JEAN-PHILIPPE RAMEAU

LES FÊTES D'HÉBÉ

JEAN-PHILIPPE RAMEAU (1683-1764)

LES FÊTES D'HÉBÉ (1739)

Opéra-ballet en trois actes sur un livret d'Antoine Gautier de Montdorge (version de concert) // a été décidé de procéder à de légères coupures de l'œuvre, qui n'ont qu'une répercussion minime sur le texte chanté, et aucune incidence sur la cohérence dramatique de l'ouvrage.

DISTRIBUTION

D essus : Sarah Connolly Maryseult Wieczorek Haute-contre : Jean-Paul Fouchécourt Taille : Basse : Luc Coadou Thierry Félix Matthieu Lécroart Laurent Slaars

MARS 1997

STRASBOURG Palais de la Musique et des Congrès le 10 à 20h00 MULHOUSE La Filature Iel8à20h30

Avec la participation du Ministère de la Culture, de la ville de Caen, du Conseil Régional de Basse-Normandie PECHINE Y parraine Les Arts Florissants depuis 1990

LPRO 1997/65 RÔLES

PROLOGUE

FFébé : Sophie Daneman L'Amour : Maryseult Wieczorek Momus : Paul Agnew

PREMIERE ENTRÉE : LA POÉSIE

Sapho Sarah Connolly La Naïade Sophie Daneman Le Ruisseau Paul Agnew Thélème Jean-Paul Fouchécourt Alcé e Luc Coadou Hymas Laurent Slaars Le Fleuve : Matthieu Lécroart

DEUXIÈME ENTRÉE : LA MUSIQUE

Iphise Sarah Connolly Une Lacédémonienne Maryseult Wieczorek Lycurgue Paul Agnew L'Oracle Jean-Paul Fouchécourt Tirtée : Thierry Félix

TROISIÈME ENTRÉE : LA DANSE

Églé : Sophie Daneman Une Bergère : Maryseult Wieczorek Mercure : Jean-Paul Fouchécourt Eurilas : Thierry Félix CHŒUR

Soprano I : Solange Anorga Bettina Arias Marie-Louise Duthoit Sophie Jolis Anne Pichard Soprano II : Violaine Lucas Anne Mopin Brigitte Pelote Jeannette Wilson-Best Haute-contre : Jean-Xavier Combarieu Didier Rebuffet Bruno Renhold Andrew Sinclair Ténor : Alain Brumeau Michael Loughlin-Smith François Piolino Jean-Marie Puissant Jean-Yves Ravoux Laurent Slaars Basse : Fabrice Chomienne Laurent Collobert Jean-François Gay David Le Monnier Matthieu Lécroart Christophe Olive Frits Vanhulle

PETIT CHŒUR

Soprano I : Bettina Arias Marie-Louise Duthoit Anne Pichard Soprano II : Violaine Lucas Anne Mopin Haute-contre : Jean-Xavier Combarieu Andrew Sinclair Bruno Renhold Ténor : François Piolino Jean-Marie Puissant Jean-Yves Ravoux

Préparation du chœur François Bazola Répétiteur claveciniste Béatrice Martin ORCHESTRE

Violon I : Myriam Gevers (Strasbourg) Simon Heyerick (Mulhouse) Jean-Paul Burgos (Mulhouse) Sophie Gevers-Demoures Mira Glodeanu Mihoko Kimura Hiro Kurosaki Valérie Mascia Susanne Scholz (Strasbourg) Katharina Wolff Violons II : Michèle Sauvé Bernadette Charbonnier Roberto Crisafulli Dario Luisi Guya Martinini (Strasbourg) Martha Moore Maia Silberstein Ruth Weber Alto : Galina Zinchenko Marciai Moreiras Michel Renard Jean-Luc Thonnérieux Anne Weber Basse de violon & violoncelle : David Simpson (Continuo) Emmanuel Baissa Ulrike Brütt Brigitte Crépin Damien Launay Marion Middenway Michel Murgier Alix Verzier Basse de viole : Anne-Marie Lasla (Continuo) Contrebasse : Jonathan Cable (Continuo) Michael Greenberg Flûte : Serge Saïtta Charles Zebley Hautbois : Michel Henry Olivier Clémence Vincent Robin Machiko Ueno Basson : Claude Wassmer Jun Harada Eckhard Lenzing Philippe Miqueu Cor : Denis Maton Piet Dombrecht Trompette : Per-Olov Lindeke Gilles Rapin Musette : Jean-Pierre Van Hees Percussion : Marie-Ange Petit (Strasbourg) Michèle Claude (Mulhouse) Clavecin : Emmanuelle Haïm (Continuo) Direction : William Christie LES FÊTES D'HÉBÉ Opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau

LE COMPOSITEUR

es grandes lignes de la vie et de la carrière de Jean-Philippe Rameau sont aujourd'hui connues de la plupart des amateurs de musique baroque française. Né à L Dijon en 1683, Rameau voyage un peu en Italie et occupe le poste d'organiste aux cathédrales d'Avignon et de Clermont avant de publier son Premier livre de pièces de clavecin à Paris en 1706. Il reste probablement à Paris, où il exerce également les fonctions d'organiste, jusqu'en 1709, date à laquelle il est nommé organiste à la cathédrale Notre- Dame à Dijon. On le retrouve à Lyon de 1713 à 1715. Qualifié de «maître organiste et musicien de cette ville» dans un document de l'époque, il y organise des concerts importants et compose des motets et d'autres œuvres dont la plupart sont aujourd'hui inconnues. En 1715, il est nommé organiste à la cathédrale de Clermont, où il reste environ sept ans. Plusieurs cantates et motets figurent parmi les projets que Rameau réalise à cette époque ; c'est également à Clermont qu'il écrit son premier grand ouvrage théorique, le Traité de Vharmonie. L'année 1722 marque l'arrivée définitive de Rameau à Paris. La publication de son Traité de Vharmonie, en 1722, est un début étonnant pour sa carrière de théoricien. Rameau continue à travailler à des problèmes théoriques et publie ses découvertes pratiquement jusqu'à sa mort, en 1764. Dès 1723, il compose des opéras comiques qui sont représentés à la Foire Saint-Germain ou à la Foire Saint-Laurent. En 1724, il publie les Pièces de clavessin ; cinq ans plus tard environ paraissent les Nouvelles suites de pièces de clavecin. En 1726, il épouse la jeune chanteuse et claveciniste Marie-Louise Mangot, probablement l'une de ses élèves. Son fils, Claude-François, naît l'année suivante. Une lettre de Rameau au librettiste Antoine Houdar de La Motte, datée de 1727, indique son désir de travailler à un opéra, et évalue ses talents potentiels de compositeur de musique dramatique. En 1733, l'Académie Royale de Musique donne la première représentation à'Hippolyte & Aride, sa première tragédie. Cet opéra inaugure un débat entre «lullistes» et «ramistes», et marque le début d'une nouvelle époque à l'Opéra de Paris. On est bouleversé par la vigueur, la richesse d'invention et la complexité contrapuntique de cette nouvelle musique. Les cinq opéras de Rameau qui sont représentés avant la fin des années 1730, c'est-à-dire Hippolyte & Aricie, , Castor & Pollux, Les Têtes d'Hébé et , ne constituent pas son seul champ d'action à cette époque. Vers 1734, Rameau est engagé par Alexandre-Jean-Joseph Le Riche de La Pouplinière pour diriger son établissement musical. Pendant environ vingt ans, Rameau organise des concerts chez La Pouplinière et dirige son orchestre. Au cours des années 1730, Rameau occupe également des postes importants d'organiste et continue à enseigner. Parmi ses élèves, citons Thérèse des Hayes, qui épousa La Pouplinière vers 1734, la future Madame Denis (nièce et maîtresse de Voltaire), et les compositeurs Claude Balbastre, Pierre Montan Berton, ainsi qu'Antoine Dauvergne. Au début des années 1740, Rameau publie les Pièces de clavecin en concerts, puis se consacre surtout à la composition de musique dramatique. Sa collaboration avec Louis de Cahusac, qui écrira pour lui plusieurs livrets, commence vers 1744. En 1745, il reçoit le titre de compositeur de la musique de la Chambre du Roi, ainsi qu'une pension de 2000 livres. Entre 1745 et 1749, dix opéras nouveaux, parmi lesquels Platée, , Les Surprises de l'Amour, Pygmalion et sont représentés soit à l'Opéra de Paris, soit à la cour de Louis XV. Les anciens opéras de Rameau sont également souvent repris. Vers la fin de la décennie, ses opéras sont si souvent représentés par l'Académie Royale de Musique que le Comte d'Argenson, secrétaire d'état de la Maison du Roi, essaie d'imposer des limites. Espérant sans doute l'influencer en sa faveur, Rameau lui dédie sa Démonstration du principe de l'harmonie en 1750. Rameau traverse en effet à cette époque une période de désaccord avec l'administration de l'Opéra, différend qui n'est que partiellement résolu avec l'attribution d'une pension en 1757. De 1750 à 1755 environ, Rameau travaille à plusieurs opéras qui furent donnés longtemps après leur composition ou ne furent jamais représentés de son vivant. On peut citer par exemple , composé vers 1755 mais représenté pour la première fois en 1760, et , répété chez Madame de Villeroy vers 1752 mais abandonné peu après. Rameau — ou plutôt la musique de Rameau — figure largement dans la des années 1752 à 1754. Sa réponse officielle à la Lettre sur la musique française de Rousseau se trouve dans les Observations sur notre instinct sur la musique, publiées en 1754. Rameau ne semble pas avoir entrepris de nouveaux projets d'opéra après l'âge de 75 ans, mais il continua à réviser ses anciennes œuvres. Concernant les «nouveautés» qu'on voulut lui faire ajouter à Castor & Pollux pour des représentations à Fontainebleau en 1763, il dit à Michel-Paul-Gui de Chabanon : «Mon ami, j'ai plus de goût qu'autrefois, mais je n'ai plus de génie du tout». En moins de trente ans, Rameau a composé plus de cent actes de musique dramatique. Selon son confrère Hugues Maret, «il étoit réellement dans l'enthousiasme en composant : il se livroit à une gaieté déclamatoire, lorsque son génie le servoit à son gré ; & à une espèce de fureur chagrine, s'il se refusoit à ses efforts». Peu après la mort de Rameau et son enterrement à l'église Saint-Eustache, en septembre 1764, trois cérémonies mémoriales eurent lieu à Paris. Les 1500 personnes environ qui assistèrent à celle de l'église des Pères de l'Oratoire purent contempler la vie de ce grand homme en écoutant le de Jean Gilles, le De Profundis de François Rebel, et plusieurs morceaux pathétiques de Rameau lui-même.

LA COMPOSITION ET LES SOURCES MUSICALES

Les Fêtes d'FLébé, ou les Talens Lyriques de Rameau sont représentées pour la première fois par l'Académie Royale de Musique, dans la Salle du Palais Royal, le 21 mai 1739. C'est le quatrième opéra de Rameau à paraître sur la scène de l'Opéra de Paris. Comme les paroles d'Hippolyte & Aricie et de Castor & Pollux, celles des Fêtes d'FLébé sont évidemment écrites dans l'entourage de La Pouplinière. Bien que le livret ait été publié sans nom d'auteur, la plupart des sources du XVIIIE siècle indiquent qu'il est principalement l'ouvrage d'Antoine Gautier de Montdorge, peintre amateur et maître à la Chambre aux deniers du Roi. Pour écrire et réviser ce livret, Montdorge eut, paraît-il, plusieurs collaborateurs : La Pouplinière, une certaine «Madame Bersin» (probablement l'épouse de Jean-Baptiste Bersin, conseiller du Roi en ses conseils), Pierre-Joseph («Gentil») Bernard, auteur des paroles de Castor & Pollux, et l'abbé Simon-Joseph Pellegrin, auteur des paroles d'Hippolyte & Aride. Rameau lui-même contribua, dans une certaine mesure, au livret des Fêtes d'Hébé. En effet, quatre ans après la première représentation, Montdorge publie un petit livre intitulé Réflexions d'un peintre sur l'opéra, qui raconte l'histoire d'un librettiste anonyme tyrannisé par son compositeur. Ce récit a sans doute été inspiré par son travail sur Les Fêtes d'Hébé et par les discussions qu'il avait pu surprendre chez La Pouplinière. Nous ne savons ni quand ni dans quelles circonstances Rameau et ses librettistes ont pu commencer leur travail sur cet opéra. Près de dix-huit mois s'écoulent entre la dernière représentation de Castor & Pollux, en décembre 1737, et la première représentation des Fêtes d'Hébé, en mai 1739. Cependant, la première indication connue de cet ouvrage, une lettre du commissaire Simon-Henri Dubuisson au Marquis de Caumont, porte la date relativement tardive du 5 avril 1739 et mentionne seulement qu'un «ballet nouveau» de Rameau serait représenté bientôt à l'Opéra. En l'absence de documents révélateurs, on peut chercher des indications dans l'ouvrage lui-même. L'idée générale du livret provient sans doute d'un livret d'Antoine Houdar de La Motte, Le Triomphe des Arts, qui fut mis en musique par Michel de La Barre et représenté pour la première fois par l'Académie Royale de Musique en mai 1700. Les sujets de la deuxième et de la troisième entrée de ce livret (La Poésie ou Sapho et La Musique ou Amphion) furent repris dans les deux premières entrées des Fêtes d'Hébé (La Poésie et La Musique). Le rôle d'Iphise, l'héroïne de La Musique de Rameau, a peut-être été suggéré par le rôle d'Iphise dans Jephté, une tragédie de Pellegrin et de Michel Pignolet de Montéclair. La première production de Jephté, en 1732, avait beaucoup impressionné Rameau. Son Dardanus, dont le livret fut ébauché au moins un an avant la première représentation des Fêtes d'Hébé, comprend également une héroine nommée Iphise. Par ailleurs, Issé, une pastorale héroïque de La Motte et d'André Cardinal Destouches, inspira probablement la troisième entrée des Fêtes d'Hébé (La Danse). La reprise d'Issé en novembre 1733 fut si bien reçue par le public parisien que les représentations ne cessèrent qu'en mai 1734. Dans Issé, Apollon, dieu des arts, se déguise en berger et sous le nom de Philémon triomphe d'un rival, Hilas, pour gagner l'amour de la bergère Issé. Dans La Danse, Mercure, dieu des arts dans certaines mythologies (le livret nous le rappelle) se déguise en berger, rencontre le berger Eurilas, et triomphe d'un rival, Palémon, pour gagner l'amour de la bergère Eglé. Dès la première représentation, Les Fêtes d'Hébé comportent plusieurs pages de musique que Rameau avait d'abord destinées à d'autres œuvres. Selon un compte-rendu publié dans le Journal de Paris en 1777, Rameau lui-même disait que les plus beaux morceaux de cet opéra avaient été écrits pour . Le compositeur avait travaillé à cette tragédie avec Voltaire en 1734 mais l'abandonna en 1735 ou 1736. Le Journal de Paris mentionne que «la musique du Divertissement du Fleuve, dans le premier acte, était le morceau destiné à peindre l'eau jaillissante du Rocher» [Samson, II, 2] ; que «le grand Morceau de Tirtée [son air «Eveille-toi»] est le même que celui qui dans la bouche de Samson devait reprocher leur lâcheté aux Israélites» [Samson I, 4] ; que «le Divertissement du troisième acte était la fête d'Adonis» [Samson III, 1]. Rameau basa au moins quatre morceaux des Fêtes d'Hébé sur des pièces qu'il avait composées au moins dix ans plus tôt. La première version de La Musique comporte un «Air tendre» basé sur «L'Entretien des Muses», qui parut dans les Pièces de clavessin en 1724. Cette collection fournit également la «Musette en rondeau» et le «Tambourin en rondeau» de La Danse. «L'objet qui règne», une ariette de cette même entrée, parut d'abord dans la cantate Le Berger fidèle, achevée en 1728. Les Fêtes d'FFébé ne sont malheureusement pas au nombre des opéras de Rameau qui existent aujourd'hui en partition autographe. En effet, tous les manuscrits autographes de cet opéra furent probablement jetés au XVIIIe siècle. De plus, les partitions utilisées pour les productions à l'Opéra de Paris du vivant de Rameau ont également disparu. On trouve cependant des exemplaires d'au moins trois éditions gravées qui furent approuvées par le compositeur. La deuxième édition comprend la seconde version de La Musique, représentée environ un mois après la première, tandis que la troisième édition comporte des changements supplémentaires. Certains manuscrits et certaines révisions de la main de copistes importants de la période 1750-1775, parmi lesquels Durand et Marvereau, font état de versions qui furent sans doute représentées à diverses étapes de la vie de Rameau. Parmi ces sources, citons un manuscrit qui appartint au Marquis de Brancas (Pn Vm2342), un manuscrit qui provient de la collection de Jacques-Joseph-Marie Decroix (Pn Vm2343), et une partition gravée avec révisions manuscrites qui appartint au Marquis de La Salle (Po A.143a). On trouve également une partition manuscrite de la troisième entrée qui fut probablement préparée pour les représentations parisiennes de 1765 ou 1770 (Po A.143b). Dans les nombreuses parties séparées existantes qui servirent pour diverses productions du vivant de Rameau, on relève des indications très précieuses pour l'interprétation.

LE LIVRET

Il existe plusieurs éditions du livret des Fêtes d'FLébé, toutes publiées sans nom d'auteur pour des représentations qui eurent lieu entre 1739 et 1777 à l'Opéra de Paris ou à la cour de Louis XV. La première édition comporte {'«Extrait d'une lettre, écrite à M. Rameau», où le librettiste anonyme reconnaît la qualité inférieure de sa poésie, constatant que son seul but était de produire un «enchaînement de Scènes qui prêtassent a la Musique et au Spectacle». Le peu d'intérêt dramatique qu'on y trouve serait insuffisant pour une tragédie. Pourtant, cette œuvre est un opéra-ballet, où la musique et le spectacle sont les éléments les plus importants. Comme la plupart des opéras-ballets, il comporte un prologue et trois entrées liées par un seul sujet, mais présentant chacune une action indépendante. Les trois arts lyriques, poésie, musique et danse, sont représentés ici par trois personnages, Sapho, Tirtée et Eglé. Le prologue est une célébration de la jeunesse et de l'amour. Hébé, déesse de la jeunesse, et Momus, dieu de la raillerie, quittent le ciel pour chercher leur bonheur sur terre. Les Grâces viennent faire leur cour à Hébé, puis l'Amour invite des bergers thessaliens à lui rendre hommage. Hébé et l'Amour se décident à fixer leur séjour «aux plus heureux climats», c'est-à-dire «sur les bords de la Seine». Les Zéphyrs arrivent pour soutenir le char d'Hébé. L'Amour ayant annoncé le sujet de l'opéra, le triomphe des talents lyriques, Hébé monte dans le char, et l'Amour et Zéphyr volent à ses côtés. La première entrée, La Poésie, propose une action qui naît d'un amour imaginaire entre Alcée et Sapho, poète et poétesse de la Grèce antique. Sapho se plaint de l'exil auquel Alcée est condamné par Hymas, roi de l'île de Lesbos, à l'instigation de Thélème, un rival jaloux. Elle fait jouer au roi un divertissement allégorique qui représente les maux qu'elle ressent par l'absence de son amant. Dans ce divertissement, une Naïade se plaint de l'inconstance de son Ruisseau, et le Fleuve qui a fait son mal rejoint le couple séparé. Touché par ce spectacle, le roi rappelle Alcée et le couple est réuni. Thélème ayant fui les lieux, l'acte se conclut par une fête marine. Dans la seconde entrée, La Musique, Iphise, fille de Lycurge, roi de Sparte, est sur le point de se marier à Tirtée, envoyé d'Athènes aux Lacédémoniens pour commander leur armée. Lycurge entre pour annoncer qu'un oracle destine Iphise au héros qui peut vaincre les Messéniens. Par ses chants émouvants, Tirtée anime l'audace des Lacédémoniens et les mène au combat. Iphise se lamente de son absence et attend son retour en compagnie d'autres femmes. Un second oracle et un ballet figuré lui révèlent son heureux destin. Tirtée revient triomphant, et Lycurge bénit l'union du couple. La victoire de Tirtée s'achève par une fête guerrière pour laquelle «des nuages chargés de trompettes, de timbales, de hautbois et de bassons descendent sur le théâtre». Dans la seconde version de cette entrée, qui remplaça la première après dix-neuf représentations, le rôle de Lycurge fut éliminé, les exhortations de Tirtée et la scène de l'attente des femmes furent remaniées, et les rôles d'Iphise et de Tirtée gagnèrent en importance. Dans la troisième entrée, La Danse, Mercure arrive dans un hameau où l'Amour lui a promis une conquête. Déguisé en berger, il apprend d'Eurilas qu'Eglé, pour prix de son dévouement à Terpsichore, va choisir un époux au cours d'une fête. Eurilas se retire, victime de sa propre timidité. Un autre rival, Palémon, joue du hautbois, mais Eglé préfère le son de la voix de Mercure. Mercure déclare son amour pour Eglé, qui essaie vainement de cacher son enchantement. Les bergers du hameau se disputent la gloire d'être choisis par Eglé, mais c'est Mercure qui reçoit la guirlande destinée à son vainqueur. Mercure révèle sa divinité, et Terpsichore arrive pour mener le divertissement dans un jardin orné. Quand elle remet son tambour à Eglé, toute sa cour reconnaît la bergère pour nymphe de la danse.

LA RÉCEPTION DE L'ŒUVRE

Les Fêtes d'Hébé figurent parmi les opéras de Rameau les plus appréciés de ses contemporains, et parmi les rares œuvres dramatiques du compositeur qui plurent dès les premières représentations. Entre 1739 et 1777, date de la dernière reprise, on compte plus de 300 représentations, soit de l'œuvre entière, soit de l'une ou de plusieurs entrées, à l'Opéra de Paris. De plus, la troisième entrée, La Danse, est représentée plusieurs fois à la cour de Louis XV. Pierre-Louis d'Aquin de Château-Lyon observe en 1752 dans son Siècle littéraire de Louis XV, que «c'est un des plus beaux ouvrages de ce grand homme : tout y est également soutenu, les Tableaux en sont agréables & rians...». D'Aquin admirait surtout le divertissement du troisième acte. Selon lui, «c'est la plus gracieuse Bergerie qui soit au Théâtre Lyrique ; où trouver autant de douceur, de délicatesse & d'aménité ? Ce joli Tableau est fait avec le pinceau des Grâces». Melchior Grimm nota après la mort de Rameau que le compositeur «fit réussir [cet opéra] par ses gavottes et ses rigodons», indiquant à quel point sa musique détermina le succès de l'œuvre. La première production des Fêtes d'Hébé débuta le 21 mai 1739 et continua jusqu'au 1er septembre suivant. Les rôles principaux furent interprétés par Marie Fel (Hébé), M. Cuvillier (Momus) et Mlle Bourbonnois (l'Amour) dans le prologue ; Mlle Eremans (Sapho), M. Albert (Alcée) et Pierre Jélyotte (Thélème) dans La Poésie ; Mlle Pélissier (Iphise, première version), Marie Fel (Iphise, seconde version), M. Le Page (Tirtée) et M. Bérard (Lycurge) dans La Musique ; enfin Pierre Jélyotte (Mercure), Mlle Mariette (Eglé) et Marie Salle (Terpsichore) dans La Danse. Dans son compte-rendu de cette production, le Mercure de France se borne principalement à un résumé du livret, mais indique que l'œuvre fut bien reçue, surtout après la révision de la seconde entrée. Il observe que la troisième entrée fut préférée aux autres, que les rôles de Mercure et d'Églé furent «parfaitement bien rendus, & au gré des Connoisseurs les plus délicats», et que la déclaration d'amour de ces deux personnages «a fait beaucoup de plaisir». Le Postillon français loue «la riante et féconde imagination» de Rameau ainsi que «les charmes, les grâces et le pathétique» de sa musique. Bien qu'une deuxième série de représentations ait eu lieu en décembre 1739 et en janvier 1740, la première reprise proprement dite date de l'été 1747. L'abbé Raynal, dans une nouvelle littéraire adressée au Duc de Saxe-Gotha, mentionne le «grand succès» de cette reprise. Bien qu'il critique le style du livret, juge la fête de la première entrée «trop triste et trop longue» et déplore un manque de variété et d'intérêt dans la deuxième entrée, il observe que la troisième entrée «plaît généralement» et que sa musique est «délicieuse». Le Mercure de France trouve que les sujets de l'opéra sont «neufs, agréables, galans, intéressans» et estime que «l'heureuse invention des sujets, les tableaux agréables et rians qu'ils présentent, la disposition adroite des scènes et des divertissements sont l'ouvrage d'une main habile». Il indique que le public fut ravi de la musique de Rameau et juge que «c'est peut-être celui de ses ouvrages qui est le plus également soutenu». L'auteur est impressionné surtout par la troisième entrée, «une des plus gracieuses bergeries qui ait jamais charmé les connoisseurs sur le Théâtre de l'Opéra». Pour cette reprise, Marie Fel garda les deux rôles importants qu'elle avait créés, ceux d'Hébé et d'Iphise, et Pierre Jélyotte conserva le rôle de Mercure. Ces deux artistes, nés l'un et l'autre en 1713, brillaient dans les rôles que Rameau avait composés pour eux. Selon le Mercure de France, la voix claire et agile de Marie Fel «pouvait passer tout à coup du léger au pathétique. Les inflexions les plus touchantes succédèrent aux traits les plus rapides». Commentant la reprise des Fêtes d'Hébé, ce journal note que Mlle Romainville, dans le rôle de Sapho, «a fait briller [...] le feu gracieux de la Muse Lesbienne» et que le public a admiré l'ariette de Mercure et «l'art avec lequel M. Jeliotte l'a chanté, la faisant paroître nouvelle à chaque représentation par les variations qu'il y met». Emprunté à la cantate Le Berger fidèle, «L'objet qui règne» est un des premiers essais connus de Rameau dans le style italien et une de ses ariettes les plus célèbres. Jean-Jacques Rousseau cite ce morceau dans sa Dissertation sur la musique moderne (1743), et Jean-Antoine Bérard, dans son traité L'art du chant, dédié à Madame de Pompadour (1755), indique avec un certain détail la façon dont elle pourrait être interprétée. La première reprise des Fêtes d'Hébé eut lieu à une époque où la carrière de Rameau approchait de son apogée. En janvier 1748, l'Opéra inaugura une seconde série de représentations, remplaçant ainsi L'Europe galante d'André Campra. Quelques semaines plus tard, selon le Mercure de France, «on continue d'aller en foule aux représentations, comme s'il s'agissait d'une nouveauté. A une de ces représentations, lorsque M. Rameau parut, le public lui fit le même accueil qu'à ses ouvrages, et l'honora de nombreux applaudissements». Rameau était évidemment très sensible à l'appréciation du public parisien. Le caractère pastoral de la troisième entrée des Fêtes dFIébé, avec son calme, sa douceur imprégnée de nostalgie, son sentiment de bonheur innocent, reparaît dans plusieurs ouvrages qu'il écrit à l'époque. On peut citer par exemple Les Fêtes de l'Hymen et de l'Amour, représentées pour la première fois le 15 mars 1747, et Zaïs, représenté pour la première fois le 29 février 1748. En août 1748, l'Opéra donne la première représentation de Pygmalion, dont le livret fut inspiré, comme celui des Fêtes d'Hébé, par Le Triomphe des Arts de La Motte. La dernière entrée de cet ouvrage (La Sculpture) fournit le sujet et plusieurs vers pour l'acte de ballet de Rameau. L'année 1749 voit la création de Nais et la première représentation parisienne de Platée, où Momus reparaît, et le caractère léger du prologue des Fêtes d'Hébé se développe. En juillet 1749, le Mercure de France publie une lettre où Rameau affirme son dévouement au public parisien, indiquant qu'il ne «désirerois rien tant que d'être plus à portée de lui procurer encore plus de plaisir, & de pouvoir à mon gré pousser aussi loin que j'en puis être capable, un art qui a fait seul l'occupation de toute ma vie». Vers 1750, il compose Les Beaux Jours de l'Amour, où les protagonistes sont, comme dans la première entrée des Fêtes d'Hébé, des poètes de la Grèce antique (Anacréon et Mirthis). En 1751 paraît La Guirlande, où le symbole de l'amour d'Eglé devient l'objet central d'un drame plus intime. Enfin, Eglé elle-même reparaît dans Daphnis & Eglé en 1753, et Jupiter se déguise de nouveau en berger pour séduire une nymphe dans l'acte incomplet d'. En conclusion, citons une parodie des Fêtes d'Hébé qui parut en 1739. Dans Les Talents à la mode, de Louis de Boissy, Léandre, le jeune galant qui découvre le don de la poésie, de la musique ou de la danse dans les trois filles de Géronte, proclame que Rameau

a tout réuni dans ses Fêtes d'Hébé ; Et le savant s'y marie à l'aimable. Il étoit fort, hardi, profond, harmonieux : Dans ce dernier Ballet, il devient agréable ; Il est tendre, amusant, léger, gracieux ; Mais, que dis-je ? // est plus, il est voluptueux.

Thomas GREEN PROLOGUE

Le théâtre représente une campagne riante, le Mont Olympe paraît dans l'éloignement.

SCÈNE I Hébé, Momus

HÉBÉ & MOMUS Non, {ne suivez point mes pas {je ne vous quitte pas. Je hais, je fuis, je déteste Toute la troupe céleste.

MOMUS Vous m'évitez en vain, je vous suivrai sans cesse. Rien ne peut séparer Momus de la jeunesse.

HÉBÉ Les plus fiers immortels Partageaient avec moi l'encens de leurs autels ! Lors qu'au plus haut des cieux j'avais droit de prétendre ; Ces Dieux trop inconstants me forcent d'en descendre ?

MOMUS Il font votre bonheur en vous éloignant d'eux. Nous voyons Jupiter lui-même Abandonner le rang suprême, Et parmi les mortels chercher des jours heureux.

SCÈNE II Hébé, Momus, les Grâces Une douce symphonie annonce les Grâces. Une d'entre elles porte l'arc de l'Amour, une autre porte son carquois.

MOMUS Les Grâces, dans ces lieux, pour calmer vos alarmes Conduisent sur vos pas le plus charmant des Dieux.

HÉBÉ

Entre leurs mains je reconnais ses armes.

MOMUS Amour vous cherche, Amour va renoncer aux Cieux. HÉBÉ & MOMUS Séduisantes immortelles, Par vos faveurs toujours nouvelles, Mille charmes divers Animent l'univers. Tout languirait sans elles.

SCENE III L'Amour, Hébé, les Grâces, et suite de l'Amour

L'AMOUR Vénus près de l'objet de sa vive tendresse Soutient l'empire de l'Amour, Et l'Amour vient former la cour De l'aimable jeunesse.

HÉBÉ Je ne regrette plus le séjour du Tonnerre ; Les Grâces, l'Amour et Vénus Ont leur empire sur la terre.

MOMUS Chérissez le jour qui vous rassemble, Jeunesse, Amour, soyez toujours ensemble.

HÉBÉ, L'AMOUR & MOMUS Chérissons le jour qui nous rassemble, Amour, soyons toujours ensemble.

SCÈNE IV Hébé, l'Amour, chœur de Thessaliens, suite de l'Amour

L'AMOUR Fortunés habitants de ces prochains bocages, Dans vos jeux, dans vos chants, Qu'Hébé reçoive vos hommages.

CHŒUR Que jusqu'aux Cieux s'élèvent nos accords, Et que du fond de sa grotte profonde L'écho réponde à nos transports.

HÉBÉ Accourez, riante jeunesse, L'Amour veut régner avec nous. Fuyez, tristesse, fuyez jaloux ; Ce n'est jamais pour vous Que ce Dieu s'intéresse.

L'AMOUR

Qu'avec l'Amour Hébé soit partout souveraine.

HÉBÉ

Fixons notre séjour aux plus heureux climats.

L'AMOUR

Volons sur les bords de la Seine.

HÉBÉ & L'AMOUR

Fixons notre séjour aux plus heureux climats.

L'AMOUR Sur ces bords j'assemble, pour plaire, Les belles dont mon art augmente les appas ; C'est toujours sur leurs pas que je cherche les jeux Echappés de Cythère. Vole Zéphir, Hébé t'appelle. Vole, amène ici ta cour. Transportons la jeune immortelle Dans le plus aimable séjour. Il va réunir auprès d'elle SCENE V La volupté, les GrâceZéphires et l'amouret les . précédents Zéphire, après avoir voltigé autour des Grâces, va joindre une troupe de Zéphirs qui soutiennent un char destiné à Héhé.

HÉBÉ Volons sur les bords de la Seine, Par des concerts mélodieux Animons les plaisirs qui régnent en ces lieux.

HÉBÉ & L'AMOUR Volons sur les bords de la Seine.

L'AMOUR Que Polimnie, avec ses sœurs Des talents qu'on chérit Sur la lyrique scène, Fasse triompher les douceurs. La jeunesse et les ris ont des attraits brillants, Mais la victoire est incertaine Sans l'heureux secours des talents.

CHŒUR Volez zéphirs, Tout vous en presse. Transportez la jeunesse Au séjour des plaisirs.

PREMIÈRE ENTRÉE

LA POESIE

Le Théâtre représente un bosquet, dans le fond duquel on distingue deux portiques de verdure.

SCÈNE I Sapho

SAPHO Bois chéri des amours, Que vous étiez charmant, Quand vos retraites sombres Rassemblaient sous leurs ombres, Et les plaisirs, et mon amant !

Souvenir trop aimable ! Éloignez-vous de moi ! Aux injustes rigueurs d'un exil effroyable Le roi condamne Alcée, et l'arrêt qui m'accable Nous sépare, au moment qu'il me donnait sa foi.

Je cache en vain mes feux ; ils irritent Thélème, Et je connais sa trahison. Sa faveur près du Roi confirme mon soupçon. Oui, Thélème jaloux... Mais je le vois lui-même... Qu'il excite en mon cœur de haine et de courroux ! SCÈNE II Sapho, Thélème

THÉLÈME Cessez de m'agiter, vains remords, taisez-vous ! L'amour me justifie...

SAPHO (à part)

Son trouble le trahit ; je vois sa perfidie.

THÉLÈME Tandis qu'Hymas, avec sa cour, Par la chasse entraîné, dans la forêt s'égare, De la cour et d'Hymas, Sapho, je me sépare ; Tout entraîne Thélème en cet heureux séjour. Quand Sapho vient se rendre dans un bois écarté, Vient-elle s'applaudir d'avoir sa liberté, Ou goûter en secret les douceurs d'un cœur tendre ? SAPHO Sans cesse les oiseaux font retentir les airs Dans cet asile solitaire. Comme leurs chants, et ma voix et mes vers Célèbrent l'Amour et sa mère.

THÉLÈME Quittez un vain détour ! Alcée...

SAPHO O Dieux !

THÉLÈME Alcée a su vous plaire...

SAPHO Non, non, c'est sans aimer que je chante l'amour. Je le fuis... si j'aimais, en ferais-je mystère ?

THÉLÈME En s'enflammant pour vous, Un amant malheureux doit craindre Les plus funestes coups. Mon cœur ne sent que trop combien on est à plaindre, En s'enflammant pour vous. SAPHO Quoi ! Mes faibles attraits... Ah ! Perfide Thélème !

THÉLÈME Mon trouble extrême, Mes transports, vos appas,

Tout ne vous dit-il pas, Sapho, que je vous aime ?

SAPHO Eh bien, si vous m'aimez, j'exige que du Roi Vos soins obtiennent une grâce. Dans les bois d'alentour il va suivre la chasse... Dois-je espérer ? THÉLÈME

Parlez, vous pouvez tout sur moi.

SAPHO Conduisez-le, Thélème, en ce séjour champêtre, Où des jeux préparés... THÉLÈME Il va bientôt paraître ; Mais sur mes feux...

SAPHO Allez ! Si je l'obtiens de vous, Le bonheur que j'attends me semblera plus doux.

SCÈNE III Sapho, Alcée

SAPHO Contrainte trop cruelle ! Dieux ! Que vois-je ? Alcée ! Alcée est-il rebelle ?

ALCÉE On me condamne en vain par d'odieuses lois, Et ce n'est que de vous, Sapho, que j'en reçois. Prononcez...

SAPHO Non ! Le Dieu qui nous rassemble Nous accordera son appui. Mais apprenez tous les crimes ensemble ! C'est un rival jaloux qui vous perd aujourd'hui. Thélème...

ALCÉE

Contre moi Thélème se déclare ?

SAPHO

C'est un rival jaloux qui vous perd aujourd'hui.

ALCÉE Par les horreurs du noir Tartare, Que l'amour outragé Soit vengé ! Que les tourments qu'on y prépare, Pour les cœurs criminels Soient encor plus cruels ! SAPHO En vain, contre Thélème Vous excitez des Dieux la vengeance suprême. Cessez de l'implorer, cessez ! Thélème vous trahit : il m'aime ; Mon cœur vous venge assez. Le perfide, séduit par des promesses vaines, Conduit ici le Roi. Je l'attends, et je veux Par mon art, par mes vers, que tout sente les peines Des amants malheureux. L'amour va triompher, il ordonne mes jeux. ALCÉE & SAPHO Dieu des vers, à ton tour, Viens seconder l'amour ! Lance tes feux ! Réunis en ce jour Tes accents et ses charmes !

Dieu des vers, à ton tour, Viens seconder l'amour ! Lance tes feux ! Réunis en ce jour Ton pouvoir et ses armes !

SAPHO Le bruit des cors annonce Hymas. L'Amour va triompher, ne vous éloignez pas ! (Alcée se cache derrière un feuillage)

SCÈNE IV Hymas, Sapho, Thélème, suite d'Hymas

SAPHO Votre auguste présence, Seigneur, comble nos vœux. Je ne désire rien, si ma reconnaissance Eclate aujourd'hui dans mes yeux.

HYMAS On doit voler, quand Sapho nous appelle. Les Muses et les Arts se plaisent auprès d'elle ; J'aime à la voir partager avec eux Une gloire immortelle.

SCÈNE V Sapho, Thélème

Se placent pour voir la fête qui commence. Les acteurs précédents et plusieurs esclaves de Sapho jouant différents rôles dans une fête allégorique qu'elle fait exécuter. Le fond du théâtre s'ouvre pour laisser voir, à travers des portiques de verdure, un lointain frappé de lumière : le point de vue est terminé par le cours d'un fleuve, et on aperçoit, sur le devant de la décoration, une Naïade couchée sur son urne.

CHŒUR DES MARINIERS Dansons tous, dansons, chantons ! Profitons des plus doux moments, Des moments charmants, Pour d'heureux amants !

Les langueurs, les larmes, Les soins, les soupirs, Les alarmes, Ne troublent point nos plaisirs.

Dansons tous, dansons, chantons ! Profitons des plus doux moments, Des moments charmants, Pour d'heureux amants ! LA NAÏADE Mortels que le plaisir amène, Fuyez ces tristes bords ! Vos chants, vos doux transports, Tout irrite ma peine.

Le ruisseau que j'aimais, infidèle et parjure, Méprise mes soupirs ; il détourne son cours. Je n'entends plus le doux murmure Qu'il me jurait que j'entendrais toujours.

(Les plaintes de la Naïade sont troublées par un bruit souterrain ; les Mariniers reviennent)

CHŒUR Ciel ! O ciel ! Le fleuve agite son onde ; Il nous menace, il gronde. Prévenons son courroux ! Pour le calmer courons, courons, empressons-nous !

LE FLEUVE (sortant de l'Onde) Mortels, rassurez-vous ! Ah ! Nymphe, de vos plaintes Quels cœurs ne seraient pénétrés ? Je viens calmer vos craintes : Vous reverrez l'amant que vous pleurez, Vous verrez près de vous augmenter sa tendresse.

LA NAÏADE Trop flatteuses promesses !

LE FLEUVE Le cours impétueux De mon onde rapide A changé, de ce Dieu, la pente qui le guide ; Mais j'ignorais vos feux...

LA NAÏADE Hélas ! Dans mon cœur tout l'appelle. Il est constant, rendez-le moi ! Je l'aimerais encor, s'il eût manqué de foi ; Jugez de mon ardeur, quand je le sais fidèle !

LE FLEUVE Revenez, tendre amant, embellissez ces lieux ! L'amour vous y promet le sort le plus heureux. CHŒUR Revenez, tendre amant, embellissez ces lieux ! L'amour vous y promet le sort le plus heureux.

(Pendant le chœur précédent on voit s'avancer, au fond du théâtre, une toile d'argent qui imite le cours d'un ruisseau ; et bientôt le dieu de ce ruisseau paraît sur son onde.)

LE RUISSEAU & LA NAÏADE Je vous revois ; tout cède à la douceur extrême De retrouver l'objet qu'on aime. J'ai vu troubler mes eaux des pleurs que j'ai versés. Perdons le souvenir de nos tourments passés !

SCÈNE VI Hymas, Sapho, Thélème

HYMAS (se levant) Mon cœur est enchanté des tendres sentiments Qu'à cette fête on voit paraître. Heureux qui peut être le maître De terminer les maux de deux parfaits amants !

SAPHO La liberté que Sapho veut vous rendre Sera le prix des soins que vous venez de prendre. Allez ! Je vous la dois. Soyez heureux, et plus heureux que moi !

HYMAS

Au bonheur de Sapho qui peut être contraire ?

SAPHO Un arrêt rigoureux. Sans mériter votre colère, Alcée est menacé du sort le plus affreux. Qu'en son exil je puisse au moins le suivre ! THÉLÈME O dieux !

HYMAS Alcée !

SAPHO Hélas ! Sans lui je ne puis vivre. HYMAS A vos divins talents il devra son retour.

THÉLÈME Ciel ! De ma trahison je deviens la victime. Fuyons !

SCÈNE VII Sapho, Alcée, Hymas

SAPHO Venez, Alcée !

ALCÉE

Au transport qui m'anime...

HYMAS Je ne vois plus en vous que le seul crime De m'avoir caché votre amour. Célébrez le pouvoir d'une muse touchante ! Vous qui formiez ici les concerts les plus doux, Venez, troupe riante, Venez, rassemblez-vous ! ALCÉE & HYMAS Chantez Sapho, chantez sa gloire ! Que son triomphe et que son nom, Gravés au Temple de Mémoire, Soient célébrés dans le sacré Vallon !

CHŒUR Chantons Sapho, chantons sa gloire ! Que son triomphe et que son nom, Gravés au Temple de Mémoire, Soient célébrés dans le sacré Vallon !

SCÈNE VIII Le Ruisseau, la Naïade, Sapho, Alcée, le chœur

LE RUISSEAU Fuis, fuis, porte ailleurs tes fureurs, Fier Aquilon ! Ton bruit, ton horrible ravage, Cause trop de frayeurs Sur ce rivage. Fuis ! Laisse-nous goûter, après l'orage, D'un calme heureux les flatteuses douceur ! LA NAÏADE Un jour passé dans les tourments Paraît aux vrais amants Aussi long que la vie. Mais il est des moments, Dieux ! Quels moments ! Où l'on oublie Les jours passés dans les tourments.

SAPHO & ALCÉE Dieu charmant, Dieu qui nous blesse, Lance, Dieu plein d'attraits, lance tes traits ! Sur nos cœurs règne sans cesse, règne !

CHŒUR Dieu charmant, Dieu qui nous blesse, Lance, Dieu plein d'attraits, lance tes traits ! Sur nos cœurs règne sans cesse, règne !

Jean-Philippe Rameau par Jacques André Joseph Aved Dijon, Musée des Beaux-Arts Melle Camargo, 1731 Gravure de Laurent Cars, d'après Nicolas Lancret Bibliothèque Nationale de Paris, Cabinet des Estampes DEUXIÈME ENTRÉE

LA MUSIQUE

Le théâtre représente le péristyle du Temple.

SCÈNE I Iphise

IPHISE Pour rendre à mon hymen tout l'Olympe propice, On offre dans le temple un pompeux sacrifice. Vole, Amour, seconde mes vœux ! Qu'à ton flambeau l'hymen puisse allumer ses feux ! Ce grand jour, cher Tirtée, Ce jour qui va combler l'espoir le plus flatteur, Me retrace l'instant où mon âme agitée Reconnut un vainqueur. Tu chantais, et ta lyre Formait de si beaux sons Que le Dieu séducteur, qui prit soin de t'instruire, Cherche à les imiter dans ses tendres chansons. La plus ardente flamme S'empara de mes sens ; Qu'il est de chemin différents Pour triompher d'une âme !

SCÈNE II Iphise, Lycurgue et sa suite

IPHISE

Mais le Roi sort du temple ; allons le recevoir !

LYCURGUE Iphise, à votre hymen le ciel met un obstacle. IPHISE O Dieux !

LYCURGUE Écoutez leur oracle !

IPHISE O mortel désespoir ! LYCURGUE Peuple, la main d'Iphise A Tirtée est promise. Sans l'aveu de la gloire, on forme ces liens ; Le ciel qui pour vous s'intéresse, Destine à la Princesse Le vainqueur des Messéniens.

IPHISE

Que n'ai-je différé l'aveu de ma tendresse ?

LYCURGUE Tirtée, au pied de nos autels, Vient de faire à l'instant des serments solennels. C'est vous qu'il en atteste, Il se livre aux horreurs de la haine céleste, Si l'orgueil de nos ennemis Dans ce jour même n'est soumis. IPHISE

Serment trop téméraire !

LYCURGUE Mes sujets empressés s'assemblent sur ses pas. Son art va les forcer à braver le trépas. IPHISE Ah ! Si tu veux que Mars ne nous soit pas contraire, Amour, à notre sort intéresse ta mère !

SCÈNE III Lycurgue, Iphise, Tirtée, peuple de Lacedèmone entraîné par le chant de Tirtée

TIRTÉE Mortels, pour être heureux, Cherchez à l'être ! Pour le bonheur sans cesse on fait des vœux. Il se présente à nous ; mais il faut le connaître, Mortels, pour être heureux . Qui te retient, Lacedèmone ? L'ennemi trop longtemps est au pied de tes murs. Le ciel en ta faveur menace, tonne. Cours au combat, tes coups sont sûrs ! CHŒUR Marchons, commandez-nous ! Nous allons tous triompher avec vous.

TRIO (PETIT CHŒUR) Quelle gloire pour nous ! Ils veulent tous triompher avec vous.

TIRTÉE Que la victoire a de charmes ! Elle vole après nous.

IPHISE ET LYCURGUE Lacédémone, aux armes !

CHŒUR Courons aux armes, Courons tous aux armes ! Quelle gloire pour nous ! Ils veulent tous triompher avec vous.

TIRTÉE Téléclès immolé par un peuple rebelle, Du fond de son tombeau, pour le venger, t'appelle.

CHŒUR Marchons, commandez-nous ! Que la victoire a de charmes ! Lacédémone, aux armes ! Courons aux armes, courons tous aux armes !

(Lycurgue et Tirtée mettent Tépée à la main et marchent à la tête des guerriers qui sortent en désordre).

SCÈNE IV Iphise, Lacédémoniennes, TOracle

IPHISE O mort, n'exerce pas ta rigueur inhumaine Sur nos guerriers ! Frappe, détruis les guerriers de Messène ! Laisse-nous cueillir les lauriers Dont l'hymen veut former ma chaîne !

Réponds, oracle de nos Dieux ! Dissipe les horreurs que la crainte fait naître ! Des fiers Messéniens Lycurge est-il le maître ? Tirtée est-il victorieux ?

PETIT CHŒUR Dissipe les horreurs que la crainte fait naître ! Des fiers Messéniens Lycurge est-il le maître ? Réponds, oracle de nos Dieux !

L'ORACLE Son destin et le tien vont paraître à tes yeux.

SCÈNE V Iphise Un Amour sort du Temple et se joint au Génie d'Apollon, le Génie d'Apollon entraîne le Génie de Mars ; ils s'unissent pour attirer le Génie de la Victoire ; le Génie de la Victoire enfin est suivi d'un Amour qui porte le flambeau de l'Hymen. Ces différentes entrées forment un ballet qui par ses liaisons apprend à Iphise le succès qu 'elle doit attendre.

IPHISE Ah ! Le plaisir s'accorde avec la gloire ! Que nos cœurs vont jouir d'un aimable repos ! Entre Mars et l'Hymen, la brillante victoire... Mais je vois le héros.

SCÈNE VI Iphise, Tirtée

IPHISE Cher Prince, quel triomphe !

TIRTÉE A peine Nous joignons le camp de Messène, Nos guerriers, par mes sons, au combat animés, Font éclater le plus ardent courage. Dans les horreurs de Mars nos ennemis formés, Sur nous ont d'abord l'avantage. J'appelle alors la mort et le carnage... Et mes plus doux accents rendent grâces aux Dieux.

IPHISE Je connais leur justice à vos faits glorieux. SCÈNE VII Lycurgue, Iphise, Tirtée, les Lacédémoniens qui reviennent armés.

LYCURGUE Aimez, d'une ardeur mutuelle ! La gloire vient unir de si tendres amours.

TRIO Aimons, d'une ardeur mutuelle ! Unissons de si tendres amours !

IPHISE Charmes d'une chaîne si belle, Vous redirez toujours : Aimons d'une ardeur mutuelle !

TRIO Nous redirons toujours : Aimons d'une ardeur mutuelle !

SCÈNE VIII Les précédents

Des Nuages chargés de Trompettes, de Timbales, de Hautbois et de Bassons descendent sur le théâtre ; l'orchestre s'unit à ce nouveau concert.

TIRTÉE Apollon veut aussi prendre part Au succès de son art. La tendre mélodie, Les éclatants concerts Qui remplissent les airs, Tout confirme l'aveu Du Dieu de l'Harmonie.

IPHISE & LYCURGUE

À ces divins accords, guerriers, joignez vos voix !

CHŒUR Chantons la gloire de nos armes ! LYCURGUE & TIRTÉE Chantez Iphise, et célébrez ses charmes ! CHŒUR Chantons !

LYCURGUE & TIRTÉE Nous devons à l'Amour nos glorieux exploits.

CHŒUR Chantons Iphise et célébrons ses charmes ! Chantons la gloire de nos armes ! Nous devons à l'Amour nos glorieux exploits.

IPHISE Eclatante trompette, annoncez notre gloire ! Sonnez, publiez la victoire ! Répondez-nous , tendres hautbois, Célébrez les plus grands exploits !

CHŒUR Eclatante trompette, annoncez notre gloire ! Sonnez, publiez la victoire !

PETIT CHŒUR Répondez-nous , tendres hautbois, Célébrez les plus grands exploits !

UNE LACÉDÉMONIENNE Régnez, voltigez, Ris et Jeux ! Par mille nouveaux charmes, Bannissez de ces lieux les cruelles alarmes !

IPHISE Eclatante trompette, annoncez notre gloire ! Sonnez, publiez la victoire !

CHŒUR Éclatante trompette, annoncez notre gloire ! Sonnez, publiez la victoire !

IPHISE, LYCURGUE & TIRTÉE Les plaisirs exilés Sont rappelés ; La victoire les ramène ; Que pour jamais Elle les enchaîne Avec la paix ! TROISIÈME ENTRÉE

LA DANSE

Le théâtre représente un bocage ; on découvre un hameau dans l'éloignement.

SCÈNE I Mercure

MERCURE Que de plaisirs l'Amour m'apprête ! Le plus aimable objet doit être la conquête Qu'il me promet dans ce hameau ; Mais pour jouir d'un triomphe plus beau, Mercure, comme un Dieu, ne veut point y paraître ! On approche... Évitons de me faire connaître .

SCÈNE II Eurilas

EU RI LAS Amants, voulez-vous qu'une belle, Des feux dont vous brûlez soit éprise à son tour ? Déguisez près d'elle L'excès de votre amour !

SCÈNE III Mercure sans caducée, Eurilas

MERCURE Le hameau se prépare à célébrer des jeux ; D'où naissent ses transports ?

EURILAS C'est dans ce jour heureux Qu'Amour va m'accorder la faveur que j'espère : Aux autels de l'hymen Églé porte ses vœux. C'est pour le choix qu'elle va faire, Qu'on voit par les plaisirs le hameau rassemblé !

MERCURE Étranger en ces lieux, je ne sais point encore Quels sont, et les desseins, et les appas d'Églé. EU RI LAS De l'art de Terpsichore Eglé nous enseigna les lois. Un asile charmant, révéré dans ces bois, Voit offrir chaque jour, au lever de l'aurore, Des jeux qu'Eglé conduit au son de nos hautbois. Pour prix de ses soins, de son zèle, Terpsichore l'engage à choisir un époux, Et lui promet la chaîne la plus belle.

MERCURE

Et ce choix glorieux doit se fixer sur vous ?

EU RI LAS Eglé de son ardeur me fait encor mystère ; Mais je vois mes rivaux trop empressés à plaire, Soupirer, et gémir dans leurs fers malheureux. J'aime, sans me plaindre, comme eux. Amants, voulez-vous qu'une belle, Des feux dont vous brûlez soit éprise à son tour ? Déguisez près d'elle L'excès de votre amour ! MERCURE Non, ce n'est qu'à vous qu'Eglé rendra les armes ; Des feux si bien conduits seront récompensés.

EU RI LAS De sa danse elle vient faire briller les charmes, Et je crains de montrer des soins trop empressés.

SCÈNE IV Mercure, Eglé, Palémon jouant du hautbois Eglé est ornée d'une guirlande de fleurs, qui doit être présentée au berger qu'elle va choisir ; elle arrive en dansant au son du hautbois de Palémon et Mercure s'accorde à ce hautbois, en chantant l'air que danse Eglé.

MERCURE Tu veux avoir la préférence, Berger, au son de ton hautbois ; Crois-tu d'Églé guider encor la danse ? Non, c'est le son de ma voix.

Grâces, quittez Cythère ! Venez sur ce gazon Pour danser et pour plaire, Venez de la bergère Prendre leçon !

(Églé sourit en dansant près de Mercure ; Palémon, jaloux, marque son dépit et sort)

Mais il fuit... il soupire... Il brise son hautbois. Ah ! Si de son courroux Eglé ne fait que rire, Que ce dépit me sera doux !

SCÈNE V Eglé, Mercure

ÉGLÉ (à part) Par quel enchantement me laissai-je surprendre ? Dieux ! Quel est ce berger ?

MERCURE Mon cœur, jusqu'à ce jour, Avait su se défendre Des attraits de l'amour, Et j'espérais de ne jamais m'y rendre. J'apprends à soupirer. Églé, c'est dans vos jeux, C'est par vous que je sais qu'il faut enfin qu'on aime. Je ne sais, en aimant, si l'on peut être heureux ; L'apprendrai-je de même ?

ÉGLÉ (à part) Que lui dirai-je ! Hélas ! Tous mes sens sont troublés.

MERCURE

Vous ne répondez point, parlez !

ÉGLÉ Une tendre bergère Emprunte vainement Un langage sévère. La feinte se dément, Quand l'amant sait lui plaire. MERCURE Maître des cieux, vos grandeurs ne sont rien ; Le cœur d'Églé, lui seul, est le souverain bien. Vous méritez des vœux plus éclatants encore. Reconnaissez Mercure, épris de vos attraits ! Il sent pour vous les feux les plus parfaits. Mercure vous adore.

ÉGLÉ Mon cœur, à ses transports, Reconnaît un pouvoir suprême. Hélas ! Pour les cacher, j'ai fait de vains efforts !

MERCURE

Ah ! C'est ainsi qu'Amour veut que l'on aime.

ÉGLÉ

Il veut qu'on aime constamment.

MERCURE

Je deviens pour Églé le plus fidèle amant.

ÉGLÉ

Eh ! C'est ainsi qu'Amour veut que l'on aime.

MERCURE Non, non, je n'aimerai que vous ; Mon bonheur dépendra du vôtre. ÉGLÉ & MERCURE Non, non, je n'aimerai que vous ; Mon bonheur dépendra du vôtre. Ah ! Que notre sort sera doux, De vivre l'un pour l'autre.

(Le son des musettes annonce les bergers du hameau)

MERCURE

On vient, et vous allez déclarer votre époux.

ÉGLÉ Non, non, je n'aimerai que vous. SCÈNE VI Mercure, Églé, Eurilas, troupe de bergers et de bergères UNE BERGÈRE L'Amour règne en ces bois ; Hymen, c'est par nos voix Qu'en ce jour il t'implore. CHŒUR L'Amour règne en ces bois ; Hymen, c'est par nos voix Qu'en ce jour il t'implore.

UNE BERGÈRE Confonds si bien Ton empire et le sien, Que sans cesse on ignore Qui des deux Sait rendre plus heureux !

CHŒUR L'Amour règne en ces bois ; Hymen, c'est par nos voix Qu'en ce jour il t'implore.

ÉGLÉ (à Mercure) C'est pour l'Amour que nos hameaux sont faits ; Nos bergers sont toujours sincères, Et l'on ne voit jamais D'infidèles bergères. Quand un amant espère un doux retour, Ce n'est point pour la gloire Qu'il tente la victoire, C'est pour l'Amour.

(Eglé donne la guirlande a Mercure, après avoir dansé)

EURILAS Pour un autre, Eglé se déclare. Espoir flatteur, qu'êtes-vous devenu ? Mais, que je suis vengé par un choix si bizarre ! Il fallait à son cœur un berger inconnu.

MERCURE Au choix d'Églé cesse de faire injure ! (Un Amour vole et apporte le Caducée qu'il remet a Mercure) Dans ce berger reconnaissez Mercure !

PETIT CHŒUR

Le charmant art d'Églé, d'un Dieu même est vainqueur.

MERCURE Églé va faire mon bonheur. (Une symphonie brillante suspend le chant des Bergers. Le théâtre change et représente un jardin orné). MERCURE Mais par les soins des plus aimables Dieux, De mille attraits nouveaux on voit briller ces lieux. Ces sons annoncent Terpsichore. Les Faunes, les Sylvains empressés sur ses pas, De la bergère que j'adore Viennent célébrer les appas.

SCENE VII Les précédents, Terpsichore et les Nymphes, les Faunes, les Sylvains. Terpsichore et les Nymphes paraissent en dansant au son de leur tambour ; les Faunes et les Sylvains se mêlent à leurs danses.

MERCURE (aux Nymphes) Contre l'Amour, jeunes beautés, Ne combattez Que pour rendre les armes ! Vous lui devez vos charmes, Ils vous fuiront, jeunes beautés, Si vous n'en profitez.

CHŒUR Suivez les lois Qu'Amour vient nous dicter lui-même ! Suivez les lois Que nous chérissons dans nos bois !

UNE BERGÈRE On fait un choix, On aime, et pour toujours on aime.

CHŒUR Suivez les lois Que nous chérissons dans nos bois !

UNE BERGÈRE L'Amour vous appelle, Aimez, soyez fidèles ! L'Amour vous appelle, Qu'il est doux d'entendre sa voix !

MERCURE & UNE BERGÈRE On fait un choix. On aime, et c'est pour toujours qu'on aime. Suivons les lois Que nous chérissons dans nos bois !

CHŒUR Suivez les lois Qu'Amour vient nous dicter lui-même ! Suivez les lois Que nous chérissons dans nos bois !

UNE BERGÈRE Notre ardeur constante Sans cesse s'augmente.

UNE BERGÈRE & MERCURE Qu'ici chacun chante Mille et mille fois ! On fait un choix, On aime, et pour toujours on aime. Suivez les lois Que nous chérissons dans nos bois !

MERCURE (à Terpsichore) Eglé me tient sous sa puissance. D'une Nymphe si belle augmentez votre cour ! Vous verrez à jamais les Grâces et l'Amour Partager ma reconnaissance.

(Terpsichore prend Eglé pour danser, et toute sa cour la reconnaît pour Nymphe de la danse, dès que cette Muse lui a remis son tambour).

MERCURE L'objet qui règne dans mon âme, Des mortels et des Dieux doit être le vainqueur. Chaque instant il m'enflamme D'une nouvelle ardeur.

Je m'abandonne à mon amour extrême Et je fixe à jamais mes plaisirs en ces lieux. C'est où l'on aime Que sont les cieux.

Je fais mon bien suprême Des fers que j'ai reçus. Que ne suis-je Amour même Pour aimer encor plus ! Qu'il vienne, qu'il s'empresse À nous voir dans l'ivresse Des vives voluptés De deux cœurs enchantés !

Témoins de ma tendresse, Célébrez nos plaisirs ! Bergers, chantez dans cesse L'objet de mes désirs !

Non, non, dans vos retraites, Les hautbois, les musettes Ne chanteront jamais De si brillants attraits.

CHŒUR Non, non, dans nos retraites, Les hautbois, les musettes Ne chanteront jamais De si brillants attraits. WILLIAM CHRISTIE

é en 1944 à Buffalo, William Christie débute Nses études musicales avec sa mère, puis poursuit l'étude du piano, de l'orgue et du clavecin, notamment avec Ralph Kirkpatrick qui sait l'encourager dans sa prédisposition pour la musique française. Diplômé de Harvard et de Yale, il s'installe en France en 1971 et enregistre son premier disque pour l'ORTF, en collaboration avec Geneviève Thibault de Chambure. Il continue parallèlement ses études de clavecin avec Kenneth Gilbert et David Fuller et se produit dans la plupart des grands festivals européens. De 1971 à 1975, il fait partie du Five Centuries Ensemble, groupe expérimental consacré aux Photo Michel SZABO musiques ancienne et contemporaine, et participe ainsi à de nombreuses créations d'œuvres de compositeurs comme L. Berio, S. Bussotti, M. Feldman, L. De Pablo. Il rejoint l'ensemble Concerto Vocale, dirigé par René Jacobs, en 1976 ; il y tient le clavecin et l'orgue jusqu'en 1980. C'est en 1979 qu'il fonde Les Arts Florissants, ensemble avec lequel il se consacre à la redécouverte du patrimoine musical français, italien et anglais des XVIIè et XVIIIè siècles ; la singularité de cet ensemble, ui se produit aussi bien en formation de chambre qu'avec des solistes, chœurs et orchestres, et qui éfend le répertoire sacré comme le répertoire de théâtre, lui permet d'exprimer complètement ses goûts pour les musiques de cette époque et de participer au renouveau d'un art vocal baroque. Homme de théâtre, sa passion pour la déclamation française le conduit à aborder la Tragédie Lyrique Française et il se voit rapidement confier la direction musicale de productions d'opéras avec Les Arts Florissants ; il connaît ainsi certains de ses plus beaux succès, avec la complicité des metteurs en scène Jean-Marie Villégier, Robert Carsen, Alfredo Arias, Jorge Lavelli, Adrian Noble, Pier-Luigi Pizzi, Pierre Barrât et des chorégraphes Francine Lancelot, Béatrice Massin, Ana Yepes, Shirley Wynne, Maguy Marin, François Raffmot. En 1982, il devient le premier américain titulaire au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, et prend en charge la classe de musique ancienne ; il y enseigne jusqu'en 1995. Dans ce cadre, et avec la participation d'autres institutions pédagogiques prestigieuses (Conservatoire Royal de La Haye, Guildhall School of Music and Drama de Londres, Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon), il prend régulièrement la responsabilité de productions d'élèves. William Christie contribue largement à la redécouverte de l'œuvre de Marc-Antoine Charpentier en lui consacrant une part importante de la discographie des Arts Florissants, douze titres parmi lesquels les opéras Médée et David & Jonathas ainsi que les intermèdes musicaux du Malade Imaginaire. Jean- Pnilippe Rameau est également l'un des compositeurs de prédilection de William Christie : il grave l'intégrale des Œuvres pour clavecin, Anacréon, Les Indes Galantes, Pygmalion, Nélée & Myrthis, Castor & Poïlux, les Grands Motets et Hippolyte & Aride. De très nombreux prix internationaux (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Allemagne, Japon, Argentine, Hollande, Suisse...) couronnent ses enregistrements avec Les Arts Florissants, soit plus de 40 titres parus chez Harmonia Mundi. Début 1994, William Christie rejoint en exclusivité Erato/Warner Classics pour une production discographique qui comporte déjà les Grands Motets de Rameau, Dido & Mneas et King Arthur de Purcell, Médée de Charpentier, le Requiem et La Flûte Enchantée de Mozart, La Descente d'Orphée aux Enfers de Charpentier, Orlando de Handel, // SantAlessio de Landi, Les Plaisirs de Versailles de Charpentier, Hippolyte & Aride de Rameau et les Leçons de Ténèbres de Couperin. Sa fidélité aux Arts Florissants ne l'empêche pas de répondre occasionnellement aux invitations de grands orchestres (Paris, Lyon, Londres, Genève, Boston, San Francisco...). Il a récemment dirigé Theodora de Handel au Festival de Glyndebourne dans une mise en scène de Peter Sellars. Amoureux de l'«Art de vivre à la française», William Christie se passionne pour la gastronomie de son pays d'adoption et pour les jardins. Il a par ailleurs publié dans la collection Découvertes/Gallimard un livre consacré à Purcell, écrit en collaboration avec Marielle D. Khoury. William Christie s'est vu décerner la Légion d'Honneur en janvier 1993 et a obtenu la nationalité française en 1995. Sophie DANEMAN, soprano

Sophie Daneman commence ses études musicales à la Guildhall School of Music avec Johanna Peters et obtient le prix de lieder. Elle se produit comme soliste en récital ou en oratorio aussi bien en Angleterre qu'en Europe, dans des œuvres allant de Monteverdi, Bach et Mozart à Britten, Schônberg ou Berio. Ses apparitions à la scène lui ont permis de chanter les rôles de Despina (Cosi fan Tutte), de la première sorcière (), Rowan (Let's make an opéra de Britten), Susanna (Les Noces de Figaro), Frasquita (Carmen)... A partir de 1991 commence une collaboration régulière avec William Christie et Les Arts Florissants : elle chante les rôles d'Aricie dans Hippolyte et Aride et la Suivante d'Hébé dans de Rameau, Iphise dans Jephté de Montéclair, la Victoire, le Premier Fantôme et l'Italienne dans Médée de Charpentier, ainsi que dans Dido and Aeneas, suivis de nombreux enregistrements chez Harmonia Mundi et Erato (notamment Les Grands Motets de Rameau). Toujours avec William Christie et Les Arts Florissants, elle a chanté fin 1994 dans Messiah de Handel et a participé à la tournée de King Arthur de Purcell en version concert. Elle a également chanté dans deux petits opéras de Charpentier, Les Plaisirs de Versailles et La Descente d'Orphée aux Enfers, enregistrés pour Erato, et a effectué une tournée en octobre/novembre 1995 au Japon, aux États-Unis et en Australie avec The Fairy Queen de Purcell. En 1995, Philippe Herreweghe l'a invitée au Festival de Saintes pour y donner un récital de lieder ; elle s'est également produite à Rome à la Villa Medicis dans un récital de lieder de Schubert, Schumann, Brahms, Wolf et Berg. Elle a également réalisé un programme Ravel avec Musique Oblique sous la direction de Philippe Herreweghe et chanté le rôle titre de Rodelinda de Handel, dans une mise en scène de Jonathan Miller, œuvre enregistrée pour Virgin Classics. Parmi ses récentes productions, notons une reprise de Rodelinda, les Grands Motets de Mondonville, Acis et Galatée de Handel et les Leçons de Ténèbres de Couperin avec Les Arts Florissants, ainsi que le Spanisches Liederbuch de Wolf au Festival de Saintes.

Sarah CONNOLLY, mezzo-soprano

Née dans le Yorkshire, Sarah Connolly étudie le chant et le piano au , où elle gagne une bourse et plusieurs prix de chant. Elle prend actuellement des cours auprès de David Mason et Gerald Martin Moore, et a remporté en 1994 le deuxième prix dans la catégorie opéra lors de la Hertogenbosch Competition. En concert, on a pu l'entendre dans le Requiem de Verdi avec le Bergen Philharmonie, le Requiem de Mozart avec les London Mozart Players, des Cantates de Bach avec le Collegium Vocale dirigé par Philippe Herreweghe à Madrid, Milan et en Belgique, Gloria e Imaneo de Vivaldi au Lufthansa Baroque Festival, la Messe Sainte-Thérèse de Haydn avec le London Philharmonie Orchestra et Jeanne d'Arc de Honegger avec le Royal Liverpool Philharmonie Orchestra dirigé par Libor Pesek. En janvier 1994 elle a participé au week-end Janacek au Barbican et a interprété The Diary of One Who Disappeared. Avec le Welsh National Opera, Sarah Connolly a chanté Annina dans . Au Châtelet, on a pu l'entendre dans la nouvelle production de , sous la direction de Sir Charles Mackerras, qui a été enregistré pour la télévision et la radio. Avec John Eliot Gardiner, elle a enregistré la seconde demoiselle d'honneur des Noces de Figaro, en représentation à Londres et Paris. Elle a fait ses débuts à l' dans le rôle du Renard de The Cunning Little Vixen et a incarné la Proserpine de l'Orfeo de Monteverdi avec l'English Bach Festival (tournée en Suisse). La saison dernière, Sarah Connolly a chanté pour la première fois le rôle de Charlotte dans Werther avec l'. Puis elle a brillamment interprété avec l'English National Opera le rôle de Messaggeria dans Orfeo de Monteverdi et a fait ses débuts au Festival de Glyndebourne en chantant Madame Larina dans Eugène Onéguine (production de Graham Vick dirigée par Gennadi Rozhdestvensky). On peut également retenir My Night With Handel, documentaire sur les adaptations contemporaines des Arias de Handel pour la chaîne Channel 4 et un récital de mélodies de Schumann, Poulenc, Turinas et Weill pour BBC Radio 3. Parmi ses projets, notons le rôle de Minerve dans II Ritorno d'Ulisse in Patria, Idamante dans Idoménée, le rôle-titre de à l'English National Opera et Musico dans Manon Lescaut sous la direction de John Eliot Gardiner avec le Glyndebourne Festival Opera. En concert, elle chantera cette saison au Concertgebouw (Die Dame dans Cardillac d'Hindemith), en Australie dans Dream of Gerontius d'Elgar sous la direction de Edo de Waart ; elle partira également en tournée avec Philippe Herreweghe pour des Cantates de l'Avent de Bach, puis chantera dans l'Oratorio de Noël de Bach avec PAarhus Symphony Orchestra et dans Le Messie de Handel avec I Fiamminghi. Maryseult WlECZOREK, mezzo-soprano

Après l'étude de la flûte à bec et une formation au clavecin, Maryseult Wieczorek s'oriente à 17 ans vers le chant et reçoit les enseignements de Greta de Reyghere, Charles Brett, Christophe Rousset, William Christie, Jane Berbié ; elle se perfectionne actuellement auprès de Nicole Fallien. Elle est membre des Arts Florissants depuis 1994, et a déjà participé avec cet ensemble à de nombreuses productions : Messie de Handel, Requiem et La Flûte Enchantée de Mozart, Missa Solemnis de Beethoven, Grands Motets de Mondonville, Madrigaux de Monteverdi et d'India. Elle se produit régulièrement en France comme à l'étranger lors de récitals de musique sacrée et profane et participe à plusieurs productions d'opéra en tant que soliste : Didon & Enee de Purcell (sorceress), Eugène Onéguine de Tchaïkowski (Larina), L'enfant et les Sortilèges de Ravel (bergère, chatte, écureuil) en tournée en Sicile et dirigé par Gabriele Ferro, l'Amour des trois oranges de Prokofiev (Clarisse) mis en scène par Andrei Serban, // Sant'Alessio de Landi (Religione, Roma) en tournée française dirigé par William Christie, enregistré pour Erato, Fairy Queen de Purcell et Le Malade Imaginaire de Molière/Charpentier (Daphne, Toinette et de la Troisième femme more) en tournée en Australie, au Japon et aux États-Unis, dirigé par William Christie. Parmi ses projets, citons L'Enfant et les Sortilèges avec l'Orchestre National d'Ile-de-France (Jacques Mercier).

Jean-Paul FOUCHÉCOURT, ténor

Jeune saxophoniste de renom et chef d'orchestre, c'est en 1982, sur les conseils de Cathy Berberian, que Jean-Paul Fouchécourt choisit la voix pour instrument. Il débute avec William Christie et Les Arts Florissants, et Atys marque le début de son parcours baroque. Suivent pour l'essentiel The Fairy Queen de Purcell et Les Indes Galantes de Rameau, toujours avec William Christie, Phaeton de Lully avec Marc Minkowski, mais aussi Hippolyte & Aricie de Rameau à Versailles et à Beaune (Marc Minkowski), L'incoronazione di Poppea à Amsterdam (Christophe Rousset), Y Orfeo de Monteverdi à Salzbourg (René Jacobs), Le Retour d'Ulysse de Monteverdi à Genève (Michel Corboz). Plus récemment, notons le Requiem de Mozart (William Christie) à Paris, Acis et Galatée de Lully et La Résurrection de Handel (Marc Minkowski), Les Fêtes de Paphos de Mondonville (Christophe Rousset), des extraits de l'Orfeo de Gluck et le Requiem de Mozart (Frans Brüggen) à Edimbourg et Glasgow. Jean-Paul Fouchécourt se produit également beaucoup en récital à travers l'Europe, notamment pour des concerts de mélodies françaises. Notons Socrate de Satie, Orphée aux Enfers d'Offenbach (Michel Plasson), Le songe d'une nuit d'été de Britten à l'Opéra de Lyon, la Sérénade avec cor de Britten, Roméo et Juliette de Berlioz, et en septembre 1996 Les Mamelles de Tirésias de Poulen (Seiji Osawa) dans le cadre du Festival de Saïto Kinen. Durant la saison 1996-97, on pourra l'entendre, tous répertoires confondus, dans la Paukenmesse de Haydn (Sigiswald Kuijken), Orfeo de Monteverdi (reprise à l'Opéra d'Amsterdam), des concerts Offenbach (Michel Plasson) à Toulouse, la Messe en Si de Bach (Sigiswald Kuijken), Les Noces de Figaro de Mozart (William Christie), Platée de Rameau (Nicholas McGegan). Il effectuera également une tournée de récitals, notamment avec Stephen Stubbs, Marielle Nordmann, Christian Ivaldi... Jean-Paul Fouchécourt enseigne aujourd'hui au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il propose des sessions (3è cycle) de chant et esthétique baroque. Paul AGNEW, ténor

Né à Glasgow en 1964, Paul Agnew commence ses études musicales au Magdalen College d'Oxford auprès de Janet Edmonds, puis devient membre du Consort of Musicke pendant une longue période. Très demandé en tant que soliste, il a notamment chanté dans Pulcinella de Stravinsky avec Sinfonietta 21, les Cantates de Bach avec l'Orchestra of the Age of Enlightenment, Médée de Charpentier (rôle de Jason) avec Les Arts Florissants en France, au Portugal et aux États-Unis. Paul Agnew travaille régulièrement avec the English Concert (arias de Handel et Arne au King's Lynn Festival, the Fairy Queen à Lisbonne, Dioclesian, Timon of Athens, Bonducca, King Arthur en Allemagne, en Argentine et en Finlande). Il enregistre également pour BBC Radio 3 (concerts avec le Purcell Quartet, Taverner Consort, St James's Baroque Players, Orchestra of the Age of Enlightenment). Parmi ses prestations les plus récentes, notons King Arthur avec John Eliot Gardiner, les Chandos Anthems de Handel au Festival de Bruges, la Messe du Couronnement de Mozart et les Cantates de Bach enregistrées par Erato avec l'Amsterdam Baroque Orchestra dirigé par Ton Koopman, le Messie avec le Royal Liverpool Philharmonie Orchestra et Dioclesian de Purcell avec Tafelmusik à Toronto. Avec Les Arts Florissants, Paul a enregistré La Descente d'Orphée aux Enfers de Charpentier et les Grands Motets de Rameau, et a interprété en septembre 1996 le rôle d'Hippolyte dans Hippolyte & Aride de Rameau. Il a également effectué à l'automne une tournée aux États-Unis, au Canada et au Mexique avec Acis et Galatée de Handel. Cette saison, il chantera the Fairy Queen de Purcell avec le Gabrieli Consort, Canticles and Folk Songs de Britten avec Musique Oblique au Festival de Normandie, ['Indian Queen de Purcell au Barbican Centre de Londres et à la Cité de la Musique avec the Academy of Ancient Music, la Passion selon Saint-Jean de Bach avec le Brandenburg Consort et le King's College Choir de Cambridge (qu'il enregistrera en CD et en vidéo) ; il reprendra le rôle d'Hippolyte dans la nouvelle production d' à Paris, Nice, Caen, Montpellier et à la Brooklyn Academy of Music de New York avec William Christie et Les Arts Florissants. Il enregistrera également les Cantates de Bach avec l'Amsterdam Baroque Orchestra.

Luc COADOU, baryton

Après un premier contact avec le chant à la Manécanterie de Dunkerque, Luc Coadou entreprend des études d'art lyrique au Conservatoire National de Région de Lille dans la classe d'Annick My-Morelle où il obtient la médaille d'or de chant en 1986. Il travaille dès lors la pédagogie du chant auprès de Richard Miller, professeur à POberlin Collège (Ohio) et se perfectionne parallèlement au studio «Versailles Opéra» auprès de René Jacobs et Rachel Yakar. Il collabore régulièrement tant à la scène qu'au concert avec Jean-Claude Malgoire, Philippe Herreweghe, Marc Minkowski, Christophe Rousset, William Christie. Une certaine prédilection pour les répertoires des XVIIè et XVIIIè siècles se retrouve dans son travail universitaire : titulaire d'une licence de musicologie, Luc Coadou est l'auteur d'un mémoire de maîtrise sur le théâtre lyrique à l'époque de la Révolution Française. Sur scène, sa voix de baryton lyrique lui permet d'aborder un répertoire varié, du Testo, du Comhattimento de Monteverdi aux opéras-minute de D. Milhaud avec un intérêt particulier pour les opéras de Mozart et Rossini, : Figaro des Noces et du Barbier, Guglielmo de Cosi, Arbace d'Idomeneo, Germano de di seta. Son sens de la composition en fait un interprète apprécié pour ses rôles de caractère, Tisiphone dans Hippolyte & Aricie de Rameau, Mr Tue de On ne s'avise jamais de tout de Monsigny, Alcindoro dans La Bohème de Puccini. Il poursuit également une carrière dans le domaine de l'oratorio avec notamment la Messe en Si, la Passion selon Saint-Jean, le Magnificat, la Cantate 82 Ich habe genug de J.S. Bach, les Requiem de Fauré et Duruflé, les Carmina Burana de C. Orff, les Messes de Mozart. La saison dernière, il a interprété les rôles d'Arbace et du Gran Sacerdoce d'Idomeneo de Mozart au Théâtre Sao Carlo de Lisbonne, ainsi que le rôle de Cecco de // Mercato di Malmantile de Cimarosa pour l'Opéra du Rhin. Un enregistrement des Cantates de L.N. Clérambault sortira prochainement chez Naxos. Thierry FÉLIX, baryton-basse

Premier Prix à l'unanimité du Concours Reine Elisabeth de Belgique au printemps 1992, Thierry Félix débute ses études musicales par le piano. Son approche du chant commence avec Yves Sotin et se poursuit avec Noëlle Courtis. Il obtient un Premier Prix de chant au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans la classe de Jane Berbié et suit un perfectionnement en musique de chambre avec Mme Sylvaine Billier. Il obtient parallèlement d'autres prix et est finaliste de plusieurs concours internationaux. A Paris, on a pu l'entendre Salle Pleyel dans Freischütz avec l'orchestre Symphonique Français et Laurent Petitgirard ; il est Figaro au Festival de Semur en Auxois, participe à une tournée au Japon avec deux récitals et un concert. En 1992-93, il se produit en Allemagne, en France, à Monaco etc.. Les saisons 93/94 et 94/95 sont riches en apparitions à l'opéra : Les Contes d'Hoffmann, Carmen (rôle de Zuniga) à la Bastille, Die Frau ohne Schatten au Théâtre du Châtelet, Don Giovanni (rôle de Masetto) à l'Opéra des Flandres, Cosi fan Tutte (rôle de Guglielmo). Il donne également de nombreux récitals, notamment en Allemagne (Opéra de Francfort), en Autriche (Mozarteum de Salzburg), à Barcelone, au Canada... Il est à Orange en 1995 dans Rigoletto, à St Gallen en 1996 (Sancho Panca) et au TMP en 1997 (Salome). Thierry Félix a été nommé par la Communauté des radios francophones «soliste de l'année 1993». Depuis 1995, son parcours est soutenu par la Fondation Paribas.

Matthieu LÉCROART, baryton

Né en 1967, Matthieu Lécroart chante dès l'âge de 10 ans dans une Maîtrise d'Ile-de- France, qui se produit a capella ou avec orchestre. Après divers professeurs de chant, il rencontre Christiane Eda-Pierre et entre dans sa classe au Conservatoire de Paris en 1992. Il interprète les rôles d'Eugène Onéguine dans l'opéra de Tchaïkowski (1994) et de Léandre dans L'Amour des Trois Oranges de Prokoviev (1995). En octobre 1994, dans le cadre de l'Académie Baroque d'Ambronay, il chante le rôle d'Achis dans David & Jonathas de Charpentier, dirigé par William Christie, en tournée en Europe. Il aborde le rôle-titre d'Orfeo de Monteverdi à Lyon en avril 1995, avec Les Concerts de l'Hostel-Dieu, dirigés par Franck-Emmanuel Comte ; il chante ensuite Papageno dans La Flûte Enchantée de Mozart en août 1995 tout d'abord au Festival de Saint- Céré, puis en novembre-décembre, en tournée dans toute la France avec l'Opéra Éclaté. Il se produit également en récital, en oratorio (Carissimi, Haydn, Puccini) et interprète la musique contemporaine. Il chante aussi le rôle de la Deuxième Parque dans Hippolyte & Aricie de Rameau avec Les Arts Florissants et William Christie, au Palais Garnier et en tournée en Europe et aux États-Unis (saison 1996-97).

Laurent SLAARS, baryton

Laurent Slaars est né en 1965. Parallèlement à un cursus supérieur d'économie et d'histoire, il étudie le chant à Paris avec Micheline Grancher et à Londres avec David Mason. En 1993, il intègre le Cycle de Perfectionnement Baroque du CNSM de Paris où il travaille sous la direction de Rachel Yakar et de William Christie, tout en complétant sa formation avec les meilleurs ensembles européens de musique baroque : Collegium Vocale de Gand (dir. Philippe Herreweghe et Gustav Leonhardt), The Taverner Consort & Choir (dir. Andrew Parrott), Les Arts Florissants (dir. William Christie), Le Parlement de Musique (dir. Martin Gester), La Grande Écurie et la Chambre du Roy (dir. Jean-Claude Malgoire). Attiré par le répertoire contemporain, Laurent Slaars créée des œuvres de plusieurs compositeurs d'aujourd'hui dont Jacques Rebotier, Henri Pousseur ou Vincent Bouchot. Il chante également avec divers ensembles spécialisés dans ce répertoire : Nederlands Kamerkoor Amsterdam, Hélix-Ensemble de Bruxelles... Il pratique l'opéra classique et moderne : Monteverdi, Lully, Rameau, Mozart (Papageno, Monostatos, Bastien...), Milhaud (Orphée), Britten, Hindemith... En 1995, Christophe Coin dirige ses débuts scéniques parisiens dans le rôle d'Énée (Purcell) sur la scène de l'Opéra Comique. En 1997, il se produira en récital à la Maison de la Poésie de Paris dans le cadre d'une Semaine Schubert dont il est l'un des instigateurs, ainsi qu'au Festival de Budapest dans un programme de créations. LES ARTS FLORISSANTS

n 1979, William Christie fonde un ensemble vocal et instrumental qui emprunte son nom à un petit opéra de Marc-Antoine Charpentier : Les Arts Florissants. Interprète d'oeuvres souvent inédites des EXVIIè et XVIIIè siècles, puisées dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France, l'ensemble contribue à la redécouverte d'un vaste répertoire (Charpentier, Campra, Montéclair, Moulinié, Lambert, Bouzignac, Rossi...) Les Arts Florissants abordent rapidement le monde de l'opéra, notamment à l'Opéra du Rhin dans des mises en scène de Pierre Barrât avec Dido and Aeneas de Purcell, II Ballo Délie Ingrate de Monteverdi (1983), Anacréon de Rameau etActéon de Charpentier (1985). Ils connaissent la consécration avec Atys de Lully mis en scène par Jean-Marie Villégier (Grand Prix de la Critique 1987) à l'Opéra Comique, Caen, Montpellier, Versailles, Firenze, New York et Madrid en 1987, 1989 et 1992. Jean-Marie Villégier met également en scène avec succès Le Malade Imaginaire de Molière/M.-A. Charpentier (coproduction Théâtre du Châtelet, Théâtre de Caen, Opéra de Montpellier 1990), La Fée Urgèle de Duni/Favart (direction musicale Christophe Rousset, Opéra Comique 1991), Médée de M.-A. Charpentier (coproduction Opéra Comique, Théâtre de Caen, Opéra du Rhin 1993, également présentée à Lisbonne et New York en 1994) et Hippolyte & Aricie de Rameau (coproduction Opéra National de Paris, Opéra de Nice, Opéra de Montpellier, Théâtre de Caen, Brooklyn Academy of Music 1996). Le Festival d'Aix-en-Provence invite régulièrement Les Arts Florissants pour des productions toujours très remarquées : The Fairy Queen de Purcell (mise en scène A. Noble, 1989, Grand Prix de la Critique), Les Indes Galantes de Rameau (mise en scène A. Arias, 1990, repris à Caen, Montpellier, Lyon et à l'Opéra Comique), Castor & Pollux également de Rameau (mise en scène P.L. Pizzi, 1991), Orlando de Handel (mise en scène R. Carsen, coproduction Théâtre des Champs-Elysées, Théâtre de Caen, Opéra de Montpellier, 1993), Die Zauberflôte de Mozart en 1994 et 1995 et Sémélé de Handel en 1996 (mises en scène R. Carsen). La Brooklyn Academy of Music de New York est également fidèle aux Arts Florissants depuis 1989, soit pour des spectacles (Atys en 1989 et 1992, Médée en 1994, Hippolyte & Aricie en 1997), soit pour des festivals de concerts (1991, 1993, 1995). De très nombreuses distinctions françaises et internationales saluent les enregistrements discographiques des Arts Florissants, de Gesualdo à Rameau, soit plus de 40 titres édités par Harmonia Mundi. Début 1994, Les Arts Florissants rejoignent en exclusivité Erato/Warner Classics pour une production discographique dont les derniers titres, Hippolyte & Aricie de Rameau et Les Leçons de Ténèbres de Couperin viennent de paraître. Les Arts Florissants ont remporté le Gramophone Award «Early Opéra» pour l'enregistrement de King Arthur de Purcell ainsi que le Gramophone Award dans la catégorie «Baroque Vocal» pour les Grands Motets de Rameau. Réclamé dans le monde entier, l'ensemble visitera pendant la saison 1996/97 la Grande-Bretagne, la Suisse, les États-Unis, le Canada, le Mexique, la Belgique et l'Autriche, avec le soutien actif du Ministère des Affaires Étrangères / Association Française d'Action Artistique. Caen et la Basse-Normandie sont associés depuis 1990 pour offrir aux Arts Florissants une résidence privilégiée, au Théâtre de Caen mais également en région. Les Arts Florissants sont subventionnés par le Ministère de la Culture, la ville de Caen et le Conseil Régional de Basse-Normandie. PECHINEYparraine Les Arts Florissants depuis 1990.

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1^ pf9ft Jean-Philippe RAMEAU : Les Fêtes d'Hébé (répétitions) — Paris, Salle Berthier, décembre 1996 — Photo Michel SZABO NOUVEAUTÉ

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William Christie Les Arts Florissants

NOUVEAUTÉ Les Arts Florissants WILLIAM CHRISTIE

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