Lyon C'flrt et Ca Vitte

CENTRE REGIONAL DE PUBLICATION DE

Lyon CArt et ta Ville

Urbanisme - Architecture

Gilbert Gardes

Tome 1

EDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15, quai Anatole - 75700 PARIS 1988 Illustration de couverture : Gilbert Gardes

7e Circonscription du CNRS : Ain, Allier, Ardèche, Cantal, Côte-d'Or, Doubs, Haute-Loire, Haute-Saône, Jura, Loire, Nièvre, Puy-de-Dôme, Rhône, Saône-et-Loire, Yonne.

© Copyright CNRS Paris 1988 ISBN : 2-222-03797-2 CETTE EDITION FAIT L'OBJET DE DEUX TOMES DONT VOUS TROUVEREZ LE SOMMAIRE CI-DESSOUS

SOMMAIRE TOME n

ARCHITECTURE PUBLIQUE 7 Défense 7 Circulation 9 TOME 1 Administration 19 Subsistance 26 Assistance 30 LA VILLE L'ART ET LA METHODE .. 11 Déchet 35 Profit 38 Education 50 URBANISME Loisirs 55

Le site 17 ARCHITECTURE DOMESTIQUE 69 Lugdunum 21 Le Moyen Age et la Renaissance 69 Le XVIIo siècle 75 La cité de Dieu 27 Le XVnr siècle 77 La cité de L'évêque 29 Le XIX° siècle 87 La ville gothique et renaissante 35 Le XX0 siècle 108 Evolution et tendances 125 La ville préclassique 43 La ville classique 47 La ville des lumières 53 La ville effacée 61 DECOR

La ville décrépite 65 LES THEMES PRIVILEGIES 133 La ville régénérée 73 La cité industrielle 87 Le blason 134 Le lion 134 La cité modeme 95 Le Rhône et la Saône 137 La ville captive 103 La ville de Lyon 141 La ville libérée 105 La soie 141 La Vierge 142 La communauté urbaine 109 Ville en ville ou ville à la campagne ? 117 LE DECOR EPHEMERE ET LA FETE . 147 Le décor vivant 147 Les manifestations populaires ...... 147 ARCHITECTURE Les manifestations officielles 148 LE DECOR PERMANENT 167 ARCHITECTURE RELIGIEUSE 127 La rue 167 L'époque paléochrétienne 128 Les monuments publics 170 L'art roman, gothique, la Renaissance ... 130 L'ART ET LA VILLE ...... 207 L'âge classique 138 Le XIX° siècle 149 Bibliographie 211 Le XXo siècle 166 Index 231 Evolution et tendances ...... 184 Origine des illustrations ...... 253 si te 1 305 il 986 m

1645 VII 1738 vin LYON AU

FIL DU TEMPS 1789 IX

1904 Xiii 1945 xiv 1 1350 IV avant 1562 v 1562 VI

1824 x 1852 xi 1870 XII

1957 xv 1987 XVI - -

Quoi qu'aient pu faire de leur cité les populations dans le passé, on y retrouve une unité visible qui liait entre-elles les formes toujours plus complexes de la vie de la communauté. Le visage et la forme de la cité exprimaient ce qui était désirable, mémorable, admirable.

Lewis Mumford

L'auteur remercie M. Lewis Mumford et Mme Sophia Mumford pour l'interêt qu'ils ont porté à ce livre.

INTRODUCTION LA VILLE L'ART ET LA METHODE

The stones of Lyon, Les pierres de Lyon pourrait être, en hommage à Ruskin, le titre de ce livre si l'analyse descriptive ne l'emportait sur le débat esthétique. Pié- ton du temps, sans machine à le remonter et sans bouger (ce qui ne veut pas dire sans risque), le lecteur voit défiler devant ses yeux, à l'aide de mots et d'images, une succession d'échantillons du bâti. Pièces d'un puzzle que la mémoire avait éparpillées, elles s'assemblent pour redevenir la substance de deux mille ans d'existence d'une cité. Pourquoi une telle entreprise ? Trois questions sont à l'origine de l'ouvrage : la ville est-elle une oeuvre d'art ? Faut-il assimiler histoire des habitants et histoire de la cité ? Trouve-t-on pour chaque grande ville du monde un livre rassemblant, des origines à nos jours, l'histoire de l'urbanisme assortie d'une succession de plans à échelles analogues, comportant pour chaque époque la mention des princi- paux faits d'urbanisme, d'architecture et de sculpture publique ; leur histoire cir- constanciée, celle des fêtes, des monuments et plus généralement de ce qui constitue le décor permanent et éphémère de la cité ; une bibliographie de base ; le tout ac- compagné d'un album de photographies, belles et significatives, dont la succession compose le visage aux multiples facettes de la cité, saisi dans son devenir ? A la première question on peut répondre, avec G. Benoît-Lévy : "Une cité est la plus grande des oeuvres d'art" ; pour la seconde, il a été considéré que, bien qu'inséparable de l'histoire de ses habitants, la ville était une architecture vivante qui se développe et meurt selon des lois internes. Quant à la troisième, après avoir ressenti le manque d'ouvrages de cet ordre (les ouvrages partiels sont nombreux comme ceux de la collection italienne Le citta nella storia d'Italia), nous avons ré- solu de rassembler deux mille ans d'histoire artistique d'une ville exemplaire, Lyon, selon une méthode spécialement mise au point et utilisable ailleurs, en un livre at- trayant, aussi complet et concis que possible, apte à favoriser les recherches à venir, utile à l'historien et à l'architecte, comme à l'amateur et à l'étudiant. Les matériaux ont quatre origines : les archives publiques ; les ouvrages im- primés ; les communications orales et la documentation privée d'un grand nombre d'architectes pour la période contemporaine et, pour les édifices existants, l'étude in situ. Pour l'antiquité ont été utilisées les publications et synthèses partielles de A. Audin, J. Burdy, H. Hours, A. Pelletier etc... mais avec prudence, de nou- velles recherches ayant infirmé certaines hypothèses sans que les rapports de fouilles actuels aient apporté d'autres certitudes. Je remercie Ph. Thirion pour ses informations et A. Desbat pour avoir relu le chapitre concerné. La connaissance du haut Moyen Age se fonde sur l'ouvrage de Coville 126 et les travaux d'archéologie de J-F Reynaud41418. Pour la période postérieure, les études lyonnaises contenues dans Le paysage urbain au Moyen Age135, celles de J.Picot 413, de M-C .Guigue399 et les travaux restés manuscrits de B.Vermorel 549 apportent des indications fonda- mentales. A l'époque classique, les ouvrages si utiles pour l'histoire des habitants ras- semblés dans la bibliographie de S. Charléty27, complétée depuis par de nom- breuses thèses d'histoire, ne le sont guère pour les questions qui nous occupent. Seule la Bibliographie critique des sources imprimées d'histoire de l'Art 18, publiée par les soins de l'équipe de recherche associée au CNRS de l'Institut d'Histoire de l'Art de l'Université Lyon II, est précieuse mais ne concerne que la période allant de 1500 à 1815. Cependant, à la suite de la rédaction de plusieurs mémoires de maî- trise et de publications, cette période reste la mieux connue. Les difficultés apparaissent aux XIXo-XXos. par la pléthore des études de détail, constituant souvent des sources imprimées de premier ordre, et le manque de synthèses partielles. Ainsi s'expliquent les 911 titres de la bibliographie bien qu'elle écarte les études sur les arts de la couleur et la plupart des monographies d'artistes. Pour les questions d'histoire urbaine, le livre de Kleinclausz, Lyon des origines à nos jours 51 reste indispensable ; l'urbanisme funéraire et l'hygiène urbaine ont fait l'objet de recherches nouvelles. Les études contemporaines utilisent les renseigne- ments recueillis auprès d'organisme comme la SERL, la COURLY, le Service de documentation de l'Isle d'Abeau ou publiés dans de nombreux rapports périodi- quement édités. Les questions d'architecture font appel aux principales sources d'archives publiques : Archives municipales de Lyon (AML), Archives départe- mentales du Rhône (ADR), Archives des Hospices civils (AHC), Archives natio- nales (AN), Musée historique de la ville de Lyon (MHL) dont les conservateurs et les personnels sont chaleureusement remerciés. Les références éventuelles sont ci- tées in texte. Pour l'architecture publique il est nécessaire de consulter La Construction lyonnaise et la Revue générale d'architecture et des travaux publics (RGATP) au XIX °s. ; au XX0, les Annales de l'Institut technique du bâtiment et des travaux pu- blics, Bâtiments Rhône-Alpes, Technica, Urbanisme ; pour la période contempo- raine Pignon sur Rue contient d'utiles informations. Pour l'architecture religieuse, en dehors de l' Histoire des églises et des cha- pelles de Lyon 380, de la Bibliographie iconographique du Lyonnais12 on a consulté l'Echo de Fourvière, la Revue hebdomadaire du diocèse de Lyon, Rive Gauche, pour le XIX os. ; pour le XX° l'Art Sacré, dont la seule collection complète à Lyon se trouve à la Bibliothèque des Facultés catholiques, apporte des renseignements fondamentaux entre 1935 et 1969. Mais la plupart des informations et des plans concernant les églises contemporaines dont il est présenté pour la première fois une étude globale provient des archives de l'Archevêché dont je remercie le directeur J. Jomand, de la Direction diocésaine de l'office des paroisses nouvelles, des archives paroissiales et surtout de la documentation privée des architectes concernés Archigroup, Bacconnier, A. Beyssac, A. Chomel, F-R. Cottin, P. Curtelin, P. Genton, F. Grimai, C. Tolot, R. Vial qui ont libéralement ouvert leurs cartons. De la même manière, l'étude des architectures publiques et domestiques contemporaines fait le plus souvent appel à la documentation des architectes : P. Bourdeix, F-R. Cottin, C. Delfante, F. Galard, Jourda, Perraudin, partenaires, Y. Lion, J. Rey etc... ainsi qu'aux propriétaires qui ont aimablement ouvert leur maison et préféré garder l'anonymat. Pour le chapitre sur le décor urbain, le lecteur trouvera l'ensemble des sources et une bibliographie étendue dans l'Art et l'eau à Lyon 37 et le Monument public français : l'exemple de Lyon 757.

Comment l'ouvrage est-il conçu, comment l'utiliser ? Le regarder, le lire, l'interroger sont trois manières complémentaires d'en user. Regarder s'entend pour les photographies et les plans. La plupart des photographies de sculpture et d'archi- tecture ont été réalisées par l'auteur dans le souci de montrer la beauté connue et inconnue de la cité, si possible avec un regard neuf. Un certain nombre provient des collections du Préinventaire et de l'Inventaire général des monuments historiques dont je remercie les secrétaires M. Lavigne et M. Pabois. Les reproductions de documents d'archives proviennent en principe du lieu de leur conservation. La plupart des plans de détail ont été redessinés par les soins de l'auteur avec le concours d'A. Pouilloux. En nombre le plus élevé possible, ils occupent

une surface minimale calculée en fonction de leur lisibilité. Le travail le plus délicat a consisté à mettre au point seize plans de ville, numérotés de I à XVI, montrant chacun un état de la cité à une époque donnée correspondant aux articulations des chapitres sur l'histoire de l'urbanisation. Deux dates accompagnent chaque plan : l'une, en petits caractères, indique le début de la période considérée ; l'autre, en gros caractères donne la date du plan en même temps qu'elle indique la fin de la pé- riode. En dehors des plans I à IV, restitués en fonction des sources autorisées, tous les plans ont été calqués sur des originaux des archives municipales, choisis en fonction de leur qualité et de leur date, avec la collaboration de B. Riquart puis harmonisés par l'auteur. Chacun provenant d'une époque, d'une main et d'une échelle différente, il s'ensuit certaines distorsions tenant à l'authenticité des docu- ments que l'on n'a pas essayé de supprimer. Ces plans ont ensuite été mis au propre à l'encre de Chine sur de nouveaux calques et réduits à trois échelles successives, l'échelle unique n'ayant pu être adoptée pour des raisons pratiques. Miniaturisés, ils constituent une planche unique, Lyon au fil du temps, qui permet au lecteur d'embrasser d'un seul regard l'évolution du bâti, des origines à nos jours. Sur chaque plan sont situées en noir les créations majeures d'urbanisme, d'architecture et de sculpture achevées au cours des périodes considérées et étudiées dans les divers chapitres. Chaque fait répertorié est accompagné d'un numéro en chiffres arabes, posé sur le plan, et dont la signification est indiquée dans la légende attenante.

La conception du livre, celle d'une ville et d'un ouvrage d'art, découle du sujet. Comme une cité, il peut être parcouru d'un bout à l'autre, au long de grandes avenues déterminant de vastes quartiers : urbanisme, architecture, décor. Chaque élément de ce plan masse se subdivise en îlots objets d'un urbanisme orthogonal plus ténu qui, grâce aux sous-titres dans les marges et à la typographie en caractères gras dans le texte, conduit le chercheur directement au fait concerné. Si la traverse seule d'une époque l'intéresse, il peut, par exemple, enchaîner en lecture suivie l'histoire de l'urbanisme, de l'architecture et du décor au X/X° siècle. A cette conception orthogonale se superpose ou se substitue, selon la nécessité, une mé- thode discursive, proche de l'urbanisme médiéval. Chaque chapitre est écrit selon une méthode différente. L'histoire de l'urbanisme développe en continu une série de thèmes : circonstances historiques, évçlution de la voirie et des quartiers, éclairage, lutte contre l'incendie, hygiène, vie des places etc... alors que les chapitres d'architecture, rangés en fonction de la nature de ces architectures, sont plus volon- tiers fondés sur de mini-monographies. Chacune comporte, entre parenthèses, des dates ; la première indique le début effectif de la construction, la seconde l'achè- vement ; elles coïncident rarement avec les dates de pose de première pierre et d'inauguration. Entre ces dates, un trait d'union que l'on peut aussi trouver soit derrière une date seule, elle se lit alors "commencé en ..." soit devant une date seule, elle se lit alors "achevé en...". Une date unique indique un achèvement au quantième mal défini ; les dates imprécises sont précédées de c. (circa), les dates incertaines suivies d'un point d'interrogation. Chaque fois que possible, la date de destruction des monuments disparus est indiquée à la suite des précédentes et pré- cédée du signe t. Ces dates sont suivies de l'initiale du prénom et du nom des au- teurs ; le prénom entier et la qualité exacte sont précisés à l'index. A la lecture apparaissent quelques particularités de conception qu'il est bon d'expliquer. Les appellations habituelles des églises : St-Jean, St-Paul etc... ne suffisent pas historiquement car un même vocable cache souvent des édifices suc- cessifs ; dans le cas de St-Just, quatre églises se succèdent dont trois au même em- placement. Chaque appellation d'édifice peut donc être suivie d'un nombre en chiffres romains. Le cas se complique lorsque plusieurs églises se succèdent en un même lieu, que la dernière disparaît. Le vocable sort de l'usage l'espace de 100 ou 200 ans puis reparaît, attaché à un nouvel édifice, dans un autre quartier. C'est le cas de St-Michel. De manière analogue, à l'église St-Pierre des Terreaux, désaffec- tée mais toujours existante, a succédé pendant un temps court un autre édifice, dis- paru aujourd'hui, que l'on pourrait confondre avec le précédent, sa localisation étant proche. La même méthode a été appliquée aux ponts. L'étude en continuité de l'architecture domestique présente une difficulté d'un autre ordre : fallait-il tenir compte des maisons de campagne ? Leur importance pour les citadins, mise en lu- mière par diverses études de détail 682-685, a invité à les traiter en même temps que les maisons de ville avec lesquelles elles forment un tout de civilisation. L'ensemble des dispositions de rédaction vise aussi à faciliter la consultation du livre comme une encyclopédie au moyen des 3000 entrées de l'index. Chaque titre de la bibliographie est précédé d'un numéro d'ordre qui sert de numéro d'appel dans le texte, en remplacement des notes. Les titres sont rangés à l'ordre alphabétique des auteurs à l'intérieur de sections qui suivent le plan du livre. Ouvert sur vingt siècles de l'existence d'une ville, cet ouvrage ne pouvait que se refermer sur la notion de temps qui est au coeur des travaux des hommes. A l'image des humains, la ville vieillit mais elle a sur eux l'insigne avantage de pou- voir rajeunir. Ses ruines mêmes semblent éternelles. URBANISME

Une cité est la plus grande des oeuvres d'art. Les traditions et l'histoire du passé sont écrites sur ses murs. C'est une grande ville, celle dont l'architecture n'est pas remarquée par la foule, mais produit sur elle une impression profonde. C'est une ville d'art lorsque le caractère formel de ses rues inspire un sentiment irraisonné d'admiration et éveille dans le coeur des habitants cette fierté pour la cité que seul peut faire naître l'art civique... La question qui se pose aujourd'hui est d'exprimer en notre architecture civique ce qu'il y a d'énergie, d'intensité de raffinement, de beauté, dans la vie urbaine,

G. Benoît-Lévy

LE SITE

45°45' de latitude Nord ; 4°51' de longitude Jacobins, hypothétique, aurait pris naissance Est sont les coordonnées d'un point du globe au niveau de la place des Cordeliers tandis que terrestre de 4 787 ha de surface (1974) où vi- le troisième, le bras d', devient le vent 418 476 habitants (1982) : Lyon. confluent principal jusqu'à la fin du XVIIIe Le masculin y rencontre le féminin avec siècle99. une rivière, la Saône, au débit moyen de 250 m3/s., et un fleuve, le Rhône, au débit moyen Les matériaux issus du sol constituent de 650 m3/s.. La plaine - 175 m au-dessus du l'ossature urbaine. Ville pauvre et éphémère, niveau de la mer - rencontre les collines qui Lyon était de terre ; ville aisée et durable, elle culminent à 300 m. Le nord rencontre le sud, est encore de pierre. Les galets alluviaux de le présent le passé. La traversée fluviale de quartzite, dans les murs de pisé de terre, dessi- l'Europe passe par Lyon. nent des arases en arêtes de poisson. Têtes de chat, ils sont aussi les plus anciens pavages. Il y a 45 millions d'années, l'intersection Dès l'antiquité, les affleurements cristallins de deux fractures, la présence de l'eau et la fournissent le granité. Proches d'abord, les jonction de terres hautes et basses, individua- carrières s'éloignent, se diversifient. Pierre lisent le site lyonnais. A l'ère tertiaire un d'appareil ou de pavage, le granite va du noir premier lac occupe les lieux, la mer le rem- au blanc et celui de la carrière de Courzieu place, puis un second lac jusqu'au début du fournit à partir de 1922 l'essentiel du pavé de quaternaire. Ces nappes aquatiques engendrent la ville323. Plus varié en qualité, le calcaire les sédiments qui composent la majeure partie domine la construction lyonnaise. Pierre de du sous-sol et recouvrent le socle granitique. Choin, de Villebois, il est gris et dur ; cal- Puis, il y a un million d'années, la tempéra- caire à gryphée de Saint-Fortunat ou de Saint- ture s'abaisse ; des glaciers occupent les lieux, Cyr, bleu en profondeur, jaunâtre en surface, charriant sables et rocs. Vers -10 000, le c'est un aggloméré naturel de coquilles d'huî- climat s'adoucit, les glaciers fondent, aban- tres ; pierre de Couzon, il est d'un jaune cha- donnant leurs alluvions, modelant des collines leureux ; pierre de Seyssel, il est immaculé84. caractéristiques". Les granites fournissent des sables de qua- Les fleuves gravent dans les sédiments le lité à teneur élevée en feldspath ; les calcaires visage mobile du confluent. Au gré des crues procurent la chaux, le ciment et le plâtre ; les et des saisons des bras d'eau s'ouvrent ou schistes houillers de la Loire chauffent et s'ensablent, des îles se font et se défont. A éclairent la ville au XIXe siècle et permettent l'époque celtique, le Rhône aurait allongé trois d'élaborer le mâchefer. bras principaux en direction de la Saône. Deux auraient existé simultanément et déterminé Entre les couches obliques des marnes l'eau trois vastes îles agglomérées de nos jours. Le s'accumule, provoquant des glissements de bras flandrien, le plus au nord, déjà comblé à terrain parfois meurtriers97 : effondrement du l'époque celtique (?), longe le pied de la colline forum vetus (840), éboulements montée du de la Croix-Rousse au niveau des Terreaux et Chemin-Neuf (19 3 0)93, cours d'Herbouville découpe sur la rive droite de la Saône l'île (1778, 1782, 1812, 1931, 1977). Un drainage Saint-Jean, selon un tracé qui correspond au- intensif par des voûtes existe de toute antiquité jourd'hui à celui de la rue Tramassac prolongée ainsi que des murs de soutènement élevés, par la rue du Boeuf. Le second bras, dit des composante essentielle du paysage urbain. 1 1° SIECLE avant J-l ! 2 Eboulement cours A. Briand en 1932 3 Inondation de juin 1856, rue de Bonnel

Aboutissement ultime de ces travaux, un aussi Lyon à mi-chemin entre Marseille et gigantesque escalier d'eau alimenté par les Paris100. Légendaire brouillard de décembre, drainages aurait pu descendre les pentes de "toutes choses au-dehors s'évanouissent. La ci- Fourvière 758. té, comme aveugle, est obligée de... cons- La configuration du sous-sol règle truire son propre univers. Pluie forte, froide, l'approvisionnement en eau des habitants jus- impitoyable qui, des heures durant, détrempe qu'au milieu du XIXe siècle, où le Rhône les manteaux et les coeurs", c'est la quasi- prend le relais. Puits et sources, rares sur les obscurité. Ciel d'été, plein soleil, c'est l'in- pentes, sont nombreux au pied des collines. soutenable éclat. Entre les deux, une lumière Les fleuves engendrent la navigation, les impressionniste, charme de la ville. Vent d'est, ports et la prospérité. Mais il faut fixer leurs vent d'ouest, "la brume des fleuves se traîne le berges avec des digues206, des quais, subir des matin en écharpes légères ... et se transforme inondations parfois diluviennesI69.223, cons- l'après-midi en beaux nuages arrondis, aux truire des barrages, exhausser les sols en con- contours étincelants de blancheur, qui dérivent trebas par l'apport de remblais, les franchir à paresseusement sur la ville où ils font jouer l'aide de gués, de bacs et de ponts ardus à jeter l'ombre et la lumière". Vent du nord, il y a avant l'essor technique du XIXe siècle. cette "luminosité unique, cette transparence extraordinaire où chaque chose, arbre ou fleur, maison ou rocher, prend une beauté simple et Contrastes morphologiques, contrastes cli- mystérieuse"19. Au "ciel de suie", s'oppose le matiques94. A la sécheresse estivale s'opposent "ciel de soie", si léger dans son azur délicat les pluies hivernales. La température moyenne qu'il pourrait être "pris dans la main et froissé (11°3) et la pluviosité (152 jours/an) placent sans cassure" (L. Daudet) 94.

LUGDUNUM

L'arrivée de réfugiés civils viennois vers est conservé par une mosaïque et des inscrip- -44, celle des légionnaires de Munatius tions. Quatre portes percent l'enceinte : celle Plancus en -43 sur le site nilotique du con- de l'Océan au nord, du Rhin à l'est, de Narbon- fluent de l'Arar et du Rhodanus marquent la naise au sud et d'Aquitaine à l'ouest, corres- fondation définitive de la colonie Copia FeUx pondant au départ des grandes voies. Muniata Lugdunum, Lugdunum, colline aux corbeaux, colline de la lumière103. La dernière opération (orientatio), respon- Séduit par l'éminente position du replat des sable des dispositions intérieures de la cité, Minimes, alimenté en eau, aisément défen- crée un lien vital entre la ville et l'univers dable, orienté au levant, hors des marécages du cosmique en assimilant sa naissance à celle confluent, indépendant de l'éventuel bourg cel- tique de Condate, souvenir de la prédilection étrusque pour les acropoles, ou peut-être sur un autre site non identifié, Plancus fonde au coeur des Gaules un centre stratégique néces- saire à l'administration romaine civile et mili- taire, l'une des 5025 agglomérations dénom- brées à la chute de l'Empire.

Au 1er siècle av. J.C., de Cadix à Antioche, les Romains multiplient les cités coloniales et exportent un urbanisme procédant d'un art achevé, longtemps considéré comme modèle idéal. Le principe rituel consiste à éta- blir les infrastructures nécessaires à la vie de la cité selon un plan orthogonal orienté. Après avoir consulté les augures (inauguratio), on trace l'enceinte (limitatio) qui, outre son rôle défensif, a pour but de "fixer la frontière reli- gieuse du territoire urbain, c'est-à-dire l'es- pace... où défense est faite d'enterrer les morts"55. Hors les murs de la métropole, se trouve donc la nécropole ou ville des morts. Ce sont d'abord des tombes au long des voies d'Aquitaine, de Narbonnaise, de l'Océan, puis, au temps de Néron, les nouveaux cimetières de Saint-Just et Saint-Irénée qui, du Ilème au Illème siècle, ne cessent de s'étendre, en même temps que de nombreuses sépultures jalonnent les routes aux abords de la ville. A l'extérieur de l'enceinte, au fond du val- lon de Trion (?) et en relation avec les rites funéraires, était bâti le cirque dont le souvenir 4 Le théâtre, l'odéon et le temple de Cybèle II 13 + 305

RBANISME

1 aqueduc du Gier

digues 2 "Artaud" (d') 3 Saône (dans la)

4 enceinte hypo- thétique 5 forum

nécropoles 6 Choulans (de) 7 route d'Italie (de la) 8 route de l'Océan (de la) 9 St-Irénée (de) 10 St-Just (de)

ports 11 Choulans (de) 12 St-Georges (de) 13 St-Paul (de) 14 Serin (de)

portes 15 Aquitaine (d') 16 Narbonnaise (de) 17 Océan (de 1') 18 Rhin (du)

quartiers 19 Canabae (des) 20 Condate (de) 21 Fourvière (de) 22 La Muette (de)

voies 23 Aquitaine (d') 24 Italie (d') 25 Narbonnaise (de) 26 Océan (de 1') 27 Rhin (du)

ARCHITECTURE

28 amphithéâtre 30 cirque ? 32 odéon 5 L'aqueduc du Gier à Beaunant

sanctuaires 33 Cybèle (de) 34 fédéral du jour par le tracé du decumanus (rue Mais Lugdunum est une cité vivante dont 36 théâtre R. Radisson ?), première artère de référence, le centre géo-politique, matérialisé par le fo- )ECOR orientée est-ouest ; de la visée se déduit le jour rum, se déplace au cours de son existence. De de la fondation de la cité : le 9 octobre -43 (?). 37 autel des -43 à -17 (?), les premiers habitants se seraient Trois-Gaules On trace ensuite le car do, perpendiculaire au réunis à l'emplacement du théâtre actuel, sur decumanus, qui marque l'axe nord-sud autour une petite place rectangulaire (48 x 36 m), le 39 mosaïque d'Ainay duquel tourne le soleil. On peut alors définir praetorium, ouverte à l'est et ceinte sur les 40 table les voies secondaires déterminant des îlots rec- claudienne autres côtés d'une galerie fermée servant tangulaires (insulae) sur lesquels s'élèvent d'entrepôt alimentaire, comparable au praeto- tombeaux maisons et édifices. En fait, seul le plateau de 41 Deux-Amants rium d'Aléria et ancêtre des cryptoportiques de (de) la Sarra, urbanisé dès l'époque d'Auguste, pré- Bavai103. 42 Trion (de) sente cette régularité théorique, le reste de la ville ayant dû s'adapter aux sévères contraintes Le séjour d'Auguste, en -16/-14, est à du relief. l'origine de la première extension de la cité promue au rang de capitale des trois Gaules : C'est le milieu du Ilème siècle, Lugdunum Aquitaine, Belgique et Lyonnaise. Sur une est à son apogée. A cette date, trois agglomé- terrasse artificielle (61,5 x 140 m) l'empereur rations composent la cité : la ville haute, le crée un nouveau forum, à l'emplacement de bourg de Condate et l'île des Canabae (Ainay Fourvière (forum vêtus : le vieux forum ?), et Bellecour). Des quartiers intermédiaires, les théoriquement accompagné de la curie munici- ports des bateliers du Rhône à Saint-Georges pale, de la basilique, de la prison, etc., tandis et des bateliers de Saône à Saint-Paul, les qu'est rasé le forum de Plancus pour édifier le quartiers industriels de Serin et de la Muette théâtre. unissent ces pôles que trois ponts relient. La population croît ainsi que ses besoins La ville haute, monumentale et officielle, en eau : les aqueducs de Craponne (-14), des est le séjour privilégié des dieux et des Monts-d'Or (-16) et de la Brévenne (41 - 54) hommes : législateurs, soldats, prêtres, com- sont construits, drainant 52 000 m3/jour dans merçants et la masse des serviteurs. Une la cité117. assemblée, l'ordo decurionum, assure l'admi- La création en -12 du sanctuaire des Trois- nistration municipale ; deux "questeurs" Gaules complété par l'amphithéâtre en +19 et s'occupent des finances, deux "édiles" de la celle d'un sanctuaire affecté au culte impérial police et de la voirie, des "duumvirs" de la (c. 20-25) matérialisent le lien politique et re- justice. La cité, où l'on bat monnaie, est la ligieux qui unit Fourvière à Condate, Rome et résidence du gouverneur et le siège de l'admi- Auguste aux 60 nations gauloises. En 65, un nistration provinciale dont elle abrite les mémorable incendie détruit en partie la ville services fiscaux. Les 1 200 hommes de la mais, comme le phénix, elle renaît de ses cohorte ad monetam , en font une ville de cendres. Vers 119, les dimensions du théâtre garnison ; l'importance des casernements est sont accrues, l'aqueduc du Gier construit, por- attestée, la citerne dite "la grotte Bérelle" en tant la capacité théorique d'alimentation en eau serait le vestige le mieux conservél06. de la ville haute à 66 000 m3/jour (à Lutèce, Domaine indivis entre les nations gau- un seul aqueduc apporte 2 000 m3/jour). En loises, Condate, avec son faubourg de la rive 130-136, l'amphithéâtre est agrandi à son gauche de la Saône (quartier Saint-Vincent), a tour ; vers 160, on bâtit l'Odéon et le temple une personnalité différente. Une population de Cybèle. cosmopolite le hante et un nombre élevé d'arti- sans, céramistes, verriers, s'est installé au bord de la rivière qui les approvisionne en matières premières et emporte au loin leurs produits finis. Tous les ans, le 1er août, les délégués des nations et de la foule s'y rendent en liesse pour rendre hommage aux divinités protec- trices de l'Empire. Le quartier des Canabae (du nom des ba- raques que l'on dressait aux portes des camps) est l'entrepôt du commerce international ; les riches marchands y ont de somptueuses do- mus. Le blé, l'huile et le vin venant d'Espagne y transitent apportés peut-être par les navires de haute mer qui remontent le Rhône. Qui habite Lugdunum ? Des Syriens, des Juifs, une minorité grecque importante, des Gaulois et des Latins composent une popula- tion de 35 000 à 50 000 âmes (moins de 10 000 habitants à Lutèce et plus de 1 million à Rome) répartie selon des classes sociales définies : les citoyens qui peuvent aspirer aux plus hautes dignités, les sévirs augustaux, les 6 L'amphithéâtre membres des corporations (bateliers, négo- I

ciants, ouvriers du bâtiment), les travailleurs indépendants (fruitiers, pêcheurs, tisserands) et les membres des professions libérales. Comme à Rome, 80 % des habitants sont des affran- chis, ou des descendants d'esclaves. Les bate- liers sont gaulois, les militaires citoyens ro- mains. A la variété des nations correspond la va- riété des religions. Aux cultes gaulois de la fécondité se superposent les cultes romains officiels (Jupiter, Junon, Minerve) et impé- riaux qui les assimilent en partie. Les reli- gions orientales, culte de Mithra, de Cybèle, premier christianisme, voient leur audience se développer au Ilème siècle ; mais les persécu- tions de 117 déciment la première commu- nauté chrétienne d'origine phrygienne.

Lugdunum est essentiellement une ville 7 Monument funéraire place E. Wernert, frise administrative et commerçante, image en ré- duction de l'avenir de Lyon. Colonnades, bustes, statues pédestres et équestres - seule une jambe de cheval en bronze a été retrouvée - fontaines (f. du Cyclope) sont autant d'élé- ments du décor urbain que l'on devine au travers de fragments et d'édifices mutilés, iné- puisables carrières des bâtisseurs médiévaux. La crise préconstantinienne entraîne des ré- formes administratives défavorables à la ville reléguée au rang de chef-lieu de province. Viennent les premières invasions ; les aque- ducs, fragiles en dépit de leur apparente solidité nécessitent une surveillance et un entretien constants. Privés d'eau peut-être103, contraints par des nécessités sociales et économiques, les habitants abandonnent la ville haute et se réfugient en bord de fleuve. Vers 305, cette si- tuation est effective. Morte est la cité antique au pied de laquelle naît la ville nouvelle, tandis que Rome périclite et que Constantin fonde la nouvelle capitale de son empire, Constan- tinopolis, au levant du monde méditerranéen. 8 Tombeau de Deux Amants vers 1707 III )6 - 986

LBAMSME

1 la enceinte ?

voies 2 Gerbe (rue de la) 3 Grande Côte LA CITE DE DIEU (montée de la) 4 Montauban (chemin de)

*CTÏÏTECTURE

5 domus ecclesiae "La reconnaissance officielle de l'Eglise et dans la vallée du Rhône en 585). L'avènement et palais (?) son association avec l'Etat romain, devinrent de Charlemagne, la nomination à la tête de églises, couvents les facteurs déterminants du développement l'épiscopat lyonnais de Leidrade (798-816) et 6 Apôtres (des) (St-Nizier I) d'un nouvel ordre social. L'Eglise recevait la d'Agobard (816-840), marquent un renouveau 7 groupe cathédral- intellectuel et monumental éphémère. Vien- St-Etienne liberté et apportait en retour à l'Empire ses 8 groupe cathédral- ressources de vitalité spirituelle et sociale. nent les incursions des Hongrois (934-54) St-Jean-Baptiste Ainsi, dans chaque cité du Bas-Empire, à côté avant que les Capétiens ne remplacent les (Maxima Ecclesiae) 9 groupe cathédral- de l'ancien corps des citoyens, nous rencon- Carolingiens (986) et que Lyon ne passe dans Ste-Croix trons le nouveau peuple de l'Eglise chrétienne, le royaume de Bourgogne (1032). 10 Macchabées (des) (St-Just I) la plebs Christi, et comme le premier perdait Cette période de 681 ans est la plus incer- 11 Platière ses privilèges sociaux et ses droits politiques, taine de l'histoire de la ville. Mais obscurité (N-D de la) 12 St-Eloi le second peu à peu en vint à prendre sa place. n'est pas synonyme d'obscurantisme et plus (N-D de Saônerie) d'un indice montre que l'étincelle de l'huma- 13 St-Irénée Et parallèlement, la puissance et le prestige du 14 St-Laurent-de- clergé, de l'ordre (ordo) chrétien, augmentèrent, nisme brille toujours. Choulans tandis que ceux de l'ordre civil, la magistrature Comme Metz ou Le Mans3, Lyon renaît 15 St-Martin d'Ainay en bord de fleuve, sur un site choisi à cause de 16 St-Michel municipale, déclinaient, de sorte que l'évêque 17 St-Paul finit par devenir le personnage principal de la l'eau, d'une voie de passage et de la présence 18 St-Pierre des éventuelle de constructions. Nouveau centre Terreaux cité et le représentant de la communauté tout 19 St-Pierre-le-Vieux géopolitique, l'actuel quartier Saint-Jean re- 20 St-Romain entière ... Au IVème siècle, l'organisation ec- 21 St-Satumin clésiastique était modelée sur celle de l'Empire. groupe les bâtiments administratifs et reli- 22 Ste-Baudile gieux : palais de l'autorité civile, groupe 23 Ste-Eulalie Non seulement chaque cité était le siège d'un (St-Georges I) évêché dont les limites coïncidaient avec celles cathédrale, maison épiscopale à laquelle est adjoint entre 798 et 816 un petit palais pour hôpitaux de son propre territoire, mais la province civile 12 St-Eloi était en même temps province ecclésiastique, loger l'Empereur en visite126. A la suite de la (N-D de Saônerie) sous l'autorité d'un métropolitain qui résidait réforme canoniale du IXème siècle3, le groupe cathédrale s'enferme dans un claustrum, le 20 St-Romain dans sa capitale" 125. Elu par le clergé, ac- cloître Saint-Jean. clamé par le peuple, l'évêque de Lyon a le pas sur ses confrères d'Autun, Châlons, Langres et En même temps s'individualise un quartier Mâcon. populaire et commerçant, le bourg de Saô- nerie, avec un hôpital et son église, d'abord Vers 455, Lyon est encore un foyer actif de dédiée à la Vierge puis à Saint Eloi, au débou- ché d'un axe est-ouest dont la rue de la Gerbe culture classique et chrétienne. La pacifique conquête des Burgondes127 hisse à nouveau la et le chemin de Montauban perpétuent le sou- ville au rang de capitale (470-530) mais les venir. De part et d'autre du coeur de la cité, les Francs se partagent leur royaume, reléguant la anciens centres de batellerie sont actifs d'autant cité à la position de chef-lieu du pagus lugdu- que les ponts auraient été détruits entre 383 et nensis, pays lyonnais, administré au nom du 470. roi par un comte dont le pouvoir judiciaire est Condate et les Canabae retournent à l'état en compétition avec celui de l'évêque. naturel, le bras des Jacobins se comble entre Le Vlème siècle est un siècle de calamités : 580 et 891 (?)103 ; de petits bourgs apparais- peste (571-78), incendie (575), inondation ex- sent sur la presqu'île au contact des églises pa- ceptionnelle qui renverse une partie de l'en- roissiales. Près de l'église Saint-Michel, se ceinte (580), ravages des armées (Sarrazins développe le bourg du même nom. Vers 878, 9 Première enceinte ?

Vaise fonde son église dédiée à Sainte Bau- loi Gombette et l'étude des sépultures. La mi- dile44. norité juive a le monopole du commerce de Quinze édifices religieux principaux, trois luxe, des prêts usuraires et du trafic d'escla- monastères, trois hôpitaux, une maison épis- ves126. copale et un palais constituent l'essentiel des bâtiments communautaires. La tradition ro- Dépositaire de la tradition romaine l'Eglise maine des monuments commémoratifs s'éteint incarne l'ordre, la justice et la foi face à un et la statue de Flavius Afranius Syagrius (ap. pouvoir politique central incertain. Elle assure 382) en est le dernier souvenir conservél26. la subsistance de la cité : au Vème siècle, La population, moins de 10 000 habitants Patiens "fait venir du blé de très loin, ... (?) pour une surface urbaine de 40 à 50 ha (?) a construit des greniers"127. diminué, la vie économique s'est ralentie, la Au cours de ces temps troublés, peut-être y main-d'oeuvre agricole manque tandis que les eut-il des moments privilégiés où la taille de esclaves artisans exercent publiquement leur la cité, le nombre des habitants, une foi métier. Le revenu municipal provient de la unique, un art que l'on devine raffiné étaient perception de droits de passage sur les mar- les éléments d'une vie communautaire harmo- chandises, les tonlieux. On assiste au brassage nieuse, lointaine image de la cité grecque des races des divers occupants, ce qu'atteste la idéale. LA CITE DE L'EVEQUE

Peu à peu, l'Eglise atteint l'apogée de sa oppressive. Obstacle aux libertés communales, domination temporelle. Les citoyens con- elle amène les habitants à se dresser contre quièrent l'indépendance à la pointe de l'épée, le elle. Le conflit naît de l'avènement d'une nou- pouvoir hégémonique du roi de France s'insi- velle prospérité fondée sur l'échange, opposée nue dans la ville, l'urbanisation gagne la pres- à celle de l'Eglise fondée sur la terre et la per- qu'île, la cité se rouvre aux influences ex- ception de droits. En 1193, les bourgeois ob- térieures grâce à deux ponts jetés sur la Saône tiennent que "leurs bonnes coutumes" soient et le Rhône, tout en se protégeant par de nou- respectées. En 1206, leur sont concédés des velles enceintes, et l'architecture religieuse se franchises commerciales, des poids et mesures développe. indépendants. Mais la colère grandit. En 1208, puis en 1269, c'est la révolte armée, la pour- L'infrastructure administrative est aux suite des chanoines dans leurs cloîtres aux cris mains de l'Eglise. En 1173, l'Archevêque écar- de "Lion le melhor". De part et d'autre on se te le Comte de Forez, devenant seul maître à barricade. En 1271, la ville utilise pour la bord avec Dieu. Riche des legs qu'elle première fois un sceau indépendant, et en recueille, des revenus de ses propriétés, des 1274, on propose de mettre les coutumes par droits de toute nature qu'elle perçoit, forte de écrit. Profitant de ces querelles, le roi de son autorité morale et de son organisation, France annexe la ville, le 10 avril 1312 et, le l'Eglise accapare les instruments juridiques, 21 juin 1320, l'Archevêque reconnaît "les économiques et le sol de la commune au usages, franchises, libertés et coutumes de la moyen des seigneuries. L'Archevêque et les cité de Lyon" qui accède à l'autonomie après chapitres, seigneurs directs, perçoivent de leurs nombre de cités italiennes, flamandes et fran- tenanciers des redevances annuelles en argent et çaises (Villefranche-en-Beaujolais, 1180). en nature, les cens et servis, et des droits de mutation analogues à ceux que perçoit au- Les habitants, moins de 20 000 (?), sont jourd'hui l'Etat : les lods et milods. Tout nou- gens d'église ou laïcs. Près de 5 000 religieux, veau propriétaire doit prendre l'investiture de groupés en communautés : abbayes, comman- son seigneur direct par acte notarié, consigné deries, chapitres (en particulier les 32 cha- dans des registres spéciaux, les terriers, qui, noines-comtes de Saint-Jean), se rangent sous jusqu'en 1493, sont les documents fondamen- les bannières de l'Eglise. A ces institutions taux de l'histoire de la propriété. s'ajoutent onze recluseries, abritant laïcs ou Le clergé lyonnais joue un rôle internatio- religieux des deux sexes "qui librement se sé- nal. Les papes : Grégoire X, Boniface VIII, questrent et s'isolent pour se consacrer à la Innocent IV sont issus de ses rangs ; Clément méditation et à la prière"401. Les habitants V est couronné à Saint-Just (1305), Jean XXII (popules) et les bourgeois (cives) sont hiérar- est élu au couvent des Jacobins (1316) ; chisés en fonction de la fortune et des métiers Innocent IV séjourne six ans à Lyon ; deux (communitas). Les membres des corporations conciles, en 1245 et 1274, y siègent, justifiant unis par serments, s'assemblent soit par mé- quelque peu le surnom de "nouvelle Rome" tiers, soit par quartiers, dirigés par des syndics donné à la cité. Lyon est l'étape des pèlerins et ou des anciens. Chacun a sa bannière, son des croisés (1190, 1248, 1270) ; des ordres pennon où figure son saint patron. Plus de nouveaux y fondent des filiales. cent métiers, appelés ars à la mode italienne, Mais l'Eglise est devenue une puissance sont représentés. Une douzaine de grandes IV 987 - 1350

familles enrichies dans le négoce, représente la URBANISME ARCHITECTURE puissance du capital et participe à la gestion de fortifications 43 Boucherie de la 94 motte de la cité dirigée par un procureur et des syndics, (sens des aiguilles Lanterne Bêche velin image du futur consulat. La communauté d'une montre 44 Château de 95 palais archi- Enceinte de St-Just Pierre-Seize épiscopal juive, regroupée dans le quartier de la juiverie, -St-Irénée 96 palais de Roanne des étrangers de plus en plus nombreux, églises! couvents portes 45 Antiquaille recluseries venant du nord et d'Italie, achèvent le tableau. 1 St-Irénée (de) 46 Antonins 97 St-Barthélémy 2 Trion (de) Le calendrier julien rythme l'année de travail 47 Augustins 98 St-Clair (Griffon) Enceinte de 48 Carmes 99 St-Epipoy ponctuée de nombreuses fêtes corporatives ou St-Jean 49 Célestins 100 St-Marcel religieuses. (Grand Cloître) 50 Cordeliers 101 St-Sébastien ! rive droite de la (St Bonaventure) 102 St-Vincent Comment la ville assure-t-elle sa subsis- Saône 51 Cordeliers 103 Ste-Hélène tance ? Les céréales, acheminées de Bresse par 3 porte St-Georges (Observance) 104 Ste-Marguerite 52 Déserte 105 Ste-Marie- la Saône sont vendues au marché de la 4 puy d'Ainay 5 tour Breton 53 groupe épiscopal : Madeleine St-Etienne Grenette, moulues par les nombreux moulins 6 porte des Farges DECOR 7 tour Peyrollier 54 groupe épiscopal : flottant sur le Rhône, et le pain, noir ou 8 tour Béron St-Jean blanc, cuit dans les fours banaux. L'appro- 9 tour Bonin 55 groupe épiscopal : croix 10 tour Ste-Croix 106 Colle (de) visionnement en viande, boeuf, porc, est 56 Hôtel-Dieu 107 Cordeliers (des) Ste-Marguerite assuré par des marchés. Des courants commer- 57 N-D de la Chana 108 Griffon (du) 11 tour Serpollet 58 N-D de Fourvière 109 Jacobins (des) 12 tour Rippan ciaux plus lointains apportent les denrées de 59 N-D de la Platière 110 Pont de Saône (du) 13 porte de Pierre- 111 Croix-Rousse luxe : cuir de Cordoue, drap de Flandres, Seize 60 St-Alban l "Anciens fossés" 61 St-Côme-et- épices. fossés de la Damien fontaines Comme la plupart des villes de ce temps, Lanterne 62 St-Eloy 112 Chana (de la) 113 Choulans (de) Lyon se fortifie mais le territoire municipal ne 14 porte de la 63 St-Epipoy Pêcherie 64 St-Esprit 114 Pierre-Scize (de) coïncide pas avec les enceintes. Sur la rive 115 St-Epipoy 15 porte de la 65 St-Georges droite de la Saône, les limites sont le ruisseau Lanterne 66 St-Irénée rive droite du 67 St-Jacquême * puits de Charavay au nord et la Porte Vieille au Rhône 68 St-Just in 69 St-Laurent Sud. La presqu'île est limitée à l'est par le 16 porte de la Freta 17 La Tourette 70 St-Laurent-de- a arbre sec Rhône jusqu'à son confluent, au nord par les Choulans 18 porte Vacieu b Bourgchanin 71 St-Louis vieux fossés (vetera fossata). Ils servent de 19 porte et tour de la c Ecorcheboeuf rue Neuve 72 St-Martin d'Ainay d Grillet frontière entre les provinces du Lyonnais et de 73 St-Michel 20 porte des Frères e Lanterne la Bresse qui dépend du Saint-Empire, ainsi Mineurs 74 St-Paul f Luizerne 75 St-Pierre-des- g Malconseil que de limites entre les juridictions tempo- Terreaux autres portes h Mercière 76 St-Pierre-le- relles des Archevêques de Lyon et des Sei- 21 Bourgneuf (de) i Pelu Vieux 22 Confort (de) j Ranco gneurs de Beaujeu que les fourches patibulaires 23 Griffon (du) 77 St-Romain k St-Saturnin 78 St-Satumin de Montessuy et trois piliers de justice : à la 24 Pont du Rhône (du) 25 Ruer (de) 79 St-Vincent porte Saint-Sébastien, au château de Cuire et 26 Roche (de la) près du fort Saint-Jean, concrétisent. Dès avant 27 St-Marcel (de) étuves 80 Pêcherie (de la) 1269, une milice assure la défense et dès le places 81 St-Georges (de) XIIIe siècle il y a un crieur public549. 28 Bourgneuf (de) 82 Très-Monnoye 29 Change (du) (de la rue) 30 Douane (de la) Plus que jamais s'affirme la scission entre 31 Platière (de la) fours 32 Roanne (de) 83 Malconseil (de) deux villes imbriquées, celle de l'Eglise et 33 Treyvebatel 84 Platière (de la) celle des bourgeois, qui vivent en symbiose. 85 St-Pierre (de) ponts La ville ne s'est pas constituée autour dé la 34 Rhône (du) hôpitaux cathédrale. Le cloître Saint-Jean est le centre 35 Saône (de) 86 Pont du Rhône (du) 87 St-Antoine administratif et religieux de l'Eglise. L'Arche- port 88 St-Eloi 36 Estres (des) vêque tient ses distances en habitant le château 89 St-Just de Pierre-Scize. Le centre commercial est le rues 90 maison de ville bourg de Saônerie ainsi que le marquent les 37 Bourchanin 91 Manécanterie 38 Confort (vieille) noms anciens des rues : rue de l'Asnerie, de la 39 Grande Côte St-Sébastien Boucherie, Chérie, de la Ferratière, de la 40 Lanterne marchés Triperie, Saônerie (rue des sauniers) ... activi- 41 Mercière 92 Grenette 42 Neuve 93 Herberie tés qui bientôt ont leur pendant de l'autre côté du fleuve, sur la presqu'île. "L'ancienne ville La guerre civile oblige les édiles à se réfu- gier outre Saône et à se réunir dans l'église Saint-Nizier pour les grandes assemblées et dans la chapelle de Saint-Jacquême pour les petites (il y a 12 conseillers et 38 chefs de corporations), consacrant topographiquement la séparation des pouvoirs féodo-religieux et communal. "De l'autre côté du Pont de Pierre, l'ancien faubourg de Lyon ... est devenu une ville nouvelle, plus aérée, plus dynamique, plus frondeuse. Il a conservé un aspect semi- rural : les rues, elles aussi étroites et sinu- euses, sont parsemées d'espaces verts ; les jardins, les vignes, les curtils entourent les maisons. Dans le clos, les maisons, basses en général, - c'est-à-dire sans étage- s'éparpillent ; parfois, plus rarement, elles s'alignent le long des charrières qui les limitent, gardant sur leurs derrières de larges espaces libres. Par contraste, les rues avec leurs maisons hautes et basses, 10 Le grand cloître St-Jean au XV0 siècle. indice d'un gain de hauteur et de constructions A. Manécanterie B. maison des clergeons C. auditoire de la à étages, sont parfois entièrement bâties. Vers justice du comté D. cour de l'archevêché E-F. dépendances G. auditoire de la justice de l'archevêque 1. palais de l'abbaye de Saint-Pierre, le peuplement est l'archevêché J. chapelle K. officialité L. place de la fonderie ancien et les rues rappellent les artères animées des cloches M. fontaine. de la rive droite... Ailleurs où les densités sont moindres, le quartier... conserve son indivi- dualité propre"413. s'étire sur la rive droite : au nord l'église saint- Ouverte peu avant 1310, rapidement lotie, Paul, les albergeries du Bourg Neuf où font la rue Neuve, "alias la rue Blanche", traverse halte les voyageurs ; au centre, vers le pont de en ligne droite un terrain du prieuré de Saints- pierre, les demeures bourgeoises ; puis, ceint Côme-et-Damien. La rue principale relie le de ses murailles, le quartier épiscopal où pont de Saône au nouveau pont du Rhône sui- Saint-Jean dresse sa façade encore blanche ; au vant l'itinéraire rue Confort/rue Mercière (= via sud, Saint-Georges limite la cité avec ses mercatoria, la rue des marchands) et peut se montées abruptes qui conduisent au cloître des poursuivre en direction du nord par la rue chanoines de Saint-Just. Sur cette rive s'al- Luizerne jusqu'au chemin de Bresse. Il y a peu longent des rues sinueuses où les maisons d'espaces de dégagement : piastres, platières, s'élèvent car l'espace est rare ; des rampes bor- treyves. Apparaissent les premières places pu- dées de maisons basses appuyées les unes sur bliques comme celle de la Platière en 130062. les autres comme à la recherche de leur équi- Au débouché du pont du Rhône se développe libre, escaladent la colline. Dans cette ville le bourg Chanin. ancienne où, sauf dans le quartier Saint-Paul, L'approvisionnement en eau se fait par des les espaces non bâtis sont rares, les maisons puits publics qui complètent les puits privés surpeuplées des artisans et des gagne-deniers et sept fontaines principales. Dès le XIIème contrastent avec les demeures spacieuses des siècle, l'eau retrouve ses vertus hygiéniques riches bourgeois et des hommes de loi"413. Au sous la forme des bains de vapeur des étuves. débouché occidental du nouveau pont de pierre, Les aîtres se constituent au chevet des églises, apparaît la place du Change (av. 1303), dans l'enceinte des couvents et aux abords des comme à Metz la place des Changeurs ; elle hôpitaux758. concrétise les relations entre la ville et l'extérieur et dessine sa vocation bancaire. Le lieu est pourtant insignifiant : un rectangle Quelle impression le voyageur emporte-t-il irrégulier de 24 x 11 mètres sur lequel sont de la ville ? Pour se diriger, il doit se fier aux dressées les tables des changeurs. explications orales fondées sur la topographie et les particularités du décor. Il emprunte une ter l'espace privé : avancer la façade lors d'une charrière, une traversière, l'un de ces boyaux reconstruction, gagner sur l'espace public, sans larges du passage d'une personne ou une tra- toucher au sol, au moyen d'encorbellements boule qui court au travers du bâti. Jours ordi- provisoires : chambres, estres, galeries, élé- naires et plus encore de festivité, il a peine à ments pittoresques du paysage urbain qui peu- se frayer un chemin dans les rues bondées de vent devenir architectures de pierre comme gens, d'animaux et de choses. Sur un sol de l'oriel du palais archiépiscopal684 ou la galerie terre, ou parfois pavé avec écoulement central, Bullioud. il déambule. S'il pleut, pour éviter la boue, il Encombrée, tortueuse, colorée, bruyante, peut tenter de marcher sur les cadettes qui, an- sale, obscure la nuit, la rue médiévale135 ne cêtres des trottoirs, courent au long des correspond en rien à ce que l'on attend d'une façades. Il doit déchanter. L'eau des toits, rare- rue moderne. Mais faut-il la juger en fonction ment pourvus d'une chanée, moins encore de des critères d'hygiène, de ligne droite, d'uni- tuyaux de descente, tombe à flots. Les étals formité qui ont cours aujourd'hui ? Elle reflète ouverts, les seuils, les bouteroues, les maté- un système cohérent né de la pratique et diffère riaux entassés, les immondices, les enseignes du système planifié. Dédale organique de la vie à potences trop basses, sont autant d'obstacles. saisi dans l'inachevé, la rue médiévale s'adapte Selon les quartiers, s'il lève les yeux, il aper- en permanence. çoit une belle façade de pierre appareillée ou, le plus souvent, en pisé ou en petit appareil non Est-il un modèle plastique des cités médié- crépis. vales ? Sans doute la Jérusalem céleste. Les Autant que l'oeil, les odeurs le guident ou villes telles que les montrent A. Lorenzetti ou le repoussent. Fortes en général, elles devien- G. Revel sont des Jérusalem terrestres. Ce lieu nent insupportables lorsqu'il traverse la rue des clos enferme de préférence un cours d'eau, une Bouchers ou des Tanneurs. Les notions de colline, une fontaine (celle du cloître Saint- privé et de public sont floues. La rue est un Jean à Lyon). Pour des raisons variées, mu- passage nécessaire laissé à la sauvegarde des railles, tours, flèches, tout y tend vers le ciel. propriétaires. Droits et devoirs se précisent peu Originalité symbolique de la première veduta à peu. L'espace étant mesuré, ce qui n'entre pas lyonnaise, le sceau de 1271131 le pont de dans la maison trouve place dans la rue où le Saône, monument principal, y résume les commerçant dispose des signes pour attirer le aspirations des bourgeois : Dieu, le roi, et chaland. Tout expédient est bon pour augmen- l'indépendance commerciale. 11 Le cloître St-Jean vers 1548 LA CITE GOTHIQUE ET RENAISSANTE

I. La ville affranchie 1351-1562 mains des marchands qui, seuls, peuvent deve- nir consuls. En juin 1547, Henri II réduit les La charte communale ne résout pas tous douze conseillers-échevins à un prévôt, quatre les problèmes. La ville doit faire face aux échevins, un procureur, un secrétaire, "comme guerres, aux épidémies et aux disettes. L'essor à Paris". Mais l'ordre reste lettre morte jus- économique a lieu cependant, fondé sur les qu'en 1595. De 1502 à 1785, deux "cloche- foires, la banque (1419-), l'imprimerie (1473-) tiers" ou réveille-matin parcourent les rues, la et le commerce de la soie (1536-). Intellectuels nuit du dimanche au lundi, aux cris de et artistes habitent la ville : S. Champier, "Réveillez-vous gens qui dormez ! Priez pour L. Labé, P. Sala, M. Scève, J. Perréal ou y les trépassés"774. En 1381 apparaît la première séjournent : Bonaventure des Perriers, Ben- horloge lyonnaise, sur une tour (?) du pont de venuto Cellini, E. Dolet, Erasme, Ph. de Saône, conçue par Jean de Clairvaux14. l'Orme, Rabelais, S. Serlio. Tandis que l'art On travaille cinq jours sur sept, les Fêtes gothique lance ses dernières flammes, l'archi- et les Foires ponctuent l'année. "Lyon, avant tecture domestique s'épanouit, les décors éphé- l'établissement des foires et le passage ouvert mères resplendissent. en Italie n'était qu'une pauvre et petite ville ; mais depuis, un grand nombre d'artisans et Situation paradoxale, l'économie fait de gens de métiers s'y rendent pour tenir boutique Lyon une place internationale ouverte, la et y besogner. La ville s'est accrue non seule- politique royale une place stratégique fermée, ment de moitié, mais des quatre cinquièmes, la mentalité une grosse bourgade. Il y a conflit tant en nombre de gens de métiers que par les entre l'urbanisme médiéval - rues étroites, maisons qu'on y a élevées et qu'on y élève places rares - et le besoin nouveau d'espace, de journellement" (AML BB). rues pratiques, de places nombreuses pour les transactions commerciales. En dépit des calamités, la ville atteint Pour alimenter la ville en grain, on achète 70 000 habitants (?) vers 1560. Paris en où l'on peut. Abondance et disette se succè- compte 250 000 à 400 000 mais Bordeaux et dent, engendrent la spéculation, conduisant la Marseille de 20 à 40 000 (?). Les deux tiers municipalité à créer des réserves publiques sont nés hors de la ville et les foires attirent (1549). Le principal marché aux bestiaux est chaque fois 5 à 6 000 visiteurs. Leur natio- transféré en 1490 de la rue Juiverie à la place nalité reflète leur classe sociale. Au sommet de de la Croix de Colle où il reste jusqu'en 1595. la hiérarchie, une oligarchie de marchands- Le marché aux porcs se tient rue de la banquiers de taille internationale, italiens et Porcherie jusqu'en 1513 puis il est installé allemands. La plupart conservent leur natio- dans les fossés de la Lanterne jusqu'en 1577. nalité, certains s'installent, font bâtir leur On ne peut théoriquement abattre les animaux maison en ville, achètent des propriétés à la qu'en deux endroits appelés boucheries ou tue- campagne. Viennent ensuite les marchands de ries : celle de Saint-Paul et celle de Saint- moindre envergure, les artisans, la commu- Nizier. nauté juive que le Consulat estime trop nom- Toutes deux sont situées dans des quartiers breuse en 1548, et le menu peuple qui ne qui se peuplent. En 1512, le roi décide de les possède rien, la majorité. transférer "loin des bonnes rues".. Le choix du Le gouvernement de la cité passe aux Consulat se porte sur la place de Bourg Neuf y 1351 - 1562

qu'il projette alors d'ouvrir et sur les fossés de URBANISME la Lanterne devenus inutiles. L'emplacement \ Boulevard de 38 Estaing (F. d') du tir à l'arc, entre les portes de la Lanterne et l'ouest 39 Gadagne (H. de) de Chenevier est nivelé et, en 1539, sur les 1 porte des lions 40 Gouvernement B Boulevard (H. du)I fondations de l'ancienne enceinte, est cons- St-Sébastien : truite la nouvelle boucherie de la Lanterne qui (sens des ai- guilles d'une 43 Tomassin entre en service en 1541550. Le transfert de la montre) 45 palais archi- boucherie Saint-Paul n'est pas effectué. En 2 porte d'Halincourt épiscopal 3 fort St-Jean 1507, un "chasse-marée" s'installe à Lyon et y 4 boulevard St-Jean DECOR amène chaque semaine un convoi de poisson 5 boulevard Notre de mer774. Dame fontaines 6 boulevard de la 46 Chana (de la) Ces transformations traduisent une com- Grenouille 47 Cloître St-Jean (StVincent) 48 Hôpital St- préhension globale des besoins de la cité. Elles 7 boulevard Laurent (de 1') ont pour cause la crainte des épidémies, la St-André croissance de la ville et l'idée avouée d'embellir 8 porte St-Sébastien 49 Monument du 9 boulevard pont du Rhône le centre. Pour la première fois à Lyon, le St-Sébastien (petit coeur de la cité est en voie de devenir résiden- boulevard puits d'Orléans) 50 Confort (place) tiel ; les activités polluantes sont repoussées à 10 bastion de la 51 Croix de Colle la périphérie où elles disposent d'emplace- Fontaine (place) 11 bastion St-Clair ments plus vastes. 12 chaînes Ainay (d') 13 chaînes Alincourt Le vin, dont il est consommé un mini- (d1) mum de 150 000 hl par an, provient de la cul- places ture locale de la vigne. A cette époque naît une 14 Change (du) "politique de l'eau". De nombreuses maisons 15 Cordeliers (des) 16 Roanne (de) ont leur puits. Le Consulat se donne pour 17 St-Eloi tâche de compléter l'alimentation privée. En 18 rue J UÍverie plus des sources utilisées dès le haut Moyen Age comme celles de Choulans, de Saint- Epipoy et de la Chana, le Consulat obtient des ARCHITECTURE concessions d'eau des communautés religieu- 19 boucherie des ses: en 1396, le Monastère de la Déserte aban- Terreaux donne l'excédent de ses sources pour créer les églises! chapelles fontaines de Saint-Marcel, Sainte-Catherine et 27 Bourbon (des, à des Gardes. En 1504-06, le Consulat acquiert St-Jean) 21 Célestins une partie des eaux des sources de Choulans 22 Cordeliers (Observance) pour alimenter l'Hôpital Saint-Laurent-des- 24 Jean de Leirat Vignes et en profite pour dériver ces eaux vers (St-Paul) trois nouvelles fontaines : à la Blancherie, à la 25 St-Bonaventure 26 St-Georges maison Athanase et au jardin de la Fleur de 27 St-Jean 28 St-Michel Lys. En 1530, la fontaine de la Chana, alors 29 St-Nizier située sur le chemin de Montagnieu (chemin escaliers de Montauban), est déplacée et installée près de 30 rue du Boeuf n°20 l'entrée de l'hôpital du même nom. Avec la 31 rue Lainerie n'l 0 fontaine créée à la porte de Pierre-Scize (av. hôpitaux 1498), la serve du château et la fontaine du 32 Chana (de la) 33 St-Laurent des cloître Saint-Jean, il y a une quinzaine de fon- Vignes taines publiques dont deux seulement, celle de (Quarantaine) l'Hôpital Saint-Laurent et celle de Saint-Jean, 34 jeu de paume sont traitées de manière décorative. Douze sont d'Ainay sur la rive droite de la Saône, trois sur la rive hôtels particuliers/ gauche37. maisons 36 Bullioud (Galerie) La politique de défense de la ville se mani- feste dans l'organisation des hommes, l'arme- 12 Le cloître St-Just vers 1548 ment et la construction d'enceintes. En plus rue des Farges. On observe les premières mu- des gens de métier, les habitants de 18 à 60 tations de rues et de quartiers. L'exemple de la ans, organisés par quartiers, constituent la rue Juiverie est caractéristique. D'abord rue milice. Elle comprend sept bannières divisées pauvre, "large, mal peuplée de juifs et pauvres en pennons sous les ordres d'un pennonier, gens", elle se transforme avec l'afflux de mar- subdivisées en groupes de dix hommes com- chands et banquiers italiens ; "habitée par plu- mandés par un dizenier ; le guet (gens du sieurs et honorables personnes qui avaient fait commun, aux remparts), l'escharguet (gens de édifier plusieurs grandes et belles maisons métier, aux portes), le rière-guet (grands de la elle devient "l'une des plus belles de la ville" ville, à cheval), se répartissent les fonctions. (AML, BB). En 1431, Charles VII organise la milice bour- Les places publiques manquent. Les seuls geoise en deux compagnies : Archers et Arba- espaces susceptibles d'être transformés sont les létriers, toutes deux dissoutes en 1591, rendues parvis des églises et les cimetières. La prise de inutiles par l'apparition, en 1498, de la Com- possession de ces enclos se fait peu à peu en pagnie des Couleuvriniers-Arquebusiers, les vertu du droit d'usage ou de locations à bail. armes de trait étant peu à peu abandonnées au En 1538, François 1er autorise le Consulat à profit des armes à feu. En 1561, la garde de la démolir le clos d'un petit jardin au-devant du ville est confiée à deux cents arquebusiers que palais de Roanne, pour créer la place du même commande un capitaine nommé par le Con- nom. En 1557, le chapitre de Saint-Bonaven- sulat550. ture laisse "la grande place au devant et autour La ville construit ses enceintes au rythme de l'église du couvent ouverte et publique", des alarmes : toute victoire voit cesser les promettant de démolir le mur qui la clôt. Entre travaux car ces murs coûtent des sommes 1428 et 1476, le change s'installe place de la énormes réunies au moyen d'impôts supplé- Friperie (place du Petit-Change) puis réintègre mentaires - le clergé s'ingéniant à ne rien payer la place du Change dallée, dont une maison, à sous le prétexte qu'il n'est pas concerné, - l'angle de la rue des Flandres, abrite en 1547 toute menace voit l'activité reprendre. Les les transactions des changeurs550. La place de remparts du XIIIème siècle sont en ruines et Bourgneuf (place de l'Homme de la Roche), est les "fossés" de la Lanterne progressivement ouverte à l'emplacement d'une porte, d'une tour démantelés. En 1562, la démoliton des vieil- et de quatre maisons que la municipalité décide les portes est achevée, à l'exception de la porte de démolir en 1561. La place Saint-Eloi, dont de la Roche (t 1570) et de la porte Confort le port est aménagé en 1483, s'élargit à la (t 1576). suite de la démolition de l'hôpital "bas, obscur, humide, malsain et impropre à rece- voir les pauvres du Christ", tandis que dis- Les nommées de 1490 et de 1528 montrent paraît l'hôpital des Femmes installé dans les l'extension du domaine bâti. Les pentes des locaux de la Commanderie Saint-Antoine, collines et le sud de la presqu'île deviennent absorbée en 1493 par l'hôpital du Pont du les seules zones libres. En 1560, le tènement Rhône, et dont les terrains sont vendus en du Plat est loti, mais peu de maisons sont lotissement en 1516. édifiées. L'habitat se densifie au détriment des jardins. Les charrières deviennent des rues bor- dées de maisons accolées pour lesquelles la surface au sol est désormais comptée. H. La Municipalité Protestante Les quartiers s'individualisent en fonction 1er mai 1562 - 15 juin 1563 des catégories sociales : Saint-Georges, Bourg- Neuf sont des quartiers "pauvres" ; le Change, 1551 marque à Lyon le début de la Saint-Nizier, des quartiers "riches" ; ils ont la persécution des protestants qui ont un temple préférence des marchands qui s'installent près provisoire dans une maison des Cordeliers puis du centre d'affaires et de décision. La voirie de la Guillotière. Entre juin 1561 et avril tend à se fixer tandis qu'augmente la surface 1562, grandit l'hostilité entre les deux con- pavée : la rue de Bourg-Neuf à Pierre-Scize est fessions. Les réformés se rendent maîtres de la pavée en 1389 pour l'entrée du roi, puis en ville dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1562. 1501, la rue qui relie le cloître Saint-Jean à la Douze protestants sont adjoints aux douze VI 1562

conseillers catholiques pour former une muni- URBANISME cipalité bicéphale qui se réunit la première fois 1 bac le 7 mai. Ce consulat, renouvelé de décembre 2 cimetière protes- 1562 à décembre 1563, décide le 9 juin 1563 tant place des Terreaux d'accepter l'édit de pacification d'Amboise du 19 mars, de rendre au clergé ses biens non dé- places 3 Bellecour truits, d'instaurer la liberté du culte réformé et 4 Confort de remettre la cité aux mains d'un gouverneur (Jacobins) 5 Léviste envoyé par le roi. 6 Port du Roi (du) Une municipalité à participation protes- rues tante est élue en 1564. La collaboration conti- 7 Barre (de la) nue jusqu'en 1567 où se rallument les guerres 8 Bellecordière (de la République) de religions qui culminent avec les massacres 9 Bellecour de la Saint-Barthélemy (Paris : 24 août ; 10 Chemin-Neuf 11 Cleimont (de) Lyon : 31 août 1572). 12 Fronde (de la) Ces douze mois d'édilité protestante ont 13 Saint-Dominique (E. Zola) une importance considérable par leur action destructrice et novatrice. RCHITECTURE Comme à Genève en 1535, les réformés temples protestants tentent d'extirper le catholicisme par l'expul- 14 Fleur de Lys (de la) sion contre rançon et la confiscation des biens 15 Paradis (de) de l'Eglise. Le vandalisme iconoclaste, le 16 Terreaux (des) pillage, le vol, l'utilisation à d'autres fins des 17 triperie de la lieux de culte, la destruction d'édifices et de 13 Démolitions à Si-Jean en 1562 Lanterne monuments marquent l'aspect négatif de l'action des protestants. Mais certaines démolitions étaient déjà en- Grenette ; plus efficaces, les protestants envi- visagées par les édiles catholiques. Briser les sagent de bâtir à neuf. Maîtres de la ville, ils murailles de Saint-Jean c'est permettre la libre en profitent pour ouvrir les temples que les communication entre la rue Bellecour et la catholiques leur refusaient. montée du Chemin-Neuf nouvellement ou- verte. Démanteler le Cloître Saint-Just, c'est "Dans l'intérieur de la ville, l'infanterie, la supprimer un talon d'Achille dans les forti- cavalerie, les canons ne pouvaient traverser du fications de l'ouest128. Dès 1525, il est ques- pont de Saône à celui du Rhône, se porter des tion de tout raser et les chanoines, sans il- remparts de l'ouest à ceux de l'est et du sud lusions, acquièrent en 1553 le terrain néces- qu'en suivant les rues Mercière, Confort, saire à la construction d'un nouveau couvent Bourchanin, si étroites, qu'après avoir opéré avec son église, près de la Croix de Colle pendant des siècles les roulements les plus (place des Minimes). Le 23 mai, plus de douze urgents, il restait encore en 1824, des endroits cents paysans commencent la démolition. où la largeur n'était que de 3,90 m. Aucune Prise de guerre, la grosse cloche est transférée place n'était assez grande pour servir aux ma- à Saint-Nizier pour servir au tocsin. noeuvres, revues et ralliements de pennonages, La Municipalité a le souci d'assurer la car la place des Terreaux n'était qu'un fossé ; subsistance de la ville. On répare les puits et celles de Saint-Nizier et d'Albon étaient rem- les fontaines, on démolit les échoppes infectes plies de maisons, celles de Saint-Pierre, et de des bouchers de la rue Saint-Paul, et la bou- la Fromagerie, des Cordeliers, des Jacobins cherie de la Lanterne ; Jehan Bleternas cons- étaient des cimetières fermés de murs ; les truit une triperie neuve sur les fossés du même quais n'existaient pas. On ne savait où parquer nom, toutes actions guidées par la recherche l'artillerie qu'on entreposait tantôt le long de d'une hygiène meilleure. l'église Saint-Nizier, tantôt dans la cour du Le Consulat souhaite avoir un véritable couvent des Carmes, en dernier lieu dans le Hôtel de Ville et projette en 1560 de transfor- cimetière des Jacobins ... La défense de la ville mer la maison de Claude de Bourges, rue d'abord, ensuite son embellissement et la commodité des habitants exigeaient donc de que toutes les maisons, despuis les Cordeliers nouvelles voies stratégiques et la formation jusques au pont du Rosne, seroient abattues la d'une place d'armes"78. largeur d'une longueur de picque et mesme au Il est nécessaire de doubler l'axe de traver- grand hautel-Dieu pour faire place pour pou- sée de la ville que constituent le pont du voir faire chemin à deux charestes de front et à Rhône, les rues Bourchanin, Confort, Mercière gens à pied, que fust une grande ruyne et et le pont de Saône, produit étroit et tortueux destruction et dommaige pour les pauvres de l'histoire, par un second plus aisé, produit particuliers" 130. de la raison : pont du Rhône, rue de la Barre, rue Bellecour, port du roi, bac sur la Saône, Au milieu du XVIème siècle, la ville port des Estres, rue de la Bombarde, Chemin- compte quatorze places principales. Pour les Neuf. C'est la première expression de l'axe évolutions militaires, elle se contentait jus- moderne : autoroute A6/Centre d'Echange de qu'alors de trois prés privés à Ainay, Bellecour /tunnel sous Fourvière. et la Guillotière. Le Consulat avait un mo- A cet axe s'ajoutent des voies secondaires ment songé à "agrandir le carré des Changes" nord-sud. Une ruelle en cul-de-sac, la rue Rey- pour ouvrir une place d'Armes (AML, AA nier, prolongée, devient la rue Bellecordière 106), mais le Baron des Adrets la créa à (décision du 24 décembre 1562) et s'élargit en Bellecour150. place (Place Léviste). Large de 24 pieds de La création de places ne revient pas tout ville (8,20 m), la rue Saint-Dominique (rue entière aux protestants qui souvent achèvent Emile Zola) est ouverte d'office au travers de un processus entamé. En vertu des lettres l'enclos des Jacobins. L'ouverture de la rue royales d'Henri II, de Charles IX et d'Henri III, Clermont dans l'enclos de l'abbaye Saint- invitant les villes à ériger en places publiques Pierre, à l'autre extrémité de la ville, s'explique les terrains situés devant l'entrée des couvents par le besoin d'un nouvel axe nord-sud (pro- et des églises, le Consulat avait commencé de longement de la rue Malconseil) pour faire laïciser ces espaces mixtes. Ainsi naît la place communiquer le quartier Saint-Nizier avec les des Jacobins, alors appelée place Confort, nouveaux remparts de la Côte Saint-Sébastien espace triangulaire au-devant de l'église, affer- par la montée du même nom, en passant au mé en 1514, exproprié en 1556. travers des anciens fossés de la Lanterne, com- Lyon a les yeux et la bourse tournés vers blés en partie à cet endroit qui va devenir la l'Italie. Comment ignorer le parti nouveau, à place des Terreaux. A ces rues principales, l'antique, qu'appliquent à l'aménagement des s'ajoutent l'ouverture des rues Gadagne, de la villes, Michel-Ange à Rome, Rossellino à Fronde, l'élargissement de passages étroits Florence, Sansovino à Venise ? Mais la cité dans des rues fréquentées comme la rue du n'est pas encore au stade de la place monu- Plâtre, et la réfection du chemin entre la porte mentale ; la mentalité architecturale est encore Saint-Georges et l'Hôpital Saint-Laurent. médiévale et Lyon reste, visuellement, une "Aussi, fust ordonné par le nouveau conseil ville gothique.