Le Soir d’Algérie Contribution Mardi 8 avril 2008 - PAGE 9 LÕŽlection prŽsidentielle : les prŽtendants

Par Rachid Tlemçani pense que cette ouverture est présidentielles. déclaré en 1995 : «Je ne serai mentale entre «un bazar isla- un jeu à somme nulle ou une Les résultats officiels des jamais candidat contre le candi- miste» et «un bazar arc en ciel». L’alternance politique n’a partie de poker (ce qui est dernières élections municipales dat de l’armée». Au regard des L’Algérie risquerait de s’enfon- jamais été aussi problématique gagné par l’un est perdu par et de wilaya peuvent nous per- résultats de la précédente élec- cer davantage dans le gouffre que depuis la première hospita- l’autre, et réciproquement). mettre d’envisager trois grands tion présidentielle, cette analyse des incertitudes. Le scénario lisation du président de la Cette «rationalisation» du scénarii pour les prochaines doit être cependant davantage «catastrophe» soutenu par le République. Depuis cette date, champ politique repose souvent présidentielles. Dans le premier affinée, l’armée post-terrorisme lobby islamo-pétrolier risque les chancelleries occidentales sur des analyses superficielles cas de figure, le futur président n’étant plus une institution d’être mis en branle si d’autres n’ont pas cessé d’élaborer des et déconnectées de la réalité. de la République est issu de la monolithique. conditions sont réunies. scénarii pour tenter d’appréhen- coalition présidentielle qui est Citons parmi ces préten- Autre cas de figure, le prési- der la manière dont pourrait se Candidats composée du FLN, représentant dants, qui, dent de la République refuserait dénouer le puzzle algérien. La ˆ la candidature 12%, du RND, 9,8%, et de s’il est soutenu par le FFS et de briguer un troisième mandat mise en branle du mouvement HMS, 4,3%, soit un total de 26% d’autres groupes, pourra créer Il consacrerait, par exemple, le en faveur d’un troisième mandat prŽsidentielle des inscrits. Le président de la la surprise ; ceci en dépit du fait reste de sa vie à écrire ses (la oûhda thalitha) pour le prési- A la veille de l’annonce du République issu de cette coali- qu’il a obtenu seulement 3% mémoires à l’instar des grands dent a président de la République de tion gouvernera sans légitimité des suffrages exprimés en hommes de notre temps. Quelle sans doute rendu plus illisible la sa décision de briguer un troi- populaire. 1999. On reproche à l’enfant crédibilité faudrait-il alors accor- situation et donc plus aléatoire sième mandat, une dizaine de Comme deuxième scénario, terrible du système, selon une der à cette classe politique qui toute projection scientifique- personnalités politiques sont le président de la République forte opinion médiatique, d’avoir n’avait aucun scrupule à aller ment recevable. pressenties comme des candi- est issu d’un autre rassemble- fait une alliance avec l’islamis- jusqu’ à retoucher la loi fonda- Initié par le FLN, lors de la dats à la candidature présiden- ment hétéroclite regroupant les me politique. Mais une autre mentale du pays. campagne électorale de tielle. Pour brouiller davantage partis dits d’opposition RCD- lecture conclurait qu’on n’avait La lutte anti-terroriste a tra- novembre 2007, ce mouvement les cartes, d’autres noms de FNA-PT-FFS, représentant un pas beaucoup apprécié non pas versé en effet toutes les institu- a pris rapidement de l’ampleur probables successeurs seront total de 10,50 % des inscrits. son ouverture politique tous azi- tions du pays, y compris l’institu- en parvenant à mobiliser rapide- balancés lors de l’ouverture du Les luttes intestines au sein de muts mais le retrait de la «fiche tion militaire. La participation à ment une certaine fraction de la dépôt de candidature. Ces pré- cette coalition seront telles bleue» du dossier de tout candi- cette lutte est appréciée diver- société civile. Notons que la tendants sont aujourd’hui : qu’elle ne pourra pas gouverner dat à un poste supérieur de sement dans les départements télévision algérienne et les , Ahmed correctement le pays. Un tel l’Etat. Ce sésame ouvrant les des forces sécuritaires. La légiti- autres médias publics n’ont pas Ouyahia, Boudjera Soltani, scénario serait impensable tant portes de la caverne d’Ali Baba mité historique, éclatée en répri- tardé à rejoindre ce mouvement, Moussa Touati, Louisa que le politique n’est pas institu- fut immédiatement rétabli par mant «le chahut de gamins» en le tapage médiatique auquel ils Hanoune, Saïd Sadi, Mouloud tionnalisé. son successeur. Un consensus 1988, est redevenue aujourd’hui se sont adonnés étant présenté Hamrouche, Mokdad Sifi, Sid- Comme troisième scénario, au sein du pouvoir est donc un opérante. Cette lutte a permis à comme «un signe de maturité Ahmed Ghozali, Ahmed on assistera à un rassemble- préalable pour la réalisation de la deuxième génération, qui a politique». Le président de la Benbitour, et Chérif ment islamiste regroupant, le ce scénario. payé un prix fort, de conquérir République, qui vient de termi- Rahmani. Ces candidats ont un HMS, Nahda et Islah. Les inten- Il ne reste donc que les can- de facto une autre forme de légi- ner sa convalescence, considè- point en commun : ils ne sont tions de vote islamiste varient didats qui sont soutenus par un timité. Au nom de cette source re que toutes ces moubayaate pas de simples «outsiders». Ils entre 15 et 20% en dépit du parti politique relativement puis- de pouvoir, les décideurs pour- sont en réalité une «manifesta- ont occupé de hautes respon- regain de religiosité. Les luttes sant. Il s’agit notamment de raient, comme par le passé, tion de l’intérêt que notre popu- sabilités, entre autres celles de byzantines précipiteront la fitna Moussa Touati, Louisa coopter «l’homme providence» lation et la classe politique chefs de gouvernement, de en essayant d’instrumentaliser Hanoune, Saïd Sadi, Boudjerra de l’après-Bouteflika. Dans ce apportent à la vie politique et au ministres ou de députés. Ils ont, «l’Islam refuge». Un Etat isla- Soltani, Abdelaziz Belkhadem et cas de figure, ils pourraient tout devenir de notre pays». de ce fait, une certaine respon- miste est imprévisible et par . Parmi ces can- simplement introniser un candi- Ainsi, l’année 2008 continue- sabilité historique dans la crise conséquent difficilement maîtri- didats, seul Saïd Sadi s’oppose dat qui n’est pas connu de l’opi- ra d’être une année d’immobilis- actuelle, surtout pour ceux qui sable. Le conflit interne devien- ouvertement à la révision consti- nion publique, comme ce fut le me économique et d’incerti- ont géré le pays durant des drait cette fois-ci un conflit inter- tutionnelle, et par voie de cas en 1979 et en 1995. Les tudes politiques. Peu de place décennies entières. nationalisé d’une grande conséquence à la candidature réunions successives des prin- est laissée à la critique Au regard des précédentes ampleur. du président Bouteflika. La rup- cipaux généraux ainsi que des constructive sur la situation élections, aucun de ces candi- ture pourrait donc venir de Saïd chefs des régions militaires, nationale. Aucun débat contra- dats n’a été conséquent avec ScŽnarii et politique Sadi qui a comptabilisé, par avaient pour objectif, semble-t- dictoire sur la gestion du pays lui-même en faisant un bilan politicienne ailleurs, une grande expérience il, de sceller un nouveau n’a été initié par aucun groupe exhaustif de sa participation à la électorale. consensus sur cette question politique. La sphère publique se D’autres scénarii pourraient gestion du pays. Ils ne sont pas Si ces prétendants sont vrai- qui est devenue aujourd’hui privatise au fil de la crise alors être envisagés en cas d’élec- des candidats de rupture. Il ne ment pour un troisième mandat, beaucoup plus complexe que les affaires prospèrent dans tions libres et transparentes, au faut donc pas s’attendre à un ils seront complètement laminés qu’hier. Mais même ce scénario- l’import-import et la tchipa changement radical du régime sens occidental de ces termes. par le «rouleau compresseur» statu quo aggraverait, comme devient le leitmotiv dans le dis- de la part de ceux auxquels Dans cette perspective, les can- qui est déjà mis en place. les autres, la précarité des équi- cours social. s’applique particulièrement l’ar- didats qui ne seront pas soute- L’enjeu fondamental de ce tohu- libres au sein du pouvoir. ticle 157 aliéna 12 de la loi élec- nus par un puissant parti poli- bohuo ne peut être au fait que la Toutefois, un courant au sein torale qui stipule que le candidat tique n’ont pas vraiment de Rationalisation du champ révision constitutionnelle qui de la nouvelle garde, formée né avant le 1er juillet 1942 doit chance de passer l’épreuve d’un politique instituera, entre autres, le poste dans les grandes écoles occi- fournir une attestation de sa véritable parcours du combat- de vice-président de la dentales, n’apprécie pas beau- A chaque échéance électora- participation à la Révolution tant. On peut relever donc les République. Le futur vice-prési- coup, semble-t-il, le redéploie- le qui est supposée mettre en algérienne. Contrairement au noms de Mokdad Sifi, Ahmed dent prendra en charge, selon ment sécuritaire, horizontale- mouvement une dynamique passé, la libération nationale Benbitour, Sidi-Ahmed Ghozali, toute vraisemblance, l’après- ment et verticalement, en cours. pour l’alternance politique, le n’est plus au bout du fusil mais Chérif Rahmani et Mouloud Bouteflika. Il semble que le pré- Cette démarche est surdétermi- pays vit à l’heure de calculs poli- sur le clavier de l’ordinateur. Hamrouche. A titre d’exemple, ticiens qui n’honorent guère des lors de l’élection présidentielle sident de la République n’est née par rapport à l’approche politique. Pour éviter ce dernier acteurs politiques prétendant Elections locales de 1999, Mokdad Sifi a rempor- pas d’accord pour un tel scéna- avoir une envergure nationale té 2, 24% des suffrages expri- rio s’il ne coopte pas lui-même scénario ou les autres, ce grou- ou internationale. Selon le dis- et scŽnarii més alors que Ali Benflis n’a pas son successeur. pe considère que la profession- cours officiel, l’opposition parti- Les élections locales – qui dépassé les 6, 42%, en 2004. Abdelaziz Belkhadem ou nalisation des forces sécuri- sane est dans l’incapacité de constituent une référence pour Parmi ces prétendants, cer- Ahmed Ouyahia sont en effet taires, l’ouverture démocratique proposer une alternative cré- l’élection présidentielle – furent, tains auront même de sérieuses pressentis pour occuper ce nou- et la liberté de presse sont les dible au pouvoir. Pour ce dernier pour celles de novembre 2007, difficultés à collecter le nombre veau poste. L’un comme l’autre véritables nouveaux défis pour aussi, tout se passe comme si la particulièrement singulières. En de signatures nécessaires pour ne seront pas en mesure les pays émergents. majorité silencieuse des effet, c’est la première fois faire valider leur dossier. Ces d’amorcer la rupture politique La démocratisation ne peut Algériens est favorable au statu depuis l’avènement du pluralis- candidats sont ceux qui prônent tant attendue par les Algériens. être l’œuvre de «l’homme-provi- quo alors que le pays est en état me que les partis politiques la tenue d’élections propres et Chacun d’eux renforcera d’une dence» qui agit par oukase. d’insurrection larvée. n’ont pas appelé au boycott des par conséquent une rupture certaine manière la tendance C’est une construction longue et Sans grande surprise, le taux élections. Les élites politiques radicale. lourde du système. Le niveau complexe. de participation réel s’est avéré se sont cette fois-ci mobilisées Chose étrange cependant, à de vie continuera à chuter en très faible lors des élections pré- pour que la participation électo- les entendre parler, chacun dépit de l’augmentation des Rachid Tlemçani cédentes et est en deçà de tout rale soit élevée. Une raison à d’entre eux proclame, haut et revenus pétroliers. Le nombre Professeur, Relations interna- pronostic. Cette sanction popu- cela : un ancrage local pourrait fort, qu’il sera «le futur candidat de harraga ne cessera d’aug- tionales & sécurité laire ne contraint pas pour être utilisé comme un faire- des décideurs». Chaque candi- menter dans un pays riche. Responsable, groupe de autant le pouvoir à ouvrir démo- valoir auprès des décideurs dat garde à l’esprit ce que Pour l’ensemble des Algériens, recherche, Elections et cratiquement le jeu politique. On pour les prochaines élections Mouloud Hamrouche avait il n’y a pas de différence fonda- Démocratie en Algérie