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Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia ISSN: 0124-4620 [email protected] Universidad El Bosque Colombia

Pradilla Rueda, Magdalena Reseña de "La Force de la Regle. Wittgenstein et l'invention de la nécessité" de Jacques Bouveresse Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia, vol. X, núm. 20-21, 2010, pp. 203-208 Universidad El Bosque Bogotá, Colombia

Disponible en: http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=41418343011

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Magdalena Pradilla Rueda1

La Force de la Regle. Wittgenstein et l’invention de la nécessité

Jacques Bouveresse Paris, Les Editions de Minuit, 1987. 177 p.

Jacques Bouveresse

Philosophe issu de l’École Normale Supérieure (ENS), reçu à l’agrégation de philosophie en 1965, il est un des contributeurs de l’Histoire de la philosophie dirigée par François Châtelet, il soutient en 1975 sa thèse de Doctorat d’État de philosophie intitulée Le Mythe de l’Intériorité. Expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein. Il a construit son chemin intellectuel en marge des grandes écoles philosophiques, s’inscrivant ainsi dans la lignée de la philosophie des sciences de Jean Cavaillès, Georges Canguilhem ou Jean-Toussaint Desanti. En 1976, il s’intéresse au positivisme logique, en particulier, aux cours de et de Gilles-Gaston Granger. Héritier du rationalisme des Lumières du monde anglo-saxon et de la tradi- tion intellectuelle et philosophique d’Europe centrale (Bolzano, Brentano, Boltzmann, Helmholtz, Frege, Cercle de Vienne, Kurt Gödel) et également de la pensée de . Bouveresse est actuellement un des grands représentants de la pensée analytique française. Depuis plus de trente ans, il est aussi connu pour des ouvrages critiques sur ce qu’il considère comme des ´impostures scientifiques et intellectuelles´, à savoir une partie de la philoso- phie française des années 1970 à 1990, attitrée par lui comme une nouvelle philosophie liée à la presse, qui aurait asservi la philosophie en produisant un journalisme philosophique sensationnaliste.

1 Docteur en Philosophie‚ Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne‚ 2008. L’invention de la necessité (Note) - Magdalena Pradilla Rueda

Dans le même sens, il dénonce ce qu´il appelle la ´distorsion littéraire´ des concepts scientifiques, ainsi dans son ouvrage Prodiges et vertiges de l’analogie, il critique l´utilisation de la démonstration de Gödel dans son théorème d’in- complétude, qui ne vaut que pour des systèmes formels mathématiques ou logiques, mais qui a été utilisée pour justifier d´autre type de réalités. Sa carrière universitaire passe par l’ensegnement de la logique comme assis- tant, professeur de Philosophie de l’Université Paris I , professeur à l’Université de Genève, et depuis 1995 Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire de ‹ Philosophie du langage et de la connaissance › et professeur émérite depuis 2010. Il a publié plus d’une quarantaine d’ouvrages et il est reconnu en France et internationalement.

Sur La force de la règle

En 1987 Bouveresse publie cette étude significative qui continue à avoir de l´actualité pour tous ceux qui s’interessent à Wittgenstein et ses relations avec le monde de la logique. La Force de la Règle est structuré en 11 chapitres reprend un des problèmes que Wittgenstein ‹ n’a pas dit › : la nécessité. Bouveresse, ici retrace les différentes sujets qui soulèvent cette problématique, en passant par la grammaire, la signification, les règles, les propositions tant mathématiques comme a priori, les tautologies, le calcul, la démonstration, l’arithmétique, pour en finir avec le cognitivisme. Dans cet ouvrage, il revient sur une question wittgensteinienne posée dans les Recherches philosophiques qu’il avait traitée dans un écrit antérieur (Cf. Bouveresse 1976) concernant le sujet des règles et de ce que c’est que ‹ suivre une règle ›, dans ses relations avec la possibilité d’un langage privé, dont la notion de nécessité est crucial dans la présentation de la problématique. Bouve- resse a toujours cru que ce que Wittgenstein disait sur ce sujet constituait une des plus importantes contributions qu’il ait apportée à la discussion philoso- phique contemporaine, au moins pour des disciplines comme la linguistique chomskyenne et l’anthropologie et pour celles qui font un usage non critique de la notion de règle (spécifiquement, de règle tacite ou implicite). Il pose la problématique paradoxale de comment l’usage du langage peut être, dans certains cas, aussi systématique et prédictible et en même temps, aussi imprévisible et novateur. Ainsi, lorsque le parlant maitrise certaines règles, il pourra prédire un bon nombre de choses concernant leur comporte- ment mais il implique aussi que ce parlant puisse transformer le langage par un processus de création ou d’invention.

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Ainsi, si Wittgenstein montre bien une ouverture vers une ‹ faiblesse › ou impuissance de la règle, il présente aussi un élément qui est crucial et décisif dans les réflexions de Wittgenstein: ‹ la force de la règle ›, à travers laquelle se manifeste la nécessité sous laquelle nous agissons. C’est de Crispin Wright (1980) que Bouveresse a pris l’idée d’une ‹ inven- tion de la nécessité ›, qui vient du renversement d’un proverbe familier anglais (Necessity is the mother of invention), idée qui synthétise la conception wittgens- teinienne de la nécessité : entre spécifique et paradoxale. Or la nécessité ne nous est pas imposée par une nature des choses, ce sont nos systèmes de représentation qu’auraient dû consentir à cette nécessité par la manière dont nous avons choisi les systèmes en question et leurs règles. Bouveresse pour expliquer les enjeux de la nécessité va se placer dans l’en- semble des mathématiques car elles constituent l’espace dont la nécessité se présente de façon plus systématique, il va ainsi soulever certains aspects posés par Wittgenstein, en nous montrant l’illusoire de la nécessité dans certains cas et dans d’autres son importance :

Les propositions mathématiques

Wittgenstein présente les propositions mathématiques dont le fonctionne- ment est semblable à ceux des règles, donc elles ne sont ni vraies, ni fausses, mais va permettre de dire qu’on a dû commettre une erreur quelque part. Bouveresse remarque le refus de Wittgenstein sur la distinction entre les propositions mathématiques et les propositions ordinaires et soutient que nous pouvons être aussi certains de la vérité de propositions empiriques que nous le sommes d’une proposition mathématique. Ceci, car d’une façon illu- soire, nous pouvons reconnaitre à ces dernières propositions une ‹ certitude spéciale › issue de la nature spéciale des objets mathématiques sur lesquels les propositions portent et de la façon dont nous les connaissons, car ils ne sont pas connus de l’extérieur comme un élément étranger, mais de l’inté- rieur même des systèmes mathématiques. Question qui n’empêche pas de prendre aussi pour certaines les propositions ordinaires qui se réfèrent aux objets physiques connus donc de l’extérieur. Bouveresse annote que la différence entre ces deux sortes de propositions n’est pas du degré mais du type logique de la certitude. Néanmoins, la distinc- tion apparente entre une nécessité qui peut se contester par la révision des choix conceptuels et un dogme, n’existe pas. Ainsi même, ce que Wittgenstein

[205] L’invention de la necessité (Note) - Magdalena Pradilla Rueda cherche à établir est que, si nous voulons la nécessité, nous ne pouvons pas avoir la vérité en ce sens-là.

Nature des objets

À travers l’exemple des propositions mathématiques, Wittgenstein cherche à discréditer l’idée que ces propositions se distinguent des propositions ordi- naires simplement par la nature particulière des objets dont elles traitent. Ce qu’il critique est la tendance à croire qu’on doit parler de noms de choses que sur la base d’une analogie crée à l’avance ; c’est comme si, pour pouvoir jouer aux échecs, nous devions connaitre une troisième chose en plus des règles qui déterminent la fonction (les possibilités) du roi et de la pièce qui est le roi. Wittgenstein cherche à nous convaincre que cette troisième chose (l’objet d’une autre nature que son corrélat visible et tangible) ne joue aucun rôle réel, en dehors de celui qui consiste à satisfaire notre besoin philoso- phique de nous représenter l’usage comme étant un objet qui coexiste avec le signe. Ainsi, rien ne permet de distinguer fondamentalement les règles de l’arithmétique de celle d’un jeu.

Les regles et leur autonomie

Bouveresse nous signale d’un côté que, les règles de la grammaire ne peuvent être justifiées par la réalité ni entrer en conflit avec elle, ni entrer en conflit les unes avec les autres, donc il existe une autonomie de la grammaire et en quelque sorte un arbitraire des règles. D’un autre côté, il soulève que la signification et la compréhension d’une proposition grammaticale ne sont pas déterminées au départ d’une manière telle que nous nous serions engagés, irrévocablement, à accepter la résultante logique de ces propositions. Wittgenstein, critique ici la signification d’un mot comme étant une caisse pleine, dont le contenu nous est apporté avec elle, et que nous n’avons qu’à explorer : image qu’incite à considérer que, lorsqu’on effectue une inférence logique, la conclusion doit déjà, avoir été comprise dans les prémisses. Bouveresse, remarque l’illusion provoquée par la distinction entre deux espèces de règles : celles qui fixent (arbitrairement) la signification des signes en les affectant à la désignation d’une certaine catégorie d’entités (comme les nombres ou couleurs) et d’autres qui explicitent les conséquences inévitables de ce choix préalable.

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l´idée du ´corps de la signification´

Ce qui est illusoire dans la mythologie de la signification est que les règles puissent être développées à partir de la signification. La philosophie du Trac- tatus était une illustration de ce genre de mythologie, puisque les possibilités de combinaison des noms dans le langage y étaient conçues comme reflétant les possibilités de combinaison des choses signifiées, objets auxquels ils sont coordonnés dans la réalité. En abandonnant cette idée (années 30), Wittgens- tein renonce à l’idée que la logique pourrait traiter d’un objet dont découlent les règles concernant leur fonctionnement, au contraire les règles de gram- maire déterminent en toute indépendance les combinaisons de signes qui ont un sens et celles qui n’en ont pas.

Le vide d´une regle

L’autonomie des règles grammaticales conduit à ce qu’aucune réalité ne leur correspond; de même, les propositions mathématiques ne sont pas des propo- sitions d’expérience, ni des propositions descriptives, donc elles sont vidées de contenu. Bouveresse précise la conception wittgensteinienne de la nécessité car elle résulte de la décision d’adopter une règle et une convention déterminées. Au contraire de Crispin Wright qui postule une faculté spéciale qui permet de découvrir ou de reconnaitre des nécessités préexistantes. Pour Wittgenstein une nécessité peut être reconnue lorsqu’on reconnait une norme ou un impératif. L’idée de la normativité des énoncés nécessaires était destinée à la fois à enlever notre inclination à les considérer comme une espèce de vérités et à apporter une contribution à l’explication de ce qu’est essentiellement la nécessité.

Bibliographie

Bouveresse, Jacques. ‘Herméneutique et Linguistique’ suivi de ‘Wittgenstein et la Philosophie du Langage’.Paris : Eds. de l’Eclat, 1998. ---. Le Mythe de l’Interiorité : Expérience, Signification et Langage Privé chez Wittgenstein. Paris : Les Editions Minuit, 1976. ---. La Force de la Règle. Paris : Les Eds. Minuit, 1988. Collection Critique. ---. La Parole Malheureuse : De l’Alchimie Linguistique à la Grammaire Philoso- phique. Paris : Les Eds. Minuit, 1971.

[207] L’invention de la necessité (Note) - Magdalena Pradilla Rueda

---. Pays des Possibles : Wittgenstein les Mathématiques et le Monde Réel. Paris : Les Eds. Minuit, 1988. Collection Critique. ---. Le Philosophe et le Réel. Entretiens avec Jean-Jacques Rosat. Paris : Hachette Littératures, 1998. Chauviré, Christiane. . Paris : Seuil, 1989. Marion, Mathieu. Ludwig Wittgenstein : Introduction au « Tractatus Logico- Philosophicus ». Paris : PUF, 2004. Wittgenstein, Ludwig. Grammaire Philosophique. Edition posthume dûe aux soins de Rush Rhees. Traduit de l’allemand et présenté par Marie-Anne Lescourrent. Paris : Gallimard 1980. ---. Remarques sur les Fondements des Mathématiques. Paris : Gallimard, 1983. ---.Tractatus Logico-Philosophicus, trad. de G.G. Granger. Paris : Gallimard, 1993 Wright, Crispin. Wittgenstein on the Foundations of Mathematics. Londres : Duckworth, 1980.

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