L’aud itoire LE JOURNAL DES ETUDIANTS DE LAUSANNE DEPUIS 1982

EDITION SPECIALE CAMPUS CULTURE

PRIX DE LA LES MYSTERES BAD BONN ET CHAMBERONNE DE L’UNIL KILBI

DOSSIER L’info de demain Transformations et enjeux dans les médias romands Toirette et Toirdeau Toirette

feat feat Julie Collet et Quentin Tonnerre Tonnerre Collet et Quentin Julie

édité L’auditoire No 227 // Mai 2015 Retours L’auditoire – FAE // Anthropole – Bureau 1190 // 1015 Lausanne par la COMITÉ DE REDACTION ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO remerciements severine chave, quentin tonnerre, julie collet, françois feldman, les gens du RÉDACTION EN CHEF lucile tonnerre, jeanne guye, fanny utiger, comité dont c’était le dernier Séverine Chave, thibaud laura giaquinto, thibaud ducret, bruno numéro, clémence, olivier, ducret pellegrino, élodie müller, jeremy berthoud, maxime et tous les vieux qu’on va kathleen vitor, yves di cristino, matteo gorgoni, désormais rejoindre dans les DOSSIER valentine zenker, jean-david knüsel, laurent rangs de ceux qui lisent les quentin tonnerre küng, antoine müller, camille logoz, lauréane remerciements, in design de badoux, pascal guignard prolonger agréablement nos CAMPUS ET SPORT soirées de bouclage par des LUCILE Tonnerre corrections plantages successifs, la bière, grégoire gonin toujours, grégoire pour son pain SOCIÉTÉ d’épices qui colle, et vous bande laura giaquinto SECRÉTAIRE ADMINISTRATIf ET COMPTABLE de cons. spread the love. matteo knobel FAE L ’ AUDITOIRE olia marincek IMPRIMERIE centre d’imprimerie des ronquoz (CIR) N° 227 CULTURE BUREAU 1190, BÂTIMENT anthropole JEANNE GUYE 1015 LAUSANNE T 021 692 25 90 Web ET GRAPHISME ÉDITEUR FAE JULIE COLLET E [email protected] www.auditoire.ch

PARUTION 6 FOIS L ’AN sent un économiste déguisé en sein, quesonrédacteurenchef estàpré- breux licenciementsonteulieuenson commune lausannoise,quedenom- a retrouvé L’ Hebdo dansunenewsroom l’égide presqueexclusive deRingier, qu’il Sommaire Génération infobèse marché Nouveaux titressurle 07 redevance TV La 06 interview croisée Guillaume Henchoz: Fabio Lo Verso et 04 Alors que et, plus précisément, en R Quel avenir pourl’information enSuisse DOSSIER Nos chroniques 14 Partons àBora-Bora Anecdotes devoyage 13 Le voyageur estuncon 12 SOCIETE Le Temps Le estpassésous omandie? cinématographiques surlesujet. titres depresse,etmêmedespistes nalisme 2.0etsurlaconcentrationdes des médias,dequoiméditersurlejour views dejournalistesetd’unspécialiste V R consacrer notredossieràl’information en grand«temps»de journaliste, ilétait Unilive etBalélec 23 Les étudiants enphilolisent Dernier albumdeMarc Aymon 22 Les mystères del’Unil 21 CAMPUS Le journalismeaucinéma 11 concentrationdestitres La 10 journalisme Réseaux sociauxet Gratuité del’information 09 2.0? Journaliste, unmétier 08 ous ytrouverez, entreautres,desinter omandie etàsesperspectives futures. - - 24 SPORT Le bacfrançais change 15 FAE MAI 2015 C’EST VOUS QUILEDITES 31 C’EST ABSURDE! 30 AGENDA 25 PRIX DELACHAMBERONNE 17 Bad BonnetKilbi 28 Claire Nydegger, plasticienne 27 Opéra deLausanne: saison15-16 Tulalu?! 26 CULTURE Le BeerPong naturel Athlète noiretargument

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Edito EDITO MAI 2015 3 Bref. On se casse.

e sera bref. Parce que sinon on campus, parce que, entre la liberté

Cva tout de suite me reprocher de d’expression et l’anarchie totale de sa ne parler que de moi, de nous sur- structure, tout – ou presque – lui est Torres Stefano tout, et à cause de moi on va encore permis. Par conséquent, elle raconter partout que L’auditoire ne fait conserve une totale liberté d’action, que de se regarder le nombril – ce de pensée et de critique. Sans vouloir qui, entre nous, n’est pas totalement lui – et nous – jeter des fleurs, son faux, mais bon, on n’assume pas rôle, lorsqu’il est bien réalisé, s’ap- encore totalement cet aspect de proche de celui de service public. Et notre personnalité. ce, non seulement sur le campus lau- Oui, je parle de notre personnalité; sannois, mais également dans les c’est dire à quel point, après six ans autres universités romandes – la fon- de fusion intellectuelle, affective et dation récente du Collectif des administrative, je m’identifie totale- médias estudiantins romands étant là ment à ce satané journal estudiantin pour le rappeler. Plus libre que ses que je m’apprête à quitter sitôt ces grands frères, la presse étudiante ne quelques lignes bouclées. Je pourrais rassemble pourtant, forcément, que faire un édito larmoyant à ce sujet, des amateurs bénévoles un peu tarés mais l’on me reprocherait d’une part qui ne tiennent pas beaucoup au bon ce que j’ai mentionné en ouverture déroulement de leurs études. Sans dudit édito, et surtout – comme la compter qu’ils changent chaque remarque a été faite il y a peu à la année – à l’exception du dernier très intéressant pour nous-petits-étu- rédaction par un illustre journaliste qui comité qui a démontré une certaine diants-principalement-lettreux-et- se reconnaîtra sans aucun doute – de prédisposition au squat. L’auditoire opportunistes, L’auditoire constitue ne pas rédiger un édito qui est donc en perpétuelle recherche de une formidable formation – on éditorialise. l’équilibre entre la continuité issue de apprend vite quand personne ne nous trente ans d’existence et le renouvel- apprend, finalement – ainsi qu’un De la nécessité d’une presse étudiante lement annuel de sa rédaction. tremplin non négligeable pour tout Maintenant que chacun sait ce qui ne aspirant journaliste. Ce qui vous per- l’attend pas, attaquons le vif du sujet: Une presse libre mettra d’ailleurs, peut-être, qui sait, la nécessité du journalisme estudian- de retrouver les noms du feu comité tin. Récemment, une bande d’indivi- rassemblant des 2014-2015 au bas de quelque article dus anonymes a pondu un demi-audi- amateurs béné- ou en signature de quelque reportage toire poétiquement baptisé L’inaudible voles un peu tarés dans les médias des grands, des et subtilement installé à la place de adultes, quoi, de ceux qui ne sont pas notre bébé de papier dans nos cais- du genre à terminer leur bouclage par settes – peintes à la sueur de notre Ce mélange peut être à l’origine de un barathon jusqu’à six heures du front et au péril de nos vies il y a nombreux problèmes, mais c’est matin. maintenant deux ans. En cause: notre aussi ce qui fait son charme – tout Ceci n’est donc, peut-être, qui sait, incapacité à «relayer» la parole des comme le flou de son administration qu’un au revoir. Julie, Lucile, Quentin, étudiants, et principalement de ceux et de son mode de fonctionnement. Jeanne, Laura et moi-même vous qui «refusent que l’Université soit un Un flou fécond qui a amené le pré- tirons donc notre révérence, non sans lieu de production efficace de savoir à sent comité à organiser pas moins de une certaine émotion – dont les mots rentabilité économique». Le contenu six événements cette année – confé- peinent à rendre compte. On a envi- de L’inaudible – ainsi que notre rences, débats, projections de films, sagé le harlem shake en plein bou- réponse – est disponible sur soirées –, en marge de ses tâches clage, avec diffusion du résultat sur http://auditoire.ch/inaudible, et nous ordinaires rédactionnelles et adminis- les réseaux sociaux, mais finalement n’y reviendrons pas ici en détail. tratives. Pour cela aussi, la presse c’était une blague. Encore une fois, Cependant, ces courageux anonymes étudiante est nécessaire; elle est là vous savez maintenant à quoi vous ont ainsi rappelé l’importance d’une pour ouvrir et/ou modérer le débat, et avez échappé. telle presse qui, au milieu de la plus généralement pour participer débâcle ambiante – voir notre dossier activement – comme toute autre Bref. On se casse. • sur le sujet – est fondamentalement association, sans en être une pour destinée à survivre. Parce qu’elle autant – à la vie quotidienne de échappe aux lois du marché, parce l’université. Séverine Chave qu’elle reste le seul organe de com- Dernier aspect, qui touche peu son munication indépendant sur le lectorat mais qui est très, mais alors P.-S.: soyez gentils avec Thibaud. E dito Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 4 «Un journalisme libre, indépendant, de qualité» Interview avec Fabio Lo Verso et Guillaume Henchoz

ENTRETIEN • Fabio Lo Verso et Guillaume Henchoz sont journalistes. Le premier a fondé le journal La Cité et en est le direc- teur de publication. Le second a cofondé la revue Ithaque, dont il est le rédacteur en chef. Discussion sur les enjeux et les perspectives du journalisme d’aujourd’hui.

auditoire: Vous avez tous deux L’ fondé un journal indépendant. Dans un tel projet, quelle vision du Séverine Chave Séverine journalisme avez-vous voulu mettre en avant? Guillaume Henchoz: En ce qui me concerne, je ne me suis jamais senti comme un chevalier blanc qui devait défendre une posture moralisatrice sur le type de journalisme à mener. Ma compagne et moi avons fondé un journal pour se faire plaisir avant tout. Il y avait une forme de frustra- tion professionnelle, parce que nous avions beaucoup d’idées de papiers que nous ne pouvions placer nulle part, et c’est comme ça que le pro- jet fut lancé. On nous a par la suite très vite mis dans cette posture de défenseurs d’une certaine vision du journalisme, alors que ce fut un pro- jet très spontané. Mais nous avons bien sûr voulu appliquer à Ithaque une nouvelle posture et une nou- velle éthique journalistiques. Fabio Lo Verso: La démarche de La Cité consiste à bâtir une nouvelle presse, dont les traits essentiels sont un journalisme libre, indépen- Guillaume Henchoz (à gauche) et Fabio Lo Verso, deux journalistes qui explorent de nouvelles formes médiatiques. dant, de qualité. Ce journalisme ne peut être désigné comme tel que prendre comme contre-exemples en journalisme qui doit s’établir sur stratégique de La Cité va être définie s’il est pratiqué dans une structure France Mediapart, Arrêt sur image un nouveau socle éthique, c’est par les lecteurs du journal. Ici, les lec- qui est véritablement indépendante. ou Le Canard enchaîné, mais principalement celui-ci: un contrat teurs sont les maîtres de la nouvelle La Cité est née et a été fondée par sinon, tous les autres journaux de de confiance que les journaux éta- presse. Ils la financent, mais ils la ses lecteurs: il n’y a pas eu d’ap- qualité s’appuient sur des struc- blissent avec leurs lecteurs, dans façonnent et ils la développent. C’est ports de capitaux initiaux par un tures de financement tierces, que lequel le financement est public vraiment la clé de la nouvelle presse, groupe, un mécène ou une per- ce soient des privés, des consor- et visible. et c’est cette idée que La Cité sonne en particulier. C’est ce tiums, de l’argent public. incarne. modèle-là d’une nouvelle presse Le modèle économique tradition- G.H.: Je crois qu’il y a tout de qu’on essaye de faire vivre et de Un contrat de nel, fondé sur la publicité et les même d’autres modèles que celui développer. abonnements, est mis à mal – défendu par Fabio Lo Verso. Des confiance avec baisse des recettes liées à la publi- structures d’investigation à très Et en 2015, le journalisme indé- les lecteurs cité, baisse des abonnements et des long terme ont été développées pendant est-il le seul moyen de achats dans les kiosques. Un parte- chez les Anglo-Saxons par s’assurer un journalisme de Ce que fait La Cité est très coura- nariat entre lecteurs et journalistes, exemple. On se retrouve devant qualité? geux, mais je ne pense pas que c’est trouver un nouveau journa- de nouveaux modèles écono- G.H.: Si on replace ça dans l’histoire ce soit la seule parade possible. lisme économiquement viable? miques émergents, une nouvelle économique de la presse, les jour- En tant que lecteur, le plus impor- F.L.V.: Cette idée de partenariat est éthique journalistique, avec une naux n’ont presque jamais été indé- tant est d’avoir une signature et bien sûr fondée sur une nécessité nouvelle répartition de l’argent et pendants: faire un média de qualité, de savoir, en quelques clics, d’où économique, mais elle va plus loin. des nouveaux donateurs. Des ça coûte de l’argent. On peut vient l’argent. S’il doit y avoir un Prochainement, la ligne éditoriale riches donateurs qui soutiennent Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 5 un journal est une alternative éco- le dernier rempart de la démocratie, nomique qui fonctionne, mais à la c’est la vérification: on publie sur les condition qu’il y ait un panorama sites internet des dépêches avant Quand on d’autres modèles également, et que de les vérifier. De plus, beaucoup de le financement soit clair pour les journaux misent tout sur le people, lecteurs. L’essentiel est dans mais la définition même du journa- l’énoncé: il faut que le lecteur ait lisme de qualité en démocratie, n’a rien à accès à la boîte noire. c’est débattre des choses qui sont de l’ordre du changement de la loi Partagez-vous l’idée que le jour- ou des différentes utilisations de nalisme a un principe démocra- l’argent public par exemple. dire… tique, en ce que c’est par des informations, révélées par les En Suisse plus particulièrement, journalistes, que peut se les citoyens sont amenés à voter construire un débat de société? plusieurs fois par année sur des G.H.: Il ne faut pas oublier qu’il y a lois, et sont donc faiseurs de lois. Albert Londres à Camus, en une constellation de sources d’infor- Le principe démocratique des passant par Edward R. Murrow, mations: les blogs, les médias médias est alors encore plus D’nombreuses sont les figures qui ins- publics comme la RTS, la presse important pour garantir un débat personnes qui n’arrivent pas à lire un pirent les journalistes. Enquêter, écrite offrent un panel d’opinions et de fond? texte complexe. Beaucoup de per- mettre sa plume au service de d’expertise. Je crois que si on est F.L.V.: Le Conseil fédéral s’inquiétait sonnes s’arrêtent dans le récit écrit grandes causes… Quoi de plus un peu malin, on sait aller chercher justement parce que les médias qui par manque d’attention. Il faut trouver excitant? de l’information, confronter des disparaissent sont ceux qui font un un moyen pour que la narration jour- En 2015, toutefois, la situation est sources différentes. L’éducation est journalisme de qualité. Les médias nalistique, que ce soit sous forme de extrêmement préoccupante et les essentielle: il y a quelque chose à qui restent commencent à déman- reportages ou d’analyses, soit abor- perspectives d’avenir paraissent bien faire au niveau de l’école pour teler l’éthique même du métier et dable pour tout le monde. L’innovation ternes pour les journalistes en herbe: apprendre à lire de manière critique. font moins d’articles de débat. Un technologique passe par une narra- licenciements massifs induisant, Du moment qu’on a les outils critère de qualité d’un journal, c’est tion qui ne soit plus seulement axée pour ceux qui gardent leur poste, de nécessaires, on peut aller correcte- d’évaluer la dose d’articles utiles sur l’écrit comme aujourd’hui, mais travailler plus vite – et moins bien, ment trouver des informations. aux citoyens pour aller voter et com- intègre tous les moyens, le son, le par conséquent; perte d’indépen- visuel, la réalité augmentée. dance par la faute des grands Apprendre à lire groupes de presse qui pourrissent le de manière Le grand patron marché avec d’imbuvables cartels; magnat de la manque de moyens pour financer critique enquêtes et reportages; propension presse est un peu à tendre vers des formats plus F.L.V.: Je peux citer le rapport du courts, moins étayés et, bien sou- Conseil fédéral en 2011, qui s’inquié- le maître du vent, moins pertinents; écrire pour tait des bouleversements des pro- monde un lectorat d’analphabètes – ou, du fessions des médias, pour le rôle moins, qui n’aime plus lire; rédiger que ces derniers jouent dans la for- G.H.: Jules Verne a déjà écrit l’his- dans le seul but de faire du clic; etc. mation de l’opinion publique. Il y toire de l’avenir du journalisme. En Byzance semble bien loin, à l’instar avait deux facteurs majeurs. Le pre- 2184, le journalisme se pratique de l’image d’Epinal qui voit le journa- mier, économique: avec le départ dans une sorte de monstre media liste comme un pilier de la des annonceurs et des publicitaires, center, avec des journalistes qui démocratie. la branche n’avait pas trouvé un bossent à la chaîne et produisent de Certes, il y a des résistances: des modèle économique de remplace- petites informations très courtes. Le médias indépendants qui se battent ment. Et le deuxième était la mau- gros de l’information passe par le avec ce qu’il leur reste, des rédac- vaise utilisation d’internet, qui était téléphone: il y a des cabines partout, tions régionales qui s’échinent à exé- une sorte de «rédaction-poubelle»: prendre le monde autour. Cette vous décrochez et mettez un peu cuter au mieux les tâches qui leur les rédactions mettaient en ligne dose se réduit aujourd’hui. Avec la d’argent, et ensuite vous écoutez les incombent et des journalistes free- des bobards, et vérifiaient ensuite crise des médias, on réduit le informations. Le grand patron lance qui croient encore en leurs l’information. Le Conseil fédéral nombre de pages en gardant sur- magnat de la presse est un peu le idéaux. Il y a aussi des rédacteurs soulignait que si le rôle des médias tout les pages de divertissement, au maître du monde, qui juste après le qui font simplement ce qu’on leur dans la démocratie n’était plus détriment des pages politiques. champ rédactionnel du prochain jour- demande, troquant leur passion du assuré, l’article idoine de la nal, règle les conflits internationaux. journalisme pour un job alimentaire. Constitution allait être trahi. Il y a eu Quelles nouvelles opportunités y À coups de téléphone bien évidem- Ceux-là sont victimes des vautours un deuxième rapport en 2015, avec a-t-il pour le journalisme à l’ère ment, qui n’existait pas encore à qui ont fait de l’information un objet des termes un peu édulcorés, mais d’internet? l’époque. • de consommation comme les le constat est le même. F.L.V.: J’ai toujours prôné une colla- autres. boration entre journalistes, lecteurs Ce que ces moins-que-rien n’ont pas Comment évaluer si des informa- à la base, universitaires et geeks, compris, c’est que l’on fait du journa- tions sont conformes à un prin- c’est-à-dire hackers dans le bon lisme pour servir la démocratie et le cipe d’intérêt public? sens du terme. Ces derniers sont droit de savoir. Si l’on en est inca- F.L.V.: Je suis membre d’une fonda- capables d’apporter une véritable pable, autant se taire. Et, en 2015, le tion zurichoise, qui, la première, a innovation pour de nouvelles formes silence devrait nous assourdir. • posé ces critères en 2010. Il y a une de narration. chose qu’on viole allégrement, et En Suisse par exemple, il y a un mil- Propos recueillis par qui est pourtant considérée comme lion d’illettrés, un million de Elodie Müller Quentin Tonnerre Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 6 Redevance: financer ou fustiger la SSR

VOTATIONS • Le 14 juin prochain, le peuple suisse est amené à voter pour accepter ou non une révision partielle de la Loi sur la radio et la télévision (LRTV), portant sur le mode d’encaissement de la redevance. Derrière une apparente simplicité, les enjeux sont grands, de même que les moyens déployés pour convaincre. Eclairage. r. lus simple, plus juste, moins le permet également, si ce n’est D cher: OUI à la LRTV le 14 juin encore mieux, puisque podcasts et «P2015» – car nous ne votons pas uni- replays peuvent être consultés sur le quement sur les bourses d’études le même support. Un autre problème du Baisse de la mois prochain. La révision de la LRTV, système actuel est le déséquilibre au Loi sur la radio et la télévision, est sou- niveau des entreprises: certaines mise au vote populaire suite au réfé- d’entre elles paient la redevance tan- redevance rendum qu’y a opposé l’USAM, Union dis que d’autre en sont exemptes, suisse des arts et métiers. Cette orga- sans que l’on puisse clairement expli- nisation est proche de l’UDC (Union quer ces différences de traitement. démocratique du centre) et son direc- «Actuellement, ceux qui paient 462 teur est rattaché au parti. L’initiative francs par année paient pour ceux qui prévoit un changement du mode d’en- ne paient pas, soit les entreprises», caissement de la redevance, soit la explique Valérie Perrin. A l’avenir, si la taxe imposée à la population pour loi passe, toutes celles dont la recette à la financer la radio et la télévision est supérieure à 500’000 francs seront publique. En Romandie, il s’agit bien taxées, ce qui revient à dire que 75% sûr de la RTS, c’est-à-dire la Radio des entreprises suisses seront exoné- Télévision suisse – nombreux sont les rées et 9% d’entre elles verront leur LRTV acronymes dans cette affaire. Nous taxe réduite. Car la révision permet, en Oui avons rencontré Valérie Perrin, secré- faisant passer tout le monde à la taire au Syndicat suisse des mass caisse de manière systématique, parti- seul du montant de la redevance, et éclairage médiatique. «C’est cette media (SSM) à Lausanne, pour com- culiers et entreprises, d’amoindrir la s’inquiète sur la base de statistiques idée que le privé, c’est ontologique- prendre les enjeux de la campagne. facture annuelle à 400 francs et de erronées d’une possible augmentation ment mieux que le public, que c’est supprimer la charge administrative de allant jusqu’à 141000 francs juin d’ici plus2015 efficace, plus équitable... Ce qui Pourquoi changer? Billag et des foyers qui n’auront plus à quelques années – une prédiction sur- est un aberration parce que ce n’est Actuellement, la redevance est récol- s’annoncer. prenante pour une initiative qui pas du tout vrai. Il y a des tas de tée par une filiale de Swisscom, Billag, Mais les premiers bénéficiaires de la compte baisser les coûts. Selon eux, choses que le public fait bien mieux, LRTV Loi sur la radio et la TV et s’élève à 462 francs par année et révision seront éventuellement les la redevance est un impôt déguisé, dit Valérie Perrin. Leur but, c’est de par ménage. Notons qu’il revient aux média régionaux (et donc privés) qui «un piège fiscal». démanteler les services publics pour ménages disposant d’appareils de disposeront de 6% de la redevance au Enfin, les opposants s’attaquent à confier tout aux privés. Ça, c’est l’en- réception de s’annoncer auprès de lieu des 4% aujourd’hui. «Ces 30 mil- l’étendue et à l’emprise gigantesques jeu politique.» Les partisans du non ne Billag, qui est à son tour chargée d’in- lions en plus leur permettraient enfin de la SSR dans le paysage médiatique défendent donc pas le statu quo, mais former la population de cette obliga- de former leur personnel. Ça augmen- et économique suisse, avec ses dix- anticipent un débat prévu pour l’année tion, ainsi que d’effectuer des terait la qualité», précise la sept chaînes lui appartenant. «Depuis prochaine, après que des rapports contrôles réguliers pour limiter le syndicaliste. quelques années maintenant, la petite seront parus. «Il y a un groupement nombre de resquilleurs. Ce mode de musique néolibérale qui domine en d’intérêt de la droite générale qui dit fonctionnement a été jugé inconve- La SSR controversée Suisse fait que la SSR (...) fait www.lrtv-oui.chl’objet que la SSR doit arrêter de diffuser, nant et dépassé: en effet, aujourd’hui, Une mince affaire a priori. Toutefois, la d’attaques très agressives en Suisse c’est le rôle des privés, et juste fournir il n’est plus nécessaire de posséder campagne des antis menée par alémanique. Jusque-là, la Suisse des contenus. C’est assez intelligent une radio ou une télévision pour profi- l’USAM et l’UDC est virulente, surtout romande était épargnée», raconte d’ailleurs comme idée, mais ce serait ter des programmes. Internet, devenu en Suisse alémanique. Pourquoi Valérie Perrin. Cette initiative, «c’était la fin de la SSR, confie la syndicaliste, omniprésent à l’ère des smartphones, dépenser tant d’argent pour un du pain béni pour l’UDC et l’USAM inquiète. Si cette révision ne passe réglage administratif qui semble arran- pour tirer sur la SSR». pas, ça donne un peu le ton: ce n’est POUR INFO ger tout le monde? Leur premier argu- pas très bon pour le débat futur.» La RTS appartient à la Société suisse ment est la double facturation pour les Contre le service public Face au problème, la SSR adopte une de radio et télévision, que l’on appelle entreprises et leurs collaborateurs qui Il apparaît que ces reproches ne sont attitude schizophrène: «Ils ont telle- plus couramment la SSR (ou SRG en paient déjà chez eux. Cela poserait pas directement liés à la loi sur ment peur des attaques qu’ils ne se allemand). Cette entreprise dispose effectivement problème si la rede- laquelle nous votons mais à une ques- défendent pas. Ils font profil bas». Un de l’un des plus gros mandats de ser- vance suivait une logique d’imposition tion de fond beaucoup plus délicate et climat que Valérie Perrin déplore: «Je vice public du pays, puisque la par tête; or l’on paie par ménage, soit prématurée: la légitimité du mandat de pense qu’il faudrait non seulement Constitution prévoit qu’elle doit four- par lieu doté d’un accès à la radio et à service public octroyé à la SSR et son réagir mais surtout prendre les nir des chaînes dans chacune des la télévision. Dès lors, il semble cohé- périmètre. C’est le grand combat idéo- devants». Une affaire à suivre quatre langues nationales et des pro- rent d’inclure toutes les institutions logique entre le public et le privé que donc... • grammes dans tous les domaines répondant à ce critère. l’USAM et la droite libérale amènent (information, divertissement, sport, L’USAM critique également la supré- sur le tapis, profitant de la modifica- culture). matie du Conseil fédéral, qui décide tion de la LRTV pour générer un Jeanne Guye Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 7 Nouveaux médias, nouveaux enjeux

CRéATION DE MéDIAS • Quelle place pour les nouveaux journaux papier dans le paysage médiatique actuel? Dans un climat de concurrence accrue, les nouveaux titres peinent à garantir une longévité sur le marché et cherchent des solutions.

ernard Poulet, ex-rédacteur en nouveau média en format papier, il méthodologie pour réussir», Grâce aux applications mobiles et aux chef du mensuel économique faut savoir définir une stratégie explique Mathieu Chappuis. compléments vidéo, le numérique Bfrançais L’Expansion, annonçait dans financière et marketing solide, cer- Toutefois, il n’omet pas de préciser serait la cause de la perte de vitesse l’un de ses ouvrages son pessi- ner les besoins du public et être à que seule la passion permet de de la presse traditionnelle. misme pour l’avenir de la presse l’écoute du marché, comme le fait faire vivre le projet. Contrairement Cependant, Mathieu Chappuis rap- papier, condamnée à disparaître par exemple Vigousse, unique offre aux idées reçues, la chance n’ex- pelle que les deux formes d’informa- selon ses dires. Et pourtant, tout le satirique de Suisse romande. plique qu’une petite partie du suc- tion peuvent cohabiter: «Le travail monde n’est pas prêt à corroborer cès des grands projets. En effet, le d’investigation ne pourra jamais mou- ses propos. Mathieu Chappuis, «Les premiers plus important est de «se créer un rir et le papier gardera toujours un rédacteur en chef de Sport Addict – réseau» et posséder – en bonus – avantage conséquent sur le numé- magazine sportif lancé il y a une mois, il faut une touche d’humilité et de… rique», ce dernier étant un complé- année – conteste cette affirmation. travailler à 200%» professionnalisme. ment informationnel plutôt qu’un concurrent. • Créer une «entreprise stable» En créant une entreprise de type Négocier au mieux le tournant Il adresse un message encourageant S.à.r.l., Sport Addict a su se donner numérique face à l’obsolescence potentielle du de la crédibilité: «Les premiers Le numérique est une épreuve pri- papier journalistique et revalorise la mois, il faut travailler à 200%, il y a mordiale pour les médias modernes. place attribuée aux nouveaux titres. beaucoup de domaines à régler et il Le journalisme a en effet évolué de Pour réussir une bonne entame et faut gérer les coûts que l’entreprise manière drastique avec l’avènement permettre l’implémentation d’un génère. Tout cela implique une de nouvelles formes d’information. Yves Di Cristino Génération «infobèse» SURINFORMATION • L’information à l’ère du numérique se caractérise par sa quantité et sa rapidité. Deux dynamiques qui altèrent sensiblement les mécanismes de mémoire et la survie des mobilisations sociales.

nternet change le monde, le rapport parle aussi d’infobésité, selon le néo- phénomène «Je suis Charlie», à titre de l’information. Pour le moment, des individus à l’information y com- logisme formulé par David Shenk, un d’exemple, s’est dégonflé aussi rapi- l’équation selon laquelle plus d’infor- Ipris. Des recherches s’intéressent à des principaux auteurs sur le sujet. dement que son explosion. Mais mation signifie être mieux informé ne cette évolution et un lien étroit s’éta- Le problème n’est pourtant pas seule- nous connaissons tous d’autres semble plus aller de soi à l’ère du blit entre technologies de l’informa- ment la mise à mal de notre mémoire exemples de mobilisations sociales numérique. Tout au plus ce scénario tion et le concept préexistant de sur- à court terme mais également notre rendues possibles par le biais du donne-t-il raison à l’assertion selon charge informationnelle. incapacité à faire articuler ces infor- web, d’Occupy Wall Street au laquelle trop d’information tue Pour l’illustration: le web s’apparente mations éphémères en un tout cohé- Printemps arabe. Des millions de l’information. • à un robinet ouvert débitant une infor- rent. Réseaux sociaux, journaux en tweets, de likes et de partages, un mation en continu. Les internautes ligne, blogs et autres plates-formes élan foudroyant, y compris le nôtre… Matteo Gorgoni sont comme des verres qui se rem- numériques: la quantité et la rapidité et après? Pas grand-chose, à dire vrai. plissent continuellement. Une fois le du flux affectent aussi la formation et L’internaute s’ennuie vite et saute verre rempli, l’eau entre sans arrêt et la stabilité d’une opinion publique et d’indignation en indignation selon les provoque mécaniquement un reflux donc une compréhension personnelle circonstances. Les masses se vers l’extérieur. De même, soumis à des événements. laissent séduire par le buzz, pas tant un flux continuel d’information, nous par la cause. en chassons une partie pour faire de Internet et mobilisations sociales la place à une nouvelle. Dès lors, nous Conséquence éventuelle de ce der- L’internaute perdons et remplaçons régulièrement nier constat, après la mise à mal du l’information momentanément stoc- stockage d’information, le délitement s’ennuie vite kée. Les informations se succèdent des mobilisations sociales mérite Bref, quantité et rapidité de l’informa- donc à un rythme effréné, à longueur aussi que l’on s’y attarde. Si le web a tion, mais aussi qualité et liberté d’ex- de journée, sans que l’on parvienne à déjà fait ses preuves en tant que pression. Autant d’éléments qui les assimiler. Un constat sur lequel canalisateur de revendications structurent la problématique et sti- semblent converger les principales sociales, il se caractérise également mulent le débat intellectuel. Vers recherches sur les révolutions des par l’instabilité et la vulnérabilité du quelles solutions? Probablement vers technologies de l’information. On consensus conquis sur internet. Le un tri et une classification Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 8 Journaliste, un métier 2.0? ADAPTATION • Que ce soit au niveau du contenu ou du contenant, des changements à la fois technologiques et managériaux obligent les rédactions à se réinventer. Qu’en pensent les journalistes? Eléments de réponse à la Tribune de Genève.

ronie du sort, ou hasard du calen-

drier: à l’heure à laquelle ces lignes K loos Lea Isont écrites, les équipes du quoti- dien Le Temps déménagent de la rédaction principale à Genève. Le siège du journal se trouvera à l’avenir à Lausanne, dans une newsroom partagée avec les collaborateurs de L’Hebdo. La volonté de l’éditeur Ringier de rassembler les deux rédactions pour favoriser les «syner- gies» n’est pas nouvelle. Entre la Tribune de Genève et 24 Heures, un tel fonctionnement existe depuis 2007 pour ces deux titres d’abord gérés par Edipresse, devenu Tamedia. Il ne s’agit toutefois pas de fusion, seule une partie des pages de chaque journal étant partagée. «C’est le cas des rubriques Monde, Suisse et Economie, qui produisent 90% de contenu commun. Cela per- met d’augmenter les effectifs à dis- position par rubriques par rapport à la situation où chaque rédaction tra- vaille dans son coin, explique Denis Le Temps et L’Hebdo emménagent dans la newsroom. Etienne, rédacteur en chef adjoint à la Tribune de Genève. La qualité n’en aujourd’hui comme un «titre multi- journées de Frédéric Thomasset, même: intéresser le public. Comme souffre pas, bien au contraire. La média». Principale conséquence: la membre de l’équipe web. Et cela ne les lecteurs ‘‘zappent’’ de plus en possibilité de reportages augmente démultiplication des vitesses de tra- se fait évidemment pas sans «déve- plus, il faut être inventif et assurer la quantitativement aussi. De plus, il vail. Le responsable en dénombre lopper de nouvelles compétences et meilleure qualité possible», relève serait inutile de rédiger deux articles au moins trois : «immédiate, journa- assurer la coordination avec les Roland Rossier. très similaires sur un même sujet de lière et à moyen terme». Un besoin autres équipes». Ou quand la pres- politique zurichoise», poursuit-il. Les d’immédiateté qui fait augmenter la sion vient d’un lectorat pressé et Equilibre encore instable pages locales, qui emploient le plus cadence de publications et modifie avide d’instantanéité. Tant la nouvelle cohabitation entre grand nombre de journalistes, l’organisation interne de la rédaction. Malgré tout, la place accordée aux «print» et «web» que les synergies restent distinctes pour répondre aux Parmi les journalistes de la Tribune reportages et aux articles plus fouil- apparues entre les rédactions pro- attentes des deux lectorats en de Genève, le sentiment se lés reste considérable autant dans voquent des mutations profondes en termes de sensibilités divergentes. confirme. L’exigence de rapidité l’édition papier que sur le web. Ce Suisse romande. Lors d’une table génère un besoin de hiérarchisation dernier devient dans ce cas un sup- ronde organisée au Salon du livre et Et internet fut toujours plus important au détri- port aux multiples possibilités inte- de la presse de Genève, le rédacteur En parallèle des questions de regrou- ment, parfois, de la qualité des infor- ractives et ludiques mais non moins en chef de L’Hebdo, Alain Jeannet, a pement et de rachat par des groupes mations retenues. Une sorte de chronophages. Des conditions pas présenté la newsroom de Lausanne de presse, les quotidiens composent «journalisme total soumis à la dicta- toujours faciles à gérer mais indis- comme une «structure au service désormais avec une présence active ture du temps et des délais», décrit pensables, selon la Tribune de d’un projet journalistique». Un projet qu’ils doivent assurer sur le web. Roland Rossier, chef de la rubrique Genève. «L’apport d’une ‘‘valeur sur lequel parie également Stéphane Depuis le début de l’année, les sites économique. ajoutée’’, d’une information ou d’une Benoît-Godet, rédacteur en chef du de 24 Heures et de la Tribune de Plus question de penser uniquement analyse nouvelle est essentielle. La Temps: «Nous devons miser sur la Genève ont ainsi fait peau neuve afin au numéro du lendemain. Il faut ali- qualité des articles assure notre ren- valeur rédactionnelle en ligne face de proposer une «actualité augmen- menter constamment le site inter- tabilité et, par conséquent, notre aux réseaux sociaux. L’offensive col- tée» à leurs abonnés. «Le change- net. Les «journalistes web» se sont pérennité», précise Denis Etienne. laborative 2.0 est lancée… • ment d’univers est total. Il y a envi- ainsi multipliés dans les rédactions. Concernant le choix des sujets, en ron huit ans, peu d’entre nous «Se démarquer des dépêches revanche, on n’observe apparem- imaginaient intervenir régulièrement d’agence, penser multimédia, s’ap- ment pas de grands changements. sur le web», se souvient Denis proprier de nouveaux outils pour La multiplicité des supports permet Etienne. Et de rappeler que la diversifier les contenus», autant de répartir convenablement les Tribune de Genève se définit d’activités qui remplissent les articles. «La contrainte reste la Valentine Zenker Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 9 Ces «gratuits» qui coûtent cher

INTERVIEW • La publicité finance en grande partie les médias. C’est parfois même la seule source de revenu. Décryptage des implications de ce mode de financement avec Olivier Voirol, sociologue des médias à l’Université de Lausanne.

u’est-ce qui caractérise l’in- la captation de cette attention par Quelles sont les implications pour situation, non pas à partir d’une formation offerte par les l’audience potentielle. Cela en la qualité du débat public? seule perspective réduite à une opi- Qmédias gratuits? devient même une obsession. Pour Sur la base d’une telle information, nion ou à un jugement, mais à partir Olivier Voirol: Précisons d’emblée ce faire, il s’agit de ratisser large, il n’y a pas de véritable opinion à for- d’une variété de points de vue. que ces informations ne sont pas d’intégrer une masse de destina- mer. On peut en rire, plaisanter, se C’est l’idée de recoupement des gratuites. Elles sont soumises à un taires potentiels. On privilégie alors lamenter, s’amuser... Mais, fonda- points de vue, fondatrice du journa- échange marchand: nous disposons les informations passe-partout que mentalement, il n’y a pas matière à lisme depuis le XIXe siècle. Elle doit de certaines informations en chacun saisit d’emblée: les faits être d’accord ou pas d’accord, nous permettre de savoir ce qui se échange d’une part de notre temps, divers, la météo, les accidents, les aucun enjeu collectif ou politique de joue dans notre monde, de saisir de notre attention. Le média vend petites énigmes ordinaires, la vie fond n’est engagé. Le coût est donc ses enjeux, ses conflits, ses orienta- aux annonceurs une part de notre des stars, etc. Et plus la charge considérable, celui de l’appauvrisse- tions, dans leur richesse et com- expérience. émotionnelle est grande, mieux ment de la connaissance du monde plexité. Elle doit le problématiser, c’est. dans lequel nous vivons et agissons par l’enquête, au-delà de sa superfi- En quoi un financement par la Lorsqu’elle aborde les enjeux col- et de la possibilité de former des cialité. Une telle information est publicité baisserait-il la qualité de lectifs ou politiques, cette informa- opinions fondées à son propos. indispensable à tout espace public l’information? tion les lisse, les simplifie à l’excès, démocratique. • C’est un processus. L’agent qui réduisant, par exemple, la question Qu’est-ce qu’une bonne vend cette part d’attention à des politique à une simple apparence, à information? Propos recueillis par annonceurs doit s’assurer quelques formules superficielles. Elle doit par exemple rapporter une Jean-David Knüsel L’oiseau de malheur RéSEAUX SOCIAUX • Le monde de l’information et de la communication est fait de révolutions. Dernière en date, l’arrivée des réseaux sociaux enthousiasme, inquiète ou effraie; interroge en tout cas. Quels apports pour le journaliste?

epuis le succès planétaire de #EnQuoiÇaNousIntéresse les réseaux sociaux. Ce qui permet cache un community manager, dont les Facebook, lancé en 2004, les Produit symptomatique d’une société ensuite de savoir où envoyer des communications doivent être prises Dréseaux sociaux fleurissent sur la toile. hyper-individualiste, les réseaux journalistes pour réaliser leurs repor- avec le même recul que tout communi- Comme pour toute nouveauté, le sociaux permettent avant tout à cha- tages», explique Magali Philip. qué de presse officiel. monde s’est divisé en deux lors de leur cun d’exposer sa petite vie et de Mais les journalistes peuvent aussi Autre danger, selon Magali Philip: «Ne généralisation: les hyper-enthousiastes, donner son opinion personnelle sur à exploiter les réseaux comme nouveau faire que ça.» En somme, oublier le qui se sont rués sur ce nouvel outil, et peu près tout. D’où un certain moyen de communication, notamment contenu au profit de la forme, au lieu les sceptiques, qui ont abordé la chose mépris de la part de ceux qui en imaginant des contenus spécifique- d’imaginer les différents formats dans avec méfiance. Les journalistes ne font dédaignent pourtant ainsi une source ment pensés pour ces nouvelles une logique de complémentarité: «Il pas exception à la règle. Magali Philip, non négligeable d’informations. plates-formes: «France Info, par faut conserver les spécificités de journaliste RTS en charge de l’émission Car les réseaux, et principalement exemple, utilise souvent Periscope [une chaque média. Les réseaux sociaux Sonar – dont la mission est précisé- Twitter, sont de véritables plates- application rachetée par Twitter, qui per- permettent d’exploiter un format court ment d’analyser l’actu sur et vue par formes où l’on retrouve absolument met de suivre en streaming des vidéos et dynamique. Mais le web peut aussi, les réseaux sociaux –, également de tout: dépêches des agences de réalisées en direct] lors de ses opéra- par ailleurs, recevoir des longs formats enseignante au Centre de formation presse, communiqués d’institutions tions spéciales», raconte Magali Philip. en y apportant de l’interactivité, des journalistes (CFJM), constate que officielles, prises de position des comme dans le cas des web-documen- de manière très générale, c’est même politiciens, articles de presse ou Les dérives taires par exemple.» plutôt la méfiance qui l’emporte pour le commentaires personnels de N’oublions point, cependant, qu’il s’agit Diaboliser ou évangéliser les réseaux moment. Y compris chez les jeunes: journalistes. d’information pure, brute, qui n’attend sociaux: deux comportements qui se «Depuis environ six mois, les étudiants Une multiplicité de sources qui per- que le filtre et le regard critique du jour- révèlent donc aussi contre-productifs en journalisme se montrent plus met ainsi une richesse et une com- naliste qui choisit de la traiter. Car qui dit l’un que l’autre. A la fois source plurielle curieux et ouverts. Mais avant, les plémentarité d’informations difficile- info ne dit pas journalisme, et comme d’information et occasion d’imaginer de réseaux sociaux ne les intéressaient ment imaginables ailleurs. Sans pour toutes les autres, la source doit nouveaux contenus, ils ont beaucoup à pas. Ils veulent tous devenir Edwy oublier ce rapport à l’immédiateté, être vérifiée. Sans oublier que le monde apporter au journaliste. Pour peu que Plenel, mais ne comprennent pas que précieuse dans le monde de l’actu: entier n’est pas sur Twitter – un son- celui-ci ne l’utilise que comme un outil sans les réseaux, Mediapart ne serait «Lors des inondations début mai, on dage d’opinion aura donc une valeur parmi d’autres dans sa mallette. • jamais devenu ce que c’est a pu avoir un œil partout instantané- similaire à celle d’un micro-trottoir – et aujourd’hui.» ment grâce aux photos postées sur que derrière tout compte officiel se Séverine Chave Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 10 Quand les monopoles pointent du nez DIVERSITé • La situation peut sembler paradoxale. Alors que la Suisse compte de très nombreux quotidiens, journaux heb- domadaires et revues spécialisées, elle accuse également une concentration élevée de ces titres dans les mains de quelques- uns. Ces dernières années, le paysage médiatique de la Suisse romande a subi de profondes transformations.

idée n’est pas nouvelle: la plura- més, surtout dans les rédactions. lité des visions et des argu- Mais qui dit concentration des titres

L’ments appelle un débat vigoureux E lodie M üller de la presse écrite, dit également et opportun pour les renversements perte de la diversité éditoriale. La de perspective. Traiter un sujet deux situation des journalistes se dété- fois plutôt qu’une, avoir des com- riore en même temps que la qualité préhensions différentes d’un même de l’ensemble de la presse suisse phénomène, aborder une théma- romande. La presse écrite locale, tique avec un autre axe d’analyse, première touchée de ces restructu- tout cela participe à la mise en place rations, y perd dans la diversité de d’un large cadre de contestations, ses rédactions. «Tamedia et Ringier polémiques et querelles d’idées. ont fait une offre publique d’achat Comme principaux vecteurs de l’in- (OPA) sur la presse régionale, qui ne formation, les journaux doivent par se portait pas bien. Ils ont alors principe refléter ce spectre de développé des sites web pour regards différents sur l’actualité. chaque titre acquis, sur lesquels ils Mais en Suisse, la situation semble mettent la même information, avec problématique depuis ces dernières juste une sorte de coloration régio- années, parce que la diversité de la nale, mais qui n’est pas un véritable presse s’amenuise. journalisme local», explique Guillaume Henchoz, rédacteur en Un éventail de médias qui se chef de la revue Ithaque. Les rapetisse groupes de presse exercent une Aujourd’hui, deux grands groupes Tamedia et Ringier détiennent 85% des journaux papier en Suisse. influence dans le traitement de l’in- de presse se partagent les titres en formation, homogénéisant non seu- Suisse romande. Ringier possède Patrick-Yves Badillo, professeur de concentration réside dans l’augmen- lement les sujets mais aussi la Le Temps, L’illustré et L’Hebdo. communications et médias à l’Uni- tation du taux de rentabilité. manière de les aborder. Tamedia, groupe zurichois, a intégré versité de Genève, a appliqué le Normalement fixé à 8%, il grimpe à à ses activités le groupe lausannois principe de cet indice à la presse 15% lorsqu’un titre est racheté par S’informer autrement Edipresse en 2009, en lui rachetant écrite suisse: en 2012, cette der- un groupe de presse. Ce dernier, Des bastions d’une presse indépen- la moitié des parts. Il détient désor- nière a un indice de 2520, ce qui la attendant un retour sur son investis- dante résistent toutefois. Des solu- mais Le Matin, La Tribune de place dans la partie supérieure de sement initial, opère en effet des tions alternatives existent et elles Genève, l’échelle, alors qu’il était de 1137 en coupes dans le titre pour augmenter permettent de trouver une informa- 24 Heures et 20 minutes. En Suisse 2004 (Le Temps, 16.05.15). D’un sa rentabilité. tion moins homogène. Nouveaux alémanique, un troisième acteur paysage médiatique parcellé, le journaux, sites web, médias dis- joue sur cet échiquier médiatique, la marché de l’information a évolué 900 emplois tincts: l’éventail est large, mais à NZZ. A eux trois, ces groupes vers une agrégation plus importante condition d’aller chercher ailleurs détiennent 85% des journaux papier des titres. supprimés de que dans les médias traditionnels. en Suisse: un appétissant gâteau La Commission de la concurrence 2001 à 2009 La profession journalistique est pro- qu’ils se partagent. (Comco) a approuvé en 2009 la fondément bouleversée, mais cela reprise par Tamedia du groupe Le taux de rentabilité fonctionne permet aussi l’émergence de nou- Ringier possède Edipresse, considérant que cette alors comme une «moulinette qui a velles formes d’information et des fusion ne mettait pas en danger la l’effet de réduire le nombre de modèles innovants. La diffusion de désormais Le diversité de la presse. pages, le nombre de journalistes et l’information n’est plus l’apanage Temps, L’Illustré Plusieurs motions et postulats ont les postes de correspondants à des seuls journalistes ou éditeurs: été déposés au parlement afin de l’étranger», éclaire Fabio Lo Verso, ce processus de diversification des et L’Hebdo mieux règlementer ce processus de fondateur du journal La Cité. Selon sources peut alors constituer une L’indice du HHI évalue sur une concentration, mais ils n’ont pas eu lui, un moratoire sur le taux de ren- forme de résistance contre la échelle de 0 à 10’000 la concentra- de suite. La réponse politique à ce tabilité lors du rachat d’un titre doit confiscation par quelques-uns de tion des parts d’un marché donné en phénomène a donc été faible, être introduit, afin d’éviter les pres- l’information. • fonction de la diversité des action- alors même que pointe le danger sions sur les emplois et la producti- naires. Plus la valeur de l’indice est de la création d’oligopoles. vité. Il donne des chiffres effarants: élevée, plus le marché est sous le Conséquences en chaîne de 2001 à 2009, 900 emplois de la contrôle de quelques oligopoles. Un des effets pervers de la presse en Suisse ont été suppri- Elodie Müller Dossier l’avenir de l’information MAI 2015 11 Le quatrième pouvoir vu par le septième art CINéMA • La fiction peut nous en dire tout autant sur les sujets qu’elle traite que sur la conception qu’en ont ses contem- porains. Les tendances passées et présentes de la presse sont ainsi bien souvent reflétées dans ce puissant outil de commu- nication que sont les images en mouvement. Petit tour d’horizon, bien entendu non exhaustif.

image du journaliste dans la fiction L’ télévisuelle et cinématographique alterne généralement entre deux pôles: 2 A nchorman le vautour avide de misère humaine à offrir à son public voyeur d’un côté, le justicier pugnace en quête de vérité de l’autre.

Le spectacle de l’information Nœud gordien de ces deux représenta- tions opposées, le pouvoir que peuvent exercer sur les médias, en particulier audiovisuels, le public et les intérêts financiers, est régulièrement illustré, souvent par le biais du cynisme et de l’humour noir. Dans Network, pamphlet enflammé de Sidney Lumet à l’en- contre de la petite lucarne, Faye Dunaway pose les choses ainsi: «La TV, c’est du showbiz. Même le journal télé a besoin d’être attractif.» Le film raconte donc l’histoire de Howard Beale, «le premier homme à avoir été assassiné parce qu’il avait de mauvais audimats». Dans une veine plus déjan- tée encore, le dyptique Anchorman drame, soit tu le filmes.» Profitant de qu’une info, si elle n’est pas person- mêmes récits à suspens, comme la nous plonge au cœur d’une chaîne d’in- ce qu’il se retrouve au cœur d’une prise nelle?» The Newsroom nous fait suivre mini-série britannique Jeux de pouvoir fos dans l’Amérique des seventies. d’otage pour couvrir l’incident de l’inté- Will McAvoy, présentateur télé qui ou le film français L’enquête, qui retrace Parfait crétin, misogyne et raciste, Ron rieur, il va manipuler le forcené et aller à décide de quitter sa posture de cen- l’affaire Clearstream et dépeint un uni- Burgundy, le présentateur du journal du l’encontre de la police afin de pouvoir triste mou pour assumer pleinement vers où finance, services secrets, poli- soir, jouit d’une grande popularité grâce exploiter au maximum le drame. Plus un point de vue tranché. Comme le lui tique et médias sont intrinsèquement à sa propension à flatter les bas ins- tard, il expliquera au preneur d’otages: dit son directeur: «Les présentateurs liés. Plus largement, de nombreux films tincts conservateurs de ses téléspecta- «Tu vois ces médias dehors? C’est l’opi- qui ont un avis, ce n’est pas nouveau. traitant du reportage de guerre, comme teurs. Son absence d’exigence le nion publique. L’important, c’est qu’ils Murrow en avait un et ce fut la chute Under Fire, L’année de tous les dangers mènera à créer malgré lui le concept de t’apprécient.» de McCarthy. Conkrite en avait un et ce ou encore Salvador, témoignent d’un l’infotainment: «Au lieu de dire aux Dans Lignes de front, Jalil Lespert fut la fin duV ietnam.» monde où la recherche de la vérité ne gens ce qu’ils doivent entendre, pour- incarne un reporter français parti couvrir résiste que rarement à la raison d’état. quoi ne pas plutôt leur dire ce qu’ils le génocide au Rwanda. Alors que son Le prix du savoir De fait, Le cinquième pouvoir montre veulent entendre?» patron lui martèle que «les journalistes Aux Etats-Unis, les thrillers para- que l’apparition de nouveaux médias ne sont pas là pour changer le monde noïaques des années 1970 mettent en lanceurs d’alerte comme Wikileaks Observer ou agir mais pour le raconter», il est au scène les mêmes figures de héros fai- pose d’autres questions: pour Julian La problématique de l’objectivité de la contraire convaincu que ses images sant éclater la vérité et se posant en Assange, «le véritable engagement presse et du poids de ses opinions fait peuvent influer sur le cours des événe- véritable quatrième pouvoir. Les exige des sacrifices», mais la vérité également partie des interrogations ments: «Il faut que l’opinion bouge. hommes du président, qui reconstitue vaut-elle vraiment la mise en danger posées par la fiction. Sous une forme Quand l’opinion bouge, les politiques le scandale du Watergate, se termine d’individus, voire d’Etats entiers? de «documenteur», C’est arrivé près de s’intéressent au problème.» sur les deux journalistes du Washington La presse que nous montre la fiction chez vous questionne l’implication du Du côté des séries TV, le héros anglais Post ayant révélé l’affaire, félicités par audiovisuelle est donc indéniablement journaliste dans les événements qu’il de The Hour, en pleine crise du Canal leur rédacteur en chef pour leur action: partie prenante de l’histoire, et par là de couvre: suivant un tueur en série, une de Suez, se voit également dire: «Vous «Il n’en va jamais que des droits de ses implications politiques et équipe de télévision, au départ témoin ne commandez pas l’histoire, l’histoire l’homme, de la liberté de la presse et économiques. • passif de ses actes, finira par y prendre vous commande!» Après que lui et son du pays…» Mais cette «liberté de la part. Personnage cynique et avide de équipe ont prouvé le contraire, il reven- presse» est loin d’être garantie: la collu- scoop, le héros de Mad City n’obéit dique la subjectivité inhérente à sa sion entre médias et politiques est ainsi qu’à une règle: «Soit tu fais partie du conception du journalisme: «Qu’est-ce régulièrement dénoncée dans ces Thibaud Ducret Societe MAI 2015 12 Le voyageur est un con

Bouger • Vraiment? C’est certain. Tous les voyageurs sont-ils des cons? Oui, presque tous. Tous les cons sont-ils des voyageurs? Non, certains cons sont moins cons que d’autres. Beau voyageur, mon bon con, voici pour toi une condamnation du voyage. r. e voyageur est un con, on ne le narcissiques les voyageurs et reven- D répétera jamais assez. Mais qui diquent de ne pas faire partie de ces Lest-il? Un gros con. Oui, mais encore? cons de touristes. Mais le con ne Le touriste, premièrement, est un voyage plus, il circule. Il circule dans con. Ces foules de bobets rubiconds les circuits pour backpackers et s’échappant d’Europe pour quelques autres paresseux du voyage. semaines estivales avec autant de Paresseux, oui. Sans imagination, fureur qu’un condamné à mort s’éva- aussi. Le voyageur croit que la gran- dant de prison. Qu’ils sont cons, ces deur d’un voyage se calcule en kilo- touristes, qu’ils sont cons, ces papas mètres. Il faut aller vite, faire le plus ventripotents épaulés de pulls de d’activités possibles, voir le plus coton clair, ces dindes oranges trop grand nombre de panoramas. Qu’ils peu habillées pour ce qu’on voudrait sont cons. Si c’était le cas, les prési- voir d’elles. Le touriste fuyant l’Eu- dents de grandes nations vous écra- rope, s’évadant en colonie de seraient tous, pauvres cons. Eux, qui vacances, colonisant les littoraux de parcourent chaque année des mil- golfs, hôtels de luxe et autres diver- liers de kilomètres assis dans leur jet tissements pour leurs corps potelés personnel. Ils en avalent des kilo- l’usage du voyageur qui a oublié d’être me souviens de l’histoire d’un voyageur et leurs âmes endormies. mètres, les cons, mais ils ne con, voici quelques pistes. Le voyage qui voyait, devant lui, des cratères voyagent jamais. Les cons aussi n’est pas une affaire de kilomètres, de immenses et infinis, un paysage lunaire Ils en avalent des pensent qu’ils trouveront un remède quantité ou de déplacement, c’est une entouré d’une mer blanche et immacu- à leur ennui en voyageant, mais il ne histoire d’état d’esprit. lée comme la peau d’une femme. Cet kilomètres, les vient jamais. Les paysages se Le voyage, c’est la régénération de sa homme était dans sa cuisine, il man- cons, mais ils ne répètent, les hommes se répètent, capacité à s’étonner comme un enfant geait des corn-flakes. Le voyage, c’est partout dans le monde. Ils sont cons, découvre le monde; c’est sentir l’eau l’imaginaire et ce n’est que ça. voyagent jamais ces voyageurs ennuyés se voulant abreuver son corps et irriguer son âme Quant à moi, je ne voyage plus. Pour héroïques. comme si ce liquide se révélait à nous garder mes illusions, je reste chez moi, Qu’ils sont cons aussi, ces voya- pour la première fois, c’est manger du comme un con. Plus je voyage, plus le geurs, ces idiots du voyage souhai- Peut-on voyager sans être con? pain comme si on découvrait un festin monde s’écroule et je perds mes tant se distinguer des touristes: je Oui, c’est possible, mais il ne faut pas de prince, c’est plonger dans l’eau d’un royaumes imaginaires. • ne suis pas un touriste, je voyage, être paresseux, il faut avoir de l’imagi- lac comme un acte de renaissance, de moi. Ils sont fiers, les cons, ils sont nation. Sans vouloir faire un manuel à baptême. Le voyage est imaginaire. Je Laurent Küng

Chronique Cent mille connards au soleil satirique A toi lecteur né avant 1985, ces quelques lignes ne te diront rien car nous parlons ici d’un temps que les plus de 30 ans ne peuvent pas connaître. Oui, on aime bien Charles à la rédac’.

evenons à nos moutons, c’est- envie de… enfin vous aurez com- téméraires d’entre vous, s’était ne manquait pas de comique. Ou à-dire quelques années en pris le principe. résumée ainsi: plage, alcool, peut-être préfériez-vous voir leurs Rarrière. A l’époque, vous veniez de A peine majeur et mature, c’est en boîte…le tout dans un ordre très compatriotes féminines trébucher quitter les jupons maternels et tout cas ce que semblait insinuer approximatif, il faut l’avouer. A y en string sur leurs échasses, ou votre liberté fraîchement acquise le papier qu’on venait de vous repenser, claquer une telle somme était-ce un short? Quoi qu’il en vous donnait l’impression d’être le remettre entre les mains, vous pour des vacances dont vous pré- soit, le voyage aura été instructif nouveau Chuck Norris de la bois- vous étiez empressé d’aller expéri- féreriez oublier les quelques bribes en vous apprenant qu’il existe son. Rien ne vous faisait peur, vous menter votre nouvelle indépen- qu’il vous reste… Il y a plus pas- encore une colonie anglaise en goûtiez à tout et surtout à n’im- dance dans les hauts lieux de la sionnant comme séjour. Méditerranée et qu’elle est peu- porte quoi: les trojkas vertes, débauche juvénile. J’ai bien sûr Mais qui sait, peut-être que de voir plée de bêtes sauvages qui auront roses, rouges ou oranges n’avaient nommé Magaluf. Au programme? des Anglais courir (ou plutôt titu- à tout jamais détruit en vous le pas de secret pour vous. Non, on Des beuveries, tout simplement. ber) à poil dans les rues, pourchas- mythe du gentleman à la Jude ne parle pas de versions Pokémon Et cette perspective vous mettait sés par des gorilles, plus commu- Law. • mais de ces boissons qui vous dans une telle joie! La semaine, ou nément appelés videurs, méritait donnent aujourd’hui une furieuse les quinze jours pour les plus le détour. Il est vrai que la scène Lucile Tonnerre Societe MAI 2015 13 Voyage: le meilleur du pire

ANECDOTES • L’été approche, les vacances aussi. Pour vous, L’auditoire a récolté les meilleures (ainsi que les pires) histoires de voyages: de la préparation au retour en passant par toutes ces petites choses qui peuvent se passer entre deux.

Yves Engetschwiler Christine Juchler, en 2010 à Krk

Cet été, grand départ le 1er juin, je vais aconnier en Croatie prendre la route à vélo pour un nouveau La plus sournoise? voyage qui va m’emmener sur les routes Céline B Arrêt dans un supermarché, on passe à d’Allemagne, du Danemark, de la la caisse. On regarde de plus près le Norvège, de la Finlande, de la Suède et ticket de caisse. La caissière avait tipé de l’Autriche. L’objectif est de rejoindre le une bouteille d’alcool fort à 40.– fr. cap Nord, point le plus septentrional sans qu’on le voie. (dégoutée) d’Europe, uniquement à la force de mes jambes. Utilisant les moyens de logement tels Coco Mess à Occho Rios en campings, couchsurfing, auberges de Jamaïque jeunesse ou bivouac sauvage, je profite- Le plus surprenant? rai ainsi de rencontrer un maximum de Se faire réveiller à 2h du matin par gens et de partager un moment de leur quelqu’un qui frappe à la fenêtre de quotidien et leur culture. l’hôtel… Ça fait flipper! Puis tu réalises Vous pourrez suivre mon voyage sur le que c’est la patronne de l’hôtel qui site http://www.derailleur.ch vient te proposer un kiwi!? On en a ri pendant longtemps, mais sur le moment… On a vachement hésité à Pierre Rossetti, le 11 novembre lui ouvrir la porte. 2013 à Tbilissi en Géorgie Le plus glauque? Je crois que l’épisode de l’alcoolique épi- Céline Baconnier, octobre 2014 leptique dans un hostel humide et froid sur la Route 66 dans les caves d’un supermarché peut Le plus beau? mériter ce titre. Prendre la route sans savoir où aller, Langue juste pas coupée en deux après n’avoir que l’Ouest comme destination une crise dans le salon commun, du et prendre la liberté de s’arrêter n’im- sang partout sur la moquette, on arrive porte où m’a grisée comme jamais. quand même à ne pas marcher dedans Les panoramas sont incroyables alors en longeant les murs. Et l’infirmier qui que les kilomètres s’accumulent, que nous demande de rester avec pour tra- les heures s’égrènent et que les duire ce que le malheureux a à dire. fuseaux horaires changent. Enfin, déjà qu’on ne parle pas le géor- gien, je crois qu’il a beaucoup de mal à prononcer de toute façon. Nina Kactus, le 16 mai 2015 sur le tarmac de New York City, Pour suivre les aventures de Pierre autour difficulté un bus pour me ramener à Amérique du Nord Pierre Rossetti, le 4 février 2014 à du monde : Yerevan. C’est finalement une dame qui Avant de partir pour un long périple, il y Belo Horisonte au Brésil http://wt-backpacker.jimdo.com appelle son frère, professeur d’allemand, a l’excitation, l’impatience. Mais il y a Le plus torride? pour me trouver un taxi. Ne jamais sous- aussi la peur de se perdre. Pas sur la Encore dans un hostel, cette fois-ci dans estimer l’importance de l’allemand. terre non, mais dans l’univers. De plon- une ville sans grand charme et donc peu Boris Marchand, été 2014 à Kos ger trop au fond de soi et ne pas savoir touristique. Nous amenant à un dortoir en Grèce en revenir. Peur du retour, de ne plus presque vide. Des fourmillements dans Le plus glauque? (bis) Christine Juchler, en 2015 à reconnaître les siens. Oublier le lien, se les jambes au milieu de la nuit, qui Un cadavre allongé sur la plage… le torse Yerevan en Arménie faire oublier de ses amis. Revenir et reprennent après un changement de bombé comme pas permis (poumons La plus classique? être déconnecté de sa famille. Ne plus position? Non, non, non, ce n’est pas nor- remplis d’eau après une noyade). Aéroport de Zvarnots. Un gars qui me savoir comment vivre ici. Comme mal. Effort sur- humain pour ouvrir les demande si je cherche un taxi, je Bilbo, rentrer seul d’une riche aventure, yeux et découvrir un vieux pervers à moi- monte, lui donne un billet de avec un trésor qu’on ne peut partager. tié sous mon lit en train de me caresser Christine Juchler, en 2012, à 20’000 dram (la course en coûte la jambe. Bref, suite à mon désaccord, il Alaverdi au nord de l’Arménie 5’000). Le gars prend le billet, ferme la finira son bonheur aux toilettes qui se Le plus inattendu? porte, tape sur le toit et hop le taxi Collectées par trouvent à environ un mètre et demi de Perdue ne sachant ni parler anglais, ni démarre. Total aéroport – centre-ville Laura Giaquinto, Julie Collet mon lit. russe, ni arménien, cherchant avec 40.– fr. au lieu de 10.– fr. Societe MAI 2015 14

Sexons! Multilingue Un orgasme à la plage O paese do mare

Quand la température monte, notre libido augmente. Le sexe Quand’un’ pens’a Napul’, pense subbet’ o’ sole, a’ pizza, o’ en vacances: mode d’emploi. sfaticamient’ e a’ malavita. r. orsqu’au chaud tu partiras, D nome suoj er’ Paleopolis prima vit’ nunn’è perfett’ ma c’e sta semp’ sta seul ou accompagné tu seras. d’ess’ rinomata Neapolis re’ fiduci’ a San Gennar’ e sopratutt’ a’ LQuoi qu’il adviendra, copuler O’Grec’. Fin allor’ Napul’ è semp’ stat’ na’ sciolt. Si se pens’ e’ belle cos’, se pens’ dignement tu pourras tant que città de core De core pecché chi ce ven’ subbet’ o’ mangià. O’ mangià sì co ces conseils tu suivras. s’innammore. E’ Spagnuol’, e’ Francis’, sapimm’ fa. O’ cafè, a pizz’, a pastiera e Femme, un maillot de bain deux e Normann’, l’Arabe…tutt’ quant’ sann’ sopratutt’ a’ sfugliatell’. Sta sfugliatell’ pièces à ficelles tu porteras. nammuarate ro paese do mare. Mill’ pe’ chill’ carriv’ è na scoperta. Na sco- Homme, du slip de bain tu vot’ conquistat’, Napul’ nun’è sul’ perta particolare pecché ropp’ ca chill’ t’abstiendras. addore e mare com’ o’ dice Pino s’aspettav’ sul a pizz’ e o limoncell’, La journée, du soleil tu te protè- Daniele, Napul’è addor r’eternità. scopre ca ce sta sta tradizione super geras, car avec moult coups de Eterna pecché pur’ si pass’ o’ tiemp’, a raffinata. E allor’ magar’ capisc’ ca nu soleil copuler tu ne pourras pas. napoletanità riman’ e a sape tutto ò sta nda nu post’ qualunque, ma nda nu munno. post’ e contradizion’. Pe’ chill’ ca ven a Napul’, prim’ ver’ E sì pecché Napul’è tutta na contradi- Après avoir gagné forse e’ cart’ nderr’ e pens’che fa schif. zion’. Ce sta a’ malavita, e pur’ a’ gent’ Ropp’ pero s’accorg’ ca’ città è nada è generos’. Ce sta o smog, è pur’ se la partie, avec ta les latrines et les lieux publics fré- cos’. Na cos’ chiù bell’ e assai chiù parti- sent’ na dolcezz’ nda l’aria. • proie tu t’isoleras quentés tu ne copuleras pas). colar’. S’accorg’ ca’ gent’ ten’ o’ sorris’ Respectueux et prévoyant tu seras pur’ sinun ten nient’ anz’. Se sab’ ca’ Laura Giaquinto Avant de partir en piste, un mojito (cf une serviette de bain à portée r. à base de gingembre et de fraises de main tu auras). Dans le sable tu D tu commanderas. Ta vigueur te le ne te rouleras pas et ainsi déman- rendra. En le sirotant, ta proie tu geaisons et brûlures tu éviteras. repèreras. Subtilement, une partie À te protéger tu penseras, car posi- de «beach» strip-poker tu lanceras tif tu ne reviendras pas. L’huile (les cartes tu n’oublieras pas). solaire sur le préservatif tu n’appli- Après avoir gagné la partie, avec queras pas. • ta proie tu t’isoleras.

Les hot spots Barbara de la Chantilly Les endroits exotiques tu oseras, mais les règles élémentaires de la décence tu respecteras (cf dans Itsi bitsi tini ouini tout petit petit bikini…

C’est bientôt l’été. Qui dit été dit vacances, dit soleil, dit plage… et bikini. Seulement, cela n’a pas toujours été le cas. Que portaient nos aïeules à Capri avant que ne débarque ce fameux petit deux-pièces?

n 1960, le bikini n’en est qu’à ses vacances balnéaires, mais elle n’est Pourtant, au tournant du XXe siècle, la à Cannes en 1953, non sans retentisse- premières apparitions en bord de pas universelle. Il reste des représen- mode n’est plus au nombril exhibé. Les ment. Se développe alors l’image de la Emer. Et la jeune fille au «tout petit tations antiques de Grecques ou de tenues de plage s’apparentent aux des- pudique Américaine en opposition aux petit bikini» que chantait Dalida, loin Romaines vêtues de maillots simi- sous habituels, ne dépassent pas la mi- indiscrètes Européennes. Pour peu de de faire la mijaurée, craint en fait le laires à ceux que l’on porte cuisse et l’on n’hésite pas à garder temps pourtant puisque progressive- jugement des commères alentours aujourd’hui. chaussures et chaussettes. Le tissu se ment, thanks to Marilyn, le tout petit ou de tonton Philibert. rapetisse et épouse progressivement bikini se popularise de Miami Beach à Créé en 1946 par le Français Louis Le tout petit bikini les formes, jusqu’à l’apparition du deux- Santa Barbara. Réard, le bikini fait alors scandale. Si pièces, popularisé dans les années L’histoire se poursuit dans les seventies bien que tous les mannequins se popularise de 1940, dont le bas doit impérativement avec son petit frère, le monokini. refusent de le porter, et que seule Miami Beach à cacher le nombril. Dans les années cin- Aujourd’hui, libre à chacune de porter une strip-teaseuse accepte de défiler. quante, le bikini se montre petit à petit ce qu’elle souhaite lorsqu’elle fait bron- La pudibonderie a atteint la société Santa Barbara en bord de Méditerranée. Brigitte zette, du free du frifri au burkini. • occidentale et sa découverte des Bardot marque les esprits en le portant Fanny Utiger FAE MAI 2015 15 Le bac français change, les critères d’admission également

ertain-e-s membres de la com- reconnus, tout en s’assouplissant, la Swiss Universities, ne souhaitant passer par un examen de maturité. munauté universitaire auront cer- moyenne requise étant désormais pas s’y substituer, contrairement à L’Unil continue par conséquent ce Ctainement entendu parler des nou- de 10 et non 12. d’autres, comme par exemple celles qu’elle fait désormais depuis long- veaux critères d’admission sur bac Nous avons donc demandé à la de Genève et Lucerne, qui ont choisi temps, à savoir suivre les recom- français. Suite à différentes interpella- Direction d’expliquer les raisons der- de maintenir les anciens critères mandations de swissuniversities. Le tions provenant de sections au sein rière cette décision, sachant que cer- d’admission. Ces universités, ainsi fait de procéder ainsi permet à l’uni- de son assemblée des délégué-e-s taines universités en Suisse n’ont que celle de Neuchâtel, qui accepte versité de résister aux différentes ainsi que d’articles à ce sujet, la FAE pas adopté ces nouvelles exigences. les bacs ES mais sous condition de demandes des filières qui ne coïn- s’est réunie avec la direction de l’Unil En réalité, ces nouveaux critères réussir un complément de formation cident souvent pas et d’ainsi éviter le 27 avril afin de discuter cette d’admission proviennent des recom- dispensé à l’interne, représentent des phénomènes de concurrence question. mandations de Swiss Universities une anomalie dans le paysage de la entre ses facultés en maintenant ses Dès la rentrée 2015, les étudiant-e-s (anciennement CRUS), qui fixe des formation en Suisse. Demander une critères uniformes au sein de l’insti- détentrices et détenteurs d’un bac critères sur tous les diplômes étran- moyenne supérieure à celle requise tution, afin de ne pas devoir trancher français pourront accéder à l’Univer- gers afin de s’assurer que ceux-ci pour réussir sur un diplôme étranger de manière quasi arbitraire sur diffé- sité de Lausanne avec une moyenne correspondent à une maturité suisse, en particulier et non sur d’autres ne rents diplômes. • de 10, à condition qu’il s’agisse d’un qui se veut généraliste. Suite à la compense pas les éventuelles inadé- bac S ou L avec option mathéma- réforme des bacs français, le bac ES quations du bac français par rapport Marc Wuarin tiques. Les bacs ES ne seront plus ainsi que le bac L sans option mathé- à la maturité suisse en terme de cur- reconnus. Ces nouvelles règles matiques ont été jugés trop peu sus. L’Unil offre également une pro- seront valables pour tout diplôme généralistes pour correspondre à position non disponible ailleurs en entrepris après 2012. Ces nouvelles une maturité suisse. L’Université de Suisse, à savoir les examens préa- exigences se durcissent d’un côté, Lausanne a, par conséquent, suivi lables, permettant d’entamer un cur- en excluant le bac ES des diplômes les recommandations des experts de sus à l’âge de vingt ans déjà, sans

Débat sur les bourses d’études

undi dernier, 11 mai 2015, vous collaboration entre les associations avez peut-être eu la chance de voir estudiantines du campus comme il en Ldébattre notre recteur Dominique existe peu. En effet, pas moins de 11 Comité HE C Arlettaz ainsi que Benoît Gaillard, pré- associations, à savoir la Fédération des sident du Parti socialiste lausannois, Associations d’étudiant-e-s de l’UNIL opposés à Cristina Gaggini, présidente (FAE), le Comité HEC Lausanne, le romande d’EconomieSuisse et Comité Science Politique (COSPOL), Mathieu Blanc, vice-président du Parti l’Association des Etudiant-e-s en SSP libéral-radical vaudois, au sujet des (AESSP), l’Association des Etudiants bourses d’études. Modérés par Nasrat en Droit de Lausanne (AEDL), l’Asso- Latif, rédacteur en chef de La Télé, ils ciation des étudiant-e-s en Lettres ont discuté de l’initiative de l’Union (AEL), l’Association des étudiants en des étudiant-e-s de Suisse pour une sciences des religions (AESR), l’Asso- harmonisation des bourses d’études, ciation des étudiant-e-s en théologie soumise à la votation le 14 juin pro- (AETh), l’Association des étudiant-e-s chain. Celle-ci a soulevé des questions en biologie (LAB), l’Association des comme le «problème» du fédéralisme, étudiants en médecine de Lausanne le coût de la mise en œuvre mais aussi (AEML) et l’Association des étudiants Comité HE C le respect de l’égalité des chances et de l’EPFL (AGEpoly) ont soutenu cet le manque de main d’œuvre qualifiée. événement et ont permis une organi- Ce débat, organisé par la Fédération sation sans faille en un temps record. des associations d’étudiant-e-s (FAE) C’est donc au nom de la FAE que en collaboration avec d’autres associa- j’adresse un grand merci à toutes les tions a été une réussite à plusieurs personnes qui se sont impliquées et niveaux. ont collaboré. Tout d’abord, nous avons reçu de très bons échos du public, qui a aussi A refaire! • démontré son intérêt lors de la séance de questions. Mais cet événement a aussi et surtout été une belle LS page des associations MAI 2015 16 L’engagement politique des étudiantEs à l’Université

POLITIQUE UNIVERSITAIRE • L’engagement politique à l’université souffre, à l’image de l’engagement public, d’un déficit de vocations. Deux raisons peuvent expliquer partiellement cet état de fait : la méconnaissance du fonctionnement de l’UNIL et la remise en question de l’efficacité de ce type d’investissement.

ela peut apparaître comme un pour la première fois, au-delà de la importants que la préservation de la auprès de votre association. De plus, élément connu, néanmoins, il surprise relative à son existence, session d’examen du mois d’août, l’ensemble des postes en commis- Cconvient de le rappeler, l’Unil et ses l’une des premières interrogations les conditions d’accès à l’examen sions, dont celle traitant par exemple différentes facultés ont pour ambition venant à l’esprit consiste à se deman- préalable de l’université ou encore la de l’enseignement au sein de votre de fonctionner de manière démocra- der si ce type d’investissement double taxation des inscriptions tar- filière, sont à repourvoir en début de tique. Autrement dit, l’institution dis- impacte de manière réelle la vie estu- dives, rappelle la nécessité de faire chaque année académique. pose d’un certain nombre d’instances diantine. La question n’est autre que connaître ces instances de délibéra- Au vu de ce qui précède, je ne peux telles que le Conseil de l’Unil (parle- de savoir si les différentes fonctions tions d’une part, mais également de que vous encourager à vous engager ment de l’université), les Conseils de au sein de ces instances politiques de promouvoir avec force l’engagement au sein de fonctions représentant facultés (parlements des facultés) la faculté ou de l’université per- et l’effectivité de ce dernier en leur une charge de travail tout à fait sou- ainsi que les différentes commissions mettent à celles et ceux qui les sein. tenable pour une influence afférentes où les membres du corps exercent de participer au processus certaine. • estudiantin sont représentés. de décision de manière concrète et Engagez-vous! non purement symbolique. Au moment où ces lignes seront L’Unil ambitionne publiées, le délai de candidature pour Des dossiers importants devenir membre de la délégation de fonctionner Après quelques semestres d’acti- estudiantine au sein du Conseil de Antoine Müller de manière vité, il convient de reconnaître que Faculté pour la prochaine législature ces craintes, bien que légitimes, sera écoulé. Néanmoins, il est rare Coordinateur politique de l’AESSP démocratique sont en grande partie infondées. que l’ensemble des sièges soient Représentant étudiant Bien entendu, les étudiantEs n’ont pourvus d’emblée. Dès lors, n’hési- au Conseil de Faculté SSP Lorsque l’on entend parler de la pas les pleins pouvoirs. Cependant, tez pas à prendre contact avec la per- représentation politique à l’université le travail sur des dossiers aussi sonne responsable de ces instances [email protected] Abonnez-vous! Nom Informations à retourner à [email protected] Prénom ou à Adresse L’auditoire - bureau 1190 Unil, Bâtiment Anthropole 1015 Lausanne

N’oubliez pas, vous pouvez aussi nous soutenir à hauteur de n’importe quel montant: envoyez un mail à [email protected] PRIX DE LA chamberonne MAI 2015 17 Prix de la Chamberonne 2e édition PHOTOGRAPHIE • Le dimanche 3 mai dernier, L’auditoire a eu l’honneur de remettre les Prix du Jury ainsi que l’exceptionnel Prix du public aux heureux gagnants de son concours photographique de la Chamberonne. Co-organisé avec le festival Fécule, ce dernier avait pour thème: Le rire jaune.

i chaque année, L’auditoire, journal Sdes étudiants et des étudiantes de Un jury entre histoire, l’Université de Lausanne, organise le K athleen V itor actualité et art Prix littéraire de la Sorge, ce n’est qu’en 2013 que le comité lance un Afin de départager les concurrents, concours mettant en jeu le second un jury touchant à plusieurs aspects élément du journalisme: la photogra- de la photographies est venu prêter phie. Le nom de ce prix était déjà tout main forte à Marie Feihl, directrice du trouvé, Chamberonne, comme la deu- festival Fécule et Séverine Chave, xième rivière qui traverse le campus co-rédactrice en chef de L’auditoire. de Dorigny. Les photos primées ont été choisies Suite à cette première édition, qui par: avait remporté un certain succès Olivier Lugon, professeur ordinaire à avec 35 participants et à une courte l’Unil en section de Cinéma et spécia- pause en 2014, le concours a été liste de l’histoire de la photographie. relancé cette année. Co-organisé en Sébastien Féval, responsable photo partenariat avec le festival Fécule de 24 Heures et ex-photographe de autour du thème du Rire jaune, cette presse. deuxième édition a réuni 24 photo- Mehdi Benkler, photographe. graphes. De plus, cette année, le Prix de la Chamberonne s’est dédou- blé proposant un Prix du public qui les Prix du jury et du public aux heu- treize votes! C’est donc Justine qui Nous remercions tous les partici- résulte d’une première sélection de reux gagnants. De manière générale, remporte le Prix du public. Sa photo- pants et participantes d’avoir pris photographies exposées dans le il a été privilégié les images qui n’es- graphie reprenant la composition de part à cette deuxième édition du Prix foyer de la Grange de Dorigny. sayaient pas d’illustrer le thème du la Cène appliquée à une situation de la Chamberonne. Nous saluons Durant tout le festival culturel univer- Rire jaune trop littéralement ni de plus que contemporaine a visible- leur courage et leur imagination face sitaire, musiciens, comédiens, spec- faire une dissertation autour de cette ment touché nombre d’entre vous. au Rire jaune, thème complexe à tateurs ou simples amateurs de expression. Petite soirée entre amis a, par ail- illustrer de part sa fugacité. Crockus du bon Docteur Gab’s Le jury a décerné le troisième prix à leurs, été saluée par le jury pour sa L’auditoire se réjouit de vous retrou- étaient invités à voter pour la photo La poule aux œufs morts de Margaux mise en scène et son idée, mais ver lors de la prochaine édition! • de leur choix. Bula, qui a séduit pour son aspect considérée comme trop peu origi- C’est également au sein du foyer de «pris sur le vif» et son adéquation à nale pour monter sur leur podium. Julie Collet, Kathleen Vitor la Grange, à l’occasion du souper la fois grinçante et littérale au thème. canadien de clôture du Fécule, que Le deuxième prix est revenu à La L’auditoire a eu l’honneur de remettre Chimère de Ludovic Rime. Cette image a frappé par sa composition, K athleen V itor la subtilité de la présence du jaune, et son aspect à la fois beau et terri-

K athleen V itor fiant. Quant au grand gagnant du concours, ou plutôt gagnante, il s’agit de Fanny Utiger pour sa photo- graphie Rire à moitié vide, en phase avec l’ambiguïté fondamentale du rire jaune. Le Prix du public a, quant à lui, été déterminé le jour même, suite au décompte de vos votes. Trois des images exposées à la Grange ont remporté un certain succès, à savoir, Le soleil souriant de Maria Sole Maimone avec sept votes, Le rire du lion de Mattia Fassora avec neuf votes et finalement Petite soirée entre amis de Justine Grespan avec PRIX DE LA chamberonne MAI 2015 18

Premier prix: Rire à moitié vide Fanny Utiger Cela nous a plu parce que… «Elle est fameuse, cette formule du verre à moitié vide et du verre à moitié plein. Ici c’est pareil: vous verrez sur En phase avec l’ambiguïté fondamen- ce visage une bouche hilare ou des yeux qui se froncent. Car qui rit jaune, si sa bouche rit, peut rarement laisser tale du «rire jaune», la superposition ses yeux mentir. Ce n’est qu’à celui qui le regarde de le comprendre ou non. Et pour ma part, j’y vois donc, un d’images produit ici un trouble rire à moitié vide.» relancé à chaque visionnement, nous faisant hésiter entre le sourire et le renfrognement, la surface et la tridi- mensionnalité, visage humain et créa- L’instant biographique ture inconnue. Du haut de son mètre soixante et de ses dix-neuf ans, Fanny écrit vaillamment dans L’auditoire depuis près de deux Si souvent les superpositions ne ans mais est surtout étudiante en deuxième année de français et d’histoire. Peut-être la voyez-vous parfois, ses gagnent pas les concours, c’est géné- lunettes sur le nez, boire beaucoup de café à l’Anthropole. Elle aime la politique et assume totalement d’écrire dans un ralement qu’elles sont mal agencées «journal de gauchistes». Passionnée par les livres, la musique et la danse, elle ne sait pas vraiment pourquoi elle a ou produisent un effet cheap. Il est tout participé à ce concours photographique (peut-être parce que ses supérieurs l’y ont obligée)… Il en reste qu’elle a à fait rare et exceptionnel d’en voir une quand même travaillé de bon cœur à ce projet. Elle a donc convié sa petite sœur à une séance photo improvisée, et qui fonctionne ce qui a également passé quelques heures sur des logiciels de montage gratuits, pour le résultat que vous pourrez apprécier compté dans le choix de primer cette ci-dessus. • photo. • PRIX DE LA chamberonne MAI 2015 19

Deuxième prix: La Chimère Ludovic Rime

«Le rire jaune est une chimère. Il est une mise en scène où je me voile sous un masque d’artifices. Cacher quoi? Mes tressaillements: peine, honte, douleur. Or la contradiction interne est trop forte. Elle me tord. Je fléchis. Rester alors Cela nous a plu parce que… décente, grand sourire, il saura mentir. Déjà tout le reste s’estompe. Surtout détourner les yeux, les fermer, ils ne Une image qui a frappé par sa composi- peuvent supporter la même indécence. Le corps se crispe sous un rictus malhonnête. Tant pis pour les larmes. C’est tion et son adéquation parfaite au bien vrai que je ris. Rien apparaître, tout paraître.» thème. Il y a quelque chose de très cru dans cette photo, et à la fois de beau et frappant. Le texte l’accompagnant a L’instant biographique également séduit (même si ce n’était Dans un carnet que ma mère me remit récemment, j’appris mon premier mot : titta. C’était un samedi, celui du 10 octobre 1987. pas forcément le but que le texte serve Le mot signifie «regarde» en suédois. Depuis, une primauté du regard sur les mots. Je me sens mal à l’aise avec ces derniers, trop l’image). Au final, l’image reprend trop précis ou imprécis, âpres à prononcer. C’était tout dit, ce premier mot encourageait définitivement à les délaisser. Cultiver un peu la superposition du rire et du donc le regard vers l’autre, sur le monde. Puis, par la photographie, voler au temps des moments qui m’importent. Je veux te regard noir, mais en faisant apparaître posséder. Une violence à laquelle le temps se refuse. Comme le fou qui tente de saisir l’air avec ses mains, le moment s’est déjà les deux expressions directement sur évaporé, transformé. La photographie en est une image imparfaite, mais elle conserve l’intention du regard. Titta med mig. le même visage (et non par Pour « Le rire jaune », le point de départ fut le paraître. Je voulais que la photographie soit elle-même une mise en scène, écho surimpression). • au drame intérieur du personnage. • PRIX DE LA chamberonne MAI 2015 20

Troisième prix: La poule aux œufs morts

L’instant biographique Cela nous a plu parce que… Margaux Bula Née dans un petit village de la cam- Bien que moins parfaite dans sa com- pagne vaudoise en 1991, Margaux position que les deux autres (et encore, Bula a finalement quitté ses poules elle reste relativement bien construite, «Comme chaque matin, je vais chercher les œufs au poulailler. Je trébuche, un et ses chèvres pour commencer à et ce d’autant plus qu’elle a de toute œuf tombe, il se casse, le jaune se répand sur le sol. Une poule accoure aus- 18ans une formation à l'école can- évidence été prise sur le vif), elle a sitôt et picore frénétiquement l’œuf qui quelques instants auparavant se trou- tonale d'art du Valais, (ECAV). séduit par son adéquation à la fois grin- vait encore dans son organisme. Prise d’un rire nerveux devant cette scène Durant ses trois années de bache- çante et littérale au thème. La quelque peu cannibale une question existentielle me revient à l’esprit: «To be lor elle expérimente, la peinture, le «bouche» réellement remplie de jaune, or not to be» (Homlet) (!)» dessin, la sérigraphie, la sculpture, la poule cannibale provoque un certain la gravure, la vidéo mais aussi la malaise, qui provoque à son tour un rire photo...! • jaune chez le spectateur. • campus MAI 2015 21 Mystérieuse Brèves Un héliport pour l’EPFL ès le mois de juin 2016, l’EPFL accueillera un héliport à côté du DRolex Learning Center. Cofinancé par université le Swatch Group et le fonds pour les crédits d’installation des professeurs de l’EPFL, l’héliport sera principale- MYSTèRES • La dixième édition des Mystères de l’Unil a lieu les 30 et 31 mai. L’occasion de ment utilisé pour l’accueil des invités découvrir de façon ludique le monde académique pour qui n’en est pas (ou pas encore). lors des conférences internationales organisées au Swiss Tech Center. Largement plébiscité par le corps pro- r. est sur une proposition d’Uni- D fessoral, le projet avait été initiale- com que sont organisées, il y ment mis en suspens à cause de son C’a dix ans de cela, les premières coût, cinq millions de francs tout de portes ouvertes de l’Université de même. Lausanne. Pensant d’abord plus Les travaux de construction devraient aux «experts» qu’aux «mystères» débuter à l’été 2015 afin de ne pas de l’uni, on monte un petit campe- déranger les étudiants durant la pré- ment académique devant l’Amphi- paration de leurs examens. • max où chaque faculté a sa tente. LG L’idée qui coordonne l’ensemble des activités y est la même qu’au- jourd’hui: les visiteurs sont appelés à mener l’enquête. La toute pre- Error 404: Women not found mière fut celle de la recherche des AGEPOLY a de merveilleuses causes de la mort du «Chevalier de Des affiches à l’espritfantasy ont été placardées aux quatre coins de la ville. idées, comme par exemple celle la Sorge», gisant centenaire dont L’de créer un Tinder® tout spéciale- on retrouva le tombeau. Plusieurs Sensibiliser à la durabilité n’évitera s’il veut résoudre l’énigme ment réservé aux étudiants de milliers de personnes s’affairent Howe et Peeters ne sont pas là par principale. l’EPFL: Polynder. Si elle est pour l’ins- ainsi à cette enquête, permettant le hasard. Respectivement dessina- tant disponible sur leur propre intra- premier succès des futurs teur et scénariste, ils sont invités De bons retours net, l’application sera bientôt téléchar- Mystères de l’Unil. dans le cadre d’une collaboration Si l’Université de Lausanne ouvre geable aux formats iOS et Android. avec la Maison d’Ailleurs, le tout ses portes, c’est avant tout pour Ce qui d’ailleurs rend le projet de la La durabilité est s’insérant dans le thème du fantasy démystifier le monde académique. réserver aux epfliens bizarrement réa- mise à l’honneur qui anime l’ensemble des Les contribuables découvrent alors lisable… On peine honnêtement à Mystères. Au-delà, c’est aussi la ce pour quoi ils paient, et se voient trouver une véritable utilité à ces durabilité qui est mise à l’honneur expliquer tout ce qui se trame à mignonneries. Enfin, sûrement Dix ans plus tard, la formule a cette année. «C’est un des axes l’Unil. Par la même occasion, c’est pourra-t-on en rire, c’est déjà ça. • considérablement évolué. Ce ne stratégiques du rectorat, il fallait un combat contre la reproduction sont plus trois ou quatre milliers de aborder ce sujet car il est inscrit sociale. On y montre que chacun FU personnes qui sont attendus dans le mandat de la direction», peut étudier à l’université, et comme nous l’indique Marc de précise Marc de Perrot. Puisque le qu’importent plus la motivation et Perrot, en charge des Mystères principe des Mystères consiste à les possibilités intellectuelles que depuis leurs débuts, mais une articuler mise en scène et l’origine sociale. La venue des Littérature fin-de-semestre dizaine, en incluant la présence de recherches, à faire comprendre des classes y joue un grand rôle toi qui lis ces quelques lignes classes secondaires vaudoises pen- enjeux scientifiques par un biais puisque de nombreux enfants n’aie pas peur dant la semaine qui précède le ludique, le monde du fantasy a été demandent à revenir lors du week- ODe la fin de l’année ni de tes week-end principal. Ils déambulent choisi pour illustrer cette probléma- end. Si l’on ne peut malheureuse- professeurs, entre vingt stands, dont la majorité tique. Il a donc été question d’inté- ment pas mesurer l’éventuel ave- Qui seront j’en suis sûre indulgents et est installée à l’intérieur et trois grer un maximum de domaines de nir académique des participants blagueurs, dans la forêt de Dorigny. recherches dans cette sensibilisa- aux Mystères, les réactions immé- Face à tes copies blanches, tes sourires S’ajoutent à cela huit visites de tion à la durabilité. La réflexion sur diates témoignent pourtant du enjôleurs. laboratoires et deux conférences, les mondes en est la : les succès de l’événement: soucieuse Plus sérieusement, pose cet Auditoire, animées, l’une par John Howe, enfants découvrent des univers dif- de son impact, l’organisation des Rend toi à la Banane et n’oublie pas de l’autre par Benoît Peeters. Les férents et de multiples rapports au Mystères a organisé avec FORS boire professeurs Alain Boillat (Section monde, ce qui leur permet d’appré- des sondages en 2011, lesquels Au possible de l’eau sans quoi trop de de cinéma), Dominique Bourg hender le leur autrement. Un effort ont permis de réunir 96% d’avis déboires, (Institut de géographie et durabi- important est fait pour qu’aucune positifs. • Te colleront au dos comme bière à tes lité) et Marc Attalah (section de faculté ne soit en reste. Les activi- doigts. français) y prennent également la tés articulent ainsi sciences de la Lève-toi, étudiant, bouge-toi, crois en parole. vie, sciences humaines et sciences toi! • plus dures, qu’aucun participant Fanny Utiger FU campus MAI 2015 22 A déguster D’une seule bouche

NOUVEL ALBUM • C’était en décembre 2012: L’auditoire rencontrait un Marc Aymon timide dans son blouson en cuir, sur le point de sortir son troisième album. Près de trois ans plus tard, il a troqué le blouson contre la veste chic et sa réserve contre une belle assurance.

est peut-être un truc de ensemble.» seule bouche, c’est d’abord la oiseaux, le soleil, les barbecues… Valaisan; toujours est-il que, Laissant pour la première fois à un Bretagne, où ont été composées la c’était un truc de fou! Une sorte de C’depuis le tout début, Marc Aymon a autre – Alexandre Varlet – le soin de plupart des chansons. «On est partis colonie de vacances incroyable», se toujours su s’entourer des meilleurs. les textes, Marc Aymon a avec Alexandre Varlet dans cette souvient Marc. Son quatrième album, verni fin avril à concentré ses efforts sur la musique. immense maison. On allait manger Des oiseaux qui ont tant marqué Sion, rassemble Stéphane Reynaud, Et celle-ci s’éloigne des sentiers des huîtres, se balader, chercher son l’oreille du musicien qu’il a voulu leur Fred Jimenez, Alexis Asnérilles et empruntés par le chanteur auparavant: fils à l’école. Et, entre les deux, on donner le mot de la fin: D’une seule Thomas Semence. Une sacrée calme, fluide, serein, le son de ce der- composait.» Trois sessions, complé- bouche s’achève sur leur chant. Mais équipe composée au culot: «J’ai nier disque est unique, cohérent, et tées par une quatrième à Saint- les notes de Marc Aymon et de son ouvert des pochettes et j’ai regardé dessine une forme de fresque musi- Saphorin, qui ont donné naissance à équipe continuent encore longtemps à qui avait joué sur tel ou tel album. Je cale emplie de plénitude, faite de douze morceaux. creuser leur chemin dans nos ne connaissais personne. Mais c’est nappes de synthés, de voix et de gui- Puis c’est le studio de la Frette, à Paris, têtes. • ce que j’aime: quand les gens n’ont tares mêlées. Un son qui doit beau- qui les a immortalisées. Une bâtisse Séverine Chave aucune raison de dire oui, et que tu coup à Yann Arnaud, en charge du de maître située en périphérie de la dois essayer de convaincre.» C’est là mixage, qui bénéficie d’une expé- capitale française – un lieu formidable, Non, Marc Aymon n’est pas sur le que le charme de Marc opère – tous rience accumulée aux côtés Syd avec un jardin où les oiseaux chantent. campus. Nous n’avions juste plus de ont dit oui, du premier coup. Et ça Matters, Air ou Phoenix. «Ce studio, c’est un salon. Il y a une place en culture... cet article n’a en crée des liens: «Un projet est intéres- Mais peut-être est-ce dû aussi aux dif- cheminée, une collection de vinyles effet pas grand-chose à faire ici. sant quand il devient un point de férents endroits qui ont marqué l’al- qu’on écoutait le soir, des hauts pla- départ. Quand les gens se rappellent bum: «Un lieu déteint sur ta musique», fonds avec des dorures, un jukebox... ensuite parce qu’ils ont aimé travailler affirme Marc Aymon. Pour D’une et puis c’était l’été, il y avait les Au cœur: le texte PHILO • Les lundis soir, au cœur de section, des étudiants mordus de philo se réunissent et proposent leur propre séminaire: Les Étudiants en philo lisent. Curieux de savoir ce qui se trame si tard après les cours, nous sommes allés à leur rencontre.

éçus par le manque d’attention des savoirs que les étudiants régulières. Le but n’est pas de venir Daccordée aux textes fondamen- amassent au cours de leurs études faire un échange d’opinions mais de taux au profit de l’affrontement de individuelles sans jamais avoir l’occa- discuter de fruits de travail, le tout Camille Logoz commentaires ou thèses représenta- sion de les partager. De ce double dans une ambiance sereine et stu- tives d’une pensée unique, un groupe constat est née l’idée d’ouvrir ce que dieuse. Entre prise de notes, ques- d’étudiants de la section de philoso- Jamil définit comme «une fenêtre tions et réflexion collective, le sémi- phie a décidé de remédier à ce qu’ils d’expression de problématiques liées naire ne dépareille à première vue ressentaient comme une «incapacité à des champs de travail personnels», pas beaucoup de ceux intégrés au technique». Pas facile d’imaginer une qui permettrait également de se fami- cursus académique. Mais on prend solution constructive et indépendante liariser avec les sujets les plus divers peu à peu conscience de la différence à la fois; mais elle a fini par s’imposer de la philosophie. Avec un calendrier lorsqu’on s’aperçoit de la liberté avec sous la forme d’un séminaire parallèle qui évolue au gré des intérêts et des laquelle la parole circule entre les par- qui tente à la fois de combler les spécialisations des participants, Les ticipants. Passant de l’écoute atten- lacunes et d’offrir par la même occa- Étudiants en philo lisent cherche donc tive aux réactions plus ou moins sion un cadre d’étude libre à toute à proposer un parcours anachronique véhémentes, la discussion semble se personne intéressée. mais varié de la philosophie qui pose- modérer d’elle-même. rait les enjeux de base de la Au final, l’enjeu des Étudiants en Philosophie à la carte discipline. philo lisent est simple: entraîner et Jamil Alioui, étudiant en master et montrer une capacité à penser par l’un des cofondateurs du séminaire, Du travail assidu et passionné soi-même, allant de pair avec un enri- explique que c’est la conjoncture de Au sein de ce séminaire, l’objectif chissement mutuel par du partage de deux facteurs principaux qui a conduit visé par les participants est la connaissances. Si l’on devait suppo- à cette initiative: d’une part, l’absence «confrontation in situ, brute avec le ser une quelconque affirmation poli- d’un cours général d’histoire de la texte». S’il s’agit bien d’un espace tique à leur démarche, ce serait celle- pensée qui faciliterait l’entrée dans convivial et ouvert à tous, Les ci; «on avait juste envie de faire de la les études philosophiques; d’autre Étudiants en philo lisent revendique philo». • part, l’envie de mettre en commun des séances de travail sérieuses et Camille Logoz campus MAI 2015 23

Unilivee Pour la 3 fois, nous avons attendu le 30 avril avec impatience. A 17h tapantes, la musique résonnait sur la place de l’Internef. Retour sur une soirée étudiante pas comme les autres.

i L’auditoire y tenait un bar avec Zelig, nous avons également pris le temps, entre deux bières, de parcourir le festival afin de nous imprégner de son Sambiance. Unilive se prépare longtemps en avance par l’association constituée d’un comité de 23 membres issus des différentes facultés de l’Université de Lausanne. Un travail de l’ombre dont le premier signe visible est le trailer que nous attendons chaque fois avec une irréfragable impatience. Quant au soir même, c’est près d’une centaine de bénévoles qui participent à l’événement. Culturel, gratuit, plateforme de libre expression musicale, comme le démontre l’Unilive One Time Band ou encore le tremplin gagné à Zelig par South Gate et Ephyr, Unilive est purement estudiantin. «C’est sympa de venir voir jouer ses potes», relève d’ailleurs une étudiante lorsque nous l’interrogeons avant de s’étonner: «Cela fait seulement trois ans que le festival existe, mais ça tourne bien et ça prend de l’ampleur.» Depuis sa première édition, le festival attire de plus en plus de monde et évo- lue dans sa structure. Aussi, cette année, s’est-il enrichi de divertissements hors-concerts, les stands de nourriture se sont déplacés sur le petit parking de l’Anthropole et des navettes TL ont été mises à la disposition des festiva- liers jusqu’à 1 h du matin. Le temps gris puis la pluie n’ont découragé aucun des plus de 7000 visiteurs qui ont foulé le sol du campus ce 30 avril. Sa taille humaine, le travail de son staff, la présence d’amis toutes facultés confondues, la bière du Docteur Gab’s et les concerts mémorables sont les ingrédients qui font d’Unilive une réussite. L’herbe n’est définitivement pas plus verte ailleurs. • Julie Collet

Retrouvez la galerie photo sur notre site. © Julie Collet Balélec Il paraîtrait que tout a une fin, c’est le cas du Balélec ancienne génération. La cause de ce changement? «Under One Roof», le seul et l’unique a encore frappé.

es milliers d’étudiants privés de leur mythique lieu de festivités pour nourrir l’ambition d’un petit nombre. Mais ce n’est pas ici le propos et Dnous l’avons traité moult fois déjà. Chacun attendait donc anxieusement de découvrir le nouveau festival que les organisateurs avaient concocté. A ce sujet, nous tenons à dire un grand bravo à ceux qui sont parvenus à boulever- ser une organisation rôdée depuis des années, ce qui a dû relever du casse- tête chinois. Mais si la fête a su rassembler son monde, l’avis général reste pourtant mitigé. Peut-être que ce détail n’en aura pas marqué beaucoup mais la disparition des scènes intérieures aura, sans doute, été le plus grand crève- cœur de la soirée. Du côté des festivaliers, les réactions étaient, elles aussi, nuancées: déçus de la réduction d’espace mais satisfaits de l’ambiance estu- diantine unique du festival, qui a su garder son charme. Cependant, au terme de la soirée, on était rassuré. Paraît-il que le nombre de chaussures perdues devant la grande scène n’a pas diminué. Ce qui confirme que les traditions ont perduré. De quoi redonner chaud au cœur. • Lucile Tonnerre

Pour plus d’articles au sujet du festival, rendez-vous sur notre site. SPORT MAI 2015 24 Athlète noir et Vive le argument naturel beer pong!

RACISME • Les arguments qui cautionnèrent la traite négrière ont, depuis lors, bien peu évo- Arrivé tout droit des Etats- lués. Au XXe siècle comme aujourd’hui, ils servent dorénavant une même cause: l’explication Unis, ce nouveau sport se fait naturelle de la domination des athlètes noirs dans quelques disciplines athlétiques. une place sur le campus. r. es quelques lignes sont nées D e beer pong (ou bière-pong pour d’une discussion de bistrot, un les Académiciens) est un sport à Csoir de match entre le Bayern et le Lboire dérivé du tennis de table. Le but Barça. Comme quoi le sport mène à du jeu est de lancer une balle de ping- tout, notamment au bistrot – je vais pong à la main sur une table dans le me faire taper sur les doigts. Bref, ce but de la faire atterrir dans l’un des soir-là, autour d’une bière, on discute dix verres à l’autre extrémité. Celui histoire et sociologie du sport. De fil qui reçoit une balle dans l’un de ses en aiguille et de mousses en verres se voit alors obligé de boire le mousses, l’épineuse question de contenu (habituellement 10cl de l’inné et de l’acquis est abordée, bière). La première équipe ayant éli- rapidement rejointe par celle de l’ex- miné tous les gobelets de son adver- plicativité des caractéristiques eth- saire a gagné. niques dans les performances spor- tives: comment expliquer la Equipement suprématie séculaire des athlètes Le bière-pong se pratique autour noirs dans les épreuves de sprints? d’une table de jeu de 240cm x 60cm Dans les courses de fond? Et sur- x 80 cm. Pour chaque partie, les tout: traiter ces questions avec les Jesse Owens, quadruple champion olympique des Jeux de Berlin 1936: «Une merveille joueurs seront munis de quatre balles arguments de la nature ne revient-il de la nature» pour le quotidien sportif L’Auto. de ping-pong et de vingt-deux Red pas à réitérer les erreurs du passé? Cup’s 16 oz (les fameux gobelets Celles-là mêmes que nous a ensei- Le stade: un laboratoire géant examina Jesse Owens à l’issue des rouges américains que vous avez gnées l’histoire? Or, que remarque-t-on lorsque l’on Jeux. Etrangement, ses travaux tous vus dans les films!). étudie de près les représentations au n’eurent que très peu d’écho et Aux origines: la physiognomonie sujet des athlètes noirs cinquante ans d’autres études s’affairèrent à les Installation du jeu Au XIXe, une méthode censée com- plus tard, par exemple lors des Jeux décrédibiliser. Chaque équipe dispose de dix gobe- prendre les caractères psycholo- olympiques de Berlin 1936? Owens, lets. Ils sont placés en triangle, la giques grâce à l’apparence physique Woodruff et d’autres champions noirs Aujourd’hui comme hier... pointe dans la direction de l’équipe connaît un succès grandissant: on sont sujets aux mêmes aberrations Aujourd’hui comme hier, les mêmes adverse. À droite du triangle de jeu l’appelle la physiognomonie. L’un de racistes. Dans la presse française, explications naturalisantes sont sans doit être disposé un onzième gobelet ses plus fervents défenseurs est le nombreux sont les journalistes à pré- cesse rabâchées quand un athlète rempli d’eau afin de permettre le net- docteur César Lombroso, fondateur sumer que les Noirs ne s’imposent noir court le 100m en moins de 9’80’’ toyage de la balle à chaque lancer. de l’école italienne de criminologie. que dans les disciplines où l’aspect ou quand un Ethiopien remporte un En 1887, dans son ouvrage L’homme tactique n’a pas un poids prépondé- marathon. Aujourd’hui comme hier, Engagement criminel, Lombroso soutient, sur la rant et qu’ils ne savent pas signer des chercheurs s’évertuent pourtant L’«eyes to eyes»! Les deux équipes base de l’étude de 350 crânes et de eux-mêmes les autographes. En à montrer la primauté des détermi- tirent en même temps dans les gobe- 3839 criminels, que les instincts ani- somme, on mène contre eux des nants sociaux lorsqu’il s’agit d’expli- lets de l’équipe adverse, le tout en se maux de «l’Homme sauvage», carac- campagnes visant à les faire passer quer la suprématie des athlètes noirs regardant dans les yeux. La première térisé par ses nombreux tatouages, le pour «abrutis». En outre, les perfor- dans certaines disciplines athlé- équipe qui mettra la balle dans les conduisent à plus de «monstruosité». mances de ces athlètes sont expli- tiques.* Aujourd’hui comme hier, au gobelets adverses débutera le jeu. L’homme criminel, qui partage de quées grâce aux arguments naturels. bistrot et ailleurs, on fait la sourde Le contenu restant dans les gobelets nombreuses caractéristiques avec cet Selon M. Waitzer, «professeur des oreille. Sans doute faut-il crier encore de l’équipe gagnante est habituelle- homme primitif décrit par Lombroso, sports» allemand, la construction plus fort. • ment donné à l’équipe perdante est, de plus, doté d’une extraordinaire anatomique du corps noir, et notam- comme lot de consolation. Santé! • agilité. Dans le même temps, la cra- ment «l’angle formé par la cuisse et Quentin Tonnerre niométrie démontrait l’irréfutable les os du bassin», serait à l’origine suprématie intellectuelle de la «race d’un travail des muscles plus ration- *Lire SCHOTTE, Manuel, «Réussite sportive blanche» sur la «race noire» par la nels. Ces théories seront réduites en et idéologie du don. Les déterminants sociaux forme des crânes. Les jalons de poussière par les études de W. de la «domination» des coureurs marocains l’usage raciste de l’anthropologie phy- Montague Cobb, spécialiste améri- dans l’athlétisme français (1980-2000)», sique étaient posés. cain de l’anthropologie physique, qui Staps, 2002/1 no 57, p. 21-37. Laura Giaquinto Agenda MAI 2015 25 Sur le campus

Evénement Lieu Date Christiane Steiner ( M ary&Jo)

Vision 50/50 - vers l’égalité Anthropos Café le 2 juin à 16h entre les femmes et les hommes à l’Unil!

L’enième rediffusion d’une Cauchemars en bibliothèque de mai à juin série bien connue:

Le Marronnier du mois de De préférence sur une de juin à septembre juin: la p’tite cuite post-exas pelouse en début de soirée, au-dessus des toilettes au petit matin

Rentrée académique Universités, écoles le 14 septembre 44e Festival de la Cité polytechniques et HES du 7 au 12 juillet Lausanne

Comme l’année dernière et pour la même raison – à savoir les travaux subis par le Parlement vaudois –, le En ville e 44 Festival de la Cité se déroulera à plusieurs endroits en ville et dans une Evénement Lieu Date moindre mesure sur la traditionnelle colline médiévale. Une formule qu’il maintiendra jusqu’à la fin de la rénova- Foodtruck Festival Place de la Riponne le 28 mai tion, soit en 2017. Le Festival de la Cité, c’est du théâtre, 33e Journée lausannoise Chalet-à-Gobet le 31 mai de la musique, de la danse et des arts du vélo visuels programmés gratuitement pendant une semaine. Cette année, Tulalu!? Rencontre avec Bibliothèque municipale de le 1er juin à 19h les spectacles tout public, entre 16 et Etienne Barilier Lausanne 20 heures, auront lieu dans une nou- velle zone à Sauvabelin. Les concerts Votations populaires Place de la Louve le 14 juin de musique actuelle seront à nouveau & anniversaire de Séverine ancrés sous l’arche du Pont Bessières et à la Friche du Vallon, où les festivités Conférene de l’artiste Kader Musée cantonal des le 18 juin à 18h30 continueront dans la nuit. Entre deux, Attia Beaux-Arts durant le «prime time», de nombreux spectacles seront proposés en des Fête de la musique En ville le 21 juin lieux disséminés dans la ville. Nous retrouvons également la formule des Nuit des Images Jardins de l’Elysée le 27 juin Midi, théâtre! dans des restaurants du centre-ville, de quoi savourer davan- Vernissage de l’exposition Musée de la Main le 30 juin dès 18h30 tage son plat du jour – à condition «Violences» d’avoir réservé. La programmation ne sera pas dévoi- Anniversaire de Thibaud Peney-le-Jorat le 3 juillet lée avant le 3 juin. Tout ce que nous pouvons vous révéler, à l’heure 44e Festival de la Cité En ville du 7 au 12 juillet actuelle, est qu’il y aura une grande fête de clôture le dimanche 12 juillet Opéra Il Barbiere di Siviglia Arène d’Avenches du 7 au 17 juillet sur la Place de l’Europe, de 21h30 à 00h45. Il s’agira d’une installation pro- Athletissima Stade de la Pontaise le 9 juillet posée par des artistes newyorkais basés à Barcelone. Sans trop en dire, Fête nationale Suisse le 1er août voici quelques éléments qui constitue- ront ce show musical: des DJs, un ani- Bataille – Far° Festival des Nyon du 12 au 22 août mal gigantesque, des lasers, un écran arts vivants géant, des jets de lumières dans le ciel et un champignon sur lequel le For Noise Festival Pully du 20 au 22 août public devra appuyer. De quoi éveiller les curiosités. • JG Culture MAI 2015 26 Des écrivains bien d’chez nous

LITTÉRATURE • À part Joël Dicker, quel auteur romand et contemporain seriez-vous en mesure de citer? Présentation de Tulalu!?, une association qui se consacre à promouvoir l’actualité de la scène littéraire locale. r. éunis par une passion commune D viennent encore s’ajouter leurs nom- autres. Dans le courant des pro- de la littérature et l’envie de la breux partenariats avec des festivals et chains mois, Tulalu!? souhaiterait Rpartager avec un public plus large, les institutions littéraires locales, tels que entre autres étendre sa présence à membres du comité de l’association le Salon du livre ou La Nuit de la lec- tous les cantons francophones et Tulalu!? proposent chaque mois une ture. Pour Carole Dubuis, «c’est sur- inaugurer de nouvelles collabora- rencontre autour de textes et en pré- tout à travers de nouvelles collabora- tions, toujours dans l’idée de toucher sence d’un auteur suisse romand. La tions et de nouveaux concepts de un public aussi varié que possible. lecture, performée par un comédien soirée que l’on peut faire vivre la litté- L’association apprécierait tout parti- et éventuellement agrémentée d’in- rature romande différemment». culièrement la participation d’étu- tervalles musicaux, est suivie par une grâce à une approche alternative des diants, susceptibles d’apporter un discussion modérée par l’animateur textes qui met en relation les divers «Faire vivre la lit- nouveau regard et d’aider ainsi au attitré de l’organisation. Ces acteurs de la scène littéraire (c’est-à- développement de nouvelles moments se veulent conviviaux et dire également les libraires, les édi- térature romande idées. • ont pour but de créer un pont entre teurs, les traducteurs, etc.). différemment» «ceux qui tiennent la plume et ceux Camille Logoz qui tournent les pages». Carole Tout un programme Appel à participation Dubuis, présidente de l’association, Soucieux de proposer un programme Afin de permettre à l’association de explique que Tulalu!? espère rappro- aussi varié que possible, les organisa- grandir et de continuer à diversifier cher auteurs et lecteurs par un double teurs prévoient aussi des soirées spé- son activité, le comité est à la Ne ratez pas le dernier rendez-vous mouvement: en valorisant le métier ciales orientées vers une thématique recherche de nouveaux membres Tulalu!? de la saison! Avec Etienne d’écrivain et en faisant «redécouvrir particulière et incluant un plus grand pour l’aider dans ses tâches de pro- Barilier, le 1er juin 2015, à 19h, à la par la proximité» le plaisir de lire, nombre d’intervenants. À cela grammation, communication ou bibliothèque municipale de Lausanne. Une nouvelle saison surprenante

ART LYRIQUE • L’Opéra de Lausanne a dévoilé sa programmation pour la saison 2015-2016. Décryptage des données et avis sur les opéras, spectacles et concerts de la maison de l’avenue du Théâtre.

armi les quatre opéras program- différencie réellement une comédie baroque prévaut, puisqu’il en caractéri- Alexandre Diakoff, qui viendra à plu- més, trois s’inscrivent dans la musicale d’un opéra? Le débat est sera deux sur trois avec Le Messie de sieurs reprises. Celles et ceux qui se Ppériode romantique: Rossini revient ouvert. Haendel et un pot-pourri de Bach, souviennent de l’Artaserse de Vinci avec La Cenerentola, accompagné de Fischer et Muffat. Le troisième sera sous la direction de Diego Fasolis en La fille du régiment de Donizetti. De Qu’est-ce qui dédié au violon à l’opéra: il s’agira en 2012 seront heureux de voir qu’il diri- l’autre côté des Alpes, c’est le Faust fait d’un récital d’airs d’opéra de gera Ariodante, avec notamment le de Gounod qui résonnera à Lausanne. différencie toutes les époques adaptés au violon. ténor Juan Sancho, qui avait chanté Le quatrième opéra, Ariodante, s’ins- réellement une dans des représentations internatio- crit quant à lui dans la période baroque, Mais encore nales de l’Artaserse. et il est à espérer qu’il convaincra comédie musicale La route lyrique reprendra les chemins autant qu’Alcina de Haendel, égale- d’un opéra? romands en juin et juillet 2016 avec La L’innovation privilégiée ment donné il y a trois ans. belle de Cadix et ses yeux de velours. La surprise est de mise dans cette Hélas, pas de Mozart à l’affiche cette Les mamelles de Tirésias, de Poulenc, Le jeune public pourra quant à lui programmation: peu d’opéras au sens année – malgré les succès consécutifs promet également un joli dépayse- découvrir l’opéra avec L’enfant et les classique du terme, une comédie de Le Nozze di Figaro en 2014, Die ment: son livret est probablement plus sortilèges de Ravel. La saison sera musicale, un ballet intégré à une soi- Entführung aus dem Serail en février loufoque que l’œuvre entière des complétée par deux productions de rée opérette et deux productions de dernier et Die Zauberflöte qui se jouera Monty Python. L’opérette sera suivie ballet: le Mikhailovsky Ballet de Saint- ballet. Sera-t-elle aussi percutante, en juin, complète depuis plusieurs d’un ballet, La gaîté parisienne, dansé Pétersbourg d’abord, sur des décoiffante, enflammée et conviviale mois. Si la maison passe à côté d’une par le Ballet Béjart Lausanne. Une for- musiques de Schubert, Debussy et que les affiches qui sont apparues à recette si efficace, c’est pour laisser mule qui intrigue fortement, mais Pärt, puis The Dance Factory dans un Lausanne le promettent? Rendez-vous place à la surprise. Etonnons-nous en comme le ballet s’inspire d’Offenbach, Carmen de Bizet remanié. Parmi les l’année prochaine. • effet de la présence de My Fair Lady! il sera sans doute aussi opérettique musiciens, pas d’Olga Peretyatko Peu habituel pour une maison d’opéra, que la première partie. cette année, mais quelques têtes mais après tout, qu’est-ce qui En ce qui concerne les concerts, le connues quand même. Parmi celles-ci, Pascal Guignard Culture MAI 2015 27 Métiers d’art du terroir De l’art poétique

DESSIN • Le regard ouvert sur le monde, Claire Nydegger est une artiste aux multiples facettes. Auparavant gale- riste, elle enseigne aujourd’hui à la Haute Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg et édite ses propres livres d’artiste. Mais tout a commencé par le dessin, un voyage à Rome, et une rencontre avec Dante Alighieri.

laire Nydegger est une artiste La rencontre avec Dante suisse de 55 ans qui vit à Saint- Lors de ce premier séjour en Italie, CPrex, enseigne à la HES de Fribourg Claire Nydegger se confronte à la Laurent D ubois et a exposé dans des galeries en Divine Comédie(1307-1321) de Dante Suisse comme à l’étranger. Formée Alighieri, qui marque profondément le à l’école des Beaux-Arts de début de sa carrière artistique. C’est Lausanne, l’artiste se dit émerveil- à Rome que cette œuvre littéraire lée par le monde et la culture. La lit- prend soudainement du sens: «Je térature étant également une pas- trouvais des correspondances entre sion – elle a d’ailleurs hésité avec le travail que je faisais à ce moment des études en lettres –, elle a réussi et ce que je lisais chez Dante.» à lui accorder une place de choix dans son travail, comme source «C’est le carnet d’inspiration ou comme compo- sante importante de ses œuvres. de croquis qui est Toujours prête à relever des défis, devenu l’atelier» elle revêt volontiers différentes cas- quettes, dirige sa propre galerie, En 1987, à son retour difficile en collabore à la scénographie d’un Suisse, Claire Nydegger se plonge opéra, ou photographie. Elle définit corps et âme dans son projet de Claire Nydegger, livres d’artiste, Editions Perdtemps, Saint-Prex. son travail avant tout comme un représenter l’Enfer et le Purgatoire de acte de poésie. Dante. N’ayant pas d’atelier alors, artistes», en acceptant de diriger la traversée solitaire, c’est le bon Son parcours, jusqu’à ses derniers c’est «le carnet de croquis qui est galerie du centre culturel de Morges, moment pour transmettre tout ce que livres d’artiste, montre sa sensibilité devenu l’atelier» et qui a accueilli ses Rouge. Claire a ainsi pu mettre en j’ai accumulé, et le contact avec la pour les poèmes, anciens et contem- dessins. De ces croquis sont nées pratique ses envies en organisant des jeunesse me passionne.» Tous les porains, qu’elle illustre par le dessin des gravures et des peintures illus- expositions, des concerts et des ate- chemins menant à Rome, elle pro- et la gravure. trant le célèbre poème de Dante, qui liers pour enfants jusqu’en 2006. pose à ses étudiants des académies l’absorbent pendant plusieurs d’été afin de découvrir la ville par le Une deuxième maison: Rome années. Ses activités aujourd’hui dessin. Ayant toujours été très pro- Le début de sa carrière commence Chez Claire, «les choses prennent du ductive, Claire Nydegger nous confie en 1986 avec un séjour d’une année Une artiste «curieuse de tout» temps, le temps de germer». Ainsi, avoir un nouveau projet de livre à illus- à l’Institut suisse de Rome. Curieuse de tout, Claire Nydegger se après avoir retravaillé des peintures à trer. Le dernier en date, s’intitule Curieuse de ce que la ville allait lui consacre dès 1989 aux livres d’ar- l’huile réalisées une dizaine d’années I limoni/Les citrons, un poème apporter, elle décide de s’en impré- tiste. «Comme j’étais jeune et que auparavant autour du thème du d’Eugenio Montale illustré et édité gner par le dessin, moteur dans son personne n’aurait voulu m’éditer, j’ai cercle, elle les présente en 2013 à la par l’artiste en 2013. Sous forme de travail. décidé de le faire moi-même»; c’est Fondation de l’Estrée à Ropraz, où leporello à découvrir derrière une cou- Cependant, un obstacle vient se pla- ainsi que la jeune femme crée sa ses œuvres prennent un sens nou- verture jaune acidulé, le poème se cer systématiquement entre elle et propre maison d’édition Perdtemps. veau. Exposés alors aux côtés du car- déploie sur un fond aux tonalités les monuments qu’elle observe: la Cette activité parallèle lui permet de net de croquis de la Divine Comédie, grises avec lesquelles viennent foule. La jeune artiste décide alors travailler sur le livre en tant qu’objet, ces cercles ou planètes apparaissent contraster quelques citrons vifs aux de la dessiner. Cette présence en assurant sa conception de A à Z. soudainement comme une interpréta- formes simples, épurées et dyna- humaine finit par s’immiscer dans C’est ce côté artisanal dans le proces- tion évidente du Paradis de Dante, miques, qui caractérisent le style de ses travaux: «Dans tout mon travail sus de création du livre qui l’attire, que l’artiste n’avait jusque-là pas l’artiste saint-preyarde. • ou presque, il y a cette figure mais également les collaborations qui réussi à illustrer. humaine, des silhouettes qui se ren- en découlent, avec des écrivains Kathleen Vitor contrent sur des places, dans des contemporains et un graphiste, Enzo Une interpréta- espaces, jusqu’à hanter la Divine Messi, qui compose la mise en page. tion évidente du Comédie». Quant à la capitale ita- Une manière, aussi, de faire dialoguer lienne, elle est devenue un véritable les deux domaines qui la passionnent Paradis de Dante point d’ancrage pour l’artiste qui n’a à travers l’association du texte et de A découvrir actuellement : exposition eu de cesse d’y retourner depuis. l’image. Après la naissance de ses Depuis cinq ans, Claire Nydegger virtuelle Les Visions de Dante de Claire Pour Claire, «Rome, c’est la maison deux fils, Claire Nydegger s’engage enseigne le dessin à la Haute Ecole Nydegger, sur le site de la BCU - http:// aussi». en 2001 «pour ses confrères, les de Fribourg. «Après des années de wp.unil.ch/cnydegger/. Culture MAI 2015 28 Rock & rural

MUSIQUE • Le Bad Bonn à Guin, à la fois club et café, programme une centaine d’événements musicaux par an, ainsi que le festival suisse le plus renommé en matière de rock alternatif, le Kilbi – dont les billets ont une espérance de vie plus maigre qu’au Paléo. Comment cette petite institution campagnarde est-elle devenue si réputée? Rencontre avec le boss, Daniel Fontana. r. e samedi 2 mai, en bordure de la Daniel deviendra propriétaire, en plus D ville de Guin (ou Düdingen – pour d’être le fondateur, le programmateur Lles germanophones), dans le canton et le coordinateur du café-club. de Fribourg, la nuit tombée sous une Actuellement, le Bad Bonn représente pluie froide et soutenue, dans une environ six postes à 100%, une quin- petite maison de campagne perdue au zaine d’ingénieurs son et autant de bar- milieu des champs, une centaine de men, plus quelques bénévoles qui se personnes se rassemblent pour écou- proposent pour cuisiner pour les ter Black Yaya, ex-Herman Düne, lors artistes. Au bureau, à l’étage, ils ne d’un concert intimiste et néanmoins sont que trois. jovial, entraînant, somme toute mémo- rable. L’auteur-compositeur-interprète «J’aime les s’était réjoui de sa venue au Bad Bonn, Vue aérienne du Bad Bonn Kilbi en 2012, avec le lac de Schiffenen en arrière-plan. qu’il avait qualifié auparavant de «mon- groupes qui osent dialement acclamé et incontestable aller sur scène et «programmation au catalogue», qui foule – même si, disons-le, les Black meilleur endroit d’Europe» sur sa page consiste à choisir parmi une liste d’ar- Angels et Thurston Moore, ça en jette Facebook. faire des erreurs» tistes en vogue et en tournée. déjà sur le papier. Impressionnant pour une salle qui n’est Les contacts avec les artistes, bien Cette foule présente deux caractéris- pas grande (250 places), pas belle, pas L’art du repérage sûr, sont moins directs qu’autrefois: tiques. La première, fort appréciable bien desservie et pas facile à trouver. En regardant le programme, on trouve tout passe par les managers. pour nous autres, profonds Romands, Mais pas étonnant quand on tient beaucoup de groupes suisses mais- Toutefois, de nombreux artistes voisins des Français ancrés sur l’arc compte de la richesse de la program- pas-que, et énormément de styles dif- regardent et valident les endroits où ils lémanique, la première disais-je, c’est le mation, des prix abordables, du pay- férents. La seule constante réside dans vont jouer, et ils sont beaucoup à bilinguisme. Quel plaisir que d’y côtoyer sage bucolique, de l’ambiance unique la diversité, dans l’originalité et souvent apprécier l’atmosphère rurale et cha- nos amis les Totos et de piétiner le qui y règne et de l’histoire qui l’habite. dans l’exclusivité. Il ne s’agit pas de leureuse du Bad Bonn – à l’instar de Röstigraben comme s’il n’existait pas! suivre les tendances ou d’inviter des Bonnie Prince Billy, qui, en amour avec Ici, toutes les Suisses se rencontrent et Des origines aquatiques artistes pop que l’on voit déjà partout le club, est venu plusieurs fois. se mélangent. La seconde caractéris- Le Bad Bonn tient son nom des anciens pour faire du chiffre. «Je n’ai jamais tique est que ces Suisses-là, amateurs bains thermaux de Bonn, une institu- écouté le public, confie Daniel. J’ai tou- Le gourou des festivals de musique indé et de convivialité, sont tion autrefois très visitée qui comptait jours fait ce que je voulais.» Et ça Du 28 au 30 mai prochains, le Kilbi des gens respectueux et responsables. soixante chambres. Le village, avec son marche. Le Bad Bonn et le Kilbi assu- rugira dans la campagne fribourgeoise Daniel Fontana se dit «super détendu» hôtel, son église et ses maisons, a été ment un rôle de découvreurs d’artistes, pour sa 25e édition. Inutile de préciser pendant le festival, qui est bien organisé englouti par le lac artificiel lors de la et ils ont un public à la fois fidèle et que le festival a commencé très petit, et bénéficie d’une autorisation pour construction du barrage de Schiffenen ouvert aux opportunités musicales avec trois groupes et une petite tente, ouvrir et passer de la musique jusqu’à sur la Sarine en 1963. Après le naufrage qu’ils leur offrent. Pour le programma- durant une fête folklorique où l’accor- 6 h ou 7 h du matin. Ainsi c’est le soleil de leur établissement, les propriétaires teur, il est important d’avoir de petites déon régnait jusque-là. En allemand, qui s’occupe de renvoyer les derniers disposent d’un terrain non loin des exclusivités et de prendre des risques «Kilbi» signifie «Bénichon», une tradi- fêtards dans leur tente. «A 6 h le matin, rives où ils bâtissent leur modique res- pour garantir l’identité d’un lieu. Il tion populaire dans le canton. «C’est un quand les gens dansent encore sur la taurant de campagne. En 1991, Daniel ajoute: «C’est bien d’avoir des groupes joli nom qui fonctionne dans toutes les terrasse, c’est assez extraordinaire», Fontana, un gars de la région, loue le que certains vont trouver nuls, pour langues, j’ai décidé qu’on allait garder commente Daniel. bâtiment avec des copains sans projet avoir des réactions. J’aime les groupes ça» raconte Daniel. Le festival compte précis et invite des groupes de black qui osent aller sur scène et faire des aujourd’hui un camping et deux Piétiner le metal à venir se produire de temps en erreurs.» grandes scènes sous chapiteau en plus temps. Ainsi naquit le Bad Bonn: quasi- Lorsque nous lui demandons par quels du Bad Bonn, une forme qu’il a prise en Röstigraben ment par inadvertance. Par la suite, la biais lui-même découvre de nouveaux 2011 et qu’il gardera longtemps Avant cela, vers 3h, on allume un feu programmation se diversifiera jusqu’à potentiels, il répond qu’il aime surtout puisque les organisateurs n’ont nulle- de bois autour duquel les spectateurs, devenir parfaitement éclectique, et demander conseil aux musiciens qu’il ment envie de s’agrandir. En effet, la fascinés, viennent se réchauffer. Nous invite. «Je demande souvent quel était petite taille du festival présente des évoquons ce moment solennel, qui ins- INFOS PRATIQUES pour eux le meilleur concert de l’an- avantages logistiques et est fortement pire au programmateur une belle méta- Horaires du café: ma-je 16h, ve-di 10h née. Parce que là tu as au moins une appréciée des spectateurs – à l’excep- phore de fin: «Le feu c’est la merde, les (fermeture entre minuit et 3h) chance de tomber sur des groupes tion de ceux, frustrés, qui n’ont pas gens c’est les mouches.» On peut Accès: 15’ à pied au nord de la gare dont la presse ne parle pas.» Son tra- réussi à avoir l’un des 2500 billets dis- généraliser le phénomène au Kilbi tout Menu à 12.- le vendredi midi (sur réser- vail consiste à chercher plutôt qu’à réa- ponibles pour chacun des trois jours. entier, notre maître à penser, et à nous, vation) & brunch dominical 1x/mois gir aux e-mails que tout le monde Cette année, la billetterie était sold out les adeptes convaincus. • Prix standard des billets (2 concerts): 25.- reçoit. Il déplore l’uniformité du pay- après une demi-heure. La réputation du Abonnement annuel à 400.- (Kilbi inclus) sage musical suisse (notamment au Kilbi n’est plus à faire, et celui-ci n’a pas www.club.badbonn.ch niveau festivalier) et critique la besoin de têtes d’affiche pour attirer la Jeanne Guye Culture MAI 2015 29 Attia Le monde selon Colomb «Comme un

et Atlas Tout au long de l’année, L’auditoire a dépoussiéré sa bibliothèque romande dirigeable» et vous a présenté les livres qui ont fait des remous dans le Léman. Pour «Les blessures sont là» est le titre finir en beauté, trois romans de Catherine Colomb:Châteaux en enfance de la prochaine exposition du mcb-a (1945), Les esprits de la terre (1953) et Le temps des anges (1962). A l’intersection du dessin et de la dédiée à l’artiste contemporain musique se situe l’œuvre de John Kader Attia. A voir du 22 mai au 30 plus haut que la réalité: les gens Stump (1944-2006). Eclairage sur août au Palais de Rumine. meurent en se penchant pour cueillir un compositeur méconnu du une fleur, le vent change de force XXe siècle. epuis plusieurs années, le Musée lorsqu’un malheur arrive, on entend cantonal des Beaux-Arts à frémir des tours abattues il y a long- hacun de nous a sans doute DLausanne poursuit une série d’exposi- temps. Un officier français reproche reçu quelques bases de solfège: tions monographiques consacrées à à Isabelle, la nièce de César, de ne Cdes noires, des blanches, des des artistes importants sur la scène pas coudre de filet; dans la phrase croches et des rondes joliment arran- contemporaine internationale – tels que suivante, le dernier prétendant de la gées à la suite sur une partition… Tom Burr, Alfredo Jaar ou Renée Green, jeune femme, pour entrer chez elle, Avec John Stump, nous en rencon- pour n’en citer que quelques uns. La doit écarter «les filets suspendus trons désormais des vertes et des prochaine ouvre à la fin du mois et pré- aux fenêtres, aux portes et autour pas mûres: en effet, ce compositeur sentera une importante rétrospective des lampes». C’est ce qu’il y a de américain méconnu a réinventé la de l’artiste franco-algérien Kader Attia, vertigineux chez Colomb: les bonds partition musicale en couvrant littéra- travaillant à Berlin, avec un accent parti- par-dessus les époques, la descrip- lement les siennes de notes, parfois culier sur les pièces les plus récentes tion au plus près du travail des regroupées en colonnes ou en pyra- (certaines ayant été conçues pour l’oc- années, qui prolifèrent brusquement mides, et de symboles incompréhen- casion). Le commissariat de l’exposi- comme les filets d’Isabelle. sibles (même pour un musicien che- tion est assuré par Nicole Schweizer, Le temps des anges prolonge cette vronné). De plus, des indications qui nous a indiqué les raisons pour les- recherche en développant sa dimen- tout à fait cohérentes telles que quelles elle a invité l’artiste. sion réflexive: «Qui a dit ça? qui a «comme un dirigeable», «pas de A la fois installateur, photographe et es livres de Catherine Colomb se parlé?» La narration, prompte aux marionnettes, s’il vous plaît», «libé- vidéaste, l’artiste déploie une grande déchiffrent comme de la poésie. digressions, se rappelle à l’ordre: rez les pingouins» et «insérez des palette de médias pour parler du LIls se passent au bord du même lac, «C’est uniquement la trace d’escar- cacahuètes» agrémentent avec monde, ou plutôt des mondes et de dans la première moitié du XXe siècle; got de Godefroy Budiville qu’il faut humour ces feuillets, plus gra- leurs relations – le monde occidental mettent en scène des familles, des suivre.» L’écriture évolue, mais c’est phiques que musicaux, puisque face à l’Autre, le monde d’aujourd’hui saisons, des héritages. Mais les lois toujours le même monde – matériellement injouables, à moins confronté à celui d’hier, les choses pré- auxquelles ils obéissent ne doivent quoiqu’en plus sombre, plus secrète- de disposer d’un bon logiciel sentes suggérant des choses rien à la narration telle qu’on la ment violent –, où les morts s’at- informatique. absentes, et réciproquement. Le travail connaît. tardent, «ramènent sur leurs épaules Ainsi, le son qui en résulte est très d’Attia interroge l’histoire, la politique, la «Jenny laissa tomber le canevas où leurs pèlerines de laine»; un monde chargé, perturbant, voire psychédé- culture, l’artisanat, le corps humain. elle brodait à minuscules points de empli du bruit du lac (bientôt recou- lique. Mais surtout, il reste en tête Celui-ci est nourri en partie par l’expé- croix deux petits sapins vert tendre, vert par celui de l’autoroute), des rai- encore plus que le thème de Tetris: à rience de l’artiste, qui a grandi en un dragon chinois rose, l’alphabet, sins sur ses rives et de la glace qui titre d’exemple, citons Death Waltz France et en Algérie et a passé plu- les chiffres de ses brèves années; emprisonne les mouettes. (1980), harmonieuse malgré la quan- sieurs années au Venezuela et au elle se plaignit d’un violent mal de Énigmatique, l’œuvre de Catherine tité de notes jouées simultanément. Congo. tête.» C’est la scène d’ouverture de Colomb pourrait sembler hermé- Pour les intéressés, une version syn- Il est un thème central qui se dégage Châteaux en enfance. Cette Jenny, tique, sans cette ironie cruelle qui thétique a été postée sur YouTube des œuvres exposées pour «Les bles- en resurgissant beaucoup plus tard, intrigue et cette langue qui accroche. (Death Waltz Synthesia). sures sont là», suggéré par le titre: la aura peut-être changé de prénom, Obsédée par le travail de la mémoire, Malheureusement, nous ne connais- question de la réparation, qui traverse ses dragons seront vert et rose. la romancière force le lecteur à faire sons que peu le personnage de John tous les domaines de la société men- Dans l’intervalle, on aura vu défiler fonctionner la sienne, à s’approprier Stump et l’une des rares sources à tionnés plus haut. Une notion qui les Laroche, les Angenaisaz, une comme des souvenirs personnels son sujet est un article rédigé par convoque automatiquement les dicho- demi-douzaine de domestiques qui les vies de ces gens modestes et son neveu, dans lequel il évoque un tomies entre l’avant et l’après, entre le s’appellent tous Bembet; on assiste dépassés qu’en dépit de leurs fai- homme timide, amusant et brillant. visible et le masqué, entre le respon- à un baptême, une lampe tombe blesses elle enlumine avec soin. Il Quoi qu’il en soit, le matériel artis- sable et l’accidenté – des oppositions sans se briser. Et parvenu aux n’y a pas jusqu’à la belle-sœur de tique de ce compositeur peut être qui ont pourtant tendance à se brouiller «fleurs futures» qui closent le texte, César, monstrueuse et ridicule, avec admiré dans l’une des universités de quand on y regarde de plus près. on se découvre hanté par des sa tête «grande comme le globe ter- Washington, exposé comme un Attia a été exposé et remarqué dans de images tenaces. Il faut relire. restre», qui n’ait droit à ses moments tableau auquel il est possible de nombreuses grandes villes lors d’expo- Dans Les esprits de la terre, trois de grâce – par exemple lorsque, redonner vie par la musique. En sitions personnelles, ainsi qu’à la 50e frères doivent se partager deux mai- pleine de regrets, elle repense revanche, écrit Stump, il faudra sans Biennale de Venise en 2003, à la sons (leur sœur, elle, a eu un jour comme à un amour perdu à cet doute «passer par une défibrillation Biennale de Lyon en 2005 et à la l’idée d’être folle, pour échapper à la homme qui l’avait abordée et à qui, pour venir à bout [de l’un de ses dOCUMENTA (13) à Kassel en 2012. Il pitié). C’est César, l’aîné, qui perd. méfiante, elle n’avait pas répondu à morceaux]»… Que ne ferait-on pas s’agit toutefois de sa première appari- Une impression de réalisme se temps, un jour, à Venise. • pour l’amour de l’art? • tion majeure en Suisse, et le mcb-a dégage de ces pages, mais l’univers s’en fait un honneur. • que l’on croit reconnaître est trans- Jeanne Guye posé, tout sonne un quart de ton Bruno Pellegrino Jérémy Berthoud c’est absurde! MAI 2015 30 Heureuscope L’été nous réserve chaque année son lot de surprises, agréables et déplaisantes. Pour vous évi- ter certains désagréments, nous avons rédigé quelques prédictions qui vous aideront – nous l’espérons – à vous préparer au pire ainsi qu’au meilleur. Bélier Cancer Balance Capricorne 21.03-20.04 22.06-22.07 23.09-23.10 22.12-20-01

SWAG Vous vous trouverez bientôt SWAG Préparez-vous à rencontrer SWAG Votre franchise mettra à mal SWAG Votre persévérance vous fait un nouveau domicile, là où personne l’amour prochainement! Indice: cette bien des injustices. Vous êtes le triompher dans votre domaine ne viendra vous enquiquiner. personne est fan de Scorpions. Robin des hôtes de ces bois. (diplôme, augmentation, promotion). CRAIGNOS En drague, vous aurez CRAIGNOS Votre timidité croît en CRAIGNOS Une prise de poids en Pour vous, au travail, c’est amour, tendance à pratiquer le rentre-dedans vous comme une tumeur. Pour la soi- perspective… attention aux mojitos. gloire et beauté, et beaucoup vous et à enfoncer vainement toutes les gner, commencez par faire la conver- YOLO Puisque vous n’avez jamais été envient. portes ouvertes. Travaillez votre tact. sation à votre grille-pain. convaincu par un mode de vie plutôt CRAIGNOS Votre prudence vous YOLO Initiez-vous aux sports de l’ex- YOLO Lancez-vous ensuite dans la qu’un autre, changez d’orientation empêche de saisir les belles occa- trême (base jumping, catch, badmin- téléréalité (et suivez les traces de sexuelle, voire de sexe, pour essayer. sions qui se présentent à vous. ton) et boostez votre adrénaline pour Nabila, quitte à poignarder votre Vous pourriez par exemple devenir fri- YOLO N’ayez plus peur du change- entrer en communion avec votre moi amant-e). Faites-vous tatouer “carpe gophile (les personnes attirées par les ment. De toute manière vous serez intérieur. diem” avant. frigo). trop prudent-e pour suivre ce conseil... Taureau Lion Scorpion Verseau 21.04-21.05 23.07-22.08 24.10-22.11 21.01-19.02

SWAG L’été sera très sensuel, grâce SWAG Votre production artistique SWAG C’est un coup de foudre qui SWAG Votre nouveau sujet d’étude à votre charme et votre chic. Vos sera bientôt sous le feu des projec- vous attend dans les mois qui suivent. pourrait bien révolutionner la société coudes sont votre atout séduction teurs. Vous serez enfin reconnu pour Indice: vous rencontrerez cette per- et vous attirerez l’attention de vos n°1. N’oubliez pas la crème vos talents créatifs. sonne à un concert. contemporains. hydratante. CRAIGNOS Votre mauvaise foi risque CRAIGNOS La lune vous prédit une CRAIGNOS Mais les gens sont si CRAIGNOS Vos principes conserva- de vous faire fermer les yeux sur mort lente et douloureuse. Restez hypocrites… On abuse de votre géné- teurs anti-contraception engendrent votre mode de vie. Non, les stupé- loin des couteaux. rosité et vous perdrez le brevet de des problèmes de grossesse. fiants à haute dose ne sont pas bons YOLO Si vous survivez, partez élever votre invention. YOLO Allez voir autre chose et culti- pour vous. Posez cette paille des hamsters alcooliques en Russie YOLO Simulez votre mort sur les vez une plantation de tomates cerises immédiatement. sub-continentale. Pour vous remettre, réseaux sociaux pour faire le tri dans en Espagne pour ouvrir votre esprit. YOLO Partez en cure de désintox. vous aurez besoin de quitter votre vos amis. Ainsi, vous pourrez P.S. n’oubliez pas votre pagne. Vite. quotidien un moment. reprendre le contrôle de votre vie. Gémeaux Vierge Sagittaire Poissons 22.05-21.06 23.08-22.09 23.11-21.12 20.02-20.03

SWAG Votre intelligence et vos SWAG Votre curriculum vitae impec- SWAG Mercure et Pluton vous pro- SWAG Vos proches seront absents talents de manipulateurs vous per- cable laisse présager une offre d’em- mettent un voyage solitaire (intérieur cet été, mais ce n’est pas grave car mettront de mener une double vie à ploi très alléchante. ou extérieur) enrichissant. N’oubliez vous supportez bien la solitude grâce l’insu de vos proches. Mais attention, CRAIGNOS A cause de votre perfec- pas le baume du tigre pour votre main à votre imagination débordante. à votre chat qui se doute de quelque tionnisme, vous ne tiendrez pas vos droite. CRAIGNOS Votre narcolepsie et vos chose. échéances de fin d’année et vous CRAIGNOS Vous pourriez vous bles- absences fréquentes vous feront pas- CRAIGNOS Votre schizophrénie pour- souffrirez du syndrome de la feuille ser lors d’un accident de chasse (au ser pour un freak auprès des incon- rait s’aggraver. Surtout, souvenez- blanche… Courage! sens propre ou figuré). nus, ce qui rendra les approches vous que vous n’êtes pas une théière. YOLO Pour les plus délurés, entrez YOLO Fondez une famille, histoire de difficiles. YOLO Allez au casino et misez tout dans les ordres. Pour les autres, com- vous sédentariser un peu. Et si vous YOLO Assumez votre côté farfelu et sur le 13 à la roulette. La chance vous mencez la pôle-dance aquatique, une ne trouvez personne, adoptez un revendiquez vos positions. Créez votre sourira! pratique méconnue et prometteuse. chaton. parti politique pour l’amour de l’Art et du lard: vous trouverez des adeptes. C’est vous qui le dites MAI 2015 31

Parmi les réactions suscitées par les e-mails envoyés à l’ensemble de la communauté universitaire à chaque nouveau numéro, certaines font preuve d’un lyrisme et d’une créativité rares. En voici deux qui ont bien mérité de figurer dans nos pages. Un grand merci à leurs auteurs.

éjà, oui, nous aussi ça nous car nous y participerons, souvent sans utilisons bien l’expression « trop bien La crème, les additifs, la pauvreté des surprend. même savoir comment, pourquoi et », « trop bon », « trop beau » à toutes producteurs de café, les milliers de «D avec qui. Nous savons qu’un apéro les sauces, ce qui nous différencie litres d’eau gaspillés. Tu aimes le café. Est-ce de l’ironie ou de la rhétorique ? peut avoir lieu en toute impunité à 11h bien des Français qui peinent à com- Peut-être. Surement. Tous les étudiants Pensez-vous réellement que la commu- un vendredi et qu’on peut tout aussi prendre ce mot du domaine de l’ex- aiment le café. Ou: ils aiment le café de nauté universitaire reçoit avec une indif- impunément l’écrire à tous-unil. cessif…) - mais à force de lire tes par leurs besoins accrus. C’est ça les férence surprise l’Auditoire d’au- romans (je reprends), j’ai presque études. Et leur amour pour la dame des jourd’hui ? Ou, comme ces poètes Mais avez-vous songé à l’éclair que l’impression de te connaitre un peu. cafés de l’Anthropole (et pas la ser- s’excusant de leur maladresse littéraire cela peut produire dans le quotidien veuse de Géopolis - na!). dans le préambule d’un texte dont ils d’un brave employé de l’université, En effet. J’aime tes goûts. C’est dit. savent qu’il sera acclamé, écrivez-vous sagement assis à son bureau, concen- J’aime la franchise (et le chocolat). Les Tu parles de Fécule. J’espère que c’est cela en étant conscient-e-s que votre tré à sa tâche, qui sent soudain, à la petites pics (pas celles du porc). pas de la pomme-de-terre. Ou du message a été attendu par beaucoup, lecture de votre message, palpiter en L’aigreur partielle et spontanée du style hachis. Surtout lors du souper de par certains même fiévreusement ? lui la liberté, l’insouciance jouissive, la rédactionnelle. La pointe d’humour clôture. légèreté qui ont animé sa vie d’étu- quasi continuellement présente Ce matin, ces lecteurs, presque dépen- diant. A nouveau il se sentira complice (comme celle du sel dans nos Tu aimes la bière. Notamment à dants, ont été sauvés en recevant leur de la jeunesse qui l’entoure. Au assiettes). Mais tout de même le Unilive. Ne pas en abuser, l’alcool est dose mensuelle de légèreté estudian- moment où il reçoit le message dévoi- sérieux qui s’en dégage (comme la tête mauvais pour la santé. Mais tu arrives tine. L’un a lu patiemment votre long lant le menu du nouvel Auditoire, l’an- de l’asperge qui sort de terre en ce presque à nous donner envie avec les message, ponctuant chaque phrase cien étudiant en lui se réveille, comme début de printemps). C’est ni trop apéros de la FAE à 16h34 le jeudi. Tout d’un sourire, l’autre a fait défiler sans le comptable par le sifflet du train, au (encore!), ni trop peu. est beau, tout es chaud là-bas aussi ménagement la fenêtre vers le bas de loin, dans la nouvelle de Pirandello. Cet (comme l’Auditoire)? Amène une fois la page pour découvrir ce qu’il peut appel au milieu de l’obscurité le saisit Si j’aime tes goûts stylistiques rédac- ma recette de Flamby, tout sera encore gagner en feignant de le lire jusqu’au soudain et il s’exclame, un vendredi tionnels, c’est bien peu dire. Car je ne plus beau, encore plus chaud. bout, la plupart se contentera de le matin, en prenant conscience tout à connais pas tes vrais goûts. Les vrais. jeter (sacrilège !) pour se précipiter vers coup du monde estudiantin qui s’agite Oui. Les goûts culinaires. Ces goûts qui Le chocolat. Avant la pénurie. Rien la caissette la plus proche et se procu- autour de lui : «Oui, il connaissait la vie révèlent tout de la personne, son style qu’avec ce titre, tu m’obliges à lire l’Au- rer son exemplaire. Dans tous les cas, qu’on y menait. La vie que jadis il y de vie, sa philosophie, son passé peut- ditoire. C’est pas vrai. Je le lis tout le ils passeront le reste de la journée avait menée aussi ! Et elle continuait, être, ses habitudes. Pourtant, ton mail temps. Avec ou sans chocolat. Sucré béats, sachant qu’ils ont désormais, cette vie ; elle avait toujours continué regorge d’indices surprenants, origi- donc. Encore. dans leur disque dur saturé, le tiroir de pendant qu’ici, comme une bête aux naux. A propos d’alimentation. Si dans leur bureau encombré ou leur sac yeux bandés, il tournait la barre du l’Auditoire, il y en a pour tous les goûts Je ne peux prétexter un apéro en cette Freitag usé, un Auditoire tout frais dans moulin. Il n’y avait jamais plus pensé !» (c’est merveilleux!), il y a en tout cas du matinée dominicale, ni même une lec- lequel ils pourront aller chercher le bol (L. Pirandello, Le train a sifflé, trad. G. sucré-gélatineux-coloré (par des colo- ture intéressante de notre journal estu- d’air dont ils ont besoin. Mais ces 24 Piroué). rants, on s’entend), le Flamby. Français. diantin préféré, car je ne l’ai pas encore pages sont bien peu de choses. Jour - à ce propos, l’aspiration (double sens) chipé en courant entre deux sémi- après jour, leur charme va s’épuiser. On Cette longue salade assaisonnée de lit- de Flamby ou marques plus banales, naires, un café (avec chocolat bien sûr) se tournera alors en vain vers le site, térature correspond sans doute assez copies sans goûts, textures moins et le marché. Entre le Flamby, le choco- les blogs, attendant avec impatience le peu aux «trucs drôles» que vous fermes, comme un challenge est un jeu lat, le café, la bière et les apéros, on prochain message de Mme Chave, qui demandiez en réponse à votre mes- intéressant. En quelques étapes, tu te peut déduire que tu as la patate! chassera définitivement une crise de sage. Mais après tout, vous avez vous retrouves avec un Flamby dans le J’espère que tu vas au marché de manque imminente. aussi le droit de recevoir des messages ventre (c’est mieux que dans le c**), l’UNIL à Géopolis de temps à autre, car interminables, avec le défi de les lire, tout rond, tout lisse (oups): c’est peu sain ce style alimentaire! Vous devez à votre tour vous demander ou non, jusqu’au bout. Désordonné. Pauvre (comme le bougre si c’est de l’ironie ou de la rhétorique (à [...] de Vélocité) en vitamines. Mais la lec- moins que cela vous soit égal car vous Bien à vous, ture culinaroromanesque de ton mail vous fichez de ce que j’écris, au quel Des goûts culinaires plutôt désordon- m’a sustenté et je t’en remercie sincè- cas vous arrêterez, c’est préférable, Michaël Krieger» nés peut-on interpréter en te lisant. rement! Si mon analyse dévoile peut- votre lecture ici). Sachez pourtant que Tout est désordre. Pourtant, dans la être, je l’espère, un peu, certaines cela est tout à fait sincère. Etudiants, bonne cuisine, tout est ordre. Selon les facettes de ton alimentation, elle nous prêtons souvent peu d’attention à n se connaît finalement peu, grands chefs. Je n’imagine pas l’état de dévoile dans tous les cas de nombreux l’Auditoire car il n’apporte rien à notre mais à force de lire tes mails - ta cuisine. Les couteaux mélangés aux aspects de la mienne. Argh! Trahi par quotidien. Nous avons nous-mêmes «Oou devrais-je dire tes romans (très fourchettes. Les verres avec les tasses. mes mots! apporté notre contribution aux âneries loin d’une critique, je suis le premier à Les légumes avec les fruits. magistrales prononcées lors du dernier « trop » écrire, enfin, on s’entend, « Timothée, un gourmand sans limite, un blind test. Nous n’avons pas besoin de trop » c’est très subjectif, car de nos Un penchant pour Starbucks (ou le cuisinier amateur, un activiste pour une connaître l’agenda des soirées à venir jours, surtout en Romandie, nous contraire? je n’ai pas encore lu l’article)? alimentation bonne, juste et propre.» Au-delà du Dôme du Toner

Du fond des âges, nous parvient un récit vieux comme le monde, et qui pourtant ne s’est pas encore réalisé. Réminiscences d’un avenir lointain, il nous annonce ce que nous connaissons déjà: la fin des temps et le perpé- tuel recommencement. Vous, les vivants qui goûtez la vie d’une seule bouche, prêtez vos deux oreilles à l’his- toire d’hier et de demain.

a vie s’éteint, la vue se brouille, il ne reste plus que le souvenir. Je me sou- Mviens d’un temps où régnait le chaos, un temps de rêves brisés, de terres dévastées... Mais par-dessus tout, je me souviens du jour- naliste reporter indépendant (JRI) de la route. L’homme que nous appelions Max. Pour com- prendre qui était cet homme, il faut revenir à une autre époque. Quand le monde s’infor- mait par internet et que florissaient entre les Collet George Miller et Julie Richard, Jean-Marc mains des Hommes des tablettes numé- riques... Disparues, maintenant balayées... Pour des raisons aujourd’hui oubliées, la Municipalité de Lausanne décida d’interdire les grills et la musique dans les parcs de la à faire couler l’encre du journalisme, grâce à notre imprimerie. Mais nous savons où nous ville. En réaction, les amateurs de feu de joie sa mainmise sur les dernières cartouches rendre pour sauver la presse.” Après organisèrent une dernière schublig party sur existantes. réflexion, le JRI de la route accepta de préter gazon avant l’illégalité. Dans leur folie, ils lais- main forte aux pauvres hères prisionnières (il sèrent le gaz ouvert, et au premier briquet Mais résistait encore et toujours, dans un faut dire que Ringedia était quand même gratté, c’en était fini. L’incendie s’étendit à petit bourg déserté des mouches, un fier bas- sacrément bonne). Il embarqua avec elles à toute la planète, vidant les océans et dévo- tion de la presse indépendante qui défendait bord du bus des P’tits Zèbres (qu’il avait récu- rant la terre. Ne resta plus qu’un désert aride becs et ongles un journalisme local d’investi- péré une nuit non loin du cadavre de Jean- à perte de vue. gation et de qualité. Là, les kangourous écra- Marc Richard), s’installa au volant et ils par- sés pouvaient avoir leur colonne mortuaire et tirent au petit matin, tandis que les sbires de Internet disparut (parce que si on allume une les bagarres à l’arme blanche étaient décrites Désinformania commencaient à partager le toile, elle brûle), la télévision aussi (parce seconde par seconde. Dirigée par la légen- festin avec les vautours du 20 minutes. que). Le grondement des images hoqueta et daire journaliste Ringedia, ce clan était en s’éteignit. Seul le papier subsista, et les possession de la dernière imprimerie en Commença alors une cavale des plus rocam- quelques journalistes survivants commen- activité. bolesques, entre dunes de sable ocre sous le cèrent à s’entretuer pour les dernières car- soleil couchant et horizons s’enfuyant au loin touches d’encre. Ils désertèrent les syndicats Par une nuit sans lune et sans coyote, une comme la route défilait. Max, à moitié mad, de la presse et se comportèrent en monstres colonne de silhouettes anonymes dandina donna du volant: wheelings super chouettes, égocentriques. Au lieu de s’unir pour garantir vers ce dernier rempart de la presse libre. plein de sable partout, des boomerangs qui la pérennité de leur profession, ils s’entredé- C’étaient des vautours du 20 minutes qui volent et des pneus qui crissent. chirèrent. Mais bon, tout le monde était venaient se repaître des cadavres des journa- devenu fou, les journalistes n’échappèrent listes ayant essayé, sans succès, de s’empa- Enfin hors de danger, Max laissa ses compa- pas à la règle, hein, pas d’élitisme. rer de l’imprimerie. Mais le carnage n’était gnons atteindre seuls leur destination: le que la devanture d’un siège: les sbires de Dôme du Toner. Là-bas, ils pourraient relancer Des clans prirent forme. Désinformania, la Désinformania tentèrent de s’emparer de les rotatives etTEAM faire 149 revivre la presse. gourou d’une horde de reporters fous, profita l’imprimerie. Un étranger, mystérieux taci- S’enfonçant dans le désert, sa silhouette se alors du chaos ambiant pour assassiner tous turne, suivait les événements de près. détachant derrière lui, le JRI de la route les rédacteurs en chef et regroupa sous ses ”Mais… c’est l’homme que nous appelions retourna à sa solitude. Sur la route de Mad, y jupons les plus sanguinaires et féroces défen- Max, cet ancien rédacteur of the sonna pour la dernière fois le klaxon du bus seurs de la désinformation. Son but ultime: Motherfucking Mad Magazine!”, s’écria des P’tits Zèbres. • prendre le contrôle de la presse et, avec elle, Ringedia dans un élan d’ivresse. “Ô toi, Max celui des hordes misérables ébahies par l’infor- du Mad, viens nous porter secours! Nous mation croustillante. De ce fait, elle contribua voilà, dans une impasse, forcés de quitter Les P’tits Zèbres