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LA VOCATION DE L’ARBRE D’OR est de partager ses admirations avec les lecteurs, son admiration pour les grands textes nourrissants du passé et celle aussi pour l’œuvre de contem- porains majeurs qui seront probablement davantage appréciés demain qu’aujourd’hui. Trop d’ouvrages essentiels à la culture de l’âme ou de l’identité de chacun sont aujourd’hui indisponibles dans un marché du livre transformé en industrie lourde. Et quand par chance ils sont disponibles, c’est financiè- rement que trop souvent ils deviennent inaccessibles. La belle littérature, les outils de développement personnel, d’identité et de progrès, on les trouvera donc au catalogue de l’Arbre d’Or à des prix résolument bas pour la qualité offerte. LES DROITS DES AUTEURS Cet e-book est sous la protection de la loi fédérale suisse sur le droit d’auteur et les droits voisins (art. 2, al. 2 tit. a, LDA). Il est également pro- tégé par les traités internationaux sur la propriété industrielle. 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LES MABINOGION DU Livre Rouge de HERGEST avec les variantes du Livre Blanc de RHYDDERCH Traduits du gallois avec une introduction, un commentaire explicatif et des notes critiques par Joseph LOTH professeur au collège de france © Arbre d’Or, Genève, avril 2001 http://www.arbredor.com Tous droits réservés pour tous pays À la mémoire de Gaston Paris J. Loth PRÉFACE Cet ouvrage n’est pas une simple réédition de l’ouvrage paru en 1889, sous le titre de : Les Mabinogion traduits en entier en français pour la première fois avec un commentaire explicatif et des notes critiques. La publication de nouveaux textes des mêmes romans conser vés dans des manuscrits dont quelques-uns sont plus anciens que le Livre Rouge, publiés par M. Gwenogvryn Evans sous le titre de The White Book Mabinogion (Les Mabinogion du Livre Blanc) rendait nécessaire une révision sérieuse du texte de l’unique ma nuscrit qui avait servi de base à mon œuvre. J’ai conservé néan moins le Livre Rouge comme base de cette nouvelle traduction, d’abord parce qu’il est complet ; en second lieu, parce que les nouveaux textes remontent ou à la même source avec des traits souvent plus fidèles de l’archétype, ou à des sources voisines. Ils sont particulièrement intéressants au point de vue orthographi que et linguistique. Je les ai étudiés avec soin et tout en profitant de leçons parfois meilleures que celles du Livre Rouge, j’ai constaté, non sans satisfaction, que ces textes confirmaient sur bon nombre de points mes hypothèses. C’est un nouveau et sé rieux titre que s’est acquis M. Gwenogvryn Evans à la reconnaissance des celtistes, ce volume est le septième de la série des Old-welsh Texts qu’il a publiés seul ou en collaboration avec sir John Rhys, le professeur de celtique bien connu d’Oxford. On trouvera plus loin tous les détails nécessaires sur ces textes. Quoique ma traduction ait été estimée consciencieuse et exac te par des juges compétents, elle présentait certaines défectuosi tés, quelques lacunes même sans grande importance, il est vrai, que j’ai été heureux de faire disparaître par une révision sévère. La comparaison d’Owen et Lunet, de Peredur, de Gereint et Enid avec les romans correspondants de Chrétien de Troyes, ne m’a pas été non plus inutile, même au point de vue du sens. Les notes critiques ont été corrigées et notablement augmen tées ; il en est de même des notes explicatives, pour lesquelles j’ai profité des nombreux travaux pa- rus en si grande abondance, depuis quelques années, sur la matière de Bretagne. Dans ce nouveau travail, j’ai suivi les mêmes principes que dans le premier. Je 5 PRÉFACE me suis appliqué à éclairer les Mabinogion, autant que possible, par eux-mêmes, chaque expression ou terme obscur ou douteux, par les passages correspondants, soit des Mabinogion, soit des textes en prose et même en vers de la même époque. Des notes critiques, que l’on trouvera se référant à la page et à la ligne du texte gallois, et à la page corres pondante de la traduction, indiquent les corrections au texte, ou mes hésitations, avec les différences qui me séparent de la tra duction de Lady Charlotte Guest. Pour la traduction, j’ai voulu la rendre aussi lisible que possible, sans rien sacrifier de l’exactitu de que l’on est en droit de demander avant tout à un traducteur. En fait de traduction, littéral n’est pas synonyme d’exact. Tra duire, par exemple, myned a orug par aller il fit,serait aussi peu exact que de décomposer donnerai en ai à donner. Ce qu’on a appelé la naïveté ou la simplicité des conteurs gallois ne m’a guère préoccupé non plus. Outre que n’est pas naïf qui veut, ce serait prêter aux auteurs ou arrangeurs de ces récits une qualité à laquelle ils n’avaient aucun droit ni, vraisemblablement, aucune pré- tention. Les romans gallois ont été sans doute mis par écrit par les bardes dont la poésie témoigne de la culture la plus savante et la plus raffinée. Poétique, colorée, remarquablement imagée dans l’expression, la langue des Mabinogion est d’une trame plus lâche, d’un style moins nerveux, et moins rigoureux dans l’expression que la langue des Lois1 rédigée au Xe siècle, mais conservée dans des manuscrits du XIIe et du XIIe siècle ; l’enchaînement des propositions est moins varié et moins sa vant ; la période par juxtaposition y est fréquente. Cela tient pour une part, à ce que la prose était moins cultivée que la poésie, et à ce que la transmis- sion des traditions légendaires, mythico-héroïques, se faisait surtout oralement : on a l’impres sion que l’auteur raconte lui-même ou écrit sous la dictée. Alfred Nutt a publié, en 1902, une réimpression pure et sim ple de la traduc- tion de Lady Charlotte Guest, en l’allégeant des notes et du commentaire ; il l’a fait suivre, en revanche, de no tes substantielles qui sont comme le résumé de ses travaux et de ses vues sur les romans gallois et la matière de Bretagne2. La traduc- tion reste donc avec ses qualités, dont la principale est un talent littéraire tel que Alfred Nutt n’hésite pas à la considérer comme un des chefs-d’œuvre de la prose narrative anglaise, mais aussi avec ses défauts. 1 Au point de vue intellectuel, les Lois sont le plus grand titre de gloire des Gallois. L’émi- nent jurisconsulte allemand, Ferd. Walter constate qu’à ce point de vue les Gallois ont laissé bien loin derrière eux les autres peuples du moyen âge (Das alte Wales, p. 354). Elles prouvent chez eux une singulière précision, une grande subtilité d’esprit, et une singulière aptitude à la spécula tion philosophique. 2 The Mabinogion, mediæval welsh romances, translated by Lady Charlotte Guest, with notes by Alfred Nutt and published by David Nutt. London, 1902, 1-vol, in-12. 6 PRÉFACE Lady Charlotte Guest ne savait guère le gallois ; elle a tra vaillé sur une ver- sion littérale d’un savant gallois et, à force de pénétration, de conscience et de talent, réussi à en faire une tra duction d’un grand charme et qui ne dénature pas l’original dans l’ensemble. Les erreurs de sens cependant ne sont pas rares ; l’ex- pression est assez souvent flottante et le même mot traduit différemment suivant le contexte. Là où les dictionnaires hésitent ou se taisent ou se trompent, le tra- ducteur n’est pas toujours bien inspiré. Il eût fallu sur le tout un travail critique prépara toire qui a manqué. La copie même du Livre Rouge dont Lady Charlotte Guest disposait était défectueuse ; il n’est que juste de reconnaître que sa traduc- tion la corrige en maint endroit. Le commentaire qui l’accompagne est copieux et utile. Outre un certain nombre d’erreurs et d’inexactitudes, sa traduction pré- sente des inexactitudes et des lacunes volontaires. Elle a suppri mé les passages qui lui paraissaient scabreux ou choquants, et singulièrement altéré des crudités de langage et des brutalités de mœurs qui sont cependant loin d’être sans intérêt et sont au contraire importantes pour l’histoire et la critique. Ces scrupules sont excusables, quand on sait que Lady Charlotte Guest considé rait les Mabinogion comme destinés à l’amusement et à l’édifi cation de la jeunesse, en particulier de ses deux enfants auxquels sa traduction est dédiée. Si on ajoute qu’elle a trop visé à donner à ces récits un air de naïveté, on comprendra que leur caractère ait dû en être, dans une certaine mesure, sérieusement altéré. Néanmoins, on peut dire que c’est une œuvre dont l’appari tion marque une ère nouvelle dans l’histoire de la littérature galloise et l’étude des traditions brit- toniques3.