<<

THE UNIVERSITY OF KANSAS PALEONTOLOGICAL CONTRIBUTIONS

November 30, 1967 Paper 22

LE GENRE CERATOCYSTIS JAEKEL (ECHINODERMATA, STYLOPHORA)

GEORGES UBAGHS Université de Liége, Belgium

ABSTRACT

Ceratocystis JALKEL (Middle , Czechoslovakia) is the oldest known genus of the class Stylophora, which formerly was included as a superorder of the class Carpoidea and which comprises the orders and Mitrata. Considered as an early somewhat specialized offshoot of the Cornuta, Ceratocystis is placed in a family Ceratocystidae JAEKEL. The heterogeneity of the "Carpoidea" is emphasized.

INTRODUCTION

Le genre Ceratocystis JAEKEL provient du oit il instituait la classe des Carpoidea, quelques Cambrien moyen de la Bohême. C'est le plus lignes et une reconstitution semi-schématique. ancien représentant connu d'une classe d'échino- BATHER (1) en fournit une description plus com- dermes fossiles, les Stylophora, ce qui confère à plète et une illustration meilleure, quoique erronée son étude un intérêt particulier. en partie. Il reconnut l'existence de ressemblances Le terme Stylophora a été proposé par GILL & nombreuses avec Cothurnocystis, mais contesta CASTER (ref. 8) pour désigner un superordre de que celui-ci en descende. Aussi, à côté de la famille Carpoidea réunissant deux ordres bien indivi- des Ceratocystidae proposée par JAEKEL (9), dualisés, encore que liés par de nombreux traits érigea-t-il celle des Cothurnocystidae—position que communs, les Cornuta et les Mitrata. Dans la nous adoptons nous-même et justifions plus loin, partie S du Treatise on Invertebrate Paleontology, mais que d'autres auteurs (4, 6) ont estimé ne actuellement sous presse, CASTER & UBAGHS aban- pas pouvoir tenir. donnent la classe des Carpoidea, qu'ils tiennent pour artificielle, et élèvent au rang de classe le REMERCIEMENTS superordre des Stylophora. Je tiens â exprimer mes plus vifs remerciements aux Malgré son ancienneté, Ceratocystis n'est pas personnes et institutions suivantes qui m'ont confié les l'ancêtre des Stylophora, car il s'affirme déjà, et matériaux de cette étude: Dr. F. BACHMAYER et Dr. H. très nettement, un Cornuta. Il ne semble même KOLLMANN, Naturhistorisches Museum, Vienne, Autriche; Dr. H. JAEGER, Geologisch-pal5ontologisches Institut und pas, en raison de ses spécialisations, appartenir à Museum der Humboldt-Universitat, Berlin, République la filiation directe des autres Cornuta. Il paraît Démocratique Allemande; Dr. R. P. S. JEFFERIES, British représenter plutôt un rameau distinct, quelque Museum (Natural History), Londres, Grande Bretagne; peu aberrant, proche peut-être de la souche, mais Dr. F. PRANTL, Narodni Museum, Prague Tchécoslovaquie; suffisamment individualisé pour qu'on lui réserve Dr. G. WEHRLI-OLBERTZ, Geologisch-palaeontologisches Institut der Ernst-Moritz-Arndt-Universitdt, Greifswald, une place à part dans la classification de ce groupe. République Démocratique Allemande. JAEKEL (10) fut le premier à attirer l'attention Ma très chaleureuse gratitude va au Dr. R. C. MOORE sur Ceratocystis en lui consacrant, dans sa note et à l'Université du Kansas, qui ont bien voulu publier ce 2 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22

travail, ainsi qu'au Fonds national de la Recherche scien- graphies et le montage des figures sont l'oeuvre de Mme tifique de Belgique, pour le subside qu'il m'a accordé. M. MASSON, dont j'ai beaucoup apprécié la dévouée et in- La mise au net des dessins, la réalisation des photo- telligente collaboration.

DESCRIPTION SYSTEMATIQUE

Famille CERATOCYSTIDAE Jaekel, 1901 BATHER, 1913 (1), p. 423, fig. 33-35 dans le texte. Contours de la thèque rappelant ceux d'un PIEKEL, 1918 (//), p. 122. BATHER, 1925 (2), p. 10, fig. 9-10. soulier pointu; coins latéro-antérieurs épais et sail- Gist.N, 1930 (9), p. 206, fig. 6-7. lants; bord latéral droit pourvu, vers le milieu de CuiNoT, 1953 (5), p. 605, fig. 11. sa longueur, d'une projection spinale, immédiate- Lectotype.—JAEKEL (10) n'a pas désigné de type. Il a ment suivie par une profonde concavité; mar- précisé seulement que la figure accompagnant sa diagnose ginales postéro-latérales en forme de cornes; cadre a été réalisée d'après des moulages à. la gutta-percha de peu distinct du pavement formé par les centrales; nombreux exemplaires appartenant au Musée de Bohême et celles-ci grandes et en petit nombre; face supéri- à d'autres collections. Nous désignons comme type de C. eure de la thèque avec ride triradiée et ride trans- perned l'individu (empreinte et contre-empreinte) du verse émanant de la spinale; adorales au nombre Musée de Prague (Narodni Museum), portant le numéro de trois, la médiane grande et pourvue d'une 22.123. Cet individu est représenté ici (moulages au latex) (Planche 1, fig. 1 a,b). encoche dans son bord antérieur, les deux autres formant de part et d'autre le bord antérieur de la Diagnose.—Mêmes caractères que ceux de la thèque et s'étendant légèrement sur les faces famille. supérieure et inférieure; orifice ( ?hydropore) en- Localité type.—Skryje, Bohème, Tchécoslovaquie. Horizon type.—Couches de Skryje, probablement zone taillant le bord inférieur de l'adorale droite; anus Eccaparadoxides pusillus, Cambrien moyen. probablement entre les deux cornes postérieures; Matériaux d'étude.—Une soixantaine de plaquettes de orifices accessoires relativement nombreux du côté grés argileux renfermant les moules internes et externes droit, disposés en arc le long des sutures reliant d'environ 150 individus, étroitement associés et parfois l'adorale médiane à l'adorale droite, et le long des entassés les uns sur les autres. Le fait que les piè:es squelet- tiques, parfois très délicates, ont généralement conservé sutures unissant l'adorale droite, les marginales leurs connexions anatomiques ou n'ont subi que de légères M2 et Ms aux supracentrales adjacentes; deux dislocations clues à l'affaissement du corps sous l'effet de la orifices semblables, du côté gauche, l'un sur le bord putréfaction et de la pression des sédiments suggère que antérieur entre M'2 et l'adorale gauche, l'autre sur l'enfouissement fut rapide, sur place ou à proximité du lieu de vie. la face inférieure, entre l'adorale gauche et M' 1 ; Les plaquettes étudiées appartiennent aux institutions région proximale de l'aulacophore protégée par des suivantes: Nirodni Museum, Prague, Tchécoslovaquie (19 plaquettes imbriquées comme des écailles; rainure plaquettes, rangées sous trois numéros, 33.723, 350.50, et médiane de l'aulacophore limitée par des rides BR/213/1961); Naturhistorisches Museum, Vienne, Au- étroites et peu élevées; dépressions médianes triche (28 plaquettes, collection MAREK, répertoriées sous cinq numéros, 1903-VI-41 à. 1903-V1-45); British Museum faiblement indiquées; pas de chenaux transverses; (Natural History), Londres, Grande Bretagne (quatre cinq à six paires de plaques de recouvrement sur plaquettes numérotées E16071 à E16074); Geologisch- le stylocone et de deux à cinq paires par article de palaeontologisches Institut und Museum der Humboldt- la région distale. Cambrien moyen. Universitat, Berlin, République démocratique allemande (six plaquettes, numérotées 9, 26, 30, 31, 32, 33); Geolo- gisch-palacontologisches Institut der Ernst-Moritz-Arndt- Genre CERATOCYSTIS Jaekel, 1901 Universitdt, Greifswald, République démocratique alle- Espèce type.—Ceratocystis perneri JA F K EL. Désignation mande (deux plaquettes). Pour la facilité des références, par monotypie (10, P. 667). nous désignons certaines de ces institutions par des ab- bréviations: N.M.—Nirodni Museum, B.M.—British Mu- Diagnose.—La famille des Ceratocystidae ne seum, W.M.—Musée de Vienne, et Berl.M.—Musée de renfermant que le genre Ceratocystis, la diagnose Berlin. Nous avons donné à chacune des plaquettes du de celui-ci sera provisoirement tenue pour identi- Musée de Vienne un numéro personnel: W.M. 1 à W.M. que à celle de la famille. Cambrien moyen. 28. Tchécoslovaquie. Conventions et nomenclature.—Dans ce qui suit, les spécimens sont orientés suivant les mêmes CERATOCYSTIS PERNERI Jaekcl, 1901 conventions que celles adoptées dans nos travaux précédents (13, 14). L'aulacophore, tenu pour le JAEKEL, 1901 (10), p. 667, fig.4A,B. support articulé d'un unique ambulacre, désigne

Ubaghs—Le genre Ceratocystis laekel (Echinodermata, Stylophora) 3

5 FIG. 1. Reconstitution de Ceratocystis perneri basle sur le lectotype et d'autres individus, X2. 1. Face supérieure (plaques de recouvrement de l'aulaco- 5. Face latérale droite. phore ouvertes). [Explication: Ad, adorale droite; Ag, adorale gauche; 2. Face inférieure. Am, adorale médiane; /, infracentrale; M, marginale appar- 3. Section transversale passant par Ar et M3. tenant au côté droit; M', marginale appartenant au côté 4. Face antérieure. gauche; S, supracentrale.] l'extrémité antérieure de l'organisme, l'anus (ou deux projections en forme de corne, 4) un bord son emplacement supposé), l'extrémité postérieure. droit, subrectiligne dans sa portion antérieure, En plaçant la thèque dans ce qui fut probablement concave dans sa portion postérieure, et présentant sa position de vie, nous distinguons, par conven- une pointe que nous appelerons spinale à la limite tion, une face inférieure et une face supérieure, un de ces deux portions (Fig. 1,A,B). Les contours côté droit et un côté gauche. Les termes proximal comptent donc cinq saillies: les deux coins an- et distal ne sont appliqués qu'A l'aulacophore; les térieurs, les deux cornes postérieures et la spinale adjectifs adaxial et abaxial réfèrent à la position du bord latéral droit. C'est sur les coins antérieurs, ou à l'orientation de toute structure par rapport sur les bords externes des marginales Ms et M ' s et A l'axe principal, c'est-à-dire longitudinal, du sur la pointe ou la face inférieure des cornes posté- corps. rieures que reposait la thèque (Fig. 1,C-E). Forme de la thèque.—Les contours, très asy- La thèque s'amincit et se rétrécit vers l'arrière. métriques, de la thèque comportent 1) un bord Sa face inférieure est plane ou faiblement concave, antérieur concave compris entre deux coins sail- sa face supérieure, convexe et divisée en trois lants, 2) un bord gauche subrectiligne, 3) un champs inégaux par une ride triradiée, aux bord postérieur creusé en selle et délimité par branches quelque peu sinueuses. Ces branches se 4 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22 rejoignent en un point marquant probablement le D'autre part, les arguments sont peu nombreux sommet de la face supérieure; deux d'entre elles qui permettent de considérer comme homologues se portent vers les coins antérieurs, qu'elles at- telle plaque de Ceratocystis et telle autre de teignent et peuvent même contourner pour at- Cothurnocystis. Nous accepterons donc ces désig- teindre la face inférieure, tandis que la troisième nations avec la part de réserve qui s'impose. se dirige vers la droite et l'arrière et finalement se Nous dénommerons M 1 et W 1 (Fig. 1,B) confond avec le bord droit (abaxial) de la corne deux grandes plaques réunies par une suture droite. Une autre ride, celle-ci simple et brève, rectiligne disposée suivant l'axe principal. Entre descend en oblique de la face supérieure vers elles, tout à l'avant, s'interpose un petit élément l'extrémité de la spinale; elle est sans rapport avec semicircula ire (Mo ), d'origine incertaine et sans la ride triradiée (Fig. 1,A). équivalent chez les autres Stylophora. Le bord Dimensions de la thèque.—En raison de antérieur de M 1 (peut-être aussi celui de 114' 1 ) l'écrasement ou de l'affaissement subis par tous qui limite l'insertion de l'aulacophore présente un les spécimens examinés, les dimensions réelles ont léger épaississement. Par ailleurs, chacune se été quelque peu altérées. Nous appelons longueur trouve séparée du bord antérieur de la thèque la distance comprise entre deux lignes perpendicu- par une adorale, en sorte que ces deux plaques ne laires à l'axe principal et tangentes respective- jouent que très partiellement le rôle de "mar- ment au point le plus antérieur et au point le ginales." Si nous les rangeons dans cette catégorie, plus postérieur, et largeur, la distance séparant c'est en raison de leurs relations topographiques deux lignes parallèles à l'axe principal et tangentes avec l'aulacophore et les plaques que nous ap- aux côtés respectivement gauche et droit. Il res- pelons adorales, mais il doit être clairement sort du tableau suivant que la plupart des spéci- spécifié que leur face interne ne porte pas les mens sont de taille semblable et que la longueur, structures, en particulier les puissantes apophyses qui ne paraît jamais excéder 33 mm. dépasse en qui caractérisent les plaques M1 et M' 1 des autres général légèrement la largeur. Cornuta et des Mitrata.

Les marginales M2 et M' 2 forment les coins Mensurations de Ceratocystis antérieurs de la thèque, et cela aussi bien sur la Spécimens—lectotype W.M. W.M. W.M. W.M. N.M. face supérieure que sur la face inférieure. Ce sont 13 8 19 14 35050 des pièces subtriangulaires, souvent pourvues longueur (mm) 28 33 33 33 26 d'une petite pointe terminale, épaisses, aplaties en- largeur (mm) 28 28 26 27 29 24 dessous et très convexes au-dessus (Fig. 2). Leur face inférieure est généralement limitée par une Marginales.—Un cadre n'est point clairement arête ou un épaississement en fer â cheval, ou différencié, car, sur chacune des faces, les centrales, encore par une suite discontinue de petites bosses grandes et peu nombreuses, ne se distinguent (Fig. 2,B). Leur face supérieure est partagée en guère par la taille des marginales (Fig. 1). Par deux parties subégales par une ride (signalée plus comparaison cependant avec les Cothurnocystidae, haut) qui, souvent, atteint leur extrémité abaxiale nous appelerons marginales les plaques qui, sur et même la dépasse pour rejoindre le bord externe, la face inférieure, bordent la thèque, à l'exception lorsqu'il est épaissi, de leur face inférieure (Fig. de deux éléments antérieurs que, pour des raisons 2,A-C). Asymetriques, elles tendent à former vers exposées plus loin, nous considérerons comme des l'arrière une courte branche par laquelle chacune adorales. Toutes ces marginales, sauf cinq d'entre se rattache â la marginale suivante. Le bord supé- elles, â savoir M 1 , My , M6, M ' 1 et M'3 , intervien- rieur adaxial de M2 est découpé par une série nent aussi dans la constitution de la face supé- d'encoches arrondies qui coïncident avec des en- rieure; certaines (M 5 et M' 4 ) s'y montrent même coches semblables portées par le bord de la centrale plus développées que sur la face inférieure. Une adjacente, ce qui entraîne l'apparition d'orifices part de convention entre dans cette nomenclature. elliptiques entre ces plaques (Fig. 2,C). Un Certaines plaques de la face supérieure (S et orifice semblable, mais unique, existe sur la face S6 ), que nous plaçons parmi les centrales, pour- antérieure de M'2 , entre cette dernière et l'adorale raient tout aussi légitimement être appelées mar- gauche (Fig. 2,E). Nous reviendrons plus loin ginales puisqu'elles participent à la formation des sur ces orifices. La paroi de M2 comme celle de bords de la thèque dans la même mesure que les Ar2, relativement mince du côté adaxial, s'épaissit ‘`marginales" auxquelles elles sont superposées. considérablement vers l'extérieur, toute la partie Ubaghs—Le genre Ceratocystis Jac kel (Echinodermata, Stylophora) 5

2

8

FIG. 2. Morphologie des marginales MA et M'A c le Ceratocystis perneri, face inférieure, tous X5. 1. Ms (N.M. 33723), face inférieure. 5. M', (N.M. Br-213/1961), face antérieure avec pore 2. MA (N.M. 35050), face inférieure, vue légèrement en sutural. oblique pour montrer la naissance de la branche 6. M's (N.M. 33723), face inférieure, avec protubérances antérieure droite de la ride triradiée; à noter aussi stéréomiques. le bourrelet stéréomique le long d'une partie du 7. itf, (N.M. Br-213/1961), pas de protubérances stéréo- bord externe. miques. 3. Ms (N.M. 35050) et parties des plaques adjacentes 8. M's (N.M. Br-213/1961), section transversale. (N.M. 35050) (reconstitution). [Explication: Ad, adorale droite; Ag, adorale gauche; 4. M, (N.M. 35050), face interne, montrant les rainures 1, infracentrale; M, marginale appartenant au côté droit; du plafond de la cavité intérieure. M', marginale appartenant au côté gauche; S, supra- centrale.] angulaire de la plaques étant massive (Fig. 2,H). Ms s'étale largement sur la face inférieure. Le Le plancher de leur cavité interne rejoint le pla- long du bord de la thèque, elle se replie vers la fond en demi-coupole, plafond creusé, chez M2, face supérieure. La portion de ce bord qu'elle de rainures qui émanent du fond de la cavité et occupe se termine à l'arrière par une pointe que aboutissent chacune à un des ori fices précités nous avons déjà signalée et que l'on peut comparer (Fig. 2,D). à la spinale ou "toe-spine" (BATHER, /) de Cothur- 6 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22 nocystis. Partant du sommet de cette pointe, une développée, que leur face inférieure. Elles sont ride monte vers la face supérieure, recoupe le bord séparées, du côté inférieur, par une petite plaque supérieur de la plaque et se termine sur la centrale subquadratique (M 6 ) et, du côté supérieur, par adjacente, sans rejoindre la ride triradiée prin- une plaque semblable (S8), mais que nous ran- cipale (Fig. 1,A). La face inférieure de Mg peut geons, par pure convention, parmi les centrales. être presque plane ou au contraire concave; dans La cavité de la thèque ne pénètre que dans la ce cas, toute sa zone marginale, comprise entre portion antérieure des deux cornes; elle s'y trouve la suture M3-M3 et la spinale s'infléchit oblique- ment vers le bas et l'extérieur, de manière à pincée entre un plafond formé par ces marginales former une crête, sorte de patin, sur lequel repose et un plancher constitué par une grande centrale la thèque (Fig. 1,C). qui s'emboite dans leur bord antérieur (Fig. 1,B). La plaque correspondante du côté gauche, Leur portion saillante est formée de stéréome massif; ses contours se montrent assez variables. M's, s'étale, comme M3, largement sur la face inférieure et y développe, le long du bord, une M'y présente des bords tranchants et des faces crête, une protubérance ou (rarement) plusieurs légèrement bombées; son bord adaxial peut dé- bosses (Berl.M., 31, 32); ces divers types de saillies velopper une expansion aliforme (Fig. 3,C). M 5 constituent l'un des supports de la thèque. Sa por- offre une face supérieure concave et une face tion réfléchie, faiblement développée, se dresse inférieure convexe; son bord adaxial est tranchant, presque verticalement. Une suture, disposée sui- mais son bord abaxial consiste en une paroi re- vant le bord de la thèque, la relie à la centrale de dressée, de hauteur décroissante vers l'arrière; même longueur qui la surmonte. c'est dans le bord supérieur de cette paroi que se triradiée My est limitée à droite par le bord de la termine la branche postérieure de la ride qui orne la face supérieure de la thèque. thèque et par Ms , en avant par /1/11 et M' 1 , à gauche par W3 et deux centrales, en arrière par la corne M6 est un petit élément pincé, comme nous gauche, une centrale et une petite plaque (Ma) venons de le voir, entre les cornes postérieures logée entre les deux coins postérieurs (Fig. 1,B). (Fig. 1,B). Son bord postérieur paraît s'infléchir Elle occupe donc une portion importante de la légèrement vers le haut. Cette plaque ne laisse pas face inférieure. Le long de son bord externe de rappeler, par sa position et sa forme, la petite (abaxial), en arc de cercle, sa surface se relève marginale impaire qui, du côté inférieur, termine légèrement et vient à la rencontre du bord, replié à l'arrière la thèque de Mitrocystella et de Mitro- vers le bas, de la centrale (Se) qui la recouvre. cystites et se trouve, chez certaines espèces, com- Comme on le voit, le long de M',5 et de 11/1, les prise également entre deux lobes que l'on pour- plaques de la face inférieure rejoignent celles de la rait, dans une certaine mesure, et malgré leur face supérieure le long de sutures strictement développement relativement très faible, comparer marginales. aux cornes de Ceratocystis. Cette ressemblance, M5 et M' 4 , les deux cornes postérieures de la thé- évidemment, n'implique aucun rapport génétique, que, rappellent la glossale ("tongue," BATHER, 1) mais, comme nous le verrons plus loin, elle pour- et la digitale ("tag," BATHER, 1) de Cothurnocystis rait revêtir une signification fonctionnelle. (Fig. 3). Mais, à l'encontre de ces processus, qui ne Adorales.—Les adorales, ou du moins les sont que des appendices du cadre,' elles intervien- plaques que nous appelons ainsi, sont au nombre nent dans la composition de celui-ci. Elles sont, de trois: une gauche, une droite, et une médiane. avec M3 et W3 , les seules marginales à jouer un rôle important dans la constitution des deux faces Ceci n'exclut pas la possibilité que la glossale et la digitale de Cothurnocystis soient des marginales transformées qui, à l'origine, de la thèque; leur face supérieure est même plus s'intégraient dans le cadre comme les deux cornes de Ceratocystis.

EXPLICATION DE LA PLANCHE 1 (Ceratocystis perneri, photographies de moulages au latex) FIGURES I. Lectotype (N.M. 22123), X2; la, face supérieure; lb, que des encoches (pores suturaux) peuvent dé- face inférieure. couper le bord supérieur de cette plaque, X4. 2. Face supérieure (W.M. 8), X2. 5. Détail de l'ornementation de la figure précédente, X8. 3. Face inférieure (N.M. 33723), X2. 6. Détail de l'ornementation d'une plaque (N.M. 35050), 4. Marginale m, (Université de Greifswald), montrant de la face inférieure, X8. THE UNIVERSITY OF KANSAS PALEONTOLOGICAL CONTRIBUTIONS Ubaghs--Le Genre Ceratocystis Paper 22, Plate 1

3 2

Ubaghs—Le genre Ceratocystis (Echinodermata, Stylophora) 7

FIG. 3. Morphologie des marginales M5 et M'4 de Ceratocystis perneri.

1. M5 et Wy (B.M. E 16072) et plaques adjacentes, face 4. M'y (B.M. E 16074), face inférieure, x5. supérieure et sections transversales, X3. [Explication: M, marginale appartenant au côté droit; 2. M, (W.M. 20), face supérieure, X5. M', marginale appartenant au côté gauche; S, supra- 3. M'y (Berl.M. 32), face inférieure, x5. centrale.]

Les deux premières contribuent A former la face L'élément squelettique que nous venons de dé- antérieure de la thèque (Fig. 1,D), tout en inter- crire occupe la même position que l'adorale venant, mais dans une faible mesure, dans la médiane de Phyllocystis et, de même que chez constitution de la face inférieure et de la face cette dernière, une encoche semblablement en- supérieure. La troisième appartient seulement A tourée par une lèvre saillante entame son bord la face supérieure. C'est une plaque plutôt grande, antérieur. Pour ces raisons, nous interprétons ces suborbiculaire, dont la portion antérieure s'incurve deux plaques comme homologues. légèrement vers le bas. Son bord antérieur, rela- L'adorale droite est limitée, du côté supérieur, tivement étroit et taillé en un V très ouvert, est par l'adorale médiane, la marginale M2 et la partagé par une encoche médiane limitée par une centrale S3, du côté inférieur, par les marginales lèvre légèrement saillante (Pl. 2, fig. 2, 6; Fig. M 1 et M2 et par l'aulacophore (Fig. 4,A ,B). Vue 4,A). Ce bord se réfléchit et s'épaissit vers l'inté- par sa face supérieure, elle se montre relativement rieur, de manière A former, du côté interne, une étroite et arrondie vers l'avant. Ceux de ses bords apophyse arquée, asymétrique, concave et rainurée qui la mettent en relation avec l'adorale médiane vers l'avant, les rainures, séparées par des crêtes, et la centrale S3 portent de petites entailles, aux- convergeant vers le fond de la concavité (Pl. 2, quelles aboutissent, sur sa face interne, de brèves fig. 3; Fig. 4,B-D). Le bord le long duquel cette rainures, obliques vers le bas et l'axe principal du plaque entre en contact avec l'adorale droite porte corps; ces entailles correspondent A des pores sutu- une ou plusieurs petites entailles qui marquent raux (Fig. 5,D). Considérée par sa face inférieure, l'emplacement de pores suturaux (Fig. 4,A). elle se révèle formée de deux régions. L'une,

8 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22

tion des muscles proximaux de cet organe. D'autre part, un sillon, dont le bord abaxial est réfléchi, incise profondément son bord postérieur et conduit pore sutural à une cupule enfoncée sous sa surface externe (Fig. 5,A-C). Cette cupule se superpose à une dépres- sion peu profonde portée par la face interne de M1 (Fig. 5,D), en sorte que cupule et dépression constituent le plafond et le plancher d'une petite cavité largement ouverte vers l'intérieur de la thèque et que le sillon précité met en relation avec le milieu extérieur. En outre, du plancher de cette cavité, donc sur la face interne de M I , part en direction adaxiale une rainure large mais très faiblement accusée, tandis que de son plafond émane une autre rainure, celle-ci étroite et peu profonde, que dissimule un repli de la face interne de l'adorale droite dans laquelle elle est creusée. Le bord libre de ce repli se dirige d'abord vers le haut, puis il suit un parcours onduleux plus ou moins horizontal, avant de se perdre en direction abaxiale. Toutes les structures que nous venons de décrire paraissent avoir leurs équivalents chez Cothurnocystis et Phyllocystis. Dans ces genres, l'adorale droite, qui n'occupe plus que le bord 3 antérieur de la thèque et n'intervient plus dans la constitution de la face inférieure, présente aussi une encoche dans son bord inférieur. Cette en- coche est superposée à une dépression (infundi- bulum) portée par M 1 , laquelle dépression donne naissance, à sa base, à une rainure transverse (sil- lon antérieur transverse) qui court vers l'axe principal et, à son sommet, à une rainure (per- 4 ceptible seulement chez certaines espèces) en Fin. 4. Morphologie de l'adorale médiane de Ceratocystis direction opposée. Nous retrouvons bien les perneri, X10. mêmes dispositions chez Ceratocystis, sans doute 1. Portion antérieure (le la face supérieure (externe) légèrement modifiées, mais aisément reconnaissa- montrant le forme en V du bord antérieur et son bles à leurs relations réciproques. C'est ce qui encoche médiane (N.M. 35050). permet, pensons-nous, d'identifier chez ce dernier 2. Portion antérieure de la face inférieure (interne) genre des plaques homologues à celles que nous montrant l'apophyse arquée qui se dresse le long du bord (N.M. 13r-213/1961). avons appelées respectivement adorale droite et 3-4. Vue oblique et vue de face du c6té concave et rainuré marginale M, dans les autres Cornuta. de l'apophyse interne (N.M. Br-213/1961). La signification physiologique de ces structures est évidemment hypothétique. En raison de son abaxiale, relativement étendue, s'élargit vers 111 5 ; caractère impair, de sa position latéral par rap- sa surface est plane ou très faiblement concave, et port à l'axe principal du corps et de sa morpho- un bord tranchant la limite vers l'avant (Fig. nous estimons que l'encoche du bord in- 5,A). L'autre, adaxiale, est de taille réduite; en férieur de l'adorale droite pourrait représenter revanche, elle accuse un relief plus accusé et sur- l'hvdropore. Dans cette hypothèse, les dépressions tout une complexité structurale que ne manifeste et sillons qui lui sont étroitement associés mar- pas la première (Pl. 2, fig. lb; Fig. 5,A-D). Sa queraient l'emplacement des ()runes et conduits, face tournée vers l'aulacophore est concave et lisse; tels que le canal hydroporique, le canal du sable, elle représente probablement une partie de l'inser- l'ampoule axocoelienne, la vésicule madréporique, Ubaghs—Le genre Ceratocystis Jaekel (Echinodermata, Stylophora) 9

pores suturaux ?hydropore insertion de l'apophyse interne de l'adorale médiane

1

insertion de l'apophyse interne de l'adorale médiane

pore sutural insertion (bord antérieur) musculaire 6 FIG. 5. Morphologie des adorales droite (1-5) et gauche (6-7), X10.

I. Adorale droite (W.M. 1, lectotype), face inférieure. 23123), vue en oblique des faces inférieure et 2. La même, vue en oblique. antérieure, avec contour du bord adaxial de la 4-5. Adorale droite (4) et marginale MI adjacente (5), marginale M'il (reconstitution fondée sur trois montrant comment se correspondent les structures specimens). de leurs faces internes (N.M. 35050). 7. Adorale gauche (Berl.M. 26), face interne, vue en 6. Adorale gauche (Berl.M. 26, N.M. 35050, N.M. oblique, le bord inférieur dirigé vers le haut.

que l'on trouve ordinairement a cet emplacement 1,B). Sur les deux faces principales de la thèque, chez les échinodermes actuels. La position de elle ne forme qu'une étroite bordure. Du côté l'hydropore chez Ceratocystis serait primitive. Cet inférieur, son bord postérieur porte une encoche orifice aurait émigré vers le bord antérieur chez profonde, divisée en deux parties inégales par une les autres Cornuta et vers la face supérieure chez petite crête médiane (Fig. 5,A). Une seconde les Mitrata (Mitrocystites) sans jamais perdre ses encoche, mais Mie-ci de construction plus simple, relations avec l'adorale droite. Semblable transfert entame son bord abaxial. Deux pores s'ouvrent de l'hydropore d'une face a l'autre de l'organisme donc dans les sutures qui l'unissent respectivement est bien connu chez d'autres échinodermes (ophi- a M' 2 et à M2. Sa face adaxiale (Fig. 5,E) de- uroides) et elle s'explique par l'intérêt de donner veloppe une surface contournée, concave, en forme a cet orifice une position plus avantageuse. de croissant, sous laquelle s'ouvre un passage L'adorale gauche est a peine moins complexe latéral mettant en communication la cavité de la que la droite. Elle est limitée, du côté supérieur, thèque et celle de l'aulacophore; cette surface pour- par la marginale M' 2 , la centrale S 1 et l'adorale rait avoir servi d'insertion â des muscles moteurs médiane, du côté inférieur, par la petite plaque de cet organe. Immédiatement au-dessus, un médiane Mo, les marginales M' 2 , et W2 (Fig. renfoncement subtriangulaire, limité par une lèvre 10 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22 légèrement saillante, rappelle la plateforme que centrales (Fig. 1,B) ne comportent que quatre nous avons appelée scutula et qui, chez les Stylo- plaques isolées par les marginales: dans le coin phora, surmonte ordinairement chacune des apo- antérieur gauche, une plaque ovalaire Ii , comprise physes auxquelles étaient fixés les muscles de entre M' 1 , M' 1 et M'3; à l'arrière, A droite, une l'aulacophore. Peut-être ce renfoncement logeait-il plaque assez petite, 12 , comprise entre Mi, M5 et un ganglion innervant les muscles. Il convient M6 et, à gauche, deux plaques (l'une petite et toutefois de remarquer que les apophyses mus- subtriangulaire, 13 , l'autre plus grande et poly- culaires et les scutulae des autres Cornuta et des gonale, / i ) limitées par M4, 3, M ' 4 et M6. Mitrata dépendent des marginales M 1 et W 1 et Bouche.—Aucun orifice n'est décelable, dans non des adorales. Il s'agirait donc, chez Cerato- lequel on puisse reconnaître la position de la cystis, de structures analogues plutôt qu'homolo- bouche avec certitude. BATHER (1,2), il est vrai, gues, si, bien entendu, ce que nous avons appelé interprétait comme appartenant au système sub- dans ce genre marginales M 1 et V I et adorales vectif, et donc conduisant à une bouche interne, la correspond bien aux plaques de mêmes noms dans série des orifices elliptiques échelonnés le long de les autres Stylophora. certaines sutures de la moitié droite de la thèque, Centrales.—Les centrales de la face supérieure sur la face supérieure, et cette opinion fut partagée ou supracentrales, au nombre de huit, sont toutes, par d'autres (3, 5, 6, 12). Elle perd cependant sauf la postérieure, de grandes plaques polygonales toute vraisemblance, si Ion admet que l'aulaco- disposées en trois rangs, les deux premiers rangs phore représente un appendice brachial et que cet formant des arcs de cercle. On peut les numéroter appendice était porteur d'un ambulacre (13). En d'avant en arrière et, dans chaque rang, de gauche effet, dans ce cas, la bouche devait se trouver prés A droite (Fig. LA). Le rang antérieur compte de l'origine de cet ambulacre, car, chez tous les trois plaques et le deuxième, quatre, tandis que le échinodermes, les ambulacres amènent A la bouche. troisième, ne comprend qu'un peut élément (S 8 ) Il est difficile toutefois d'en situer l'emplacement subquadratique, encadré par les cornes postéri- de manière précise, parce que la rainure ambula- eures. Plusieurs de ces plaques sont remarquables craire n'est perceptible que dans la partie moyenne â des titres divers: 52, par sa forme en Y et par et la partie distale de l'aulacophore et qu'elle perd, la rencontre en son milieu des trois branches de la semble-t-il, tout support squelettique dans la partie ride triradiée caractéristique de la face supérieure; proximale. La bouche devait donc être interne et se Si,, S6, Sy et S2, parce que, presque dans la même trouver soit dans la portion proximale de l'aulaco- mesure que les marginales sous-jacentes A chacune phore soit à l'entrée de la thèque. Diverses raisons, d'elles, elles participent A la formation des bords de la thèquel; S5, par sa grande taille et S8 , par Il est intéressant d'observer que certaines marginales de quelques ses petites dimensions. espéces de Cothurteacystis sont doubles: elles ccmportent une partie inférieure et une partie supérieure réunies par une suture horizontale. Les centrales de la face inférieure ou infra- La partie supérieure correspond peut-être à une supracentrale qui, chez Ceratocystis, occupe une position marginale.

EXPLICATION DE LA PLANCHE 2 (Ceratocystis perneri, photographies de moulages au latex) FIGURES et laissant apercevoir sa cavité intérieure; plaques 1. Détail de la face inférieure du lectotype (N.M. 22123); de recouvrement ouvertes, X6 (lectotype, N.M. la, stylocone, région proximale de l'aulacophore 22123). et bord antérieur (partie médiane) de la thèque, 6. Aulacophore, face supérieure; plaques de recouvrement X4; 1h, adorale gauche, X8. fermées, disposées comme les pentes opposées d'un 2. Détail de la face supérieure d'un autre individu: por- toit, X6 (W.M. 8). tion médiane du bord antérieur de la thèque, X4 7. Aulacophore, portion de la région distale, plaques de (N.M. 35050). recouvrement fermées et écrasées, X6 (N.M. Br- 3. Adorale médiane isolée, face interne, X4 (W.M. 26). 213/1961). 4. Aulacophore, face supérieure; à remarquer la disposi- 8. Aulacophore, région proximale, stylocone et début de tion "bisériée" des plaques de la région proximale la région distale; plaques de recouvrment sur le le long de l'axe médian; plaques de recouvrement stylocone et les articles de la région distale en (en partie conservées du côté droit) ouvertes, X6 vue latérale, X6 (W.M• 13). (W.M. 14). [Explications: Ad, adorale droite; Ag, adorale gauche; 5. Aulacophore, face supérieure; région proximale ouverte Am, adorale médiane; S, supracentrale.] THE UNIVERSITY OF KANSAS PALEONTOLOGICAL CONTRIBUTIONS Paper 22, Plate 2 Ubaghs--Le Genre Ceratocystis stoocone

l o 2 Am S3

apophyse

lb

plaques de recouvrement

Ubaghs—Le genre Ceratocystis faekel (Echinodermata, Stylophora) 11 qui seront exposées dans le Treatise on Inverte- 0.7 mm. les séparent les uns des autres. Leur brate Paleontology, plaident en faveur de la bord est arrondi et plutôt infléchi vers l'intérieur; seconde alternative. Rappelons seulement ici une lèvre légèrement saillante peut cependant en l'existence d'une entaille dans le bord antérieur souligner les contours extérieurs. Comme nous de l'adorale médiane; or cette entaille, accom- l'avons vu déjà, les pores ouverts le long du bord pagnée d'un bref sillon, représente certainement supérieur de l'adorale droite et de M, se pro- un orifice, Peut-être s'agit-il précisément de longent chacun par une rainure à la face interne l'orifice buccal ou d'un orifice percé dans le pla- de ces plaques (Fig. 2,D); en revanche, nulle fond de la cavité buccale. rainure ne se marque clairement à la face interne Anus.—JAEKEL (10) place cet orifice à mi- de l'adorale médiane, de S3 et de M3. Les rainures longueur de la thèque, sur le bord droit, dans la sont séparées par des crêtes de section subquad- concavité qui suit la spinale. Un examen attentif ratique et elles sont dirigées vers la périphérie. de cette région ne permet d'y déceler la présence Les organes auxquels elles aboutissaient ou contri- d'aucune ouverture. BATHER (1), GisLiN (9) et buaient à loger devaient donc être placés contre CuiNoT (5) situent l'anus entre les cornes pos- le bord externe de la thèque. térieures, à la base de celles-ci, c'est-à-dire à l'extré- Tous les orifices que nous venons de décrire mité postérieure du corps, comme chez les autres et que BATHER (1) découvrit appartiennent au Cornuta. Rappelons qu'il existe à cet endroit, côté droit et à la face supérieure de la thèque. Il chez Ceratocystis, une petite marginale, M6, sur- en existe deux autres semblables aux précédents, montée par une supracentrale (S,) de forme et de mais situés à gauche: l'un, sur le bord antérieur de taille semblables. Cette petite marginale est com- la thèque, entre M1 3 et l'adorale gauche (Fig. 1,D, parable—nous l'avons déjà souligné—a la mar- 2,E) l'autre, sur la face inférieure, entre cette Mitrata (Mitro- ginale impaire qui, chez certains même adorale et 0 1 (Fig. 1,B, 5,E). Le premier cystella, Mitrocystites) se trouve sous un orifice consiste en une simple boutonnière elliptique. Le que, avec la plupart des auteurs, nous considérons second est plus complexe: il forme une profonde comme étant l'anus.' Il se peut donc qu'entre entaille, incomplètement partagée par une petite M6 et S8 ait été ménagée une ouverture, mais crête, dans le bord postérieur de l'adorale gauche. celle-ci n'a pu être effectivement observée. Celle Nous avons déjà dit que pour BATHER (1, 2), interprétation paraît néanmoins la plus plausible. les pores suturaux de la face supérieure de Cerato- Hydropore?.—Voir plus haut la description de cystis représentaient le système subvectif. Il leur l'adorale droite. attribuait par conséquent la même fonction qu'aux Orifices accessoires.—Une série continue d'ori- structures elliptiques observées dans la même fices elliptiques s'échelonnent le long des sutures région chez Cothurnocystis et les tenait pour reliant l'adorale médiane à l'adorale droite, celle-ci homologues de ces dernières (2). Ces struc- à la supracentrale S3 et cette dernière à la mar- tures sont pourtant assez différentes, car elles ginale M3. Il paraît en outre que certains in- n'ont guère de commun que la situation topo- dividus, sinon tous, en ont possédé sur les sutures graphique. Les orifices accessoires de Ceratocystis mettant en contact M3 avec S3 et S 7 ; c'est du sont des pores simples et de taille relativement moins ce que montrent sans équivoque plusieurs grandes. Ceux de Cothurnocystis se présentent exemplaires (Pl. 1, fig. 4); en revanche, le bord comme des appareils complexes, comportant supérieur de M, semble être entier chez d'autres chacun plusieurs pores extrêmement petits (nous individus (B.M. E 16074, Berl.M. 30), comme si le démontrerons dans un travail ultérieur). Ce la présence ou l'absence d'orifices le long de cette qui permet peut-être de les rapprocher, c'est que suture revêtait un caractère facultatif. Ces orifices leurs bords sont faits de deux parties qui, par leur varient de taille chez un même individu, leur union, forment des orifices elliptiques: deux pièces grand axe pouvant passer de 0.6 à 2 mm. et leur en U chez Cothurnocystis, deux encoches dans des petit axe, de 0.3 à 0.5 mm. Des espaces de 0.3 à plaques adjacentes chez Ceratocystis. Cette der- nière disposition paraît la plus primitive et suggère

BATHER (I) admettait comme possible que la petite plaque im- que les orifices accessoires des Cornuta avaient paire de Ceratocystis dont il est ici question soit homologue de la plaque plus ou moins semblable sur laquelle, selon son interprétation, fondamentalement la nature de pores suturaux. devait reposer la portion terminale du rectum chez Trochoustites. Cette similitude est en réalité très imparfaite et toute homologie est La présence de pores semblables du côté gauche rendue improbable par le fait que Ceratocystis et Trochocynites ap- et sur la face inférieure de Ceratocystis indiquerait partiennent I des lignées très différentes et sans rapports génétiques connus. Elle petit cependant revêtir une signification fonctionnelle, qu'à l'origine ces pores étaient moins et c'est ce qui lui confère de l'intérêt dans le contexte présent. en outre 12 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22

localisés qu'ils ne semblent l'être devenus chez les breuses, semblables A des écailles s'imbriquant de représentants les plus typiques du groupe. Mais telle sorte que leurs bords libres ou externes soient l'assimilation de ces structures A des pores suturaux dirigés vers l'avant, c'est-à-dire vers l'extrémité ne résout pas le problème de leur signification distale de l'aulacophore (Pl. 2, fig. la, 8). Ces physiologique. Nombreux sont les échinodermes plaquettes présentent une ornementation sembla- A posséder des pores suturaux (ou des apparences ble à celle de la thèque. Elles sont minces (0.09 de pores suturaux) entre les pièces de leur sque- mm.). L'épaisseur de la paroi (0.8 mm.) cor- lette et variées sont les fonctions possibles de ces respond à leurs épaisseurs indidividuelles com- pores (ou de ces espaces non calcifiés). Ne trouve- binées; elle laisse une lumière d'environ 3 mm. de t-on pas chez Cothurnocystis americana des pores diamètre (PI. 2, fig. 5). La disposition des pla- suturaux simples (qui d'ailleurs ne ressemblent quettes paraît peu régulière. Elles tendent pas A ceux de Ceratocystis) entre les supracentrales cependant A se grouper en rangées transversales et A côté d'appareils elliptiques complexes du type A alterner d'une rangée A l'autre. On compte une de ceux de C. elizae? Il est clair que la rôle joué quinzaine de rangées et, dans chacune, un nombre par les pores suturaux bien localisés de Cerato- indéterminé (mais en tout cas supérieur A quatre) cystis reste parfaitement énigmatique. de plaquettes. Sur la face supérieure, on observe Ornementation de la thèque.—L'ornementa- chez quelques individus une tendance des pla- tion de la thèque est plus accusée sur la face quettes A se disposer en deux files alternes sur la supérieure que sur la face inférieure. Du côté ligne médiane de manière A former des chevrons supérieur, elle comporte, outre la ride triradiée dont la pointe peut être dirigée vers l'avant (Pl. 2, et la ride transverse déjà décrites, un réseau assez fig. 4, 6) ou vers l'arrière. grossier formé de petites pointes et de travées en Le stylocone (Fig. 6,A-C) est une pièce tron- relief, délimitant des mailles profondes dont le conique, longue de 4 mm. (holotype), avec un diamètre atteint communément 0.125 mm. de diamètre proximal de 2.8 mm. et un diamètre diamètre; par endroit, en particulier sur la face distal de 1.5 mm. Sa face inférieure est arrondie. supérieure des marginales, ce réseau peut passer A Ses faces latérales sont légèrement anguleuses. un système de vermiculures (Pl. 1, fig. 5). Du L'ornementation, de même type que celle des côté inférieur, la surface se montre plus unie, le plaques supérieures de la thèque, est comme réseau moins saillant, les mailles plus nombreuses effacée du côté inférieur. La face proximale est et serrées (diamètre compris entre 0.025 et 0.050 occupée tout entière par une cavité profonde, mm.) (PI. 1, fig. 6). Le bord des plaques, les qui représente l'insertion des muscles moteurs faces suturales, les grosses rides de la face supéri- principaux de l'organe. La face supérieure, eure, les bourrelets qui épaississent localement relativement étroite, montre: 1) un bord proxi- certaines marginales sont formés d'un stéréome mal très échancré; 2) une rainure médiane compact dont on ne perçoit guère la trame micro- peu profonde, large de 0.16 mm. (lectotype), scopique. Parfois les bords des plaques ou la surélevée par rapport aux parties adjacentes, partie de leur surface en bordure des rides pré- et limitée par deux fines rides qui se prolongent sentent une fine striation perpendiculaire au bord sur une certaine distance le long des côtés de ou A la ride adjacent. Enfin les surfaces internes l'échancrure proximale; 3) de part et d'autre de la et celles qui servent d'insertion A des muscles ou rainure, une rigole longitudinale subissant, A in- des organes sont lisses et très finement perforées, tervalles réguliers et rapprochés, des élargisse- bien que localement elles puissent montrer une ments formant une suite ininterrompue de dépres- structure en nid d'abeille qui rappelle l'orneman- sions; ces rigoles, comme les rides précitées, re- tation externe. montent le long des bords de l'échancrure proxi- Aulacophore.—L'aulacophore, presque complet, male; 4) enfin, séparant chaque rigole de l'extéri- du lectotype mesure 38 mm. de long, soit 1.35 fois eur, un rebord saillant constitué par une série de la longueur de la thèque (Pl. 1, fig. la,b). Il pré- bosses arrondies séparées les unes des autres par sente les trois parties caractéristiques de cet organe. des creux, bosses et creux s'atténuant en direction La partie proximale offre, chez le lectotype, proximale. Sur chacune de ces bosses s'insérait une longueur de 7 mm., une largeur proximale une plaquette de recouvrement mobile; on compte de 5 mm., et un diamètre distal de 4 mrn. Elle ainsi cinq â six paires de plaquettes de recouvre- est creuse et de section transversale probablement ment pour le stylocone (Pl. 2, fig. 8). ovalaire. Sa paroi consiste en plaquettes nom- La partie distale de l'aulacophore forme en-

Ubaghs—Le genre Ceratocystis Jaekel (Echinodermata, Stylophora) 13 viron les deux tiers de la longueur totale de cet organe. D'un diamètre initial de 1.5 mm. (lecto- type), elle s'amenuise peu a peu en direction lb distale pour, probablement (aucune extrémité dis- tale n'a été observée), se terminer en pointe. Elle est divisée en articles, la plupart simples, quelques uns apparemment composés, c'est-à-dire formés par la coalescence de deux ou plusieurs articles simples successifs. Les articles simples les plus proximaux mesurent 1.13 mm. de longueur, les plus distaux, 0.4 mm. (lectotype). Tous les articles présentent une face inférieure arrondie, qui tend cependant à s'aplanir en direction distale, en sorte que la section transversale prend une allure de plus en plus déprimée (Fig. 6,D, G). Leurs faces la latérales sont légèrement anguleuses. Leur orne- mentation, grossièrement celluleuse sur les côtés, s'efface vers la ligne médiane inférieure. Leur face supérieure, comme celle de l'aulacophore, comporte: 1) une rainure médiane peu profonde, étroite, surélevée, et limitée par deux fines rides qui, a leurs extrémités, divergent légèrement; 2) des dépressions latérales ovalaires, chacune étant 30 4a unie à celle qui la précéde ou la suit par une portion rétrécie; 3) enfin, un bord externe con- stitué par une suite de bosses et de creux, les creux au niveau des dépressions, les bosses a 4b hauteur des rétrécissements. On compte de 3b chaque côté deux ou trois bosses par article simple, et cinq par article composé. Fia. 6. Morphologie du stylocone et de la portion distale de l'aulacophore de Ceratocystis perneri. C'est sur les bosses que s'inséraient les pla- 1. Stylocone (N.M. 35050), section transversale de la quettes de recouvrement. On en compte de deux partie distale, X10. a cinq paires par article. Elles forment une double 2-3. Le même, faces supérieure et inférieure, X10. rangée, capables de s'ouvrir et de se fermer (on 4-5. Article de la region distale (N.M. 22123), faces les observe dans les deux positions) par dessus la supérieure et inférieure, X20. 6-7. Specimens (N.M. 22123, W.M.), sections transver- rainure médiane et les dépressions latérales (Pl. 2, sales de la region distale pratiquées à 3 mm. du fig. 4-7). Elles sont imbriquées, de telle manière stylocone, X20. que leur bord distal recouvre le bord proximal de la plaquette suivante. Leur stéréome paraît avoir (comme le montre d'ailleurs la figure 35 dans le été grossièrement fasciculé, et leur face externe texte, p. 425, du même auteur). Cette seconde porte de petites rides perpendiculaires à leur bord erreur, reproduite par GisiLiN (9, p. 206) fut libre. Celles qui protègent le stylocone ou les corrigée par Cui,NoT (4, fig. 11, p. 14; 5, fig. 11, premiers articles de la partie distale sont hautes p.605). de 1 mm., larges de 0.8 mm., et épaisses, au maxi- L'existence des plaquettes de recouvrement chez mum, de 0.13 mm. Ceratocystis n'échappa ni a JAEKEL (161, p. 667) ni La rainure médiane et la double série des dé- à BATHER (1, p. 424). Le premier les décrivit pressions latérales furent observées par BATHER comme des appendices latéraux ("seitliche An- (I, fig. 33, p. 423), qui n'en reconnut pas la hangsorgane") dont il s'abstint de préciser la sig- nature, mais y vit le résultat d'un remplissage par- nification. Le second les tint pour des restes de ticulier (fluted infilling) de la lumière de l'organe. plaques imbriquées originelles qui, selon lui, De plus, sa figure 33 dans le texte expose ce enfermaient la cavité interne. "remplissage" du côté inférieur de l'organisme, L'aulacophore de Ceratocystis présente la alors qu'il n'est perceptible que du côté supérieur même organisation générale que celle de l'aulaco-

14 The University of Kansas Paleontological Contributions—Paper 22

Répartition.'—Les matériaux originaux, qui font aujourd'hui partie des collections de divers musées d'Europe et servent de fondement à ce travail, ont été recueillis vers 1900 à Dlouha Hora, près de Skryje, en Bohême, par un collectionneur du nom de Marek. 2 On ne connaît pas l'emplace- ment de son gisement. Les fossiles, remarquable- ment complets, abondent dans un grès très argi- leux, de teinte verdâtre. Ceratocystis perneri s'y trouve associé à de nombreux individus d'une espèce de trilobite, par ailleurs assez rare, Ctenocephalus coronatus (BARRANDE). Deux autres gisements ont également fourni des plaques, mais cette fois isolées, de Ceratocystis. M2 L'un se trouve à Dlouh6 Hora, prés de Skryje, dans des schistes fins, argileux, vert-jaunâtre, 2 appartenant à la partie supérieure de la zone à FIG. 7. Comparaison (le la portion médiane (lu bord an- Eccaparadoxides pusillus. On y rencontre, en plus térieur de la thèque (insertion (le l'aulacophore) chez des restes dissociés de Ceratocystis et de l'espèce Ceratocystis (I) et Phyllocystis (2) (reconstitutions), X5. donnant son nom à la zone Solenopleurina tyro- [Explication: Ad, adorale droite; Ag, adorale gauche; vicensis RUièka, Conocoryphe sulzeni (SCHLO- Am, adorale médiane; M, marginale appartenant au côté THEIM), Trochocystites bohemicus BARRANDE ; etc. droit; M', marginale appartenant au côté gauche; S, supra- centrale.] . . . Il semble que ce niveau ne soit pas strati- graphiquement éloigné de celui découvert par phore des autres Cornuta. La présence de plaques MAREK. de recouvrement dans toutes les positions possibles L'autre gisement est situé dans une localité (Pl. 2, fig. 4-7) confère une vraisemblance par- appelée "Buchava," au sud ouest de Skryje, dans ticulière à l'interprétation que suggère déjà la tranchée d'un chemin menant de Skryje dans l'existence d'une rainure axiale, flanquée de dé- la vallée du ruisseau de Zbiroh, près de Podmokly. pressions latérales, à savoir que l'aulacophore est Ce gisement appartient à la partie la plus supéri- un processus brachial, porteur d'un ambulacre eure de la zone à Eccaparadoxides pusillus. La garni de tentacules, protégé par des plaquettes roche en est un schiste gris, renfermant de nom- mobiles et destiné à recueillir et acheminer la breux fossiles, en particulier: E. pusillus ( BAR- nourriture vers la bouche. Comment se tenait-il? RANDE); Ellipsocephalus vetustus POMPECKf, La forme de plus en plus déprimée de sa section Conocoryphe sulzeri (Scm..crrnEim), Skreiaspis transversale à mesure de l'éloignement de la spinosus (JAHN), Bohemiella romingeri (BAR- thèque et l'atténuation progressive de l'ornementa- RANDE), Hyolithes MaXiMUS BARRANDE, etc. tion depuis les faces latérales vers la face inféri- eure, qui est presque lisse, suggèrent qu'il devait, Les renseignements consignes dans ce paragraphe m'ont été très aimablement fournis par mon collègue et ami, le professeur BEDRICH au moins au repos, s'allonger sur le fond de la BOdEK, de Prague. 2 Les étiquettes accompagnant les échantillons du British Museum mer et se déplacer de préférence horizontalement (Natural History) renseignent comme provenance "Slapnitzer Miihle bei Skreje, Bohemia." Ce gisement qui se dit en tchèque Slapnicki vers la gauche et la droite à la recherche des par- m13"n, appartient à la base du Cambrien moyen de Skryje. Comme la roche et l'état de conservation de ces échantillons sont identiques à. ticules organiques (petits organismes et détritus) ceux des autres spécimens étudies, il est possible, sinon probable, qu'une confusion a été commise: le gisement de Dlouhà Flora est en que capturaient ses tentacules. effet assez proche de celui de Slapnickji ml(n.

POSITION PHYLOGENET IQUE ET TAXONOMIQUE Ceratocystis est un Stylophora de l'ordre des supérieure, du côté droit de la thèque, 3) la con- Cornuta, comme le prouvent: 1) la forme ex- struction de l'aulacophore, dont le stylocone et trêmement asymétrique de la thèque, dont les les articles de la région distale sont semblables contours rappellent ceux d'une chaussure, 2) la ceux des autres genres attribués â cet ordre. présence d'une rangée d'orifices accessoires dis- Ces caractères prouvent que Ceratocystis était posés en arc le long de certaines sutures de la face déjà trop engagé dans la voie propre aux Cornuta

Ubaghs—Le genre Ceratocystis Jaekel (Echinodermata, Stylophora) 15 pour pouvoir être considéré comme l'ancêtre pos- posée de grandes plaques, il a pu s'édifier une sible des Stylophora, c'est-à-dire la souche com- thèque formée d'un cadre et de téguments mune des Mitrata et des Cornuta. Il est clair que souples. Pour pouvoir affirmer que C. americana l'individualisation de ces deux branches remonte est phylogénétiquement intermédiaire entre Cera- A un passé très antérieur au Cambrien moyen. tocystis et Cothurnocystis, il faudrait disposer de Ceratocystis se distingue des autres Cornuta beaucoup plus d'informations détaillées et criti- par: 1) le faible degré de différenciation des mar- ques sur la morphologie de la forme américaine. ginales par rapport aux centrales, 2) la taille et Mais il existe peut-être un indice que Cerato- le nombre peu élevé des centrales, 3) le grand cystis n'est probablement pas l'ancêtre des Cor- développement de l'adorale médiane et la par- nuta: c'est le mode d'insertion de l'aulacophore ticipation de deux adorales latérales à la con- sur la thèque. Chez tous les Cornuta et Mitrata stitution de la face inférieure de la thèque, 4) la connus, deux puissantes apophyses, portées par conformation des orifices accessoires, simples pores suturaux, 5) la présence de deux pores suturaux M 1 et M' 1 , se dressent sur le plancher de la thèque supplémentaires dans la moitié gauche du corps, en travers du passage reliant la cavité de celle-ci placés respectivement sur le bord antérieur et sur à celle de l'aulacophore (Fig. 7). Elles servaient la face inférieure, 6) la position infère de l'orifice manifestement d'attache aux muscles moteurs de adora! droit (hydropore?), 7) l'absence de zygale cet organe. Or ces apophyses ne sont pas présentes (barre transversale qui, chez la plupart des Cor- chez Ceratocystis. On y relève seulement l'exist- nuta, unit, du côté inférieur, le bord antérieur ence sur M 1 d'une légère saillie triédrique qui gauche et le bord latéral droit ou le bord posté- pourrait représenter une ébauche d'apophyse, mais rieur, en recoupant l'axe oro-anal), 8) le défaut cette saillie n'a pas de symétrique sur M' 1 et son d'apophyses servant d'insertion aux muscles rôle dans la fixation des muscles ne pouvait être moteurs de l'aulacophore, 9) la nature du que minime. En revanche, on trouve des inser- squelette (nombreuses écailles imbriquées au lieu tions musculaires latérales sur les faces adaxiales d'anneaux quadripartites) de la région proximale, des adorales droite et gauche. 11 s'agit donc d'un 10) la présence d'au moins deux paires de plaques dispositif différent, mis au service d'une même de recouvrement par article dans la région distale fonction et lié a des plaques apparemment distinc- de l'aulacophore. tes. C'est l'indication que Ceratocystis appartient à Presque tous ces caractères sont distinctifs. Ils une lignée différente de celle renfermant Cothur- établissent sur une base solide l'autonomie d'un nocystis et les autres Cornuta connus. Il paraît genre qu'on ne peut confondre avec nul autre. dès lors logique de placer Ceratocystis dans une Convient-il pour autant de le placer dans une famille à part, comme le recommande d'ailleurs le famille distincte, comme l'ont fait JAEKEL (10, fait que ce genre diffère davantage de Cothurno- 11) et BATHER (1), Ou faut-il, avec CUÉNOT (4, cystis ou de Phyllocystis que ceux-ci ne diffèrent 5) et GEKKER (7), l'associer à d'autres genres, tels entre eux. que Cothurnocystis ou Phyllocystis, qu'il rappelle Malgré qu'il soit déjà un Cornuta typique et dans une certaine mesure? Cette question pose le qu'il appartienne probablement à quelque lignée problème des rapports de filiation parmi les Cor- collatérale, Ceratocystis paraît conserver un certain nuta. Ceratocystis est-il l'ancêtre de Cothurno- nombre de traits propres à la souche des Stylo- cystis ou de quelque autre genre? Remarquons phora. En premier lieu, son organisation générale tout d'abord qu'on ne connaît aucune forme de ne peut appartenir qu'A cette souche, puisque tous transition entre ces genres. Il existe, il est vrai, les Stylophora la possèdent. En second lieu, son dans le Cambrien supérieur (Trempealeau) du asymétrie si prononcée doit être héritée de quel- Nevada, une espèce, Cothurnocystis americana, que ancêtre commun à toute la classe, car c'est un chez laquelle des traits de Ceratocystis (présence caractère fondamental de celle-ci; la bilatéralité d'une ride triradiée sur la face supérieure et de que montrent certaines lignées, d'ailleurs spécial- grandes plaques sur la face inférieure, absence de isées et tardives, n'est pas primitive, mais certaine- zygale) semblent combinés à une organisation de ment acquise. En troisième lieu, comme Cerato- Cothurnocystis en voie de réalisation (14). Mais cystis possède des traits qu'on retrouve chez les ces mélanges apparents de caractères ne suffisent Mitrata, c'est que leur ancêtre commun les pré- pas à établir une descendance; ils suggèrent seule- sentait aussi. Nous songeons en particulier au ment comment, à partir d'une thèque rigide corn- défaut complet de cadre différencié, du type ren-

16 The University of Kansas Paleontological Contributions-Paper 22 contré plus tard chez Cothurnocystis ou Phyllo- Si telle est bien la signi fication de ces carac- cystis. Peut-être convient-il de mentionner aussi tères, en comparant Ceratocystis à un autre car- la présence de plaquettes multiples et imbriquées poïde, aussi ancien que lui, Trochocystites, on dans la région proximale de l'aulacophore, car peut mesurer toute l'importance de l'écart existant cette disposition se retrouve chex le Mitrata entre Stylophora et . Ces derniers possèdent Lagynocystis. un pédoncule, mais pas d'aulacophore; leurs Mais d'autres caractères de Ceratocystis peu- orifices principaux, au lieu d'être opposés, sont vent se révéler également primitifs. Il est toutefois voisins et proches de la même extrémité du corps; difficile d'en être certain, si Ceratocystis ne res- des rainures, probablement ambulacraires, sont sortit pas à la même branche phylétique que les creusées dans leurs marginales et, de ces rainures, autres Cornuta. Il paraît cependant raisonnable Ceratocystis et nul autre Cornuta ne montrent d'admettre que l'existence de trois grandes adora- des traces; leur thèque enfin consiste en téguments les au lieu de deux, le développement remarquable parquetés de plaquettes et compris dans un cadre de l'adorale médiane, l'entaille du bord antérieur rigide formé d'épaisses marginales-caractère ac- de cette plaque (entaille encore présente chez quis par les Cornuta, mais non pas primitif, Phyllocystis), l'intervention des deux adorales comme le montre Ceratocystis. Il semble donc latérales dans la constitution de la face inférieure qu'en remontant vers la source, les oppositions, de la thèque, la présence de quelques pores acces- loin de se résoudre, tendent plutôt â se renforcer. soires du côté gauche du corps, la position de On ne peut y voir qu'une indication, â savoir que l'hydropore( ?) sur la face inférieure, le faible les Cincta et les Cornuta représentent deux degré de différenciation de la rainure médiane, et rameaux distincts, dont rien â présent ne permet des dépressions latérales de l'aulacophore, consti- d'affirmer qu'ils se détachent d'une même tuent autant de traits archaïques et peut-être branche. L'hétérogénéité des carpoïdes, prévues ancestraux. par certains (5,7), s'en trouve confirmée.

REFERENCES

BATHER, F. A. tologie, échinodermes, hémichordés, progono- (/) 1913, Caradocian Cystidea from Girvan: Royal phores, et chaetognathes). Soc. Edinburgh, Trans., v. 49, pt. 2, P. 359-529, GILL, E. D. & CASTER, K. E. fig. 1-79, pl. 1-6. (8) 1960, Carpoid from the and (2) 1925, Cothurnocystis: a study in adaptation: of Australia: Bull. Am. Paleontology, Palaont. Zeitschr., v. 7, p. 1-15, fig. 1-12. v. 41, p. 1-71, fig. 1-12, pl. 1-10.

CHAUVEL, JEAN GisLiN, T. (3) 1941, Recherches sur les cystoïdes et les carpoïdes (9) 1930, Affinities between the Echinodermata, En- armoricains: Thèses présentées ii la Faculté des teropneusta, and Chordonia: Zool. Bidrag. Upp- Sciences de Rennes, n° (l'ordre 3, sér. 6, 286 p., sala, v. 12, p. 199-304, fig. 1-46. 7 P1 . JAEKEL, O. CUÉNOT, LUCIEN (10) 1901, Über Carpoideen, eine neue Klasse von (4) 1948, Anatomie, éthologie et systématique des Pelmatozoen: Deutsch. Geol. Gesell., Zeitschr., échinodermes: in Traité de zoologie, P.-P. Grassé Jahrg. 1900, v. 52, p. 661-677, fig. 1-11. (éd.), v. 11, p. 3-272, fig. 312, Masson et Cie (11) 1918, Phylogenie und System der Pelmatozoen: Palaont. Zeitschr., v. (Paris). 3, p. 1-128, fig. 1-114. TERMIER H. & TERMIER G. (5) 1953, Classe des hétérostélés: in Traité de paléon- (12) 1948, Les échinodermes du Paléozoïque inférieur: tologie, Jean Piveteau (éd.), v. 3, p. 599-606, fig. La Revue scientifique, année 86, pt. 10, p. 613- 1-12, Masson et Cie (Paris). 626, fig. 1-41. DELPEY, GENEVIÉVE UBAGHS, GEORGES (6) 1941, Mode particulier de nutrition de certains (13) 1961, Sur la nature de l'organe appelé tige ou échinodermes: l'ouverture interne de la bouche: pédoncule chez les carpoïdes Corn uta et Mitrata: Soc. géol. France, Bull., v. 11, p. 87-95, fig. 1-3. Acad. Sci. Paris, Comptes Rendus Séances, v. GEKKER [HECKER], R. F. 253, P. 2565-2567, fig. I. (7) 1964, Klass Carpoidea, Karpoidei: in Osnovy (14) 1963, Cothurnocystis Bather, Phyllocystis Thoral paleontologii, Y. A. Orlov (éd.), Iglokozhie, and an undescribed member of the order gemikhordovye, pogonofory, i shchetinkochely- (Echinodermata, Carpoidea) in the uppermost ustnye, p. 23-28, pl. 1, fig. 5-10 (Moskva) Cambrian of Nevada: Jour. Paleontology, v. 37, (Classe Carpoidea, in Fondements de la Paléon- P. 1133-1142, pl. 151-152.