Fusions. Les Démarches Symbiotiques De Marta Pan Et André Wogenscky Fusions, the Symbiotic Approach of Marta Pan and André Wogensky
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In Situ Revue des patrimoines 32 | 2017 Le collectif à l'œuvre. Collaborations entre architectes et plasticiens (XXe-XXIe siècles) Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky Fusions, the symbiotic approach of Marta Pan and André Wogensky Dominique Amouroux Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/insitu/15046 DOI : 10.4000/insitu.15046 ISSN : 1630-7305 Éditeur Ministère de la culture Référence électronique Dominique Amouroux, « Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky », In Situ [En ligne], 32 | 2017, mis en ligne le 18 juillet 2017, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/insitu/15046 ; DOI : 10.4000/insitu.15046 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. In Situ Revues des patrimoines est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky 1 Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky Fusions, the symbiotic approach of Marta Pan and André Wogensky Dominique Amouroux 1 À l’occasion de la réalisation de leur propre maison, en 1952, trois ans seulement après leur rencontre et l’année même de leur mariage, Marta Pan et André Wogenscky1 engagent la fusion de leurs pratiques. Commencé à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, dans le sud-ouest de la région parisienne, ce processus fécond s’achève un demi-siècle plus tard, au Japon, sur deux des pignons de l’ultime réalisation de l’architecte, l’université des Arts de Takarazuka, près d’Osaka. Entre temps, leurs convictions partagées et une matière commune – l’espace – constellent leur parcours de travaux exemplaires. Leur complicité se décline dans des sculptures en osmose avec le dessein d’André Wogenscky et participant activement au vécu quotidien des architectures que conçoit l’architecte. Inversement, les interventions qui sont confiées à Marta Pan dans les espaces urbains s’enrichissent de la prise en compte des dimensions urbaines et architecturales résultant de ses échanges avec André Wogenscky. Cet apport réciproque, permanent, revendiqué, maintes fois matérialisé, théorisé par des écrits, confirmé lors des entretiens qu’ils eurent avec des journalistes spécialisés, est encore peu exploré. Sans doute est-ce dû à la figure imposée jusqu’ici d’André Wogenscky comme simple collaborateur de Le Corbusier et de Marta Pan comme l’une des éminentes sculptrices de la seconde moitié du XXe siècle. Peut-être fallait-il attendre que les architectes européens – tels les membres de l’agence catalane RCR – assimilent au début du XXIe siècle les propositions des sculpteurs d’avant- garde des années 1980 pour qu’un regard attentif puisse être porté sur le travail de Marta Pan et d’André Wogenscky. Et que se pose la question de la nature des raisons profondes de leurs formes communes2. In Situ, 32 | 2017 Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky 2 La maison-atelier, espace concret d’expérimentation 2 Leur « œuvre croisé », selon l’expression consacrée de François Barré3, débute par un exercice à quatre mains, à deux esprits, à deux complicités les projetant dans le futur d’un quotidien commun qu’ils se sont donné les moyens de partager : leur maison de Saint- Rémy-lès-Chevreuse (fig. 1, fig. 2). Enveloppe unique d’une vie, c’est le lieu de l’imbrication extrême de deux disciplines à un moment très particulier de l’histoire de l’art du XXe siècle : depuis les années 1920, les sculpteurs se sont placés dans une relation nouvelle avec l’espace dont ils cristallisent l’immatérialité et les architectes partent à la rencontre des plasticiens pour conforter leur révolution spatiale et esthétique. Trois décennies plus tard, les vicissitudes de leurs tentatives de rapprochement sont évidentes, de même que l’éloignement des uns et des autres, séparation déjouée par l’affichage de la conjonction des pratiques d’architecte, de peintre, de dessinateur, de créateur de tapisseries et de sculpteur dans la seule personne de Le Corbusier. Faisant fi de ces échecs, André Wogenscky et Marta Pan reprennent cette problématique et la posent comme constitutive de leur vie de couple et de créateurs. Le premier champ d’application en sera naturellement leur maison. Figure 1 Maison-atelier (Saint-Rémy-lès-Chevreuse, 1952). Conçue à deux et habitée par le couple pendant un demi-siècle (1954-2004), la maison met en espace la convergence de deux pratiques qui est aussi celle de deux esprits constamment mobilisés par la création conçue comme un questionnement fécond sur ce qui leur reste à découvrir. Phot. Olivier Wogenscky pour la Fondation Marta Pan-André Wogenscky. © Fondation Marta Pan- André Wogenscky. In Situ, 32 | 2017 Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky 3 Figure 2 Maison-atelier (Saint-Rémy-lès-Chevreuse, 1952). Phot. Olivier Wogenscky pour la Fondation Marta Pan-André Wogenscky. © Fondation Marta Pan- André Wogenscky. Une œuvre ouverte, libérée de tout cloisonnement 3 Celle-ci se lit comme l’imbrication spatiale intime de deux pratiques artistiques – l’atelier de sculpture au rez-de-chaussée, le studio de dessin à l’étage – mais surtout comme une œuvre ouverte au sens figuré comme au sens littéral : leurs deux démarches se définissant comme convergentes, ils ont veillé à éradiquer la moindre cloison susceptible de constituer un obstacle à leurs échanges constants. Proches l’un de l’autre, ils peuvent dialoguer en permanence sur ce qui s’invente, s’élabore, se concrétise… Cette ouverture réciproque sur le travail de l’autre, ces frontières abolies entre surfaces professionnelles et espaces de la vie domestique ne nuisent pas à la qualification de chaque volume. 4 À l’étage, l’esprit de l’architecte est centré sur la planche à dessin par la disposition des murs laissés bruts dans une savante élaboration des proximités, des éloignements, un recours à l’éclairage naturel sans que le regard ne puisse s’égarer dans le vide de la vallée toute proche. Inversement, au rez-de-chaussée, l’atelier baigne dans la lumière naturelle : les baies vitrées sont d’autant plus généreusement dimensionnées qu’elles doivent, en pivotant, laisser entrer dans l’atelier des billes de bois de grand volume et faciliter la sortie des œuvres sculptées. Et, selon la concentration de l’esprit de Marta Pan et son élan créateur du moment, il lui est possible de travailler dans la stimulation d’un volume double hauteur ou la sérénité d’un espace plus bas, glissé sous la chambre disposée en mezzanine, retranscription moderne de la disposition usuelle des ateliers d’artistes. Une mise en valeur hautement symbolique 5 Le haut mur noir – pour que n’échappe à l’œil aucun défaut éventuel des formes sculptées – rebondit sur le blanc du mur opposé, déjouant pour mieux le confirmer l’énoncé de l’architecte sur sa pratique de la couleur : « du blanc, beaucoup de blanc, du noir, un peu de noir et du rouge, une touche de rouge »4. Cette dernière prend ici la forme d’une oblique stridente, la rampe de bois massif sculptée par Marta Pan. Partageant la démarche de l’architecte consistant à faire assumer une double fonction par chaque In Situ, 32 | 2017 Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky 4 élément de l’aménagement intérieur, la sculptrice y intègre l’éclairage de l’escalier sous forme d’un long tube de néon dissimulé dans la masse de noyer. Projeté à l’avant de ce mur, le véritable totem de leur alliance s’impose : imaginé par l’architecte, un robuste corbeau de béton transcende la présence du bloc noir fuselé d’Ébène, la première sculpture en bois de Marta Pan. L’emplacement a été choisi de sorte qu’elle demeure visible pratiquement en tout point de ce parcours spatial que constitue le développement des espaces intérieurs de la maison et la forme retenue symbolise l’accueil de la sculpture par l’architecture. Lorsqu’elle expose à la galerie Arnaud5, André Wogenscky assure la scénographie (fig. 3) – comme il le fera pour chacune de ses expositions – et duplique cette présentation6, marquant une autre porosité que l’on retrouve souvent dans leur œuvre, celle qu’ils instaurent entre leur espace personnel et leurs interventions dans les lieux publics et inversement. Figure 3 Scénographie d’une exposition de Marta Pan. « La galerie est dans la cave » : intrigué par cette inscription, André Wogenscky découvre la galerie Arnaud et se lie d’amitié avec son propriétaire. Marta Pan y expose peu après ses premières sculptures, mises en scène par André Wogenscky et mises en lumière par leur attention commune. Phot. Gérard Ifert/Archives Fondation Marta Pan-André Wogenscky. © Fondation Marta Pan-André Wogenscky. La mutation des objets fonctionnels 6 La maison fixe d’emblée un autre domaine d’interpénétration des démarches : celui des petits objets du quotidien transfigurés par l’intervention du sculpteur : hormis la volumineuse poignée rouge qualifiant la porte d’entrée principale7, la démarche convergente des deux artistes se remarque à peine, car traduite dans des poignées de porte, des loquets, des poignées de fenêtre, une rampe, l’évidement de la porte d’un bar…. Les fermetures des ouïes d’aération des baies de la maison Bandelier à Saulieu (Côte-d’Or, 1957), les porte-manteaux du mur-vestiaire caractérisant l’entrée de la cantine de Marçon (Sarthe, 1957), les rampes des escaliers de la maison de retraite de Luçon (Vendée, 1961) In Situ, 32 | 2017 Fusions. Les démarches symbiotiques de Marta Pan et André Wogenscky 5 comme ceux des foyers Les Marquisats à Annecy (Haute-Savoie, 1963) et Clairvivre à Saint-Étienne (Loire, 1963) exportent les fruits discrets ou manifestes de cette pratique.