De L'évolution Conjointe Des Comic Books De Super-Héros Et De La Société Américaine
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UNIVERSITÉ DE LYON Institut d'Etudes Politiques de Lyon De l’évolution conjointe des comic books de super-héros et de la société américaine Mémoire de séminaire CAPY Savinien 2015 – 2016 Récits, médias et fictions Sous la direction de RAMPON Jean-Michel Composition du jury : Rampon Jean-Michel, Maître de Conférence à l’Institut d’Études Politiques de Lyon Robert Pascal, Professeur des Universités à l’École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques Soutenu le 03 septembre 2016 De l’évolution conjointe des comic books de super-héros et de la société américaine 2 / 127 Déclaration anti-plagiat 1. Je déclare que ce travail ne peut être suspecté de plagiat. Il constitue l’aboutissement d’un travail personnel. 2. A ce titre, les citations sont identifiables (utilisation des guillemets lorsque la pensée d’un auteur autre que moi est reprise de manière littérale). 3. L’ensemble des sources (écrits, images) qui ont alimenté ma réflexion sont clairement référencées selon les règles bibliographiques préconisées. NOM : CAPY PRENOM : Savinien DATE : 22 août 2016 4 / 178 Remerciements Je tiens à remercier Mariska sans qui ce travail n’aurait jamais abouti, ou tout du moins sous une forme bien moins lisible et pertinente ; M. Rampon qui m’a donné la possibilité de me plonger dans l’évolution d’une forme de culture populaire qui m’est chère, et M. Robert pour avoir accepté de participer à mon jury de soutenance ; M. Jaccaud, de la Maison d’Ailleurs, de m’avoir très aimablement accordé un en- tretien, que je n’ai malheureusement pas pu retranscrire ici. Il m’a néanmoins été d’une aide inestimable pour stimuler ma réflexion ; Jacques et Nicole pour leur patience et leur indulgence à mon égard durant les der- niers jours d’écriture de ce travail Mes amis pour m’avoir servi de sujets d’expériences quant à la perception des su- per-héros ; Mes parents pour ne m’avoir jamais découragé de lire ce qu’ils devaient certaine- ment considérer comme des inepties ; Et Jack Kirby, Stan Lee, Grant Morrison et tous ces auteurs qui continuent de me faire rêver. 5 / 178 Introduction : « Au commencement était le mot » Les mythes évoluent, c'est bien là l'une de leurs caractéristiques et ce, que l'on parle du récit de la chute de Troie ou de celui de la cour du roi Arthur. Ainsi, si les premières légendes arthuriennes montraient un roi valeureux, d'autres plus tardives remettent en question l'idéal incarné qu'il était devenu. De même, si Héraclès était le héros le plus populaire, il fut ensuite supplanté par Ulysse aux Mille Ruses et le Péléide Achille. Ces évolutions reflètent celles des goûts de l'auditoire ; car il faut bien se souvenir qu'avant d'être couchées – tardivement – par écrit, ces histoires viennent de traditions orales, narrées par des conteurs itinérants – skalds, aèdes, bardes, troubadours, peu importe les termes – à des publics toujours changeant. Sans suivre la même logique que Joseph Campbell et son monomythe1, il reste néanmoins évident que les comic books de super-héros suivent une logique similaire. Là où les super-héros n'étaient initialement que des « hommes-mystères », justiciers masqués réparant des injustices et combattant le crime, ils sont depuis devenus des icônes patriotiques, des géants cosmiques et des figures moralement ambiguës, selon les époques et les sensibilités du moment. Et si Superman et Captain America ont un temps été parmi les personnages les plus vendeurs, il faut bien se rendre compte que depuis, Batman et les X- Men portent leur maison d'édition respective à bout de bras par leur simple nom2. Et ce ne sont là que quelques-uns des changements qui ont eu lieu sur les plus de soixante-quinze ans d'existence du genre. Ainsi, tout récemment, dans les pages de comic books publiés par l'un des deux géants de cette industrie, DC Comics, deux versions du même personnage, l'emblématique Superman, ont temporairement coexisté3, donnant aux scénaristes comme aux lecteurs la possibilité de les comparer, car chacun renvoie à une époque différente. Chez le rival de DC 1Joseph Campbell postule que toutes les narrations mythiques ne sont que des variations d'une même histoire. Cette théorie semble certes valide pour la quasi-totalité des traditions européennes, voire asiatiques, mais ne peut être appliquée aux traditions amérindiennes, sud-américaines ou encore aborigènes. Cependant, nombre d'auteurs ont consciemment utilisé le monomythe dans leurs scénarios, reproduisant volontairement des schémas archétypaux. 2Dans les années 1990, les titres liés aux X-Men, à Spider-Man et à Daredevil étaient les seuls à se vendre suffisamment pour empêcher une faillite instantanée de Marvel Comics, alors en banqueroute. 3 Peter TOMASI, Mikel JANÍN et Miguel SEPULVEDA, The Final Days of Superman, Part 8: Do or Die, DC Comics, coll. « Superman vol 3 », n° 52, 2016. 6 / 178 Comics, Marvel Comics, sévissent en ce moment-même deux Captain America4, dont l'un est d'origine afro-américaine5, cependant que le monde se demande où est le fils d'Odin, alors même que la nouvelle Thor brandit son marteau enchanté6. Ces exemples peuvent sembler n'être que des gimmicks7 créés pour attirer de nouveaux lecteurs, ou bien être présentés comme la nouvelle étape dans un plan de revitalisation des personnages, mais dans tous les cas, ils sont représentatifs des évolutions que les archétypes narratifs connaissent dans les pages des comic books de super-héros. Avant de rentrer plus avant dans cette question, il convient de poser plusieurs bases afin de rendre la réflexion qui suit compréhensible. Par comic book, on entend généralement les illustrés publiés aux États-Unis, dans une variété de formats et mettant en avant des contenus divers. Le terme est un renvoi aux « comic strips », ou « funnies », illustrations le plus souvent humoristiques publiées dans les dernières pages de certains journaux. Tout comme en France, ces illustrations apparues au XIXe siècle prirent de plus en plus d'importance, passent d'une image à plusieurs (une bande, ou « strip » en anglais), puis à une page. Le comic book est donc un livre de ces « comics », ce qu'on appelle en France un « illustré ». En bref, il s'agit d'un format de publication, et non pas un genre. En effet, les premiers comic books mettaient en scène aussi bien des aventuriers intrépides que des détectives, quand il ne s'agissait pas de transcriptions de récits que l'on trouvait dans les « pulps », magazines peu coûteux à produire, populaires jusqu'au milieu du XXe siècle, et contenant tous types de fiction (par exemple les œuvres de Howard Philip Lovecraft ou Isaac Asimov). Le format aura connu plusieurs évolutions depuis son apparition dans les années 1930. Ainsi, la qualité du papier ne cessera d'être améliorée, le nombre de pages de varier, et l'on vit l'apparition des « graphic novels », que l'on ne peut véritablement assimiler au « roman graphique » puisque le terme recouvre aussi bien des histoires conçues directement pour ce format plus imposant que des rééditions de numéros individuels de comic books d'une même série. 4 Nick SPENCER, Daniel ACUÑA et Angel UNZUETA, Avengers Standoff: Assault On Pleasant Hill Omega, Marvel Comics, 2016. 5 Rick REMENDER, Carlos PACHECO et Stuart IMMONEN, The Tomorrow Soldier: Conclusion, Mar- vel Comics, coll. « Captain America vol 7 », n° 25, 2014. 6 Jason AARON et Russell DAUTERMAN, The Woman Beneath The Mask, Marvel Comics, coll. « Thor vol 4 », n° 8, 2015. 7Que l'on définira dans le reste de ce travail comme une astuce publicitaire. 7 / 178 Le comic book est donc le contenant, et c'est à son contenu que l'on s'intéressera. Il importe cependant de définir plusieurs termes qui reviendront au cours de ce travail : -comic book : format de publication à base épisodique centré sur des numéros de taille variable -numéro : comic book individuel, faisant le plus souvent partie d'une série (le terme anglais étant « issue ») -graphic novel : volume relié pouvant aussi bien être un équivalent à la bande-dessinée franco-belge qu'un regroupement de numéros d'une même série, ici arbitrairement utilisé pour les équivalents à la bande-dessinée franco-belge en termes de format -hardcover/trade paperback : ces deux termes renvoient aux volumes reliés en général et plus communément aux rééditions de numéros d'une même série, ce qui est la signification qui leur sera donnée dans ce travail -volume : dans le cas où la numérotation d'une série est remise à zéro, les volumes servent à distinguer les différentes numérotations (par exemple, le premier numéro de Green Lantern est sorti en 1941, et en 1960 sort un nouveau numéro 1, marquant le début du deuxième volume de la série) -titre/série : terme recouvrant un ensemble de comic books portant strictement le même intitulé et dont la numérotation reflète l'ordre de publication (des exceptions existent), se déroulant au sein d'une continuité narrative commune D'une manière générale, les noms et numérotation d'origine aux États-Unis seront utilisés au cours de ce travail, les traductions ayant été inconsistantes et parfois contradictoires, tout comme les publications en langue française. Il est notable que le terme « graphic novel » est apparu dans une tentative de parler de manière sérieuse de ces publications vues jusqu'ici comme infantiles, et ce à la prise de conscience que les thèmes traités étaient loin de l'être (notamment à la publication de Maus d'Art Spiegelman). Ce mépris pour le médium est cause que les ouvrages sur le sujet sont encore peu nombreux, surtout quand on recherche des publications académiques. En conséquence, les travaux disponibles sont pour beaucoup écrits par des personnes issues de ce milieu (qu'il s'agisse de scénaristes, de dessinateurs ou d'éditeurs) ou ayant grandi immergées dans ce milieu.