Sergei Prokofiev (1891-1953) Piano Concertos Vol.1
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Sergei Prokofiev (1891-1953) Piano concertos vol.1 Piano Concerto no. 1 in D flat major (1911-1912) 1. Allegro brioso – Meno mosso – Tempo I 7’09 2. Andante assai 3’41 3. Allegro scherzando – Pochissimo meno mosso (Tempo I) 4’49 Piano Concerto no. 4 (for the left hand) in B major (1931) 4. Vivace 4’30 5. Andante 8’59 6. Moderato – Allegro moderato – Andante – Allegro moderato 7’46 7. Vivace 1’57 Piano Concerto no. 3 in C major (1917-1921) 8. Andante – Allegro – Andante – Allegro – Più mosso 9’00 9. Tema con variazioni : Andantino (Tema) 8’39 L’istesso tempo (Var.1) - Allegro (Var.2) Allegro moderato (Var.3) - Andante meditativo (Var.4) Allegro giusto (Var.5) - L’istesso tempo (Tema) 10. Allegro, ma non troppo – Poco più mosso – Meno mosso – Allegro 9’36 Abdel Rahman El Bacha, piano La Monnaie Symphony Orchestra Kazushi Ono, conductor ENGLISH Sergei Prokofiev (1891-1953) Un destin mouvementé Né dans un milieu aisé, devenu fils unique à la suite de la mort prématurée de ses deux jeunes frères, Sergei Prokofiev a très tôt révélé des dons de pianiste et même de compositeur, puisqu’il écrivit ses premières pièces à cinq ans, deux opéras à onze ans et une symphonie à treize ans, âge auquel Glazounov l’admit au Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Le catalogue de ses œuvres – qu’il a lui-même revu en 1952 – commence par la Sonate n° 1 op. 1, compo- sée en 1909, et s’enrichit rapidement de chefs-d’œuvre (Concerto n° 2 pour piano, le ballet Chout, l’opéra Le Joueur) à tendance moderniste et provocante, atténuée par sa Symphonie classique écrite aux lendemains de la Révolution bolchevique. Le 22 avril 1918, le Commissaire à l’éducation, Anatoli Lounatcharski, in- terpella Prokofiev en disant : « Vous êtes un révolutionnaire en musique, nous le sommes dans la vie, nous devons joindre nos efforts ». Constatant le peu d’enthousiasme du compositeur, il comprit qu’un visa pour l’étranger, pour l’heure, l’intéressait bien davantage. Alors que Chostakovitch n’a jamais quitté la Russie, Prokofiev a au contraire été un grand nomade, aux États-Unis d’abord (1918-1922), en Europe ensuite (1923-1936). Il résida en un nombre considérable de lieux - pas moins de vingt en France. Cependant, contrairement à Stravinsky ou à Rachmaninov, il ne sera jamais un émigré à part entière, gardant des contacts avec l’Union soviétique et évitant toute déclaration politique désapprouvant le régime. Les émigrés russes de Paris se méfièrent de cet artiste qui n’hésitait pas à retourner en Russie à partir de 1927, puis à nouveau en 1929 avec un ballet, Le Pas d’acier, perçu comme un éloge de l’industrialisation, enfin de plus en plus longuement en 1934 et 1935. La vie dépensière qu’il mena en Occident l’obligea à donner nombre de récitals et à accepter les commandes qui se présentaient à lui : ballets pour Diaghilev, opéras, concertos, symphonies. À partir de 1934, des commandes lui parvinrent également de Russie : Roméo et Juliette, Lieutenant Kijé, La Dame de Pique, des musiques de scène en collaboration avec Meyerhold et Tairov. Cela devait nécessai- rement séduire celui qui avait déclaré un jour que le froid de l’hiver et les sonorités de la langue russe lui manquaient. Un autre froid et une autre sorte de langage l’attendaient à son retour en 1936. Il avait quit- té la Russie en 1918 comme un brillant pianiste de 27 ans qui composait en fonction de son instrument. Lorsqu’il revient dix-huit ans plus tard, il est l’auteur de cinq sonates, de cinq concertos mais aussi de trois opéras, quatre symphonies et cinq ballets. Se déclarant apolitique, Prokofiev se disait ravi de « trouver en Russie un gouvernement qui le laisserait composer en paix, publierait tout ce que qu’il écrirait avant que l’encre ne soit sèche et ferait exécuter chaque note sortie de sa plume ». C’est exactement le contraire qui l’attendait. Le régime avait réussi à faire rentrer l’un de ses plus célèbres émigrés, ce qui trois ans après la reconnaissance par les démocraties occidentales, consolidait le prestige de l’Union soviétique. Ce but atteint, l’Union des compositeurs qui depuis 1932 régissait toutes les activités musicales, devait faire de Prokofiev un bon travailleur artistique au service de l’esthétique du réalisme socialiste définie en 1934 par Maxime Gorki et Andrei Jdanov. La plupart des œuvres écrites avant son retour appartenaient désormais à une funeste « période étrangère », sans parler des pages écrites à l’époque des tsars, forcément condamnables. Le pianiste Prokofiev n’avait plus rien à jouer à la seule exception de son Concerto n° 3 et de quelques petites pièces. Quant aux œuvres nouvelles, même écrites avec zèle (Cantate pour le XXème an- niversaire de la Révolution, Salut à Staline), elles ne rencontraient pas moins d’opposition. On retira son passeport en 1938 ; puis ce fut la guerre : des cinq partitions écrites durant ces années, seule la Sympho- nie n° 5 entra au répertoire de son vivant. En janvier 1945, Prokofiev fut victime d’une thrombose dont il ne se remettra jamais entièrement. Condamné en 1948 pour formalisme - tout comme Chostakovitch, Khatchatourian et même son grand ami, le sage Nicolas Miaskovsky, - il fit l’objet d’attaques particulière- ment virulentes orchestrées par Khrennikov, le secrétaire général de l’Union des compositeurs. Désormais brisé, malade, souffrant d’un isolement organisé et d’un manque chronique de revenus financiers, il se verra même refuser l’exécution intégrale de Guerre et Paix, à laquelle il avait travaillé dix ans. Ses derniers mois ne lui épargneront aucune humiliation – aux interventions des jeunes musiciens comme Mstislav Rostropovitch répondaient de chiches aumônes du pouvoir. Prokofiev disparut le même jour que Staline : la revue Sovetskaïa Muzyka publia un numéro spécial sur la perte « du plus grand ami des musiciens de tous les temps ». La mort de Prokofiev n’y était évoquée qu’en 117ème page. Le silence imposé par le régime soviétique sur de nombreuses œuvres de Prokofiev, n’épargna pas les concertos. Seul le Concerto n° 3 resta au répertoire, les autres furent quasi ignorés, en particulier le plus grand, le Concerto n° 2, qui fut véritablement boycotté et le resta longuement après la mort de Prokofiev, en particulier dans les concours internationaux de piano où les candidats et lauréats russes ne manquaient pourtant pas. C’est ainsi qu’au Concours International Reine Elisabeth de Belgique, Prokofiev fut joué 22 fois mais vingt fois par des pianistes de tous horizons sauf russes. Le Concerto n° 2, joué sept fois, permit de gagner trois premiers prix – l’Américain Malcolm Frager en 1960, le Libanais-Français Abdel Rahman El Bacha en 1978, et l’Allemand Severin von Eckardstein en 2003. Les cinq concertos pour piano Hormis Beethoven et Saint-Saëns, seuls quelques compositeurs de moindre importance ont écrit, au XIXème siècle, cinq concertos pour piano. Au XXème siècle, les collègues et concurrents célèbres de Prokofiev, Ra- chmaninov et Medtner, n’en écriront pas plus de quatre qui, restant fidèles au XIXème siècle, se situent en deçà d’une modernité que les deux compositeurs détestaient et combattaient activement. Au contraire, Prokofiev allie une conception entièrement originale du jeu pianistique à une approche moderne du rôle de l’orchestre, n’hésitant pas à friser parfois les limites de ce que pouvaient supporter des oreilles qui ve- naient de découvrir Le Sacre du printemps. Après une audition du Premier Concerto en 1918, la presse new- yorkaise salua Prokofiev comme « le Chopin cosaque des générations futures », tandis qu’à Chicago on vit en lui « un représentant musical de la Russie révolutionnaire faisant flotter le drapeau rouge de l’anarchie au-dessus d’une surprenante cacophonie ». Qu’en est-il aujourd’hui de ce corpus composé entre 1911 et 1932 ? Seul le Troisième Concerto (1921) a fait partie du répertoire sans interruption. On n’a reconnu l’importance du Deuxième (1913) qu’à partir des années 1960, quand il est devenu une vedette des concours de piano ; le Premier (1912) n’a été joué que très exceptionnellement, et l’on a dû attendre les premiers enregistrements intégraux, vers 1973-1974, pour que les Quatrième (1931) et Cinquième (1932) sortent de l’oubli. Concerto n° 1 en ré bémol majeur, op. 10 (1911-1912) Composé à la fin des années passées au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, ce concerto renferme déjà toutes les caractéristiques du style concertant volontiers rhapsodique du compositeur : s’y succèdent une première mélodie insistante jouée à découvert par le piano, des vagues ascendantes de traits de virtuosi- té qui aboutissent à un second thème rythmique en notes pointées. Un épisode Meno mosso plus grave, presque funèbre, fait office de transition vers le retour du thème principal. Il n’y a pas d’autre développe- ment. Sans interruption, les cordes avec sourdines entament ensuite un mouvement lent aux larges traits lyriques. Le concerto s’achève par un mouvement animé basé non seulement sur le second thème, en notes pointées, mais aussi, après une cadence du piano, sur la mélodie qui avait ouvert ce mini-concerto peu orthodoxe, qui ne dépasse pas un quart d’heure de musique. Créée en 1912, cette partition musclée, alliant mélodie tonale bien affirmée et ossature rythmique vigoureuse, contrastait fortement avec la dé- liquescence chromatique scriabinienne de l’époque. Ceci amena un critique à reprocher à Prokofiev son manque de modernité (chromatique, s’entend) tandis qu’un journaliste de Moscou estimait que le compo- siteur était mûr pour la camisole de force, tant ses excès d’énergie dépassaient les normes de la bienséance.