Journal Officiel Du 29 Juin 2017
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Année 2017 ISSN 0242-6765 Mardi 4 juillet 2017 JOURNAL DOFFICIELE LA RÉPUBLIQUE FRANCAISE DÉBATS PARLEMENTAIRES CONGRÈS DU PARLEMENT Lundi 3 juillet 2017 Compte rendu intégral 2 CONGRÈS DU PARLEMENT – SÉANCE DU 3 JUILLET 2017 SOMMAIRE PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS DE RUGY Mme Virginie Duby-Muller M. Didier Guillaume 1. Constitution du Parlement en Congrès (p. 3) M. Marc Fesneau 2. Hommage à Simone Veil (p. 3) M. Vincent Capo-Canellas 3. Déclaration de M. le Président de la République (p. 3) M. Franck Riester M. Emmanuel Macron, Président de la République M. François Patriat Suspension et reprise de la séance (p. 13) M. Olivier Faure 4. Débat sur la déclaration du Président de la République (p. 13) M. Gilbert Barbier M. Richard Ferrand M. Philippe Adnot M. Bruno Retailleau 5. Clôture de la session du Congrès (p. 25) CONGRÈS DU PARLEMENT – SÉANCE DU 3 JUILLET 2017 3 COMPTE RENDU INTÉGRAL PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS DE RUGY 3 M. le président. La séance est ouverte. DÉCLARATION DE M. LE PRÉSIDENT DE (La séance est ouverte à quinze heures.) LA RÉPUBLIQUE M. le président. Monsieur le Président de la République, vous avez la parole. M. Emmanuel Macron, Président de la République. 1 Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, CONSTITUTION DU PARLEMENT EN CONGRÈS en son article 18, la Constitution permet au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à M. le président. Le Parlement est réuni en Congrès, confor- cet effet en Congrès. mément au décret du Président de la République publié au Journal officiel du 29 juin 2017. Il est des heures qui, de cette possibilité, font une nécessité. Les heures que nous vivons sont de celles-là. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 18, Le 7 mai dernier, les Français m’ont confié un mandat alinéa 2, de la Constitution, la déclaration du Président de clair. Le 18 juin, ils en ont amplifié la force en élisant à la République. Cette déclaration sera suivie d’un débat. l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je J’invite les membres du Congrès à accueillir M. le Prési- veux aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple dent de la République. (M. le Président de la République entre nous a donné, des institutions que je veux changer et des dans la salle du Congrès. – Mmes et MM. les membres du principes d’action que j’entends suivre. Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent.) Ce sont mille chemins différents qui nous ont conduits ici aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de servir. Monsieur le Président de la République, au nom du Et même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même Congrès du Parlement, je vous souhaite la bienvenue. forme, même s’il n’emporte pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi la source : ce simple amour de la patrie. Certains font de la politique depuis longtemps. Pour 2 d’autres, au nombre desquels je me range, ce n’est pas le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez selon vos convic- tions le gouvernement que j’ai nommé, mais à la fin, nous HOMMAGE À SIMONE VEIL savons tous que quelque chose de très profond nous réunit, nous anime et nous engage : oui, le simple amour de la patrie, M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de Haute- le Président de la République, je voudrais évoquer un Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensem- exemple, un symbole, une référence. bles où une partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à travailler, dans les Simone Veil occupe désormais une place particulière dans déserts industriels, mais aussi dans la gaîté surprenante des notre mémoire nationale. Survivante de la Shoah, elle a su commencements. puiser, dans les drames qui ont défiguré notre continent et De cet amour, nous tirons tous, je crois, la même avili l’humanité, une force qui a fait d’elle une actrice déter- impatience, qui est une impatience d’agir. Elle prend minante de l’engagement européen de la France. parfois les traits de l’optimisme volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère. Toujours elle découle de cette Elle a joué, au terme d’un combat législatif concret, diffi- même origine. cile et victorieux, un rôle considérable pour l’émancipation des femmes. Elle a toujours agi pour la protection des plus Nous avons, vous et moi, reçu le mandat du peuple. Qu’il fragiles. La vie de Simone Veil témoigne plus que toute autre nous ait été donné par la nation entière ou par les électeurs du prix de la liberté, de la difficulté du combat pour l’égalité, d’une circonscription ne change rien à sa force. Qu’il ait été de l’impérieuse nécessité de la fraternité. Observons en sa porté par le suffrage direct ou par le suffrage indirect ne mémoire une minute de silence. (M. le Président de la change rien à sa nature. Qu’il ait été obtenu voici un République, Mmes et MM. les membres du Congrès et les certain temps déjà ou bien récemment, à l’issue d’une membres du Gouvernement observent une minute de silence.) campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans 4 CONGRÈS DU PARLEMENT – SÉANCE DU 3 JUILLET 2017 leur diversité, et que vous incarniez ces opinions différentes Derrière tous ces faux procès, on trouve le même vice, le ici, aujourd’hui, ne change rien à l’obligation collective qui vice qui empoisonne depuis trop longtemps le débat public : pèse sur nous. le déni de réalité, le refus de voir le réel en face dans sa complexité et ses contraintes, l’aveuglement face à un état Cette obligation est celle d’une transformation résolue et d’urgence qui est autant économique et social que sécuritaire. profonde, tranchant avec les années immobiles ou les années agitées, toutes au résultat également décevant. C’est par cette Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple français voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué : la était plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si confiance en nous, la force nécessaire pour réaliser nos bien que je pense profondément que le mandat que nous idéaux. Ce qui nous est demandé par le peuple, c’est de avons reçu du peuple est un mandat à la fois exigeant et renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait, pour enfin le profondément réaliste, et que pour l’accomplir nous devons réconcilier avec lui-même. nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et qui, si elles garantissent de beaux succès de En vous élisant, dans votre nouveauté radicale, à l’Assem- tribune, n’apportent rien. blée nationale, le peuple français a montré son impatience à l’égard d’un monde politique trop souvent fait de querelles Notre premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens ou d’ambitions creuses, où nous avions vécu jusqu’alors. et la force d’un projet ambitieux de transformation de notre C’est aussi à une manière de voir la politique qu’il a pays et de rester arrimés au réel, de ne rien céder au principe donné congé. de plaisir, aux mots faciles, aux illusions, pour regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes. En accordant leur confiance à des femmes et des hommes Ce mandat du peuple français, donc, quel est-il ? ici réunis, les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance profonde, et je suis sûr que vous en C’est d’abord le mandat de la souveraineté de la nation. êtes, ici, tous aussi conscients que moi. Et je sais bien aussi C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les contraintes que les sénateurs en ont une pleine conscience, bien que leur et les dérèglements du monde. élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu, eux si attentifs par nature aux mouvements du temps, les espoirs Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation sont nouveaux que l’expression du suffrage universel direct a fait extrêmement puissantes. naître. Aliénation à la nouvelle division du travail, qui s’esquisse Être fidèle à ce que le peuple français a voulu suppose donc dans un univers en transformation profonde, où le une certaine forme d’ascèse, une exigence renforcée, une numérique recompose des secteurs entiers de l’économie, dignité particulière, et sans doute plus encore aujourd’hui bouscule des équilibres et des emplois. qu’hier. Aliénation à la misère, à la pauvreté, si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui lui corresponde et qu’il Les mauvaises habitudes reviennent vite, marquées par une soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui soient époque de cynisme, de découragement et – j’ose le dire – de les siennes dans la société. platitude. Nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il Aliénation à la contrainte financière, si nous ne rétablissons nous appartiendra de les démentir ; et il nous appartiendra pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette aussi de convaincre tous ceux qui attendent, qui nous font publique. confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas voté, tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité, Aliénation à la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme notre inefficacité bien souvent, ont conduits vers des choix au sein de nos alliances, si nous ne remettons pas nos affaires extrêmes, d’un bord ou de l’autre de l’échiquier politique, et en ordre.