif, de pinceaux extrêmement fins), la composition, le grand et le petit, faisant coïncider le dispositif strictement abstraite, ayant au final un aspect d’exposition avec les principes des peintures. de tissu chiné. Inversement, la série réalisée On retient généralement que Frize est peu de temps après avec des rouleaux à imprimer un peintre « abstrait » mais un certain nombre tire parti de l’outil pour faire disparaître l’image de tableaux des premières années sont figuratifs et, par saturation en multipliant les passages. de façon plus générale, chaque série peut aussi Plus récemment, avec Oude, l’image est obtenue être perçue comme un effort pour rendre cette par la destruction d’une autre qui l’a précédée. distinction problématique. La série des « métiers » En somme, pour une illusion perdue, une de retrouvée. fait partie des tableaux figuratifs au sens propre. Ne pas se servir d’images revient aussi à en créer Dans ces tableaux, comme Max Dormoy, une, tandis que les accumuler les fait disparaître, les symboles de différentes professions flottent ou les fond en une seule. Ces illusions d’images, sur des fonds sombres. Ces figures ont d’abord dans le cas des paysages involontaires, ou l’illusion été peintes sur des morceaux de plastique puis de leur disparition par excès, sont aussi une façon appuyées, ou « transférées » (comme on dirait s’il d’affirmer la nature d’image de l’abstraction. s’agissait de reporter les figures sur un vêtement) Dès lors qu’elle existe, la peinture fait image, sur la toile. Dans ce cas, les images sont trouvées et figure ou pas. reproduites sur tout le tableau, sans ordre apparent. On peut aussi comprendre l’utilisation Comme toujours, la technique utilisée est fréquente de fonds blancs dans ses tableaux relativement simple. Dans la série des « pots », comme un renvoi graphique au monde de l’image dont fait partie Article japonais, la technique utilisée — une sensation liée au fond blanc d’un certain pour le fond est une laque à craqueler — un type nombre de tableaux, qui évoque l’arrière-plan de peinture utilisée en décoration pour simuler blanc de la page, le fond sur lequel se découpent l’ancienneté de l’objet peint. Si l’article japonais les formes, les illustrations, et renforce la sensation n’a en fait rien de japonais, il a par contre quelque de platitude. Ces ambiguïtés sur l’image ont pour chose à voir avec l’image de l’art lui-même, de ce qui effet de mettre en avant la matérialité des choses et « fait » art : la craquelure, l’aspect vieux, antique. la façon dont elles sont faites. Cet anti-illusionnisme Et cela vaut métaphoriquement pour toutes a un but, qui est de faire apparaître, d’indexer les images dont il se sert : ce sont des images l’économie du tableau, autrement dit la façon génériques, des images qui les signifient toutes. dont la peinture est ordonnée et produite. Des peintures comme Rami, ou Emir, pour prendre « Peindre est un travail physique (un art Bernard Frize, Article japonais, 1985. Laque à craqueler, huile et résine sur toile / crackle lacquer, oil and resin on canvas, 99 × 80 × 3 cm. deux exemples dans une autre série, produisent mécanique) dont je cherche à exploiter au mieux Collection A.-M. et M. Robelin. Photo © François Maisonnasse. © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019. 20Guest Bernard Frize 21Guest Bernard Frize

Bernard Frize, 4 Cf. Jean-Pierre Criqui, peints qui lui servent à appliquer ces lignes mais on peut s’interroger sur les présupposés de Suite Segond 120F, 1980. « Quelques mots à propos de Laque alkyde-uréthane sur toile / “Suite au rouleau” » et du reste. multicolores est aussi une manière de ne pas choisir ce jugement pour le moins mitigé. Pour commencer, urethan alkyd lacquer on canvas, Entretien avec Bernard Frize », – de faire en sorte que le mélange des couleurs qu’est-ce qu’une peinture « conceptuelle » ? L’art 130 × 195 cm, Kunstmuseum Cahiers du MNAM #86, Basel. © Bernard Frize / éd. Centre Pompidou, Paris, échappe à l’artiste. Traditionnellement, la palette conceptuel étant généralement associé au discrédit Adagp, Paris 2019. p. 96 : « Il n’y a pas d’harmonie, est le lieu du mélange des couleurs. Là, c’est la toile de la peinture (et ce, même si un certain nombre de Photo © Kunstmuseum Basel, seulement une construction, Martin P. Bühler. c’est une peinture idiote, en qui prend la fonction de mélangeur. Parfois le hasard ses plus éminents représentants — John Baldessari, fait, c’est absolument absurde. donne le procédé, au détour d’un accident dans Robert Barry, Lawrence Weiner... — ont été peintres C’est pour cela que j’ai dit que c’était une chose ordinaire. l’atelier. C’est le cas des peintures de la Suite Segond, avant d’être « conceptuels »), la formulation peut C’est assez peu artistique. » 5 Bernard Frize, in Sans repentir, faites de collages de pellicules de peinture sèche sembler paradoxale, et on peut donc supposer op. cit., entretien avec formées à la surface de pots restés ouverts. que le critique entend par peinture conceptuelle Angela Lampe, p. 141-142. 6 Cf. Jean-Pierre Criqui, La technique utilisée avec les Six Premières épreuves une peinture d’« idées », auto-réflexive, qui « Les vertus de l’incongruité : part du même principe, ce sont des films de peinture manifeste dans sa composition même ses intentions, une conversation avec Bernard Frize », Artforum, Oct. 1993. obtenus à partir d’un mélange de couleurs ses limites, sa place dans la culture. La question dans un même bac, qui sert en quelque sorte qui s’ensuit est : à ce compte-là, quelle peinture à révéler l’image, aussi directement qu’on le ferait ne l’est pas, depuis la Renaissance ? Ce que David avec du matériel photo. Barrett appelle dumb (stupide, idiot) doit en fait être Cette recherche du non-choix est encore pris en un sens fort, positif, sans qu’il soit besoin accentuée par l’exécution collective de certains d’affilier ses peintures à une forme ou une autre tableaux, qui plus est par des personnes qui n’ont de l’art conceptuel. Idiot, cela signifie que la peinture pas d’expertise particulière en peinture. n’est que ce qu’elle est, une réalité nue, et son intérêt Ce double rejet de la maîtrise peut difficilement réside précisément dans la mise en avant du travail mieux signifier que ça n’est pas là, dans la recherche plutôt que celle du capital culturel. de la maîtrise technique, que se joue son travail. Frize a dit lui-même de certaines de ses Outre qu’il manifeste un rejet de l’idée de maîtrise peintures qu’elles étaient idiotes. Dans son esprit, et de « personnalisation » de l’abstraction, le travail ce qualificatif est associé à l’ordinaire, et à son collectif (et égalitaire) est une autre façon indifférence quant au résultat esthétique4. l’économie productive. Le plan de l’expérience Il dit aussi passer une partie non négligeable de raccorder le travail à l’économie de la peinture, Ses compositions, schématiques ou non, permettent coïncide avec l’image du résultat. Les formes de son temps à concevoir des stratégies qui lui et le symbolisme de la démarche n’est évidemment aux regardeurs de reconstruire mentalement la sont celles de la distribution des couleurs, permettent de ne pas intervenir et de peindre le plus pas dénué d’une dimension politique. À ce propos, façon dont les tableaux ont été faits. La « signature » et la conception de tous ses effets (conséquences) paresseusement possible. Il a, par exemple, souvent si Frize affirme que les titres de ses peintures des outils utilisés (rouleau, pistolet, brosse…), est celle de la conception de l’image. Je ne sais même recours à des procédés fondés sur des problèmes ne signifient rien, il faut tout de même ajouter comme on dirait dans la police scientifique, pas si il y a une image. Il y a l’enregistrement de mathématiques ou d’échecs. Il s’est par exemple que certains signifient plus ou moins « rien » est également très nette, achevant de démystifier d’un événement et l’indexation de ses règles : inspiré d’un problème classique comme celui que d’autres, comme par exemple Conducteur 0. l’acte de peindre. « Je ne suis pas Houdini, je ne suis c’est un tableau1. » des ponts de Königsberg pour la composition Le terme de « conducteur » évoque la fonction pas illusionniste, je ne fais pas de magie, mais Certains tableaux sont d’ailleurs, par leur titre, de tableaux, ou d’un problème d’échecs de celui qui, dans l’industrie, dirige une machine, des choses totalement réalistes5. » Si l’on se place une allusion à cette idée, comme Standard pour la réalisation de Spitz. (Le problème étant : signalant du même coup une affinité avec une dans une perspective historique plus longue, on and Poor’s, du nom de l’agence d’évaluation est-ce qu’il est possible que le cavalier couvre toutes manière de faire ordinaire, ouvrière. peut se rappeler qu’abstraction faite de la question financière publiant notamment l’index des les cases de l’échiquier et, ce faisant, quel dessin L’empathie pour l’ordinaire, pour la simplicité, des sujets, ce qui distinguait l’Académisme principales cotations à la Bourse de New York. produit l’ensemble de ses déplacements ?) est peut-être ce qui a fait dire à un critique, des mouvements « modernes » comme le Réalisme Ironie supplémentaire, le tableau date de l’année Dans les deux cas, on peut remarquer à l’occasion de sa première exposition à Londres : était le souci de faire oublier le travail de la main, de du grand krach boursier (1987). Mais ici le tableau qu’il s’agit d’épuiser les possibilités de circulation « They may not be Conceptual, but Frize’s dumb le rendre invisible par l’application de glacis n’est bien sûr l’indice que de lui-même, indifférent sur une surface plane analogue à celle du tableau. paintings ain’t so dumb3. » Merci pour lui, systématiques. La mise en avant des moyens de l’art aux aléas abstraits du marché boursier. Frize part dans sa peinture d’une base logique qui est ce qui rattache Frize à cette tradition réaliste, Pour Frize, le processus, et le fait qu’il soit laissé lui permet d’obtenir des solutions de compositions et il n’est pas fortuit que Courbet compte parmi en évidence dans le tableau achevé, n’est pas à partir d’une règle, que ce soit dans le tracé les peintres qu’il admire le plus6. une fin en soi, mais une façon de mettre en avant ou l’utilisation des couleurs, leur répétition Après avoir souligné comment il cherchait « l’ordre et la matérialité dont sont faites ou au contraire leur variation. Parler de « solutions » à se servir de protocoles à suivre « pour ne pas les expériences sensibles. » en peinture peut paraître très scientiste, mais choisir », il est intéressant de prêter aussi attention On peut déceler dans ces préoccupations l’intention est en l’occurrence différente. La logique aux autres implications des expressions utilisant une filiation avec tout un pan de l’art des années ne garantit pas l’exécution de la « meilleure » ce qui est choisi, justement : « de premier choix », soixante. Mais si l’on devait rapprocher les procédés peinture (certifiée telle « scientifiquement »), c’est un langage « choisi », les « morceaux choisis », etc. que s’impose Frize de la méthode de Sol LeWitt, par une solution littérale – une résolution d’un problème Ces expressions font partie du vocabulaire exemple – l’idée comme « machine qui fait de l’art » trivial : quoi peindre, comment le peindre. de la distinction, elles signalent l’excellence. 1 Bernard Frize, « Quoi, – la grande différence serait que le résultat n’est « Le sujet de mon travail n’est pas de créer Elles sous-entendent que la valeur est fonction Pourquoi, Quand, Comment, Où et Qui », in cat. expo. pas prévu, ni prévisible. Si l’idée (ou le procédé) est des processus et des règles, ce sont uniquement du choix. Et le luxe repose tout entier sur ce principe Bernard Frize. Sans repentir, une machine, elle est, dans son cas, dysfonctionnelle. des moyens de faire mon travail ou de désirer de l’exclusivité, du « très » choisi. Frize prend ed. Dilecta / Centre Pompidou, Paris, 2019, p. 189. Initialement Frize dit être négligent vis-à-vis du résultat travailler. La peinture est une manière d’explorer un autre parti, que l’on peut facilement rattacher publié en 2010 in cat. expo. And How and Where and Who esthétique – c’est ce qu’il dit, mais c’est aussi des idées et de leur donner un corps à habiter, au Réalisme, qui est celui du commun. (Morsbroich Museum, ce qu’on peut voir. Certaines peintures ont l’air ratées, afin d’être vues et partagées2. » Les conducteurs ont succédé aux casseurs Leverkusen), Ostfildern, Hatje Cantz. bancales. Ce qu’il recherche, à travers des règles Le but est d’en faire le moins possible, de pierres et, dans sa volonté d’être « comme tout 2 Bernard Frize, in Sans repentir, auto-imposées, c’est un type d’indifférence vis-à-vis pas de prétendre à la scientificité ; il cherche le monde », il a adopté dans sa peinture les procédés op. cit. note 1, p. 96. 3 David Barrett, compte-rendu de ce qui arrive, mais pas vis-à-vis de la façon dont à mettre en place des situations dans lesquelles et les moyens utiles à cette fin. de l’exposition à la Frith Street c’est arrivé, le but étant de se libérer de la prise il n’a plus rien à faire et où les choses arrivent Bernard Frize, LedZ, 2018. Gallery, Londres, in Frieze n°26, Acrylique et résine sur toile / acrylic and resin on canvas, 280,5 × 522,5 cm. 1996. de décision en suivant une méthode définie en amont. « par elles-mêmes ». La technique des pinceaux Courtesy Perrotin & Bernard Frize. Photo © Claire Dorn. © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019. 22Guest Bernard Frize 23Guest Bernard Frize

Bernard Frize, RAMI, 1993. Acrylique, nacre, encre et résine sur toile / acrylic, mother-of-pearl, ink and resin on canvas, 205 × 194 cm. From the Operator’s Seat Collection particulière / Private collection. © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019. Bernard Frize Photo © André Morin. — by Vincent Pécoil

Frize works in disparate series. In his œuvre which is the “illusion of an image”, as it happens there are no emblematic forms, with the possible an illusion of landscape. The drips and flows, exception of his pictures made with what he calls the chemical bath in which the different types “painted” brushes (meaning that several colours of paints used interact, the angle of the canvas are applied to the brushes and, once they are applied after the application, all this ends up producing to the canvas, they leave a multi-coloured imprint). an image, an image which, strictly speaking, Each series is associated with a particular kind is not an image, but which nevertheless conjures up of procedure, and is an attempt to exhaust a set the mountainscapes of Chinese painting. The title, of possibilities peculiar to it, composition-wise. Emir, invites us to make a comparison with the world By frequently changing his way of doing things, of mirages, while the effect of Rami underscores Frize tries to avoid what he calls the “personification the role of chance in its making—an interplay of abstraction”. By simultaneously showing of combinations, obtained from rules but retaining everything, the retrospective show at the Centre a random element. The same kind of involuntary Pompidou redoubled the intent of the work itself illusion was already at work in his very earliest by being, itself, a struggle against style, paintings, those made with the help of “traînards”, and signature. It was an all-over retrospective, a kind of extremely fine brush, with the strictly with no hierarchy between the old and the new, abstract composition having in the end the look the abstract and the figurative, the large and of flecked fabric. Conversely, the series made shortly the small, overlapping the exhibition arrangement thereafter with printing rollers makes the most with the principles of the paintings. of the tool to get rid of the image by saturation, People generally reckon that Frize and by multiplying the actions. More recently, is an “abstract” painter, but a certain number with Oude, the image is obtained by the destruction of paintings from the early years are figurative of another image coming before it. In a word, and, in a more general way, each series can also for one lost illusion, there is one re-found. be seen as an effort to make this distinction Not using images is tantamount to creating one, Bernard Frize, Spitz, 1991. Acrylique et résine sur toile / problematic. The series of “professions” is part while accumulating them makes them disappear, acrylic and resin on canvas, 254,5 × 361,5 cm. of the figurative pictures, in the literal sense. or merges them in just one. These illusions Tate : Achat grâce au soutien des In these pictures, such as Max Dormoy, the symbols of images, in the case of the involuntary landscapes, Patrons of New Art via la Tate Gallery Foundation / purchased of different professions float on dark backgrounds. or the illusion of their disappearance through excess, with assistance from the Patrons These figures were first painted on bits of plastic are a way of asserting the nature of abstraction of New Art through the Tate Gallery Foundation, 1996. and then laid, or “transferred” (as we would say as an image. Once it exists, the painting makes Photo © Tate, London 2019. if what was involved was transferring figures an image, with or without a figure. © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019. onto a piece of clothing) onto the canvas. In this So we can understand the frequent use case, the images were found and reproduced all over of white backgrounds in his pictures as a graphic the picture, with no apparent order. As ever, reference to the world of imagery—a sensation the technique used is relatively simple. In the “pots” linked with the white ground of a certain number series, which Article japonais is part of, of pictures, which conjures up the white backdrop the technique used for the background is made of the page, the background against which the forms of crackle lacquer—a type of paint used and illustrations stand out, reinforcing the sensation in decoration to simulate the age of the painted of flatness. These ambiguities about the image object. If the Japanese object actually has nothing have the effect of emphasizing the material Japanese about it, on the other hand it has nature of things and the way they are made. something to do with the image of art itself, This anti-illusionism has a purpose, which is to bring and with what “makes” art: the cracks, the old, things forth, and index the economy of the picture antique look. And this applies metaphorically —otherwise put, the way in which the paint to all the images the artist uses: they are generic ing is organized and produced. images, images which signify them all. Paintings “Painting is a physical task (a mechanical art), like Rami and Emir, to take just two examples whose productive economy I try to make the best in another series, produce this extraordinary thing use of. The experience level overlaps with the image 24Guest Bernard Frize 25Guest Bernard Frize

makes art”—, the great difference would be that 4 Cf. Jean-Pierre Criqui, This quest for non-choice is further paradoxical, and we may thus suppose that the critic “Quelques mots à propos de the result is neither foreseen, nor foreseeable. “Suite au rouleau” et du reste. accentuated by the collective making of certain meant by conceptual painting a self-reflexive If the idea (or the procedure) is a machine, it is, Entretien avec Bernard Frize”, pictures, what is more by people with no particular painting of “ideas”, displaying in its very Cahiers du MNAM #86, Centre in his case, dysfunctional. Frize says he does Pompidou, Paris, p. 96 : know-how when it comes to painting. This twofold composition its intentions, its limits, and its place not know anything about the aesthetic result—this is « Il n’y a pas d’harmonie, rejection of control can only with difficulty better in culture. The next question is: by this count, seulement une construction, what he says, but it is also what we can see. Some c’est une peinture idiote, signify that it is not there, in the search for technical what painting is not conceptual, ever since paintings look like flops, or common-or-garden en fait, c’est absolument mastery, that his work is played out. In addition the Renaissance? What David Barrett calls ‘dumb’ absurde. C’est pour cela works. What he is looking for, through self-imposed que j’ai dit que c’était une chose to displaying a rejection of the idea of mastery must in fact be taken in a strong, positive sense, ordinaire. C’est assez peu rules, is a sort of indifference to what comes about, artistique » / “There is no and “personalization” of abstraction, the collective without there being any need to link Frize’s paintings but not towards the way it comes about, the goal harmony, just a construct, (and egalitarian) work is another way of linking with one form or another of Conceptual art. Dumb it’s a dumb sort of painting, being to be freed from the grip of decision-making, in fact it’s absolutely absurd. the work to the economy of the painting, and the means that the painting is just what it is, a naked by adopting a definite method before the fact. This is why I’ve said that symbolism of the approach is clearly not devoid reality, and its interest lies precisely in highlighting it was something ordinary. He also says he spends a not inconsiderable It’s not very artistic at all.” of a political dimension. In this respect, if Frize says the work rather than the cultural capital. percentage of his time coming up with strategies 5 Bernard Frize, in Sans repentir, that the titles of his painting do not mean anything, Frize has said himself about some of his op. cit., interview with which enable him not to become involved, and Angela Lampe, p. 141-142. it must nevertheless be added that some do mean paintings that they were dumb. In his mind, 6 Cf. Jean-Pierre Criqui, to paint as lazily as possible. For example, he often “Les vertus de l’incongruité : more or less “nothing” than others, like, for example, this adjective is associated with the ordinary, has recourse to procedures based on problems une conversation avec Bernard Conducteur 0. The French term “conducteur”, and with his indifference about the aesthetic result.4 Frize”, Artforum, Oct. 1993. of mathematics or chess. He has, for example, drawn [i.e. machine operator], evokes the function His compositions, whether schematic or otherwise, inspiration from a classical problem such as of the person who, in industry, operates a machine, enable viewers to mentally reconstruct the way the Seven Bridges of Königsberg for the composition indicating, by the same token, an affinity with a way his paintings have been made. The “signature” of pictures, and a chess problem for the making of doing things in an ordinary, workmanlike way. of the tools used (roller, spray, brush…), as the of Spitz. (The problem being: is it possible for Frize’s empathy for the ordinary and for scientific police would put it, is also very distinct, the knight to cover all the squares of the chessboard simplicity is perhaps what caused a critic to say, managing to demystify the act of painting. “I’m not and, in so doing, what drawing produces all its moves?) during his first show in London: “They may not be Houdini, I’m not an illusionist, I don’t make magic, In both cases, we can note that it is a matter Conceptual, but Frize’s dumb paintings ain’t but things that are totally realistic.”5 If we put of exhausting the possibilities of movement so dumb.”3 Thanks for that, but we may well wonder ourselves within a longer historical perspective, on a flat surface akin to that of the picture. about the presuppositions of this nothing we may remember that, leaving aside the matter In his painting, Frize starts from a logical basis if not mixed judgment. To start with, what is of subjects, what set Academicism apart from which helps him to obtain compositional solutions a “conceptual” painting? Because Conceptual art “modern” movements like Realism was a concern based on a rule, be it in the layout or the use is usually associated with discrediting painting to forget about manual work, and make it invisible of colours, their repetition or, on the contrary, (and this even if a certain number of the most by the application of systematic glazes. The emphasis their variation. Talking about “solutions” in painting eminent representatives of it—John Baldessari, on artistic means is what links Frize with this realist

Bernard Frize, ST78 n°2, 1978. may seem very scientistic, but the intention, Robert Barry, Lawrence Weiner…—were painters tradition, and it is not haphazard that Courbet Laque alkyde-uréthane sur toile / urethan alkyd lacquer on canvas, 35 × 27 cm. it just so happens, is different. Logic does before being “conceptual”), the wording may seem is among the painters he most admires.6 Collection particulière / Private collection. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. RMN-GP/ not guarantee the making of the “best” painting After underscoring how he sought to make use © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019. (“scientifically” certified as such), it is a literal of protocols to be followed “in order not to choose”, solution—the resolution of a trivial issue: what it is interesting to also pay attention to the other to paint, and how to paint it. implications of expressions using what is, it just so “The subject of my work is not to create happens, chosen: “first choice”, a “chosen” language, of the result. The forms are those of colour processes and rules, they are solely means for doing “chosen pieces”, etc. These expressions are part distribution, and the conception of all its effects my work and wanting to work. Painting is a way of the vocabulary of distinction, they point (consequences) is that of the conception of the of exploring ideas and giving them a body to inhabit, to excellence. They imply that value is a function image. I don’t even know if there is an image. so as to be seen and shared.”2 of choice. And luxury entirely relies on this principle There’s the recording of an event and an indexation The aim is to do as little as possible, and not of exclusivity, of the “highly” chosen. Frize takes of its rules: which is a picture.”1 to lay claim to anything scientific; he tries to introduce another tack, which we can readily connect Some pictures, by way of their titles, are, situations in which he has nothing more to do, with Realism, which is that of the commonplace. incidentally an allusion to this idea, such as Standard and where things happen “by themselves”. Operators have succeeded stone-breakers, and, and Poor’s, named after the financial rating agency The technique involving the painted brushes, in his desire to be “like everyone else”, Frize which in particular publishes the index of the main which help him to apply these multi-coloured lines, has adopted, in his painting, both the procedures share prices on the New York Stock Exchange. is also a way of not choosing—of acting in such and the means to help him to that end. As an additional irony, the picture dates from a way that the mixture of colours eludes the artist. the year of the great stock market crash of 1987. Traditionally, the palette is the place where colours But here, needless to say, the picture is just the clue are mixed. Here, it is the canvas which assumes to itself, indifferent to the abstract ups and downs the function of mixer. Sometimes chance produces 1 Bernard Frize, “Quoi, Pourquoi, Quand, Comment, Où et Qui”, of the stock market. For Frize, the process, and the the procedure, caused by an accident in the studio. in exh. cat. Bernard Frize. fact that it is left for all to see in the finished picture, This is the case with the paintings in the Suite Sans repentir, Dilecta / Centre Pompidou, Paris, 2019, p. 189. is not an end in itself, but a way of highlighting Segond, made of collages of films of dried paint Initially published in 2010 in the exh. cat. And How and Where “the order and materiality of which perceptible formed on the surface of paint pots that have been and Who (Morsbroich Museum, experiences are made.” left open. The technique used with the Six Premières Leverkusen), Ostfildern, Hatje Cantz. It is possible to detect in these preoccupations épreuves starts from the same principle, it involves 2 Bernard Frize, in Sans repentir, a connection with a whole swathe of 1960s’ art. the films of paint obtained from a mixture op. cit. note 1, p. 96. 3 David Barrett, in his review But if we were to compare the processes that Frize of colours in the same tray, which acts in a way of the exhibition at the Frith imposes upon himself, involving the Sol LeWitt like an image developer, as directly as you would Bernard Frize, N° 10, 2005. Street Gallery, London, Acrylique et résine sur toile / acrylic and resin on canvas, 185 × 185 cm. Pinault Collection. in Frieze n°26, 1996. method, for example—the idea as a “machine that do with photographic equipment. Photo © Bernard Frize. © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019. 16—20 OCTOBER 2019 16 RUE ALFRED DE VIGNY, 75008 PARIS PREVIEW OCTOBER 15 PARISINTERNATIONALE.COM

650mAh, Hove Full-Fall, Milano Paris Ass Book Fair, Paris 1856, Melbourne Galerie Bernhard, Zurich Project Native Informant, London Antoine Levi, Paris Gordon Robichaux, New York ROH Projects, Jakarta Bodega, New York Goswell Road, Paris Sang Bleu, London BQ, Berlin greengrassi, London Sans titre (2016), Paris Bureau, New York Gregor Staiger, Zurich Shivers Only, Paris Carlos /Ishikawa, London Hagiwara Projects, Tokyo Southard Reid, London Capsule, Shanghai Kayokoyuki, Tokyo Sultana, Paris Chapter NY, New York Koppe Astner, Glasgow Tanya Leighton, Berlin Crèvecoeur, Paris KOW, Berlin Temnikova & Kasela, Tallinn Croy Nielsen, Vienna La Plage, Paris The Performance Agency, Berlin Deborah Schamoni, Munich Lars Friedrich, Berlin Tirana Art Center, Tirana Emalin, London MadeIn, Shanghai Union Pacific, London Ermes – Ermes, Vienna Max Mayer, Dusseldorf VEDA, Florence Essex Street, New York Misako & Rosen, Tokyo Wschód, Warsaw EXIT, Hong Kong mother’s tankstation, Dublin, London XYZ Collective, Tokyo Federico Vavassori, Milan Öktem & Aykut, Istanbul . Felix Gaudlitz, Vienna Park View / Paul Soto, Los Angeles . Partenaire offi ciel

Exclusive Partner : 28Interview Douglas Coupland 29Interview Douglas Coupland

comme ce avec quoi nous avons grandi, mais sorte à McLuhan parce que, de ce que je me rappelle, avec des scènes de jungle hyperréalistes avec il distingue ce qu’il appelle des médias « chauds » des méga-gorilles à un millimètre de vous, vous allez et des médias « froids ». De quoi s’agit-il, déjà ? La VR, le médium grandir avec une étrange compréhension de ce Et qu’est-ce que la VR ? qui est normal. DC Tout d’abord, ce truc de « chaud / froid », le plus chaud DC Oh, bien sûr, n’est-ce pas ? Je disais hier que, même après toutes ces années, je ne le comprends dans les années 1960, quand les hippies sont pas bien. Mais je dirais que la VR est probablement soudainement apparus vers 1965, tout le monde se le médium le plus chaud qui soit. — demandait : « Qui sont ces gens ? D’où viennent-ils ? », Daniel Birnbaum s’entretient avec Douglas Coupland et nous nous sommes rendu compte qu’ils venaient DB Parce qu’il vous absorbe totalement ? de la télévision, et maintenant nous avons des Millennials, et ils sortent du début de l’ère DC Absolument. Il n’y a rien d’autre que vous de l’internet, et puis nous allons avoir les prochains, puissiez faire. Vous savez, beaucoup de jeunes gens ces post-Millennials (peut-être à une génération ne savent pas qui est McLuhan ou, s’ils le savent, Cet entretien, qui a eu lieu le 19 janvier 2018 lors du Verbier Art Summit, est d’abord paru dans More than Real: et demie de maintenant) qui ne seront même pas ils n’en ont qu’une très vague idée. Il était professeur Art in the Digital Age publié par Koenig Books. La traduction française qui suit a été réalisée à l’occasion vraiment connectés au monde physique, je pense, d’anglais à Toronto au début des années 1960 et, de sa republication dans 02. Le Verbier Art Summit1 est une plateforme artistique internationale de soutien mais, est-ce une mauvaise chose ? C’est peut-être à l’âge de cinquante ans, il a commencé à discuter à l’innovation et au changement. Sa prochaine édition se tiendra à Verbier du 31 janvier au 1er février 2020 juste une phase d’évolution. des changements qui se produisaient dans en partenariat avec Jessica Morgan, directrice Nathalie de Gunzburg de la Dia Art Foundation à New York. nos esprits, nos corps et nos sociétés ; et, par un DB Mais, même si les effets sont ici plus forts, enchaînement d’expériences vraiment sans rapport le désir de quitter ce monde, n’est-ce pas les unes avec les autres, il a pu, en fait, voir l’internet fondamentalement ce vers quoi tendent l’art cinquante ans avant qu’il soit créé. Il n’en connaissait DB Cette conférence ne porte pas seulement sur Les gens enfilent ces choses puis les enlèvent mais et la littérature, le théâtre et le cinéma, tout cela ? simplement pas les interfaces, alors si vous le relisez la réalité virtuelle (VR). Il existe de nombreux types ils ne retournent jamais tout à fait dans le monde, Jérôme Bosch et Salvador Dalí ne prenaient-ils maintenant, vous verrez qu’il utilise Yeats ou des de nouvelles technologies basées sur les nouvelles et une part d’eux reste engagée dans cette machine. pas des substances un peu fortes ? N’est-ce pas pamphlétaires du XVIIIe siècle pour décrire ce que possibilités numériques — réalité augmentée, la même chose ? sont en fait PayPal ou CNN. Je continue de le lire, réalité mixte, et de nouveaux types d’hologrammes, DB C’est donc une sorte de technologie de fuite parce qu’il n’avait pas raison que jusqu’en 2018, peut-être. Pensez-vous que la réalité virtuelle de la réalité. Qui nous aidera comme la drogue DC Je pense que c’est en fait une impulsion Daniel, il va probablement aller beaucoup plus loin va radicalement changer nos vies ? ou l’alcool. C’est une chose négative, selon vous ? religieuse que de vouloir quitter le corps. Tout dans l’avenir, et je pense que si je continue à faire des à l’heure, j’étais en haut dans le salon à regarder recherches sur lui, nous en saurons probablement DC Oui — et un « oui » sans réserve ! Je pense DC Eh bien, ça va arriver. Je veux dire, la VR est mon iPhone. Il y a trente ans, j’aurais lu des poèmes plus sur ce que la VR va nous faire subir. que nous voudrons toujours ce qui nous permet cet astéroïde qui va frapper la planète, apparemment, de Rilke. Quelque chose a donc changé à ce niveau. d’échapper à nous-mêmes, qu’il s’agisse de drogues, en 2023. Si j’étais vraiment bien organisé, je serais DB Si la réalité virtuelle va changer nos vies, d’alcool, d’opiacés ou d’émissions de télé. en train de faire un film d’horreur en VR, de la DB Mais vous pouvez lire Rilke sur votre iPhone. elle va aussi en changer une sous-catégorie — petite, Je vais vous parler de ma première expérience pornographie en VR ou des jeux en VR ou quelque mais très importante pour certains d’entre nous : de réalité virtuelle. C’était dans mon salon chose comme ça. C’est ce qui va se passer. DC Ce n’est pas la même chose. Pour ce qui est l’art. Qu’en pensez-vous ? Il y a des gens dans la salle à Vancouver, où je vis : quelques bons amis étaient là, Il va y avoir un premier porno en VR, il va y avoir du besoin d’évasion, c’est quelque chose que tout ici qui travaillent avec, mais pensez-vous que c’était un bel après-midi de juillet, et le soleil passait un premier film gore en VR. Alors qu’est-ce qu’on le monde veut. On devrait peut-être se demander c’est une toute nouvelle forme d’art qui arrive ? au travers des feuilles d’arbre... Une journée va faire ? pourquoi on veut s’échapper. Ou dupliquera-t-elle tout ce qui a déjà été fait magnifique, parfaite, dans ma pièce préférée On ne peut pas combattre ça. On essaie pour le recréer en VR ? sur Terre. Il y avait cet ami qui travaille à Mozilla, de comprendre. Vous avez déjà essayé ? DB Donc vous pensez que la VR est un médium dans la baie de San Francisco, qui avait apporté plus fort que les autres et qui va plus ou moins DC Eh bien, la partie sensorielle en est si la version la plus récente de l’Oculus Rift, et je n’en DB J’ai essayé un peu. dominer ou tuer tous les autres médias ? bouleversante et si merveilleuse qu’on oublie avais jamais utilisé avant, alors je l’ai mis et, qu’ils vont probablement devoir y ajouter soudain, je flottais au-dessus d’un marais pourpre DC Quelle a été votre expérience ? DC Absolument — elle s’empare de notre corps, des scénarios, y construire de nouvelles fables. en Louisiane, et il y avait des lumières au loin — alors nous capture. Elle puise dans le cerveau reptilien, Sûrement à la manière de ce qu’est Netflix pour j’ai poursuivi les lumières comme ça [se balançant DM J’ai été également... Pas choqué. Ce n’est pas dans le cortex frontal et dans tous nos systèmes la télévision, ce sera peut-être le prochain Netflix légèrement dans sa chaise] — une expérience très, le bon mot, et je n’ai pas vu de choses merveilleuses, gravitationnels. Vous savez, si on sonne à la porte mais encore un peu plus saturé, un peu plus intense. très simple, et, ensuite, j’ai dit « Encore ». C’était mais j’ai essayé au studio Warner de Londres. alors que vous êtes en VR, vous ne serez pas C’est l’avenir de la narration. Je regarde la VR l’exploitation minière d’astéroïdes sur Jupiter en mesure de répondre ni même de faire ça en pensant : « Ok, quelle histoire peut-on raconter ou Saturne ou quelque chose comme ça, sauf qu’on DC Des dessins animés ? [tendant sa main comme pour tourner une poignée]. ici que l’on ne peut raconter nulle part ailleurs ? ». ne pouvait que regarder. On ne pouvait pas vraiment Vous êtes vraiment absolument dedans ; Je pense que cela a probablement beaucoup à voir y mettre les mains ou faire quoi que ce soit — en tout, DB C’étaient des dessins animés, mais je ne sais pas vous êtes complètement dedans. avec James Cameron et avec les films qu’il fait avec ça a duré peut-être trois minutes et demie, puis vraiment ce que c’était. Je pense que c’étaient des gens qui sont bleus, comment ça s’appelle déjà ? j’ai enlevé le casque, j’ai regardé le réel et je me suis des productions Disney ou quelque chose comme DB J’ai oublié de mentionner que Douglas n’est dit : « Quel dépotoir ! ». Et j’ai pensé : « Mon Dieu ! ça mais, vous voyez, on se retournait et il y avait pas seulement un auteur et un critique culturel DB Avatar. Cette chose va gagner, bien sûr qu’elle va gagner. » un très gros gorille là, mais vraiment très gros, ainsi que beaucoup d’autres choses, c’est aussi La seule mise en garde quant à une expérience et un serpent qui était proche comme ça, et c’est un artiste et un designer, plus — et c’est important DC Je pense que c’est peut-être la première en VR est que si vous arrêtez subitement ou si vous super-naturaliste. Et ce sont, je présume, des ici, peut-être — vous avez écrit un livre très orientation, en effet, avec un très gros budget. coupez des scènes, cela affecte réellement votre productions pour enfants, alors, qu’est-ce qui va intéressant sur Marshall McLuhan ! Maintenant système vestibulaire et vous avez une sorte de mal arriver aux enfants ?! Si vous grandissez avec ça que je m’en souviens, il m’y a procuré un accès facile DB Je sais que Tate a fait quelque chose de mer ou vous vomissez, mais il y a aussi ce qu’on comme forme de divertissement normal, pas avec un puisque je sais si peu sur ces choses, que je peux pour accompagner l’exposition Modigliani. 1 www.verbierartsummit.org appelle la « tristesse de la VR », que j’ai vécue. petit dessin animé ou un petit livre ou quelque chose poser des questions qui se rapportent en quelque C’est un véhicule, une façon de faire connaître 30Interview Douglas Coupland 31Interview Douglas Coupland

leur exposition, que les gens peuvent voir même DB Oui, je ne sais pas quoi répondre à ça. cette famille, et tout le monde regardait cette espèce puis-je faire de l’argent avec ça ? », ou « Comment ça s’ils ne vont pas au musée, mais l’art qui est produit Mais, au-delà du fait que ces casques sont laids de truc noir, et je me suis toujours demandé va me rapporter ? ». Il ne semble pas y avoir la même pour, ou dans, ou avec ce nouveau médium est aussi — parce que je suis d’accord, ce n’est vraiment pas ce que c’était. Bien sûr, c’était en fait ces choses volonté d’en faire de l’art, en tout cas pas encore, déjà là, à la Biennale du Whitney, à celle de Venise. très attirant, cette technologie — ils ont l’air idiot, avec lesquelles nous vivons maintenant. mais c’est peut-être juste parce que l’interface Cela pose de nombreux problèmes d’ordre pratique. et vous avez l’air stupide, et les gens ont l’air Je pense que les choses cessent très vite d’être est si imposante. C’est évident que ça va arriver. Vous savez, nous pourrions montrer quelque de clowns quand ils en portent, mais cela pourrait bizarres. Vous vous souvenez quand Google sonnait chose ici parce que nous sommes une centaine changer, je suppose qu’ils finiront par ressembler comme un mot stupide à dire, et maintenant c’est DB La tendance dominante dans le monde de l’art de personnes ou quelque chose comme ça, mais à des Ray-Ban ou autre. juste un mot ? Il va y avoir une étape très délicate n’a-t-elle pas été d’être sceptique à l’égard de la dans les grands musées ou les biennales où il y en au début, et je pense qu’il va aussi y avoir une sorte technologie, de la considérer comme quelque chose a des centaines de milliers, c’est très difficile. DC Ils vont résoudre ça. Il y a cette photo que, d’étape Bitcoin, car tout le monde va essayer qui fait peur ? Mais il y a des moments où ce n’est pas Et cela me fait m’interroger aussi sur ceci, je pense je pense, la plupart des gens ont vue maintenant, de s’y mettre et d’en profiter aussi vite que possible. le cas. Je me souviens que nous étions tous les deux qu’on en a parlé mais, il y a quelque chose d’un peu d’un wagon de train de banlieue londonien à une conférence sur « Les Immatériaux », autiste, égoïste, d’une mise à l’écart, là-dedans. dans lequel tous les hommes (il n’y a pas de femmes DB Je dirais que le moment où cela devient une l’exposition organisée par Jean-François Lyotard, Vous savez, vous enfilez ce truc, et vos amis partent dans l’image) lisent le même journal. Un autre chose normale — une sorte d’appareil de tous les qui avait des tendances utopiques et ou sont même déjà partis, et vous vous sentez exemple d’isolement au sein d’une foule. S’ils lisent jours — c’est, je suppose, le moment où cela devient techno-optimistes. Ils avait les deux, et il y a bien là-bas sur Jupiter, mais quand on va voir tous les mêmes articles, c’est comme s’ils portaient totalement sans fil et que cela fait partie de votre des mouvements comme E.A.T. et le groupe une exposition d’art, n’est-il pas plus chouette les mêmes lunettes ensemble. Les gens ne changent téléphone, je suppose, et que vous l’avez juste là, en Allemagne, Zero, et, au début du XXe siècle, d’y aller vraiment avec quelqu’un ? J’adorerais pas. Ils adoptent simplement les mêmes vieux et que les lunettes ressemblent à des Ray-Bans nous avions le Futurisme qui était, peut-être, me promener dans un musée avec vous et vous parler comportements et les remanient de nouvelles ou autre. Sinon, s’il faut aller dans un endroit spécial, naïvement optimiste au sujet des machines tout en regardant des peintures, et cela me semble… façons. Donc, je pense que l’aspect de la VR mettre le casque devant un énorme ordinateur, de guerre et de la technologie militaire. qui est négligé, c’est la possibilité d’une expérience ce n’est pas très attrayant, mais tout se passe DC Ouais. Les gens ont juste l’air étrange quand ils religieuse, et je pense que ce sera merveilleux, si rapidement maintenant. DC Il y a Kraftwerk. portent ces lunettes — il n’y a pas moyen d’échapper et j’ai vraiment, vraiment hâte de voir ça. à ça — et, qui que ce soit qui les designe, c’est le DC Je vois ce que vous voulez dire… DB Ouais. Dans le monde de l’art au moins, et vous véritable challenge du design de ces vingt DB Allez-vous faire des choses en VR ? êtes en partie dans le monde de l’art —vous êtes prochaines années. Elles ne doivent pas nous faire DB Si vous pouviez souhaiter quelque chose dans bien des mondes. Mais les gens ont été un peu, ressembler à quelqu’un de couvé par une espèce DC Je ne sais pas. En 2023, je serai peut-être — qu’est-ce que ce serait ? vous savez, traumatisés par la technologie. supérieure, c’est à cela qu’elle devraient ressembler. à la retraite en Arizona à la poursuite de chutes Il y a l’idée que c’est plus un problème et une chose d’eau au volant de ma Tesla ou autre. Ceci dit, DC Ok, une sorte de retour dans les années 60, avec dangereuse qu’une potentialité. DB Vous êtes designer, alors… j’aimerais bien. À moins que vous ne puissiez mettre un : « Wow ! On a la technologie ! On a des artistes. la main à la pâte, ce ne sera pas une expérience très Pourquoi n’en font-ils pas de l’art ? ». Avec certain DC Eh bien, vers 2029, l’équivalent en VR de la roue DC Mais il y a peut-être un moyen. J’en porte, satisfaisante, mais je pense qu’ils y travaillent déjà, optimisme à ce sujet, comme la conquête d’un de vélo sur une chaise sera produit. C’est ça la partie vous en portez, et nous pouvons de fait aller dans non ? Ça va arriver. On devrait peut-être commencer nouveau continent, alors que, maintenant, tout excitante, se demander ce que ça va être. Nous allons un espace ensemble, et je pense que le nouveau film au studio. C’est difficile à quel point ? Est-il vraiment le monde regarde ces machines avec un : « Comment le découvrir. Je ne sais pas ce que ce sera ! de Steven Spielberg, Ready Player One, parle de cela. difficile de filmer quelque chose et de le faire Si c’était une application, comme par exemple traduire dans le casque ? « se promener dans le Moderna Museet avec Daniel Birnbaum », ce serait merveilleux. Donc, peut-être DB Cela va très vite, je suppose. Mais je ne suis que nous projetons de l’isolement dans une situation pas sûr d’avoir compris ce que vous avez dit à propos qui pourrait en fait être très riche d’expériences de la visite du musée, à deux ou trois personnes. partagées. En réalité virtuelle, on peut partager un espace, bien sûr… DB Bien sûr, lire un roman est aussi quelque chose de solitaire. Vous êtes assis là, vous lisez votre livre, DC C’est comme faire un Google Docs ou quelque et vous êtes seul. chose comme ça. On peut y travailler ensemble.

DC Les livres sont peut-être surestimés. DB Mais alors je vous vois comme un avatar…

DB [Gloussements] DC Eh bien, mon avatar serait certainement là-dedans, ouais, mais pas moi. DC Oui, je l’ai dit ! En streaming en direct sur un truc international. DB Donc ça n’a pas à être une sorte d’expérience solitaire… DB [Rires] DC Non, il ne s’agit pas d’isolement. Vous pouvez DC Eh bien, peut-être que les livres n’étaient parcourir un espace avec quelqu’un en Antarctique qu’une technologie intérimaire nécessaire qui devait si l’installation fonctionne bien. C’est juste que exister pour nous amener à la VR, et maintenant ça a l’air si étrange. Je pense que c’était Pink Floyd nous pouvons nous débarrasser de nos livres. — ou Led Zeppelin — qui a eu cette pochette [Silence stupéfait.] d’album conçue par les studios Hipgnosis au début des années 70, pour laquelle ils ont pris des photos DB Ouais… des années 50 de familles ou de gens dans leur voiture ou autre, et y ont ajouté cet objet noir, DC Vos cerveaux sont en train de baver… et c’était incroyablement prescient. Il y avait 32Interview Douglas Coupland 33Interview Douglas Coupland

generations from now) who won’t even really have he didn’t know the correct interfaces–so, if you reread a connection with the physical world, I don’t think, him now, he’ll be using Yeats or pamphleteers from and then–is it a bad thing? Maybe it’s just the eighteenth century to describe what’s basically VR, the Hottest Medium an evolutionary stage. PayPal, or CNN. I’m continuing to read him, because he’s not correct just up to 2018, Daniel, he’s probably DB But even if the effects are stronger, the wish going to go way further into the future, and I think — to leave this world, isn’t that basically what art that if I continue to research him, we’ll probably find Daniel Birnbaum talks to Douglas Coupland and literature and theatre and cinema, all of this, out more about what VR is going to do to us. is about? I mean, didn’t Hieronymus Bosch and Salvador Dalí take some heavy kind of stuff? DB If virtual reality is going to change our lives, Isn’t that just the same thing? it will also change a sub-category–small, but very This interview was conducted on 19 January 2018 during the Verbier Art Summit and was first published important for some of us: namely, art–and what in More than Real: Art in the Digital Age by Koenig Books. The Verbier Art Summit1 is an international art DC I think it’s actually a religious impulse to want do you think? I mean, now there are people here platform that fosters innovation and change. The next Verbier Art Summit will take place in Verbier to exit the body. I mean, earlier I was upstairs in the room who are working with this, but do you from 31 January to 1 February 2020 in partnership with Jessica Morgan, Nathalie de Gunzburg director in the lounge looking at my iPhone. You know, think it’s an entirely new art form coming? of the Dia Art Foundation in New York. thirty years ago, I would have been reading poems Or will it duplicate everything that has already by Rilke. So, something’s changed there. been done, and recreate it in VR?

DB This conference is not only about virtual reality DC Well, it’s going to happen. I mean, VR is this DB But you can read Rilke on your iPhone. DC Well, the sensory part of it is so overwhelming (VR). There are many kinds of new technologies asteroid that’s going to hit the planet, apparently, and so wonderful that you forget that they’re that are based on new digital possibilities in 2023. I mean, if I really had my act together, DC It’s not the same. In terms of the escapist need, probably going to have to throw some storylines —augmented reality, mixed reality, new kinds I’d be out there making a VR slasher movie or VR it’s something everyone wants to do. Maybe we in there too, and have new fables. Probably what of holograms, maybe. Do you think virtual reality pornography or VR gaming or something. should figure out why it is that we want to escape. Netflix is to TV, this is going to be the next Netflix, will radically change our lives? It’s going to happen. There’s going to be a first perhaps, but even then a bit more saturated, VR porno, there’s going to be a first VR slasher film. DB So you think VR is a medium that is somehow a bit more intense. It is the future of narrative. DC Yes–and an unqualified “yes”! I think anything So what are you going to do? stronger than others, and that will more or less I’m certainly looking at it and going, “Ok, what story that allows you to escape from yourself, whether You can’t fight it. You try to understand it. dominate or kill all other media? can you tell here that you can’t tell anywhere else?” it’s drugs or alcohol or opiates or broadcast Have you tried it yet? I think that probably this could be a lot about television, we’re always going to want that. DC Completely–it just overtakes your body; you’re James Cameron and with the movies he makes Let me tell you about the first experience DB I have tried it a little bit. captured by it. It taps into the reptile part of your with people who are blue, what was that again? I had with virtual reality. It was in my living room brain as well as the frontal cortex and all your gravity in Vancouver, where I live, and we had some good DC What was your experience? systems. You know, when the doorbell rings and you DB Avatar. friends over, and it was this beautiful July afternoon, are in VR, you are not going to be able to answer the and the light was coming through the leaves on the DM Yup. I was similarly… Not shocked. That’s not door or something like that [stretching out his hand DC I think that’s the first direction, maybe, tree… It was just a gorgeous, perfect, perfect day the right word, and I didn’t see wonderful things, to turn a handle]. You’re really absolutely inside it; with a very big budget. in my favourite room on Earth, and there was this but I looked at it at the Warner Brothers studio you’re completely within it. friend that works at Mozilla down in the Bay Area, in London. DB I know that Tate did something to accompany and he brought up the most recent version DB I forgot to mention that Douglas is not only their Modigliani show. That’s a vehicle, a way of Oculus, and I’d never used one before, and so DC Like cartoons? an author and a cultural critic and many things, to make people know about their show, and people I put it on, and suddenly I was floating above a purple he’s also an artist and designer, plus–importantly can watch it even if they don’t go to the museum, swamp in Louisiana, and there were lights off DB They were cartoons, but I don’t really know what here, perhaps–you wrote a very interesting book but art that is produced for, or in, or with this new in the distance–so I chased the lights like that they were. I think Disney Productions or something, on Marshall McLuhan! Now I remember that, as part medium has also started–at the Whitney Biennale [slightly rocking from side to side in his chair] but it was, you know, you turn around and there’s of that, that was an easy way in for me, somehow, and at the Venice Biennale. It has many problems —a very, very simple experience, and then, “Let’s do a very large gorilla there, but like really large, since I know so little about these things that I could of a practical nature. You know, we could show another.” It was asteroid mining on Jupiter or Saturn and there’s a snake which is that close, and it’s ask questions that somehow relate to McLuhan something here because we’re a hundred people or something, except you could only look. You super-naturalistic. And these are, I presume, because, I did know a little bit about him, and he or something, but with the big museums couldn’t really put your hands in or do anything— children productions–so, what is going to happen distinguishes between what he calls “hot” and “cold” or biennales and stuff where there are hundreds of so, altogether it was maybe three and a half minutes, to children?! If you grow up with that as a normal mediums. What is that, again? And what is VR? thousands, it’s very difficult. But there is something and then I took the goggles off and I looked at the kind of entertainment, not a little cartoon also with it that I wonder about, I think we talked real world and I thought, “What a dump this place or a little book or something that we grew up with, DC First of all, the “hot”/”cold” thing, even after about this, but there’s something a little bit is!”. And I realised, “Oh, my God! This thing is going but with hyper-realistic jungle scenes with crazy all these years, I don’t quite get it. But I’d say VR autistic, solipsistic, isolated, about it. You know, to win; there’s no way it cannot win.” mega-gorillas one millimetre away from you, you will is probably the hottest medium there is. you put on that thing, and friends leave—are The only caveat of VR experience is that if you grow up with a strange kind of understanding gone–and you feel you’re great out there on Jupiter, stop suddenly or if you cut scenes, then it really of what’s normal. DB Because it absorbs you totally? but I mean, when you go to art shows, isn’t it fun affects your vestibular system and you feel seasick to actually go with someone? I would love to walk or you will puke–but there’s also this thing DC Oh, you would, wouldn’t you? I was saying DC Completely. There is nothing else you can do. through a museum with you and talk to you whilst called “VR sadness” which is what I experienced. yesterday that in the 1960s, when hippies just You know, a lot of younger people don’t know who looking at paintings, and this seems… People put these things on and they come out, suddenly appeared on the scene around ’65, McLuhan is or, if they do, they only have a very faint and they never quite return to the full world, everyone was like, “Who are these people? idea. He was this English teacher in Toronto in the DC Yeah. People just look strange when they’re and a part of them is invested in this machine. Where do they come from?”, and we realised early 1960s who, at the age of fifty, began discussing wearing those goggles– there is no way around they came from television, and now we have changes that are happening inside our minds, bodies, it–and, whoever is designing them, that is the golden DB So it’s an escapist kind of technology. It will millennials, and they’re coming out of the early and societies; and, through a chain of really, weirdly, design ring of the next twenty years. They have help us like drugs or alcohol. Is it a negative thing, Internet era, and then you are going to have these unrelatable experiences, he was able to, basically, to look like you’re not being cocooned by a superior 1 www.verbierartsummit.org you think? next post-millennials (maybe one and a half see the Internet fifty years before it happened, but species, is what they ought to look like. 34Interview Douglas Coupland 35Interview Douglas Coupland

DB You’re a designer–so… already, right? See, it’s going to happen. DB Hasn’t the dominant trend in the art world been Maybe we should start at the studio. How difficult to be sceptical of technology, that it is something DC But maybe there is a way. I’ve got them on; is it? Is it crazy difficult to film something scary? But there are moments when that’s not you’ve got them on; and we can actually go in a space and have it translated into the goggles? the case. I remember we were both in a conference together, and I think the new Steven Spielberg about “Les Immatériaux,” the exhibition curated movie, Ready Player One, is about just that. I mean, DB It’s moving very quickly, I presume. But, by Jean-François Lyotard, that had utopian, if that was an app, like “go through the Moderna I’m not sure I understood what you said about techno-optimistic tendencies. They had both, Museet with Daniel Birnbaum”, that would be kind the fact that at the museum we walk through and there are movements such as E.A.T. and the of wonderful, actually. So, maybe we’re projecting and you’re two or three people. In virtual reality group in Germany, Zero, and way back in the early isolation into a situation that could actually be very one can share a space—of course… twentieth century we had Futurism, which was, rich in shared experiences. maybe, naïvely optimistic about war machines DC It’s like you’re doing a Google Docs or something. and military technology. DB Of course, reading a novel is also a lonesome You can work on it together. thing. You sit there and you read your book, DC There is Kraftwerk. and you’re alone. DB But then I see you as an avatar… DB Yeah. In the art world at least, and you’re partly DC Maybe books are overrated. DC Well, my avatar would definitely be in there in the art world–you’re in many worlds. But people —not me. Yeah. have been a little bit, you know, traumatised DB [Chuckles] by technology. That it is more a problem DB So it doesn’t have to be a kind of a lonesome… and a dangerous thing rather than a possibility. DC Yes, I just said that! On live streaming on international whatever. DC No, it’s not about isolation. You can investigate DC Well, around 2029, the VR equivalent a space with someone in Antarctica if you’re set-up of the bicycle wheel on a chair is going to happen. DB [Laughing] properly. It’s just that it looks so strange. I think it That’s the exciting part–wondering what it’s going was Pink Floyd, or was it Led Zeppelin–they did this to be. We’re going to find out. I don’t know! DC Well, maybe books were just a necessary album cover designed by Hipgnosis studios back interim technology that had to happen in order in the early ’70s, and they took ’50s stock photos to get us to VR, and now we can get rid of our books. of families or people in their car or whatever, and [Stunned silence.] they put this black object in it, and it was insanely prescient. You’d have this family, and everyone was DB Yeah… just sort of staring at this black thing, and I always wondered what it was. Of course, it ended up being DC Your brains are dribbling… these things we live with. I think that things stop being weird very, very DB Yes, I don’t know what to say to that exactly. quickly. Do you remember when Google sounded like But, beyond them being ugly, because I agree, a stupid word to say, and now it’s just a word? There it’s very unattractive, this whole technology, is going to be a very awkward stage at the beginning, they look silly, and you’re looking stupid, and people and I think there is going to be a sort of Bitcoin look like clowns when they’re wearing them, stage to it as well, as everyone tries to jump in but that might change, I presume, that they will and cash in as quickly as they can. look like Ray-Bans or I don’t know what. DB I would say, the moment when it becomes DC They’ll figure it out. There’s that photo, I think, a normal thing—a kind of everyday device—is, most people have seen now of a commuter railway I guess, the moment when it’s totally wireless and car going from the suburbs of London into the city, also in your phone, I guess, and you just have it there, and every single guy (there are no women in it) and the glasses look like Ray-Bans or something is reading the same paper all at once. So there you else. Otherwise, if you have to go to a special place, have another example of isolation within a crowd. put on some ugly goggles with a huge computer, If they’re all reading the same stories then, maybe, that’s not so attractive, but it all happens quickly now. they’re basically wearing goggles together. I mean, people don’t change, I don’t think. They just take the DC I know what you’re saying… same old behaviours and re inflect them in new ways. So, I do think that the aspect of VR that is being DB If you could just wish for something—what would overlooked is the potential for a religious it be? experience, and I think that’s going to be quite wonderful, and I really, really look forward to that. DC Ok, back in the ’60s–like, “Wow! We have technology! We’ve got some artists. Why don’t you DB Are you going to do things in VR? guys make art out of it?” And there’s a certain optimism about it, like conquering a new continent, DC I don’t know. By 2023 I might be retired in and now everyone looks at these machines like, “How Arizona chasing waterfalls in my Tesla or something. can I make money out of this?”, or “How do I make it I would like to, though. Unless you can get your pay off?” There doesn’t seem to be the same will to hands in there, it’s not going to be a very satisfying make art out of it yet, and it might be just because the experience, but I think they’re working on that interface is so clunky. It’s obviously going to happen. Delphine Bertrand,LouisFrehring, MakikoFuruichi,HarilayRabenjamina résidence - 40mcube estmembre d’Artsen Département d’Ille-et-Vilaine etdel’ADAGP. Avec lesoutiendelaRégionBretagne, du mécénat delasociétéd’avocatsAvoxa. en Bretagne etdelarevue 02.Avec le Bretagne, d’a.c.b-artcontemporain d’art (Rennes),deDocumentsd’artistes Frac Bretagne, desArchives delacritique Criée (Rennes)etPasserelle (Brest), du Avec lacollaborationdescentres d’artLa commissaires d’exposition. et une destination de jeunes artistes plasticien·ne·s est une l’entreprise d’Art deBretagne avec l’ Initié par École Européenne Supérieure résidence internationale formation professionnelle 40mcube

Self Signal Réseau national. , enpartenariatavec etportéconjointement , GENERATOR de à

Plus d’informations/ Commissaires d’exposition/ résidence 40mcube isamemberofArtsen Council andADAGP. Regional Council,theIlle-et-Vilaine County frm Avoxa. WiththesupportofBrittany review 02.Withthesponsorshipoflaw a.c.b -contemporaryartinBrittanyandthe (Rennes), Documentsd’artistesBretagne, Bretagne, theArchives delacritiqued’art Criée (Rennes)andPasserelle (Brest), Frac With thecollaborationofartcentres La artists anda a company Art ofBrittany jointly withthe Initiated by professional training More information Elena Cardin, LucasMorin

Self Signal GENERATOR #6 - NationalNetwork. 40mcube residency European Schoolof , inpartnershipwiththe Artistes / , andcarriedout GENERATOR forcurators. :www.40mcube.org foryoungvisual Curators Artists is

Celebrating London’s architecture, Barbican Centre. Photograph: Dan Tobin Smith. Tickets atfrieze.com Regent’s Park 3–6 October from aroundtheworld The bestof contemporary art

38Interview Sylvain Darrifourcq 39Interview Sylvain Darrifourcq

Sylvain Darrifourcq — en conversation avec Aude Launay

FIXIN, sortie de résidence Si l’on ne présente plus Sylvain Darrifourcq sur comme une droite que l’on peut segmenter à loisir. au Cube, Issy-les-Moulineaux, 21.11.2019 la scène européenne des musiques improvisées De ce point de départ, tout découle logiquement Création au Théâtre de Vanves, — qu’on l’ait entendu accompagner les éminences pour un instrument comme le mien. Chaque impact dans le cadre de la biennale Némo, 4.12.2019 du jazz Joëlle Léandre, Michel Portal, Louis Sclavis pourrait être un point, chaque son frotté, Le Générateur, Gentilly, ou Émile Parisien avec le quartet duquel il partage un segment, etc. dans le cadre du festival Sors de ce Corps organisé par une « Victoire du Jazz » en 2009, ou, plus FIXIN arrive dans mon parcours comme la biennale Némo, 25.01.2020 récemment, exploser aux côtés des prodigieux une suite logique de la précédente création, Espace multimédia Gantner, Bourogne, dans le cadre de membres du Tricollectif1 Roberto Negro et Valentin MILESDAVISQUINTET!, qui était une musique l’exposition « Algotaylorism », 19.04 – 11.07.2020. Ceccaldi, et dans ses propres formations uniquement percussive produite en trio en compagnie du même Valentin Ceccaldi et de son piano-violoncelle-batterie. On y épurait le language Teaser : 2 www.sylvaindarrifourcq.com/ frère Théo Ceccaldi sous le nom d’IN LOVE WITH jusqu’à n’en garder que des pulsations polymétrées, fxin.html ou encore de Valentin Ceccaldi et de Xavier Camarasa des choses très mécaniques ; ce qui nous a menés dans le MILESDAVISQUINTET!3 — c’est plus à automatiser nos gestes. récemment qu’il a fait son apparition sur celle que l’on nomme des arts visuels. Après une Ce qui était une conséquence des recherches collaboration du MILESDAVISQUINTET! avec du MILESDAVISQUINTET! a ainsi formé l’origine le vidéaste Jean-Pascal Retel notamment présentée de FIXIN ? Je suis vraiment obsédé par la mécanique, lors de l’édition 2017 de la biennale Némo et une par le fait de jouer comme un ordinateur, d’agir performance avec Zimoun4 à la Kunsthaus Kule comme un ordinateur, c’est-à-dire en on / off, délesté de Berlin fin 2018, c’est en solo qu’il nous offre sa de tout ce qui peut être charnel, humain, de ce que première création tout autant visuelle que sonore, je me représente visuellement comme des courbes : FIXIN5. Ici, à l’heure où les intelligences artificielles ce sont les points, les lignes droites, les angles aigus « tentent » de composer de la musique aussi bien que qui m’intéressent. Il se trouve que le logiciel avec lequel les humains, Sylvain Darrifourcq, percussionniste et je travaille, Ableton Live, fonctionne de la même batteur, conçoit son geste comme un clic, et vient façon. La visualisation ne se fait qu’au travers réasservir les machines à la volonté individuelle. de petits carrés, de barres, de lignes, de points… C’est vraiment une décomposition du temps. Tout cela se Outre vos collaborations, plus attendues pour rejoint pour moi : la façon dont je le vois, la façon dont 1 http://www.tricollectif.fr 2 IN LOVE WITH : Sylvain un musicien, avec des chorégraphes ou des je l’écris, la façon dont je le pense et la façon dont je Darrifourcq : batterie, composition ; Théo Ceccaldi : scénographes, vous n’hésitez pas à revendiquer vois mon corps. Le dispositif lumineux vient compléter violon ; Valentin Ceccaldi : des infuences littéraires ou à performer avec des cela, allant dans le même sens d’une géométrie violoncelle. 3 MILESDAVISQUINTET! : plasticiens. Vous placez notamment la musique sommaire. Le premier travail de lumières qui m’ait Sylvain Darrifourcq : de votre trio IN LOVE WITH sous l’égide de Faulkner marqué, c’était une pièce de Philippe Parreno percussions ; Xavier Camarasa : piano préparé ; Valentin et Beckett, d’une certaine géométrie non linéaire, composée d’une cinquantaine de néons mis en espace Ceccaldi : violoncelle. afn d’éviter, dites-vous, « le point d’arrivée ». dont le son, lorsqu’ils s’allument et s’éteignent, 4 Zimoun & Sylvain Darrifourcq, Time at a Loss #3, Mechanical Que se cache-t-il derrière cette volonté ? Si je devais crée une véritable pièce rythmique. Tous ces rapports Sylvain Darrifourcq, FIXIN, 2019. Rythms and Repetition, Photo : Romain Al’l. Outbound Series, commissariat : résumer mes préoccupations artistiques très rudimentaires à l’information m’intéressent. Mélodie Melak, Kunsthaus du moment, je dirais que je cherche à géométriser KuLe, Berlin, 19.12.2018. 5 FIXIN : Sylvain Darrifourcq : un certain rapport au temps. Sans vouloir réduire On / off, binaire, ordinateur… Tout cela percussions, composition, l’écriture de Faulkner à cette dimension, ses romans est parfaitement logique. En effet. Dans conception ; Nicolas Canot : conception numérique ; offrent une expérience temporelle très particulière MILESDAVISQUINTET!, l’on travaillait cela à trois Maxime Lance : design d’objet ; (du moins à son époque), de l’ordre de la musiciens et, dans la logique d’épuration… Liz Santoro : conseil chorégraphique. déconstruction dans Le Bruit et la Fureur, et plutôt J’ai remplacé les autres par des moteurs ! (rires) Co-production : Hector / Full Rhizome ; Biennale de la répétition dans Absalon Absalon! Mais je Puis j’ai découvert le travail de Zimoun qui m’a Némo / Arcadi / le 104, Paris ; pourrais aussi évoquer le travail de la lenteur totalement fasciné. Je l’ai contacté, il a aussi été le Théâtre de Vanves ; le Cube, Issy-les-Moulineaux ; Le Lieu de Bill Viola, pour parler d’autre chose. Tout ce qui impressionné par ce que je faisais et, finalement, multiple, Poitiers ; La Muse met l’accent sur l’expérience subjective du temps on a collaboré l’an dernier. C’est réellement en Circuit, Alfortville. Avec le soutien du CNC / Dicréam ; m’intéresse, au-delà des esthétiques. Mais quand j’ai vu ce qu’il faisait que tout s’est mis en du Fonds d’aide à l’innovation pour travailler cette notion, j’ai besoin de me place et que je me suis mis à fantasmer cette espèce audiovisuelle ; de l’Adami et de la Spedidam. la représenter de façon géométrique ; par exemple d’homme-machine qui performe FIXIN. 40Interview Sylvain Darrifourcq 41Interview Sylvain Darrifourcq

en machine ? Quelle est l’influence de l’un sur C’est une démarche à la Picasso, l’autre ? Comme je le disais, pour composer, j’utilise ce désapprentissage. C’est tout à fait cela. J’ai le logiciel Abelton Live qui me permet d’envoyer appris la musique par la musique écrite et, quand j’ai des signaux MIDI dans un boîtier — spécialement découvert la musique improvisée libre, cela a déjà conçu par Max Lance — qui transforme l’information été une façon de désapprendre ce que j’avais appris. et la transmet aux moteurs. Il intègre une carte microcontroleur Teensy (proche de l’Arduino), Vous n’avez pas toujours été batteur… J’ai étudié des transformateurs (MOSFET), une alimentation, les percussions classiques, c’est un champ assez des connexions USB, Ethernet, etc. J’ai choisi large qui regroupe les claviers, les timbales, les les moteurs (solénoïdes, vibreurs, moteurs DC, vibraphones, toutes les percussions d’orchestre fader motorisé, électro-aimant…) en fonction — j’ai joué en orchestre longtemps puis je me suis de typologies de sons que j’avais en tête, et tous les spécialisé dans la batterie vers mes dix-sept ans. objets sur les toms sont des objets que j’utilise dans Les musiques improvisées, c’est venu ensuite. ma pratique de batteur (coquetiers en acier, petits J’ai découvert le jazz, puis les musiques vraiment moteurs de sex toys, objets de récupération les plus abstraites encore plus tard, et je me suis intéressé divers). C’est ici que commence le jeu d’aller-retour à chaque champ avec le même dogmatisme : avec la machine. Après des années de travail pour déconstruisant, reconstruisant, en tirant des choses contraindre mon corps et mes gestes musicaux puis m’écartant de tous ces dogmes, donc, là, à devenir machiniques, je programme ces moteurs je recommence un nouveau cycle. Mais c’est très pour qu’il imitent ces mêmes gestes déjà naturel car ce projet rejoint parfaitement ma « rééduqués ». Ils retournent à l’envoyeur en quelque pratique instrumentale qui était déjà dépouillée. sorte, mais chargés de spécificités humaines (micro-erreurs, irrégularité, etc.). Pour moi, Vous parliez donc de « jouer comme un c’est une sensation incroyable. Je peux en modifier ordinateur » : automatiser votre corps est-il la vitesse ainsi qu’une multitude de paramètres. une visée purement esthétique, une performance Le fader par exemple… C’est un contrôleur de table physique, ou y a-t-il une dimension plus de mixage monté à l’envers, un objet assez fragile, conceptuelle, voire politique, dans cette idée ? plein de petits crans à l’intérieur, c’est l’objet le plus Je pense notamment aux études des mouvements complexe ici. Je lui ai attaché du papier de verre humains des Gilbreth — pour prendre un exemple et cela ouvre tellement de possibilités sonores pionnier de ce champ — à leur découpage des selon l’objet que je lui fais frotter ! L’électro-aimant, mouvements des travailleurs en combinaisons MILESDAVISQUINTET!, Watchin’ with, 16.11.2017. en attirant les billes, produit une espèce de synthèse de mouvements simples, à toutes ces questions Biennale Némo, La Dynamo, Pantin. Sylvain Darrifourcq : percussions ; Xavier Camarasa : piano préparé / prepared piano ; Valentin Ceccaldi : violoncelle / cello ; granulaire acoustique : il s’allume, il s’éteint, d’optimisation appliquées au management Jean-Pascal Retel : effets vidéo / video effects. Extrait de la vidéo de Jean-Pascal Retel / Still from the video by Jean-Pascal Retel. les billes s’y collent et s’en décollent en permanence ; industriel… Je lis beaucoup de sociologie et de là encore, c’est un rapport on / off. Il y a aussi sciences cognitives, des recherches qui recoupent les vibreurs dont je me sers comme des basslines. économie, statistiques et psychologie cognitive, Il y a plein de rapports à explorer entre eux : la force notamment dans le champ de la rationalité en tant que je leur donne, la tension de la peau au-dessus, que facteur décisionnel. Quelle raison nous pousse la tension de la peau au-dessous et l’acoustique de la à prendre telle décision ? Pourquoi prend-on telle salle. Et c’est chaque fois différent car les fréquences décision a priori irrationnelle ? Quel biais cognitif qui résonnent naturellement dans un lieu ne sont est en action à ce moment là ? Tout ceci entre Vous décrivez FIXIN comme une installation activée de création numérique d’Issy-les-Moulineaux jamais les mêmes. certainement en écho avec ma pratique par une performance : le langage est ici clairement et la Muse en Circuit, centre national de création d’improvisateur où il s’agit de prendre des décisions passé du côté des arts visuels… FIXIN est un projet musicale à Alfortville), plus j’ai pu débrider mon Et tout sera apparent, il n’y aura pas de boîtier et d’agir en temps réel, même si les choses sont scénique intensément visuel. Je suis avant tout un imagination et envisager une installation dans pour dissimuler les choses ? Au début j’avais pensé peut-être moins transparentes dans ma tête que musicien, d’abord même un instrumentiste, et donc laquelle je jouerais. Ce processus a pris environ à cela mais comme les objets ajoutés sur les toms ma façon de le formuler ici. Mais, en même temps, catalogué comme tel ; faire ce pas de côté vers une trois ans. D’autant que je n’avais jamais touché sont ceux avec lesquels je pratique habituellement, je m’intéresse aussi aux théories plus coercitives production rattachée aux arts visuels supposait à l’informatique pour la musique. Je suis parti ils ne peuvent pas être trop proprets. Il fallait que et déterministes. Pour appréhender une théorie, de trouver des partenaires, un soutien pour effectuer de zéro en ce qui concerne cet aspect-là et me suis cela reste cohérent, la partie installation ne peut pas j’ai besoin de comprendre le champ dans lequel cette délocalisation. Avec le MILESDAVISQUINTET!, entouré d’ingénieurs fantastiques qui sont aussi, être trop soignée par rapport à la batterie sur elle se situe et la contradiction me semble être nous avions déjà proposé une création un peu et même avant tout, des artistes : Nicolas Canot laquelle je jouerai sinon j’en serai comme exclu, et le moyen adéquat. Ces nourritures ont pour but hybride en collaboration avec Jean-Pascal Retel et Maxime Lance. l’installation est vraiment comme une prolongation de compléter un champ de savoir plutôt que qui réalisait une appropriation visuelle de notre visuelle de mon instrument mais aussi de mon corps d’entretenir mes préjugés, notamment politiques musique. Un vidéoprojecteur relié à nos instruments Et donc, qu’est ce que FIXIN, plus précisément ? et de mes intentions. Je serai dans le noir, parfois ou sociologiques. De la même façon, mes recherches via des capteurs projetait sur nos corps des sortes Fixin est donc une performance/ installation en lumière. Mon geste commence et s’arrête artistiques sont purement spéculatives. Je ne de pixels blancs au rythme de nos pulsations, immersive dans laquelle interagissent un musicien vraiment comme un clic, il n’a pas de dimension donne pas de réponse, je ne me positionne pas ou en contrepoint, et ces formes dévoilaient, et une multitude de moteurs montés sur des toms évolutive. C’est une démarche de minimaliste, après politiquement, je propose un objet esthétique qui au fur et à mesure de la performance, l’entièreté de batterie. Le dispositif — sorte de prolongement des années passées à engranger de la technique, participe aux questionnements homme / machine. du plateau. Le projet avait été co-produit par de mon instrument (lui-même caché) conçu pour être que d’enlever l’harmonie, d’enlever la mélodie, Je laisse à chacun le soin d’en tirer ce dont l’Arcadi et présenté lors de Némo, la biennale d’arts entouré par le public — est relayé par une mise en d’enlever tout ce qui serait la chair de la musique il a besoin. La prochaine étape, pour moi, serait numériques : c’est à ce moment que j’avais senti que lumière qui cache / dévoile / dialogue en contrepoint. pour en revenir à ses fondamentaux, c’est-à-dire justement de collaborer avec des scientifiques. ce pas de côté devenait possible. Et, plus j’ai réuni L’univers sonore est minimaliste et industriel. l’émission d’une fréquence on / off, et refaire Pour l’heure, j’applique mes idées à des moteurs de partenaires (en particulier le Théâtre de Vanves Il s’agit d’éprouver le musicien dans son humanité. de la musique avec ça. C’est vraiment compliqué car et je commence à travailler avec des chorégraphes dont j’admire le travail de défricheur, le Cube, centre Jusqu’à quel point l’homme peut-il se transformer il faut se débarrasser de tout ce que l’on a appris. sur ces mêmes thèmes. J’entame notamment 42Interview Sylvain Darrifourcq 43Interview Sylvain Darrifourcq

une recherche avec le chorégraphe catalan Toméo Et donc pour FIXIN, la musique est écrite, il n’y a Vergès que j’ai découvert à travers sa pièce aucun moyen que ça se dérègle, que ça déraille ? Anatomia Publica qui donne à voir de façon théâtrale Effectivement. Mais je vais donner l’illusion qu’il y a des gestes du quotidiens parcellisés, répétés des choses qui déraillent, du moins dans la version jusqu’à apparaître surréalistes. performée. Je travaille en parallèle sur des ramifications du projet : une version installation pure Justement, j’ai vu que Liz Santoro collaborait et une version sonore délestée du dispositif lumière. aussi à FIXIN… Oui, sur ce projet, elle fait du conseil L’une comme l’autre intègreront des modules plus chorégraphique en ce qui concerne la dimension souples où l’aléatoire aura une place plus performative. J’admire beaucoup le travail importante. Pour revenir un peu en arrière, la genèse qu’elle mène avec Pierre Godard autour des biais de ce projet s’est faite avec d’autres prototypes perceptifs. — ceux que j’ai utilisés avec Zimoun—, fabriqués par un autre artiste, Florent Colautti. Pour cette version La question de l’effcacité vous intéresse-t-elle j’utilisais une banque de sons que je m’étais particulièrement ? Elle fait partie de mes intérêts, fabriquée et qui me permettait d’improviser avec oui. Une des choses qui me fascinent le plus les moteurs. Via TouchOSC et mon téléphone, en musique live, c’est l’anticipation du geste, les gens je commandais les moteurs à distance et en direct, dont les intentions sont très claires : leur geste tout en jouant de la batterie, mais toujours dans est très clair, l’émission du son est très claire, ce rapport on / off. ça m’impressionne toujours. Et qu’il s’agisse d’un interprète de musique écrite ou de quelqu’un Alors que là, non… Là, non, pas du tout. Au départ qui improvise. Mais je trouve qu’il y a, dans du projet les possibilités m’ont semblé infinies. l’improvisation, quelque chose d’inefficace. Il a fallu que j’appréhende toutes les contraintes Certaines musiques improvisées sont une réunion techniques en même temps que je précisais de gens qui n’ont pas forcément les mêmes langages, les contours artistiques. L’aléatoire faisait partie qui ne travaillent même pas forcément sur des données qui me séduisaient en tant que musicien les mêmes esthétiques, qui n’utilisent pas leur mais ne me semblaient pas pertinentes quand instrument de la même façon et qui, parfois, j’imaginais l’interaction lumière / moteurs / humain. ont même des rapports au temps complètement Je pense qu’avec une certaine façon d’écrire, je peux différents, qui font des concerts ensemble. donner l’illusion que j’interagis en direct avec Alors pendant quarante-cinq minutes, c’est très les moteurs et le dispositif lumineux. C’est du moins ennuyeux, parfois même mauvais, et puis tout le défi que je me suis lancé. La limite communément à coup, il y a cinq minutes qui émergent comme une attribuée à l’écriture est la répétition du même pépite. Après avoir adhéré à ce dogme de la liberté et l’ennui qui pourrait en découler, en tant de l’improvisation contre la contrainte de l’écriture ; qu’interprète. Pourtant la solution est simple : à force d’en écouter et d’en faire moi-même, je me changer d’écriture, assouplir le dispositif… suis rendu compte que ce qui est intéressant pour Rien d’effrayant finalement. tout le monde, ce sont ces cinq minutes là. Comment supprimer le reste ? En réinstaurant des contraintes, Vous parlez d’un « homme-machine », et c’est entre l’ultra contrainte et le degré zéro d’un prolongement de votre corps par le système de contrainte que se trouvent ces cinq minutes. motorisé : étiez-vous déjà, en tant que musicien, C’est bien évidemment un lieu commun mais la dans une relation prosthétique avec votre liberté ne se pense qu’au travers de la contrainte. instrument ? Oui, depuis longtemps finalement. Dans le milieu de l’improvisation qui est L’expérience de l’orchestre a aiguisé ma sensibilité historiquement très politisé et situé très à gauche aux alliages de timbres. Être compositeur, c’est (du free jazz américain que l’on peut grossièrement finalement organiser dans le temps ces possibilités amalgamer aux revendications politiques des Noirs qui aujourd’hui peuvent être infinies avec américains, aux musiques improvisées européennes l’électronique. Depuis mes vingt ans — âge où j’ai apparues dans les années 1960-70), il y a cette idée commencé à travailler avec des compositeurs issus de liberté sans contrainte qui rejoint une forme des mouvances acousmatiques —, j’ai été fasciné d’anarchisme politique. En tant qu’artiste, je suis par les possibilités que permettait l’agrandissement imprégné de ces histoires et il me faut m’en défaire de mon set de batterie. Cela s’est fait dans deux car elles conditionnent mes choix. Pour moi, directions : l’une via des micros posés sur ma Sylvain Darrifourcq, FIXIN, 2019. Extraits du teaser réalisé par Romain Al’l / commencer un geste ouvertement et m’arrêter net, batterie qui repassaient dans des pédales d’effet ; Still from the video teaser directed by Romain Al’l. ça a vraiment une valeur d’efficacité. L’information l’autre clairement acoustique mais dans une sorte que j’envoie est directe. Tout ce vers quoi je tends de mimétisme à l’électronique : pour cela, j’ai dû ces dernières années, c’est exactement ça : une inventer des gestes particuliers à certains objets émission, une intention très claire. D’où ce rapport de récupération (souvent de cuisine) mais aussi à l’informatique, à la rationalité, que je mentionnais. aux petits moteurs de sex toys, très faciles et rapides Ces questionnements sont nés de ma pratique à manipuler. Le but étant de dépasser les limites d’improvisateur et d’un certain agacement envers et les paradoxes de mon instrument pour devenir ces quarante-cinq autres minutes. un homme-orchestre, si ce n’est un homme-machine. 44Interview Sylvain Darrifourcq 45Interview Sylvain Darrifourcq

Sylvain Darrifourcq — in conversation with Aude Launay

FIXIN, public rehearsal If Sylvain Darrifourcq needs no introduction on the percussive form of music produced with at Le Cube, Issy-les-Moulineaux (F), 21.11.2019 European improvised music scene—whether we have a piano-cello-drums trio. For it, we refined Premiere at the Théâtre heard him play alongside the jazz eminences our language to keep just polymetric pulsations, de Vanves (F), as part of the Némo Biennale, 4.12.2019 Joëlle Léandre, Michel Portal, Louis Sclavis or very mechanical things; which led us to make Le Générateur, Gentilly (F), Émile Parisien with whose quartet he was awarded our gestures automatic. as part of the Sors de ce corps ! festival organized by the Némo a “Victoire du Jazz” in 2009, or, more recently, Biennale, 25.01.2020 explode alongside the prodigious members of the What was a consequence of the Espace multimédia Gantner, Bourogne (F), as part of the Tricollectif1 Roberto Negro and Valentin Ceccaldi, MILESDAVISQUINTET! research thus formed “Algotaylorism” exhibition, 19.04 – 11.07.2020. and in his own trios with the selfsame Valentin the origin of FIXIN? I am really obsessed Ceccaldi and his brother Theo Ceccaldi under the with mechanics, with playing like a computer, Teaser: 2 www.sylvaindarrifourcq.com/ name of IN LOVE WITH or with Valentin Ceccaldi with acting like a computer, that is to say in an on/off fxin.html and Xavier Camarasa in MILESDAVISQUINTET!3— way, relieved of everything that can be fleshy, it is more recently that he has appeared on the human, of what I imagine as curves: it is the points, scene. After a collaboration between the straight lines, the sharp angles that interest me. MILESDAVISQUINTET! and videographer As it happens, the software I work with, Ableton Jean-Pascal Retel, notably presented at the 2017 Live, works the same way. Visualization is only done Némo Biennale4, and a performance with Zimoun5 through small squares, bars, lines, points... at the Kunsthaus Kule in Berlin at the end of 2018, It is really a decomposition of time. All of this comes he will soon premiere his first solo visual and sound together for me: the way I see it, the way I write it, creation, FIXIN 6. For it, at a time when artificial the way I think it and the way I see my body. The light intelligences are “trying” to compose music as well system completes this, going in the same direction as humans, Sylvain Darrifourcq, percussionist as a crisp geometry. The first light work that marked and drummer, conceives his gesture as a click while me was a piece by Philippe Parreno composed submitting the machines to the individual will. of about fifty neon lights placed in space whose sound, when they were switched on and off, created In addition to your collaborative projects, which are a real rhythmic piece. All these very rudimentary more expected for a musician, with choreographers relations to information interest me. and set designers, you do not hesitate to claim literary infuences and perform with visual artists. On/off, binary, computer... All this makes perfect 1 http://www.tricollectif.fr In particular, you place the music of your trio sense. Right. For MILESDAVISQUINTET!, we were 2 IN LOVE WITH: Sylvain Darrifourcq : drums, IN LOVE WITH under the aegis of Faulkner and three musicians at work on this and, to pursue the composition ; Théo Ceccaldi : violin ; Valentin Ceccaldi : cello. Beckett, within a certain non-linear geometry, logic of spareness... I replaced the others with 3 MILESDAVISQUINTET!: in order to avoid, as you put it, “the arrival point”. motors! (laughs) Then I discovered Zimoun’s work, Sylvain Darrifourcq: percussion ; Xavier Camarasa: What is behind this intent? If I had to summarize which totally fascinated me. I contacted him, he was prepared piano ; Valentin my current artistic concerns, I would say that I am also impressed by what I was doing and we finally Ceccaldi: cello. 4 Némo is a digital arts trying to render a certain relationship to time worked together last year. It was really when international biennale held in geometric. Without wishing to reduce Faulkner’s I saw what he was doing that everything came Paris and Île-de-France. 5 Zimoun & Sylvain Darrifourcq, writing to this dimension, his novels offer a very together and I began to fantasize about this kind Time at a Loss #3, Mechanical Rhythms and Repetition, particular temporal experience (at least in his time), of man-machine that performs FIXIN. Outbound Series, curator: akin to deconstruction in The Sound and the Fury, Mélodie Melak, Kunsthaus KuLe, Berlin, 19.12.2018. and repetition in Absalom Absalom! But I could also You describe FIXIN as an installation activated Sylvain Darrifourcq, FIXIN, 2019. 6 FIXIN: Sylvain Darrifourcq: mention Bill Viola’s work on slowness, to change the by a performance: the language here has clearly Photo : Romain Al’l. percussion, composition, design ; Nicolas Canot: digital subject. Anything that emphasizes the subjective shifted to the visual arts... FIXIN is an intensely design ; Maxime Lance: experience of time interests me, beyond aesthetics. visual stage project. I am above all a musician, first object design ; Liz Santoro: choreographic advice. But to work on this notion, I need to imagine it in of all an instrumentalist, and therefore pigeonholed Co-production: Hector/Full Rhizome; Biennale Némo/ a geometric way; for example, as a line that can be as such; taking this step aside to propose a visual Arcadi/le 104, Paris; le Théâtre segmented at will. From this starting point, artwork meant finding partners and support. de Vanves; le Cube, Issy-les-Moulineaux; Le Lieu everything follows logically for an instrument like With MILESDAVISQUINTET!, we had already multiple, Poitiers; La Muse en mine. Each impact could be a point, each rubbed created a somewhat hybrid piece in collaboration Circuit, Alfortville. With the support of: CNC/Dicréam; sound, a segment, etc. with Jean-Pascal Retel who produced a visual Fonds d’aide à l’innovation FIXIN is like a logical continuation of my work adaptation of our music. A video projector audiovisuelle; Adami; Spedidam. with MILESDAVISQUINTET!, which was a purely connected to our instruments via sensors projected 46Interview Sylvain Darrifourcq 47Interview Sylvain Darrifourcq

onto our bodies kinds of white pixels to the rhythm it is an on/off relation. There are also the vibrators of our playing, or as a counterpoint, and these that I use like basslines. There are many shapes revealed the set as the performance relationships to explore between them: the strength progressed. This project had been co-produced I give them, the tension of the skin above, by Arcadi and presented at Némo, the Île-de-France the tension of the skin below and the acoustics digital arts biennale: it was at that moment that of the room. And it’s different every time because I felt that this step aside was becoming possible. the frequencies that resonate naturally in a place And the more partners I brought together are never the same. (in particular the Théâtre de Vanves, whose pioneering work I admire, the Cube-centre for And everything will be visible, there will be no box digital creation in Issy-les-Moulineaux and the Muse or anything to hide all this? At first I thought about en Circuit-national centre for musical creation that but since the objects added onto the tom drums in Alfortville), the more I was able to unleash are the ones I usually practice with, they can’t be too my imagination and envisage an installation in which clean. It had to remain coherent, the installation I would play. This process took about three years. part cannot be too sleek in relation to the drum set Especially since I had never used computers for I will play on, otherwise I will be excluded from it, music. I started from scratch as far as this aspect and the installation is really like a visual extension was concerned and surrounded myself with fantastic of my instrument but also of my body and my engineers who are also, and even above all, artists: intentions. I will be in the dark, and sometimes lit. Nicolas Canot and Maxime Lance. My gesture really starts and stops like a click, it has no evolving dimension. It is a minimalist And so what is FIXIN, more precisely? FIXIN is thus approach, after years spent gathering technique, an immersive performance/installation in which to remove harmony, to remove melody, to remove a musician and a whole host of motors mounted on everything that would be the flesh of music to return tom drums interact. The device—a kind of extension to its fundamentals, i. e. the emission of an on/off of my instrument (itself hidden) designed to be frequency, and to remake music with that. surrounded by the audience—is relayed by lighting It’s really complicated because you have to get rid that hides/reveals/dialogues in counterpoint. of everything you’ve learned. The music is minimalist and industrial. It is a question of testing the musician in his humanity. It’s a Picasso style approach, this unlearning. That’s To what extent can man turn himself into a machine? absolutely right. I learned music through written What is the influence of one on the other? music and, when I discovered free improvised music, As I said, to compose, I use Abelton Live which it was already a way to unlearn what I had learned. is a software that allows me to send MIDI signals in a box—specially designed by Max Lance—which You haven’t always been a drummer... I studied processes the information and transmits it to the classical percussion, it’s a pretty wide field that motors. It integrates a Teensy microcontroller card includes keyboards, timpani, vibraphones, all forms (quite like the Arduino), transformers (MOSFET), of orchestral percussion—I played in an orchestra power supply, USB, Ethernet connections, etc. for a long time then I specialized in drums when I chose the motors (solenoids, vibrators, DC motors, I was seventeen. Improvised music came next. motorized fader, electromagnet...) based on the I discovered jazz, then really abstract music later on, types of sounds I had in mind, and all the objects and I became interested in each field with the same on the drums are objects that I use in my regular dogmatic approach: deconstructing, rebuilding, drumming practice (steel egg cups, small sex toy getting things out of it and then moving away motors, the most diverse found objects). This is from all these dogmas, so now I’m starting a new where the game of going back and forth with cycle again. But it’s very natural because this project the machine begins. After years of working to force perfectly matches my instrumental practice my body and my musical gestures to become which was already stripped down. mechanical, I program these motors so that they mimic those “rehabilitated” gestures. They return So you were talking about “playing like to the sender in a way, but loaded with specific a computer”: is automating your body a purely human phenomena (micro errors, irregularities, aesthetic aim, a physical performance, or is there and so on). For me, it’s an incredible feeling. a more conceptual, even political dimension to this I can modify the speed and a raft of parameters. idea? I am thinking in particular of the studies The fader for example... It’s a mixer controller of the Gilbreths’ human movements—to take mounted upside down, a rather fragile object, a pioneering example from this feld—, of their MILESDAVISQUINTET!, full of small notches inside, it’s the most complex division of workers’ gestures into combinations Watchin’ with, 16.11.2017. Biennale Némo, La Dynamo, object here. I attached sandpaper to it and it opens of simpler movements, of all these questions Pantin. Sylvain Darrifourcq : up so many sound possibilities depending of optimization applied to industrial management... percussions ; Xavier Camarasa : piano préparé / prepared piano ; on the object that I make it rub! By attracting I read a lot of sociology and cognitive sciences, Valentin Ceccaldi : violoncelle / the ball-bearings, the electromagnet produces research that cuts across economics, statistics cello ; Jean-Pascal Retel : effets vidéo / video effects. a kind of acoustic granular synthesis: it turns on, and cognitive psychology, especially in the field Extrait de la vidéo de Jean-Pascal it turns off, the ball-bearings stick to it and detach of rationality as a decision-making factor. What is Retel / Still from the video by Jean-Pascal Retel. themselves permanently from it; here again, the reason for a decision? Why is this decision made 48Interview Sylvain Darrifourcq 49Interview Sylvain Darrifourcq

though it is on the face of it irrational? What very far to the left (from American free jazz that cognitive bias is at work at that time? All this can be roughly equated with the political demands certainly echoes my practice as an improviser where of Black Americans, to European improvised music it is a question of making decisions and acting in real that appeared in the 1960s and 1970s), there is this time, even if things are perhaps less transparent idea of freedom without constraint that is consistent in my head than my way of putting it here. But, with a form of political anarchism. As an artist, at the same time, I am also interested in more I am steeped in these stories and I have to get rid coercive and deterministic theories. To understand of them because they condition my choices. For me, a theory, I need to understand the field in which starting an action openly and stopping suddenly it is situated and contradiction seems to me to be has a real value of effectiveness. The information the appropriate way. These readings are intended I send is direct. Everything I’ve been working to complete a field of knowledge rather than towards in recent years is exactly that: a sound to maintain my prejudices, particularly the political emission, a very clear intention. Hence this and sociological ones. Similarly, my artistic research relationship to computer science and rationality, is purely speculative. I do not give an answer, which I mentioned. These questions came about I do not position myself politically, I propose an from my improvisational practice and a certain aesthetic object that participates in man/machine annoyance regarding those other forty-five minutes. questioning. I leave it up to everyone to get what they need from it. The next step for me would be And so for FIXIN, the music is written, there is to work with scientists. For the moment, I apply no way that it can go wrong, that it will go on the my ideas to motors and I’m starting to work with blink? Right. But I’m going to give the illusion choreographers on these same themes. In particular, that there are things that mess up, at least in the I am starting a research project with the Catalan performed version. I am working in parallel on choreographer Toméo Vergès, whom I discovered ramifications of the project: an installation version through his play Anatomia Publica, which offers and a sound-only version, without the lighting part. a theatrical view of fragmented everyday gestures, Both will include more flexible modules where repeated until they appear surreal. randomness will have a more important place. To go back a little bit, the genesis of this project It just so happens I saw that Liz Santoro was also was made with other prototypes—the ones I used collaborating on FIXIN... Yes, on this project, she’s with Zimoun—, made by another artist, Florent giving choreographic advice about the performative Colautti. For this version, I used a sound bank dimension. I greatly admire the work she’s doing that I had made myself and which allowed me with Pierre Godard on perceptual biases. to improvise with the motors. Via TouchOSC and my phone, I controlled them remotely and live, while Are you particularly interested in the question playing my drums, but always in this on/off way. of effciency? It is one of my areas of interest, yes. One of the things that fascinates me the most in live Whereas here, this is not the case... Here, no, music is the anticipation of the gesture, people no, not at all. At the beginning of the project, whose intentions are very clear: their gesture is the possibilities seemed endless to me. I had very clear, the sound emission is very clear, it always to understand all the technical constraints at the impresses me. And no matter whether it is same time as I was clarifying the artistic outlines. a performer of written music or someone Randomness was part of what seduced me as who improvises. But I find that there is something a musician but did not seem relevant to me when ineffective about improvisation. Quite often, I was imagining the interaction between the lights, improvised music is a gathering of people who do the motors and me. I think that with a certain way not necessarily have the same languages, who do not of writing, I can give the illusion that I am interacting even necessarily work on the same aesthetics, directly with the motors and the lights. At least who do not use their instruments in the same way that’s the challenge I set myself. The limit commonly and who, sometimes, even have completely different attributed to writing is the repetition of the same relationships with time, and who play concerts and the boredom that might result from that, together. So for forty-five minutes, it can be very as an interpreter. However, the solution is simple: boring, sometimes even bad, and then all of a changing the writing, making the device more Sylvain Darrifourcq, FIXIN, 2019. Photo : Romain Al’l. sudden, there are five gem-like minutes that emerge. flexible... Nothing scary, when all is said and done. movements—I have been fascinated by the After having gone along with this dogma of the possibilities offered by the expansion of my drum freedom of improvisation versus the constraint You talk about a “man-machine”, about an set. I experimented with that in two directions: of writing; after listening to it and making it myself, extension of your body by the motorized system: one via microphones placed on my drum set which I realized that what is interesting for everyone were you already, as a musician, in a prosthetic passed through effects pedals; the other clearly is these five minutes. How to delete the rest? relationship with your instrument? Yes, for a long acoustic but in a kind of mimicry of electronics: By re-establishing constraints, and it is between time, actually. The orchestral experience for this, I had to invent gestures peculiar to certain ultra constraint and zero degree of constraint has sharpened my awareness of timbre alloys. found objects (often kitchen things) but also to small that these five minutes can happen. It is obviously Being a composer mainly means organizing in time sex toy engines, very easy and fast to handle. a commonplace, but freedom can only be thought these possibilities which today can be infinite The goal being to go beyond the limits and paradoxes of through coercion. In the world of improvisation, with electronics. Since I was twenty years old—when of my instrument to become a man-orchestra, which is historically highly politicized and located I started working with composers from acousmatic if not a man-machine. 5051

Le pLus t�t C’est deux JOuRs MIeux Où sommes-nous Judith Albert, Dana Claxton, Nik Forrest, Katrin Freisager, Capucine Vandebrouck

SEuLgi LEE 12.09 ——10.11.2019 Photographie – (détail) 2010 du 21 septembre au 17 novembre 2019 U : La parole aux lèvres Landscape,

ENTRÉE LIBRE Freisager, Katrin

place Honoré Commeurec – 35 000 Rennes – France © Adagp, Paris, 2019 – courtesy galerie Jousse Entreprise, Paris identité visuelle Lieux Communs KUNSTHALLEMULHOUSE.COM + 33 (0)2 23 62 25 10 – www.la-criee.org – métro : République – bus : La Criée – entrée libre du mardi au vendredi 12 h - 19 h

samedi, dimanche & jours fériés 14 h - 19 h image : Seulgi Lee, montage d’une photo des rochers sculptés de l’Abbé Fouré dans salivées = Mensonge

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Les frères Quistrebert — par Elena Cardin

Florian et Michaël Quistrebert, Après avoir débuté leur carrière sous le signe Dans leurs installations, les citations se multiplient « Zigzag », Centre de Création Contemporaine Olivier Debré, d’une figuration gothique et postromantique noire, dans un processus de télescopage déstabilisant Tours, 25.05 – 11.11.2019 Florian et Michaël Quistrebert décident de prendre qui fait ressortir les écarts et les décalages entre une nouvelle direction lors d’une résidence vocabulaires différents. Ainsi, on pourrait voir qu’ils effectuent à New York en 2009. À partir dans le titre de leur exposition monographique de ce moment, leur recherche picturale se tourne au CCC OD de Tours, « Zigzag », une allusion à leurs vers une étude de l’abstraction, du mouvement, multiples déplacements dans l’histoire de l’art des effets de matière et de lumière. S’ils trouvent et à leurs changements fréquents de direction. dans la ville et dans ses architectures modernistes Dans la galerie noire qui leur est consacrée, ils jouent un riche répertoire de formes desquelles s’inspirer, à ériger des ponts étranges entre Op art, abstraction il est légitime de penser que l’effervescence lyrique, culture zen, psychédélisme et musique du débat new-yorkais sur l’état de la peinture visuelle. Dans cet espace sans fenêtres et peint abstraite a également joué un rôle important en noir de manière permanente, les frères proposent dans cette mutation. un parcours pensé de manière antinomique, tel un Leur séjour à New York coïncide en effet face à face entre saturation visuelle et minimalisme avec l’année de publication de Painting Abstraction: zen. L’espace est ainsi divisé en deux parties New Elements in Abstract Painting de Bob Nickas, clairement opposées : d’un côté, une installation une longue analyse pointue de la renaissance vidéo monumentale au caractère psychédélique et, de la peinture abstraite dans les années 1990 de l’autre, un accrochage plus mesuré d’une série et 2000. Le critique new-yorkais pointe une étroite de peintures blanches réalisées spécifiquement relation entre ce renouvellement de l’abstraction pour ce projet. Conçues comme un contrepoint au et l’état de nécrophilie dans lequel versait la peinture bruit visuel de l’installation vidéo, les Rake Paintings depuis la fin des années 1960 face à l’émergence sont le résultat d’une superposition des références de l’art conceptuel et de la performance. En suivant multiples : on peut y voir des allusions aux ratissages son raisonnement, la réémergence d’une certaine zen des jardins japonais, à l’abstraction moderniste, abstraction picturale découlerait de manière plus aux systèmes codés du spiritualisme et de l’occultisme ou moins directe de l’état de « zombisme » propre ou encore à la géométrie sacrée. Cette série se situe à ce médium. C’est dans les mots de l’artiste américain dans la suite naturelle de l’expérimentation avec Steven Parrino, cité par Nickas à cet égard, que la matière et la lumière qui était à la base des peintures cette idée se clarifie : « Quand j’ai commencé à faire présentées, en 2016, dans leur vaste exposition de la peinture, le mot d’ordre était “LA PEINTURE monographique au Palais de Tokyo. On retrouve EST MORTE”. J’y ai vu un endroit intéressant la même idée fondatrice des Overlight présentés pour peindre… J’ai donc commencé à m’engager dans le centre d’art parisien, bien que dans dans la nécrophilie... Abordant l’histoire de la même une version plus sobre et moins patinée : utiliser manière que le Dr Frankenstein aborde les parties une matière lourde et épaisse pour créer des effets du corps…1 ». À l’instar de la créature imaginée de lumière qui modifient la perception du regardeur par Mary Shelley, l’abstraction picturale du début en fonction de son positionnement dans l’espace. du XXIe siècle semble être le produit d’un assemblage Si, au Palais de Tokyo, ils avaient atteint cet effet de références et clins d’œil au passé de la défunte par le biais d’une peinture iridescente – la même que

1 « When I started making peinture. Et les Quistrebert développent une celle utilisée pour peindre la carrosserie des voitures paintings, the word approche à l’histoire de l’art que l’on pourrait définir, – pour ce projet ils recourent à une pâte blanche on painting was ‘PAINTING IS DEAD’. I saw this as an avec les mots du critique new-yorkais, comme opaque généralement utilisée dans le secteur interesting place for painting... « frankensteinienne ». du bâtiment. L’épaisseur considérable de la matière So I started engaging in necrophilia... Approaching Abstraction lyrique, Op art ou encore ainsi que le choix de l’éclairage rendent la perception history in the same way that Dr Frankenstein approaches le groupe ZERO — trois de leurs références des motifs géométriques de ces peintures body parts… » Steven Parrino, majeures — sont exhumés non tant pour un souci décidément instable et changeante. Les Rake The No Textes, (1979-2003), Abaton Book Company, d’idéalisation que pour un besoin de détournement. Paintings confirment le goût des deux artistes New York 2003, p. 43, Les frères s’en servent en vertu de leur pouvoir pour les matériaux industriels, ouvertement passage cité par Bob Nickas in Painting Abstraction: de fascination et de manipulation du regard, « non beaux-arts » comme ils aiment à les définir, New Elements in Abstract tels des outils visuels avec lesquels jouer à une mise dont la manipulation est contraignante et souvent [Toutes les images / All the images] Painting, Phaidon Press, Vue de l’exposition « Zigzag » de Florian et Michaël Quistrebert au CCC OD / Florian and Michaël Quistrebert, “ Zigzag”, CCC OD, 2019, exhibition view. New York, 2009, p. 8. en abyme souvent exagérée et caricaturée. toxique. Ce qui les intéresse dans ce type © F. Fernandez - CCC OD, Tours. Courtesy Florian et Michael Quistrebert ; Crèvecoeur, Paris. 54Guest Les frères Quistrebert 55Guest Les frères Quistrebert

défilent rapidement en boucle créant une sorte de tunnel hypnotisant qui se déploie en zigzag sur une longueur de vingt mètres. Les dimensions monumentales ainsi que la vitesse d’écoulement des formes empêchent le regard de se poser sur un point spécifique en l’entraînant dans un va-et-vient envoûtant et dérangeant en même temps. En accord avec leur modus operandi habituel, cette installation est le fruit d’un système de couches de citations multiples. Si les premières à s’imposer sont celles de l’art optique des années 1960 et 1970 et du mouvement psychédélique, les études des avant-gardes sur la musique visuelle constituent un point de référence tout aussi fondamental. Dans la tradition de la peinture abstraite, l’analogie entre la couleur et le son constitue un fondement théorique avéré. On le voit, par exemple, chez Kandinsky qui donnait à ses peintures des titres musicaux ou chez les cubistes orphiques — ainsi dénommés par Apollinaire en hommage au poète et musicien mythologique Orphée. Malgré le fait que l’installation vidéo soit privée de son, les artistes considèrent cette œuvre comme une sorte d’opéra musical dont la partition est composée de formes et de couleurs. On pourrait ainsi la rapprocher des expérimentations du compositeur russe Alexander Scriabine qui avait inclus dans la partition de son Prométhée, le poème du feu (1910) une partie pour un orgue qui ne produisait pas de son mais projetait uniquement des lumières colorées en accord avec les tonalités musicales. Leur superposition libre, et parfois irrévérencieuse, de références historiques hétérogènes, nous renvoie au texte de Bob Nickas évoqué au début de notre analyse. Pour le critique new-yorkais, l’abstraction de la fin du XXe et du début du XXIe siècle est la manifestation d’une libération et d’une légèreté gagnée vis-à-vis du poids lourd de la tradition. Ainsi, l’œuvre des frères Quistrebert pourrait légitimement s’inscrire dans cette tendance qu’il nomme found abstraction en vertu du répertoire de formes préexistantes dont elle se sert comme matière première. Si ce type d’abstraction semble partager la même mise en discussion de la figure de l’auteur que le mouvement appropriationniste des années 1980, Nickas y voit une différence fondamentale : les appropriationnistes s’intéressaient à la notion de double et à la reproduction à l’identique de l’original alors que la nouvelle génération de peintres abstraits n’est guère un miroir de ce qui l’a précédée. Elle assemble ses multiples références dans des compositions hybrides qui n’ont plus rien à voir avec l’original. Pour Nickas, c’est le début de l’anonymous abstraction qui étend un voile anonyme sur l’auteur aussi bien que sur les références qu’il emploie. Au fond, ce sentiment d’anonymat n’est pas très loin de ce qu’on pourrait éprouver face aux œuvres des de matériaux, au-delà de leur nature corrosive, new-yorkaises à la bombe de peinture. Ainsi, 2 « I’m still concerned with Tandis que la série des Rake Paintings vise frères Quistrebert. Dès lors, si l’art et y compris l’art ‘art about art’ but I’m also 2 demeure dans la méthode de travail rigoureuse la méthode imposée par le choix des matériaux aware that ‘art about art’ à engendrer cette disposition d’âme par le biais pour l’art, comme le dit clairement Steven Parrino , qu’ils imposent. L’impossibilité de revenir semble être le moyen, pour les artistes, d’atteindre still reflects the time in which d’une abstraction chromatiquement épurée est toujours l’expression du contexte dans lequel it was made. Content is sur ses propres pas constitue une problématique une disposition de travail proche de la méditation not denied… Content is not et minimale, l’installation vidéo emprunte à l’art il est produit, ne faudrait-il pas voir dans ce caractère qui réapparaît sans cesse dans leur processus — un état mental qu’ils essayent à leur tour obvious… Content is sustained optique un vocabulaire visuellement très saturé. d’anonymat l’incarnation la plus actuelle du mode in the air or the vibe de travail, depuis leurs premières expérimentations de susciter chez le spectateur. of the work », idem. Des formes géométriques lumineuses et colorées d’expression de notre société contemporaine ? 56Guest The Quistrebert Brothers 57Guest The Quistrebert Brothers

The Quistrebert Brothers — by Elena Cardin

Florian and Michaël Quistrebert, After embarking on their career under the aegis “Zigzag”, an allusion to their many shifts in art “Zigzag”, CCC OD, Tours, 25.05 – 11.11.2019 of a Gothic and post-romantic form of figuration, history and their frequent changes of direction. Florian and Michaël Quistrebert decided to set off In the black gallery earmarked for them, they play in a new direction during a residency in New York at erecting strange bridges between Op Art, in 2009. From that moment on, their pictorial lyrical abstraction, zen culture, psychedelics and research turned towards a study of abstraction, visual music. In this windowless space, which is movement, and the effects of paint and light. permanently painted black, the brothers propose In the city, with its modernist architecture, they found a circuit conceived in a contradictory way, a rich repertory of forms to inspire them, but it is like a head-on encounter between visual saturation legitimate to think that the buzz of the art debate and zen minimalism. The space is thus divided in New York about the state of abstract painting into two clearly contrasting parts: on the one hand, also played an important part in this change. a monumental psychedelic video installation and, Their stay in New York in fact overlapped on the other, a more measured presentation with the year that saw the publication of Bob Nickas’s of a series of white paintings produced specifically Painting Abstraction: New Elements in Abstract for this project. Devised as a counterpoint to the Painting, a lengthy and keen analysis of the rebirth visual noise of the video installation, the Rake of abstract painting in the 1990s and 2000s. Paintings are the result of a superposition of many The New York critic pinpointed a close relation different references: in them we can see allusions between this renewal of abstraction and the to the zen rakings of Japanese gardens, modernist necrophiliac state which had overtaken painting abstraction, coded systems of spiritualism since the late 1960s in the face of the emergence and occultism, and sacred geometry. This series of Conceptual Art and performance. Following his is placed in the natural sequence of experimentation reasoning, the re-emergence of a certain pictorial with paint and light, which was at the root abstraction stemmed more or less directly from of the paintings shown, in 2016, in their huge solo the “zombie-like” state peculiar to that medium. show at the Palais de Tokyo. We find the same This is how the American artist Steven Parrino, ground-breaking idea of the Overlight works shown quoted by Nickas on the subject, shed light on this in the Paris art centre, although in a more sober idea: “When I started making paintings, the word and less polished version: using a heavy, thick form on painting was ‘PAINTING IS DEAD’. I saw this as of paint to create light effects which alter an interesting place for painting... So I started the onlooker’s perception based on his position engaging in necrophilia... Approaching history in the space. At the Palais de Tokyo they achieved in the same way that Dr Frankenstein approaches that effect by way of an iridescent paint—the same body parts…”1. Like the creature imagined by used to paint car bodies—, but for this project Mary Shelley, early 21st century pictorial abstraction they made use of an opaque white paste generally seems to be the product of a clutch of references used in the building sector. The conspicuous and nods to the past of that deceased painting. depth of the paint as well as the choice of lighting And the Quistreberts are developing an approach render the perception of the geometric motifs to which we might call “Frankensteinian”, of these paintings markedly unstable and changing. to borrow the New York critic’s term. The Rake Paintings confirm the two artists’ liking for Lyrical abstraction, Op Art and the ZERO industrial materials, patently “not fine art”, as they group—three of the brothers’ major references—are are fond of describing them, the handling of which being exhumed not so much out of concern over is constricting and often toxic. What interests them idealization as because of a need for appropriation. in this type of materials, over and above their corrosive The brothers make use of them because of their nature, resides in the rigorous work method they power to fascinate and manipulate the way we see insist upon. The impossibility of going back over things, like visual tools with which to play at an often their own steps represents an issue which endlessly exaggerated and caricatural mise en abyme. In their re-appears in their work process, from their earliest 1 Steven Parrino, The No Textes, (1979-2003), Abaton Book installations, there are lots of quotations within New York experiments using paint sprays. So the Company, New York 2003, a process involving destabilizing concertinaing, method imposed by the choice of materials seems p.43, quoted by Bob Nickas in Painting Abstraction: which brings out the differences and discrepancies to be the way, for these artists, of achieving a working [Toutes les images / All the images] New Elements in Abstract between different vocabularies. So we might see in system akin to meditation—a mental state which Vue de l’exposition « Zigzag » de Florian et Michaël Quistrebert au CCC OD / Florian and Michaël Quistrebert, “ Zigzag”, CCC OD, 2019, exhibition view. Painting, Phaidon Press, © F. Fernandez - CCC OD, Tours. Courtesy Florian et Michael Quistrebert ; Crèvecoeur, Paris. New York, 2009, p. 8. the title of their solo show at the CCC OD in Tours, they, in their turn, try to create in the viewer. 58Guest The Quistrebert Brothers 59Guest The Quistrebert Brothers

While the Rake Paintings series aims of reference. In the tradition of abstract painting, refers us to Bob Nickas’s text mentioned compositions which no longer have anything to do to give rise to this disposition of soul by way the analogy between colour and sound constitutes at the start of our analysis. For the New York critic, with the original. For Nickas, this is the beginning of a chromatically spare and minimal abstraction, a confirmed theoretical basis. We can see this, the abstraction of the late 20th and early 21st of the ‘anonymous abstraction’ which covers the video installation borrows from optical art for example, in Kandinsky, who gave his paintings centuries is the manifestation of a liberation the author with an anonymous veil, along with a visually very saturated vocabulary. Glowing musical titles, and in the Orphic Cubists—thus and levity acquired with regard to the heavy the references he uses. Esssentially, this feeling and colourful geometric forms file quickly past named by Apollinaire paying tribute to the weight of tradition. So the œuvre of the Quistrebert of anonymity is not far removed from what we might in a loop, creating a sort of hypnotizing tunnel which mythological poet and musician, Orpheus. Despite brothers might be legitimately included in this experience when looking at the works of the zigzags over a length of 65 feet. The monumental the fact that the video installation is sound-less, tendency which he calls ‘found abstraction’, because Quistrebert brothers. From now on, if art, including dimensions as well as the rate of flow of the forms the artists regard this work as a sort of musical of the repertory of already existing forms which it art for art’s sake, as Steven Parrino clearly prevent the gaze from settling on any specific opera whose score is made up of forms and colours. uses as raw material. If this type of abstraction says—“I’m still concerned with ‘art about art’ but point by drawing it into an at once bewitching We might thus compare it to the experiments seems to share the same discussion of the author I’m also aware that ‘art about art’ still reflects and disturbing back-and-forth. In accordance of the Russian composer Aleksandr Scriabin, figure as the appropriationist movement of the the time in which it was made. Content is not denied… with their usual modus operandi, this installation who included in the score of his Prometheus, 1980s, Nickas sees therein a basic difference: Content is obvious… Content is sustained in the air is the outcome of a system of multiple layered the Poem of Fire (1910) a part for an organ which the appropriationists were interested in the notion or the vibe of the work”,—is invariably the expression quotations. If the first quotations to be imposed did not produce any sound but simply projected of the double and the identical reproduction of the of the context in which it is produced, should are those of the Op Art of the 1960s and 1970s coloured lights matching the musical tones. original, whereas the new generation of abstract we not see in this anonymous character the most and the psychedelic movement, avant-garde studies Their free, and at times irreverent, painters is scarcely a mirror of what went before it. current embodiment of the form of expression of visual music are a no less fundamental point superposition of eclectic historical references It assembles its multiple references in hybrid of our contemporary society? 6061

Jean-Christophe Norman Mundo diffuso DIGGING UP THE PRESENT MELANIE SMITH Anita Molinero Les Zippettes 21.09.2019 – 12.01.2020

Textes de Lionel Ruffel, Thierry Davila, Elena Vogman et Malte Fabian Rauch, Camille Paulhan EXPOSITION Distribution : les presses du réel DU 15 SEPT. AU 8 DÉC. 2019 Zéro2 éditions et galerie C 58320 Pougues-les-Eaux www.parcsaintleger.fr

Le Lait Matériaux utilisés par l’artiste dans ses œuvres

Alan Schmalz 52 semaines d’oisiveté

12|10|19-26|01|20

28 rue Rochegude Matériau présent dans l’exposition 81000 Albi centredartlelait.com Graphisme © The Shelf Company, 2019 © The Shelf Company, Graphisme 62Essai Kill Your Id(e)ol(ogie)s 63Essai Kill Your Id(e)ol(ogie)s

entre autobiographie, littérature de leur transparence, de telle volonté. » (p. 17). confession et critique culturelle, de la part Chez Bret Easton Ellis, le fantasme Kill Your Id(e)ol(ogie)s de l’enfant prodige du Brat Pack littéraire inclusif est « ce qui arrive à une civilisation des années quatre-vingt ; de l’autre, lorsqu’elle ne se soucie plus du tout d’art » — un pamphlet richement étayé de (p. 107). Même constat pour Olivier Neveux, par Ingrid Luquet-Gad l’universitaire Olivier Neveux, professeur déplorant la déperdition de l’œuvre, d’histoire et d’esthétique du théâtre « la grand absente, l’ignorée, reléguée à l’ENS de Lyon. La flamboyance égotique au vieux modernisme ». Qui précise alors : et la tempérance historique. L’industrie « On a certains soirs l’impression que du divertissement et la scène publique le théâtre offre des digest théoriques des philosophes. Et pourtant, le propos à qui n’en aurait pas le temps ou le goût […]. « Le sujet est la nouvelle forme ». nihilisme, pas d’ironie décadente. et les termes sont étonnamment La radicalité théâtrale consiste, parfois, En apparence, cette petite phrase aurait Tout le contraire : une urgence du discours, concordants. Tous deux pointent à déplacer, refroidi, déconflictualisé la vacuité des slogans pour t-shirts. de l’expression et, surtout, du message. — et mettent en garde contre — la pente et normalisé, ce qui irrigue, ailleurs Mais à la recontextualiser, elle identifie Le contenu prime. Le contenu, glissante menant de la politique et depuis des années, les offensives avec une précision redoutable la condition c’est-à-dire les préoccupations écologiques, à la morale, de l’esthétique à l’idéologie, et les discussions activistes » (p. 160). qui prévaut dans l’art aujourd’hui. queer et coloniales, à l’exception, de l’ambiguïté au message. L’art idéologique explique, démontre Le constat intervenait au détour de peut-être, des problématiques de classe, Pour Bret Easton Ellis, l’idéologie alors Olivier Neveux, convoque à la fois la review de la Biennale du Whitney 2019 dont l’absence est flagrante. Pour revient à « exprimer une opinion et vous l’« ordre explicateur » et ses « implications de Roberta Smith pour le New York Times le visiteur de ces lieux, qu’on peut forcer à éprouver certains sentiments » abrutissantes » exposé par Jacques Magazine. À son tour, Jerry Saltz sans trop prendre de risque supposer tandis que l’esthétique implique de « jouer Rancière dans Le Maître Ignorant (1987) la reprenait dans sa propre chronique progressiste, ces éclairages sont convenus. le truc différemment en montrant et le « positivisme esthétique » qui pour Vulture1 : « Le sujet est un trait formel Il les reconnaît des réseaux militants, les choses de façon neutre et en vous « remplace le déchiffrement théorique aussi important que la forme elle-même il a lu les textes convoqués, acquiesce demandant d’apporter quelque chose, des œuvres par leurs effets » de Theodor en tant que véhicule de changement aux références enchâssées et aux enjeux par exemple un aspect compliqué W. Adorno dans sa Théorie Esthétique et de nouveauté ». Pour la première fois, soulevés. Une fois ceci posé, il en résulte et contradictoire ou moralement ambigu (1970). Et d’en conclure que cette approche la biennale pouvait se targuer d’une liste aussi que rien ne bouscule non plus que le film ne va pas simplifier ou résoudre là est « une manière de contraindre et de d’artistes scrupuleusement diversifiée les catégories de pensée que chacun aura pour vous » (p. 102). Une œuvre, rapetisser l’œuvre à ce qu’elle est censée en matière de genres et d’origines. emmenées avec lui depuis le monde en l’occurrence un film (Bret Eason Ellis produire – et de n’avoir à produire aucune Cependant, les deux auteurs constataient extérieur. Les mêmes interrogations, prend ici l’exemple de Moonlight qu’il intelligence immanente de ce qu’elle est », qu’au niveau des œuvres cette diversité les mêmes débats y ont cours, avec oppose à King Cobra) peut défendre son existence étant « tributaire de n’apportait pas l’innovation formelle qu’on les mêmes modalités. La forme parle, des idées progressistes (un adolescent ce qu’elle promet d’affecter, de son projet aurait alors été en droit d’escompter. et elle parle comme un texte. L’art devient noir et gay broyé par une société inique) d’effets, de son volontarisme pratique » Pour autant, ils n’en saluaient pas moins politique en se confondant avec le réel. tout en n’étant esthétiquement pas une (p. 163). L’autonomie de l’œuvre dérange. la qualité de la biennale, représentative Les œuvres sont des tracts. Il y a urgence bonne œuvre. Le point principal concerne Elle dérange la logique d’une culture que d’un état de fait et des forces vives certes, personne ne pouvant aujourd’hui ici la réception : l’œuvre d’art est par l’on voudrait rationalisée, utile, productive. d’artistes aux trois quarts âgés de moins nier les crispations identitaires et les nature complexe et chaotique, comme Qu’il s’agisse du volontarisme pratique de quarante ans : chez toute une reflux conservateurs. Est-ce à dire pourtant les individus auxquels elle s’adresse. ou, chez Bret Easton Ellis, de la « culture génération d’artistes, l’esthétique n’est qu’à long terme, cette prévalence-là Or, en se soumettant à « l’intuition d’entreprise » et de ses « robots vertueux », tout simplement plus le souci premier. du sujet sur la forme soit souhaitable ? collective », elle court le risque de se il plane sur l’état de l’art la menace « Souvent, des œuvres formellement Ce glissement-là, et l’habitude d’acquiescer soumettre à la tentation « d’effacer […] de l’arasement de son espace réservé. conventionnelles exhalent et bouillonnent ensemble qui en découle, deux essais à la fois la subjectivité et l’objectivité ». La scène, la page, l’écran, l’espace d’un feu contenu », ajoutait Jerry Saltz. parus cet été s’y penchent. À la fois White2 De son côté Olivier Neveux pointe d’apparition des œuvres sont devenus Le canon, les styles, les médiums et l’histoire de Bret Easton Ellis et Contre le théâtre également la perversion de la production poreux. On y pénètre avec les gros souliers de l’art au sens large servent désormais politique 3 d’Olivier Neveux reviennent sur mécanique d’effets. « Penser une politique du quotidien, à la semelle desquels collent de matière dans laquelle puiser librement la polarité sujet / forme, qu’ils abordent de des œuvres, ce n’est pas les envisager les valeurs et les impensés d’un système pour exprimer son message. Les années leur côté sous l’opposition d’un point de vue idéologique et les de gouvernement nommé néolibéralisme. 1980 seraient-elles de retour ? L’énoncer idéologie / esthétique. La situation interroger à l’aune du reflet de qu’elles Insister sur la réception des œuvres, rappelle en effet furieusement les grandes d’énonciation des deux auteurs ne pourrait sont supposées être, pas plus que leur réception en masse et par le groupe, heures du post-modernisme. Et pourtant, être plus différente. D’un côté, l’abandon de repérer les signes supposés produire revient également à mettre en évidence c’est encore autre chose : ici, pas de joyeux du roman au profit d’une écriture hybride mécaniquement tel effet ou témoigner, par la fabrique d’un certain type d’individu, 64Essai Kill Your Id(e)ol(ogie)s 65Essai Kill Your Id(e)ol(ogie)s

rentabilisation des affects. Cette dernière des habitudes perceptuelles et des du consensus, des convictions peut-être déclarait : « en un certain sens, ce que certitudes morales qu’on serait en droit monnayables ?). Olivier Neveux souligne : vendent les artistes est en quelque sorte d’exiger d’elle ? Le mode de réception « Tel est le mot d’ordre, il est valorisé les itérations d’une certaine position des œuvres, de ces œuvres favorisées de s’engager, de faire plutôt que subjective qu’ils représentent. À partir de voire engendrées par une structure de regarder, d’être à l’initiative plutôt là, ils peuvent faire beaucoup de versions néolibérale de mise en concurrence que spectateur » (p. 181) de ce qu’ils produisent […]. Et donc, des individus précarisés, induit également Ce « chantage » au « faire, participer » d’une certaine manière, tout se passe une déresponsabilisation de l’individu qu’il souligne s’est, depuis cette année, comme si vous achetiez une partie de l’état même. Nous assistons, tel serait le constat déplacé. L’engagement politique des de conscience qu’ils représentent4. » ultime, à une capture de l’individu artistes est devenu structurel. Il porte De l’autre côté, au niveau de la par le vocabulaire et les valeurs sur la nature des institutions, sur leur réception, Bret Easton Ellis identifie chez du néolibéralisme. L’individu serait orientation idéologique. C’est bien là l’acteur hollywoodien, toujours mesuré, forcément du côté de la rentabilité, que doivent porter les efforts. Ainsi de la modéré, agréable et pour ainsi dire tout en faisant masse avec un tissu Biennale du Whitney, on retient l’action « climatisé », les prémisses de la condition d’autres individus, pas un groupe en tant contre Warren B. Kanders et les artistes par défaut des individus du régime que tel, mais une constellation de ayant choisi de retirer leurs œuvres néolibéral. Plus que d’un moyen terme, ces robots vertueux juxtaposés par – grippant la mécanique mise en évidence le cas de l’art contemporain et des œuvres un consensus qui, en réalité, ne provient plus haut qui capitalise sur leurs positions à sujet politique relève davantage d’une pas tant d’une adhésion mesurée que subjectives5. Mais il apparaît tout aussi entente sur les « bonnes » valeurs — ce que de l’intégration par chacun de la norme urgent de ne pas laisser l’œuvre en pâture

Olivier Neveux, et de spectateur, par le système en question. les anglophones qualifieraient de woke. régulatrice. De fait, la frange progressiste aux fins militantes. Le moment présent, Contre le théâtre L’économie pénètre toutes les sphères La part conflictuelle de la politique, de la société, celle qui se rend au théâtre et les actions directes d’artistes, seraient politique, 2019, Paris, La fabrique. de la praxis, produisant un sujet sommé et de l’humain, a été escamotée. Le fait ou au musée, semble tout bonnement un point de bascule idéal pour séparer d’être toujours plus performant politique brut s’est transformé en la avoir abandonné l’individu à l’ennemi. enfin l’idéologie de l’esthétique, pour et compétitif. Celui-ci est entraîné dans politique établie, et l’on vient alors devant On s’y adresse au groupe, à la masse, asseoir la pureté et l’interdépendance une spirale d’auto-optimisation qu’il croît les œuvres acquiescer en masse aux mais sans jamais tenter de reconquérir de l’une et de l’autre au sein de ce projet désirer mais exécute en réalité par défaut, paradigmes dominants de son groupe l’individu et d’en faire un sujet pensant total de l’art – de l’art, et non de la culture. faute de structures externes à même plutôt que de remettre à plat ses systèmes plutôt qu’intéressé, libre plutôt À l’œuvre esthétique de redevenir de garantir l’arbitrage. Le glissement de pensée – quitte à en sortir avec des que muselé, comme si l’attitude fataliste le caillou de complexité dans la chaussure de la forme au sujet reflète la pression convictions refondées, renforcées. avait conduit à cesser de lutter pour faire du néolibéralisme simplificateur, le lieu d’apparaître au niveau de l’artiste : celui-ci, Ces réflexes font le lit des manipulations de l’espace de l’art un espace préservé d’une expérience de l’altérité radicale pour émerger, pour être visible (et, encore de masse auxquelles les individus déliés des logiques de la vie réelle. On s’y adresse et le rocher contre lequel viendraient une fois, parce que les structures faisant néolibéraux ne sont pas moins exposés, au groupe pour l’exhorter à participer, échouer les taxonomies, les désignations opposition au jeu de la concurrence précisément parce qu’ils dépolitisent à être utile, à produire (du lien social, et les certitudes existantes. se délitent), est sommé d’affirmer une et ne pratiquent la politique qu’en tant que position de sujet cohérente, identifiable. signe extérieur d’allégeance au consensus. L’ambiguïté – celle de l’œuvre, celle Où est alors passé l’individu doté

des différentes parties de la production d’une conscience critique, cet individu 1 https://www.vulture.com/2019/05/whitney-biennial-review-jerry-saltz.html d’un même artiste — , on le comprend, qui ne préexisterait pas à l’œuvre mais 2 Bret Easton Ellis, White, 2019, Paris, Robert Laffont. 3 Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, 2019, Paris, La fabrique. est un obstacle. Un échange entre serait au contraire façonné par elle, 4 https://www.textezurkunst.de/103/feelings-i-fail-to-capitalize/ Chris Kraus et Ariana Reines publié dans par l’espace-temps spécifique qu’exige 5 Michael Rakowitz refuse d’y participer et le fait savoir en février. Deux mois après l’inauguration, Korakrit Arunanondchai, Meriem Bennani, Nicole Eisenman, Nicholas Galanin, Eddie Arroyo, Christine Sun Kim, Texte zur Kunst évoquait à ce sujet une son appréhension et par la reconfiguration Agustina Woodgate et Forensic Architecture retirent leurs œuvres de l’exposition. 66Essay Kill Your Id(e)ol(ogie)s 67Essay Kill Your Id(e)ol(ogie)s

Professor of Theatre History and deploring the loss of the work, “the great Æsthetics at ENS de Lyon, produces a absentee, the ignored, relegated to the old Kill Your Id(e)ol(ogie)s lampoon richly argued. Egotistical modernism”, who then specifies: “Some flamboyance and historical temperance. evenings we have the impression that — The entertainment industry and the the theatre offers theoretical digests by Ingrid Luquet-Gad philosophical scene. And yet, the intention to those who do not have the time or taste and terms are surprisingly consistent. for it [...]. The theatrical radicality Both point to—and warn against—the sometimes consists in grasping, once slippery slope leading from politics to cooled, deconflictualized and normalized, morality, from aesthetics to ideology, from what has fueled offensives and activist “Subject matter is the new form.” On the Content comes first. Content, i.e. ambiguity to message. discussions elsewhere for years” (p. 160). face of it, this short sentence would have ecological, queer and colonial concerns, For Bret Easton Ellis, ideology means Ideological art explains, demonstrates the emptiness of T-shirt slogans, but, with the possible exception of class “expressing an opinion and forcing you Olivier Neveux, calls for both the recontextualized, it identifies with great issues, the absence of which is obvious. to experience certain feelings” while “explicative order” and the “stultification” accuracy the condition that prevails For the visitor, who can be assumed to be aesthetics means “ to play it entirently it implies as presented by Jacques in art today. This was noted in the review progressive without taking too much differently by showing things neutrally Rancière in The Ignorant Schoolmaster Roberta Smith wrote about the 2019 risk, these perspectives are conventional. and ask you to bring something to the (1991 for the English translation) and the Whitney Biennale for the New York Times They recognize them from their militant picture which might for example, have “aesthetic positivism” which “replaces the Magazine. In turn, Jerry Saltz repeated networks, they have read the quoted texts, a complicated and contradictory character theoretical deciphering of the works by it in his own column for Vulture1: “Subject they agree with the references embedded or a morally ambiguous nature at its their effects” theorized by Theodor W. matter is as important a formal feature and with the issues raised. Once this center that the movie isn’t going Adorno in his Aesthetic Theory (1970), of art as form itself as a primary carrier is established, it also follows that nothing to simplify or resolve for you” (p. 87). concluding that this approach is “a way of change and newness.” For the first time, shakes up the categories of thought that An art work, in this case a film (Bret Eason of constraining and shrinking the work the Biennale could boast a scrupulously each one will have brought with them Ellis takes the example of Moonlight which to what it is supposed to produce—and diversified list of artists in terms of genres from the outside world. The same he opposes to King Cobra) can defend not having to produce any immanent and origins. However, the two authors questions, the same debates are taking progressive ideas (a black and gay intelligence of what it is”, its existence noted that, at the level of works, place, with the same modalities. The form teenager wrecked by an iniquitous society) being “dependent on what it promises this diversity did not bring the formal speaks, and it speaks like a text. Art while not being aesthetically a good work. to affect, its project of effects, its practical innovation that one would then have been becomes political by merging with reality. The main point here concerns reception: voluntarism” (p. 163). The autonomy entitled to expect. They nevertheless The works are leaflets. There is certainly the work of art is by nature complex of the work disturbs. It disturbs the logic praised the quality of the biennale, which an urgency, today no one can deny the and chaotic, like the individuals to whom of a culture that we would like to be was representative of a state of affairs identity tensions and conservative it is addressed. However, by submitting rationalized, useful and productive. and of the lifeblood of artists under backlashes. Does this mean, however, that to “collective intuition”, it runs the risk Whether it is a question of practical forty—for the three-quarters of them were in the long term, this prevalence of the of submitting to the temptation to “erase voluntarism or, with Bret Easton Ellis, that young—: for an entire generation subject over the form is desirable? This both subjectivity and objectivity”. of “corporate culture” and its “virtuous of artists, aesthetics is simply no longer shift, and the habit of assenting together For his part, Olivier Neveux also points robots”, the threat of the levelling the primary concern. “Often, though, that results from it, is the subject of two to the perversion of the mechanical of its reserved space lingers over art. formally non-daring works breathe quiet essays published this summer. Both White 2 production of effects. “To think of a policy The stage, the page, the screen fire and seethe,” added Jerry Saltz. The by Bret Easton Ellis and Contre le théâtre of works is not to consider them from and the space where the works appear canon, styles, media and art history in the politique 3 by Olivier Neveux return to the an ideological point of view and question have become porous. We barge in on them broadest sense now serve as the material polarity of subject/form, which they them according to the reflection of what with our casual heavy boots to the sole from which to draw freely to express one’s address under the opposition ideology/ they are supposed to be, any more than of which stick the values and what’s left message. Are the 1980s back? Indeed, aesthetics. The enunciative position of the to identify the signs supposed to produce unthought of a governance system called stating it sounds like a reminder of the two authors could not be more different. such an effect mechanically or to testify, neoliberalism. Insisting on the reception great moments of post-modernism. While the prodigy of the literary Brat Pack by their transparency, to such a will.”(p. 17). of works, their mass and group reception, And yet, it is something else: here, no joyful of the 1980s trades the novel for a hybrid For Bret Easton Ellis, the inclusive also means highlighting the making nihilism, no decadent irony. Quite the writing between autobiography, fantasy is “what happens to a civilization of a certain type of individual, opposite: an urgency of speech, expression confessional literature and cultural when it no longer cares about art at all” and spectator, by the system in question. and, above all, message. criticism, the academic Olivier Neveux, (p. 92). The same is true for Olivier Neveux, The economy penetrates all spheres 68Essay Kill Your Id(e)ol(ogie)s 69Essay Kill Your Id(e)ol(ogie)s

of the praxis, producing a subject favoured, even generated by a neoliberal emphasizes: “This is the watchword, it is summoned to be ever more efficient structure of competition between valued to commit, to do rather than to and competitive. The latter is drawn precarious individuals, also leads look, to be at the initiative rather than a into a spiral of self-optimization that to a disempowerment of the individual spectator” (p. 181) he believes he desires but actually themself. We are witnessing, such would be This “emotional blackmail” executes by default, due to the lack of the ultimate observation, a capture demanding “to do, to participate” that external structures able to guarantee of the individual by the vocabulary he emphasizes has shifted since this year. arbitration. The shift from form to subject and values of neoliberalism. The individual The political commitment of artists reflects the pressure weighing on the would necessarily be on the side has become structural. It concerns artist: the artist, in order to emerge, to be of profitability, while massing with the nature of institutions, their ideological visible (and, once again, because the a web of other individuals, not a group orientation. This is where the efforts must structures opposing competition are as such, but a constellation of these be concentrated. Thus, from the Whitney breaking up), is called upon to affirm a virtuous robots juxtaposed by a consensus Biennale, we mainly retain the action coherent, identifiable position as a subject. that, in reality, does not come so much against Warren B. Kanders and the artists Ambiguity—that ambiguity of the work, from a measured adherence as from who have chosen to withdraw their that of the different parts of the same the integration by each of them of the works—seizing the mechanics underlined artist’s production—, it is understandable, regulatory norm. In fact, the progressive above that capitalizes on their subjective is an obstacle. In their conversation fringe of society, the one that goes to the positions5. But it seems equally urgent published in Texte zur Kunst, Chris Kraus theatre or to the museum, simply seems to not to leave the work as food for militant and Ariana Reines mentioned the have abandoned the individual to the purposes. The present moment, and the profitability of affects. The latter stated: is transformed into established politics, Bret Easton Ellis, enemy. The works are aimed at the group, direct actions of artists, would be an ideal White, 2019, Paris, “In a certain sense, what artists sell is in and one then comes before the works Robert Laffont. at the masses, without any attempt to win turning point to finally separate ideology a way the iterations of a certain subjective to acquiesce en masse to the dominant back from aesthetics, to establish the purity position that they represent. From there, paradigms of one’s group rather than the individual and make them a subject and interdependence of both within they can make many versions of what they to rethink one’s systems of thought thinking rather than interested, free this total project that art is—art, and not produce […]. And so, in a way, everything —even if it means leaving with regrounded, rather than muzzled, as if the fatalistic culture. It’s up to the aesthetic work happens as if you were buying part of the reinforced convictions. These reflexes are attitude had led to stop fighting to make to be the stone of complexity in the shoe state of consciousness they represent.”4 the basis for the mass manipulations to the art space a space preserved from the of simple neoliberalism again, the place On the other hand, as far as which unleashed neoliberal individuals are logic of real life. The works urge the group of an experience of radical otherness, reception is concerned, Bret Easton no less exposed, precisely because they to participate, to be useful, to produce and the rock against which existing Ellis identifies in the Hollywood actor, depoliticize and practice politics only as (social cohesion, consensus, perhaps taxonomies, designations and certainties always measured, moderate, pleasant an external sign of allegiance to consensus. marketable convictions?). Olivier Neveux would run aground. and almost “air-conditioned”, Where has the individual with a the premises of the default condition critical consciousness gone, that individual of individuals in the neoliberal regime. who would not preexist the work but would The case of contemporary art and rather be shaped by it, by the specific

politically motivated works is more about space-time required for its apprehension 1 https://www.vulture.com/2019/05/whitney-biennial-review-jerry-saltz.html an agreement on “good” values than and by the reconfiguration of perceptual 2 Bret Easton Ellis, White, 2019, Paris, Robert Laffont. 3 Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, 2019, Paris, La fabrique. a middle ground. The contentious side habits and moral certainties that we would 4 https://www.textezurkunst.de/103/feelings-i-fail-to-capitalize/ of politics, and of the human being, be entitled to demand from it? The mode 5 Michael Rakowitz refused to participate and announced it in February. Two months after the inauguration, Korakrit Arunanondchai, Meriem Bennani, Nicole Eisenman, Nicholas Galanin, Eddie Arroyo, Christine Sun Kim, is ignored. The raw political fact of reception of works, of these works Agustina Woodgate and Forensic Architecture removed their works from the exhibition. 70Interview Ben Thorp Brown 71Interview Ben Thorp Brown

Ben Thorp Brown — s’entretient avec Patrice Joly

Ben Thorp Brown présente au Jeu de Paume respectueux du sensible, de l’interconnexion, une exposition en trois parties qui décline ses de l’entraide, etc. ? préoccupations en matière d’empathie, sentiment Je pense que c’est une question de priorités qui difficile à définir — à ne pas confondre avec la s’enracine essentiellement dans celle de la manière compassion — et qui semble avoir du mal à s’imposer dont nous voyons les autres. dans un monde livré à des démons individualistes Nous avons récemment pu être témoins et plus tenté par les théories transhumanistes que d’exemples assez extrêmes de la façon dont par des réflexes d’entraide. La déroutante vidéo le monde construit et le monde naturel entrent Cura produite dans le cadre du programme Satellite en conflit, qu’il s’agisse d’incendies, de la hausse suit les déambulations d’une tortue dans la célèbre des températures, d’ouragans ou d’autres drames maison VDL de Richard Neutra, construite selon plus directement du fait des humains comme des principes portés par des préoccupations au niveau de la sécurité des bâtiments — la tour en matière d’empathie assez proches de celles Grenfell, notamment — , ou la persistance dans de l’artiste. En tentant de redonner de la légitimité l’utilisation de tuyaux de plomb dans le réseau et de la force à une pensée de l’utopie à laquelle hydraulique dans des endroits comme Flynt, dans on oppose systématiquement l’irrationalisme le Michigan (entre autres), qui cause d’importants de ses prérequis quand ce ne sont pas les arguments problèmes de santé. Je considère qu’il s’agit là irréfragables du darwinisme, l’artiste démontre de phénomènes liés dans un monde qui perd que les forces qui sous-tendent l’empathie reposent de sa capacité à prendre soin les uns des autres sur une autre vision de l’histoire, à base de et de lui-même. Pour chacun de ces exemples, collaboration (entre les hommes bien sûr mais aussi nous pouvons désigner les causes spécifiques avec les animaux, le vivant, la nature, les choses) qui ont mené à ces scénarios, nous renvoyant qui remet à plat certains fondamentaux souvent à des explications qui semblent hors que l’on peut rendre responsables de nombre de notre contrôle en tant qu’humains, cependant, de dysfonctionnements sociétaux. Comme toute cela m’intéressait aussi de spéculer sur un nouveau pensée utopique cependant, cette dernière soulève type d’empathie qui pourrait s’étendre entre les de nombreux questionnements que nous avons humains, le monde naturel et le monde des choses, essayé de mettre en lumière dans cet entretien. modifiant le récit que nous nous racontons. J’ai essayé d’y parvenir par la fiction et j’ai imaginé un Il est fortement question d’architecture dans nouveau chapitre au mythe romain de la déesse Cura le flm que vous présentez au Jeu de Paume, raconté du point de vue d’une tortue qui vit dans à travers la fgure d’une tortue, animal représentatif une maison d’architecte moderniste à Los Angeles, de l’architecture s’il en est. Vous déplorez le fait chapitre qui est une composante de mon projet que cette dernière n’offre plus cette possibilité L’Arcadia Center, une institution créée pour soutenir d’interconnexion entre les humains qu’elle une communauté dans l’étude de ces questions. possédait autrefois lorsqu’elle était encore composée de matériaux naturels, poreux, et qu’elle Vous voulez opposer un autre récit à celui s’est déplacée vers une fonction sécuritaire et de que pointent certains auteurs transhumanistes fait « cloisonnante » qui correspond aux profondes comme Yuval Noah Harari qui mettent en avant tendances individualistes de l’époque, bref, que le dépassement des limites biologiques de l’être les habitats sont devenus des sortes de coffres-forts humain par sa contamination par les technologies pour humains. Cela ne vous empêche pas et les algorithmes, option qui selon vous met de défendre une vision plus empathique et de faire en danger notre propension à l’empathie montre d’un grand optimisme, mais pensez-vous et à la collaboration. Mais ne pensez-vous pas qu’il réellement que le futur sera plus favorable soit déjà trop tard, que le cyborg (pour reprendre à l’endroit des habitants des grandes villes l’expression de Donna Haraway) est déjà en nous [Toutes les images / all the images] alors que les décennies à venir vont amener et que nous sommes déjà largement prothétisés Ben Thorp Brown, Cura, 2019. irrémédiablement une surconcentration et algorithmisés ? Vidéo. Coproduction : Jeu de Paume, Paris ; de la population planétaire dans les grandes Je pense que le récit dont je souhaite vraiment CAPC musée d’art métropoles et, de fait, rendre plus diffcile la mise me démarquer est celui de la survie du plus fort contemporain de Bordeaux ; Museo Amparo, Puebla. en place de programme architecturaux plus que nous avons hérité de Darwin et qui a été utilisé © Ben Thorp Brown. 72Interview Ben Thorp Brown 73Interview Ben Thorp Brown

à mauvais escient pour expliquer de façon inexacte scène, la logique de domination, à la source des le monde non humain, et, au sein de la société déséquilibres, doit être remplacée par une logique humaine, pour mettre en récit la place qu’y occupe collaborative. L’homme n’ambitionne plus l’individu en naturalisant un certain confort par de devenir maître et possesseur de la nature, l’injustice. Oui, nous sommes tous habités par mais stratège et diplomate. » On dirait que cette les technologies mais je ne crois pas que ce soit pensée, qui intègre largement la place de l’art une raison de penser que nous pourrions perdre nos dans cette idée de renouveler les paradigmes, capacités empathiques. Je pense que cela pourrait est parfaitement en phase avec votre pratique, plutôt survenir en raison de la réduction de nos cependant ne faut-il pas, pour faire bouger les capacités à la résilience psychologique et à la gestion mentalités, créer des événements spectaculaires du stress dûe au fait de vivre dans des conditions dans des lieux tout aussi spectaculaires ? de pénurie plus ou moins relatives. Je pense qu’aux Quelles seront les nouvelles nefs où seront exposés États-Unis, cet effet pourrait être amplifié par les chef d’œuvres de cette « renaissance sauvage », la manière dont le système se reproduit, souvent pour reprendre le titre de son dernier ouvrage1, en rendant les soins de santé difficiles d’accès, alors qui produira la nouvelle Joconde ? Les musées qu’en Europe, il y a peut-être davantage de systèmes et / ou les centres d’art sont-ils les mieux placés en place pour réduire l’ampleur des différences pour propager ces nouvelles visions ? sociales et économiques entre les gens. Oui, je pense qu’il sera important, pour changer C’est une longue histoire que celle de la les mentalités, d’utiliser les outils du spectacle littérature transhumaniste et Harari n’en est pas et les outils qui nous engagent, dans nos vies l’exemple le plus extrême, mais l’une des idées émotionnelles et affectives, à être plus critiques. qui m’a intéressé dans Homo Deus est celle de savoir Je pense que certains projets ont vraiment besoin si ces nouveaux humains qu’évoque l’auteur auraient d’un endroit spécial pour attirer les gens dans les mêmes instincts de collaboration que les nôtres. une nouvelle vision, et que ces endroits sont souvent Il suggère que l’une des capacités propres difficiles d’accès. Je pense que les musées à l’humanité est celle d’habiter des fictions, ont un avantage unique en ce sens qu’ils peuvent pour le meilleur et pour le pire, et considère par là vraiment toucher un grand nombre de personnes ce qui est la racine de nos instincts de collaboration. de manière efficace, et qu’il y a donc beaucoup d’avantages à ce modèle. Votre pratique touche à des questions fondamentales qui semblent mettre l’homme face Comment traduire cette exigence expérientielle à des choix assez cornéliens et plutôt risqués : dont vous vous réclamez, dans votre art ? la tentation technologique contre une certaine Il n’est pas toujours facile de faire passer forme de renonciation et d’ascétisme pour sortir des messages forts dans une pratique sans du marasme vers lequel l’humanité semble que ces derniers prennent le pas sur la dimension se diriger. Sachant qu’il est parfaitement impossible esthétique des œuvres… d’augurer des rapports de force qui se mettront J’aime intégrer l’ensemble de l’expérience en place au sein des sociétés futures, et que de l’exposition dans ma pratique, dans la lignée l’humain dans sa grande majorité reste insensible d’artistes qui ont développé le potentiel aux arguments vertueux tant qu’il n’y est pas de l’exposition en tant que forme. contraint plus ou moins fortement, ne pensez-vous Comme les expositions sont des manières pas qu’il est assez utopique d’imaginer une société très particulières d’incarner la connaissance dans qui se sensibilise d’elle même et que l’art puisse un environnement spatial, je veux travailler avec ces servir utilement cette « cause » ? aspects car ils modifient la façon dont le spectateur Un art qui ne laisserait aucune place à l’imagination se sent dans un environnement donné, d’un autre monde ne m’intéresserait pas. Cet autre en considérant ces éléments comme une sorte de monde peut bien sûr faire usage de matériaux chorégraphie du visiteur. Mes expositions récentes et de formes familiers, la ou la peinture, ont intégré des éléments participatifs, invitant les par exemple, ou plus récents comme l’image visiteurs à s’engager dans une sorte de pratique, aux en mouvement et la performance, mais je crois côtés d’éléments plus traditionnellement utilisés réellement que l’art peut nous transformer ainsi dans les espaces d’art contemporain qui produisent que, littéralement, la façon dont nous voyons, une expérience plus familière pour le visiteur. sentons et connaissons le monde. À bien des égards, Je pense que différents visiteurs ont le projet de L’Arcadia Center provient d’une idée probablement vécu des expériences de l’œuvre très plutôt sombre, celle de savoir si nos capacités différentes : tandis que certains se sont autorisés empathiques collectives ont diminué au point que à y participer, d’autres ont sans doute préféré nous avons besoin de les pratiquer ; je pense donc rester à une certaine distance, celle du spectateur. que la dystopie est toujours proche de toute utopie. La dimension esthétique est d’une importance capitale et sous-tend toute la participation incarnée, Pour le philosophe Guillaume Logé, « les paradigmes car ces , ces formes, ces images et ces au fondement de la modernité et de la sons sont tous critiques pour le spectateur dans 1 Guillaume Logé, Renaissance sauvage, Paris, Puf, 2019. postmodernité doivent quitter le devant de la son appréhension et sa compréhension du monde. 74Interview Ben Thorp Brown 75Interview Ben Thorp Brown

Ben Thorp Brown — in conversation with Patrice Joly

Ben Thorp Brown presents at the Jeu de Paume Recently, we’ve encountered some pretty a three-part exhibition that outlines his concerns extreme examples of how the built world and the about empathy, a feeling that is difficult to natural world come into conflict, whether through define—not to be confused with compassion— fires, rising temperatures, hurricanes, and other and that seems to have difficulty imposing itself more directly human designed problems in building in a world devoted to individualistic demons and safety such as the Grenfell Tower, or the continued more tempted by transhumanist theories than use of lead pipes in the water system in places by mutual aid reflexes. The puzzling video Cura, like Flynt, Michigan (among others) that have caused produced as part of the Satellite programme, follows significant health problems. I see these as linked a turtle wandering around Richard Neutra’s famous phenomena in a world that is eroding in its ability VDL House, built according to principles driven to care for one another and itself. With each by empathy concerns quite similar to those example, we can point to specific causes of the artist. By attempting to restore legitimacy of the scenario, often directing us to explanations and strength to a thought of utopia to which that appear outside of our control as humans, we systematically oppose the irrationalism however, part of my interest was to speculate of its prerequisites when it is not the irrefutable on a new kind of empathy that might stretch arguments of Darwinism, the artist demonstrates between humans, the natural world, and the world that the forces underlying empathy are based of things, shifting the narrative that we tell on another vision of history, based on collaboration ourselves. I wanted to achieve this through some (between men of course but also with animals, the fictional means, and I imagined another chapter living, nature and things), that undermines certain to the Roman of Cura told from the point of fundamentals that can be blamed for many societal view of a tortoise who lives in a modernist architect’s dysfunctions. Like any utopian thought, however, house in Los Angeles, which is one component this raises many questions that we have tried to the overall project of The Arcadia Center which is to highlight in this interview. an institution that comes into the world to help a community investigate these concerns. There’s a powerful architectural theme in the flm you’re screening at the Jeu de Paume in Paris, using You want to oppose a narrative to the one that the fgure of a tortoise, an animal that represents certain transhumanist authors like Yuval Noah architecture if ever there was. You lament the fact Harari pinpoint, emphasizing going beyond that this latter no longer offers this possibility the biological limits of the human being by him of interconnection between people which it used becoming contaminated by technologies to have when it was still composed of natural, and algorithms, an option which, in your view, porous materials, and that it shifted towards endangers our propensity for empathy and a safety-related and in fact “compartmentalizing” collaboration. But don’t you think that it’s already function which corresponds with the deep-seated too late, that the cyborg (to borrow Donna individualistic trends of the time—in a word, that Haraway’s term) is already in us and that dwellings have become kinds of safes for humans. we are already considerably prosthetized This doesn’t stop you defending a more empathetic and algorithmized? vision and displaying great optimism, but do you I think the narrative that I really want to contrast really think that the future will be more favourable is the myth of the survival of the fittest, which towards people living in large cities, when we’ve inherited from Darwin, and which has been the decades to come will irrevocably lead used to much detrimental effect to explain to an over-concentration of the world’s population the non-human world inaccurately, and within in the large metropolises, and thus make it harder human society to narrativize an individual’s place to introduce architectural programmes that are within it by naturalizing a degree of comfort [Toutes les images / all the images] more respectful of sensibility, inter-connection, with inequality. Yes, we’re definitely all inhabited Ben Thorp Brown, Cura, 2019. mutual assistance, and the like? by technologies, and I don’t think I’d propose Video. Co-production : Jeu de Paume, Paris ; I think it’s a question of priorities, which this is why we might lose our empathic capacities CAPC musée d’art is essentially rooted in this question of how for others though. I think it could be happening as contemporain de Bordeaux ; Museo Amparo, Puebla. we view another. psychological resilience and the capacity to manage © Ben Thorp Brown. 76Interview Ben Thorp Brown 77Interview Ben Thorp Brown

stress are diminished by the effects of living under say that this line of thinking, which conspicuously conditions of relative scarcity. In the US, this might incorporates the place of art in this idea be an effect that is amplified by the way the system of renewing the paradigms, is perfectly attuned reproduces itself, often by making healthcare to your practice, but, to get mentalities to shift, isn’t hard to access, whereas in Europe there may it important to create spectacular events in just be more systems in place to diminish the extent as spectacular places? What will be the new sacred of social and economic difference between people. places for exhibiting the masterworks of this “wild The transhumanist literature is quite a long renaissance”, to quote the title of his last book1, history, and Harari is not the most extreme example, who will produce the new Mona Lisa? Are museums but I was interested in an idea that came up in and/or art centres the best placed sites for Homo Deus, which was whether these new humans spreading these new visions? that he proposes would have the same collaborative Yes, I think that, to shift mentalities, we will need instincts as our current one. He suggests that one of to use the tools of spectacle and tools that engage the distinct capacities of humanity is its ability to our emotional, affective lives for us to feel more inhabit fictions, for better and worse, and considers critical. I do think certain projects really need what is the root of our collaborative instincts. a special place for drawing people into a new vision, and often these places are hard to access, the Your practice deals with basic issues which seem spectacular places in the world. I do think museums to confront man with quite Cornelian and rather have a unique advantage in that they can really risky choices: the technological temptation reach lots of people effectively, and so there’s a lot versus a certain form of renunciation and of good in this model too. asceticism to get us out of the quagmire towards which humankind seems to be heading. Knowing How are we to convey this experiential demand that it is thoroughly impossible to predict power which you lay claim to, in your art? It isn’t always plays which will come into being in future societies, easy to get powerful messages across in a practice and that human beings will, in their great majority, without these latter taking precedence over remain unaware of virtuous arguments, as long the aesthetic dimension of the works… as there are more or less no constraints, don’t you I like to take up the whole exhibition experience think that it’s quite utopian to imagine a society as a part of my practice, following in a line of artists which is becoming more self-aware, and that art that have developed the potential of the exhibition can usefully serve this “cause”? as form. I’m not interested in art that leaves no room As exhibitions are very particular ways to imagine another world. The other world might of embodying knowledge in a spatial environment, use familiar materials and forms, whether sculpture I want to work with these aspects as they alter how or painting, or more recent materials like moving a viewer feels within a given environment, considering image and performance, but I do believe that art can these elements like a kind of choreography transform us, and the way we literally see and feel of the visitor. My recent shows have had elements and know the world. In a lot of ways The Arcadia of participation, which invited visitors to engage Center project comes from a somewhat dark idea, in a kind of praxis, but they also engaged with about whether our collective empathic capacities more familiar kinds of spectatorship that are used have diminished to the point where we need in contemporary art spaces. to practice them, so I think dystopia is always I think different visitors probably had very nearby any utopian imagining. different experiences with the work, whereas some allowed themselves to be present as a participant, For the philosopher Guillaume Logé, others might have prefered to remain one step “the paradigms underpinning modernity and removed as a spectator of the activity. The aesthetic postmodernity must relinquish centre stage; the dimension is of central importance, and operates logic of domination, at the root of imbalances, must underneath all of the embodied participation, be replaced by a collaborative logic. Man no longer as these sculptures, forms, images, and sounds 1 1 Guillaume Logé, Renaissance aspires to become master and possessor of nature, are all critical for how a viewer begins to understand sauvage, Paris, Puf, 2019 (in French). but a strategic planner and a diplomat”. We might and learn how to feel about the world. 7878reviews 7979reviews

C’est certainement l’un des dix artistes les plus Olafur Eliasson is undoubtedly one of the planet’s latter is quintessential; the artist is constantly trying célèbres de la planète, il écume les grandes institu- Olafur Eliasson ten most famous artists, and a regular presence to highlight phenomena to do with the work’s recep- tions et rares sont les médias qui ne lui ont pas consa- in the world’s major institutions; rare, too, are the tion, and with (media) information, a little like an cré un portrait sur plusieurs colonnes : Olafur Eliasson In Real Life media which have not painted his portrait in several artist such as Gustav Metzger, with whom he shares incarne depuis plusieurs années, à l’instar de son columns. For several years, like his colleague Tomás the same concerns with things ecological. Light is collègue Tomás Saraceno, un artiste profondément par / by Patrice Joly Saraceno, Eliasson has incarnated an artist deeply the frst and most important item of information: its inscrit dans son époque et ses problématiques, cher- involved in his day and age and its issues, seeking in transformation, its diffraction, and its diffusion lie at chant dans son travail à sensibiliser le public sur les Tate gallery, Londres, 11.07.2019 – 05.01.2020 his work to familiarize the public with questions to do the heart of his praxis, ever since The Weather Project, questions concernant l’avenir de la planète tout en with the planet’s future, while boasting a tremendous a pivotal work which he presented in the middle of conservant une formidable capacité d’innovation capacity for formal innovation. This native Icelander the Tate sixteen years ago, lighting up the Turbine formelle. Le natif d’Islande représente une mutation represents a very real change in our perception of hall with a miniature sun, already pinpointing the bien réelle dans la perception qu’on a de l’artiste : il y artists: not so very long ago, we tended to consider allpowerfulness of light, origin of all life on Earth, but a peu de temps encore, on avait tendance à considé- such people as gentle dreamers, with not a lot to say indirectly responsible for the planet’s current exces- rer ces derniers comme de doux rêveurs, n’ayant pas about serious things—the economy, transport, pol- sive heat, if we reckon that the burning of fossil fuels leur mot à dire au sujet des choses sérieuses — l’éco- lution, nuclear energy, climate change and the like— is just the latest consequence of the reinstatement of nomie, les transports, la pollution, l’énergie atomique, which were the domain reserved for engineers and solar energy in the atmosphere following the produc- le changement climatique, ces domaines étant réser- experts. Artists were there to brighten our lives and tion of matter carbonated by photosynthesis. vés aux ingénieurs, aux experts ; les artistes étaient embellish our sitting rooms (something they are still If the 2019 exhibition—whose title “In Real Life” is là pour égayer nos vies et orner nos salons (ce qu’il doing, incidentally). Alas, the atom produces tons of already a kind of embryonic criticism of the signif- font encore par ailleurs…). Las, l’atome produit des indestructible waste, the GAFAM corporations steal cance of the so-called ‘social’ networks—does not tonnes de déchets indestructibles, les GAFAM nous our data, car manufacturers lie to us about the toxi- achieve the power of The Weather Project, which volent nos infos, les constructeurs de voitures nous city of exhaust fumes, pesticide dealers poison our will always be one of his most impactful installations, mentent sur la toxicité des gaz d’échappement, les felds, and “mineral” water producers plunder our it has the merit of showing a multi-facetted œuvre marchands de pesticides empoisonnent les champs, springs once every manner of water table has been drawing on all the disciplines of contemporary art, les producteurs d’eau « minérale » pillent nos sources contaminated by their predecessors… with the possible exception of performance, and après que de toutes manières les nappes phréa- All of a sudden, things are starting to shift the one which is forever enlarging its area of investiga- tiques aient été souillées par les précédents… Du other way: it is no longer the multinational-serving tion. Eliasson is interested in design and architecture coup, les choses commencent à s’inverser, ce n’est expert who is coming up with the “truth”, but poets and the exhibition opens with a showcase housing a plus l’expert au service des multinationales qui pro- and artists who are now spreading “truths” which are host of maquettes—not only is he “interested” but his duit de la « vérité », les poètes et les artistes propagent every bit as reliable as the experts’ versions because, it studio has built several very real pavilions—, but he is désormais des « vérités » largement aussi fables que just so happens, they make no claims either in terms just as capable of radically renewing the aesthetics celles de ces experts parce que, justement, ils ne pré- of “truth” or in terms of “objectivity”. In this world of a public fountain (Waterfall, 2018) as producing tendent ni à « la vérité » ni à « l’objectivité ». Dans ce which is in the hands of the multinationals and no rechargeable solar lamps (Little Sun, 2012) or instal- monde possédé par les multinationales et non plus longer run by sovereign peoples, information is flte- ling a mass of lichens and mosses which literally colo- dirigé par les peuples souverains, l’information est Olafur Eliasson, Moss wall, 1994. Tate Modern, London, 2019. red, rigged, and reduced to euphemisms so as not to nize one of the museum’s walls, a tactile and evolving fltrée, orientée, euphémisée, pour ne pas effrayer le Courtesy Olafur Eliasson ; neugerriemschneider, Berlin ; Tanya Bonakdar Gallery, frighten the consumer. Who, right now, is capable of “tableau vivant” which condenses all the artist’s consommateur : qui désormais est capable de mettre New York / Los Angeles. Photo : Anders Sune Berg. © 1994 Olafur Eliasson jostling consciences? Perhaps those artists who are concerns (Moss Wall, 1994). Like many artists of his en branle les consciences ? Peut-être les artistes qui broaching the issues of our time without too much generation and stature, Eliasson gathers nothing less abordent les problèmes de notre époque sans mora- moralizing, without alarmism and without resorting than a think-tank around his person, forever looking lisme excessif, sans catastrophisme et sans un spec- to spectacularism, which risks shifting their activi- for new projects, and, if we might reproach him for tacularisme qui risque de faire passer leur pratique ties from the chord of appropriate attention to sen- having become the boss of a small business and get- du registre de l’attention juste au sensationnalisme, sationalism, while remaining aware that they are ting involved with branding, because of his reputation, tout en restant conscients qu’il se doivent de réunir bound to combine aesthetics with the non-literalness all this remains quite trivial in terms of promotion, if esthétique et non-littéralité du message. La voie est elle a le mérite de montrer une œuvre multiforme qui of the message. The path is a narrow one. Rare are we consider the impact which exhibitions like “The étroite. Rares sont ceux qui réussissent à concilier ressort à toutes les disciplines de l’art contemporain, those who manage to reconcile all these attempts Weather Project can have”, with its two million visi- toutes ces attentes en proposant un art sexy. Eliasson mis à part peut-être la performance, et qui ne cesse by proposing a sexy art. Eliasson succeeds when he tors. One of the rare downsides that we can toss at y parvient quand il produit une série de photogra- d’élargir son champ d’investigation. Eliasson s’inté- produces a series of photographs of Iceland’s gla- “In Real Life”, but which is not the artist’s doing, is the phies des glaciers de l’Islande de son enfance, nous resse au design et à l’architecture et c’est par une ciers which he knew as a boy, simply getting us to fact that the exhibition lacks a little breathing space: faisant simplement constater par une sobre présen- vitrine accueillant une multitude de maquettes que note, by way of a sober presentation, that these self- some pieces would deserve larger exhibition areas, tation que ces mêmes glaciers ont fondu, ou quand débute l’exposition — il ne fait d’ailleurs pas que s’y same glaciers have now thawed, and when he takes one such being the extraordinary Big Bang Fountain, il apporte des blocs de glace en plein centre de intéresser puisque son studio a construit des pavillons blocks of ice into the middle of Paris (Ice Watch Paris, which is squeezed into a cramped room, another Paris (Ice Watch Paris, 2015), les laissant disparaître bien réels — mais il est autant capable de renouve- 2015), leaving them to vanish in the ambient warmth. that famous walk through a coloured fog (Din blinde par l’effet de la chaleur ambiante. Simple mais eff- ler radicalement l’esthétique de la fontaine publique Simple but effective; how to mark minds but without passager, 2010), which is slightly skimpy, when one cace : comment marquer les esprits sans pour autant (Waterfall, 2019) que de produire des lampes solaires making consciences feel guilty. Everything is a mat- would like to get a bit more thoroughly lost in it, as culpabiliser les consciences. Tout est affaire de per- rechargeables (Little Sun, 2012) ou d’installer une pro- ter of perception and reception: with Eliasson, this in real life. ception et de réception : chez Eliasson, cette dernière lifération de lichens et de mousse qui colonise litté- est primordiale, l’artiste cherche constamment à ralement l’un des murs du musée, « tableau vivant » a. b. mettre en exergue les phénomènes de réception de tactile et évolutif qui condense les préoccupations a. Olafur Eliasson, Din blinde l’œuvre et ceux de l’information (médiatique), un peu de l’artiste (Moss Wall, 1994). Comme de nombreux passager (Your blind passenger), à la manière d’un Gustav Metzger dont il partage les artistes de sa génération et de sa stature, Eliasson 2010. Tate Modern, London, 2019. préoccupations en matière d’écologie. La lumière est réunit un véritable think tank autour de sa personne Courtesy Olafur Eliasson ; neugerriemschneider, Berlin ; la première et la plus importante des informations : étant en perpétuel recherche de nouveaux projets, et, Tanya Bonakdar Gallery, New York sa transformation, sa diffraction, sa diffusion sont si on peut lui faire le reproche d’être devenu le patron / Los Angeles. Photo : Anders Sune au cœur de sa pratique depuis The Weather Project, d’une petite entreprise et de faire du branding grâce Berg. © 2010 Olafur Eliasson œuvre séminale qu’il déployait au centre de la Tate à sa renommée, tout cela reste assez dérisoire en b. Olafur Eliasson, Big Bang seize années plus tôt, illuminant le Turbine hall d’un matière de promotion si l’on considère l’impact que Fountain, 2014. Moderna Museet, soleil en miniature, pointant déjà la toute puissance peuvent avoir des expositions comme « The Weather Stockholm 2015. de la lumière, origine de toute vie sur Terre mais indi- Project » avec ses deux millions de visiteurs. L’un des Courtesy Olafur Eliasson ; neugerriemschneider, Berlin ; rectement responsable de la surchauffe actuelle si rares bémols que l’on peut adresser à « In Real Life » Tanya Bonakdar Gallery, New York l’on considère que la combustion des matériaux fos- mais qui n’est pas du fait de l’artiste, est que l’exposi- / Los Angeles. Photo : Anders Sune siles n’est que l’ultime conséquence de la restitution tion manque un peu de respiration : certaines pièces Berg. © 2014 Olafur Eliasson de l’énergie solaire à l’atmosphère suite à la produc- mériteraient de plus larges déploiements comme tion de matière carbonée par la photosynthèse. l’extraordinaire Big Bang Fountain qui se retrouve Si l’exposition de 2019 — dont le titre « In Real Life » coincée dans une pièce exigüe ou encore cette est déjà une sorte de critique larvée à l’encontre de fameuse traversée d’un brouillard coloré (Din blinde la prégnance des réseaux que l’on dit sociaux — n’at- passager, 2010), un peu étriquée alors que l’on aime- teint pas la puissance du Weather Project qui restera rait s’y perdre un peu plus complètement, comme comme une de ses installations les plus impactantes, dans « la vraie vie ». 8080reviews 8181reviews

La première monographie présentée au Frac « Le sentiment, la pensée, l’intuition » : les trois termes Normandie Caen depuis son intégration dans Mathieu Mercier apparaissent comme des nuances de mécanismes Laëtitia Badaut Haussmann le magnifque cloître de l’ancien couvent des intérieurs combinant intelligence et sensibilité, cœur Visitandines est consacrée à Mathieu Mercier dont le LOOPS et raison, passé, présent et futur, tels des refets de ce Le sentiment, la pensée, travail est peu exposé dans les institutions françaises1. qui nous habite et nous entoure, de ce que l’on peut l’intuition Sous le signe de la boucle, l’exposition « Loops » prend par Alexandrine Dhainaut (sa)voir et projeter. Les mots, les choses, les êtres, les des allures de rétrospective autant que de micro-mu- lieux — et leur(s) histoire(s). par Anne-Lou Vicente sée dont les composantes muséographiques habi- Frac Normandie Caen, 21.06 – 01.12.19 Le titre de l’exposition de Laëtitia Badaut tuelles auraient été modernisées. Par des jeux de Haussmann au château de Rochechouart, qui réu- matière, d’échelle, de technique ou de technologie, nit à cette occasion autour des siennes une sélec- Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, Mathieu Mercier propose des va-et-vient temporels, tion d’œuvres issue de la collection du Musée d’art château de Rochechouart, 25.07 – 30.09.2019 des résonances assez immédiates et ludiques. contemporain de la Haute-Vienne1, semble opé- Les mathématiques et la géométrie introduisent rer à un double niveau, aussi bien chez l’artiste elle- cette notion de boucle. D’abord, par l’animation en même que chez celles et ceux à qui elle s’adresse : 3D de la plus célèbre des fgures de la 4e dimension, processuel d’une part — dans l’élaboration sur deux l’hypercube, projeté ici dans un mouvement perpé- ans de l’exposition comme dans sa traversée et sa tuel. Si cette première œuvre paraît assez littérale réception —, programmatique d’autre part, voire comme préambule « loopien », la pièce monumen- prémonitoire — quant à sa lecture a posteriori. tale qui se dresse ensuite devant le visiteur opère L’architecture du château a informé la construc- la première boucle temporelle : Baie vitrée, un rec- tion de l’exposition, autant par son incontournable tangle en verre et métal subdivisé et posé au sol, réac- charge historique — y compris dans les rapports tive le principe du nombre d’or. Par cette grande vitre de domination qu’il représente — que par sa struc- de plus de deux mètres de haut aux lignes épurées ture même. Celle en particulier du second étage, qui sépare en même temps qu’elle ouvre une pers- tout entier investi par l’artiste, constitué d’une pre- pective sur le reste de l’exposition, Mathieu Mercier mière salle « d’accueil » puis d’un long couloir de cin- élève, non sans humour, la triviale portion de bâti quante-deux mètres distribuant sur son fanc gauche en « divine proportion » version XXe siècle. L’œuvre un ensemble de sept « chambres ». À cette confgu- évoque inévitablement Le Grand Verre de Duchamp ration spatiale relativement monacale et autoritaire, Laëtitia Badaut Haussmann, « Le sentiment, la pensée, l'intuition », auquel Mathieu Mercier — assurément, l’un des Laëtitia Badaut Haussmann a conféré une dimension vue d'exposition, 2019, château de Rochechouart © Laëtitia Badaut artistes les plus duchampiens — consacre d’ailleurs temporelle, cinématographique et, partant, narrative. Haussmann ; galerie Allen. Second plan : Pierre Klossowski, une installation dans la bien-nommée salle « Faitout » Laissant deviner une série de photogravures de Danh Sieste de Roberte à Vérone, 1983. Dépôt du Centre National du Frac (nous y reviendrons). Des sciences appli- Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. Vo (Photographs of Dr. Joseph M. Carrier 1962-1973, Stephandes ArtsBalkenhol, Plastiques Relief, © tête Adagp, femme Paris, (beige) 2019, .détail, Photo 2010 : Aurélien. Mole. quées aux sciences naturelles, il n’y a qu’un pas que Bois d’abachi peint, 80 × 60 × 2 cm 2010) ainsi que plusieurs feutres de Raoul Hausmann Bois d’abachi peint, 80 × 60 × 2 cm Courtesy de l’artiste et Deweer Gallery, Otegem, Belgique. Courtesy de l’artiste et Deweer Gallery, Otegem, Belgique. Mathieu Mercier franchit avec son remake de dio- Mathieu Mercier, vue de l’exposition « LOOPS », Frac Normandie Caen. (Sans titre, 1968-1969) et refétant la lumière en pro- Photo : Marc Domage. Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain rama de muséum (Diorama (couple d’axolotls) qui du Havre, 2019. venance des fenêtres situées de part et d’autre et une série d’objets en boisdu deHavre, châtaignier 2019. par les der- agit comme un phare dans l’obscurité dans laquelle dans chaque salle, un rideau argenté aux accents niers vanniers de la région, aux gestes en voie d’ex- l’exposition est intégralement plongée. Si ce type de aquatiques et ondulatoires longe l’imposant couloir. tinction : en hiver, face à l’une des fenêtres donnant dispositif suranné avait pour principe de reconsti- Il fait offce de liant dans cette navigation disruptive sur le paysage de la vallée, un fauteuil-libellule invite tuer l’habitat naturel d’animaux empaillés, Mathieu qui nous fait aller d’une salle à l’autre, chacune étant à la contemplation ; au cœur de l’été (la saison du Mercier le « revitalise » en y intégrant un couple d’axo- conçue à la fois comme une séquence et une saison moment), des banquettes appellent au repos et au lotls. Mot possiblement payant au scrabble, il désigne — donc une ambiance, une humeur. Au gré de notre plaisir, sous le regard de Pan et son élève, croqués surtout cet amphibien improbable, au corps quasi déplacement de bout en bout se déroule ainsi une au début des années 1980 par le sulfureux Pierre larvaire, blanc dans sa version domestique, aux pattes année fctive, de l’automne à l’automne, donnant à Klossowski. à cinq doigts et branchies sur la tête pareilles à des l’exposition la forme d’une boucle que vient notam- Les corps (nus) visibles et imaginaires laissent petites plumes rouges, qui est aujourd’hui très popu- ment incarner, en point d’orgue fnal, la pièce de place, dans une salle suivante où se couche l’été, au laire, fgurant parmi les nouveaux animaux de com- Bruce Nauman, Love Seat (1988) — soit deux chaises, corps-paysage : aux côtés de la somptueuse série pagnie. L’axolotl semble boucler la boucle entre la l’objet habituel du désir qui a tant alimenté l’histoire l’une à l’endroit, l’autre renversée, disposées aux extré- de photographies de grottes réalisée entre 1985 et préhistoire et le futur, entre le tétrapode du début de l’art. Entre ces deux visions macroscopiques d’une mités d’un axe qui tourne à 360 degrés —, que l’on 1996 par Mike Kelley, The Poetry of Form: Part of an de la chaîne animale et l’énigme / espoir scientifque corde et d’une femme : un objet incongru posé à 1 Si sa dernière exposition pourra lire ici comme une métaphore de l’inégalité Ongoing Attempt to Developp an Auteur Theory of qu’il représente aujourd’hui dans sa capacité à faire même le sol portant l’énigmatique titre d’Alzhei- personnelle au Portique au Havre (quant à la classe, au genre, etc.) comme de la poten- Naming, la vidéo Le Silence, présentée sur un écran repousser un muscle, un nerf, un os… Le côté très mer. Cette plaque de granit rose brut percée d’une date de 2018, il faut remonter tialité d’un renversement ou d’une chute du pouvoir, échoué sur un coussin en velours à même le sol, en à 2012 pour le retrouver en solo spectaculaire de l’installation — un petit aquarium grosse chaîne métallique fait turbiner l’imaginaire. Il show au Crédac. ce que vient accentuer le fond musical ajouté pour dit long. On y voit, en plan fxe, le va-et-vient hypno- dans un grand vivarium rempli de terre – rend d’au- souffe sur ce porte-clés ou pense-bête pour géant 2 On retrouve également cet effet l’occasion qui n’est autre qu’un extrait de Sarabande tique de l’océan Atlantique sur une bande de terre tant plus précieuse la vision de cette bizarrerie de la mythologique et néanmoins amnésique une sorte trompe-l’œil dans une autre d’Haendel, rendue célèbre par le flm de Stanley rocheuse, tel un territoire préservé de la main destruc- nature, même partielle (la bestiole a ses pudeurs). À la d’humour dadaïste qui fait le lien vers le projet fou œuvre de l’exposition, intitulée Kubrick, Barry Lyndon (1975). trice de l’homme « tout puissant ». Le texte accompa- 100 cars on Karl-Marx-Allee. démesure du dispositif muséal de Diorama (couple et remarquable que Mathieu Mercier dédie à Marcel Photographie issue d’une série Introduit par un triptyque vidéo où déflent en gnant ces images, égrené en lettres rouges comme d’axolotls) répond directement une autre pièce Duchamp dans une autre salle. Lauréat du prix épo- éponyme, elle n’est pas le fruit différé des extraits d’un texte intitulé « Political Food, les sous-titres d’une voix-off inaudible, est extrait du monumentale : l’image macroscopique d’une corde nyme en 2003, Mathieu Mercier a constitué une d’un phénomène astral mais 1982 » paru dans la revue Domus et fottent des début du recueil de textes de Rebecca Solnit The simplement le reflet d’un flash emmêlée beige sur fond noir. Véritable trompe- collection personnelle d’objets et imprimés dont l’in- dans le capot d’une voiture images de cuisines équipées, le récit fragmentaire Mother of All Questions (2017), où l’auteure améri- 2 l’œil , l’œuvre suspendue s’avère être une tapisse- classable Duchamp se serait inspiré ou auxquels il stationnée sur la grande avenue ici mis en place se révèle stratifé et polyphonique, caine revient sur l’étendue du silence dans l’histoire rie complexe made in Aubusson. À mesure que l’on aurait fait référence dans ses notes. Exposé en cabinet de Berlin qui porte le nom de jalonné de plusieurs éléments fonctionnant comme des femmes, comparé à une mort symbolique. Dans s’en approche, le monochrome de la corde disparaît de curiosités à tiroirs3, ce travail de récolte monoma- l’auteur du Capital. De manière autant de signes — parfois annonciateurs —, et pour le livre, elle évoque l’émergence de mouvements et totalement ironique, elle associe au proft de milliers de points de couleurs primaires niaque a de quoi souffer par le nombre d’éléments donc Marx et le symbole même certains comme des leitmotiv. Si l’on retrouve des de communautés féministes, la libération de la parole semblables à des pixels. Si la technique séculaire présentés, allant des cartes postales cocasses de du capitalisme. À vous faire séries qui nous sont désormais familières (les Modules, et l’entreprise d’actions symboliques dénonçant les de la tapisserie associe ici l’idée anachronique du l’époque aux manuels, catalogues, objets médicinaux retourner un révolutionnaire structures en bois carrelé à géométrie variable et aux violences faites aux femmes. Elle prend notamment dans sa tombe. numérique actuel, c’est la technologie 3D qui sert à et usuels, en passant par les jouets et autres vues sté- 3 Conçu par Mathieu Mercier, usages multiples, ou les reproductions en noir et l’exemple de la militante anti-viol Emma Sulkowicz dépoussiérer un genre artistique tout aussi séculaire : réoscopiques érotiques qui ont inspiré Étant donné. le meuble à tiroirs a été présenté blanc d’images tirées de la revue Maisons françaises), qui matérialise ce féau (et ce fardeau qui est aussi le nu féminin. Dans Le Nu, une jeune femme tournoie Tout un bric-à-brac assez fascinant qui a composé en 2018 au Musée des arts on découvre la série d’impressions sur soie de pho- le sien) en transportant un matelas sur le campus sans fn dans le plus simple appareil, juchée sur un l’horizon visuel de Duchamp, rendant encore plus et métiers de la Ville de Paris tographies réalisées au téléphone portable de bou- de l’Université de Columbia où elle a subi un viol, dans le cadre de l’exposition plateau rotatif (qui donne d’ailleurs sa bande-son à manifestes les notions de parodie et de ready-made « Monsieur Duchamp nous a dit quets de feurs dont l’artiste se plaît à s’entourer au objet pris en charge par d’autres jeunes femmes vic- toute l’exposition par l’émission d’une boucle per- qui ont fait basculer l’art du XXe siècle. que l’on pouvait jouer ici ». quotidien, sur lesquelles est inscrite la date de nais- times et / ou solidaires2. Ce passage, Laëtitia Badaut pétuelle s’intensifant comme le ressac de la mer) et Exception faite des trois pièces de la série des 4 Présentées au Crédac en 2012, sance et de mort de proches, indices parmi d’autres Haussmann l’a lu après avoir déjà choisi d’intégrer, en 4 les Sublimations associent objets éclairée par des projecteurs. À un rythme régulier, la Sublimations posées comme des énigmes aux- manufacturés ou naturels distillant, sur un mode subliminal, une part d’elle- exergue de son exposition à Rochechouart, la pièce 1 L’artiste a choisi des objets vidéo alterne plans d’ensemble du modèle aux men- quelles le cerveau répond avec plus ou moins d’inté- (une bouteille en verre, un vélo, même au sein de cette fction chorale aux person- de Rachel Whiteread, Untitled (Air Bed), un matelas ayant tous une relation surations a priori parfaites, et détails anatomiques. Ici, rêt, les œuvres de « Loops » stimulent par l’humour et un morceau de roche) et cercles nages fantômes, qu’ils soient réels ou fctifs. en caoutchouc où se devine la trace d’un corps pré- au corps humain et aux actions un téton, un talon, là, un grain de beauté, des poils les effets de surprise et s’avèrent autant récréatives chromatiques directement Dans la lignée de ses recherches autour des sent en creux, apparaissant in fne comme une indis- qui lui sont associées. imprimés dans des supports 2 Emma Sulkowicz, pubiens, dont le changement d’échelle rend presque que réfexives sur les formes intemporelles et réminis- en Corian, matériau composite notions de savoir-faire, de décoratif et de design, pensable clé de (re)lecture. L’intuition, la pensée, le Mattress Performance (Carry monstrueuse la découverte. Ou comment démystifer centes qui ont nourri et nourriront encore les artistes. blanc et lisse. Laëtitia Badaut Haussmann a aussi fait produire sentiment. That Weight), 2014-2015. 8282reviews 8383reviews

Si certaines des expositions précédentes transfor- Quiconque est intéressé par le rapport entre l’art et maient entièrement la Chapelle du Genêteil ou atti- Stefan Rinck l’industrie, en particulier par la manière dont l’art, Gigantisme raient l’attention sur des détails de son architecture dès le XIXe siècle, a tenté de résister aux problèmes moins en évidence que d’autres, conduisant à les Carnival sociaux, géopolitiques et même écologiques que l’in- — Art & Industrie réinterpréter à l’aune des œuvres, l’installation des dustrialisation allait poser — on peut à cet égard relire sculptures en pierre de Stefan Rinck, au contraire, fait par Vanessa Morisset les textes des conférences hyper lucides de William par Vanessa Morisset d’emblée écho au style gothique du lieu et tape dans Morris1 — sera un peu désorienté. « Gigantisme », en le mille de l’art du Moyen-Âge. Mais un « Moyen-Âge Chapelle du Genêteil, Château-Gontier, réalité pas une mais un ensemble d’expositions au FRAC, HP2, LAAC et divers lieux, Dunkerque, fantastique » pour reprendre le titre du fameux livre 25.05 – 25.08.2019 FRAC, dans la Halle HP2, au LAAC et hors-les-murs, 04.05.2019 – 05.01.2020 de Jurgis Baltrušaitis1. une triennale même nous dit-on, organisée par Les monstres imaginaires que ses sculptures quatre commissaires associés (Keren Detton, Sophie représentent, féroces et drôles, rappellent en effet, y Warlop, les deux directrices du FRAC et du LAAC, plus compris par leurs dimensions, le bestiaire décoratif deux invités, Géraldine Gourbe et Grégory Lang), plus des portails et des gargouilles. Décuplée par le thème que de traiter le thème de l’industrie et de la déme- du carnaval — énoncé en titre mais surtout exprimé sure de ses sites, semble avoir été pensée elle-même par la disposition des pièces, placées les unes à la comme une manifestation à grande échelle. Ce fou suite des autres comme si elles déflaient devant un quant au contenu surprend d’autant plus que le public mis en joie — leur créativité renvoie à la relec- FRAC, il y a quelque mois, avait organisé la remar- ture du Moyen-Âge de l’historien de l’art lituanien, quable exposition « Que fut 1848 ? » qui évoquait l’in- centrée sur une liberté d’inspiration méconnue. « Un dustrie et ses conséquences — humaines, politiques, Moyen-Âge […] peuplé de monstres, de prodiges, se en lien avec l’histoire locale et plus largement en restitue et se développe à l’intérieur du Moyen-Âge France. Elle mettait en regard des œuvres judicieu- évangélique et humaniste2. » sement choisies, présentées à la fois en elles-mêmes Alors, bien sûr, les sculptures de Stefan Rinck ne et pour construire une réfexion par leurs interac- sont pas littéralement néo-médiévales, elles peuvent tions, à commencer par 1848!!! de Liam Gillick, une aussi être perçues comme la transposition dans un double affche qui recense les événements de cette médium traditionnel et quasi sacré de fgures ou année-là et avait servi de point de départ à Arnaud d’avatars contemporains — personnages de dessins Dejeammes, commissaire invité. Parmi les pièces animés, de jeux vidéo, bestioles imaginaires d’au- marquantes, L’Horloge d’une vie de travail de Julien jourd’hui : allons jusqu’aux Pokémons. Ce sont des Berthier côtoyait une installation d’Harun Farocki, et avatars populaires autant que des gargouilles clas- les lettres du mot Avenir de Thierry Verkebe étaient sées au patrimoine mais les gargouilles n’étaient- Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. posées au sol contre la baie vitrée, dos à la mer. Le Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. elles pas elles-mêmes des avatars populaires de leur Stefan Rinck, exposition Bois« Carnival d’abachi », 2019 peint,, Le 80 Carré, × 60 ×Scène 2 cm nationale – Centre d'art contemporain souvenir de cette exposition laissait envisager une Carlos Bunga, CathédraleBois, 2019 d’abachi. peint, 80 × 60 × 2 cm d'intérêt national, Château-GontierCourtesy de sur l’artiste Mayenne et Deweer © Marc Gallery, Domage. Otegem, Belgique. Installation in situ, carton,Courtesy scotch, decolle l’artiste et peinture et Deweer latex. Gallery, Vue de Otegem,l’installation Belgique. époque, carnaval de chimères composées de sources Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain belle proposition. dans le cadre de GIGANTISMEVue de – l’exposition. ART & INDUSTRIE, © Le Portique Halle APcentre2, Dunkerque, régional d’art France. contemporain hétérogènes ? du Havre, 2019. Mais, en matière d’art et d’industrie, « Gigantisme » Production GIGANTISMEdu – Havre,ART & 2019INDUSTRIE. © Courtesy de l’artiste. Quand on entre dans l’espace de la Chapelle, face exhibe surtout des exemples de collaboration (notam- Photo : Aurélien Mole. à nous, sur un socle qui peut aussi être perçu comme ment la production pour l’exposition par ArcelorMittal un podium, un lion merveilleux nous accueille tel — l’un des partenaires principaux — d’une pièce de un gardien des lieux, plastron arborant une feur de Bernar Venet) ou un rapport de fascination (on peut lys, épée à la main, mais peu effrayant : il nous tire voir le très beau flm de Peter Stämpfi et Peter van la langue. Bienvenue au carnaval. Derrière lui, les Gunten Firebird de 1969), ne pensant quasiment pas autres personnages semblent se suivre en boucle la possibilité d’un antagonisme entre le processus de et à la queue leu leu, tête ou posture malicieuse. création, source d’émancipation, et la mécanisation Un monstre au museau pointu, coiffé d’un chapeau comme aliénation. qui surprend par rapport à son vêtement, armure Toutefois, l’événement étant présenté comme une ou chasuble, suit immédiatement le lion, lui-même triennale, on est amené à être fnalement moins exi- talonné par un hibou couronné de grandes plumes, geant quant au traitement du thème annoncé, tant écarquillant d’immenses yeux tout blancs comme ce type de manifestation s’y tient généralement peu, lui. Parmi les plus fous, un personnage sur roulettes et à ne regarder que ça et là les belles pièces présen- tend les bras devant lui. Il semble pourchasser son tées. Dans l’espace de la Halle HP2, au chapitre 1 inti- prédécesseur, un drôle de monopode sans tête. Un tulé Paysage mental (assez étrangement d’ailleurs pauvre quadrupède à la face innocente est enchaîné puisque le bâtiment, avec ses grandes ouvertures, à un boulet dont la forme rappelle les pierres de cur- donne à voir de toutes parts le paysage extérieur, ce ling. Un gentil chien porte une belle blouse assortie titre faisant du lieu d’exposition un espace coupé de chaussures mocassins-charentaises. Mais le plus du réel alentour), la Cathédrale de l’artiste portugais extraordinaire est sans doute l’un des personnages Carlos Bunga, une construction éphémère in situ en du fond, d’un blanc aux refets étincelants, tête de carton et peinture, occupe une partie du bâtiment et dinosaure rigolard, grandes dents et yeux ronds, assis s’y adapte dans les détails en intégrant par exemple et portant sur ses genoux une maquette d’église, du les extincteurs, incarnant avec humour la contra- type de celles que les ecclésiastiques offrent au Christ diction d’une architecture monumentale avec des au LAAC, au titre révélateur du parti pris général de dans les fresques médiévales. La joyeuse parodie car- matériaux de fortune. Cette œuvre est l’une des rares « Gigantisme » : À l’Américaine !, ce sont des œuvres navalesque atteint ici son comble. à exprimer une relation problématique entre art et de Jean Dewasne qu’on est heureux de découvrir, En outre, au blanc de cette pièce s’opposent les industrie. Dans le chapitre 3, Space is a House, au tant l’artiste, lui non plus, n’est pas habituellement variations de tons de celles qui l’entourent, nuances FRAC, on renoue avec le design, l’un des points forts mis en avant. Sa Voix lactée, pièce de 1966 qui est à la de beiges aux marrons, noir, vert oxydé, grâce aux populaire, celle du papier mâché des masques et des de la collection du fonds, où on a grand plaisir à voir fois sculpture et peinture, un carénage de moto peint différentes roches utilisées par l’artiste. Car, en plus déguisements, magnifée dans la durée de la pierre, un paravent de Carla Accardi, artiste italienne trop de couleurs vives en des motifs géométriques, remet de leur inventivité iconographique, les sculptures comme un plaidoyer en faveur d’un esprit de fête. peu connue en France, qui a travaillé après-guerre en cause les idées reçues sur le caractère obligatoire- de Stefan Rinck relèvent d’une recherche autour Presque une philosophie de vie, presque une position au sein du groupe Forma Uno à une démocratisation ment spirituel et éthéré de l’abstraction. du potentiel esthétique et expressif des matériaux, politique. L’exposition est un exemple réussi de pro- de l’abstraction. La pièce présentée ici, un paravent À l’extérieur, entre le FRAC et le LAAC, les énormes grès, diabase, calcaire autant que granit ou marbre, position accessible à tous, à différents niveaux d’in- de 1972 orné de motifs all over en forme de virgule, bouées balises transformées en sculptures par l’ar- sans oublier la sculpture représentant un singe dont terprétation, du plus simple et amusé au plus curieux, est représentatif de sa démarche visant à déplacer tiste turque Hera Büyüktasciyan apportent un peu la pierre s’est recouverte de mousse suite à un long tentant par exemple d’identifer le monstre isolé au la peinture des cimaises des galeries élitistes vers les de poésie mélancolique, comme si la mer avait pu un 1 Par exemple « Comment nous 1 Jurgis Baltrušaitis, vivons, comment nous pourrions séjour en extérieur. sol (le cyclope Polyphème) qui a l’air de vouloir ter- Le Moyen-Âge fantastique. intérieurs de tout un chacun. Sa présence dans l’ex- jour monter à ce niveau et recouvrir le paysage. vivre », texte d’une conférence Ces caractéristiques inscrivent les œuvres de rasser avec une grosse boule de pierre tous les autres, Antiquité et exotismes dans l’art position est justifée dans le document d’aide à la Mais, non loin de là, en repartant de ce « pôle art donnée dans plusieurs lieux Rinck dans une histoire de la sculpture qui n’est pas comme au bowling. gothique, Paris, Flammarion, 1981. visite par le fait que les motifs sont peints sur un plas- contemporain » vers la ville, on passe devant la stèle en Angleterre autour de 1880, forcément celle à laquelle on s’attend au départ, la « Le Moyen-Âge ne renoncera jamais au fantas- 2 Jurgis Baltrušaitis, op.cit., tique produit par une entreprise (Mazzucchelli, « le installée récemment par les veuves d’ouvriers vic- traduit en français et publié 3 coll. Champs Flammarion, p. 293. dans le recueil du même titre, tradition de la statuaire en pierre du Moyen-Âge tique » affrme Baltrušaitis dans son livre, espérons 3 Jurgis Baltrušaitis, op.cit., leader de l’acétate de cellulose dans le monde », dit le times de l’amiante qui rappelle tristement un tout éditions Payot & Rivages, 2013, aux plus grands maîtres, mais plutôt une pratique que l’humanité non plus. préface, p. 7. premier site internet venu). Ailleurs, dans le chapitre 2 autre aspect du gigantisme de l’industrie. p. 19-59. 8484reviews 8585reviews

Peut-on créer des rapports tangibles entre les diffé- Rentrer dans le travail de Marianne Vitale c’est avant rentes composantes de notre environnement, à savoir Vanessa Billy tout se replonger dans une mémoire enfouie, celle Marianne Vitale l’ensemble des milieux humains et non humains ? d’une architecture monumentale, celle des ponts de Isabelle Stengers, philosophe belge, dans son texte Impressions de vies chemins de fer, des pontons, des usines, des quais et Amputations / « Penser à partir du ravage écologique¹ », introduit la des structures métalliques qui parsèment le territoire Resurrections question de la valeur intrinsèque des espèces à l’ère par Martha Telliug des États-Unis, vestiges d’une Amérique conquérante de l’anthropocène, suggérant par là le besoin immi- auxquels le terme d’ouvrages d’art convient tout à 08.06 – 28.09.2019 (exposition) nent de générer des relations d’équivalence entre Parc Saint Léger, Pougues-les-Eaux, fait, qualifant la volonté d’un peuple de couvrir d’un ces dernières. Objectif : tenter de gommer les domi- 08.06 – 25.08.2019. réseau dense l’immensité de son territoire, pour atti- nations qui découlent bien souvent de la logique rer et drainer au mieux la multitude de migrants de Worthies capitaliste dans laquelle nous évoluons. Afn d’ima- tous pays afn qu’elle le remplisse et le peuple d’est giner de nouveaux possibles entre l’espèce humaine, en ouest et du nord au sud. Aujourd’hui, il semble (Installation pérenne) autodésignée comme composant central au sein de que la priorité en matière de construction d’ouvrages la biodiversité, et les autres fgures, animales, végé- publics aux USA soit plus à la création d’infranchis- par Patrice Joly tales et mécaniques, nous devons faire appel à notre sables obstacles conçus pour stopper le fot de ces sensibilité pour faire face à la crise écologique, c’est mêmes migrants venus tout au long des XIXe et XXe Mosquito Coast Factory, Savenay ce qu’elle nomme « le devenir sensible ». Là où tout siècles en assurer la prospérité… devient à terme vecteur de marchandisation, il n’y Le travail de Marianne Vitale s’est nourri de ce a désormais plus de différences palpables entre les riche vocabulaire de formes architecturales et indus- biens matériels, culturels ou naturels : Stengers nous trielles que les États-Unis, dans leur extraordinaire incite à convoquer de nouvelles connexions en déve- inventaire d’édifces, ont offert à l’appétit de cette loppant des récits communs inédits grâce à une jeune sculptrice basée à Brooklyn. On l’avait décou- approche plus attentive à notre contexte actuel. verte au Confort Moderne en 2013 pour sa première Vanessa Billy, dans « Impressions de vies », l’ex- apparition d’envergure : elle avait déployé de monu- position monographique qu’elle met en scène à mentales pièces dans la vastitude de l’entrepôt, pré- Pougues-les-Eaux, formule des équations d’interdé- sentant un travail qui n’hésite pas à se colleter avec le pendance entre les différentes catégories d’espèces. gigantisme mais où se dissimule à peine la nostalgie Elle met ainsi à mal les binarités homme / nature et d’une Amérique disparue à travers la calcifcation de technique / nature. Inventant des formes inédites à ces madriers colossaux et autres vestiges d’armatures base de collages plastiques, élaborant des greffons de pont en acier, de poutrelles brisées, de résidus de génétiques, l’artiste parvient ainsi à dissoudre les voies de chemin de fer. frontières humain / non-humain et laisse apparaître Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. À Mosquito Coast Factory, l’atelier de l’artiste Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. Vanessa Billy, Bones, 2018, Verre, carbonate de calcium. des empreintes inconnues issues de ces mariages Bois d’abachi peint, 80 × 60 × 2 cm Benoît-Marie Moriceau qui se transforme régulière- Bois d’abachi peint, 80 × 60 × 2 cm Photo : Aurélien Mole, CourtesyCourtesy Galleria de l’artiste Gentili, et FlorenceDeweer Gallery, Otegem, Belgique. Courtesy de l’artiste et Deweer Gallery, Otegem, Belgique. impossibles. Dans l’espace principal du centre d’art Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain ment en centre d’art pour accueillir diverses propo- Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain trône une installation faite de câbles d’acier étirés du Havre, 2019. sitions curatoriales, nous sommes accueillis par une du Havre, 2019. qui tissent une toile métallique dans les airs et sur forme familière, celle d’une passerelle en acier sus- laquelle sont déposées des algues vertes réalisées en pendue dans les airs ; l’artiste affectionnant particu- silicone et en latex naturel. Au milieu de ces végétaux lièrement cette forme si reconnaissable des ponts du aquatiques de synthèse, deux imposants moteurs continent nord-américain. La pratique de Vitale n’a de voiture suspendus par une chaîne effectuent de rien à voir avec une quelconque idée de réimplanta- lentes rotations sur eux-mêmes. Le contraste entre tion d’une sculpture publique dans un white cube ou les deux éléments est assez frappant, les algues un autre espace dédié, ce qui pourrait l’apparenter à semblent délaissées, dénuées de toute vie, tandis un travail de ready made hors-norme, au contraire, Marianne Vitale, Bridge (Savenay), 2019. que les machines s’activent lentement dans un mou- elle œuvre à la reconstitution de formes reconnais- © Marianne Vitale, photo André Morin / production Mosquito Coast Factory. vement continu marquant le temps qui passe et l’ac- sables, à partir d’éléments agrégés, importés ; ici, il tion prégnante de la technologie sur nos organismes. s’agit de la dépose d’un élément de charpente métal- Par ce geste de reconfguration, l’artiste attire notre lique, mais pas de n’importe quelle charpente : celle attention vers le vivant. Une autre pièce, Chenille, un de la dernière baraque subsistant sur la commune de moulage serpentueux de plusieurs mètres en latex Savenay, partie de l’énorme hôpital de campagne de noir qui épouse les reliefs d’un pneu de tracteur, a l’armée US construit dans l’urgence de la fn de la pre- l’apparence d’une mue reptilienne et vient accentuer mière guerre mondiale. De fait, le travail de Vitale se l’idée d’un paysage pollué aux allures de vestiges de trouve soudainement éclairé et chargé d’une dimen- fonds sous-marins. Jouant aussi avec l’histoire du Parc sion historique qui la relie au séjour de ces troupes Saint Léger, ancienne station thermale, l’artiste active américaines qui allait profondément transformer la ainsi la mémoire du lieu. Quant à Vertèbres, elle ren- physionomie de cette petite ville de Loire-Atlantique, voie au champ lexical de l’anatomie, ce qui laisse à puisque ces mêmes troupes, installées en 1917 pour d’aiguillage ainsi que de traverses de voies ferrées penser que les sculptures éparses ne forment qu’un venir soutenir les armées françaises ne frent rien de seulement observables à travers les fenêtres qu’un seul corps, renforçant l’impression d’avoir affaire à un moins que d’y construire un barrage afn de pourvoir voile opacife. Le tout dégage une impression plutôt phénomène de mutation qui ferait s’enchevêtrer les en eau ce contingent de plusieurs milliers de blessés sombre et légèrement décalée du fait du choix des différents milieux. et de soignants. On imagine le bouleversement que sections d’aiguillages pour signifer le corps abîmé Dans ce travail, on retrouve souvent un aspect très fut à l’époque la construction d’un tel ouvrage et l’en- des blessés. On retrouve ces mêmes assemblages maîtrisé dans la conception même des œuvres : l’ar- train qu’il suscita. anthropomorphes (Worthies) dans ce qui apparaît tiste suisse parvient à développer, grâce à des formes Si l’intervention de l’artiste a forcément à voir avec pour le coup comme un véritable mémorial, com- simples, une dimension éminemment poétique, une remémoration des événements de l’époque, on mandé à l’artiste par la commune à l’occasion de la mais cette première approche ne fait que présager ne peut pas vraiment dire qu’elle participe d’une sym- célébration du centenaire de la construction de l’hô- un message inquiétant vis-à-vis de notre avenir com- bolique commémorative classique à la gloire de l’in- pital. Ces formes sont disposées comme de véritables mun. L’artiste se mue alors en archéologue du futur. formelles et de métamorphoses, à l’instar de tervention américaine : comme souvent chez elle, il stèles dont on comprend qu’elles sont destinées à La possibilité de fger le moment présent par l’évoca- Mutations, vidéo fonctionnant sur la technique du existe dans ces « compositions » une espèce de bancal rappeler que des combats ont eu lieu à proximité tion de problématiques écologiques est au cœur de fondu enchaîné où la crevette devient embryon puis qui en casse la monumentalité, de même que le sem- et que des hommes et des femmes ont été tué(e)s… sa pratique. Avec Coquilles, ensemble de moulages l’embryon doigt et le doigt crevette, etc., elle pose blant de drapeau américain posé sur le plateau de Pour autant, Marianne Vitale n’a pas complètement en plâtre représentant des dos de tailles et d’âges dif- les questions de la transversalité des espèces et du cette fausse passerelle a l’air plus abandonné que fè- sacrifé au côté solennel qu’une telle inscription férents — ceux des membres de sa propre famille — besoin de créer de nouveaux schèmes de pensée afn rement dressé. À l’étage, elle a recréé sommairement ne manque pas d’engendrer : ces stèles possèdent 1 In Christophe Bonneuil, Dipesh elle fait écho au titre de l’exposition : « Impressions d’envisager une coexistence « égalitaire » face aux Chakrabarty, Déborah Danowski, l’un des baraquements dans lesquels étaient logés certes une dimension anthropomorphe mais égale- de vies ». La trace de ces existences amenées à dispa- ravages qui menacent notre environnement. Vanessa Giovanna Di Chiro, Pierre les soldats de l’armée US, récupérant deux fenêtres à ment un aspect animal, d’une sorte d’insectes dont raître fait penser à un processus de fossilisation. Les Billy raconte des histoires de rencontres inattendues de Jouvancourt, Bruno Latour, guillotine de ces mêmes habitations afn de restaurer elles possèdent la couleur et les « antennes » et qui les « reliques » corporelles sont déposées sur un tapis de entre vivant et non vivant, créant des espaces d’ambi- Isabelle Stengers, Eduardo l’ambiance de l’époque. Sauf que l’intérieur, inacces- fait échapper en partie à une catégorisation par trop Viveiros de Castro, De l’univers sable aux nuances vertes qui rappelle fortement un guïté qui rendent un peu plus imaginable la cohabi- clos au monde infini, ed. Émilie sible, de cet habitat reconstitué est peuplé de drôles évidente pour participer du vocabulaire légèrement sol en voie de décomposition. À l’aide d’hybridations tation avec la pluralité qui nous entoure. Hache, Dehors, 2014, p. 147. d’objets anthropomorphes à base de morceaux décalé et totalement singulier de l’artiste. 8686reviews 8787reviews

Stephan Balkenhol sculpte à même le bois des Elle ouvre les yeux et nous fxe, ses paupières trem- fgures humaines, de l’ordre du monumental ou du Stephan Balkenhol blotent légèrement. Elle ne sourit pas : et pourquoi At the Gates petit format. Il a choisi le bois d’abachi pour sa tex- le ferait-elle, d’ailleurs ? Et si ses lèvres ne bougent ture, sa couleur, semblable à celle de la peau. Le corps par Pauline Lisowski pas, on l’entend parler. C’est une lettre, une adresse par Camille Paulhan constitue le fl rouge de sa pratique et se retrouve polie à l’évêque de Paris, qu’elle a écrite. Une autre autant par une présence de la fguration que par ses Le Portique, Le Havre, 29.06 – 29.09.2019 entame un monologue sur le plaisir féminin. Si on La Criée, Rennes, 15.06 – 25.08.2019 gestes de sculpteur. Ses œuvres sont nourries de l’en- la voyait dans un reportage télévisé, il est évident seignement d’Ulrich Rückriem et furent à contre-cou- que ce sont son âge ou ses cheveux blancs qui atti- rant de l’art minimal au moment il s’est mis à sculpter. reraient l’attention, alors que seul son propos est ici Par la fguration, il traite de l’importance de la relation mis en valeur. Une troisième porte son visage comme entre la sculpture et l’espace. Ses fgurent humaines, un masque impassible, fxe apparemment un mur par leur répétition, nous amènent à nous y confronter de façon dépassionnée : une main masculine située comme dans un miroir. hors-champ vient lui caresser les cheveux, la chique- Invité à exposer au Portique, Stephan Balkenhol nauder. Il est évident que cet homme l’ennuie, la har- s’est imprégné de l’architecture du Havre et de celle cèle, s’adresse à elle avec ironie et sans ménagement, de l’espace d’exposition pour penser sa scénographie. mais elle ne bronche pas. D’autres femmes, rassem- Il réunit un ensemble d’œuvres qui présentent cha- blées pour broder, parlent sans fard de leurs mères, cune une relation particulière à l’architecture, incitant de leurs sœurs ou de leur vie quotidienne, de la vio- le visiteur à vivre des situations à la fois familières et lence ou des espoirs qu’elles nourrissent pour l’avenir. étranges. Elles s’appellent Chloé Delaume, Thérèse Clerc, Maja Le spectateur est d’abord invité à plonger son Bajevic, Bonifacia Cocom, Silvia Menchú ou Claudia regard dans deux bas-reliefs constitués d’images de Nimacachi. Elles sont écrivaines, artistes, militantes, paysage. En creusant à même le matériau, l’artiste citoyennes, elles ont des existences proches des met en lumière certains éléments de ces milieux nôtres ou pas, leurs expériences résonnent avec celles naturels dont l’immensité provoque la sensation de que nous vivons ou nous semblent plus distantes. pouvoir se perdre. L’un sert de décor à une fgurine De l’extérieur, les descriptions de femmes que qui émerge d’un socle, Homme en chemise blanche je viens de dresser pourraient donner l’impression et pantalon noir, motif récurrent chez Balkenhol. d’une forme d’inertie : tout de même, la lutte devrait Par son positionnement, la sculpture de petite taille d’abord s’envisager dans l’action, on n’est pas là pour acquiert un caractère monumental. Relief au sol papoter chiffons en cousant son trousseau. C’est fni homme-femme — deux personnages, nus, une ana- les Pénélope, un peu de bouillonnement que diable. Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. morphose — se révèle au gré du déplacement du visi- Et c’est bien ici tout l’intérêt de l’exposition présen- Artists’ Campaign to Repeal the eighth Amendment (Aine Phillips), R-E-P-E-A-L, 2017. Bois d’abachi peint, 80 × 60 × 2 cm teur. Cette œuvre laisse l’espace la faire exister. tée à La Criée, co-organisée par Tessa Giblin et Sophie Vue de l'exposition « At the Gates », La Criée centre d'art contemporain, Rennes, 2019. Courtesy de l’artiste et Deweer Gallery, Otegem, Belgique. Courtesy de l’artiste. Photo : Benoît Mauras Au fl du temps, l’artiste allemand a fait naître une Kaplan. Elle montre que le grand apport du fémi- Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain famille de personnages, des anonymes qui marquent nisme que l’on appelle aujourd’hui de quatrième du Havre, 2019. les lieux. Ses sculptures convoquent un va-et-vient du vague réside bien dans l’appropriation ferme du « je » : singulier au multiple, de l’unique au singulier, de la on ne laissera plus les autres parler en notre nom, on sculpture sur socle à l’œuvre qui prend forme selon n’hésitera pas à se laisser aller au récit à la première les lieux. Ses personnages sculptés associent des personne, le langage est déjà un acte puissant d’au- références à l’histoire et une contemporanéité dans to-détermination. Précisons cette pensée : loin de l’utilisation du bois. Est-ce un personnage réel, fc- moi l’idée de passer sous silence les œuvres d’artistes tif, un autoportrait, un double de l’artiste ? Stephan Stephan Balkenhol, Relief, tête femme (beige), détail, 2010. militantes des années 1960-1970 qui prenaient pour Balkenhol sème le trouble en nous confrontant à ce Bois d’abachi peint, 80 × 60 × 2 cm point de départ l’expérience personnelle de leurs personnage standardisé. Courtesy de l’artiste et Deweer Gallery, Otegem, Belgique. autrices, les Mary Kelly, Hannah Wilke et autres Lea Vue de l’exposition. © Le Portique centre régional d’art contemporain Un couple sculpté en relief, au mur, crée la sur- du Havre, 2019. Lublin. Mais disons-le d’emblée : ces quelques der- prise : les deux corps, de loin, sont comme des pré- nières années, ce n’est pas tant la parole qui s’est libé- sences, apparitions qui habitent le lieu. Un autre rée que l’écoute. Et, dans le domaine de l’art, ce n’est parait être leur double sculpté dans l’espace d’une pas tant les formes d’expression qui ont changé que surface du bois. L’artiste allemand combine l’art d’in- leur perception. ciser, de tailler dans la matière, à un travail d’aplat de Oui, c’est un plaisir de pouvoir voir les bannières de vidéos pédagogiques, d’expérimentations en tout la couleur. violemment colorées de l’Artists’ Campaign to Repeal genre éminemment éloignées de l’art dont on cher- En contrepoint de ses personnages, le thème de the Eight Amendment côtoyer la vidéo How Do You chait en vain comment pouvoir les intégrer à une la nature, dans la série des Fleurs, l’amène à expéri- Want to Be Governed? (2009) de Maja Bajevic, ou le programmation artistique. On aura invoqué l’anthro- menter autrement son matériau fétiche. Ses plantes Les œuvres de Stephan Balkenhol condensent flm Sorcières mes sœurs (2010) de Camille Ducellier pocène, le champignon de la fn du monde, l’astro- font face à des portraits, gravures sur bois. Ses fgures, différents temps, l’atemporalité de son personnage, la broderie collective de femmes mayas de l’Associa- physique, et trouvé des formes vaguement arty pour plongées dans leur intériorité, refètent chacune une la vie de son matériau naturel, l’histoire réelle, des tion guatémaltèque ADEMKAN réalisée avec Teresa les exposer. Mais là, rien de tout cela : les formes, jus- personnalité. références à des époques artistiques, et ouvrent vers Margolles. Dans l’exposition, ce sont les œuvres dans tement, n’ont rien d’arty, elles ne sont pas artifciel- Le corps et la citation se retrouvent dans un duo d’autres récits. lesquelles les protagonistes prennent elles-mêmes lement provoquées, elles existent déjà. Et elles sont de sculptures qui font référence au Kouros, une sta- L’exposition du Portique convie le visiteur à la parole qui paraissent les plus percutantes, moins sous nos yeux. tue de jeune homme datant de la période archaïque prendre différentes positions et à se laisser regarder celles qui « s’intéressent à ». Et, contrairement à ce Une dernière remarque encore à propos d’ « At de la sculpture grecque. Les fgures humaines par les anonymes qui lui livrent leur secret. Elle s’ins- qu’on pourrait penser, ce n’est pas parce que les the Gates », qu’il s’agisse des bannières déjà ample- semblent ici prendre vie au fur et à mesure des gestes crit dans le cadre de la manifestation estivale « Un formes semblent éloignées d’une certaine austérité ment évoquées, de Sorcières mes sœurs ou encore de taille. « Le bois détermine le temps pour achever été au Havre ». Sur les façades des immeubles Perret minimaliste qu’elles ne sont pas rigoureuses. Il ne fau- de l’affche du flm militant sur l’avortement Histoire la sculpture. Il défnit la juste résistance » précise l’ar- de la rue de Paris, l’artiste a installé des céramiques drait pas, sous prétexte d’une invocation du prétendu d’A (1973) dessinée par Monique Frydman : c’est pré- tiste. Par son travail sur l’échelle et sur le rapport au qui répondent au rythme de l’architecture. Il pour- « bon goût », admirer hypocritement l’art populaire cisément à cet endroit que l’exposition se révèle socle, Stephan Balkenhol suscite une réfexion sur la suit là ses expériences d’installations dans l’espace des siècles passés et rejeter les fameuses bannières, réjouissante, alors même qu’elle évoque des sujets manière dont l’individu peut acquérir une aura, une public qui ont fait sa renommée depuis sa partici- utilisées lors des manifestations populaires exigeant souvent douloureux – féminicides, avortement, invi- reconnaissance en tant que personne. Ses œuvres pation au Skulptur Projekte de Münster en 1987. Au l’abrogation du huitième amendement de la consti- sibilisation des femmes… Elle vient affrmer que l’art expriment une ambiguïté entre leur apparence fami- Havre, même si ses fgures nous troublent par l’ef- tution irlandaise interdisant l’avortement. Celles-ci, n’est pas qu’un simulacre dépassionné qui viendrait lière et une certaine étrangeté. fet de trompe l’œil, elles revendiquent leur statut avec leurs iconographies détournées de Vierges de profter à des amateurs avides de se faire un avis. Son bestiaire, présenté ici, est pour lui l’occasion de bas-relief, d’image de corps. Elles resteront en miséricorde, de Marguerite / Georges face au dragon, En réalité, elle atteste que l’art change non pas « le de montrer qu’animaux et hommes font partie du nos mémoires telles des présences fantomatiques à de cartes du tarot, leurs couleurs criardes qui ignorent monde » mais bien les esprits par le biais des repré- même monde. Un portrait sculpté semble le gardien travers lesquelles nous nous sommes refétés. Chez délibérément les prescriptions de Johannes Itten, sentations qu’il convoque. De telles propositions de ce zoo d’étranges bêtes de bois. Ce personnage, Balkenhol, l’anonyme frôle le singulier, l’aplat et le paraissent quelque peu incongrues dans un espace paraissent des plus fertiles : ce n’est pas en sortant du cet homme en chemise blanche et pantalon noir, volume se rencontrent, dans un renouvellement d’art contemporain qui respire plus l’asepsie que l’en- champ de l’art que les institutions se renouvelleront, nous suit tout au long du parcours. Face à lui, nous constant d’un geste de sculpteur qui ne cesse d’ap- vol révolutionnaire. ni en opérant une artifcation spécieuse du tout-ve- pouvons nous interroger sur notre place d’individu prendre du corps humain pour donner un souffe à Et pourtant : ces derniers temps, on aura vu dans nant, mais en acceptant une certaine souplesse dans dans le monde. ses personnages. les institutions toutes sortes de pseudo-installations, la défnition de l’art. 19.09 L’air sera obscurci de battements d’ailes 01.10 Exposition des diplômé·e·s Design de l’EESAB Espace d’exposition Les Abords, rez-de-chaussée de la Faculté Victor-Segalen, 20 rue Duquesne, Brest

Meghan Maucherat de Longpré Elisabeth Gomes-Barradas Béatrice Guilleman Juliette Courapied Gaëlle Haubtmann Valentin Guichaux Yi Ping Far Huang Mathilde Cormier Perrine Gueguen Charline Rolland Prune Courteille EN DENSE Arts Festival Leuven Louis Guillaume Johanna Cartier Jonathan Douis www.playgroundfestival.be Lorène Rouleau 19.09.2019 Héloïse Aloncle Morgane Pasco Réda Boussella 03.10.2019 Yoann Philouze Maëlan Raffray Caroline Colas William Jones L’exposition 14 — 17 Adeline Têtue Simon Leroux Juliana Marin Julia Berrubé des Erwan Lenoir Marion Penin NOVEMBER Yuqing Wang diplômé·e·s Art de Tarquin Pons Loulia Didier Arthur Hervé Marie Fabre l’EESAB* Huynji Yoon *École européenne supérieure d’art de Bretagne 2019 Ylva Fowler Paul Noblet Julie Henry Elise Brion 8 espl. F.Mitterrand Jauli Coco ORLA BARRY — NEL AERTS — HANA MILETIC — BÉATRICE BALCOU Alex Mira Liu Zhen 29000 Quimper JEREMIAH DAY — SAMAH HIJAWI — SARAH & CHARLES Commissariat de Réda Boussella NAUFUS RAMÍREZ-FIGUEROA — NICK STEUR & MATEA BAKULA & Boris Régnier JULIAN WEBER — BOSSE PROVOOST & EZRA VELDHUIS PIERRE BAL-BLANC & MANUEL PELMUS — SUCHAN KINOSHITA

Sans titre-6 1 02/09/2019 15:52 Peter Friedl Teatro

CARRÉ D’ART, NÎMES www.carreartmusee.com

25 octobre 2019 - 1 mars 2020 , 2016, détail. Courtesy de l’artiste ; Galerie Erna Hécey, Luxembourg ; Guido Costa Projects, Turin ; Nicolas Krupp Galerie, Friedl Bâle. © Peter Turin ; Guido Costa Projects, Luxembourg , 2016, détail. Courtesy de l’artiste ; Galerie Erna Hécey, Report Peter Friedl, Friedl, Peter

02 Friedl_Print_21x29,7 cm.indd 1 27/08/2019 16:15