CHATEAUX DU | j É par

Henri POLGE Couverture Château: de C H A TEA U X DU GERS

A l’époque franque les châteaux de Gascogne gersoise sont très généralement construits en bois sur des mottes naturelles ou artificielles. Il n’en reste prati­ quement que le souvenir, souvent un simple nom de lieu, Castéra. Les plus anciens châteaux encore debout sont ceux que l ’on convient d’appeler, depuis les travaux de Philippe Lauzun, châteaux gasconsbien qu’ils ne soient à proprement parler ni plus ni moins gascons que les autres. De tels châteaux, généralement élevés au XIII* s., sont aisément reconnaissables : dépourvus de donjon, ils se réduisent à un corps de logis rectangulaire comportant deux tours de flanquement à l’ordi­ naire implantées à deux des angles opposés du quadrilatère. Il n’y a aucun ouvrage avancé et presque jamais de fossé. Le site est quelconque, hauteur, coteau ou bas plateau, et les dimensions médiocres bien que certains puissent atteindre jusqu’à 10 m. de hauteur. Vers la fin du Moyen âge, sans qu’on puisse préciser mieux la date de ces édifices peut-être plus archaïsants qu’archaïques, se développe ce que l ’on pourrait appeler le groupe des tours carrées à rez-de-chaussée aveugle, châteaux réduits au strict minimum, dont le rez-de-chaussée, voûté en berceau brisé, est dépourvu d’ouverture originelle (on accédait jadis aux étages par une trappe aménagée dans la voûte). Nombreux sont les spécimens encore debout : ; Estrepouy à ; tour d’Arcamont à ; tour transformée en clocher à ; tour (aujourd’hui pigeonnier) à Boucagnères ; tour annexe de la mairie à , etc. Une telle architecture n’avait peut-être rien de féodal et il est possible que ces constructions n’aient guère été autre chose que des refuges destinés aux habitants des communautés rurales qu’elles dominent encore de leur relative hauteur. Au XVI" s. il faut attribuer les salles rectangulaires à tour-belvédère. Type : La Trouquette à ; Beauregard à Saint-Clar; Pimbat du Cruzalet à Vic-Fézensac ; Vivent à Castéra-Verduzan ; Marin àAuch ;MontagnacàSaint-Germier ; Monlaur, peut-être, à (ce dernier très remanié), etc. La tou r de ces élégantes bâtisses renferme un escalier à vis qui donne accès à l’unique étage du gros-œuvre. A partir du premier étage un escalier à vis, plus petit, est construit en surplomb dans une tourelle qui donne accès au deuxième étage de la tour, lequel domine le reste de l ’œuvre et forme une sorte de belvédère d’où l ’on jouit le plus souvent d ’un très agréable panorama. Au XVII" et au X VIII' s. le château perd toute fonction et toute allure m ili­ taires : c’est que le seigneur est devenu un propriétaire foncier plus qu’un guerrier.

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Les communs sont nettement séparés de la vaste demeure fréquemment flanquée de tours rondes et presque toujours couverte de tuiles canal (toiture du gros œuvre) et de tuiles plates à ergots (tours d’angle). Au XIX* s. se multiplient les demeures de plaisance d’un type to u t à fait nouveau. La tradition veut que leurs constructeurs les aient conçues dans l ’intention d’im iter le style Louis XIII : ce sont les châteaux à toiture d’ardoises généralement très symétriques d’allure, dont les communs sont fréquemment installés en sous-sol. Presque toujours construits en pierre blanche, ils présentent de larges façades tricolores, grâce au gris-bleu de leurs toits et au rouge des cheminées et des bandeaux de briques. Les exemples foisonnent : Larroque à Gim ont; Saint-Gervasy à ; Ponsan à Ponsan-Soubiran ; à Monbrun ; Saint-Christaud à ; Monclar à Monclar-d’ ; Montfort à ; et Laplagne près de ; au canton de Plaisance; Préneron ; Pitron (daté de 1864) à ; les Charmettes à Saint-Mont ; le Clavari à Ordan-Larroque ; Rochette à Pessan ; Roquetaillade à Montégut-d’ ; Miramont à Miramont-Latour, Rouquettes à Valence-sur-Baïse ; Latestère à ; Saint-Arailles à , etc, etc. Les murs de refend de ces derniers châteaux ne servent pas seulement à séparer les pièces, qui sont hautes et vastes, mais à contenir et porter les cheminées, seul mode de chauffage. Hormis la pierre, les matériaux viennent généralement d ’assez loin, briques industrielles (et non plus artisanales) du format dit de Paris, ardoises pyrénéennes et même angevines, zinguerie des toitures, etc. Les toitures man­ sardées m ultiplient à l’envi les croupes, les terrassons, les brisis, les arêtiers, les noues, les poinçons et les épis, insolites dans une région où les abat-eau, quoique peu fréquents, peuvent être redoutables. La symétrie est de rigueur dans la cou­ verture comme dans le plan ou l ’élévation, au point qu’on n’hésite pas à aménager de fausses portes ou de fausses fenêtres, baies aveugles masquées par des volets. En bref la caractéristique essentielle de ce dernier groupe est une rupture à peu près totale avec la tradition et les styles régionaux. Après 1900 environ on ne construira plus de châteaux, mais seulement, le cas échéant, de grandes maisons de maître : encore ces dernières sont-elles alors plutôt rares.

LE BARTHAS, A SAINT-GEORGES. - En 1565, François Saluste, le père du poète Saluste du Barthas, achetait là une simple ferme qui avait appartenu à Bernard d ’Ornézan, évêque de . En devenant propriétaires de ce bien d ’église, François Saluste et ses descendants devenaient du même coup seigneurs du Barthas, nom sous lequel ils sont restés connus dans l'histoire et surtout la littérature. Le 11 septembre 1567, François Saluste passait contrat chez Jean Sabathier, notaire à , en vue de la construction de l’actuel édifice. La construction fut rapide pour l ’époque, car tout était achevé en 1569, c’est-à-dire dans un délai d’environ quinze mois. Le château du Bartas (ou du Barthas) domine la petite vallée du Sarrampion, modeste ruisseau du pays, illustré dans les vers de la Semaine, l’œuvre la plus connue de Guillaume Saluste du Bartas, écrite au Bartas : Puisse-je, ô Tout-Puissant, incogneu des Grands Rois, Mes solitaires ans achever par les bois; Mon soit ma mer, mon bosquet mon Ardene, La Gimone mon Nil, le Sarrampion ma Seine... C’est un château à tour-belvédère particulièrement typique. La façade d’accès

6 comporte en effet deux tours, l’une, à gauche, ronde, l’autre, contenant l’escalier à vis, polygonale, toutes deux couvertes en poivrières de tuiles plates à ergot. Le gros-œuvre, assez simple, porte une couverture de tuiles canal, à la mode du pays, enjolivée d ’une génoise probablement postérieure à la construction initiale. La façade arrière a été achevée en colombage. En avant une petite cour d’honneur cernée d’un mur où s’ouvre un portail pris entre deux piliers de section carrée sommés de lions.

DONJON DE . — Grâce à des comptes conservés aux Archives du Vatican, nous savons que ce magnifique donjon fut achevé en 1371 : il est l ’œuvre d’Arnaud Aubert, archevêque d’Auch depuis 1354, mort au moment même où s’achevait la construction de son château. Cette masse imposante monte à près de 42 m. Grâce à la perfection de la stéréotomie, à la qualité de la pierre, extraite d’une carrière voisine, comme à la qualité des liants, le donjon de Bassoues est dans un état de conservation presque parfait. Primitivement il n’y avait aucune porte au rez-de-chaussée et l ’on pénétrait par la porte aménagée au premier étage, porte qui existe toujours. A chacun des 4 étages, contre la paroi sud, se trouve une cheminée et les étages sont éclairés, respectivement, le premier par deux fenêtres, l’une à l ’ouest, l’autre à l ’est; les trois autres de la même façon avec, en plus, une petite fenêtre au sud. Comme il est normal, la paroi septentrionale est donc pratiquement aveugle. Au trois premiers étages on remarquera également des latrines aménagées dans les contreforts nord-est et sud-est ainsi que des armoires et des éviers pris dans les murs. La salle basse est voûtée d’ogives retombant sur des colonnettes d’angle dont les chapiteaux sont ornés de feuillages. A la clef sont sculptées les armes d’Arnaud Aubert, (de gueules au lion d’or bandé d’azur au chef cousu de gueules, chargés de trois coquilles d’argent) ; aux murs est et ouest sont peintes à l’huile les armes de Jean Roger, successeur immédiat d’Arnaud Aubert (d’argent à la bande d’azur accompagné de six roses de gueules). Au premier étage, à côté de la porte d’entrée, une porte étroite donne accès dans une tourelle de section octogonale qui s’appuie d’un côté au mur nord, de l ’autre au contrefort nord-ouest et se termine à hauteur des mâchicoulis par une aiguille de pierre. Cette tourelle renferme l’escalier à vis qui associe entre eux tous les étages, rez-de-chaussée y compris. Ce dernier servait de garde-manger et le centre en était occupé par un puits, aujourd’hui comblé, de quelque 75 cm de diamètre. Inutile d’ajouter que le qualificatif d’oubliette, parfois appliqué à la partie basse du donjon, est sans le moindre fondement historique... Le premier étage, comme le rez-de-chaussée et le second, est voûté d’ogives. La cheminée est frappée de deux écus aux armes d’Arnaud A ubert; à la clef est représenté, en bas-relief, un évêque mitré et crossé en lequel on a voulu reconnaître, avec beaucoup de vraisemblance, l’archevêque bâtisseur lui-même. Le troisième et le quatrième étage ne présentent pas de caractère très parti­ culier : ils étaient jadis séparés par un plancher dont les traces sont encore visibles. Quant à la plate-forme terminale, elle comporte en son centre une tourelle octo­ gonale cernée d’une corniche et coiffée d’un to it moderne de tuiles canal. Au XVIII” s. il y avait, à la pointe, une girouette métallique haute d’environ 3 m, qui fut démolie, après avoir été foudroyée, vers le milieu du X IX ” s. Haute de 3 m environ, la tourelle est séparée de l’étage inférieur par un simple plancher.

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A chacun des quatre angles de la plate-forme, des échauguettes circulaires hautes de 2 m 40. Une porte y donne accès du chemin de ronde et une seconde porte, face à la première, conduit à une vertigineuse galerie extérieure sise au- dessus des contreforts. La pente générale de la terrasse est conçue de telle façon que les eaux s’écoulent normalement par deux gargouilles en forme de lions accroupis, appuyées l’une sur le contrefort sud-est et l’autre sur le contrefort nord-est. Mais les gargouilles ont quelque peu souffert des injures du temps. Quant au château proprement dit, que protégeait au sud-est l’ imposante masse du donjon, il a malheureusement subi de fâcheuses dégradations. Long d’environ 45 m et large de 30, il englobait initialement une bâtisse antérieure, dite hospice antique au XIV" s., dont on ne retrouve apparemment aucune trace. A Arnaud Aubert il faut attribuer, entre autres, le puits et le mur sud, qui longe la rue principale du village. L’œuvre fut repris et complété sous l’épiscopat de Philippe de Lévis, archevêque d’Auch (1425-1453), puis remanié au X VIII' s. par Monseigneur de Lamothe-Houdancourt. La petite tour, dite tour Mamelart, qui complétait au nord-est le dispositif de défense, était carrée et mesurait 6,40 m de côté : il n’en reste plus que les cour­ tines, d ’ailleurs mutilées, de l’est et du nord. Elle semble avoir été construite en même temps que le donjon, vers 1370-1371. On la démolit en majeure partie sous la Révolution, en 1793.

BETPLAN. — Attribué au X V II' s., le château de présente au visiteur une belle façade classique, à la symétrie à peu près parfaite. On accède à la terrasse qui le précède, bordée de balustres, par un escalier extérieur de pierres comportant une douzaine de marches. La porte, axiale, se situe immé­ diatement en arrière. Les fenêtres aux lignes sobres et pures sont dépourvues de meneaux. Il n’y a qu’un étage, souligné par un bandeau, mais les deux ailes, comme le gros-œuvre, sont mansardées. Les toitures, élégantes, sont à très forte pente, dispositif qui trahit des influences extérieures en une région où la tuile canal, matériau traditionnel de couverture, exige des toits de faible pente. En arrière on admirera les vastes communs, cernant une cour intérieure.

BONAS. — On accède à cette vaste demeure, aux lignes sobres et régulières, en surplomb sur un éperon rocheux, par une belle allée de cèdres. Construit au XVIII' s. le château de est célèbre dans la région, non seulement par la qualité de son architecture et ses beaux escaliers intérieurs, mais aussi pour avoir appartenu à un homme tout à fait éminent, le marquis de Bonas qui fut, vers les années 1800, le « premier distillateur expérimenté du département » (Jean Cavé). Les ateliers, implantés sur le flanc droit du coteau de l ’allée d’accès (côté droit pour une personne se dirigeant vers le château) sont malheureusement en mauvais état et l’on est en droit de regretter qu’ils n’aient pas encore fait l’objet d’une restauration. En 1801, lorsque les travaux furent terminés, la renommée du marquis devint si grande que d’un peu partout les visiteurs affluèrent. Sous le château proprement dit, très belles caves creusées à vif, à même le roc, et, en contre-bas, l ’orangerie, exposée au midi, dont les voûtes portent à l ’extrados une terrasse. Par beau temps, le panorama est délicieux.

LE BUSCA, A MANSENCOME. — Comme l’a pertinemment remarqué Philippe Lauzun, le regretté président de la Société archéologique du Gers, « le

10 château du Busca est l’un des spécimens les mieux conservés de l ’architecture civile gersoise de la première moitié du XVII" siècle. Bâti dans le style sévère et compassé de cette époque, de dimensions démesurément grandes, si bien que l’adage patois le concernant

Au castet de Maniban Y a’stant de frinestos que de jours en l’an

(au château de Maniban il y a autant de fenêtres que de jours dans l’année) s’est perpétué jusqu’à nos jours. N ’offrant aucune délicatesse d’art, pas plus dans les frontons des façades que dans les moulures des meneaux, des portes, des cheminées et généralement dans tou t ce que les artistes de la Renaissance se plaisaient tant à décorer quelques années auparavant, laissant au premier abord une impression de tristesse et de froid, il ne manque néanmoins, comme le siècle qui l ’a vu naître, ni de grandeur ni de majesté. « Il forme un vaste parallélogramme de quatre-vingt mètres de long sur cinquante mètres de profondeur, y compris les cours et les communs, coupé à ses deux extrémités en équerre par deux ailes latérales s’avançant vers l ’est, d’une longueur de vingt-cinq mètres. Seule subsiste l’aile gauche, celle de droite ou du midi, ayant été détruite au début du siècle dernier. D ’après la tradition elle renfermait au rez-de-chaussée la serre et au premier étage, dans toute sa longueur, la salle du jeu de paume. Sur le devant de la façade principale, qui est orientée vers l’est, se détache le pavillon d’honneur, surmonté d’un fronton, sur lequel se voient gravées, en belles pierres de taille, les armes des Maniban qui sont de gueules à deux bourdons d’or passées en sautoir, cantonnées en chef d’un croissant d’argent et d’un feu follet ou larm e dans les autres cantons, le tout surmonté d’une couronne de marquis et, au-dessus, d’un mortier de magistrat supporté par deux lions. Cette façade donne sur de vastes jardins, autrefois dessinés à la manière de Le Nôtre, où se remarquaient notamment le parterre et le labyrinthe. « La grande porte d’honneur, haute, sévère et majestueuse comme le reste des bâtiments, est percée dans la façade ouest : c’est de ce côté que se trouve donc la principale entrée du château. Une vaste cour la précède sur une largeur de quarante mètres et une profondeur de trente-six mètres. « La porte d ’honneur s’ouvre dans un grand vestibule, une des pièces les plus remarquables de l ’édifice. Un magnifique escalier de pierre, à deux paliers égaux de onze marches chacun et coupés à angle droit, en occupe toute la partie gauche. Il s’arrête au premier étage et se termine par une galerie soutenue par quatre superbes colonnes à chapiteaux ioniques, en marbre blanc des Pyrénées. Une gracieuse corniche repose sur ces quatre colonnes, derrière lesquelles s’ouvre la porte de la salle d’honneur, dont le fronton reproduit le millésime de 1649. « A droite de la cage d ’escalier et au rez-de-chaussée s’ouvre une vaste salle, dite encore salle des gardes, qui précédait la principale cuisine du château. Une autre cuisine, à peine moins importante, existait et existe encore dans l’aile gauche, qui desservait cette dernière partie ». La chapelle, actuellement désaffectée, occupait la quasi totalité de l’aile qui ferme à droite la cour d’honneur. Longue de 17 m et large de 7, elle se composait d’une nef unique couverte d’une triple voûte d’ogives et terminée par un chevet plat. Au pied de l’autel, et conformément au testament du constructeur, Thomas de Maniban, se trouvait la tombe de cet éminent personnage, célèbre avocat

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général du Parlement de Toulouse. Dans les annales de l’histoire judiciaire, Maniban est resté connu pour le rôle qu’ il joua, entre autres, dans l’affaire du chevalier de Roquelaure qui, en 1646, avait eu l ’dée assez singulière de proférer publiquement dans les rues de la capitale languedocienne de violents blasphèmes contre l ’Eglise et la Vierge. Trois ans après était achevée la construction du château du Busca, d it aussi château du Busca-Maniban, du nom de son premier constructeur et propriétaire. Maniban devait y m ourir dès 1652, à peine âgé d’une cinquantaine d’années.

LA CASSAGNE, A SAINT-AVIT-FRANDAT. — Ce château, à la belle toiture mansardée, a été construit au XVII* s. La façade méridionale donne sur une magnifique terrasse. Comme à Larroque et à Antras (canton de ), une tour a été élevée à chacun des angles saillants du corps de logis, à cette nuance près qu’ici un balcon court au sud d’une tour à l’autre. Le mobilier est loin d’être sans mérite, mais, pour aussi intéressant qu’il soit, il est éclipsé par la décoration de la très remarquable salle dite à juste titre Salle des Chevaliers de M alte. Cette salle est la réplique exacte, réalisée en même temps, ou presque, que se construisait le château, de la Salle du Grand conseil des Chevaliers de Saint- Jean-de-Jérusalem, à Malte. Elle est d’autant plus précieuse que l’original n’existe plus, puisqu’il a été incendié en 1798 par les troupes de Bonaparte lors de la prise de la cité de Lavalette. Longue de 13 m, la Salle de La Cassagne est large de 9 et haute de 5. Les murs sont couverts, jusqu’à une hauteur de 2 m, d’un lambris de chêne minutieusement travaillé et orné de rinceaux. Au-dessus, du lambris une suite ininterrompue de tableaux peints sur toile, hauts de 2,50 m, relate l ’histoire militaire de l ’Ordre, avec d’impressionnantes vues cavalières de l ’Ile de Malte, de la cité de Lavalette, de combats navals, etc. Au milieu, le portrait en pied de Jean-Bertrand de Luppé, grand prieur de Saint-Gilles et créateur de ce bel ensemble iconographique. Les tableaux sont au nombre de quinze : reproduction de toiles antérieures (XVI* s.), ils en ont conservé le style et la manière quelque peu naïve ou archaïsante.

CASTELMORE, A . — Pamphlétaire réfugié en Hollande, par crainte de la potence, Sandras des Courtils fut un romancier prolixe. Ayant délayé dans 3 fo rt volumes in-12 une suite d’aventures plus ou moins guerrières, plus ou moins galantes et plus ou moins vraisemblables et apparemment séduit par la sonorité du nom, il donna au produit de sa plume féconde le titre de Mémoires de Monsieur d’Artagnan, livre qui serait vraisemblablement totalement oublié s’il n’était un jour tombé dans les mains d’Auguste Maquet et d’Alexandre Dumas, qui le remanièrent pour en tire r Les trois mousquetaires. Alors le nom de d’Artagnan, qui s’appelait en réalité de Bats (D’Artagnan était le nom de sa mère, non son patronyme) devint célèbre dans la entière avant de le devenir dans le monde. Où est né d’Artagnan ? On ne saurait le dire avec une certitude absolue, pour la simple raison que son acte de baptême n’a jamais été retrouvé. Est-ce au château de Laplagne, demeure de son oncle, à Lupiac, ou plutôt dans la demeure do ses parents, le château de Castelmore ? La plupart des auteurs, sans être absolu- mont affirmatifs, optent pour la seconde hypothèse, encore qu’il ne soit pas absolument exclu que Madame de Bats ayant été prise ailleurs des douleurs de l'enfantement, ou étant allé accoucher dans une maison amie, ait mis au monde le plus célèbre des cadets de Gascogne dans un troisième château...

14 Quoi qu’il en soit, le château de Castelmore, planté au bord de la Ténarèze, célèbre route de crête qui sépare le bassin de l ’Adour du bassin des affluents gauches de la , est une agréable demeure installée à l ’ombre des grands arbres du parc. Aucun souvenir, aucun meuble à l’intérieur n’est certes attribuable à Charles de Bats, capitaine des mousquetaires du Roi, mais il est loisible d’y évoquer son départ, en vue de conquérir la capitale, un beau et mélancolique matin d’été. Et la gentilhommière est charmante, avec ses deux façades toutes simples flanquées de tours d ’angle aux toits pointus.

CAUMONT, A CAZAUX-SAVÈS. — L’ensemble monumental de Caumont comporte deux parties, le château proprement dit, qui occupe une superficie de dix ares et l ’esplanade, d’une superficie de plus de soixante ares. Le château, d’où l ’on jouit par temps clair d’une très belle vue sur la chaîne pyrénéenne, repose, écrit le marquis de Castelbajac, sur un éperon saillant terminé par des pentes abruptes qui dominent la tranquille vallée de la Save. Il est séparé de l’esplanade par un fossé large de 13 m et profond de 4, que franchit un élégant pont à 3 arches. Construit à flanc de coteau, il est assis sur deux rangs de souterrains voûtés de sorte que le rez-de-chaussée de la cour fait figure, hors œuvre, de premier étage. Il est flanqué de 4 tours, de plan losangé, dont les meurtrières protègent les courtines ; de 2 tours octogonales qui gardent l’entrée du côté ouest ; enfin de 4 poivrières aménagées aux angles des 2 ailes nord et est. Pierres et assises de briques alternent régulièrement. Les toitures d’ardoises à forte pente ressem­ blent à celles d’autres châteaux sensiblement contemporains de la région, tels Saint-Félix (arrondissement de Muret), construit en 1540, Brax (canton de Lè- guevin) ou La Réole, près de Cadours (Haute-Garonne). Les fenêtres du premier étage sont à meneaux cruciformes cependant qu’au rez-de-chaussée la traverse est géminée. La porte d’accès de la cour intérieure, basse et moulurée, débouche sur un bel escalier d’honneur de pierre, aux travées voûtées où la pierre alterne avec la brique. Dans la cour, au nord, une galerie extérieure, également de brique et de pierre, court au long du premier étage. L’aile occidentale du château, sous laquelle était disposé le pont-levis, a dis­ paru presque complètement en 1665 et il n’en reste plus que les 2 tours d’entrée. En 1658 un incendie détruisit les planchers, les charpentes et l’aile méridionale tout entière : l ’aile fut rebâtie en 1659 et 1660 par les soins du seca id Jjc d’ Epernon dans un style assez différent du style primitif. L’esplanade, vaste terrasse de 100 m de long environ sur 62 de large, est cernée sur 3 côtés par des remparts élevés, comme le château, en 1535, en assises alternées de pierres et de briques. Le quatrième côté, celui du couchant, est flanqué de bâtiments considérables, dont 2 grands pavillons reliés entre eux par une construction voûtée longue de près de 60 m, coupée en son axe transversal d’un portail, également voûté, qui donne sur la première cour, celle des écuries. Un mur crénelé reliait cet alignement de bâtisses à une puissante tour octogonale située à l’angle sud-ouest de l ’esplanade. Ce mur a été détruit, en même temps que la tour, vers le milieu du siècle dernier. Les pavillons, construits en briques, étaient couverts d ’ardoises encore en 1835, date à laquelle on leur substitua un to it à faible pente couvert de tuiles et masqué par un alignement quelque peu anachronique de créneaux. Les écuries étaient assez vastes pour accueillir une soixantaine de chevaux :

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elles évoquent celles du château du Rieutort, à Roquelaure (Gers) ou celles de Bidache (Basses-P/rénées). On n’a pas encore pu identifier l ’architecte à qui l’on est redevable de l’en­ semble initial, construit selon toute vraisemblance vers 1525-1535. Historiquement le château est connu pour avoir été celui du célèbre duc d ’Epernon. Montluc y fait allusion en ses Commentaires où il écrit sans plus de commentaires, « je fus coucher hier chez Monsieur de La Valette dans son logis sur la Save... »

FLAMARENS. — est en même temps que le titre du dernier roman de Pierre Benoît, le nom d’un village et d’un château digne d’intérêt en ce sens qu’il se situe à la charnière de deux architectures civiles, l ’une et l’autre représen­ tatives de leur temps : l’architecture du château fort, proprement médiéval, et celle du château tout court, résidence plus ou moins élégante où le goût du confort finira par l ’emporter sur les nécessités de la défense. Certes Flamarens n’est pas encore une demeure conçue uniquement en vue du confort, mais ce n’est plus non plus une simple forteresse : le bail à besogne retrouvé au début du siècle en fait foi : des fenêtres, et non des archères ou des meurtrières, y sont prévues dès le départ. C’est le 5 février 1469 que Jean de Grossoles, seigneur de Flamarens, passe contrat avec Jean de Cazanove, tailleur de pierres originaire du diocèse de Limoges, lequel s’engage à construire dans un délai de deux ans lo castet de Flamarens dont un adage local veut qu’il ait été d’abord aussi beau vu du dehors que du dedans (lo castet de Flamaréns, bet dehoro, bet deguéns). Mais au milieu du X IX ” s. la situation aura beaucoup évolué, comme en témoigne Jasmin qui en 1851 le qualifie de poulit deforo, led dedans, ce qui signifie joli dehors et laid dedans. Un incendie survenu en 1944 amènera Flamarens dans un état proche de la ruine définitive et totale. Des travaux de sauvegarde ont été heureusement entrepris voici quelques années en vue de la conservation de ce qui peut encore être préservé. Le château s’élève sur une vaste terrasse, entre la cour d’honneur et ce qui fut un jardin. Le corps de logis est flanqué de 2 tours circulaires, l ’une au nord-est, l ’autre à l’ouest. Des mâchicoulis et un chemin de ronde couvert cernent l’ensemble des parties hautes. Les toitures étaient à forte pente, couvertes de tuiles plates à ergot, partout où avant l ’incendie de 1944 elles n’avaient pas subi de remaniements. L'entrée principale se situe dans la cour d’honneur : elle débouche intérieurement sur un corridor voûté en berceau qui traverse de part en part le gros-œuvre. Face au château, l’église de Flamarens dresse son joli clocher-mur : elle est hélas! menacée de ruine. Là était curé, au milieu du XVII” s., l ’abbé François Fezedé, poète à ses heures. Nous lui sommes redevables de vers plus émouvants par leur sincérité que par leurs qualités littéraires. Il nous a laissé, entre autres, une description plus exacte que vraiment poétique du château tel qu’il était en son temps :

Le superbe chasteau de tous costés domine Sur les plus hauts endroits de la te rre voisine; Sa tour, dont l’édifice est fort laborieux. Semble à peu près cacher sa pointe dans les cieux. Quel plaisir n’est-ce pas de voir cette structure Embellie au-dedans d’une riche peinture, De voir ces beaux degrez, ces planchers azurez,

18 Ces statues de marbre et ces chenets dorez. L’artifice nouveau de ses tapisseries Représente à nos yeux de (sic) campagnes fleuries, Des arbres qui plantez sur le bord de ruisseaux Servent d’ombrages frais à divers animaux...

CHATEAU DE LAGARDÈRE. — Il s'agit d’un château gascon typique en ce sens qu’ il a subi peu de remaniements et qu’il est daté (vers 1270). En plan il se présente sous la forme d’un parallélogramme curieusement irrégulier, 28 m environ de long contre 10 et 12 de large. Les murs sont massifs, épais de 1,50 m en moyenne. Les deux tours de flanquement, de plan carré, sont assez bizarrement élevées à chacun des deux angles de la seule façade septentrionale, de sorte que la façade méridionale est privée de protection turriculée si l ’on fait abstraction de la petite échauguette installée en porte-à-faux à l’angle sud-est et dont il ne reste plus que l ’encorbellement. A l’entour on ne trouve trace ni d’anciens fossés ni de barbacane. Ce château n’est stratégiquement de quelque importance que par le choix du site, un des points culminants des parages, bien que de moins de 200 m d’altitude. Au nord comme au nord-ouest la bâtisse surveille la vallée de l ’, cependant qu’au sud-ouest le regard s’étend presque à perte de vue jusqu’à Castillon-de-Bats, , et même dont par temps clair on aperçoit le clocher. La façade orientale, peu remaniée, est presque aveugle avec 4 meutrières au rez-de-chaussée, 4 meurtrières ou arbalétrières au premier étage et 2 ou plusieurs fenêtres au second étage (très mutilé). Du troisième et du dernier étages il ne reste qu’un fragment de mur. Au sud aucune ouverture au rez-de-chaussée, une arbalétrière au premier et une baie fo rt endommagée au second. A l’est une porte et une m eurtrière; au premier 4 meurtrières; au second les traces d’une fenêtre géminée prise sous un arc trilobé. Au nord, courtine étroite d’une dizaine de mètres seulement, 2 meurtrières au rez-de-chaussée. Quant au 2 tours elles sont, à la base, entièrement aveugles.

LAVARDENS. — Au premier coup d’oœil, on a tendance à attribuer au X V I1 s. cet immense ensemble architectural, admirablement juché sur un éperon rocheux, mais les rares documents d’archives que nous conservions sur ce château interdisent pareil diagnostic. On sait en effet que vers 1575 le duc de Roquelaure, seigneur du lieu, fit sauter ce qui restait des constructions antérieures et que la construction de l ’actuel édifice n’est pas antérieure à 1620, date à laquelle on réemploya, selon toute vraisemblance, au moins une partie des matériaux récupérés lors de la démolition de 1575. Les travaux de reconstruction furent interrompus à la mort du duc, en 1625. Le dernier duc de Roquelaure, marquis de , décéda en 1738. Par voie d’héritage la seigneurie passa alors aux Rohan, qui la revendirent vers 1752 au marquis de Mirabeau, le père du célèbre tribun révo­ lutionnaire. En 1761 Riquetti démembra le duché de Roquelaure et vendit en 1766 Lavardens à François de Pins, sire d ’Aulagnères, qui en fut l ’ultime seigneur (le château d’Aulagnères existe toujours, en la commune de Valence-sur-Baïse et resta après la Révolution propriété de la famille de Pins). On accède au château de Lavardens par un escalier taillé dans le roc, non loin de l’église paroissiale. La porte s’ouvre sous une longue galerie voûtée en

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berceau, qui donne à son tou r accès à de grandes et nobles salles dont le carrelage de pierre, aux figures géométriques variées, est tou t à fait remarquable. D’importants travaux de restauration ont été heureusement entrepris au cours des dernières années. Tâche urgente car le château de Lavardens avait alors presque entièrement perdu sa toiture et une véritable forêt occupait l ’étage d ’où l’on jo uit d ’une très jolie vue. On admirera, entre autres, les tours d’angle carrées, audacieusement construites, en surplomb, au-dessus du chemin qui cerne sur trois de ses côtés le gros oeuvre.

LÉBERON, A . — Ce fut à l’origine un château gascon, mais il a subi après le X III” s. des remaniements importants qui rendent difficilement perceptible au premier coup d’œil le parti initial, mais qui se révèlent heureux quant à l’esthétique. Le château prim itif devait être beaucoup plus élevé. Sans doute au X V I” s. on aménagea des baies à tous les étages. Le noyau central, à peu près carré, est flanqué de 3 tours rondes ou à peu près circulaires, dont Tune, la plus petite, contient un bel escalier à vis, les deux autres formant flanquement. Au premier étage du gros œuvre une vaste salle à manger, probablement contemporaine des baies, comporte une vaste et belle cheminée aux consoles richement ornées. De part et d ’autre deux monogrammes (D et C entrelacés et barrés) évoquent Henri il et Diane de Poitiers ou Catherine de Médicis. Le plafond est à la française. Hors du gros œuvre, mais accessible de celui-ci grâce à l ’escalier à vis, la grande salle du château, datable du XVI” s., longue de 18 m et large de 10, reçoit la lumière par 5 magnifiques croisées à meneaux, 3 au midi et 2 au nord. A l ’ouest une majes­ tueuse cheminée large de 3 m. Mais c’est surtout la charpente qui est remarquable. Le plafond n’ayant jamais été construit, on la voit aisément du dessous : il s'agit d’une immense carène renversée, à entraits retroussés, dont les jambettes, reposant sur des blochets très saillants, se relient aux arbalétriers ; des esseliers, également appliqués aux arbalétriers, supportent un premier extrait retroussé qui correspond à une entretoise dans le sens horizontal et longitudinal, et à un poinçon dans le sens vertical. Un deuxième entrait retroussé, un peu au-dessous du faîtage, consolide l’ensemble. Le toit, à forte pente, est couvert de tuiles plates à ergot (des tuiles canal, à la mode du pays, ne sauraient en effet se maintenir sur des pentes aussi rapides). La salle voisine, implantée en angle droit par rapport à la précédente, conserve des traces de peintures murales, malheureusement presque entièrement effacées. On distingue encore à peine des cavaliers (scène de tournoi ?) montant des chevaux à la robe rouge, blanche ou isabelle.

CHATEAU DE MANSENCOME. — Du type dit gascon, ce château se caractérise par la qualité de son site, un tertre élevé d’environ 175 m au-dessus du niveau de la mer, altitude sensible en un secteur de faible relief. De là on domine à la fois la vallée de la Baise, entre Beaucaire et Condom, à Test, et une portion relativement importante de la vallée de l’Osse, au nord et à l’ouest. Le plan général en est fo rt simple : un rectangle de 18 m de longueur sur quelque 15 m de largeur. Le flanquement en est assuré par 2 tours carrées, d’ im­ portance inégale, opposées Tune à l’autre et dominant le corps de logis. L’appareil, presque partout moyen et régulier, frappe par la qualité de la stéréotomie. Les murs sont remarquablement épais (de 1,30 à 1,40 m en moyenne).

22 Probablement abandonné aux X V I' et X V II' s., le château de Mansencôme fut réhabité vers le milieu du XVIII*. Alors il subit des remaniements assez consi­ dérables. A l’intérieur on le dota de murs de refend et les pièces du rez-de-chaussée furent voûtées. De larges baies furent ouvertes dans les murs goutterots nord et sud. Des cheminées furent construites dans chacune des salles des 2 étages, qui peut-être ne servirent jamais. Enfin l ’échelle volante primitive fut remplacée par un escalier extérieur fixe à un palier.

MARSAN. — Traditionnelle propriété de la famille de Montesquiou, le château de Marsan a succédé à une bâtisse plus modeste, de briques, couverte de tuiles canal, alors que l ’actuelle construction est en pierres et couverte d’ardoises. On l ’aperçoit de la route nationale, précédé d’une belle prairie et flanqué d’un petit parc aux arbres de haute fûtaie. On accède à la cour intérieure par un portail voûté, proche de la petite église paroissiale qui fit longtemps fonction de chapelle seigneuriale. Fort bien entretenu, le château abrite un beau mobilier ainsi que d ’émouvants souvenirs de famille. La majeure partie des fonds de la Bibliothèque fut rassemblée par le célèbre abbé de Montesquiou, qui fut Ministre de l ’intérieur sous la Première Restauration. Le gros-œuvre est attribuable au milieu du XVIII* s.; c’est à partir de 1833 que le général Aimeri de Montesquiou, neveu de l’abbé, dota le domaine d ’un parc, fit élever la troisième tour du couchant, mansarda les combles et embellit de boiseries les appartements.

MONLEZUN-PARDIAC. — A 5 km de Marciac, sur les coteaux assez escarpés qui dominent la rive gauche du Bouès, le château de , ancienne résidence des comtes de Pardiac, constitue un des rares ensembles monumentaux qui évoquent dans le Gers l'architecture féodale telle qu’on la conçoit généralement. Bien conservé jusqu'au XVI" s., ce nid d’aigle eut alors beaucoup à souffrir des bandes du capitaine Sus, qui y installa une manière de Q uartier général d ’où il pouvait mettre en couple réglée toute la contrée environnante. Assiégé par les catholiques sous la conduite de Jean d ’Antras, de Baudéan et de Fontenilles en 1590, il fut alors repris aux protestants, mais démantelé et incendié de façon qu’il ne redevienne pas un repaire de pillards. Il n’en reste plus aujourd’hui qu’un large pan de mur étayé de 2 contreforts, reliés par des arcatures de plein cintre, et le donjon de plan carré, haut d'environ 25 m. Mais la silhouette, à quelque 250 m au-dessus du niveau de la mer, altitude relativement considérable en cette région, reste fo rt belle. Non loin, dans la plaine, les restes d’une ancienne commanderie des chanoines réguliers de Saint-Antoine de Toulouse, établissement hospitalier construit sur l ’ancien Chemin de Saint-Jacques qui passait là ainsi qu’à Auch, Montesquiou, Saint-Christaud, Monlezun, Sauveterre, Saint-Jean-Pied-de-Port, etc. De cette commanderie, qui fut belle, il ne reste malheureusement que quelques fragments de murs insérés dans une construction rurale.

ORBESSAN. — A quelque 13 km au sud d’Auch, dominant la route nationale d’Auch à , le château d’ constitue à lui seul une partie notable du village du même nom. Datable de la fin du XVII* s., il est essentiellement consti­ tuée d’un vaste corps de logis à 2 étages de plan rectangulaire. La façade nord est précédée d’une cour d’honneur à laquelle on accède par un portail ouvert entre deux piliers. A chacun des deux angles de la façade sud s’élève une tou r carrée dont la toiture à pente aiguë est couverte d’ardoises. A l’entour s’étendent de

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vastes jardins, aujourd’hui quelque peu déchus de leur grandeur ancienne. Dominant la route une fontaine de rocaille envahie par les broussailles évoque mélancoli­ quement des temps meilleurs, comme la fontaine voisine, monumentale, du village ou le beau pigeonnier polygonal du pré... L’intérieur a souffert des injures du temps et des hommes. Les vastes salles anciennes ont été cloisonnées et divisées par les occupants au lendemain de la Révolution ou au X IX ' s., mais, si le mobilier ancien a disparu, il reste des frag­ ments de lambris et des panneaux de stuc aux thèmes symboliques, faune, flore, outillage agricole ou instruments de musique. C’est là que vivait, au X V III' s., un homme de goût, fin lettré et grand amateur d’art, le marquis d’Orbessan, Anne-Marie d ’Aignan, Président à m ortier au Parlement de Toulouse, grand ami de l ’Intendant d’Etigny et de Monseigneur Montillet, archevêque d’Auch, qui bâtissaient alors, à Auch, l ’un l ’Hôtel de l’intendance (aujourd’hui Poste centrale), l ’autre l ’Archevêché (aujourd’hui Préfecture du Gers). C ’est grâce à d’Orbessan que le château de ce nom fut, près d’un demi-siècle durant, le haut lieu de l ’esprit en Gascogne gersoise. On y donnait alors des concerts, des représentations théâtrales ; on y organisait, presque sans interruption, des tournois littéraires, des parties de chasse, des fêtes champêtres, des bals et des féeries nocturnes. On y parlait politique ou réformes. Brillant causeur, le marquis était aussi capable de donner une conférence de physique ou de chimie que d’évoquer le passé de son pays. Poète, il s’amusait à im iter Horace. Musicien il jouait aussi bien du psal- térion que de la harpe. Autant d ’activités et de grâces qu’il est devenu bien malaisé de concevoir lorsqu’on parcourt ces bâtiments aux trois-quarts déserts et le grand parc déchu où le pied heurte parfois un fragment de terre cuite attribuable à Lucas...

PARDAILHAN, A BEAUCAIRE. — Les ruines de ce château, qui porte un nom illustre, occupent un promontoire long de quelque 90 m sur plus de 30 m de largeur, mais pour aussi imposante qu’elle soit, cette forteresse a beaucoup souffert des injures du temps : les courtines et les tours ont à peu près entièrement perdu le premier étage, et l ’aire du rez-de-chaussée lui-même est encombré de matériaux, de sorte que la reconstitution d’un plan détaillé exigerait une série de fouilles faites avec méthode. Néanmoins l’ensemble reste assez grandiose pour m ériter au moins une courte visite. Le vieux chemin d’accès aboutit au sud-est. On distingue là les restes d’un bastion, d ’un fossé et d’un pont-levis, lequel pourrait n’être pas antérieur, comme le bastion, au X V I' s. Quant à la porte, prise sous un arc brisé on n’y trouve trace ni de herse ni de mâchicoulis. Elle était simplement défendue par une tour carrée, à l’aplomb, et, à droite, par une tou r de flanquement. La cour intérieure est vaste, 55 m sur 30 m environ, les courtines hautes encore de 5 à 6 m. Lorsqu’elles étaient précédées de fossés, ces dernières devaient être, pour un éventuel assaillant, d’accès difficile. Des meurtrières, espacées de 4 en 4 mètres, sont encore très repérables, de même que les restes du chemin de ronde, mais les merlons ont disparu. La tou r ronde, à l’angle est, construite ou reconstruite à une date rela­ tivement tardive, comporte des meutrières adaptées au tir à armes à feu. Egalement plus récente que le reste de l ’œuvre la courtine nord-est. Une tour pleine, à l ’intérieur de l’enceinte, défendait le château proprement dit, implanté au nord. Elle est voûtée en berceau brisé et surbaissé. La tour carrée, à l ’angle septentrional, fait saillie sur la courtine nord-ouest et plus encore sur la courtine nord-est. A l’exception des parties reconstruites au X V I' s., l’ensemble pourrait re-

26 monter aux alentours du début du XIV" s. A ces ruines émouvantes s’attache, entre autres, le souvenir de la Parabère, femme infidèle et légère de César- Alexandre de Beaudéan, devenu en 1702, à la mort de son père, baron de la baronnie de Pardailhan. C ’est à elle que fait allusion Musset en ces vers :

Beau marbre, as-tu vu La Vallière ? De Parabère ou de Sabran Laquelle savait mieux te plaire ? Entre Sabran et Parabère Le Régent même, après souper, Chavirait jusqu’à s’y tromper...

LE RIEUTORT, A ROQUELAURE. — L’actuelle commune de Roquelaure ne compte pas moins de 4 châteaux, à savoir le château d’Arcamont, la tour féodale d ’Arcamont, le château du Rieutort et le château de Roquelaure proprement dit, ce dernier en assez mauvais état à l ’exception des terrasses rempardées et des souterrains creusés dans la falaise rocheuse à pic au nord du village. Mais le Rieutort, célèbre pour avoir appartenu au comte du Barry, mari de la trop célèbre comtesse du même nom, est à la fois le plus intéressant et le mieux conservé. La tradition veut que le maréchal n’ait jamais quitté sans regret sa province natale. C’est à Auch, en son Hôtel de la Treille, dont la tour à escalier à vis existe toujours, qu’il maria en 1601 sa fille Rose à Henri de Noailles, puis son autre fille, Louis, à Antoine de Gramont. C ’est dans ce même hôtel que sa première femme, Catherine d’Ornézan, lui légua par testament, en 1604, l’usufruit de tous ses biens à condition qu’il ne se remarie pas et institue pour son héritier son fils Jean-Louis, décédé en 1610. Mais si Roquelaure aimait son vieil hôtel auscitain, sa seconde et jeune épouse Suzanne de Bassabat le trouvait triste aussi bien que le château de Roquelaure et c’est sous son inspiration que Roquelaure décida, en 1616, de faire construire au Rieutort un château plaisant, dans les parages du petit ruisseau tortueux qui est à l’origine de ce nom. Et de fait le site est ravissant avec les prés et le parc planté d’arbres de haute fûtaie, la fontaine et, non loin, la paisible vallée du Gers. Des fossés de drainage, destinés à assainir le terrain, furent creusés en même temps qu’étaient posées les fondations. Lorsque le vieux maréchal mourut, en 1625, le château était loin d’être terminé, mais son fils poursuivit les travaux. C’est lui qui, de 1645 à 1650, en acheva la construction et conçut la majeure partie des embellissements circonvoisins. Le vaste espace qui s’incline en pente douce du château vers le ruisseau fut transformé en jardins coupés d’un labyrinthe d’allées, bordées de buis, ponctuées d’ifs et de fleurs rares. Une pièce d’eau fut aménagée par les soins du maître-fontainier Reilhes. Un petit lac fut creusé à côté des jardins et flanqué d’une ceinture d’arbres. Deux petites îles furent aménagées en son milieu, cependant qu’une vanne permet­ tait d’en faire le niveau et de capturer aisément les poissons à l ’entrée du Carême. Enfin un bief d’écoulement déversait éventuellement le trop plein d’eau dans le Gers. Quant au château proprement dit, sans étage, il étale harmonieusement à l’est une longue et élégante façade que somment des motifs de terre cuite attribués, non sans vraisemblance, à Lucas. Au couchant une cour cernée de bâtiments à laquelle on accède par un grand portail ouvert dans l’aile ouest, le côté oriental

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de la cour étant limité par le château, les autres par les communs, écuries voûtées, chais, caves, cuisines, logement du personnel. C’est là qu’habita, sous Louis XV, le comte du Barry...

SAINT-BLANCARD. — Voici l ’un des plus vastes des châteaux du Gers. La longue enceinte primitive est encore reconnaissable grâce à ce qui subsiste des anciens et larges fossés. C ’est en 1303 que Pierre d’Orbessan, seigneur de Saint-Blancard (c’est-à-dire Saint-Pancrace), passa un accord avec les habitants du lieu en vue de la construction d’un nouvel édifice seigneurial, le seigneur s’obligeant à assumer les frais de construction et ses vassaux à en assurer la garde. Dans la suite le gros oeuvre, donjon notamment, a subi quelques remaniements. Un incendie survenu en 1888 rendit malheureusement nécessaire une reconstruc­ tion partielle. Quant au mobilier, qui fut prestigieux, il n’en subsiste pratiquement plus rien. Mais l ’ensemble reste à la fois élégant et imposant, notamment le gros œuvre rectangulaire flanqué de tours aux ang(es opposés, dont l ’une est de plan circulaire et dont l’autre, de plan carré, fait figure de donjon. Et le site est admirable. C’est là que naquit, entre autres, Biron, l’ infortuné maréchal Charles de Gontaut-Biron, qui devait mourir décapité le 16 juillet 1602. On montrait encore, vers la fin du siècle dernier, le vieux lit à colonnes où Jeanne d’Ornézan lui avait donné le jour en 1562.

LE T A U Z IA , A M A IG N A U T -T A U Z IA . - Attribuable au XIII* s., le château de Tauzia (Tauzia signifie en gascon « lieu planté de chênes tauzins ») est un château gascon original en ce sens qu’il ne comporte qu’une seule tour de flanquement élevée à l ’est, c’est-à-dire du côté où les possibilités de défense sont les moindres, la bâtisse étant dominée au levant par les coteaux de Maignaut et d’Augé. Cette tou r est de plan carré et constitue actuellement l’accès usuel au reste du gros-œuvre, une large et haute baie en berceau s’ouvrant dans sa masse, autre­ fois surmontée d ’un mâchicoulis. Ce mâchicoulis était situé tout en haut, au-dessus d’une fenêtre trilobée, la seule de la tour, ailleurs percée seulement d’archères cruciformes. La façade orientale du corps de logis était à l’origine hermétiquement close au rez-de-chaussée, comme d ’ailleurs les trois autres. Au premier étage deux meurtrières; au second une élégante croisée dont l’encadrement s’orne de mou­ lures toriques, certainement plus tardive que le mur où elle s’insère actuellement. La façade sud a été entièrement remaniée au XVI" s. : c’est de cette époque que datent selon toute vraisemblance les fenêtres à meneaux des premier et second étages. La façade ouest, d’allure sévère, comporte au rez-de-chaussée une meur­ trière unique ; au premier étage une petite croisée tardive (XVI" s.) ; au deuxième une fenêtre maintenant condamnée. Enfin la façade nord a conservé intactes toutes les meurtrières primitives auxquelles, toujours au X V I' s., on a substitué des fenêtres à meneaux à chacun des deux étages. A l ’origine on ne pouvait entrer dans le château du Tauzia que par des échelles volantes qui permettaient d’accéder directement au premier étage (il n’existait pas d’escalier fixe), échelles qu’on pouvait rapidement retirer en cas d’alerte.

TERMES-D’. - « J’ai connu Jehanne quand elle arriva à Orléans pour faire lever le siège qui avait été mis en place par les Anglais. J’y étais avec le seigneur comte de Dunois pour la défense de la ville. Quand nous sûmes

30 que Jehanne approchait, le comte de Dunois, plusieurs autres et moi traversâmes la Loire pour aller à sa rencontre du côté de Saint-Jean-le-Blanc et nous l ’intro­ duisîmes dans la ville. Depuis je l’ai vue aux attaques des bastilles de Saint-Loup, des Augustins, de Saint-Jean-le-Blanc et du Pont. Elle fut si vaillante et se comporta de telle sorte qu’aucun homme de guerre n’eût pu faire mieux. Sa vaillance, son ardeur, son courage à supporter les travaux et les peines la rendaient l ’objet de l’admiration de tous les capitaines. C’était une bonne et honnête créature et ses actions étaient plutôt divines qu’humaines ». Ainsi s’exprimait le rude baron de Termes, au procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, surnommée l ’Armagnacaise parce que la plupart de ses meilleurs partisans étaient précisément issus de l ’Armagnac. Le donjon du baron de Termes, compagnon de la Pucelle, existe toujours dans un site ravissant. Seul le château a disparu. C’est, avec le donjon de Bassoues, un des spécimens les plus remarquables de l’architecture militaire de la région. Récemment restauré et pourvu d’une terrasse d’où l’on jouit d’un admirable panorama, le donjon va bientôt abriter le Musée du panache, destiné à commémorer les fastes de la Gascogne militante, des origines à nos jours en passant par les cadets de Gascogne.