CHATEAUX DU GERS | j É par Henri POLGE Couverture Château: de Marsan C H A TEA U X DU GERS A l’époque franque les châteaux de Gascogne gersoise sont très généralement construits en bois sur des mottes naturelles ou artificielles. Il n’en reste prati­ quement que le souvenir, souvent un simple nom de lieu, Castéra. Les plus anciens châteaux encore debout sont ceux que l ’on convient d’appeler, depuis les travaux de Philippe Lauzun, châteaux gasconsbien qu’ils ne soient à proprement parler ni plus ni moins gascons que les autres. De tels châteaux, généralement élevés au XIII* s., sont aisément reconnaissables : dépourvus de donjon, ils se réduisent à un corps de logis rectangulaire comportant deux tours de flanquement à l’ordi­ naire implantées à deux des angles opposés du quadrilatère. Il n’y a aucun ouvrage avancé et presque jamais de fossé. Le site est quelconque, hauteur, coteau ou bas plateau, et les dimensions médiocres bien que certains puissent atteindre jusqu’à 10 m. de hauteur. Vers la fin du Moyen âge, sans qu’on puisse préciser mieux la date de ces édifices peut-être plus archaïsants qu’archaïques, se développe ce que l ’on pourrait appeler le groupe des tours carrées à rez-de-chaussée aveugle, châteaux réduits au strict minimum, dont le rez-de-chaussée, voûté en berceau brisé, est dépourvu d’ouverture originelle (on accédait jadis aux étages par une trappe aménagée dans la voûte). Nombreux sont les spécimens encore debout : Justian ; Estrepouy à Gazaupouy; tour d’Arcamont à Roquelaure; tour transformée en clocher à Lahitte ; tour (aujourd’hui pigeonnier) à Boucagnères ; tour annexe de la mairie à Seissan, etc. Une telle architecture n’avait peut-être rien de féodal et il est possible que ces constructions n’aient guère été autre chose que des refuges destinés aux habitants des communautés rurales qu’elles dominent encore de leur relative hauteur. Au XVI" s. il faut attribuer les salles rectangulaires à tour-belvédère. Type : La Trouquette à Pessan ; Beauregard à Saint-Clar; Pimbat du Cruzalet à Vic-Fézensac ; Vivent à Castéra-Verduzan ; Marin àAuch ;MontagnacàSaint-Germier ; Monlaur, peut-être, à Pavie (ce dernier très remanié), etc. La tou r de ces élégantes bâtisses renferme un escalier à vis qui donne accès à l’unique étage du gros-œuvre. A partir du premier étage un escalier à vis, plus petit, est construit en surplomb dans une tourelle qui donne accès au deuxième étage de la tour, lequel domine le reste de l ’œuvre et forme une sorte de belvédère d’où l ’on jouit le plus souvent d ’un très agréable panorama. Au XVII" et au X VIII' s. le château perd toute fonction et toute allure m ili­ taires : c’est que le seigneur est devenu un propriétaire foncier plus qu’un guerrier. 3 f 5 Les communs sont nettement séparés de la vaste demeure fréquemment flanquée de tours rondes et presque toujours couverte de tuiles canal (toiture du gros œuvre) et de tuiles plates à ergots (tours d’angle). Au XIX* s. se multiplient les demeures de plaisance d’un type to u t à fait nouveau. La tradition veut que leurs constructeurs les aient conçues dans l ’intention d’im iter le style Louis XIII : ce sont les châteaux à toiture d’ardoises généralement très symétriques d’allure, dont les communs sont fréquemment installés en sous-sol. Presque toujours construits en pierre blanche, ils présentent de larges façades tricolores, grâce au gris-bleu de leurs toits et au rouge des cheminées et des bandeaux de briques. Les exemples foisonnent : Larroque à Gim ont; Saint-Gervasy à Tasque; Ponsan à Ponsan-Soubiran ; Monbrun à Monbrun ; Saint-Christaud à Marciac; Monclar à Monclar-d’Astarac ; Montfort à Riscle; Haget et Laplagne près de Montesquiou ; Lasserrade au canton de Plaisance; Préneron ; Pitron (daté de 1864) à Riguepeu ; les Charmettes à Saint-Mont ; le Clavari à Ordan-Larroque ; Rochette à Pessan ; Roquetaillade à Montégut-d’Auch ; Miramont à Miramont-Latour, Rouquettes à Valence-sur-Baïse ; Latestère à Preignan ; Saint-Arailles à Gimont, etc, etc. Les murs de refend de ces derniers châteaux ne servent pas seulement à séparer les pièces, qui sont hautes et vastes, mais à contenir et porter les cheminées, seul mode de chauffage. Hormis la pierre, les matériaux viennent généralement d ’assez loin, briques industrielles (et non plus artisanales) du format dit de Paris, ardoises pyrénéennes et même angevines, zinguerie des toitures, etc. Les toitures man­ sardées m ultiplient à l’envi les croupes, les terrassons, les brisis, les arêtiers, les noues, les poinçons et les épis, insolites dans une région où les abat-eau, quoique peu fréquents, peuvent être redoutables. La symétrie est de rigueur dans la cou­ verture comme dans le plan ou l ’élévation, au point qu’on n’hésite pas à aménager de fausses portes ou de fausses fenêtres, baies aveugles masquées par des volets. En bref la caractéristique essentielle de ce dernier groupe est une rupture à peu près totale avec la tradition et les styles régionaux. Après 1900 environ on ne construira plus de châteaux, mais seulement, le cas échéant, de grandes maisons de maître : encore ces dernières sont-elles alors plutôt rares. LE BARTHAS, A SAINT-GEORGES. - En 1565, François Saluste, le père du poète Saluste du Barthas, achetait là une simple ferme qui avait appartenu à Bernard d ’Ornézan, évêque de Lombez. En devenant propriétaires de ce bien d ’église, François Saluste et ses descendants devenaient du même coup seigneurs du Barthas, nom sous lequel ils sont restés connus dans l'histoire et surtout la littérature. Le 11 septembre 1567, François Saluste passait contrat chez Jean Sabathier, notaire à Monfort, en vue de la construction de l’actuel édifice. La construction fut rapide pour l ’époque, car tout était achevé en 1569, c’est-à-dire dans un délai d’environ quinze mois. Le château du Bartas (ou du Barthas) domine la petite vallée du Sarrampion, modeste ruisseau du pays, illustré dans les vers de la Semaine, l’œuvre la plus connue de Guillaume Saluste du Bartas, écrite au Bartas : Puisse-je, ô Tout-Puissant, incogneu des Grands Rois, Mes solitaires ans achever par les bois; Mon estang soit ma mer, mon bosquet mon Ardene, La Gimone mon Nil, le Sarrampion ma Seine... C’est un château à tour-belvédère particulièrement typique. La façade d’accès 6 comporte en effet deux tours, l’une, à gauche, ronde, l’autre, contenant l’escalier à vis, polygonale, toutes deux couvertes en poivrières de tuiles plates à ergot. Le gros-œuvre, assez simple, porte une couverture de tuiles canal, à la mode du pays, enjolivée d ’une génoise probablement postérieure à la construction initiale. La façade arrière a été achevée en colombage. En avant une petite cour d’honneur cernée d’un mur où s’ouvre un portail pris entre deux piliers de section carrée sommés de lions. DONJON DE BASSOUES. — Grâce à des comptes conservés aux Archives du Vatican, nous savons que ce magnifique donjon fut achevé en 1371 : il est l ’œuvre d’Arnaud Aubert, archevêque d’Auch depuis 1354, mort au moment même où s’achevait la construction de son château. Cette masse imposante monte à près de 42 m. Grâce à la perfection de la stéréotomie, à la qualité de la pierre, extraite d’une carrière voisine, comme à la qualité des liants, le donjon de Bassoues est dans un état de conservation presque parfait. Primitivement il n’y avait aucune porte au rez-de-chaussée et l ’on pénétrait par la porte aménagée au premier étage, porte qui existe toujours. A chacun des 4 étages, contre la paroi sud, se trouve une cheminée et les étages sont éclairés, respectivement, le premier par deux fenêtres, l’une à l ’ouest, l’autre à l ’est; les trois autres de la même façon avec, en plus, une petite fenêtre au sud. Comme il est normal, la paroi septentrionale est donc pratiquement aveugle. Au trois premiers étages on remarquera également des latrines aménagées dans les contreforts nord-est et sud-est ainsi que des armoires et des éviers pris dans les murs. La salle basse est voûtée d’ogives retombant sur des colonnettes d’angle dont les chapiteaux sont ornés de feuillages. A la clef sont sculptées les armes d’Arnaud Aubert, (de gueules au lion d’or bandé d’azur au chef cousu de gueules, chargés de trois coquilles d’argent) ; aux murs est et ouest sont peintes à l’huile les armes de Jean Roger, successeur immédiat d’Arnaud Aubert (d’argent à la bande d’azur accompagné de six roses de gueules). Au premier étage, à côté de la porte d’entrée, une porte étroite donne accès dans une tourelle de section octogonale qui s’appuie d’un côté au mur nord, de l ’autre au contrefort nord-ouest et se termine à hauteur des mâchicoulis par une aiguille de pierre. Cette tourelle renferme l’escalier à vis qui associe entre eux tous les étages, rez-de-chaussée y compris. Ce dernier servait de garde-manger et le centre en était occupé par un puits, aujourd’hui comblé, de quelque 75 cm de diamètre. Inutile d’ajouter que le qualificatif d’oubliette, parfois appliqué à la partie basse du donjon, est sans le moindre fondement historique... Le premier étage, comme le rez-de-chaussée et le second, est voûté d’ogives. La cheminée est frappée de deux écus aux armes d’Arnaud A ubert; à la clef est représenté, en bas-relief, un évêque mitré et crossé en lequel on a voulu reconnaître, avec beaucoup de vraisemblance, l’archevêque bâtisseur lui-même.
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